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Frédéric Taddeï et ses invités débattent des grandes questions du XXIe siècle dans les #VisiteursDuSoir

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00:00:00 Bonsoir, c'est Frédéric Taddeï. Nos visiteurs du soir sont en train de prendre possession du plateau.
00:00:08 L'émission va commencer dans quelques instants, mais d'abord un point sur l'actualité avec Isabelle Piboulot.
00:00:14 Bonsoir Frédéric, bonsoir à tous. Emmanuel Macron souhaite que la réforme des retraites puisse aller au bout de son cheminement démocratique,
00:00:25 mais pour l'heure les manifestations non déclarées continuent. On prend tout de suite la direction du Forum des Halles dans le 1er arrondissement de Paris.
00:00:32 Retrouvez Augustin Donadieu. Augustin, quelle est la situation sur place à 22h ?
00:00:37 La situation ici est en train de s'améliorer dans le quartier de Montorgueil. Je vous le rappelle, un rassemblement non déclaré aux Halles de Châtelet.
00:00:46 Après l'appel à manifester sur les réseaux sociaux, 350 personnes se sont mobilisées et ont tenté d'investir le quartier de Montorgueil,
00:00:54 un quartier très touristique de la capitale où se trouvent de nombreux bars. Mais la manifestation a tourné court rapidement.
00:01:00 Au bout de seulement 10 minutes, le cortège très revendicatif s'est retrouvé nassé dans une rue depuis 19h20.
00:01:07 Depuis 19h20, ces gens se retrouvent bloqués. Ils sont évacués et invités par petits groupes à quitter les lieux.
00:01:15 Mais pour les personnes encore bloquées par les forces de l'ordre que vous voyez sur ces images,
00:01:19 la tension ne redescend pas puisqu'ils continuent de scanner des slogans anti-réforme des retraites, anti-police également.
00:01:28 Alors je vous parle, on compte 6 interpellations parmi ces personnes qui se sont rassemblées pour cette mobilisation non déclarée à Paris.
00:01:36 Merci beaucoup Augustin. Donne adieu en duplex du Forum des Halles à Paris. Merci à Laurence Ellarié pour les images.
00:01:43 Restez bien avec nous. Prochain point sur l'actualité dans 30 minutes.
00:01:48 [Générique]
00:02:00 Bonsoir, bienvenue sur le plateau des visiteurs du soir. Mes invités ce soir s'appellent Bernard Laponche et Hervé Machenault.
00:02:09 Ils sont tous les deux ingénieurs, tous les deux polytechniciens. Mais sur le nucléaire, ils ne sont pas d'accord, ce qui est très bien pour nous.
00:02:15 Quand on comprend pourquoi les gens ne sont pas d'accord, on comprend mieux où est le problème.
00:02:20 Et puis il y a le débat sur la fin de ville, lancé par Emmanuel Macron.
00:02:24 Une convention citoyenne doit rendre ses recommandations début avril.
00:02:28 Michel Lévy-Soussan y a assisté en tant que médecin spécialisé dans les soins palliatifs et en tant que chercheuse.
00:02:35 François de Closet, lui, fait partie des signataires du manifeste paru dans l'Obs en faveur d'une aide active à mourir.
00:02:43 Il y aura également Emmanuel Hirsch, qui est professeur émérite d'éthique médicale.
00:02:47 Il nous rejoindra tout à l'heure, ainsi que le géographe Alexandre Schirati, qui publie une histoire du voyage à vélo.
00:02:53 Il voudrait que les vélos sortent des centres-villes, qu'on se remette au cyclo-tourisme comme autrefois.
00:03:01 Mais pour commencer, je profite de la présence de François de Closet pour évoquer avec lui un problème de génération.
00:03:07 François de Closet, dans votre dernier livre, la parenthèse "Boomers", vous en prenez à la génération du "Baby Boom".
00:03:14 C'est vrai qu'ils sont devenus les boucs émissaires commodes de tous les maux qui traversent notre pays.
00:03:20 La jeune génération les traite avec condescendance.
00:03:24 Ok, "Boomers", c'est quand même une façon de les prendre un peu par-dessus la jambe.
00:03:28 La génération d'au-dessus, la vôtre, qui a connu la Seconde Guerre mondiale, les considère un peu comme des enfants gâtés qui ont cassé tous leurs jouets.
00:03:39 Est-ce que ça n'est pas un problème, François de Closet, de mettre tout le monde dans une génération ?
00:03:46 De mettre tout le monde dans le même sac ?
00:03:49 Quel est le rapport ? J'ai regardé 1950, Jean-Marc Ayrault, notre ancien Premier ministre, est né en 1950.
00:03:55 Et Miu Miu, l'héroïne des Valseuses, quel rapport y a-t-il entre Jean-Marc Ayrault et Miu Miu ?
00:04:01 Vous savez, lorsque les éléments essentiels qui rassemblent les gens, c'est-à-dire la nation, c'est-à-dire les grandes idéologies,
00:04:11 quand tout ça affiche le camp, quand les individus eux-mêmes cessent de sentir des citoyens pour n'être plus que des individus occupés de leur nombril,
00:04:21 à ce moment-là, qu'est-ce qui peut rassembler les gens ? Ce qui les rassemble, c'est l'histoire du vécu.
00:04:26 C'est-à-dire pour moi, la génération, c'est pas un phénomène chronologique, c'est pas la classe temps, la classe temps, c'est pas ça.
00:04:34 C'est le fait que ces gens ont vécu ensemble.
00:04:37 Si vous voulez, il y a la génération qui avait de la Première Guerre mondiale, il y a la génération de la Seconde Guerre mondiale.
00:04:43 Ils ont vécu comme un tout de même, dans un paradigme, dans une façon de ressentir et d'agir qui est commune.
00:04:51 Et c'est en ce sens que je pense qu'il y a effectivement une génération boomer, c'est-à-dire c'est la génération d'après-guerre,
00:05:01 qui en France, ça a été des générations très nombreuses, 800 000, 850 000, c'était normal de l'après-guerre, mais ça a duré en France.
00:05:12 Et cette génération, elle va en quelque sorte prendre la France, chacun à son tour, disons dans les années 80.
00:05:21 Et la France qu'elle prend à ce moment-là, la France de 1970, c'est une France extraordinaire, c'est une France qui domine l'Europe.
00:05:30 Et les Français, ils sont très européens, pourquoi ?
00:05:33 Tout simplement parce qu'ils pensent qu'au fond, la France est une extension de l'Empire français qui remplace l'Empire colonial.
00:05:40 Et la France domine, la France sortie de Gaulle, elle a les finances les plus solides du monde, son industrie marche.
00:05:51 Bon, et pendant les 50 ans pendant lesquels la génération en question va dominer la France, qu'est-ce que c'est ces 50 ans ?
00:06:02 C'est les premières, premières périodes aussi longues en 2000 ans pendant lesquelles il n'y aura pas de guerre, il n'y a pas de catastrophes,
00:06:12 pas de famine, pas d'épidémie, rien. L'histoire, l'histoire tragique elle hiberne.
00:06:18 Et ils n'ont qu'à entretenir ceux qui sont retenus, ceux qui sont reçus.
00:06:25 Et qu'est-ce qu'ils vont faire, ces héritiers ?
00:06:27 Eh bien, ils vont tout simplement transformer la France pour en faire un pays en plein déclin, un pays accablé de dettes.
00:06:35 Et c'est vraiment monstrueux de n'avoir su tirer profit de cette période bénie, incroyable, que pourfiche en l'air le pays.
00:06:47 François de Clauzet, vous avez cité, il y a des gens, il y a une génération qui a connu la Première Guerre mondiale,
00:06:53 il y en a une, la vôtre, qui a connu, enfant, la Seconde Guerre mondiale, ce sont des traumatismes, et vous avez raison,
00:06:58 sans doute, ça fonde une génération. Quand justement on n'a pas connu de traumatismes, qu'est-ce qu'ils font de les générations ?
00:07:05 Éventuellement la technologie. Moi par exemple, je suis une génération qui a grandi avec la télé, ce qui n'était pas le cas des premiers boomers par exemple.
00:07:11 Il y a une génération aujourd'hui, celle de mes enfants, qui a grandi avec Internet et un smartphone.
00:07:18 Les boomers, on pourrait dire, le seul truc qui les rassemble, c'est qu'ils ont grandi peut-être avec un électrophone, à la limite.
00:07:24 D'ailleurs, leur goût musicaux ont beaucoup influencé le reste de la planète. Mais sinon, il n'y a pas grand-chose, c'est ça que je veux dire.
00:07:31 Frédéric, je me suis posé moi la question, enfin, qu'est-ce qui a pu faire que tout à coup la France, qui avec De Gaulle était montée si haut,
00:07:40 commence à décliner, décliner, décliner ? Et droite-gauche, c'est pareil, c'est la France Mitrac, Mitterrand-Chirac, c'est pareil.
00:07:47 Ça décline et les dettes s'accumulent. Qu'est-ce qui a pu arriver ?
00:07:51 Mais Mitterrand, il est plus âgé que vous, ce n'est pas un boomer, et Chirac ?
00:07:55 Pour moi, je vous ai dit, la génération est historique. Et la génération des boomers, s'est donnée un chef avec Mitterrand,
00:08:03 qui était de la génération précédente, on s'en fiche, Mitterrand était complètement emblématique des boomers.
00:08:10 Alors je me suis dit, mais qu'est-ce qui peut expliquer ce déclin dans une période aussi favorable ?
00:08:17 Et il y a une réponse toute bête, c'est la période favorable. Il ne faut pas dire, bien que tout se soit si bien passé,
00:08:26 comment se peut-il ? C'est parce que ça s'est bien passé. C'est l'histoire de Capoue, c'est une fois qu'on a tout.
00:08:33 Souvenez-vous en 68, non, non, s'il vous plaît, ne nous donnez pas autant à consommer, on n'en peut plus de la croissance.
00:08:43 Non mais ce n'est pas vrai. Et donc, c'est à partir de là que les Français se sont mis à considérer,
00:08:50 ça, l'esprit de la génération, que tout ce qu'ils avaient reçu, c'était un dû, c'était un dû, c'était acquis à tout jamais.
00:08:59 On se souvient que vous avez fait un best-seller à l'époque qui s'appelait "Toujours Plus".
00:09:02 Mais vous adressiez à tous les Français, y compris à ceux de votre âge, pas seulement aux boomers.
00:09:08 Voilà, le "Toujours Plus", c'est merveilleux parce que ce n'était pas un livre, c'était un phénomène de société.
00:09:15 On a vendu plus d'un million et demi d'un livre, si on se pôt, alors c'est vous dire.
00:09:19 Mais les Français s'y sont reconnus. Bon, ça m'a étonné.
00:09:24 Tous !
00:09:25 Tous !
00:09:26 Pas selon les générations.
00:09:28 Ils sont tous reconnus, mais ils ont continué comme ça. Continué parce qu'effectivement, il n'y avait plus de défis à relever.
00:09:37 Mais est-ce que vous n'avez pas l'impression qu'en fait, dans ce livre, vous faites le procès d'une époque plus que celle d'une génération ?
00:09:43 Parce qu'au fond, les années 70-80, vous dites "les boomers arrivent et prennent le pouvoir",
00:09:47 mais dans les années 70-80, c'est Jacques Chirac qui est Premier ministre, il a votre âge,
00:09:51 c'est Roger Gickel qui présente le journal de 20 heures, il a votre âge,
00:09:55 c'est Michel Hidalgo qui est le sélectionneur de l'édition de France, il a votre âge.
00:09:59 Mais on se fout de l'âge ! La tendance est de voir ceux en qui cette génération se reconnaît.
00:10:05 Et qu'ils soient un peu plus jeunes, un peu plus vieux, on s'en fiche.
00:10:08 Mais manifestement, Mitterrand et Chirac, dans leur conservatisme BA,
00:10:14 ont parfaitement incarné cette génération, et qu'ils se croyaient avant, après, on s'en fiche complètement.
00:10:19 D'accord, c'est pas une génération, c'est l'époque.
00:10:21 Oui, si vous voulez, c'est l'époque qui suscite.
00:10:25 Et tout de même, ce qui est très important, c'est que le phénomène générationnel,
00:10:30 c'est ce qui a été fondamental dans la France depuis 1945, parce que c'est le vieillissement.
00:10:38 La France est une société de vieillissement, comme toutes les sociétés occidentales.
00:10:43 Et elle n'en tient aucun compte. Qu'est-ce que ça veut dire, le vieillissement ?
00:10:46 Le vieillissement, ça veut dire 25 ans de plus. 25 ans de plus, qu'est-ce que ça veut dire ?
00:10:51 Ça veut dire une génération de plus. Avant, les vieux, ils n'avaient très peu,
00:10:54 ils partaient très vite, on s'en foutait.
00:10:56 Là, tout d'un coup, c'est le tiers, aujourd'hui c'est le quart,
00:11:02 demain ce sera le tiers de la population, c'est énorme.
00:11:05 Et on s'aperçoit qu'intergénérationnel, les relations sont très difficiles.
00:11:12 Qu'est-ce que c'est aujourd'hui l'histoire de la retraite ?
00:11:17 C'est évidemment un problème intergénérationnel, et qui est très mal posé.
00:11:21 Les Français ne le comprennent pas, les Français, ils croient que c'est un problème social classique.
00:11:25 C'est-à-dire, on prend aux riches pour donner aux pauvres.
00:11:28 Tiens, donc, pas du tout. Si on donne des années en plus, si on donne des retraites en plus,
00:11:33 à qui on va le prendre ? Pas en haut, on va le prendre à nos enfants, à la génération des actifs.
00:11:40 Donc, ce n'est plus un problème social, contrairement à ce qu'on croit, à la verticale,
00:11:46 c'est un problème générationnel à l'horizontale.
00:11:50 Et il y a le grand problème générationnel que personne ne veut voir, c'est-à-dire non pas celui...
00:11:59 Je vous ai dit, il y a une nouvelle génération qui a été faite par le vieillissement.
00:12:02 Il n'y en a pas une, il y en a deux. Il y en a une, c'est ce qu'on appelle les seniors.
00:12:06 C'est à peu près 60, 80 ans, si vous voulez.
00:12:10 Et là, on est en pleine forme, en pleine santé, on peut agir, on peut faire des choses,
00:12:15 et on se met à la charge de ses enfants.
00:12:18 Mais après, il y a 80, 100 ans, et là, ce n'est plus pareil.
00:12:24 Il ne faut pas seulement avoir des pensions, un peu d'argent pour vivre. Non !
00:12:32 On se retrouve seul, parce que la famille est éclatée.
00:12:36 On se retrouve devoir vivre seul et supporter toutes les atteintes de l'âge,
00:12:42 sur le plan de la sénilité, de l'impotence, et on est seul chez soi,
00:12:46 et on ne veut pas sortir.
00:12:48 Donc tous ces Français, il y en a un million et demi, deux millions, trois millions demain,
00:12:52 tous ces Français qui sont là, ils vont vouloir rester chez eux,
00:12:55 ils vont vouloir vieillir chez eux.
00:12:58 Ah oui ? Et ce n'est pas seulement de l'argent dont ils auront besoin.
00:13:02 Vous le savez très bien, c'est tout un environnement.
00:13:06 C'est des personnes qui viennent les aider tous les jours,
00:13:09 qui viennent faire leurs toilettes, qui viennent les faire manger,
00:13:13 qui viennent s'occuper d'eux, qui la nuit dorment à côté pour vérifier qu'eux.
00:13:18 Voilà, c'est ça qu'on a devant nous. On appelle ça la défendance.
00:13:22 Alors, c'est quand même curieux, parce que vous voyez,
00:13:25 sur les retraites, qui concernent essentiellement les seniors,
00:13:29 sur les retraites, on fait une retraite avec un mimodrame général en France,
00:13:37 on fait ça à peu près tous les deux ans, on est à 4/5e.
00:13:41 Mais on sait que devant, il y a le problème de la dépendance,
00:13:46 pas les seniors, les vieux.
00:13:48 Et déjà Sarkozy avait dit "oui, c'est le cinquième risque de la sécurité sociale,
00:13:54 je vais faire une loi", il ne l'a fait pas du tout.
00:13:56 Est arrivé Hollande qui a dit "ah oui, mais il y a le problème des seniors,
00:14:00 on va faire une loi", il ne l'a fait pas du tout.
00:14:02 Est arrivé M. Macron, "eh bien, on va faire la loi", il n'a rien fait.
00:14:07 Pourquoi personne n'ose saisir ce problème ?
00:14:11 Parce qu'on ne peut pas le résoudre.
00:14:13 Parce que l'ensemble de tous ces vieux, seuls, chez eux, dont il faudrait s'occuper,
00:14:20 nous n'avons d'abord pas l'argent, juste un détail.
00:14:23 Et puis, imaginez, ne vous inquiétez pas trop, vous avez cet âge-là,
00:14:27 vous vous portez très bien, donc tout le monde n'est pas dans un cas de dépendance.
00:14:31 Mais effectivement, ça va bien, je continue à travailler, je suis dans ma 90e année.
00:14:38 Il y en a plein d'autres.
00:14:39 Ce n'est pas un modèle, c'est un privilège.
00:14:42 Si je continue, c'est parce que j'ai gagné ma vie en faisant ce qui me passionne.
