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Frédéric Taddeï et ses invités débattent des grandes questions du XXIe siècle dans les #VisiteursDuSoir

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00:00:00 Bonsoir, bienvenue sur le plateau des visiteurs du soir.
00:00:05 Il est 22h, c'est la fin de la semaine.
00:00:07 On va pouvoir prendre un peu de recul sur l'actualité.
00:00:10 À 23h30, on débattra du glyphosate qui inquiète une grande majorité de Français
00:00:15 dont l'autorisation a été prolongée de 10 ans par la Commission européenne.
00:00:18 Il y aura Michel Rivasi, député européen Europe Écologie-Les Verts,
00:00:22 co-fondatrice de l'Observatoire de Vigilance et d'Alerte écologique
00:00:26 et Géraldine Vossner qui vient de publier dans l'hebdomadaire Le Point
00:00:30 glyphosate la longue histoire d'une manipulation.
00:00:33 À 23h, on se demandera pourquoi Donald Trump, malgré ses nombreuses inculpations,
00:00:38 a toutes les chances selon les sondages de battre Joe Biden à la présidentielle de l'année prochaine.
00:00:43 Marie-Christine Bonzon et Denis Lacorne seront là pour nous éclairer.
00:00:47 À 22h20...
00:00:50 À 22h20... Non, il y a un petit problème de prompteur, excusez-moi.
00:00:55 À 22h20, on s'intéressera à la chasse et aux raisons de l'interdire
00:00:58 avec Hubert Rombaud et Vincent Piednoir qui défendent la chasse,
00:01:02 dans l'ouverture de la chasse, une philosophie, une culture.
00:01:06 Ils seront face au philosophe antispéciste Thomas Le Pelletier
00:01:10 et à Bertrand Alliot, le porte-parole d'Action Écologie.
00:01:13 Mais d'abord, on commence l'émission avec un visiteur du soir
00:01:16 qui va nous accompagner tout au long de cette émission.
00:01:18 C'est Jérôme Fourquet, le directeur du département Opinion de l'IFOP,
00:01:22 l'auteur de "L'archipel français".
00:01:25 Jérôme Fourquet, votre nouvel essai vient de paraître.
00:01:27 Il s'intitule "La France d'après".
00:01:29 Il est sous-titré "Tableau politique" en référence au fameux livre
00:01:32 d'André Siegfried en 1913, "Tableau politique de la France de l'Ouest".
00:01:37 Vous y expliquez comment se forment aujourd'hui les opinions politiques
00:01:41 et les votes dans ce que vous appelez "La France d'après".
00:01:43 La France d'après quoi ?
00:01:45 - La France d'après, la grande métamorphose,
00:01:48 une période qui s'est déroulée des années 80 à peu près à nos jours
00:01:52 et qui aboutit à une transformation de la société française
00:01:56 très très profonde avec notamment des répercussions électorales.
00:02:00 Le point de départ du livre, c'est les résultats du premier tour
00:02:04 de l'élection présidentielle où Valérie Pécresse et Anne Hidalgo,
00:02:07 les deux représentantes des deux grands partis de gouvernement
00:02:10 qui ont structuré la vie politique française,
00:02:12 recueillent en score cumulé 6,4% des voix.
00:02:16 Et donc ça nous montre bien comment nous sommes passés
00:02:19 en l'espace d'une quinzaine ou vingtaine d'années
00:02:22 à une France qui est très profondément différente
00:02:25 de celle que nous avons connue encore dans les années 80 et 90.
00:02:29 - Mais est-ce que ça ne tient pas seulement à la personnalité
00:02:32 de Valérie Pécresse et d'Anne Hidalgo ?
00:02:34 S'il y avait eu de meilleures candidates,
00:02:37 on peut imaginer que leur formation politique respective
00:02:42 aurait fait un meilleur score.
00:02:43 - Alors c'est une hypothèse qu'on peut envisager,
00:02:46 mais quand on rentre un peu dans le détail des choses,
00:02:49 on voit que ce qui se passe aujourd'hui, en fait,
00:02:52 est le résultant d'une longue évolution tectonique,
00:02:56 un souterrain, avec une des premières étapes
00:02:59 la plus spectaculaire dans le Big Bang,
00:03:02 c'est l'élection d'Emmanuel Macron en 2017,
00:03:04 qui pour reprendre un terme très en vogue dans la Macronie,
00:03:07 a été très disruptif comme événement.
00:03:11 - Et alors, ce qui a changé pour vous dans la France d'après,
00:03:16 c'est que la société française s'est internationalisée
00:03:19 sur le plan économique, culturel, sociétal.
00:03:23 Qu'est-ce que ça veut dire, ça ?
00:03:25 - Alors, la société française n'a jamais été totalement hermétique
00:03:28 et fermée aux influences culturelles étrangères,
00:03:31 mais depuis les années 80-90, on a deux mouvements concomitants.
00:03:36 C'est d'abord l'accélération de l'intégration européenne
00:03:40 avec le traité de Maastricht, puis l'arrivée de l'euro,
00:03:43 mais tout ça se décline aussi très concrètement
00:03:45 avec le Thalys, l'Eurostar, l'Euromillions,
00:03:49 le Tour de France aujourd'hui, qui, la moitié des cas,
00:03:52 démarre en dehors des frontières de l'Hexagone,
00:03:55 le fameux programme Erasmus,
00:03:57 avec le film de Cédric Clapiche, "L'auberge espagnole".
00:04:00 Donc il y a cette accélération de l'intégration européenne
00:04:03 et puis la connexion de plus en plus importante de notre économie
00:04:08 au flux économique international, la globalisation,
00:04:11 qui va rebattre énormément de cartes
00:04:14 avec des délocalisations d'entreprises,
00:04:16 des bassins d'emplois sinistrés,
00:04:18 et puis au final aussi l'émergence d'un vaste groupe social,
00:04:22 alors qu'on peut qualifier, c'est un peu réducteur,
00:04:25 de gagnants de la mondialisation, mais plus généralement,
00:04:28 tout un public qui aujourd'hui est tout à fait à l'aise
00:04:31 dans cette nouvelle donne, partage les codes
00:04:35 et ces références internationales, dont les enfants vont faire
00:04:38 une partie des études à l'étranger,
00:04:41 c'est le public qui voyage beaucoup,
00:04:43 et c'est de mon point de vue ce noyau électoral-là
00:04:46 qui a été le carburant de la montée en puissance d'Emmanuel Macron.
00:04:50 On a vu que le macronisme, nouvelle idéologie,
00:04:54 était assez fluctuant sur toute une série de sujets.
00:04:57 Par contre, il y a un sujet sur lequel Emmanuel Macron
00:05:00 et ses lieutenants n'ont jamais dévié,
00:05:02 c'est l'attachement à la construction européenne.
00:05:04 Y compris dans les périodes les plus critiques
00:05:07 de notre histoire récente, au moment de la crise Covid,
00:05:10 vous vous souvenez qu'on s'arc-boutait sur le fait
00:05:13 qu'il ne fallait pas fermer les frontières,
00:05:15 parce que selon la formule consacrée,
00:05:17 le virus n'avait pas de passeport.