00:14:47 Alors évidemment, il faudra me tuer, moi je ne peux pas m'arrêter.
00:14:49 Mais malheureusement, je sais très bien que si ma vie s'était passée sur les chantiers,
00:14:56 dans les égouts, dans les abattoirs, à 60 ans, je n'aurais eu qu'une envie, c'est de m'en aller.
00:15:03 Donc tout de suite, il faut dire, la retraite à 60 ans pour les métiers pénibles,
00:15:08 comme on dit, la retraite ouvrière, oui, la retraite pour tous à 60 ans,
00:15:13 il ne faut pas se foutre du monde.
00:15:15 Tout autour de nous, les gens travaillent jusqu'à 65 et peut-être demain jusqu'à 67 et plus,
00:15:21 il n'y a que les Français qui, "ah non, à 60 ans, ils n'en peuvent plus".
00:15:25 Et donc ce n'est pas un problème social, parce qu'ils ne demandent pas aux riches de les entretenir,
00:15:30 ils demandent ça à leurs enfants.
00:15:31 Or, les gens de 60 ans, déjà, ils ont un niveau de vie supérieur,
00:15:37 nettement supérieur à leurs enfants aux actifs et ils en demandent encore plus.
00:15:42 Non, ce n'est pas admissible.
00:15:44 Et donc, juste, dernière chose, il faut le savoir, on a devant nous ce problème,
00:15:50 ce n'est pas des seigneurs qui demandent de l'argent, mais des vieux qui demandent des assistantes,
00:15:55 de la dépendance, cette loi, personne n'ose la faire, parce que personne n'a la solution.
00:16:01 Si la France avait la situation qui sera sa situation démographique, disons, vers 2050,
00:16:11 si elle l'avait aujourd'hui, avec toutes les dépenses, ça ferait 100 milliards de plus qu'il faudrait trouver.
00:16:18 Ces 100 milliards, on ne les trouvera sûrement pas avec nos 160 milliards, déjà, de déficit,
00:16:25 mais surtout, on ne trouvera nulle part les gens qui accepteront, même pour de l'argent,
00:16:32 de se consacrer tout entier à des vieux pour aller les nettoyer, pour aller les faire manger,
00:16:39 pour aller les soigner, pour aller les sortir, où vous les trouverez ?
00:16:42 Ils n'existent pas, sauf, ils existent, ce sont des seigneurs, c'est des seigneurs qu'il faut mettre au travail,
00:16:51 en leur disant, dites donc, vous êtes en pleine forme, vous avez une retraite, d'accord, mais vous devez quelque chose,
00:16:58 donc vous irez, pas à temps complet, pas 25 heures par semaine, mais quelques heures, vous irez vous occuper des vieux,
00:17:10 et demain, vous serez trop heureux étant vieux que d'autres seigneurs viennent s'occuper de vous,
00:17:16 ou bien on fait cette réforme que je propose, ou bien on va se casser la figure sur ce problème des générations
00:17:22 qu'on est infoutus de résoudre.
00:17:24 – Écoutez, on vous a tous entendu, on se souviendra que vous l'avez proposé ce soir-là, dans cette émission,
00:17:32 merci François de Clauzet, on va s'intéresser maintenant au nucléaire,
00:17:37 parce que Dieu sait s'il y a des débats sur le nucléaire, et si on nous parle du nucléaire toute la journée en ce moment,
00:17:43 mais d'abord, une pause.
00:17:46 Tous les deux sont ingénieurs, tous les deux sont polytechniciens, mais sur le nucléaire, ils ne sont pas d'accord,
00:17:57 et c'est pour ça que nous les avons invités ensemble, Bernard Laponche, ancien ingénieur au commissariat à l'énergie atomique,
00:18:03 vous avez été directeur général de l'Agence française pour la maîtrise de l'énergie,
00:18:07 vous avez été conseiller de Dominique Voynet au ministère de l'Environnement,
00:18:11 vous êtes l'auteur avec Benjamin Dessus de "En finir avec le nucléaire, pourquoi et comment ?"
00:18:17 c'était paru en 2011, Hervé Machenaud, vous avez été directeur adjoint de l'aménagement de la centrale nucléaire de Paluel,
00:18:24 en Seine-Maritime, vous avez été directeur technique pour la construction de la centrale nucléaire de Daya Bay à Shenzhen, en Chine,
00:18:31 vous avez conduit de nombreux projets pour EDF, dont vous avez été le directeur exécutif,
00:18:36 tout en occupant la fonction de directeur de la branche Asie-Pacifique, et vous êtes l'auteur de "La France dans le noir, c'est maintenant".
00:18:44 Alors on exportait de l'électricité, Naguère encore, aujourd'hui on en importe, et quand on nous demande pourquoi,
00:18:51 on nous répond soit on n'a pas investi suffisamment dans le renouvelable, soit on est sorti trop tôt du nucléaire.
00:18:59 Quel est votre avis, Bernard Laponche ?
00:19:02 Je crois que c'est ni l'un ni l'autre. En fait, le parc nucléaire a été conçu pour représenter à peu près 70% de la production d'électricité en France,
00:19:15 ce qui veut dire que dans la plupart du temps, par rapport aux besoins de la consommation française, il y avait un surplus,
00:19:25 et donc la France était plutôt exportatrice. Il se trouve qu'on peut dire qu'à partir de la déconfiture industrielle de l'EPR,
00:19:36 il y a eu moins de production sur le marché, et ça c'est pour les nouveaux réacteurs qui devaient arriver,
00:19:44 l'EPR devait arriver à partir de 2012, et il n'a toujours pas démarré, donc ça fait un manque,
00:19:50 et d'autre part, sur les réacteurs qui fonctionnent actuellement, il y a une série de difficultés, en particulier, il y en a deux,
00:19:58 le fait que pour les réacteurs de puissance de 900 MW, les premiers construits, les 32 qui sont en fonctionnement,
00:20:07 il y a une demande d'EDF de prolonger la vie de ces réacteurs, donc il y a des travaux très importants pour répondre à cette demande,
00:20:14 ce qui fait qu'il y a des temps de travaux qui diminuent le temps de production, c'est le premier effet.
00:20:20 Le deuxième effet, c'est la découverte en 2021 de fissures sur un certain nombre de réacteurs, surtout les plus récents,
00:20:28 ce qui était d'ailleurs très inquiétant, et qui se produisent aussi sur les moyens de 1300,
00:20:33 et on vient de découvrir une nouvelle cause de fissures basée sur des difficultés de soudure.
00:20:40 Donc le parc est en mauvais état, et ce mauvais état fait qu'on est obligé d'importer sur les périodes...
00:20:48 - Hervé Bachnot, même question ?
00:20:51 - J'ai écrit la première édition de "La France dans le noir" il y a 5 ans, pour expliquer ce qui allait se passer aujourd'hui.
00:21:00 A force de fermer des centrales pilotables, et de construire des centrales non pilotables, c'est-à-dire éoliennes et solaires,
00:21:11 on se trouve nécessairement dans la situation où on est aujourd'hui.
00:21:15 Le problème, c'est que le pilotable, en Europe, on a besoin de l'électricité quand il n'y a ni vent ni soleil.
00:21:26 La disponibilité des éoliennes, c'est à peu près 23% du temps, celle du solaire 13%.
00:21:34 Donc il faut bien des moyens de production pour le reste du temps.
00:21:39 Or, il se trouve que quand on a le plus besoin d'électricité en France, c'est l'hiver, quand il fait nuit,
00:21:47 et quand il fait très froid, il n'y a ni vent ni soleil, on l'a connu début décembre.
00:21:53 Dans ces cas-là, pour le maximum de consommation nécessaire pour la France, on est obligé d'avoir un parc pilotable.
00:22:00 Il était de 70-80, il a été jusqu'à 85% nucléaire, 10% hydraulique, et le reste ajusté par des centrales à charbon.
00:22:11 Le fait qu'on ait introduit la concurrence, les producteurs ont arrêté leurs centrales qui y servaient le moins souvent.
00:22:20 On n'a plus la pointe. On a fermé en Europe 60 GW de thermique entre 2005 et 2015.
00:22:30 Et on a voulu remplacer ça par du renouvelable.
00:22:39 Évidemment, ça ne fonctionne pas.
00:22:42 Le parc est nécessairement pilotable, et tout ce qui vient en plus, en France, réduit l'efficacité du parc pilotable, en particulier nucléaire.
00:22:56 C'est vrai qu'aujourd'hui, pour des raisons structurelles, on a réduit la capacité pilotable, on a fermé Fessenheim,
00:23:08 et pour des raisons conjoncturelles, il y a un grand programme de ce qu'on appelle le grand carénage pour passer de la quatrième décennale,
00:23:21 c'est-à-dire passer à 40 ans.
00:23:23 Je précise que c'est un programme extrêmement important parce qu'on a voulu,
00:23:29 et c'est une caractéristique de la France, faire passer les centrales qui étaient dites de génération 2, c'est-à-dire les premières centrales,
00:23:38 au niveau de sûreté des centrales de nouvelle génération,
00:23:42 c'est-à-dire la prise en compte dans le design d'une façon déterministe des accidents graves avec fusion du cœur.
00:23:49 Le principe initial, c'est que la fusion du cœur ne pouvait pas arriver.
00:23:54 Elle est arrivée trois fois dans l'histoire à Srimaï Island, à Tchernobyl et à Fukushima.
00:23:59 On s'est dit qu'on allait maintenant prendre en compte d'une façon déterminée.
00:24:04 On a modifié les centrales françaises, ce qui fait que les travaux correspondants à la quatrième décennale sont trois fois plus importants que les travaux précédents.
00:24:13 Ce programme qui était déjà très tendu a été perturbé par le Covid,
00:24:17 d'où la baisse de capacité de production aujourd'hui qui explique en partie, mais en partie seulement, éprovisoirement, la perte de production.
00:24:29 On a bien compris, effectivement, que vous n'êtes pas d'accord.
00:24:32 Si.
00:24:33 Si, mais enfin, oui, si, quand même.
00:24:35 En fait, ça confirme.
00:24:37 Voilà. On fait un point sur l'actualité, on y revient tout de suite.
00:24:44 Quatrième soirée consécutive de rassemblement à Paris depuis le recours au 49.3 par le gouvernement.
00:24:50 Jeudi, les manifestations non déclarées continuent dans la capitale.
00:24:54 Augustin Donat-Dieu, vous êtes en duplex du Forum des Halles.
00:24:58 Vous avez suivi le rassemblement depuis 18h.
00:25:00 Quelle est l'atmosphère ce soir à 22h30 ?
00:25:03 Eh bien, écoutez, ici sur place dans le quartier Montorgueil,
00:25:07 il y a quelques encablures de Châtelet, L. et Halles en plein cœur de la capitale.
00:25:11 Ce rassemblement est terminé. L'intervention des forces de l'ordre se termine également.
00:25:15 À l'instant, les derniers manifestants, nassés dans cette rue depuis maintenant 18h10,
00:25:21 viennent de prendre place dans cette camionnette de police, sur la droite de cette image.
00:25:26 Direction le commissariat pour ces personnes interpellées.
00:25:29 Elles sont au nombre de 17 pour le moment, mais ce décompte va augmenter dans les prochaines minutes
00:25:34 avec ces personnes qui viennent de prendre place, encore une fois, dans cette camionnette.
00:25:38 Tout a commencé aux alentours de 19h.
00:25:41 Quartier d'E.H.A.L.E. à Châtelet, à Paris.
00:25:44 Un rassemblement sauvage à l'appel à manifester sur les réseaux sociaux.
00:25:48 Mais un rassemblement qui s'est très vite terminé du fait d'une nasse
00:25:52 qui a été créée par les forces de l'ordre dans une rue du quartier Montorgueil.
00:25:57 Et cette nasse vient tout juste de s'ouvrir, il y a à peine 30 secondes.
00:26:01 Tout cela vient de se terminer et dorénavant, le quartier Montorgueil retrouve le calme.
00:26:05 Et les touristes ici peuvent de nouveau déambuler librement
00:26:09 sans tous ces gyrophares dans le quartier de Montorgueil à Paris.
00:26:13 Merci beaucoup Augustin, merci Laurent Scellarié et Charles Pousseau pour les images.
00:26:19 Restez bien avec nous, prochain point sur l'actualité dans 30 minutes.
00:26:22 Mais d'abord, la suite des visiteurs du soir.
00:26:25 Bernard Laponche, vous avez dit qu'on pouvait se passer du nucléaire,
00:26:32 vous l'avez dit il y a 10 ans, notamment quand vous avez publié votre livre
00:26:36 "En finir avec le nucléaire", est-ce que vous le pensez toujours ?
00:26:40 La réponse est oui, mais pour l'expliciter, il faut sortir de la discussion sur le nucléaire.
00:26:50 Lui-même. Il faut regarder la politique de l'énergie.
00:26:54 En France, dès qu'on parle d'énergie, on parle d'électricité,
00:26:57 dès qu'on parle d'électricité, on parle de nucléaire.
00:26:59 En fait, on ne s'occupe que d'un petit bout, puisque le nucléaire,
00:27:04 la production d'électricité d'origine nucléaire, même quand c'est à 70 %,
00:27:08 ce qui n'est pas le cas actuellement, ça représente à peu près 10 %
00:27:13 de la consommation énergétique finale.
00:27:15 Donc il faut regarder cette histoire de consommation d'énergie.
00:27:18 Et on s'aperçoit que la première réponse par rapport aux exigences du climat,
00:27:25 l'indépendance énergétique, tout le monde est d'accord sur le fait
00:27:29 qu'il faut d'abord agir sur la consommation.
00:27:32 Et même la loi française demande à ce que, par rapport à l'année 2012,
00:27:36 on divise par deux la consommation finale d'énergie.
00:27:39 Donc vous voyez bien que si la priorité, c'est ça, la priorité,
00:27:44 si on a de l'argent, il faut le mettre là, la rénovation énergétique des bâtiments,
00:27:49 les transports collectifs, il y a des tas de possibilités.
00:27:54 On sait ce qu'il faut faire et on ne le fait pas.
00:27:57 Alors que c'est bénéfique à la fois pour l'ensemble des critères type climat, etc.
00:28:02 C'est bénéfique pour les gens qui vivent dans des conditions meilleures
00:28:07 et c'est bénéfique évidemment pour la planète.
00:28:10 Donc premièrement c'est ça.
00:28:13 Ensuite, par rapport à cette demande, l'arrêt du gaspillage.
00:28:18 Moi j'appelle ça les économies d'énergie, on comprend très bien ce que ça veut dire.
00:28:22 Et il faut mettre le paquet là-dessus.
00:28:27 Ensuite, comment je fournis cette énergie ?
00:28:30 Parce que quand même j'en ai besoin.
00:28:32 Je l'ai fournie par un certain nombre de moyens
00:28:35 qui, on l'a vu, sont les plus favorables par rapport, par exemple, au changement climatique.
00:28:41 Et on a une énorme possibilité d'énergie renouvelable.
00:28:45 Pas seulement pour l'électricité, à nouveau, pour l'ensemble des besoins.
00:28:49 La chaleur, je peux faire l'échauffe au solaire, la géothermie, les déchets, les réseaux de chaleur, etc.
00:28:56 Et donc j'utilise tous ces moyens qui sont disponibles,
00:29:00 qui sont naturels, si je veux dire, qui ne coûtent pas grand-chose du point de départ.
00:29:07 Et après je m'aperçois que finalement, je tombe sur une certaine production possible ou non pour le nucléaire.
00:29:16 Au niveau mondial, le poids du nucléaire, c'est 10% de la production d'électricité.
00:29:21 Donc c'est très faible.
00:29:22 La France est un cas particulier avec ses 70 ou 60%.
00:29:26 Est-ce que ça vaut le coup de le faire ?
00:29:29 Alors là on examine qu'est-ce que c'est le plus proprié de cette énergie.
00:29:34 D'abord, elle est polluante, la radioactivité, même quand tout va bien,
00:29:39 on émet de la radioactivité par les rejets des usines, les rejets des centrales, etc.
00:29:45 Donc une pollution qui est permanente,
00:29:47 et en particulier l'usine de la Hague émet des rejets radioactifs très puissants dans la Manche.
00:29:54 Deuxièmement, il y a le risque d'accident.
00:29:57 Les autorités de sûreté nucléaire françaises ont toujours dit que le risque d'accident est possible.
00:30:02 Or, comme M. Majelot l'a dit, Frimaila, Fukushima, Tchernobyl, c'est le même type d'accident,
00:30:09 c'est-à-dire la perte du refroidissement.
00:30:11 Et ça, la perte du refroidissement peut se passer dans des tas de circonstances.
00:30:16 On le voit bien avec la centrale de Zaporizhia, par exemple.
00:30:20 Et troisièmement, c'est beaucoup plus cher que les productions renouvelables.
00:30:24 C'est-à-dire beaucoup plus cher qu'actuellement les prix de production du nucléaire augmentent,
00:30:30 chaque étape, et les prix des renouvelables qui dominent actuellement,
00:30:36 c'est-à-dire l'éolien et le photovoltaïque, descendent.
00:30:41 Et on va arriver à un facteur entre 3 et 4.
00:30:45 Donc moi, je dis pourquoi ?
00:30:48 Pourquoi ? Parce qu'on peut faire autrement.
00:30:52 - M. Majelot ?
00:30:53 - Alors, encore une fois, l'électricité, elle est peut-être marginale, mais elle est assez vitale.
00:31:00 Et non seulement elle est vitale, je veux dire, on s'en sert tous les jours,
00:31:03 quand un TGV démarre, chaque fois qu'on veut charger...
00:31:06 Aujourd'hui, il n'y a pas de vie sans électricité.
00:31:09 C'est un constat qui est assez facile à faire.
00:31:11 - Oui, c'est vrai.
00:31:13 - Et il se trouve qu'effectivement, dans la transition énergétique,
00:31:18 l'idée, c'est de transférer le plus possible vers l'électricité.
00:31:22 Donc, parlons quand même de l'électricité.
00:31:25 L'électricité, encore une fois, je viens de le dire,
00:31:27 elle ne peut être utile que si elle est pilotable,
00:31:30 parce que c'est une caractéristique propre, c'est un flux.
00:31:34 Il faut la produire au moment où elle est consommée.
00:31:37 C'est la consommation qui guide la production.
00:31:39 C'est la construction du système qui a conduit à mettre en place
00:31:44 un système extraordinairement sophistiqué de prévision à l'avance,
00:31:49 de jour en jour, de minute en minute, etc.,
00:31:52 pour que la production soit toujours exactement conforme à la consommation
00:31:55 telle qu'on la voit arriver.
00:31:58 Or, du fait que ce n'est pas ce cas,
00:32:01 il faut que cette production soit pilotable au moment où on en a besoin.
00:32:05 Quels sont les moyens de production pilotable d'électricité ?
00:32:08 Il n'y en a pas 36, il y en a 4.
00:32:11 Il y a le charbon, en Allemagne, charbon plus lignite,
00:32:15 qui est encore plus dégueulasse, le gaz, l'hydraulique et le nucléaire.
00:32:20 Et puis, il y a évidemment le fioul,
00:32:22 mais enfin, il y a un moment qu'on ne se sert plus du fioul.
00:32:25 Par conséquent, il faut choisir...
00:32:27 M. Lappont dit que le nucléaire, c'est 10 % d'électricité,
00:32:33 mais le reste, c'est 80 % de thermique à flammes.
00:32:37 Et donc, tout le monde a aujourd'hui des centrales à charbon,
00:32:40 des centrales à gaz et des centrales à nucléaire.
00:32:43 Pour revenir sur le renouvelable,
00:32:47 encore une fois, les Allemands...
00:32:50 Vous avez bien vu, la crise en Europe,
00:32:55 aujourd'hui, c'est une crise de pilotables.
00:32:57 Les Allemands ont 130 gigawatts de renouvelables.
00:33:03 130 gigawatts, c'est deux fois ce que la France a comme nucléaire.
00:33:07 Et bien entendu, ils ont gardé la totalité de leur parc pilotable,
00:33:12 parce qu'ils ne peuvent pas s'en passer.
00:33:14 Et en France, on a déjà 30 ou 40 gigawatts de renouvelables.
00:33:20 En Europe, au total, il y a 250 gigawatts d'éolien,
00:33:26 ce qui fait que quand il y a du vent, comme en décembre,
00:33:29 fin décembre 2022, on est inondé par l'éolien européen,
00:33:34 et l'électricité a un prix négatif, ça atteint -200 euros le mégawatt-heure.
00:33:40 Et puis, quand il n'y a pas de vent, c'est le cas quand il a fait très froid
00:33:43 et qu'il y a eu beaucoup besoin d'électricité, c'était le 8 décembre,
00:33:46 il n'y a pas un souffle d'air, il n'y a pas de soleil,
00:33:49 et EDF achète sur le marché des gigawatts à 850 euros le mégawatt-heure.
00:33:57 Et donc, le renouvelable aujourd'hui, c'est une ruine.
00:34:03 Alors, on dit que le prix baisse.
00:34:08 Le prix baisse, il est en train de baisser, d'ailleurs, il a arrêté de baisser.
00:34:14 D'ailleurs, les fabricants sont en train, les uns après les autres, de faire faillite.
00:34:18 Il n'y a plus que les Chinois et les Suédois qui arrivent à vivre avec les...
00:34:25 Mais les prix baissent à la production, parce que ces productions sont garanties,
00:34:34 par des garanties d'achat, c'est-à-dire que...
00:34:37 - C'est le marché de l'électrificité. - Non, non, non, ça n'est pas le marché de l'électricité.
00:34:40 - Non, c'est pas le marché. Justement, le problème, c'est que...
00:34:44 - Précisez-moi. - C'est hors marché que s'est développé...
00:34:48 - Les énergies renouvelables font l'objet d'une dérogation à la concurrence,
00:34:52 c'est-à-dire qu'elles sont payées pour toute leur consommation.
00:34:55 Ce qui fait que quand elles arrivent sur leur marché, leur valeur est égale à zéro.
00:34:59 On ne fait pas payer aux renouvelables son coût de production.
00:35:04 Ce sont des énergies qui sont entièrement subventionnées.
00:35:08 Et la réalité, c'est que le nucléaire historique français...
00:35:15 Alors, on viendra sur le nouveau nucléaire, pourquoi est-ce que le PR est cher
00:35:19 et comment est-ce qu'on pourrait avoir un nucléaire pas cher ?
00:35:22 Mais le nucléaire historique est, aujourd'hui, à un coût de production tout compris...
00:35:28 C'est l'obligation de le vendre à des soi-disant concurrents,
00:35:32 c'est 42 euros par mégawatt-heure.
00:35:34 Il n'y a aucun moyen renouvelable qui a une capacité de production à ces prix-là.
00:35:38 J'ajoute, parce que quand même, sur la sûreté du nucléaire,
00:35:45 aujourd'hui, il y a des organismes qui s'appellent l'UNCEA,
00:35:50 qui est la Société des Nations Unies,
00:35:54 la Commission scientifique des Nations Unies sur les radiations atomiques,
00:35:58 qui explique que le nucléaire est de très loin l'énergie qui est conduite
00:36:05 aux moins de victimes dans le monde.
00:36:07 Beaucoup moins que le solaire, que l'éolien, et évidemment que le thermique.
00:36:11 C'est de l'ordre de 1 à 1 000.
00:36:13 Et quant au risque d'accident, là, c'est pareil.
00:36:17 Des accidents d'usines chimiques, il y en a eu partout.
00:36:23 Il y en a eu en France, en Inde.
00:36:25 Il y a eu des accidents nucléaires, il y en a eu trois.
00:36:29 Il y a eu des morts à Tchernobyl.
00:36:31 Les autres n'ont fait aucun mort.
00:36:33 Là aussi, c'est des statistiques de l'UNCEA.
00:36:38 L'énergie qui fait le moins de morts par kWh produit,
00:36:46 c'est de très loin le nucléaire.
00:36:48 - A la penche.
00:36:50 - Je rêve.
00:36:54 C'est scandaleux de dire que ces accidents n'ont pas fait de morts.
00:37:00 C'est scandaleux sur le plan humain.
00:37:02 Ces accidents ont fait des morts.
00:37:04 Tchernobyl a fait des centaines de milliers de morts.
00:37:07 Les liquidateurs de Tchernobyl qui sont montés, vous avez vu les films.
00:37:12 - On a vu la série.
00:37:14 - Les liquidateurs de Tchernobyl qui sont montés pour verser,
00:37:17 en quelques minutes, il fallait repartir parce qu'ils avaient été irradiés,
00:37:21 ils ont été 600 000 à passer par là.
00:37:24 Il y a eu des centaines de milliers de morts.
00:37:28 Il y a encore des régions en Russie, en Belarus,
00:37:31 où il y a des millions de personnes qui vivent dans les zones contaminées.
00:37:35 Les zones contaminées, ça veut dire qu'il y a de la radioactivité
00:37:39 dans la biodiversité, dans les matériaux, etc.
00:37:42 Et il y a des morts.
00:37:44 Donc c'est inadmissible de dire qu'il n'y a pas eu de morts.
00:37:48 À Fukushima, il y a eu des évacuations,
00:37:51 mais ces évacuations elles-mêmes ont causé des victimes.
00:37:54 D'autre part, il n'y a pas eu d'irradiation dans l'usine elle-même,
00:38:00 puisque les ouvriers ont été protégés,
00:38:03 mais il y a eu un nuage radioactif qui a été...
00:38:08 On a eu de la chance, parce que les premières émissions du nuage ont été vers la mer.
00:38:13 D'ailleurs, il y a eu des marins d'un vaisseau américain
00:38:18 qui venait à cause du tsunami, qui ont été irradiés.
00:38:22 Mais le premier ministre Naoto Kan a déclaré
00:38:27 qu'au moment où il craignait le pire,
00:38:31 il aurait dû probablement décider d'évacuer Tokyo.
00:38:39 Or, le vent, au lieu de souffler vers le sud, c'est-à-dire vers Tokyo,
00:38:45 ce qui aurait obligé l'évacuation de Tokyo,
00:38:48 20 millions d'habitants, je ne sais pas si vous vous rendez compte,
00:38:51 il a été vers la mer.
00:38:53 Et par conséquent, il n'y a pas eu l'évacuation de Tokyo,
00:38:57 du fait simplement de la direction du vent.
00:39:00 Cette même direction du vent a fait qu'il y a eu des contaminations
00:39:04 dans les forêts, dans les terres, etc.
00:39:06 Et il y a encore des zones qui sont contaminées,
00:39:09 où évidemment il y a des victimes.
00:39:11 Donc, moi je veux bien qu'on défende l'énergie nucléaire,
00:39:14 il peut y avoir des arguments.
00:39:16 Ce que je dis, c'est que la négation du risque est absolument scandaleuse.
00:39:20 – Bernard Laponche, si tous les pays développés avaient fait le choix du nucléaire en 1973,
00:39:25 au moment où la France a fait ce choix-là,
00:39:28 sous la présidence de Georges Pompidou,
00:39:30 est-ce que l'on connaîtrait aujourd'hui même des règlements climatiques à votre avis ?
00:39:34 – Mais bien entendu, parce que même en France,
00:39:38 avec cette décision du programme MESMER qui était colossale,
00:39:42 et vous n'avez eu qu'une partie des émissions,
00:39:47 les émissions principales ont été poursuivies
00:39:51 sur les questions des transports, sur les questions des autres activités.
00:39:56 Et d'autre part, les autres pays n'ont pas eu les mêmes décisions,
00:40:01 aux États-Unis en particulier, parce qu'il y a eu l'accident de Fremont-et-Lyon,
00:40:06 et que cet accident, même sur le plan économique,
00:40:12 un accident de ce type, c'est des centaines de milliards de dépenses.
00:40:18 Or, les industriels américains se sont dit,
00:40:21 bon, ça ne vaut pas le coup de continuer, donc on n'a pas développé le nucléaire à ce moment-là.
00:40:27 Et c'est en particulier du fait des accidents
00:40:30 que le nucléaire finalement a une importance relativement faible dans la plupart des pays.
00:40:36 – Il faudrait quand même tirer l'attention, moi qui n'y connais rien,
00:40:40 sur le fait qu'une énergie est formidable quand on ne l'utilise pas en gros,
00:40:48 et devient très moche quand on l'utilise en grand.
00:40:52 C'est-à-dire les nouvelles sources d'énergie avec le solaire, les batteries, tout ça,
00:41:00 c'est formidable, c'est formidable si vous en faites un tout petit peu.
00:41:04 Mais le jour où toutes les voitures françaises rouleront à l'électricité,
00:41:09 une électricité dont je ne sais pas comment elle sera faite entre nous,
00:41:12 j'attends qu'on m'explique qu'on pourra, avec de l'électricité solaire,
00:41:17 faire rouler toutes les voitures françaises, ça me paraît délirant.
00:41:21 Donc à l'heure actuelle, on est en train, parce qu'on voit le nucléaire,
00:41:27 et c'est vrai que le nucléaire a des inconvénients,
00:41:30 c'est vrai que je veux bien que vous disiez que le nucléaire fait des accidents, bien sûr,
00:41:36 mais tout de même il faudrait faire les martyrs du charbon, vous les oubliez complètement.
00:41:42 Bon, d'accord, mais soyons un peu sérieux, le charbon a fait un nombre incroyable de morts
00:41:51 parce qu'on l'a utilisé en masse, si on l'avait utilisé de façon marginale,
00:41:55 il en aurait fait très peu, et là on rêve, par exemple, vous y avez fait allusion,
00:42:00 ah on va moins consommer parce qu'on va reprendre toute notre maison,
00:42:05 tous nos logements, et qu'on va les protéger du froid, les isoler.
00:42:10 Simplement, aujourd'hui on est en train de découvrir que ce n'est pas vrai,
00:42:14 et que rien ne prouve que ce que l'on fait pour améliorer les fameuses passoires thermiques,
00:42:21 ça va réduire la consommation d'électricité,
00:42:24 les premières mesures qu'on est en train de faire prouvent que ce n'est pas assuré du tout.
00:42:29 Autrement dit, on trouve formidable une énergie quand on ne l'a pas,
00:42:33 et qu'on ne voit pas ses défauts, qu'on peut lui prêter toutes les qualités,
00:42:36 et puis quand on l'a, on voit tous ses défauts.
00:42:39 Donc il faut faire attention, les énergies non renouvelables ne sont pas chargées
00:42:45 de toutes les qualités, les énergies fossiles ou nucléaires, de tous les défauts,
00:42:50 et si on veut remplacer les unes par les autres, on retrouvera les mêmes défauts
00:42:54 de toute énergie de masse, c'est ça le problème.
00:42:57 - Mais imaginez on vous dira à la fois ça, et le fait que vous n'y connaissez rien.
00:43:01 - Mais pourquoi donc ?
00:43:02 - Pourquoi pouvez-vous dire ces choses-là, et en même temps dire que vous n'y connaissez rien ?
00:43:07 - Moi je prétends y connaître quelque chose.
00:43:09 - Parce que si vous pensez qu'un citoyen, en plus j'ai un citoyen un peu informé,
00:43:19 c'est mon métier quand même, ne peut même pas formuler des jugements généraux,
00:43:26 j'ai dit sur quoi je me fondais, sur des appréciations globales,
00:43:30 mais je pense que ce n'est pas inutile que le public ait ses idées en tête
00:43:35 pour juger ce que vous dites vous les spécialistes.
00:43:39 - Hervé Machnaud, vous...
00:43:40 - Ça s'appelle le rôle du journaliste, et Dieu sait, monsieur Laponche,
00:43:44 comme je vous ai interrogé il y a 30, 40 ans, quand on voulait...
00:43:52 - Hervé Machnaud, la parole est à vous.
00:43:55 - C'est gentil. Alors d'abord j'invite Bernard Laponche à devenir conseiller de l'UNCR,
00:44:02 l'organisme des Nations Unies, sur cette question.
00:44:06 - Volontiers.
00:44:07 - Parce qu'eux disent qu'il n'y a pas eu plus de centaines de morts à Tchernobyl,
00:44:14 en tout cas il n'y en a eu aucun à Fukushima, et c'est eux qui font les analyses.
00:44:20 Et donc les invectifs du type "ce que je dis est scandaleux", etc.,
00:44:24 vous pouvez les réserver, je sais vous êtes le pape des antinucléaires depuis 50 ans,
00:44:30 il y a quand même un certain nombre de gens qui ont réfléchi à la question
00:44:36 et qui ont changé de point de vue.
00:44:38 Mais pour revenir aux questions fondamentales,
00:44:41 la France est un des pays d'Europe qui produit le moins de CO2 par habitant,
00:44:50 et 10 fois moins de CO2 que l'Allemagne par kWh produit,
00:44:55 alors que l'Allemagne a 130 GW de renouvelables.
00:45:00 Parce que, encore une fois, c'est le nucléaire qui a permis ça.
00:45:05 Grâce au nucléaire, la France a eu...
00:45:07 Parce que l'avantage du nucléaire, c'est qu'une fois qu'il est construit,
00:45:10 le coût du combustible est pratiquement nul, c'est quelques pourcents.
00:45:15 Et donc le prix, le coût de production,
00:45:18 il est constant pendant autant de temps que la centrale va vivre.
00:45:21 Et donc aujourd'hui, on bénéficie,
00:45:23 et d'ailleurs c'est la raison pour laquelle la France a inventé
00:45:26 cette chose extraordinaire qui s'appelle l'AREN,
00:45:28 parce que pour faire profiter à tout le monde de l'avantage du coût
00:45:32 très bas du nucléaire français,
00:45:34 EDF est obligé de vendre à ses concurrents de l'électricité à un coût bradé.
00:45:40 Et donc, tout l'avantage...
00:45:43 Donc la France a réussi, jusqu'en 2000, à avoir l'électricité la moins chère,
00:45:50 le prix de l'électricité a baissé en France d'une façon constante
00:45:54 entre les années 70 et les années 2000,
00:45:56 la plus sûre, il n'y a jamais eu le moindre incident,
00:45:59 je vais revenir sur le sujet,
00:46:01 donc la plus économique, la plus sûre,
00:46:03 et a exporté d'une façon très importante pour des milliards.
00:46:07 Et la sûreté, je voudrais revenir là-dessus,
00:46:09 parce que la France est un des seuls pays dans lequel l'opérateur,
00:46:14 l'exploitant, est à la fois l'ingénieur et l'industriel
00:46:18 de son moyen de production, c'est-à-dire que c'est lui qui le conçoit,
00:46:21 qui le construit et qui l'exploite,
00:46:23 ce qui fait qu'il y a un processus industriel d'amélioration permanente de la sûreté.