00:05:19 Donc on voit cette émergence d'une classe internationalisée,
00:05:23 en tout cas connectée sur cette société ouverte,
00:05:29 qui s'est trouvée un champion en la personne d'Emmanuel Macron.
00:05:32 On avait vu déjà une trace électorale de ce basculement
00:05:36 lors des référendums de 1992 sur Maastricht et puis de 2005,
00:05:40 avec des gens qui avaient voté de la même manière,
00:05:43 en provenant pour autant de deux rives opposées
00:05:46 qui étaient irréconciliables de par notre histoire,
00:05:48 qui étaient la gauche et la droite.
00:05:50 Et le premier qui est parvenu à faire une synthèse
00:05:53 de ce camp du oui, c'est Emmanuel Macron,
00:05:56 ce qui nous fait dire que ce clivage-là
00:05:59 est devenu aujourd'hui au moins aussi puissant
00:06:02 que le vieux clivage gauche-droite,
00:06:04 puisqu'il a généré un candidat qui a été élu et réélu.
00:06:08 - Est-ce que sur le plan culturel aussi,
00:06:10 l'influence internationale est considérable ?
00:06:13 On pourrait dire que ça a commencé après la Seconde Guerre mondiale,
00:06:16 avec le cinéma américain, puis avec la musique anglo-saxonne,
00:06:19 et puis avec Internet, ça s'est disséminé.
00:06:22 Les jeunes générations aujourd'hui sont très influencées
00:06:25 par l'extrême-orient, le Japon notamment,
00:06:27 mais pas seulement le Japon.
00:06:29 Et on peut dire aussi que, je le dis souvent dans cette émission,
00:06:32 les journalistes français ont eu le monopole de l'information
00:06:35 jusqu'en 1990, mais aujourd'hui, avec Internet,
00:06:38 avec les chaînes de télévision par celles-telles,
00:06:41 on peut s'informer où on en a envie.
00:06:44 - Oui, tout à fait, et on voit,
00:06:46 ce que j'essaie de montrer dans ce livre,
00:06:48 comment ces influences culturelles étrangères
00:06:51 se sont en fait superposées ou sédimentées
00:06:54 un peu à l'image des couches géologiques.
00:06:56 Il y a la grosse couche Yankee,
00:06:58 qui s'est bien déposée sur la société française.
00:07:01 Vous vous rappelez la Libération, le plan Marshall, etc.
00:07:04 Mais ce phénomène a connu une accélération
00:07:07 très spectaculaire à partir des années 80.
00:07:10 C'est à partir de la moitié des années 80,
00:07:13 au milieu des années 80, que systématiquement,
00:07:16 chaque année, plus de la moitié des films
00:07:18 qui font un million d'entrées en France vont être américains.
00:07:21 On voit sur le plan culinaire aussi,
00:07:24 McDo a la France comme deuxième marché mondial.
00:07:27 Il y a 1600 restaurants McDonald's en France.
00:07:30 Et on voit comment les termes anglophones
00:07:33 ou anglo-saxons se sont imposés.
00:07:35 J'avais dans un livre précédent beaucoup travaillé
00:07:37 sur les prénoms qui sont donnés.
00:07:39 On a eu dans les années 90, 13% des nouveau-nés
00:07:42 qui recevaient un prénom anglo-saxon.
00:07:44 C'est la France des Kevin, des Jason et des Dylan.
00:07:47 Et puis, cette couche américaine n'a pas disparu,
00:07:50 mais comme vous l'indiquiez, on a aussi aujourd'hui
00:07:52 deux nouvelles couches, donc une couche japonaise,
00:07:55 là aussi avec les mêmes canaux de diffusion,
00:07:57 l'alimentation, les sushis, les images,
00:08:01 les mangas, les films, les dessins animés.
00:08:04 Et aujourd'hui, dernier étage dans ce millefeuille français,
00:08:08 la couche coréenne, sud-coréenne, qui, à son tour,
00:08:12 commence à se déposer et se développer.
00:08:15 Et de tout ça, eh bien, toutes ces influences-là
00:08:19 s'insèrent dans les tissus profonds de la société française
00:08:22 et nous font basculer dans cette fameuse France d'après.
00:08:25 C'est-à-dire que c'est encore la France,
00:08:27 c'est toujours l'Hexagone, mais toute une série de repères
00:08:30 ont complètement volé en éclats.
00:08:32 Et des référentiels qui étaient encore très largement partagés
00:08:35 au début des années 80,
00:08:37 aujourd'hui sont totalement obsolètes.
00:08:40 De même, la proportion des étrangers vivant sur le sol français
00:08:44 n'a paraît-il jamais été aussi importante.
00:08:46 On est à 8 %, dans les années 30, c'était 7 seulement
00:08:50 et on avait l'impression qu'il y avait beaucoup d'étrangers en France.
00:08:54 Ça aussi, ça a des répercussions.
00:08:56 - Alors oui, bien évidemment.
00:08:58 La population qui est statutairement étrangère
00:09:03 en termes de nationalité et de législation,
00:09:09 et puis on a aussi un phénomène beaucoup plus profond
00:09:12 et plus puissant, la population qui est de nationalité française
00:09:15 mais qui est d'origine étrangère.
00:09:17 Et si on revient sur le marqueur des prénoms,
00:09:20 vous avez aujourd'hui 21 % des nouveaux-nés en France
00:09:23 qui reçoivent un prénom arabo-musulman.
00:09:25 Et donc là, on est sur une rupture totale
00:09:27 par rapport à des périodes à laquelle on se compare souvent,
00:09:30 par exemple celle des années 30,
00:09:32 et tout ça participe aussi de cette grande métamorphose française
00:09:36 avec des répercussions et des conséquences électorales majeures.
00:09:40 Je lis en partie la dynamique sur 30 ou 40 ans
00:09:45 du Front National, Rassemblement National,
00:09:48 au développement de cette émigration de masse.
00:09:51 Et de manière symétrique, on peut interpréter
00:09:54 les prises de position de Jean-Luc Mélenchon
00:09:56 sur le conflit israélo-palestinien,
00:09:58 les prises de position récentes,
00:10:00 très tranchées et très en rupture avec le reste de la classe politique,
00:10:04 avec aussi cette nouvelle donne démographique,
00:10:07 puisqu'on le rappelle, Jean-Luc Mélenchon a obtenu 69% des voix
00:10:11 des personnes qui se déclaraient de confession musulmane
00:10:13 dans l'archipel français.
00:10:15 Vous n'avez aucune autre île de l'archipel
00:10:17 qui a voté aussi massivement pour un candidat à la présidentielle.
00:10:21 Et Jean-Luc Mélenchon part du principe,
00:10:23 qui est discutable, que cet électorat est par nature pro-palestinien,
00:10:28 et donc il faut s'adresser à cet électorat
00:10:31 et lui donner des gages dans cette période très tendue que nous vivons.
00:10:34 - Alors comment se forgent nos opinions politiques
00:10:37 dans cette frange d'après, de la même façon que dans la France d'avant,
00:10:40 pour des raisons d'origine géographique, de culture, de religion,
00:10:45 y compris même d'une religion qu'on ne pratique plus forcément
00:10:49 mais qui continue de nous marquer,
00:10:51 de nos clivages politiques ancestraux en France,
00:10:54 entre la gauche et la droite ?