00:46:29 La France est un des pays uniques, ce n'est pas le cas des États-Unis,
00:46:32 dans lequel à chaque décennale, le niveau de sûreté est amélioré
00:46:37 pour prendre en compte tout le retour d'expérience de ce qui s'est passé,
00:46:42 de tous les incidents, de toutes les améliorations possibles.
00:46:45 Ce qui fait que les centrales, plus elles sont vieilles en France,
00:46:48 et plus elles sont suibles.
00:46:50 Ce qui est, alors qu'aux États-Unis, le référentiel de sûreté pour les centrales
00:46:56 pour passer 60, 80 et peut-être 100 ans, c'est d'être au moins aussi sûr
00:47:01 que le jour de leur mise en service.
00:47:03 - Mais pourquoi est-ce que c'est devenu aussi cher ?
00:47:05 Est-ce qu'on a perdu, c'est ce qu'on entend partout,
00:47:07 est-ce qu'on a perdu notre savoir-faire ?
00:47:09 - Non mais quand on arrête, si vous voulez, moi je peux vous donner
00:47:12 des exemples dans l'industrie, si vous demandez à Renault
00:47:17 d'arrêter de produire des voitures pendant 15 ans, vous verrez
00:47:20 à quel sera le prix de la première voiture qui sortiront 15 ans après.
00:47:24 L'industrie, c'est une organisation, un processus industriel.
00:47:28 Qu'est-ce qui s'est passé ? On a arrêté le processus industriel des DF
00:47:32 pour faire un réacteur franco-allemand qui s'appelle l'EPR.
00:47:36 Ça n'est pas dans la logique industrielle de ce que les DF faisaient jusqu'à maintenant.
00:47:40 Et donc c'est un nouveau...
00:47:42 Et en plus, l'industrie s'est arrêtée pendant 10 ans.
00:47:45 Alors je reviens sur ce sujet parce qu'il est fondamental.
00:47:47 - Très vite, parce qu'il ne reste plus de temps.
00:47:49 - Ce sujet il est fondamental.
00:47:51 L'industrie, en particulier nucléaire, mais c'est vrai de toutes les industries,
00:47:55 elle ne se met pas en route pour construire un objet.
00:48:00 L'industrie, elle se met en route s'il y a un vrai programme
00:48:03 où elle peut avoir pouvoir.
00:48:05 Et donc si on veut faire, si on veut réindustrialiser la France,
00:48:09 s'il y a un moyen, c'est de relancer un vrai programme nucléaire.
00:48:12 Et pour ça, il faudrait une vraie volonté politique.
00:48:14 À ce moment-là, avec un programme de réacteurs par an,
00:48:18 à ce moment-là, les industriels se mettront en place,
00:48:21 ils investiront, ils s'organiseront, ils trouveront les soudeurs
00:48:25 et la France retrouvera une puissance industrielle
00:48:29 dont elle aujourd'hui n'a pas l'usage
00:48:33 parce qu'on a désindustrié la France et on l'a dénucléarisée.
00:48:36 - Bernard Lepenche ?
00:48:38 - C'est tout à fait juste, mais ça ne vaut pas la peine.
00:48:42 Je ne vois pas pourquoi on mettrait toutes ces capacités industrielles
00:48:47 et tout cet argent et tout ce génie soi-disant français
00:48:53 si on peut faire autrement.
00:48:56 - Mais on ne peut pas faire autrement.
00:48:58 - Bernard Lepenche, soyons sérieux.
00:49:00 - On ne peut pas faire autrement.
00:49:02 - Que l'on fasse ? Alors d'abord, premièrement, pardonnez-moi,
00:49:04 je vous dis, je n'ai pas aimé la façon dont vous utilisez
00:49:07 les accidents nucléaires. Pourquoi ?
00:49:09 Parce que sur quoi se fonde, par exemple, la sécurité aérienne
00:49:14 qui est incroyable. Personne n'imaginait qu'il y aurait aussi peu d'accidents d'avions.
00:49:18 Pourquoi ? Parce qu'il y a eu des accidents
00:49:21 et que chaque fois qu'il y a un accident, la sécurité s'améliore
00:49:24 en fonction de ces accidents.
00:49:26 Donc venir nous dire que puisqu'il y a eu des accidents nucléaires,
00:49:29 faut tout arrêter, ce qu'a fait Mme Merkel qui était complètement idiot,
00:49:34 en réalité, après les accidents, la sécurité s'améliore.
00:49:40 Avant les accidents, on ne sait pas qu'il y a des failles.
00:49:44 Donc il ne faut pas inverser. Il est vrai qu'il y a eu des accidents,
00:49:48 il devrait quand même qu'il y en a eu encore,
00:49:50 mais on ne peut pas dire qu'on ne doit plus rien faire
00:49:54 puisqu'il y a eu des accidents.
00:49:56 Au contraire, après l'accident, il y a un retour d'expérience
00:50:00 qui améliore la sécurité.
00:50:02 Donc il ne faut pas laisser entendre que l'accident se reproduira.
00:50:05 - J'ai juste à ajouter une chose.
00:50:07 M. Laponche dit qu'il y a d'autres façons de faire,
00:50:11 il faudrait qu'il dise lesquelles.
00:50:13 Encore une fois, les renouvelables, ça n'existe pas,
00:50:15 le géothermie, c'est 2%, ça n'existe pas.
00:50:18 Il n'y a pas d'autres moyens de produire l'électricité
00:50:20 sauf le charbon et le gaz.
00:50:22 - Bon, moi je prétends qu'il y a d'autres moyens de répondre aux besoins,
00:50:29 que ces besoins peuvent être moins forts qu'aujourd'hui,
00:50:32 qu'on peut faire des économies d'énergie,
00:50:34 et qu'il y a un très grand nombre d'énergies renouvelables
00:50:39 qui peuvent contribuer.
00:50:41 - Il faudrait dire lesquelles, M. Laponche ?
00:50:43 - La géothermie...
00:50:44 - La géothermie, c'est 1% de la...
00:50:46 - Je vous en prie.
00:50:47 - Mais vous m'en priez, mais c'est...
00:50:49 - Je ne vous ai pas interrompu, d'accord ?
00:50:51 J'ai la parole, je réponds aux journalistes qui nous interrogent.
00:50:55 Donc il y a la géothermie qui peut contribuer, peut-être quelques pourcents.
00:50:59 Il y a la biomasse qui contribue de façon assez importante.
00:51:02 Il y a le chauffe-eau solaire qui peut remporter de la chaleur.
00:51:07 Il y a les déchets.
00:51:09 On voit bien le problème d'incinération ces jours-ci
00:51:13 pour le réseau de chaleur de Paris,
00:51:15 qui est très bien, qui n'a pas besoin d'électricité pour chauffer.
00:51:18 Et on a comme ça une série de moyens.
00:51:20 Et pour ce qui concerne l'électricité,
00:51:22 je prétends que l'éolien et le photovoltaïque
00:51:25 plus les systèmes de stockage, les STEP par exemple,
00:51:29 et des productions d'électricité à partir des énergies renouvelables thermiques
00:51:34 peuvent très bien boucler le système électrique.
00:51:37 - Mais Bernard Laponche, vous dites qu'il faut faire des économies d'énergie.
00:51:40 Est-ce qu'on n'était jamais parvenu à faire des économies d'énergie ?
00:51:43 On a l'impression qu'on consomme de plus en plus d'énergie.
00:51:45 - On a consommé... C'est très intéressant.
00:51:48 L'électricité, on nous avait dit au moment du programme MESMER,
00:51:51 le patron d'EDF, que la consommation d'électricité
00:51:56 devait doubler tous les 10 ans.
00:51:58 Et d'ailleurs, le CEA-EDF disait,
00:52:01 on était à peu près à 175 milliards de kilowattheures,
00:52:05 et disait qu'on doit atteindre 1000 en 2000,
00:52:09 doublement tous les 10 ans.
00:52:12 En 2000, on a été à 450.
00:52:15 Donc on a construit trop de réacteurs par rapport à ces prévisions.
00:52:22 Et on veut nous redire la même chose.
00:52:24 C'est-à-dire, on nous dit, il faut absolument...
00:52:27 On va augmenter la consommation d'électricité.
00:52:31 Et je dis que si la consommation d'électricité
00:52:35 était en grande partie les usages spécifiques,
00:52:38 l'éclairage, l'électroménager, l'informatique, l'électronique, etc.,
00:52:43 c'est à peu près la moitié de la consommation totale,
00:52:46 là-dessus, on peut faire des économies considérables.
00:52:49 Et ça, on sait le faire.
00:52:51 - Je voudrais juste rebondir sur ce que vous avez dit,
00:52:53 sur le fait qu'on a surdimensionné, ce qui est tout à fait vrai,
00:52:56 le programme nucléaire.
00:52:58 Figurez-vous que j'étais là, à l'instant où ça s'est passé.
00:53:01 Pourquoi ? Parce qu'il y avait les commissions du plan,
00:53:04 qui comportaient un tiers, notamment, de syndicalistes,
00:53:08 qui devaient faire les projections pour le gouvernement,
00:53:12 notamment en matière énergétique.
00:53:14 Et quand on est arrivé, je trouve que j'étais une personnalité qualifiée,
00:53:18 on s'est assis autour de la table et on avait là les prévisions
00:53:21 qui nous étaient présentées d'activités,
00:53:24 des croissances pour la France, pour les années à venir.
00:53:27 Et tout le monde a regardé ça et les syndicats ont dit
00:53:30 "Nous refusons de discuter sur cette base".
00:53:33 Pardon.
00:53:34 "Oui, nous refusons, parce qu'il est prévu qu'il y aura du chômage
00:53:36 dans les années à venir.
00:53:38 Nous ne voulons pas discuter sur le chômage".
00:53:40 Ah bon ? Bon, on va refaire.
00:53:42 Alors on a renvoyé ces prévisions au service de la prévision
00:53:46 du ministère de l'économie, on a dit "Ah non, ça ne va pas, refaites ça".
00:53:49 "Ah bon ? Vous voulez que dans l'avenir, il y ait 4% de croissance tous les ans ?
00:53:53 Il y aura 4% de croissance tous les ans et il n'y aura plus de chômage".
00:53:57 C'était formidable, tout le monde savait que c'était idiot.
00:54:00 Et on est reparti sur ces nouvelles bases qui satisfaisaient
00:54:03 les partenaires sociaux et on a défini des besoins absurdes
00:54:08 pour dire qu'on avait supprimé le chômage.
00:54:10 Voilà comment la France s'est sûrement détée, je l'ai vécue.
00:54:13 Alors là, je peux vous...
00:54:15 J'étais membre de la commission énergie du plan et je suis prêt
00:54:18 à reprendre ce débat parce que ce n'est pas tout à fait ce que vous avez dit.
00:54:22 J'y ai participé, excusez-moi.
00:54:24 Il faut qu'on l'arrête de toute façon, on le reprendra certainement un jour.
00:54:28 Je vous remercie tous les deux d'avoir participé à cette émission.
00:54:31 On fait un point d'actualité, on se retrouve tout de suite après,
00:54:35 on va parler de la fin de vie puisque ça aussi, c'est un débat qui est en cours.
00:54:38 Dans le premier arrondissement de Paris, les manifestants au Forum des Halles
00:54:44 ont été dispersés par les forces de l'ordre.
00:54:46 17 individus ont été interpellés, près de 350 personnes s'étaient rassemblées
00:54:51 en début de soirée.
00:54:53 Depuis le recours au 49.3 par le gouvernement, la capitale a connu
00:54:56 trois autres soirs de tensions.
00:54:58 Place de la Concorde jeudi et vendredi et Place d'Italie dans le 13e, hier.
00:55:03 Journée décisive demain, les deux motions de censure déposées vendredi
00:55:07 vont être examinées à l'Assemblée nationale afin de renverser le gouvernement.
00:55:12 Mais pour y parvenir, une majorité absolue est nécessaire, soit 287 voix.
00:55:17 Les deux motions sont respectivement l'oeuvre du Rassemblement national
00:55:21 et du groupe indépendant Lyott.
00:55:23 Le vote se tiendra à partir de 16h.
00:55:26 Et puis à Nice, la permanence d'Eric Ciotti a été caillassée la nuit dernière.
00:55:31 Un rassemblement s'est tenu dans la journée devant les locaux.
00:55:34 Un coup de pression pour que le président des Républicains vote la motion de censure
00:55:38 sur la réforme des retraites, alors qu'Eric Ciotti avait indiqué
00:55:42 que son parti n'en voterait aucune.
00:55:44 Une enquête a été ouverte.
00:55:46 Les visiteurs du soir, c'est jusqu'à minuit et Alexandre Schirati nous a rejoint.
00:55:55 On parlera tout à l'heure avec lui du retour éventuel du cyclo-tourisme.
00:56:01 Il fut un temps où on partait en voyage à vélo.
00:56:03 Aujourd'hui, les vélos, on les voit surtout dans les centres-villes.
00:56:06 Ils vont y reprendre la route.
00:56:08 C'est ce qu'on va voir ensemble tout à l'heure.
00:56:10 Mais d'abord, la fin de vie, le débat sur la fin de vie.
00:56:13 Emmanuel Hirsch nous a rejoint.
00:56:16 Il faut se souvenir que le débat sur la fin de vie a été lancé
00:56:19 par le président de la République en septembre dernier.
00:56:21 Une convention citoyenne composée de 185 Français est en train de plancher sur le sujet.
00:56:27 Ils doivent rendre leurs recommandations au début avril.
00:56:30 C'est le président qui tranchera.
00:56:32 Alors, il ouvrira-t-il la possibilité d'une aide active à mourir,
00:56:36 euthanasie ou suicide assisté ?
00:56:40 La question n'a pas fini de faire réfléchir.
00:56:42 Alors, pour nous aider à nous faire une opinion, on a trois visiteurs du soir.
00:56:48 François Decloset, que vous connaissez déjà,
00:56:51 qui fait partie des 109 signataires du manifeste paru dans l'Obs cette semaine
00:56:57 en faveur d'une aide à mourir.
00:56:59 Il y a Michel Lévis-Soussan, qui est médecin,
00:57:01 responsable de l'unité mobile d'accompagnement et de soins palliatifs
00:57:05 à la Pitié-Salpêtrière,
00:57:07 co-animatrice de la cellule de support éthique Pitié-Salpêtrière sans mode nouvelle,
00:57:11 et qui a assisté aux travaux de la Commission citoyenne en tant que chercheuse.
00:57:16 Enfin, Emmanuel Hirsch, qui vient de nous rejoindre,
00:57:18 professeur émérite d'éthique médicale de l'université Saclay,
00:57:21 membre de l'académie de médecine,
00:57:23 et qui vient de faire paraître devoir mourir digne et libre.
00:57:27 C'est vraiment un livre sur les enjeux du débat qui nous occupe.
00:57:32 Alors, pourquoi la loi actuelle ne semble pas suffisante ?
00:57:37 On a l'impression que personne n'est satisfait de cette loi, Emmanuel Hirsch.
00:57:41 On en est à notre quatrième loi quasiment.
00:57:43 Vous observez qu'en bioéthique, par exemple,
00:57:46 les lois, d'une manière régulière, sont renouvelées, sont révisées.
00:57:50 La loi de bioéthique 2004, on a eu une loi bioéthique récente.
00:57:53 J'observe même que la loi Veil est une loi qui a été en soi revue.
00:57:58 Donc, pour dire qu'il y a une loi, et puis il y a l'évolution de la société.
00:58:02 La vraie question que je me pose, c'est est-ce qu'il y aura une loi
00:58:05 qui sera toujours à la hauteur des enjeux en ce qui concerne la fin de vie ?
00:58:08 D'ailleurs, ce qui est important dans notre débat,
00:58:10 ce n'est pas la notion de fin, c'est la notion de vie.
00:58:13 Est-ce qu'on aura un jour une loi qui satisfera véritablement
00:58:17 toutes les situations complexes en fin de vie,
00:58:20 qui sont des parcours existentiels, des histoires de vie,
00:58:23 qui aboutissent à un moment donné, effectivement,
00:58:25 dans le contexte où on a médicalisé à la fois la vie
00:58:28 et puis les différentes étapes de l'existence, avec la chronicité,
00:58:31 tous les accompagnements aujourd'hui médicalisés.
00:58:34 Pour moi, l'enjeu, ce n'est pas de médicaliser la fin de vie
00:58:37 et de faire appel à des médecins pour aider les personnes
00:58:40 à terminer leur existence sans souffrance.
00:58:42 C'est comment socialiser la vie jusqu'à son terme.
00:58:45 Françoise Closet nous a fait un livre extraordinaire
00:58:47 d'il y a quelques années sur la dernière liberté.
00:58:49 Pour moi, ma conception de la liberté pour une personne qui vit sa vie,
00:58:52 c'est d'aller jusqu'au terme de son existence,
00:58:54 dans un contexte social où elle est accompagnée.
00:58:57 Et juste une observation...
00:58:59 Et de lui interdire, si elle le veut, de le faire.
00:59:02 Vous voyez, vous êtes de suite dans l'excès.
00:59:04 Moi, je ne suis pas pour l'interdire.
00:59:05 Je ne peux pas encore discuter sur ma position personnelle.
00:59:08 Et d'ailleurs, je vous dis d'Anglais, par rapport à vous,
00:59:10 qui avez déjà une position très arrêtée,
00:59:12 à titre personnel, je ne sais pas quelle serait ma position personnelle
00:59:16 si je me trouvais situé par rapport à une réalité que je ne connais pas.
00:59:19 Je vais juste terminer sur un mot.
00:59:21 Je suis d'accord avec vous, c'est pareil pour moi.
00:59:23 Voilà. Donc, on est également avec la même humilité.
00:59:26 C'est pas du tout...
00:59:27 Et c'est là où j'ai des difficultés à prendre des positions.
00:59:29 Il n'y a aucune légitimité particulière.
00:59:31 Mais c'est un débat, à mon avis, qui est un débat de société.
00:59:34 Et aujourd'hui, c'est un débat politique.
00:59:36 Alors, juste pour parenthèse, la Convention citoyenne a voté tout à l'heure.
00:59:40 Donc, il y a une expression de la Convention citoyenne.
00:59:43 Et aujourd'hui, 75,6% des citoyens sont en faveur d'une évolution
00:59:49 dont ils n'ont pas encore précisé, puisqu'on va voir dans quelques jours
00:59:52 les vraies conclusions.
00:59:53 Une évolution de toutes les façons de ce qu'est la législation actuelle
00:59:56 par rapport à l'aide active à mourir.
00:59:59 Et un dernier point que je voulais mentionner
01:00:01 par rapport à la réalité actuelle.
01:00:03 Vous avez vu dans quel contexte le président de la République
01:00:06 en a fait une affaire personnelle.
01:00:08 Puisqu'en septembre dernier, c'est lui qui a lancé cette Convention.
01:00:11 On peut considérer qu'il y avait peut-être d'autres urgences politiques,
01:00:13 y compris en termes d'hôpital, par exemple, ou de santé,
01:00:16 que de lancer une Convention citoyenne.
01:00:17 Il l'a lancée.
01:00:18 En octobre, la Première ministre a fait une intervention de belle qualité
01:00:22 en disant aux citoyens qui nous représentent, aux conventionnels,
01:00:25 est-ce que le cadre actuel dans lequel on évolue
01:00:29 est conforme véritablement aux situations, dans leur singularité,
01:00:32 qui pourraient se présenter.
01:00:34 Ce que j'observe, c'est que la décision, maintenant,
01:00:36 elle relève du chef de l'État.
01:00:37 Et le chef de l'État est dans un contexte, me semble-t-il, politique,
01:00:41 où à mon avis, je vous donne mon sentiment personnel,
01:00:44 il prendrait une décision assez rapidement
01:00:46 pour qu'il y ait une évolution de la loi,
01:00:47 puisqu'il sait qu'il y a un certain consensus.
01:00:50 Alors ensuite, on pourra analyser le consensus.
01:00:52 Mais s'il y a bien une loi de société qui, d'une manière générale,
01:00:55 fait consensus, on a depuis quelques mois parlé de la Convention citoyenne.
01:01:00 On a eu en février une première annonce de la Convention citoyenne,
01:01:03 vous avez noté, qui était plutôt favorable.
01:01:05 Et on a vu tout le monde qui s'excitait en disant,
01:01:07 la loi, c'est véritablement pour demain.
01:01:09 Puis je termine, on a aussi à l'Assemblée nationale,
01:01:11 une commission d'évaluation de la loi de février 2016,
01:01:15 la Classe Leonetti, dont on sait que le président
01:01:18 qui préside cette commission,
01:01:20 avait quelques mois après le vote de la loi de 2016, en 2017,
01:01:23 fait une proposition de loi dont l'article 1
01:01:25 est déjà voté en avril 2021.
01:01:27 Donc ne nous mettons pas la tête sous le sable.
01:01:29 On sait qu'il y aura une évolution.
01:01:31 Quelle sera l'évolution ?
01:01:33 Est-ce que ce sera le suicide médicalement assisté ?
01:01:35 Est-ce que ce sera l'euthanasie ?
01:01:37 Est-ce qu'on peut considérer que c'est un acte médical, l'euthanasie ?
01:01:39 C'est une vraie question à poser.
01:01:41 Et une fois qu'on aura évolué, puisqu'à mon avis on évoluera,
01:01:44 est-ce qu'on aura véritablement satisfait à une demande
01:01:46 en termes de dignité et de liberté ?
01:01:48 C'est une question que je me pose d'une manière un peu liminaire.
01:01:50 – Michel Lévis-Soussant, vous qui accompagnez des gens en fin de vie,
01:01:55 c'est votre métier, c'est votre travail.
01:01:58 En quoi cette loi n'est pas suffisante ?
01:02:01 En quoi doit-elle évoluer d'après vous ?
01:02:04 – Alors, je crois qu'aucune loi ne peut être suffisante
01:02:08 par rapport aux enjeux du soin.
01:02:12 Et aucune loi n'a vocation à se substituer à la relation de soin,
01:02:18 à l'engagement soignant.
01:02:20 On ne soigne pas avec des lois.
01:02:22 J'ai assisté depuis le début de ma pratique médicale
01:02:27 à la promulgation de nombreuses lois
01:02:30 qui sont venues dans le contexte de démocratie en santé
01:02:34 consacrer des nouveaux droits aux malades.
01:02:37 On les a souhaités.
01:02:39 C'était notamment, j'ai connu bien sûr, l'époque avant l'épidémie de Sida
01:02:45 où les questions d'information, de décision complexe,
01:02:49 de consentement étaient laissées dans l'oubli.
01:02:53 Et aujourd'hui, on a beaucoup de lois.
01:02:57 Pour autant, je crois qu'il nous faut travailler
01:03:00 sur le rapport que nous entretenons soignants à la loi.
01:03:04 Une fois de plus, la loi ne peut pas se substituer à la relation de soin.
01:03:09 Même si, vous voyez, je vais prendre un exemple,
01:03:12 la question de l'obstination des raisonnables
01:03:15 qui qualifie ce qu'on appelait avant l'acharnement thérapeutique.
01:03:19 C'est toujours une tentation des médecins.
01:03:23 Et depuis la loi d'Hitte-Küchner en 2002,
01:03:27 droit des malades et qualité du système de soin,
01:03:30 le médecin est interdit d'être dans l'obstination des raisonnables.
01:03:35 Pour autant, comment la qualifier ? Qui ? Selon quels critères ?
01:03:39 Tout le travail reste à faire.
01:03:41 Mais à ce moment-là, on ne s'imaginait pas un instant
01:03:44 qu'elle allait être l'évolution,
01:03:46 que c'étaient souvent les malades et les familles
01:03:50 qui allaient elles-mêmes demander à poursuivre des soins
01:03:54 jugés des raisonnables.
01:03:56 Et aujourd'hui, on se retrouve dans une situation
01:03:59 de référé-liberté, c'est-à-dire de décision médicale suspendue
01:04:04 et qui se poursuit devant les tribunaux
01:04:07 parce que certaines familles, notamment en réanimation,
01:04:10 n'acceptent pas l'évolution, n'acceptent pas les limites
01:04:15 de la médecine, n'acceptent pas la réalité,
01:04:17 et donc la décision médicale est suspendue.
01:04:19 Ce que je voudrais juste dire par là, c'est qu'on vote beaucoup de lois
01:04:24 et personnellement, je suis favorable à une évolution du droit
01:04:29 concernant la fin de vie.
01:04:31 Pour autant, je crois qu'il est très important de dire
01:04:34 que d'aucune façon, la loi ne peut se substituer
01:04:39 aux enjeux de l'humanisation du soin et de la relation de soin.
01:04:44 - François Decloset, dans le manifeste qui est paru dans l'Obs,
01:04:49 vous êtes l'un des signataires, vous êtes 109 à l'avoir signé,
01:04:53 vous dites "Nous sommes résolus à tout faire pour que chacun,
01:04:56 chacune puisse finir ses jours comme il ou elle a décidé".
01:05:01 Pour cela, il y a le suicide.
01:05:03 - Non, non, je ne fais pas tout ça.
01:05:05 - Non, mais pour que ma question soit claire,
01:05:07 ce que vous avez l'air de demander, c'est que quelqu'un s'en charge
01:05:10 à votre place.
01:05:11 - Pas du tout.
01:05:12 - Pas du tout, ce que j'ai compris en le disant.
01:05:15 - Le suicide a existé justement, c'est de dire, vous savez,
01:05:18 quand je faisais l'enquête, quand j'ai fait un livre
01:05:20 sur cette dernière liberté, j'étais un jour face à un grand patron
01:05:25 en médecine, on parlait de ça, et alors il me dit
01:05:28 "Mais le suicide n'est pas interdit, c'est ce geste,
01:05:32 il désigne la fenêtre, au-delà du cinquième étage,
01:05:35 on ne se rate plus".
01:05:37 C'est-à-dire que lui, ce médecin, il savait très bien
01:05:40 que s'il était dans cette situation, aux éproches,
01:05:43 hop, il s'endormirait dans son lit, et il envoyait les autres
01:05:47 se jeter sous le TGV s'il voulait se suicider.
01:05:50 - Vous voulez dire que le médecin, il a les médicaments ?
01:05:52 - Il est intolérable.
01:05:53 Je voudrais tout de suite rassurer mes interlocuteurs,
01:05:56 mais la loi, qui va réconcilier tout le monde ?
01:06:00 Mais évidemment qu'elle existe, elle est en Hollande,
01:06:06 elle est en Belgique, elle est en Suisse, est-ce que tous ces peuples
01:06:10 que je crois sont un peu plus civilisés que nous,
01:06:13 est-ce que ces peuples se déchirent à propos de ce problème ?
01:06:16 Nous sommes dans un coin d'arrière-garde, nous sommes en 1970
01:06:20 pour l'IVG, et souvenez-vous, à cette époque,
01:06:24 il y avait un affrontement, vous vous souvenez ce qu'était
01:06:28 le débat sur l'IVG à l'Assemblée Nationale ?
01:06:31 Tout le monde disait "Si vous admettez l'IVG, ça va être
01:06:34 la guerre civile permanente en France".
01:06:37 Et aujourd'hui, on dit "Mais au fond, tout le monde est d'accord
01:06:40 sur l'IVG, pourquoi on ne le mettrait pas dans la Constitution ?"
01:06:43 Eh bien, c'est exactement la même chose qui va se passer,
01:06:46 car le problème, c'est de donner une liberté.
01:06:50 Ce n'est pas d'instaurer des règles, c'est de donner une liberté
01:06:54 et de laisser les peuples vivre cette liberté,
01:06:57 comme ils le font, à nos frontières, et à ce moment-là,
01:07:00 tout le monde est d'accord, et ce débat n'a plus lieu d'être,
01:07:04 il n'a lieu d'être que parce que la médecine française
01:07:07 a commis une chose atroce dans les années, les décennies 70, 80, 90,
01:07:14 c'est-à-dire qu'elle a pratiqué l'euthanasie à l'hôpital
01:07:18 d'une façon scandaleuse, et vous n'avez jamais rien dit contre ça.
01:07:21 - Vous comptez d'abord donner juste un point de vue,
01:07:23 vous n'avez rien dit.
01:07:24 - Et donc, aujourd'hui, on a décidé qu'il y avait l'euthanasie
01:07:27 d'un côté, les soins palliatifs de l'autre.
01:07:29 C'est une absurdité.
01:07:31 Ça doit arriver ensemble, et dès qu'on aura fait cette loi,
01:07:34 tout se réconciliera.
01:07:35 - Alors, je vous suis, je pense, mais j'ai évolué sur cette question
01:07:40 de manière tremblante, incertaine, mais en tout cas,
01:07:44 concernant le droit, je pense que s'il y a une place
01:07:48 dans l'aide médicale à mourir, elle est à intégrer
01:07:53 dans la relation de soins, et ce qui m'a fait évoluer,
01:07:56 ce sont des patients, ce sont des patients qui,
01:08:00 souvent atteints de maladies neurodégénératives très sévères,
01:08:03 et dans une grande désespérance, demandaient cette aide
01:08:08 et l'inscrivaient dans la relation de soins.
01:08:10 Ce n'était pas un droit A qui devait être mis en exécution,
01:08:15 et durer, ce n'est pas seulement parce qu'aujourd'hui,
01:08:17 la loi l'interdit, que nous pouvions continuer
01:08:21 à cheminer ensemble, à entendre leurs souffrances,
01:08:25 à les accompagner, c'était parce qu'ils s'adressaient à nous
01:08:29 dans cette relation de soins.
01:08:31 Et je crois qu'aujourd'hui, comme l'ont fait nos voisins belges,
01:08:35 et je vous rejoins tout à fait, je ne comprends pas
01:08:38 cette forme de diabolisation, ce sont vos voisins,
01:08:42 ce sont de bons médecins, et nous nous sommes construits
01:08:45 différemment, ils ont construit les soins palliatifs
01:08:48 en intégrant cette aide à mourir dans le soin palliatif,
01:08:53 alors que historiquement, en France, nous nous sommes
01:08:57 construits différemment, en mettant le soin palliatif
01:09:00 dans une tierce voie contre l'obstination des raisonnables
01:09:04 et contre l'euthanasie, et probablement avec le traumatisme
01:09:07 d'euthanasie clandestine, alors que le patient n'avait rien demandé,
01:09:11 parce que justement, les soins palliatifs n'existaient pas,
01:09:14 qu'on ne savait pas soulager, et que, je peux le dire,
01:09:17 ça a été presque mon premier geste de soins qui m'a été demandé
01:09:22 quand j'étais interne, pour soulager un patient
01:09:25 en détresse respiratoire.
01:09:27 - Poser un cocktail. - Voilà.
01:09:29 - Voilà. Alors, vous comprenez, il y a une chose
01:09:31 qui est scandaleuse, c'est que, moi, je me souviens,
01:09:34 j'ai fait des émissions sur la mort, en 90 à peu près,
01:09:38 et j'allais interroger des infirmières, et qui me racontaient,
01:09:42 "Bah oui, quand ça va très mal, le patron nous dit,
01:09:47 un tel, il faudra, à chambre temps, il faudra poser un cocktail,
01:09:50 je veux plus la voir lundi matin."
01:09:52 Et on posait le cocktail litique, qui la faisait mourir.
01:09:55 Mort naturelle, bien sûr, tout était clandestin.
01:09:59 Et il y a eu, vous connaissez le pervers Firen,
01:10:02 qui est une autorité indiscutable, dans l'observation
01:10:06 de l'éthique médicale, et en 84, qu'est-ce qu'il a écrit ?
01:10:12 Que dans les services de cancérologie, c'était une pratique courante.
01:10:18 Et qu'est-ce qu'a fait, dites-moi, ce conseil de l'ordre médical,
01:10:22 tellement horrifié par "il n'a rien fait" ?
01:10:26 Et ce sont des médecins catholiques, qui à partir de 1987,
01:10:31 c'est-à-dire 10 ans après que les soins palliatifs aient été inventés,
01:10:37 à Londres, 10 ans pour traverser la Manche, les soins palliatifs,
01:10:40 avec la médecine française, c'est pas mal, ce sont les médecins catholiques
01:10:45 qui ont fait un effort.
01:10:48 – Emmanuel Hierche, vous avez la parole, Emmanuel Hierche.
01:10:50 – D'abord, je dois rendre hommage à François de Clezette sur son action,
01:10:54 sa dynamique, c'est vrai qu'à l'époque, il y a eu aussi un livre important,
01:10:58 c'est de Schwarzenberg, je me suis rappelé "Changer la mort".
01:11:01 – Bien sûr.
01:11:02 – Quand vous dites, de manière un petit peu rapide et suffisante,
01:11:05 qu'on n'a jamais été dans la dénonciation, figurez-vous que moi,
01:11:08 je suis né à l'éthique, dans les années 80, précisément par rapport
01:11:11 à la pose des cocktails d'éthique.
01:11:13 Et j'ai été avec le père de Michel-Denis Soussan,
01:11:17 qui a été à l'origine des soins palliatifs en France.
01:11:19 – Robert Zitoun.
01:11:20 – Robert Zitoun, je vais lui rendre hommage.
01:11:22 – Que je salue.
01:11:23 – Dès 1984, Robert Zitoun avait monté une réflexion avec, effectivement,
01:11:28 le père Patrick Verspiren, qui avait écrit en 84,
01:11:30 sur les pentes de l'euthanasie, qui était quelque chose d'important.
01:11:33 Donc, le mouvement s'est créé, et peu d'années avant,
01:11:37 et je le rends hommage, il y avait aussi la création de l'association
01:11:40 pour le droit de mort et la dignité, avec un parlementaire important,
01:11:43 Henri Cayavé.
01:11:44 – Cayavé, malheureusement qui a mis ce nom de dignité qui n'a aucun sens.
01:11:48 – Peu importe, si vous me laissez terminer, je trouve qu'il y a eu une construction
01:11:52 entre les années 80 et 2023, on a eu en 99 une loi sur les soins palliatifs,
01:11:58 et on a eu en 2016 la loi Kless-Lenetti.
01:12:00 Ce que je veux dire par là, c'est qu'on en a débattu.