00:10:56 - Alors, historiquement, la structuration du clivage gauche-droite en France,
00:11:00 c'est d'abord sur la question religieuse,
00:11:03 la France catholique, caricature en allemand, synthétiquement vote à droite,
00:11:08 la France non-catholique vote à gauche,
00:11:12 et ensuite on a articulé ça avec une deuxième couche,
00:11:15 qui était le clivage de classe,
00:11:17 avec des milieux ouvriers qui votaient plutôt à gauche
00:11:20 et des milieux paysans qui votaient plutôt à droite,
00:11:23 avec de nombreuses exceptions selon les régions.
00:11:26 Ce cadastre-là, qui était magnifiquement dressé et dessiné par Siegfried,
00:11:30 aujourd'hui a beaucoup de plomb dans l'aile,
00:11:33 parce qu'on a 3% de gens qui vont encore à la messe le dimanche,
00:11:36 les effectifs ouvriers ont fondu,
00:11:38 ce qui reste de la classe ouvrière ne travaille plus dans les mêmes structures,
00:11:42 dans les mêmes usines que par le passé,
00:11:45 le chauffeur routier ou le cariste d'entrepôt a remplacé le métallo
00:11:50 ou l'OS de l'automobile,
00:11:53 et donc aujourd'hui, bien évidemment,
00:11:55 le clivage social continue de structurer fortement les votes,
00:11:58 mais le vote est de plus en plus conditionné par l'endroit où vous allez habiter,
00:12:02 et donc je consacre pas mal de pages du livre
00:12:05 à l'impact d'une activité économique qui est aujourd'hui déterminante dans notre société,
00:12:11 qui est le tourisme.
00:12:12 Et donc on voit les zones qui sont bien placées touristiquement,
00:12:15 qui bénéficient de cette manne touristique,
00:12:18 en manière assez régulière,
00:12:21 votent plutôt pour Emmanuel Macron,
00:12:23 et avec une difficulté,
00:12:25 c'est que le ruissellement de cette manne touristique,
00:12:27 en général, ne dépasse pas quelques kilomètres,
00:12:29 que vous preniez les littoraux,
00:12:31 que vous preniez Rocamadour,
00:12:33 que vous preniez le Connexbourg,
00:12:35 ou la route des Vins d'Alsace ou de Bourgogne,
00:12:37 dès qu'on s'éloigne un peu du périmètre conseillé,
00:12:40 la situation économique est très différente.
00:12:44 Donc la sociologie, les classes sociales,
00:12:47 le diplôme également, avec là encore un autre indice de cette bascule dans la France d'après,
00:12:53 dont les téléspectateurs n'ont pas forcément conscience,
00:12:56 alors qu'ils ont été témoins et parfois acteurs de tout ça,
00:12:58 c'est qu'en 1990, on a 30% d'une classe d'âge qui va au bac.
00:13:02 En 1990.
00:13:04 Et rappelez-vous, quelques années avant,
00:13:06 Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'Éducation, avait dit
00:13:08 qu'il faut emmener 80% d'une classe d'âge au niveau bac.
00:13:11 Tout le monde était...
00:13:12 - Il faut se souvenir qu'en mai 68, c'était moins de 20%.
00:13:15 - 15%. Alors ils avaient fait beaucoup de bruit,
00:13:17 parce que c'était 15%, mais d'une grande classe d'âge.
00:13:20 Et donc entre 68 et 90, on avait doublé, mais on n'était qu'à 30%.
00:13:24 Et aujourd'hui, nous sommes arrivés à l'objectif Chevènementiste
00:13:27 de 80% d'une classe d'âge au bac.
00:13:29 Et donc, pour parler comme Emmanuel Todd,
00:13:31 on a aujourd'hui une nouvelle stratification éducative,
00:13:33 c'est-à-dire qu'on a massifié l'accès à l'enseignement supérieur,
00:13:37 mais tout ça a eu des répercussions également électorales.
00:13:40 - Ne serait-ce que parce qu'on respecte moins une autorité qui...
00:13:45 Autrefois, il y avait un vrai creuset d'éducation
00:13:48 entre un ministre et un électeur.
00:13:51 Aujourd'hui, ça s'est beaucoup rétréci.
00:13:53 - Oui, alors là, vous êtes sur le plan politique,
00:13:55 mais regardez aussi ce qui se passe dans une entreprise.
00:13:58 Manager des effectifs où à peine 30% de l'effectif à le bac
00:14:02 est des endroits où vous avez aujourd'hui,
00:14:04 à minima, 70 à 80% de bacheliers, mais souvent avec des diplômes supérieurs,
00:14:09 on voit aussi que le rapport au travail a évolué.
00:14:12 Donc tout ça pèse sur les votes.
00:14:15 Et puis, deux ingrédients également très importants,
00:14:20 la question de l'insécurité, la question de l'immigration,
00:14:23 que je ne lis pas, mais qui pèse aussi
00:14:26 et qui contribue aussi à expliquer la dynamique frontiste très puissante
00:14:31 à laquelle on assiste depuis maintenant une trentaine d'années.
00:14:34 Juste encore quelques chiffres.
00:14:36 En 2002, lors du fameux second tour Jacques Chirac et Jean-Marie Le Pen,
00:14:40 Jacques Chirac a 20 millions de voix d'avance sur Jean-Marie Le Pen.
00:14:44 En 2017, premier affrontement Marine Le Pen-Emmanuel Macron,
00:14:47 11 millions de voix d'avance pour Emmanuel Macron.
00:14:50 Et l'année dernière, il n'y avait plus que 5,5 millions de voix d'avance.
00:14:54 Et donc on voit comment les choses, encore une fois,
00:14:56 de manière tectonique ont évolué.
00:14:58 Bien évidemment, la question économique et sociale
00:15:01 constitue aujourd'hui un moteur important du vote pour le Rassemblement National,
00:15:05 qui fait des bons scores dans l'électorat populaire.
00:15:08 Et Marine Le Pen, élue précocement dans le bassin minier du Pas-de-Calais,
00:15:13 a très vite senti qu'il fallait angler sur ces sujets-là,
00:15:17 sans jamais se départir et négliger le fonds de commerce,
00:15:22 si je puis dire, historique du Rassemblement National,
00:15:24 qui est la question de l'insécurité et la question de l'immigration.
00:15:27 J'ai l'impression qu'en lisant votre livre, qu'on comprend bien,
00:15:30 effectivement, on comprend mieux les électeurs.
00:15:33 Je me demande si vous ne négligez pas un tout petit peu
00:15:36 l'importance de la personnalité des candidats.
00:15:38 Je reviens sur le cas dont vous parliez au début,
00:15:41 Annie Dalgaux, candidate du PS, Valérie Pécresse,
00:15:44 candidate des Républicains, qui font 6,5% des voix.
00:15:48 Oui, bien sûr, mais est-ce que ça nous dit quelque chose
00:15:51 de plus que le fait que ça n'était pas de très bonnes candidats ?