01:12:02 C'est pour ça que, quand j'écoute Michel-Levy Soussan,
01:12:05 je vois que les gens ont maturé, et qu'il ne faut pas oppuser,
01:12:08 aujourd'hui, les uns et les autres.
01:12:10 Je crois qu'on a acquis culturellement en France, à notre manière.
01:12:13 Il y a eu une loi, à mon avis remarquable, si on avait été jusqu'au bout de la loi Leonetti,
01:12:18 du 22 avril 2005, "Droit des malades et fin de vie".
01:12:21 C'est ce qu'a dit tout à l'heure Michel-Levy Soussan
01:12:23 quand elle parlait de la notion de droit des malades,
01:12:25 c'est quelque chose de fondamental.
01:12:27 C'était tout dans la dynamique des années Sida, avec la loi Kuchener
01:12:31 du 4 mars 2002, "Droit des malades et qualité du système de santé".
01:12:34 Alors juste maintenant, pour revenir sur la situation aujourd'hui.
01:12:37 On voit à travers le débat, depuis quelques mois,
01:12:40 alors on peut parler de la Convention citoyenne,
01:12:43 je trouve que le travail de la Convention citoyenne a été remarquable.
01:12:46 C'est-à-dire, je ne parle pas des questions qui ont été posées aux conventionnels,
01:12:49 mais il y a eu des auditions d'un très haut niveau,
01:12:52 et j'incite vraiment les téléspectatrices et téléspectateurs
01:12:55 à voir la qualité de cette réflexion.
01:12:58 On s'est rendu compte qu'il y avait un temps qui était passé,
01:13:01 il y a eu un temps de maturation, y compris d'ailleurs avec la Société française
01:13:05 de l'accompagnement et de soins palliatifs.
01:13:08 On a vu un renouvellement du registre, et je pense qu'on est très proche
01:13:11 aujourd'hui, non pas d'un consensus, mais d'une avancée.
01:13:14 La vraie question... - C'est un consensus.
01:13:17 - Non, mais... Il n'y a pas eu de consensus en 2016.
01:13:20 - Il faut-il... - Alors juste, la vraie question,
01:13:23 parlons de choses sérieuses, c'est pas "Est-ce que demain il y aura ou pas
01:13:26 l'euthanasie et est-ce qu'il y aura le suicide médicalement assisté ?"
01:13:29 C'est "Dans quel cadre on va mettre en place, éventuellement,
01:13:32 s'il y a cette dérogation ?" Parce que jusqu'à présent,
01:13:35 tuer un malade, c'est un homicide, d'une certaine façon.
01:13:38 Donc c'est une évolution. Je précise qu'en Belgique,
01:13:41 ils ont dépénalisé l'euthanasie, ils n'ont pas parlé de liberté,
01:13:44 ils n'ont pas parlé en termes de valeur. Ils ont parlé, à un moment donné,
01:13:47 "Voilà, on a dépénalisé l'euthanasie." Donc la vraie question, pour moi,
01:13:50 c'est l'encadrement. Et ce qui me frappe énormément,
01:13:53 c'est que les conventionnels ont fait un travail remarquable,
01:13:56 c'est pas uniquement de se prononcer pour ou contre l'euthanasie,
01:13:59 ce dont on se moque un peu, puisque finalement,
01:14:02 on a une représentation parlementaire, et c'est à elle,
01:14:05 à un moment donné, de prendre ses responsabilités. Ce qui est vrai,
01:14:08 ce qui est intéressant, c'est toutes les démarches de ces conventionnels
01:14:11 qui disent "Ce qui est important, c'est l'état de santé aujourd'hui
01:14:14 de notre système de santé, qui s'est totalement effondré.
01:14:17 Est-ce que les médecins peuvent aujourd'hui accueillir ou pas des malades ?
01:14:20 Ils l'ont dit. C'est la perte de chance pour des personnes
01:14:23 atteintes de maladies chroniques, qui n'ont pas aujourd'hui accès
01:14:26 à des traitements communs." C'est dans la convention citoyenne.
01:14:29 C'est ensuite la reconnaissance des soins palliatifs,
01:14:32 c'est vrai que je crois que c'est quelque chose d'important.
01:14:34 - Et qui sont sous-développés en France ?
01:14:35 - Qui ne sont pas que des soins de fin de vie.
01:14:37 - Ils sont sous-développés en France ?
01:14:38 - Dans tous les cas, il y a des gens d'une immense qualité,
01:14:39 d'une immense compétence dans les soins palliatifs.
01:14:41 - Nous sommes d'accord.
01:14:42 - Je termine juste sur un point, qui ne se consacre pas
01:14:45 qu'aux personnes en fin de vie. C'est-à-dire le parcours,
01:14:48 qui peut être extrêmement long avant de terminer son existence,
01:14:51 justifie d'une attention sociale, justifie d'une compétence,
01:14:55 je ne vais pas détailler, mais le seul point,
01:14:57 je serais curieux d'avoir l'avis des uns et des autres,
01:15:00 moi ce qui me gêne aujourd'hui, c'est un paradoxe.
01:15:03 Quand vous regardez les premiers textes de l'Association
01:15:06 pour le droit de mourir dans la dignité,
01:15:07 qui sont des textes extrêmement forts,
01:15:09 c'est regarder ce qui se passe en réanimation,
01:15:11 on est dans les années 70, on meurt d'une manière indigne,
01:15:13 intubé, insufflé, etc., dépendant.
01:15:15 On veut reprendre la maîtrise, c'est le mot important.
01:15:17 La vraie question qui m'interroge, c'est est-ce que c'est
01:15:20 la fonction du médecin de valider une demande de mort,
01:15:24 et d'être la personne qui exerce l'acte.
01:15:27 C'est là où il y a une distinction qui est faite aujourd'hui
01:15:30 entre suicide et euthanasie, et c'est vrai que c'est une question
01:15:33 de fond, et énormément de médecins aujourd'hui disent
01:15:35 on est aidé du fait que la loi ne nous autorise pas
01:15:38 à pratiquer l'euthanasie, si demain on dépénalise l'euthanasie
01:15:42 en France, d'abord un certain nombre de médecins
01:15:44 ne voudront pas la pratiquer, mais ça c'est un problème
01:15:47 qui est un problème personnel, mais quelle confusion ça crée
01:15:50 dans ce qu'est le geste du soin.
01:15:52 Pour moi c'est une vraie question que je pose.
01:15:54 - Michel Lévy-Soussan, sur la question des soins palliatifs,
01:15:57 d'abord est-ce que c'est vraiment sous-développé en France,
01:15:59 et quelle différence vous faites vous en tant que médecin
01:16:01 entre l'euthanasie et le suicide assisté ?
01:16:05 - Alors, je ne vais peut-être pas plaider pour ma paroisse,
01:16:09 mais je pense que la question aujourd'hui de notre système
01:16:13 de santé, des enjeux d'humanisation du soin dépassent
01:16:17 largement même ceux des soins palliatifs et de la fin de vie.
01:16:21 Et que notre système de santé va très mal.
01:16:24 On reviendra, parce que j'ai bien aimé quelques idées
01:16:27 sur lesquelles je vous rejoins, sur la démographie soignante,
01:16:30 et qu'il y a de moins en moins de personnes qui souhaitent
01:16:34 être dans ces positions de soins essentiels, de soins premiers,
01:16:39 de solidarité vis-à-vis des plus vulnérables.
01:16:42 Et je pense que ces questions interrogent l'ensemble
01:16:44 de notre société, et pas seulement certaines professions,
01:16:47 même s'il est évident qu'il faut les revaloriser,
01:16:51 et qu'il y a un énorme travail là-dessus.
01:16:55 Pour autant, oui, il faut développer les soins palliatifs,
01:16:58 il faut surtout développer une culture palliative
01:17:01 et une culture éthique, qui consiste aussi à pouvoir
01:17:05 accueillir le patient tel qu'il est, dans sa souffrance,
01:17:10 dans son contexte psycho-socio-familial,
01:17:14 et que le travail d'accueil n'est pas un travail de validation
01:17:19 d'une demande, oui ou non, est-ce que sa demande est valide ou pas,
01:17:22 c'est bien au-delà. C'est de pouvoir l'accueillir,
01:17:27 comprendre avec lui ce qu'il vit, être attentif à son récit,
01:17:31 à la façon dont il se situe dans ce qu'il vit,
01:17:35 de voir ce qu'on peut mobiliser comme soins pour l'accompagner,
01:17:39 et si dans sa demande il y a une souffrance réfractaire,
01:17:43 pouvoir l'entendre dans un collège suffisamment pluridisciplinaire,
01:17:49 à l'écoute, y compris avec des médiations citoyennes,
01:17:52 entendre aussi la famille, parce que trop souvent,
01:17:55 dans notre système de santé aussi, on clive,
01:17:58 il y a les patients d'un côté, les aidants de l'autre,
01:18:01 alors qu'aujourd'hui la question des aidants,
01:18:03 c'est une question essentielle, avec l'augmentation, n'est-ce pas,
01:18:07 de la dépendance, et trop souvent, à l'hôpital,
01:18:11 les aidants sont tenus à distance, alors que le lendemain,
01:18:14 à la maison, ils sont complètement à l'œuvre,
01:18:17 et là, un peu oubliés de notre système de santé,
01:18:21 donc on a un peu trop tendance à cloisonner, à catégoriser,
01:18:26 à cliver, alors qu'il nous faut penser ces questions-là ensemble,
01:18:31 et dans le dialogue, et pas dans un travail seulement de validation,
01:18:35 bien sûr.
01:18:36 Et la différence entre suicide médicalement assisté et euthanasie,
01:18:40 pour le médecin que vous êtes ?
01:18:42 Alors, les deux, ça sera en tremblant,
01:18:45 mais je pense que ce n'est pas les mêmes...
01:18:48 Les patients qui ont demandé l'un et l'autre,
01:18:51 il se trouve que j'en ai connu, j'ai connu,
01:18:55 depuis notamment l'avis du Comité Consultatif National d'Ethique,
01:18:59 au mois d'octobre 2022 dernier,
01:19:02 qui a donc précédé la Convention Citoyenne,
01:19:05 depuis ce moment-là, plus de collègues neurologues
01:19:08 et plus de patients atteints de maladies neurodégénératives
01:19:11 sont venus vers nous pour être accompagnés
01:19:14 dans une demande d'aide à mourir.
01:19:16 Et j'ai pu observer que certains situaient cette demande
01:19:20 dans la relation de soins,
01:19:22 tandis que d'autres étaient dans un cheminement solitaire
01:19:28 et dans un moment de leur existence
01:19:32 où la médecine n'avait pas sa place.
01:19:36 Excusez-moi, mais d'abord, on pourrait modestement,
01:19:40 nous Français, aller voir les pays qui nous ont précédés
01:19:44 dans cette voie et qui nous montrent d'abord une chose,
01:19:47 indiscutablement, c'est que l'acceptation
01:19:51 de la mort volontaire, appelée ça, on en reparlera,
01:19:54 suicide assisté ou euthanasie, n'est pas du tout incompatible
01:19:59 avec une démocratie qui a nos valeurs humanistes.
01:20:02 Il faut cesser de nous... et en permanence, je le sais,
01:20:06 ça fait 20 ans que j'entends des gens me dire
01:20:08 "Euthanasie, anasie", je l'ai entendu comme ça.
01:20:11 - On ne l'a pas dit.
01:20:12 - Heureusement, vous ne l'avez pas dit,
01:20:15 mais je l'ai entendu et c'est quelque chose d'aberrant.
01:20:19 Donc, on sait très bien, et que ça va se faire,
01:20:23 ça va se faire comme l'IVG,
01:20:26 et tous les Français seront d'accord,
01:20:29 comme les Suisses sont d'accord, comme les Belges sont d'accord,
01:20:32 et au-delà de quoi s'agit-il d'instaurer une liberté ?
01:20:37 Vous vous rendez compte qu'à l'heure actuelle,
01:20:40 à l'heure actuelle, parlons concrètement,
01:20:42 qu'est-ce qui s'est passé à propos du groupe Choisir ?
01:20:45 Il y a des gens qui ont voulu aller au-delà
01:20:49 de ce que fait sur le plan, je dirais, du lobbying la DMD,
01:20:53 et dire "Si on a envie de partir, on doit avoir du pinto barbital,
01:20:58 et pouvoir partir."
01:21:00 Et ils ont voulu se procurer du pinto barbital.
01:21:03 Et on a déclenché 300 policiers pour les rechercher,
01:21:07 les mettre en garde à vue.
01:21:09 Non mais vous vous rendez compte, vous vous rendez compte,
01:21:11 parce que ces gens voulaient que des gens atteints de la maladie de Charcot,
01:21:15 des gens atteints d'une sclérose en plaques,
01:21:18 puissent comme ça partir paisiblement, sans attendre la fin.
01:21:24 On a voulu, et ils sont toujours d'ailleurs inculpés.
01:21:28 Voilà où l'on en est.
01:21:30 Donc il s'agit de détruire un système théocratique absurde,
01:21:35 qui est le pendant du système qui a interdisé l'avortement en 1970.
01:21:41 Je crois qu'on aura fait la liberté...
01:21:44 Vous devez mettre à jour vos fiches, parce que le théocratique,
01:21:47 on ne l'a pas entendu depuis quelques mois.
01:21:49 Donc je ne vois pas à quoi vous référez.
01:21:51 Si cet interdit est purement théocratique, je peux vous en donner d'autres preuves.
01:21:55 Non mais, non, mais, non, mais, bon, peu importe.
01:21:57 Vous pourrez me donner des preuves, on passera la soirée tout à l'heure,
01:21:59 je vous offrirai un pot.
01:22:00 Dépêchez-vous, eh bien, le temps passe.
01:22:02 Deux choses que je voulais dire.
01:22:03 D'abord, la comparaison avec l'avortement est intéressante,
01:22:05 puisque effectivement il y a un manifeste,
01:22:07 et rappelez-vous du manifeste des 343 femmes,
01:22:10 et on était en 1971.
01:22:12 A l'époque, il y avait 5 000 femmes qui mourraient à la suite d'avortement,
01:22:15 et il y avait à peu près 1 500 000 femmes qui se faisaient apporter.
01:22:19 Quand vous regardez vraiment le texte, c'est effectivement,
01:22:21 je suis maîtresse de mon corps,
01:22:23 et je ne vois pas en quoi l'État va me contraindre, en quoi que ce soit.
01:22:26 Je fais une distinction quand même entre l'avortement,
01:22:29 enfin je veux dire, et l'euthanasie.
01:22:33 Un grand philosophe, qui est très partie prenante d'une évolution rapide de la loi,
01:22:38 dit qu'il y a IVG et IVV, c'est l'interdiction volontaire de vie.
01:22:42 Moi j'insiste sur le mot volontaire.
01:22:44 Si c'est volontaire, c'est-à-dire c'est un acte rationnel,
01:22:47 conscient, personnel, avec du discernement, une liberté, un droit, tout ce que vous voulez.
01:22:52 Je ne vois pas en quoi c'est un acte médical.
01:22:55 - Mais on est d'accord, ce n'est pas médical.
01:22:58 - Alors pourquoi nous parle-t-on aujourd'hui d'une évolution
01:23:01 sur l'aide active à mourir, qui serait l'aide active par un médecin ?
01:23:05 Et je pense que c'est une vraie réflexion de fond.
01:23:07 C'est là où je fais une distinction.
01:23:09 Et d'ailleurs le CCNE, quand vous discutez,
01:23:11 la vie de Septembre, la vie sans trottoeuf du CCNE est intéressante.
01:23:15 Il montre une certaine ouverture.
01:23:17 Et quand on voit un petit peu la discussion avec des membres du CCNE,
01:23:19 ils seraient plutôt favorables à l'euthanasie sur un point,
01:23:22 et d'ailleurs les conventionnels aussi,
01:23:24 c'est qu'on a le sentiment que si le suicide assisté,
01:23:28 sur un point on a le sentiment que quand on suicide,
01:23:30 l'acte est véritablement volontaire.
01:23:32 Et d'ailleurs ils observent que des personnes qui ont la capacité de le faire,
01:23:35 quelques fois ne le font pas.
01:23:36 Donc vraiment mon point de vigilance, c'est en quoi est-ce un acte médical ?
01:23:41 C'est un acte qui peut être un acte de compassion.
01:23:44 Et si c'est un acte médical, alors qu'on détermine un homicide,
01:23:48 l'autorisation d'un homicide, et vous aviez, je termine sur ce point,
01:23:53 vous aviez un texte très intéressant puisqu'on parle du comité consultatif.
01:23:58 Une phrase juste, j'en ai obligé de...
01:24:00 C'est la vie 63 du comité consultatif national d'éthique sur la notion d'exception euthanasie.
01:24:05 C'est-à-dire il y avait une exception dans des termes tout à fait précis.
01:24:08 La vraie question c'est chaque 20 vies est exceptionnelle,
01:24:11 et je ne vois pas comment le législateur va déterminer l'exceptionnel.
01:24:14 Le dernier point du dernier point, vous parlez de sclérose en plaque.
01:24:17 Non, non, c'est fini.
01:24:18 C'est-à-dire vous faites...
01:24:19 Moi je trouve que c'est très stigmatisant aujourd'hui de parler de SLA
01:24:22 ou de parler de sclérose en plaque pour dire voilà des gens qui pourraient
01:24:26 éventuellement plus que d'autres justifier d'une euthanasie.