00:15:54 Je me souviens que Gaston Defer, candidat du Parti Socialiste en 69,
00:15:59 fait 5% des voix. 5 ans plus tard, en 74, Mitterrand fera 10 fois plus.
00:16:05 - Ils sont candidats comme une histoire.
00:16:07 - Ils sont candidats, mais au premier tour.
00:16:09 Au premier tour, il fait plus de 40% et 49% au deuxième.
00:16:13 Ça veut dire que là, tout à coup, on a un bon candidat.
00:16:16 Dans 5 ans, enfin dans 4 ans, 3 ans maintenant,
00:16:19 avec d'autres candidats, ça peut complètement changer.
00:16:22 - Alors, il peut y avoir, effectivement, ce qu'on appelle en sciences politiques
00:16:27 l'offre électorale peine.
00:16:30 Moi, par déformation professionnelle, je me suis plus intéressé à la demande.
00:16:34 Comment la sociologie électorale s'élabortelle.
00:16:38 Néanmoins, une fois qu'on a dit ça, si on prend uniquement le cas du Parti Socialiste,
00:16:43 Benoît Hamon avait fait 6% en 2017.
00:16:45 - Mais c'était Benoît Hamon.
00:16:47 - Alors voilà, on peut dire pas de bol.
00:16:49 - Si demain, dans la prochaine élection, parce que là, on va se retrouver
00:16:51 avec une élection présidentielle où il n'y aura plus Emmanuel Macron.
00:16:54 Si ça se trouve, il n'y aura plus Jean-Luc Mélenchon non plus,
00:16:56 qui était quand même qu'à 400 000 voix d'être au deuxième tour.
00:16:59 On comprend qu'il ait eu mauvaise, 400 000 voix, c'est très très peu.
00:17:02 Et là, tout à coup, tout ce que vous nous dites sur la montée du Front National,
00:17:06 vous pourriez plus nous le dire ou vous nous le diriez différemment.
00:17:09 À 400 000 voix, ça c'est juste.
00:17:11 Et on sait bien, donc il n'y aura plus Emmanuel Macron.
00:17:13 Le macronisme, qu'est-ce qu'il en restera ? On ne sait pas.
00:17:16 Ça dépendra des candidats.
00:17:18 Et si au PS et chez les Républicains, ils avaient des candidats de la trempe
00:17:22 de Nicolas Sarkozy et de François Hollande, tout changerait.
00:17:26 - Oui, à ceci près que, bien évidemment, l'équation personnelle a joué.
00:17:31 Mais que le principal ressort et le principal atout de ces deux grands partis
00:17:37 était justement d'être hégémonique dans leur propre famille politique.
00:17:40 Vous aviez beaucoup de gens à gauche qui disaient
00:17:43 "Le Parti Socialiste, c'est pas ma tasse de thé, le candidat..."
00:17:46 Mais à gauche, si on veut être au deuxième tour, il faut voter socialiste.
00:17:49 Et pendant longtemps, c'était l'argument d'autorité qui était servi
00:17:52 à la fois par l'UMP, les Républicains et par le PS en disant "il faut voter utile".
00:17:57 Et ce que j'essaie de montrer, c'est qu'à partir du moment où ce monopole
00:18:01 a commencé à s'effriter, en fait, tout l'édifice s'est effondré
00:18:05 parce qu'on voyait bien que cet argument-là était un petit peu
00:18:11 le plâtre qui permettait de masquer les lézardes qui étaient très profondes.
00:18:16 Et encore une fois, je reviens là-dessus.
00:18:18 Regardez, au moment des deux référendums, notamment celui de 2005,
00:18:23 l'électorat socialiste, 70% des électeurs socialistes qui étaient cadres
00:18:27 ont voté pour le oui, 70% des ouvriers employés qui étaient sympathisants
00:18:31 socialistes ont voté non.
00:18:32 On disait "c'est pas grave, la famille va se ressouder sur une présidentielle".
00:18:36 Mais au bout d'un moment, quand ce clivage-là devient structurant,
00:18:39 même avec un bon candidat, ça finit par éclater.
00:18:43 Emmanuel Macron était banquier, donc il connaît sûrement cet adage
00:18:49 "time to market", donc il arrivait au bon moment.
00:18:52 Bayrou avait essayé de faire ça dix ans trop tôt, en faisant l'offensive
00:18:56 par le centre, le dépassement du clivage, et Nicolas Sarkozy pour l'UMP,
00:19:01 Ségolène Royal pour le PS, avait donné des points de vie, si on peut dire,
00:19:05 supplémentaires à leur famille politique, et dix ans plus tard,
00:19:09 les forces profondes qui travaillent ont abouti à tout cela.
00:19:15 Alors je suis tout à fait d'accord avec vous, sans Emmanuel Macron,
00:19:18 de s'interroger sur l'avenir du macronisme, mais la période que nous vivons,
00:19:24 de mon point de vue, est une période de transition.
00:19:27 Un ancien Premier ministre nous disait que la poutre travaillait encore,
00:19:30 et donc dans cette période de transition, il n'est pas du tout évident
00:19:33 que ce paysage tripolaire que nous connaissons actuellement
00:19:36 soit le point d'aboutissement définitif.
00:19:38 Il peut se passer d'autres choses.
00:19:40 Une des convictions que j'ai, c'est qu'on ne retournera sans doute pas
00:19:44 au statut qu'on hantait.
00:19:45 Merci Jérôme Fourquet, vous restez avec nous jusqu'à la fin de cette émission.
00:19:50 On fait une pause, on se retrouve tout de suite après pour parler de la chasse.
00:19:55 Pour beaucoup de Français, la chasse est inutile et cruelle, voire dangereuse.
00:20:03 Elle ne présente aucun intérêt, elle est indéfendable, on devrait l'interdire.
00:20:07 Eh bien, Humbert Rambeau et Vincent Piednoir ont choisi de la défendre.
00:20:11 Vous êtes respectivement rédacteur en chef et rédacteur en chef adjoint de Jours de chasse,
00:20:15 un magazine trimestriel de prestige sur la chasse et son art de vivre.
00:20:19 Et vous publiez L'ouverture de la chasse, un livre de 300 pages
00:20:23 qui veut convaincre ceux d'entre nous qui ne sont pas chasseurs
00:20:26 et qui ne le deviendront probablement jamais,
00:20:28 que la chasse ne se résume pas à tuer des animaux, qu'il y a autre chose,
00:20:32 une philosophie, une culture, bref, une richesse insoupçonnée
00:20:36 que l'on pourrait bien perdre si un jour on l'interdisait.
00:20:39 Face à vous, il y a Thomas Le Pelletier, historien et philosophe des sciences,
00:20:43 à qui l'on doit la révolution antispéciste qui vient d'être rééditée
00:20:47 et faut-il sauver l'ours blanc dont on a débattu dans cette émission à sa sortie.
00:20:52 Et Bertrand Alliot, ingénieur en gestion de l'environnement.
00:20:56 Depuis plus de 30 ans, vous travaillez dans des associations de protection de la nature.