01:24:29 Je vous interromps.
01:24:30 Sans attendre le dernier jour.
01:24:32 Un point d'actualité et je vous interromps, je suis obligé.
01:24:40 La rue s'exprime à Paris.
01:24:42 17 personnes ont été interpellées en marge d'un rassemblement non déclaré
01:24:46 au HAL, au cœur de la capitale.
01:24:48 On prend tout de suite la direction du 12e arrondissement.
01:24:51 Retrouvez notre équipe.
01:24:52 Augustin Donadieu, des tensions sont apparues à proximité de la gare de Lyon.
01:24:56 Effectivement, en marge de ce rassemblement illégal dans le quartier de Châtelet-Léal,
01:25:03 des petits groupes mobiles isolés très rapides en ont profité
01:25:07 pour se rendre dans le 12e arrondissement à la rue de Traversière,
01:25:09 là où nous sommes actuellement.
01:25:10 Et en ont profité pour déclencher des feux de poubelle,
01:25:13 des feux de matelas comme vous le voyez ici.
01:25:15 Ils en ont profité effectivement pour semer un petit peu le chaos
01:25:17 dans cette rue du 12e arrondissement.
01:25:20 Des feux rapidement circonscrits par les pompiers arrivés très rapidement
01:25:23 et des forces de gendarmerie évidemment déployées partout dans la capitale
01:25:26 qui ont pu ramener l'ordre très rapidement ici dans le 12e arrondissement.
01:25:30 À notre arrivée, il y avait encore quelques fumeroles
01:25:32 et des habitants qui depuis leur balcon étaient avec un tuyau d'arrosage
01:25:36 pour tenter de les éteindre.
01:25:38 Mais à l'heure où je vous parle actuellement,
01:25:40 plus aucun groupe ne sème le trouble ici dans les rues de la capitale.
01:25:44 On compte pour l'heure 17 interpellations.
01:25:46 Mais ce décompte devrait augmenter dans les minutes,
01:25:48 dans les prochaines minutes puisque devant nous tout à l'heure,
01:25:51 à côté des halles, en plaqueur pardon, de la capitale,
01:25:55 d'autres personnes se sont faites interpeller.
01:25:57 Mais tout est rentré dans l'ordre ici à Paris.
01:26:00 Merci beaucoup Augustin.
01:26:02 Donne adieu en duplex du 12e arrondissement de Paris.
01:26:05 Merci à Charles Pousseau pour les images.
01:26:07 La soirée continue sur CNews avec la dernière partie des visiteurs du soir.
01:26:11 Et la dernière partie des visiteurs du soir,
01:26:15 elle est consacrée à Alexandre Schiratti,
01:26:17 qui est géographe spécialisé dans les mobilités
01:26:21 et qui publie une histoire du voyage à vélo.
01:26:24 Ça s'intitule "Prendre la route".
01:26:25 Alors je trouve ça très intéressant, cette histoire du voyage à vélo,
01:26:28 à un moment où en France, on découvre de plus en plus
01:26:32 que les centres-villes sont envahis par les vélos,
01:26:34 ce qui est totalement inédit dans notre pays
01:26:36 puisqu'on a toujours privilégié la voiture et la mobilette
01:26:39 dont étaient les constructeurs numéro un.
01:26:41 Aujourd'hui, c'est le vélo qui envahit les centres-villes,
01:26:44 mais vous voudriez bien qu'il sorte des centres-villes
01:26:46 et qu'il reprenne la route.
01:26:48 Mais avant d'en arriver là, je voudrais vous demander,
01:26:50 quand il apparaît le vélo, quand il se modernise,
01:26:52 quand on invente les pédales, on est à la fin du 19e siècle,
01:26:56 à ce moment-là, il concurrence qui ?
01:26:58 Les premiers qui achètent des vélos.
01:27:00 Quand un nouveau moyen de locomotion arrive,
01:27:02 c'est toujours pour prendre la place d'un autre.
01:27:03 Alors il concurrence qui ?
01:27:04 Le cheval, la marche à pied, les premières automobiles,
01:27:09 le train, les tramways.
01:27:11 Contre qui est-ce que le vélo doit se faire une place ?
01:27:14 Ça va peut-être vous surprendre,
01:27:16 mais les premières personnes que ça concurrence,
01:27:19 c'est les artistes de cirque.
01:27:20 Du coup, on invente le vélo, on ne sait pas trop quoi faire avec,
01:27:23 et on s'amuse au bois de boulogne à faire des roues avant,
01:27:26 des roues arrière, à s'amuser à faire des cabrioles,
01:27:29 et les gens ne sont pas éduqués au vélo.
01:27:31 C'est un gadget.
01:27:32 C'est un gadget.
01:27:33 Au début, on ne sait pas trop ce qu'on va faire de ça.
01:27:35 Avant de gagner ses pédales, dans les années 1860,
01:27:38 c'est d'abord une Dresienne, autour de 1817-1818.
01:27:42 Une Dresienne, donc un vélo sans pédale.
01:27:44 Ça reste dans l'oubli pendant une quarantaine d'années.
01:27:46 Et puis, il y a quelqu'un, Pierre Michaud à Paris,
01:27:49 qui a l'idée de mettre des pédales sur ce drôle d'engin,
01:27:52 et du coup, il s'amuse comme ça.
01:27:54 Cette concurrence des autres modes de déplacement,
01:27:57 elle viendra quand on se rend compte qu'on peut se déplacer avec cette machine.
01:28:00 C'est-à-dire qu'on peut aller plus vite qu'à pied,
01:28:02 on peut aller plus vite qu'avec un cheval,
01:28:04 et encore sans entretenir ce cheval,
01:28:07 aller le faire boire, aller le faire manger,
01:28:10 ou dormir dans les relais de poste.
01:28:12 Et donc, ça ouvre tout un potentiel de liberté,
01:28:16 d'abord pour les gens qui souhaitent voyager et s'échapper des grands troncs.
01:28:20 C'est là où ça m'étonne le plus quand je lis votre livre.
01:28:22 Je me dis, qui s'est dit, tiens, le vélo, ça pourrait concurrencer le train ?
01:28:26 Parce que c'est ça, au fond, ceux qui partent à vélo loin,
01:28:28 et ils sont très nombreux à un moment.
01:28:30 C'est une véritable épopée,
01:28:32 et ça touche toutes les classes de la population.
01:28:34 Il ne s'agit pas seulement que ce soit des grands sportifs.
01:28:37 Vous racontez tout un voyage de Jean-Paul Sartre et Simone de Beauvoir,
01:28:41 à vélo pendant l'été, ils ne s'étaient pas spécialement entraînés avant.
01:28:45 Alors, comment est-ce qu'on s'est dit, tiens, tout à coup, avec un vélo,
01:28:47 on peut faire des grands voyages ?
01:28:49 Ce qu'on ne fait plus aujourd'hui.
01:28:50 Alors, ce n'est pas forcément vrai de dire qu'on ne le fait plus du tout.
01:28:54 Les dernières enquêtes de déplacement montrent
01:28:56 qu'il y a à peu près un million de Français tous les ans
01:28:59 qui font des voyages à vélo,
01:29:01 c'est-à-dire qui dorment au moins une nuit à l'extérieur,
01:29:03 soit en camping, soit en chambre d'eau.
01:29:05 Et qui font de longs trajets.
01:29:06 Qui font de longs trajets.
01:29:07 Le trajet médian, c'est 550 km.
01:29:09 On est sur un mouvement qui est quand même assez massif.
01:29:12 Et ça a été un peu le point de départ du livre,
01:29:14 en se disant qu'il y avait derrière cette pratique de loisir
01:29:17 un vrai fait culturel, et que ce fait culturel,
01:29:19 il méritait d'être un peu décrypté, un peu analysé
01:29:21 par son aspect historique et sociologique.
01:29:23 Et pour revenir sur le train,
01:29:25 je dirais que le vélo ne vient pas concurrencer le train
01:29:28 au début, mais vient plutôt en complémentarité.
01:29:31 Le train, c'est le tourisme de masse,
01:29:34 l'apparition du tourisme de masse.
01:29:35 D'abord le tourisme balnéaire dans le sud de la France,
01:29:37 et les bourgeois, ou les gens de bonne famille,
01:29:41 ne souhaitent pas se retrouver forcément avec la plèbe,
01:29:44 avec la masse de gens populaires en vacances.
01:29:47 Et donc ils prennent le vélo pour s'échapper
01:29:49 de ces routes principales,
01:29:50 et aller découvrir leur pays en montagne.
01:29:52 - Vous allez dire que ce sont les bourgeois
01:29:53 qui prennent des vélos au départ,
01:29:55 et avant que les ouvriers, dont on nous dit toujours
01:29:58 qu'au moment des premiers congés payés en 1936,
01:30:02 ils ont pris des vélos pour aller sur la plage.
01:30:04 - Absolument. Pendant 40 ans, le vélo est très très cher.
01:30:06 C'est un objet qui est produit de manière artisanale
01:30:08 dans des petits ateliers à Paris,
01:30:10 et il est réservé vraiment à une élite.
01:30:12 Donc des gens qui dépensent beaucoup d'argent,
01:30:14 vraiment beaucoup d'argent,
01:30:15 et donc c'est limité à deux types de pratiquants.
01:30:17 Les pratiquants plutôt bourgeois,
01:30:19 ceux qui vraiment ont déjà un de l'argent
01:30:21 et deux du temps pour pouvoir pratiquer ça.
01:30:24 Et la deuxième partie, c'est les gens qui travaillent
01:30:26 dans ce secteur-là, c'est-à-dire les ouvriers
01:30:28 qui travaillent eux-mêmes dans les usines.
01:30:30 Et ces ouvriers-là, eux aussi, vont pouvoir partir
01:30:32 le dimanche en balade, ils vont commencer
01:30:34 à écrire des récits, et ils vont faire la course.
01:30:36 Voilà. Et du coup, les courses à vélo,
01:30:38 elles apparaissent à la fin des années 1860,
01:30:40 avant de donner le tour de France
01:30:42 au début du XXe siècle.
01:30:44 - Est-ce qu'il y a eu déjà une époque
01:30:45 où, comme aujourd'hui, on a des centres-villes
01:30:47 envahis par les vélos ?
01:30:49 Ou est-ce que c'est complètement inédit, ça ?
01:30:51 - On a des centres-villes envahis par les vélos,
01:30:53 mais plus que des centres-villes, on a des périphéries
01:30:55 envahies par les vélos. C'est-à-dire que
01:30:57 les vélos, on voit beaucoup
01:30:59 d'images d'ouvriers
01:31:01 qui entrent et qui sortent de l'usine des vélos,
01:31:03 et généralement, ces usines, elles sont dans les quartiers
01:31:05 périphériques, elles sont dans les quartiers ouvriers.
01:31:07 Et donc, aujourd'hui,
01:31:09 c'est plutôt des endroits où il y a beaucoup de voitures.
01:31:11 Et à cette époque-là, il y avait beaucoup de vélos.
01:31:13 Il y en avait aussi dans les centres-villes.
01:31:15 Il y a eu, à peu près, entre 1890
01:31:17 et 1930,
01:31:19 des centres-villes et des villes,
01:31:21 qui étaient, de manière générale, totalement envahies
01:31:23 par ce vélo-là. Donc, ce n'est pas une pratique nouvelle.
01:31:25 Et c'est pour ça que je préfère plutôt parler
01:31:27 de retour du vélo que d'arrivée du vélo.
01:31:29 - Est-ce qu'il y a eu une époque où
01:31:31 les enfants allaient à l'école à vélo ?
01:31:33 Ça m'a toujours étonné,
01:31:35 notamment quand j'étais enfant,
01:31:37 qu'on ne puisse pas aller à l'école à vélo.
01:31:39 Ça ne se faisait pas en France. Il n'y avait même pas d'endroit pour les garer.
01:31:41 - Écoutez, moi, j'ai eu la chance d'aller
01:31:43 à l'école à vélo enfant. - Vous êtes plus jeune.
01:31:45 - Effectivement, c'est peut-être
01:31:47 le témoin d'un certain
01:31:49 retour de cette pratique-là.
01:31:51 Forcément, oui, il y a eu
01:31:53 beaucoup d'enfants jusqu'à
01:31:55 la Seconde Guerre mondiale. Après la Seconde Guerre mondiale,
01:31:57 on voit l'apparition des premières autoroutes,
01:31:59 de l'arrivée
01:32:01 de l'automobile en masse. D'ailleurs, c'est très intéressant
01:32:03 parce que vous parliez de Simone de Beauvoir
01:32:05 et Jean-Paul Sartre qui partent
01:32:07 s'aérer un petit peu, qui font
01:32:09 2000 km tous les étés, chaque année,
01:32:11 entre 1939 et 1944
01:32:13 en France. Et Simone de Beauvoir
01:32:15 écrira dans ses mémoires que si elle avait
01:32:17 pu le faire en mobilette ou en voiture,
01:32:19 elle l'aurait bien fait en mobilette ou en voiture.
01:32:21 Et que finalement, le vélo était plus
01:32:23 une manière populaire
01:32:25 et économique de voyager
01:32:27 qu'un vrai choix, comme on peut le voir aujourd'hui, de passionné
01:32:29 ou un choix motivé par des raisons éthiques.
01:32:31 - On a beaucoup dit que la bicyclette
01:32:33 avait été un moyen d'épancipation
01:32:35 pour les femmes, vous en tant qu'historien
01:32:37 du voyage à vélo, vous le confirmez ?
01:32:39 - Absolument. Il y a beaucoup
01:32:41 de femmes... Alors, la bicyclette,
01:32:43 ça commence à se populariser dans les
01:32:45 années 1870, et des femmes
01:32:47 commencent à pratiquer. Il y a un problème,
01:32:49 c'est qu'elles ont l'obligation
01:32:51 de vêtir des jupes.
01:32:53 Et du coup, elles sont empêchées.
01:32:55 Les industriels inventent des vélos
01:32:57 où il faut qu'elles se mettent en Amazon,
01:32:59 donc imaginez la difficulté à pédaler
01:33:01 dans cette position-là.
01:33:03 Et elles vont commencer à revendiquer le droit
01:33:05 de porter des culottes d'hommes.
01:33:07 Et à travers, du coup, d'une part
01:33:09 la possibilité, la liberté
01:33:11 de se déplacer, et
01:33:13 le fait que c'est une bonne raison
01:33:15 pour pouvoir s'habiller comme elles veulent,
01:33:17 le vélo va devenir un vrai étendard
01:33:19 des premiers mouvements féministes en France,
01:33:21 en Grande-Bretagne et aux Etats-Unis.
01:33:23 - Pourquoi est-ce que vous souhaitez
01:33:25 un tel retour du cyclotourisme ?
01:33:27 Uniquement pour des raisons écologiques ?
01:33:29 C'est que tous les gens qui partiront
01:33:31 en vacances à vélo
01:33:33 ne partiront pas en voiture, en avion ?
01:33:35 - C'est une des raisons, effectivement.
01:33:37 Pour faire suite au débat qui a eu lieu tout à l'heure
01:33:39 sur le nucléaire, l'idée de la transition
01:33:41 écologique, il y a trois choses. Il y a la sobriété,
01:33:43 l'efficacité, et puis la transition vers des énergies
01:33:45 durables. Et dans cette question
01:33:47 de sobriété, effectivement, se pose la manière
01:33:49 avec laquelle on se déplace, à la fois
01:33:51 pour ses vacances et à la fois pour son quotidien.
01:33:53 Pour ses vacances, je pense que ça doit dépasser
01:33:55 en tout cas ses motivations écologiques,
01:33:57 mais justement, ouvrir à une certaine
01:33:59 vision du monde, ouvrir à une découverte
01:34:01 de son pays, une découverte de la nature.
01:34:03 Et ce qui est intéressant dans mes
01:34:05 recherches, c'est que j'ai trouvé qu'il y avait
01:34:07 beaucoup d'auteurs cyclistes, en tout cas
01:34:09 au début du XXe siècle, qui avaient écrit sur ça
01:34:11 et on pourrait presque les qualifier de pionniers
01:34:13 de l'écologie.
01:34:15 Vous vouliez intervenir, peut-être ?
01:34:17 Je pensais à Roberton sur la marche,
01:34:19 donc tous ses travaux anthropologiques.
01:34:21 Je trouve qu'il y a une vraie comparaison,
01:34:23 parce que c'est reprendre du temps sur le temps aussi,
01:34:25 et reprendre du temps aussi
01:34:27 pour être dans la nature.
01:34:29 Il y a toute une relation au monde, et je trouve
01:34:31 qu'il y a un aspect peut-être aussi de résistance
01:34:33 par rapport à l'intelligence
01:34:35 artificielle. L'instant présent
01:34:37 est d'une manière générale
01:34:39 réintégrée à travers
01:34:41 aussi cette relation au corps, à la nature,
01:34:43 à l'enfermement. En vous écoutant,
01:34:45 je pensais aux travaux de David Le Breton
01:34:47 et je trouve qu'il y a une grande proximité.
01:34:49 Il y a également écrit sur le vélo
01:34:51 David Le Breton. Ce qui est intéressant, vous avez parlé
01:34:53 de la notion du corps, et ça c'est important,
01:34:55 parce qu'effectivement, quand on est dans des modes
01:34:57 de vie urbains, qu'on travaille, ou qu'on est
01:34:59 même en télétravail, donc on n'a même plus besoin
01:35:01 de se déplacer pour aller travailler,
01:35:03 on a aussi besoin de retrouver la relation à son corps.
01:35:05 Et je pense que les vacances, c'est une bonne
01:35:07 manière de retrouver ça, c'est-à-dire de retrouver
01:35:09 le goût de l'effort, de retrouver
01:35:11 cet effort qui finalement
01:35:13 a précédé toutes nos générations
01:35:15 de nos grands-parents
01:35:17 paysans et ouvriers qui ont sué...
01:35:19 C'est aussi le seul moyen de transport
01:35:21 mécanique qui ne fasse pas de bruit.
01:35:23 Exactement, c'est un transport autonome,
01:35:25 comme dit Ivan Ilich, c'est-à-dire
01:35:27 c'est un transport qui n'a pas besoin
01:35:29 de sources extérieures,
01:35:31 d'énergie pour avancer.
01:35:33 Je pense que c'est peut-être ça la vraie liberté.
01:35:35 François Diople, vous parlez du cyclotourisme,
01:35:37 mais attention,
01:35:39 il y a l'urbanotourisme,
01:35:41 l'utilisation du vélo
01:35:43 comme moyen de transport
01:35:45 urbain. Quand on va dans
01:35:47 des villes comme Copenhague
01:35:49 ou autres, on s'aperçoit que
01:35:51 attention, quand tu traverses, il faut faire attention
01:35:53 au vélo, parce qu'il y en a beaucoup plus,
01:35:55 des autos il n'y en a pas beaucoup, mais il y a des vélos.
01:35:57 Et donc là, il y a véritablement
01:35:59 une fonction du vélo,
01:36:01 parce que je veux bien, on disait,
01:36:03 le nucléaire et les voitures électriques
01:36:05 alimentées par le nucléaire
01:36:07 avant que ça marche. Non,
01:36:09 le vélo, ça peut marcher beaucoup plus,
01:36:11 beaucoup mieux dans les villes.
01:36:13 Alors, cyclotourisme,
01:36:15 d'accord, mais
01:36:17 dans les villes, regardez,
01:36:19 encore une fois, quand les Français se posent
01:36:21 des problèmes, qu'ils aillent regarder ailleurs.
01:36:23 Allez regarder dans les villes scandinaves
01:36:25 et vous verrez ce que
01:36:27 peut être le vélo comme moyen
01:36:29 de transport urbain,
01:36:31 non polluant.
01:36:33 - Est-ce que le... Pardon, monsieur Levy-Soussot,
01:36:35 je vous en prie. - Non, tout à l'heure,
01:36:37 vous parliez de faits culturels.
01:36:39 Moi qui ai toujours été en vélo au lycée
01:36:41 et depuis toujours dans la ville,
01:36:43 là, je m'émerveille
01:36:45 de la créativité, de la beauté
01:36:47 de tant de cycles,
01:36:49 tant de façons d'associer
01:36:51 la famille. Alors,
01:36:53 en Asie, on voyait déjà
01:36:55 des familles à vélo, mais
01:36:57 maintenant, on construit des vélos,
01:36:59 ils sont les uns plus beaux que les autres,
01:37:01 on sent qu'on est...
01:37:03 Voilà, que c'est une mobilité
01:37:05 nouvelle et créative.
01:37:07 - Il faut dire que le vélo a été beaucoup
01:37:09 ringardisé dans notre pays,
01:37:11 justement pour les raisons qu'on disait tout à l'heure.
01:37:13 On voulait vendre des voitures, vendre des mobilettes
01:37:15 à ceux qui n'avaient pas les moyens d'obtenir des voitures,
01:37:17 on voulait pas qu'ils vendent des vélos.
01:37:19 Et l'image du vélo, en France,
01:37:21 a été tout à fait
01:37:23 dévalorisée.
01:37:25 Ce qu'on sait beaucoup, c'est que la France,
01:37:27 c'est le pays de l'automobile, il y a une industrie très très forte,
01:37:29 mais ça a aussi été le pays
01:37:31 de l'industrie du vélo. Peugeot,
01:37:33 Mercier, tout ça, c'était des grandes entreprises
01:37:35 qui employaient beaucoup de monde et qui...
01:37:37 - Et le Tour de France ! - Et le Tour de France, évidemment.
01:37:39 Et chacun d'eux se sont effectivement
01:37:41 convertis eux-mêmes à des moyens
01:37:43 mécaniques, motorisés,
01:37:45 parce qu'ils pouvaient vendre plus cher,
01:37:47 c'était de plus belles machines.
01:37:49 Ce qui est intéressant là-dedans, c'est de se dire
01:37:51 qu'effectivement, le vélo,
01:37:53 il a toute sa place en ville, alors ce n'est pas de
01:37:55 l'urbanotourisme, c'est vraiment du déplacement
01:37:57 urbain, du déplacement utilitaire.
01:37:59 Je crois qu'il a également sa place,
01:38:01 et ça on le pense un peu moins, et ça rejoint
01:38:03 tout à fait la réflexion sur la famille,
01:38:05 il a sa place en périphérie. Ce qu'il faut savoir, c'est qu'il y a
01:38:07 les deux tiers des Français qui vivent dans ce qu'on appelle
01:38:09 la France périphérique, la France pavillonnaire,
01:38:11 et aujourd'hui,
01:38:13 alors que les parts modales du vélo
01:38:15 augmentent en centre-ville, elles continuent à diminuer
01:38:17 dans ces zones-là qui sont toujours plus motorisées,
01:38:19 toujours plus dangereuses, et toujours plus gangrénées
01:38:21 par une forme de vitesse. Et pour atteindre
01:38:23 cette sobriété énergétique, je crois
01:38:25 qu'il faut réaliser aujourd'hui les aménagements comme on peut
01:38:27 trouver dans les pays nordiques, qui permettent à ces
01:38:29 familles de pouvoir se déplacer au quotidien,
01:38:31 de jour comme de nuit, sur
01:38:33 ces déplacements relativement courts.
01:38:35 Il y a 60% des déplacements
01:38:37 qui font
01:38:39 moins de 7 km qui sont réalisés en voiture.
01:38:41 Et sur ces 60%, je pense
01:38:43 qu'on peut au moins essayer d'en conquérir la moitié
01:38:45 à vélo. C'est souvent
01:38:47 les intempéries qui font
01:38:49 qu'on n'a pas envie de prendre un vélo
01:38:51 et qu'on préfère prendre sa voiture, ou parce que c'est le soir
01:38:53 et qu'on a peur d'avoir un accident.
01:38:55 - Alors effectivement, les intempéries, et ça, je pense que les
01:38:57 voitures ont beaucoup, en tout cas l'industrie automobiles,
01:38:59 a beaucoup rigolé, ou s'est beaucoup gossé
01:39:01 de ces cyclistes qui rentrent
01:39:03 plein debout. Aujourd'hui, il y a
01:39:05 des câbles de pluie qui sont très efficaces, je les utilise
01:39:07 moi-même dès qu'il y a une goutte d'eau.
01:39:09 Je peux vous dire qu'on rentre chez soi
01:39:11 au sec. C'est aussi une expérience du monde
01:39:13 que d'être sous la pluie.
01:39:15 Et c'est peut-être quelque chose qu'on a à faire.
01:39:17 - Le vélo électrique ?
01:39:19 - J'allais vous dire, est-ce que le vélo électrique,
01:39:21 c'est quand même une révolution considérable,
01:39:23 le vélo électrique,
01:39:25 est-ce que ça change
01:39:27 quelque chose, fondamentalement,
01:39:29 pour ceux qui pourraient
01:39:31 commencer à s'intéresser au vélo ?
01:39:33 - Je ne sais pas si ça change fondamentalement,
01:39:35 parce que finalement, ces déplacements courts, on peut les faire
01:39:37 en vélo mécanique. Ce que je dis, c'est que ça permet
01:39:39 de peut-être convaincre d'autres personnes
01:39:41 qui étaient un peu réfractaires à cet effort-là.
01:39:43 Donc du coup, détendre un petit peu
01:39:45 ce domaine d'action. Et toutes les
01:39:47 subventions actuellement mises en place par le gouvernement
01:39:49 et les collectivités pour acheter
01:39:51 des vélos électriques, ils vont dans ce sens-là,
01:39:53 en disant, il ne s'agit pas aujourd'hui de
01:39:55 convaincre les gens qui font déjà du vélo,
01:39:57 mais d'aller convaincre des gens qui n'en font pas.
01:39:59 Et on voit des très beaux modèles
01:40:01 de vélos aujourd'hui, on peut mettre
01:40:03 trois enfants à l'arrière, il y a
01:40:05 une capote pour se protéger en cas de pluie.
01:40:07 Et voilà, ces vélos-là permettent
01:40:09 du coup d'étendre le domaine
01:40:11 initial de la bicyclette.
01:40:13 - Y compris du cyclotourisme, parce que tout à coup,
01:40:15 ça fait moins peur de partir pour un long trajet
01:40:17 si on sait qu'on a la ressource éventuellement
01:40:19 d'électricité.
01:40:21 - Souvent, c'était le père dans la famille
01:40:23 qui était fan de cyclisme
01:40:25 et qui partait tout seul sur la route avec ses amis.
01:40:27 La possibilité d'avoir un vélo électrique,
01:40:29 ça permet justement de partir en famille, c'est-à-dire
01:40:31 de niveler par le haut
01:40:33 ces pratiques-là, de ne frustrer
01:40:35 personne et d'emmener sa famille
01:40:37 et ses enfants sur les bords de Loire
01:40:39 ou je ne sais où en France, sur les nombreuses véloroutes.
01:40:41 - J'ai une question à poser. Est-ce que c'est un marqueur
01:40:43 social par rapport à des personnes
01:40:45 d'un certain âge qui veulent montrer qu'ils sont
01:40:47 dans le vent, qu'ils sont écolos,
01:40:49 qu'ils sont responsables ? On a le sentiment
01:40:51 qu'il y a un acte quasiment
01:40:53 de militantisme citoyen, en quelque sorte.
01:40:55 Est-ce que c'est quelque chose que vous observez aussi ?
01:40:57 C'est-à-dire entre le côté loisir
01:40:59 et le côté, j'allais dire, politique.
01:41:01 On a l'impression que c'est un acte politique.
01:41:03 Et ça m'a même surpris de voir
01:41:05 des personnes qui jamais n'étaient préoccupées
01:41:07 par l'environnement, qui ont dit "je vais donner un signal
01:41:09 fort, maintenant je vais prendre le vélib", etc.
01:41:11 Y compris des personnes d'un certain âge
01:41:13 qui se sont cassées quelques fois la figure en bicyclette.
01:41:15 Pour eux, c'était un acte politique.
01:41:17 C'est quelque chose qui va dans votre réflexion ?
01:41:19 - Absolument. Tout à fait. On se rend compte que
01:41:21 il y a plusieurs choses qui marquent,
01:41:23 qui font du vélo un marqueur social.
01:41:25 D'abord, c'est la nouveauté du vélo électrique.
01:41:27 Il y a des très beaux vélos électriques
01:41:29 qui valent 4 000, 5 000, 10 000 euros.
01:41:31 Et donc, comme une belle voiture, on a envie
01:41:33 de sortir son beau vélo et de montrer à tout le monde
01:41:35 qu'on est un peu "in".
01:41:37 Le deuxième marqueur social,
01:41:39 c'est une manière de toucher
01:41:41 de manière très pragmatique
01:41:43 la transition écologique, en se disant "j'ai un vélo,
01:41:45 donc je suis écologiste,
01:41:47 donc je m'intéresse au climat
01:41:49 et ça permet de montrer au monde
01:41:51 qu'on est passionné par ces questions-là".
01:41:53 - Mais pendant très longtemps, en France,
01:41:55 le vélo était strictement associé au loisir.
01:41:57 C'était un moyen de loisir.
01:41:59 Et ça n'était pas un moyen de transport.
01:42:01 Est-ce que vous avez l'impression
01:42:03 qu'aujourd'hui c'est devenu, même pour ceux
01:42:05 qui ne le pratiquent pas, mais que tout le monde
01:42:07 accepte l'idée que le vélo est un moyen de transport ?
01:42:09 Et qu'à cet effet,
01:42:11 on peut l'utiliser pour aller travailler
01:42:13 et pour partir en vacances ?
01:42:15 - Comme je disais, ça a été un moyen de transport.
01:42:17 Ça a été un moyen de transport massif dans la première moitié
01:42:19 du XXe siècle. C'est quelque chose qu'on a totalement
01:42:21 oublié à l'arrivée de la voiture.
01:42:23 C'est simple.
01:42:25 Aujourd'hui, il n'y a qu'à aller dans Paris.
01:42:27 Il n'y a pas que des militants en vélo.
01:42:29 Il y a vraiment des gens qui prennent le vélo
01:42:31 ou le vélib ou les vélos en libre-service
01:42:33 tout simplement parce que ça va plus vite.
01:42:35 Parce que les pistes cyclables permettent d'aller plus vite.
01:42:37 On peut se permettre de brûler
01:42:39 certains feux rouges. Évidemment, quand il y a le panneau
01:42:41 M12, c'est des passages.
01:42:43 Maintenant, tous les feux
01:42:45 sont presque équipés.
01:42:47 En tout cas, ça permet de traverser une ville,
01:42:49 un centre-ville, de manière plus rapide et plus efficace
01:42:51 que n'importe quel autre mode de transport.
01:42:53 Le Covid, également, les gens ne voulaient plus prendre
01:42:55 les transports publics. Le vélo permet
01:42:57 de respirer de l'air. Pur, je ne sais pas.
01:42:59 Mais en tout cas, pas celui du métro.
01:43:01 Le jour où les cyclistes
01:43:03 auront compris, en ville,
01:43:05 que le code de la route,
01:43:07 c'est aussi pour les deux roues
01:43:09 et pas seulement pour les quatre roues.
01:43:11 Et où ils sauront s'arrêter
01:43:13 aux feux rouges et ne pas toujours
01:43:15 vouloir passer, ce jour-là,
01:43:17 on pourra dire que le vélo a pleinement
01:43:19 conquis sa place dans le transport urbain.
01:43:21 Parce que tout de même,
01:43:23 à l'heure actuelle, il y a une certaine
01:43:25 anarchie vélocypédique
01:43:27 qui est parfois très gênante
01:43:29 et bien dangereuse.
01:43:31 Je ne suis pas tout à fait d'accord.
01:43:33 Le code de la route date de 1929.
01:43:35 Et le code de la route, il a été fait
01:43:37 pour la route. Il a été fait
01:43:39 à l'arrivée de l'automobile pour réguler
01:43:41 les feux automobiles.
01:43:43 Moi, j'ai pris l'expression, je ne sais pas,
01:43:45 vous mettez le code de la rue,
01:43:47 je n'avais pas l'habitude de dire le code de la rue.
01:43:49 Du coup, on peut militer pour un code de la rue
01:43:51 parce qu'aujourd'hui, dans le code de la route
01:43:53 tel qu'il est écrit, ce sont aux modes
01:43:55 les plus faibles, finalement, les vélos
01:43:57 qui ont été créés. Et donc, il faut s'adapter
01:43:59 aux modes les plus forts, aux modes les plus rapides
01:44:01 que sont les modes motorisés.
01:44:03 Et du coup, l'idée, c'est de se dire qu'il pourrait y avoir,
01:44:05 comme dans les pays nordiques par exemple,
01:44:07 où il y a dans certains endroits la priorité pour le vélo,
01:44:09 de retourner un peu la réflexion en se disant
01:44:11 pourquoi pas faire un code de la rue,
01:44:13 en tout cas en ville ou dans les périphéries,
01:44:15 pour que ces modes dits doux soient prioritaires.
01:44:17 - Et puis, il faut remarquer aussi
01:44:19 que le vélo, c'est quand même
01:44:21 le seul moyen de transport
01:44:23 où on peut voyager en bande.
01:44:25 Parce qu'on peut voyager, évidemment, tous à moto,
01:44:27 mais on peut se parler. A vélo, on peut se parler.
01:44:29 - Ça dépend où.
01:44:31 Si on monte une côte à 12%, je vous défie de...
01:44:33 - Enfin, en tout cas, s'il y en a un qui crie,
01:44:35 on l'entend.
01:44:37 - ...avec votre ami, mais effectivement, on peut voyager en groupe.
01:44:39 C'est quelque chose qui est social.
01:44:41 On peut emmener des amis, des enfants.
01:44:43 En tout cas, c'est ce qu'écrivent beaucoup
01:44:45 les romanciers ou les personnes
01:44:47 qui témoignent dans des récits de voyage à vélo,
01:44:49 qu'on est au contact direct des éléments.
01:44:51 On est au contact direct de l'air,
01:44:53 de l'eau, de l'eau, de l'air.
01:44:55 - C'est aussi ce qui peut refroidir certains.
01:44:57 - Ça peut refroidir certains, bien sûr.
01:44:59 - Merci à tous les quatre d'avoir terminé cette émission avec moi.
01:45:01 Merci de nous avoir suivis.
01:45:03 Et rendez-vous samedi prochain à 22h
01:45:05 pour un nouveau numéro des Visiteurs du Soir.
01:45:07 Je vous souhaite une très bonne nuit.
01:45:09 Merci à tous !