00:21:00 Aujourd'hui, vous êtes porte-parole d'Action Écologie
00:21:02 et vous êtes l'auteur d'Une histoire naturelle de l'homme.
00:21:05 Il y a également Jérôme Fourquet qui s'intéresse à la chasse,
00:21:08 mais en tant que sondeur, en tant que politologue, on le verra.
00:21:12 Alors ma première question que se posent tous ceux qui voudraient interdire la chasse,
00:21:17 c'est pourquoi chasse-t-on ?
00:21:19 Pas pour se nourrir, ça c'était avant l'invention de l'agriculture et de l'élevage,
00:21:23 c'était au néolithique.
00:21:25 La chasse n'a plus aujourd'hui aucune fonction indispensable,
00:21:28 ni sur le plan écologique, ni sur le plan sanitaire,
00:21:31 vous le reconnaissez vous-même dans ce livre.
00:21:33 Alors, pourquoi chasse-t-on ?
00:21:35 Alors, je dirais simplement qu'aujourd'hui, on chasse pour chasser.
00:21:39 Ce que disait le philosophe Ortega, qui a sorti un texte magnifique,
00:21:43 lui qui n'était pas chasseur en 19...
00:21:45 Ortega et Gasset, hein.
00:21:46 Ortega et Gasset en 1942.
00:21:48 On ne chasse pas pour tuer, on tue parfois pour avoir chassé.
00:21:53 Et je pense que c'est l'essentiel de la chasse.
00:21:55 Il y a des moments dans la chasse où on ne voit rien,
00:21:59 on ne tire rien, et pourtant c'est toujours et encore de la chasse.
00:22:02 La chasse suppose la quête, l'effort, la persévérance,
00:22:06 la patience et une grande humilité.
00:22:09 Et c'est une... pour nous, c'est l'un des derniers contacts intimes,
00:22:14 intimes avec la nature.
00:22:16 - Vincent Piednoir ?
00:22:17 - Oui, c'est moi, je développerai les mêmes idées, évidemment, qu'Himbert.
00:22:21 Et effectivement, le chasseur, en fait, c'est peut-être le dernier homme
00:22:28 à avoir un rapport à la nature qui respecte les lois de la nature elle-même.
00:22:32 Et dans ces lois, il y en a une qui est centrale,
00:22:34 c'est celle du rapport pro-prédateur.
00:22:37 Ça, c'est vraiment quelque chose qui est central,
00:22:39 qu'on a tendance à oublier aujourd'hui,
00:22:40 parce qu'on reconsidère le rapport à l'animal,
00:22:43 on le réinvente d'une certaine façon, le fantasme aussi parfois.
00:22:46 On fait du rapport à l'animal quelque chose de plutôt fantasmé.
00:22:50 C'est-à-dire qu'au lieu de penser le rapport pro-prédateur,
00:22:53 on va commencer par penser le rapport, comment dire,
00:22:57 dominé-dominant, bourreau-victime,
00:22:59 toute catégorie de forme morale, on va dire,
00:23:02 qui n'existe absolument pas dans ce qu'on peut percevoir de la nature empiriquement.
00:23:07 Et donc la chasse, c'est pour nous, en tout cas,
00:23:09 le chasseur est la dernière figure de l'être humain à s'insérer dans la nature
00:23:13 en en respectant les lois.
00:23:14 Après, on a des codes qu'on suit,
00:23:15 parce qu'évidemment, nous ne sommes pas des animaux,
00:23:17 pas seulement des animaux. Voilà.
00:23:19 - Thomas Le Pelletier, qu'est-ce que ça vous aspire ?
00:23:22 - Je ne dirais pas grand-chose, si je peux me permettre,
00:23:25 avec le respect que j'ai pour les autres intervenants.
00:23:28 Comme ils l'ont bien fait comprendre, la raison de la chasse actuellement,
00:23:32 c'est la passion de la chasse.
00:23:33 On chasse pour chasser, on chasse parce qu'on aime bien chasser.
00:23:36 Donc ce sont vraiment une question de sentiments.
00:23:39 - Le plaisir. - Le plaisir de chasser.
00:23:42 Et je veux bien croire, moi, je ne suis pas chasseur,
00:23:44 je veux bien croire qu'on trouve du plaisir dans la chasse,
00:23:46 mais on peut trouver du plaisir dans beaucoup de choses.
00:23:49 Je pense qu'à partir du moment où on reconnaît qu'une activité suscite du plaisir,
00:23:52 la question est de se poser, oui, d'accord, mais derrière le plaisir,
00:23:54 est-ce qu'il n'y a pas d'autres justifications ?
00:23:56 Et c'est là que je pense qu'il y a un gros problème avec le livre dont on parle ce soir,
00:24:01 parce qu'effectivement, ils vont dans ce livre nous parler beaucoup de la culture,
00:24:05 à quel point la chasse est imprégnée d'art, de littérature, de culture,
00:24:10 de savoir-faire et de savoir-vivre.
00:24:12 Je suis tout à fait d'accord, il ne faut pas oublier cette idée-là.
00:24:15 Et je remercie nos deux intervenants de ne pas caricaturer eux-mêmes,
00:24:19 de faire une belle défense de la chasse.
00:24:21 Les chasseurs ne sont pas, comme on dit vulgairement, des ploucs,
00:24:24 ils sont imprégnés de culture, et ça c'est très bien.
00:24:26 Mais derrière, après, la seule justification qu'il y a, c'est le plaisir, le plaisir de chasser.
00:24:31 Or, moi, dans une perspective antispéciste,
00:24:34 ce serait de trouver un peu des justifications qui ne relèvent pas du plaisir uniquement,
00:24:38 des justifications rationnelles et des justifications qui soient en accord avec notre société.
00:24:42 Dans notre société, nous ne voulons plus de violence arbitraire.
00:24:46 Nous voulons que quelque part, la violence, quand elle est nécessaire,
00:24:49 bien sûr qu'on l'exerce, mais nous ne voulons plus que quelque part,
00:24:53 le plaisir des uns dicte la conduite.
00:24:56 Et donc, on cherche des justifications.
00:24:58 Et comme ils le disent très bien, il n'y a plus de justification à la chasse.
00:25:01 Donc s'il n'y a plus de justification d'ordre rationnel, pourquoi continuer la chasse ?
00:25:06 - D'être allié au ? - Le plaisir est une justification.
00:25:08 - Oui, mais si vous y allez, justement, vous savez très bien que le plaisir,
00:25:12 s'il y a beaucoup d'activités qui pourraient se justifier par le plaisir,
00:25:15 et je pense qu'elles ne seraient pas recommandables et que la société devrait les interdire.
00:25:19 - Par exemple, conduire une voiture très très vite.
00:25:22 Sans vouloir leur donner des arguments.
00:25:25 Bertrand Alliaud.
00:25:26 - Oui, écoutez, alors avec mon association Action Écologie, on n'est ni pour ni contre la chasse.
00:25:30 Finalement, on sait qu'elle existe.
00:25:32 Il y a des gens qui sont passionnés de la chasse et ils le montrent bien dans leur livre,
00:25:35 très bien décrit par ailleurs.
00:25:37 Et donc, on ne voit pas pourquoi on serait, on irait contre une activité.
00:25:41 Finalement, il y a des gens qui aiment mettre des ballons dans des paniers.
00:25:45 Eh bien, les chasseurs aiment bien chasser et tuer des animaux,
00:25:48 mais aussi avec tout ce que ça applique derrière.
00:25:51 Donc, et en plus, les chasseurs sont quand même des acteurs de terrain
00:25:55 qui vont protéger la nature, puisque dans la mesure où ils volent des espaces giboyeux,
00:26:00 eh bien, ils vont faire en sorte que la nature se porte bien,
00:26:03 comme les associations de protection de la nature d'ailleurs.
00:26:05 Et c'est pour ça que malgré leurs différences et leurs combats, je dirais,
00:26:10 on les retrouve souvent sur le terrain et ils travaillent souvent ensemble.
00:26:13 Il faut savoir que les associations de protection de la nature sur le terrain
00:26:16 travaillent très souvent avec les fédérations de chasse pour les espaces naturels.
00:26:20 - Jérôme Fourquet, qu'est-ce qui vous intéresse dans ce débat-là,
00:26:23 qui est un débat qui revient régulièrement ?
00:26:26 - Alors, vous parlez de la France d'après tout à l'heure.
00:26:29 Donc là, il y a une survivance de cette France d'avant dans le monde de la chasse.
00:26:35 C'est à peu près un million de chasseurs en France aujourd'hui,
00:26:39 des effectifs qui ont diminué.
00:26:41 En tant que géographe, moi, ce qui m'intéresse aussi,
00:26:43 c'est d'essayer de regarder où sont situés ces chasseurs
00:26:47 et de savoir si derrière tout ça, il y a aussi des expressions électorales.
00:26:51 On aura peut-être aux prochaines élections européennes un revival,
00:26:56 comme on dit en bon français, de la liste CPNT, chasse, pêche, nature et tradition,
00:27:01 qui à une certaine époque, aux européennes de 1999,
00:27:05 avait fait quasiment 7% des voix, 1,2 million de suffrages.
00:27:09 Et donc, regarder ce vote-là et la survivance de ce vote-là,
00:27:14 ça nous permet aussi de montrer comment,
00:27:17 ou d'identifier les zones où ce qu'on peut appeler une vieille couche culturelle agro-pastorale
00:27:22 continue de survivre et d'exister.
00:27:25 Et puis, en parallèle, toujours en utilisant l'élection des européennes,
00:27:31 on a vu arriver sur le marché électoral, la dernière fois,
00:27:35 un parti animaliste, avec une affiche où il y avait un chat et un chien.
00:27:40 Donc, on n'était pas sur un discours très anti-chat,
00:27:43 c'était plutôt l'animal de compagnie,
00:27:45 qui a fait 400 000 suffrages, 2,4% des voix, le score du Parti communiste.
00:27:50 Et donc, ça nous intéresse aussi, nous, en tant qu'analyste et observateur,
00:27:55 parce que ça permet de documenter la montée en puissance
00:27:59 d'une nouvelle vision anthropologique,
00:28:02 où on est en rupture avec la vieille matrice judéo-chrétienne,
00:28:07 qui était très anthropocentrée, c'est-à-dire que l'homme était au sommet de tout,
00:28:12 et la nature avait été forgée par le créateur,
00:28:16 pour être à son service l'animal en faisant partie.
00:28:19 Vous voyez tous les débats juridiques et philosophiques qu'on a aujourd'hui
00:28:22 sur l'animal aujourd'hui, qui est devenu un être doté de sensibilité,
00:28:26 alors qu'avant c'était un bien meuble,
00:28:28 et donc on voit comment les choses sont en train de bouger.
00:28:31 Nous, ça nous intéresse aussi sociologiquement,
00:28:33 notamment dans l'étude des jeunes générations,
00:28:35 de voir comment le rapport à l'animal se modifie
00:28:38 dans une société qui est de plus en plus urbaine,
00:28:40 où si on habite en ville, on n'a jamais croisé un chasseur,
00:28:43 on ne sait pas ce que c'est qu'un abattoir.
00:28:45 Et donc le rapport à l'animal, en quelques décennies,
00:28:48 a beaucoup changé, et qu'il est un marqueur des transformations sociétales.
00:28:52 - Juste pour être précis, il est doté de sensibilité,
00:28:54 mais c'est toujours un bien meuble.
00:28:56 Et pourquoi c'est un bien meuble ?
00:28:57 Parce que sinon on ne pourrait pas en être propriétaire.
00:28:59 Et donc il est condamné à rester un bien meuble
00:29:02 tant qu'on pourra en être propriétaire,
00:29:04 et le jour où on n'en sera plus propriétaire,
00:29:05 il ne risque plus d'y avoir beaucoup d'animaux.
00:29:06 Moi, ce qui m'a beaucoup intéressé dans votre livre,
00:29:08 c'est quand vous parlez de la sublimation de l'instinct.
00:29:11 Vous l'avez dit, l'homme reste un prodateur face à une proie,
00:29:14 donc il y a une sublimation de l'instinct.
00:29:17 Et vous dites que c'est la même chose que la sexualité,
00:29:19 qui est la sublimation de notre instinct reproducteur.
00:29:23 On ne fait pas un enfant à chaque fois qu'on fait l'amour,
00:29:25 il y a aussi du plaisir.
00:29:27 Mais c'est une sublimation de l'instinct dans les deux cas.
00:29:29 - C'est une analogie, pour faire comprendre comment ça…
00:29:32 Pardon.
00:29:33 - Mais non, je vous en prie, c'était ça.
00:29:35 Et ça, c'est une bonne illustration de ce que vous appelez
00:29:38 à la fois la passion, le plaisir, de la chasse.
00:29:41 Et la gratuité aussi, qui est celle de l'acte de chasse,
00:29:45 gratuité au sens où on a un intérêt,
00:29:47 on a évidemment un intérêt, mais c'est quelque chose
00:29:49 qui se fait exactement comme le sentiment amoureux
00:29:52 quand il s'exprime physiquement, on va dire ça comme ça.
00:29:54 Il y a quelque chose de gratuit, et effectivement,
00:29:58 c'est une analogie qui a pu surprendre un peu par moment,
00:30:01 mais elle est, à notre avis, justifiée de la même façon
00:30:05 qu'on peut comprendre la chasse aussi,
00:30:07 parce qu'on nous pose la question,
00:30:09 pourquoi est-ce qu'on continue encore à chasser ?
00:30:11 Aujourd'hui, parfois on a envie de répondre
00:30:14 sous la même influence, avec la même impulsion
00:30:17 qui préside à l'exécution d'une œuvre d'art,
00:30:20 à la peinture en particulier.
00:30:22 La chasse reproduit ce qui se passe dans la nature.
00:30:25 Point.
00:30:26 À partir de là, on peut ne pas le faire,
00:30:28 nous c'est une invitation à comprendre ce que c'est que la chasse,
00:30:31 mais on demande à la personne de devenir chasseur.
00:30:36 C'est une invitation toujours.
00:30:38 On ne peut fonctionner que par analogie
00:30:40 pour expliquer ce qui nous porte à chasser.
00:30:43 L'analogie avec la sexualité humaine,
00:30:46 et l'analogie avec la peinture, les beaux-arts, etc.
00:30:49 - Mais, pardon d'insister,
00:30:52 mais est-ce que l'éthique,
00:30:54 parce que vous parlez beaucoup de l'éthique,
00:30:56 il y a une éthique dans la chasse,
00:30:58 mais est-ce que l'éthique est compatible
00:31:00 avec l'instinct du prédateur, justement ?
00:31:02 - Complètement.
00:31:03 Il y a la loi, et il y a l'esprit de la loi.
00:31:05 On peut parfaitement respecter la loi
00:31:08 tout en ayant la possibilité de faire un massacre.
00:31:12 Par exemple, je donne un exemple,
00:31:14 vous êtes un soir à ce qu'on appelle la passée au ramier,
00:31:17 le pigeon ramier, vous en avez tué quatre,
00:31:19 puis il y en a qui arrivent encore plus, encore plus,
00:31:21 rien ne vous interdit d'en tuer 20, si vous êtes un bon tireur.
00:31:25 Mais à un moment, vous dites stop.
00:31:27 C'est ça l'éthique. On dit stop, on arrête.
00:31:29 Ce n'est pas la peine.
00:31:30 - Tout le monde ne fait pas ça.
00:31:32 Je me souviens d'images du temps
00:31:33 où il y avait encore des photos des chasses présidentielles.
00:31:35 Maintenant, on s'abstient de mettre des photos.
00:31:37 On voyait comme ça du gibier étalé.
00:31:39 On savait que, grosso modo, c'était un peloton d'exécution
00:31:43 qui avait massacré autant de bêtes
00:31:46 que les rabatteurs leur en avaient envoyé.
00:31:48 Il n'y avait pas d'éthique, là.
00:31:49 Alors, je parle d'une époque qui est révolue, bien entendu.
00:31:51 Je suis sûr qu'aujourd'hui, c'est beaucoup mieux.
00:31:53 - Si, je pense qu'il y a une éthique.
00:31:55 Alors, pour parler des battus ou des prêts présidentiels,
00:31:59 il est interdit, par exemple, de tirer des oiseaux qui arrivent bas.
00:32:02 On ne tire que les oiseaux qui arrivent très haut et très vite.
00:32:05 - Donc, difficilement. - Difficile.
00:32:07 Voilà. Donc, ça, c'est encore une éthique.
00:32:10 On ne tire pas, par exemple, un lièvre arrêté.
00:32:13 On ne le tire pas.
00:32:14 - Ah oui. - Et même, on le pourrait.
00:32:16 Non, on ne le tire pas.
00:32:17 Si le gibier n'a pas sa chance, ne peut pas jouer sa partie,
00:32:23 c'est pas de la chasse.
00:32:25 Plus c'est difficile, plus on aime
00:32:28 et on en regarde un souvenir exceptionnel.
00:32:30 Même si on rate.
00:32:32 - Thomas Lepetier ?
00:32:34 - Je contesterais un peu l'analogie avec la sublimation.
00:32:38 Parce que dans la sublimation, il y a partir d'un instinct
00:32:42 et en faire quelque chose d'autre.
00:32:43 Par exemple, si on parle de la sexualité,
00:32:46 on va partir de ce désir, de cet instinct,
00:32:49 et on va en faire un poème.
00:32:50 Tandis que là, de ce dont il parle, la pratique dont il nous parle,
00:32:53 il sublime pas la sexualité ou il sublime pas l'instinct de violence.
00:32:58 Il participe à l'instinct de violence.
00:33:00 Donc il n'y a pas de sublimation,
00:33:01 il y a une participation volontaire à cette violence.
00:33:04 Et donc, le mot est trop beau de dire que c'est de la sublimation.
00:33:09 Et puis, quant à l'éthique dont il parle,
00:33:12 ce n'est pas une éthique dont il parle,
00:33:13 parce que c'est une restreinte dans un comportement.
00:33:17 Une éthique dans un massacre,
00:33:19 on ne peut pas dire qu'on est éthique quand on se limite dans le massacre.
00:33:23 L'éthique, c'est de se demander,
00:33:24 est-ce que je suis justifié à commencer à tuer un pigeon ou autre ?
00:33:29 Et c'est là qu'il devrait y avoir une question éthique.
00:33:31 Or, dans le livre, il n'y a aucune, si je me permets,
00:33:33 aucune réflexion éthique.
00:33:35 Il y a peut-être un appel à la mesure,
00:33:38 un appel à éviter le débordement,
00:33:40 un appel à la restreinte.
00:33:42 Mais ça, ce n'est pas de l'éthique.
00:33:43 L'éthique, c'est est-ce que je dois faire le premier pas dans un acte de violence ?
00:33:47 Il n'y a aucune justification.
00:33:49 - Pardon, Thomas Lepetier, mais il y a une éthique du soldat, du guerrier.
00:33:52 On doit tuer l'adversaire,
00:33:54 mais ce n'est pas pour autant qu'on va lui tirer dans le dos
00:33:57 ou l'attacher et lui tirer une balle dans la tête.
00:33:59 - D'accord, mais parce qu'on a justifié le fait
00:34:01 qu'il était légitime que dans ce contexte,
00:34:03 il y ait un soldat qui parte en guerre.
00:34:05 À partir du moment où on a légitimé l'acte de partir en guerre,
00:34:08 après, on va demander aux soldats de bien se comporter.
00:34:10 Mais il a fallu qu'on justifie l'acte de partir en guerre.
00:34:13 Or, dans leur livre, il n'y a aucune justification
00:34:16 au fait de « est-ce que j'ai le droit, comme ça,
00:34:18 est-ce que je peux me permettre d'aller tuer un pigeon
00:34:20 qui ne me menace pas ? »
00:34:21 Si j'ai un chien qui m'attaque, si j'ai un lion qui m'attaque
00:34:24 ou si j'ai des punaises de lit qui m'attaquent,
00:34:26 d'une certaine manière, je peux être justifié à me défendre.
00:34:29 Et donc là, il y a une justification du fait de causer du mal à autrui.
00:34:33 Mais là, on commence l'éthique.
00:34:35 Dans quelles circonstances je suis autorisé à faire du mal à autrui ?
00:34:39 Or, le problème de la chasse.
00:34:41 Alors, il pourrait y avoir une chasse,
00:34:42 parce qu'il y a une chasse qu'on pourrait défendre.
00:34:44 C'est la chasse de régulation, par exemple.
00:34:46 Ça, on pourrait la défendre parce qu'effectivement,
00:34:48 on peut être menacé par des animaux qui peuvent nuire.
00:34:51 Et à ce moment-là, on pourrait dire, dans certaines circonstances,
00:34:54 nous sommes obligés de chasser.
00:34:55 Mais ce n'est pas cette chasse qu'ils veulent défendre,
00:34:57 puisqu'ils le mettent tout de suite de côté.
00:34:59 Nous mettons la chasse de régulation de côté.
00:35:01 La seule chasse que nous défendons...
00:35:02 - On ne la met pas de côté, on l'explique comme quoi ce n'est pas de la chasse.
00:35:04 La régulation, qui est parfois la conséquence de la chasse,
00:35:07 n'a jamais la cause.
00:35:08 - D'accord.
00:35:09 La chasse qu'on va défendre, c'est la chasse de plaisir.
00:35:11 - C'est justement le...
00:35:12 - La chasse de plaisir, donc, on met de côté la régulation.
00:35:16 La chasse de plaisir, c'est se dire, j'ai le droit d'aller tuer un animal
00:35:19 qui ne me nuit pas, qui ne me cause pas de tort.
00:35:22 Pourquoi j'ai le droit d'aller le tuer ?
00:35:23 Juste pour le plaisir que ça me procure.
00:35:25 Or, je ne connais pas d'éthique qui puisse justifier des attitudes
00:35:29 juste pour le plaisir, quand ça cause du tort à autrui.
00:35:33 Et les pigeons, ce sont des individus qui aspirent,
00:35:36 comme nous autres, à vivre.
00:35:38 - Il y a quand même, justement, dans une perspective animalisme,
00:35:41 la chasse n'est pas inintéressante.
00:35:43 Pourquoi ?
00:35:44 Parce que le chasseur va tuer l'animal, va le dépecer, a priori,
00:35:47 et va s'en nourrir.
00:35:48 En général, vous allez jusque-là, j'imagine.
00:35:50 - Pas toujours.
00:35:51 - En tout cas, souvent, et si vous voulez ce genre d'expérience,
00:35:54 vous apprends aussi la valeur des choses.
00:35:56 Parce que si vous allez acheter votre viande au supermarché,
00:35:59 eh bien, vous ne connaîtrez jamais la valeur d'un animal,
00:36:01 parce que vous n'aurez jamais fait l'effort qu'il faut
00:36:03 pour l'avoir mise à mort.
00:36:05 Et dans une perspective animalisme, la chasse n'est pas complètement
00:36:08 délirante, déconnante, parce que ça peut être un exercice
00:36:11 qui permet ensuite de mieux respecter les animaux,
00:36:15 de moins en manger, etc.
00:36:17 - Vous entendez, il faudrait que tout le monde chasse son steak,
00:36:22 et on en mangerait moins.
00:36:24 - Mark Zuckerberg, le fondateur de Facebook, avait décidé un jour
00:36:27 de dire "je vais tuer tout ce que je mange".
00:36:30 Je trouve que c'est une expérience très intéressante,
00:36:32 et les enfants apprennent à lire, compter, etc. à l'école,
00:36:35 eh bien, pourquoi pas apprendre, puisqu'ils mangent du poulet,
00:36:37 ou ce genre de choses, pourquoi pas apprendre à tuer un poulet,
00:36:40 le déposser, puis le manger ensuite.
00:36:42 Ça serait, à mon avis, un programme scolaire pas inintéressant.
00:36:45 - Et certainement, on tuerait moins d'animaux.
00:36:48 - Absolument.
00:36:49 - Sur un plan pratique, ça serait bien.
00:36:51 Mais moi, je poserais la question, puisque c'est pas nécessaire,
00:36:53 pourquoi passer par cette étape-là ?
00:36:55 On peut très bien se passer de consommer de la viande,
00:36:58 on n'a pas besoin d'éduquer aux enfants à tuer un poulet
00:37:03 pour le manger, on peut très bien leur apprendre à cuisiner des légumes.
00:37:07 - Mais ça serait, je pense, beaucoup mieux.
00:37:09 - Les pauvres.
00:37:11 - Les pauvres.
00:37:12 - Bouillie à t'avenir.
00:37:14 - Non, non, non, quand vous disiez "nuire à autrui",
00:37:17 on voit bien qu'on est sur ce temps nouveau,
00:37:20 où l'animal est considéré comme autrui,
00:37:23 et donc la vieille distinction "anthropocentré"...
00:37:26 - Mais sur la chasse, l'anthropocentrisme,
00:37:30 moi, je ne suis pas sûr que ça soit la notion qui puisse s'appliquer,
00:37:35 concrètement, sur le terrain.
00:37:37 Quand on y est, on est justement, d'une certaine façon,
00:37:40 c'est ce que Hortéga et Gasset appellent "la vacance de l'humanité".
00:37:45 Ils l'appellent comme ça, quand on est à la chasse,
00:37:48 il y a quelque chose de nous qui n'est plus dans l'humanité.
00:37:51 Ça va vous scandaliser, peut-être, sans doute,
00:37:53 mais c'est comme ça qu'ils l'expriment.
00:37:55 Et c'est aussi une manière de dire qu'effectivement,
00:37:58 on peut par exemple prendre l'agriculture, le tourisme,
00:38:01 tout ce qui a rapport, d'une manière ou d'une autre,
00:38:03 avec les espaces naturels, on peut considérer
00:38:05 qu'il y a une dimension anthropocentrée.
00:38:07 Là, oui, c'est clair, on exploite d'une manière ou d'une autre
00:38:09 la nature plus ou moins bien, etc.
00:38:11 Le chasseur, le bon chasseur, comme diraient les inconnus,
00:38:15 eh bien, lui, il se fond dans quelque chose qui est autre pour lui,
00:38:21 pendant un moment donné.
00:38:23 On est chasseur toute la journée, en tout cas, nous, on l'est,
00:38:26 mais pas concrètement, puisque là, on n'a pas d'armes
00:38:29 et on ne va pas commencer à les chasser dans le studio.
00:38:31 Mais cette dimension-là, elle est quand même importante.
00:38:33 – Vous voulez dire que le temps de la chasse,
00:38:35 vous vous fondez dans la nature, et à partir du moment
00:38:37 où vous êtes fondu dans la nature, vous n'êtes plus dans l'humanité.
00:38:40 – D'une certaine façon.
00:38:41 – Parce que l'humanité, elle, s'est extraite de la nature.
00:38:43 – C'est ça, d'une certaine façon, oui.
00:38:45 C'est ce qui me paraît vraiment important dans le phénomène de la chasse,
00:38:50 c'est qu'on est à la fois nature et culture.
00:38:52 Et cette dimension-là est quand même très importante.
00:38:54 Vous avez aussi une vision de l'éthique qui est très, très, très normative
00:38:58 et qui, je trouve, elle est très claire, mais elle descend vraiment du ciel pour nous.
00:39:05 Elle me paraît complètement abstraite, d'une certaine façon,
00:39:09 et si on l'appliquait à différentes réalités, différentes passions, etc.,
00:39:12 il n'en resterait plus rien. Et c'est ça le problème.
00:39:14 – Je crois que c'est l'inverse.
00:39:16 – L'humanité, elle vit aussi par la passion, le contenu culturel,
00:39:23 ce mot qui est difficile à prononcer maintenant, mais l'identité.
00:39:27 Je connais bien des chasseurs autour de moi,
00:39:29 si vous leur demandez d'arrêter de chasser du jour au lendemain ou sur un temps long,
00:39:33 c'est comme si, très concrètement, vous leur coupiez une jambe.
00:39:35 C'est aussi simple que ça.
00:39:37 – C'est ce qu'ils disent quand on leur demande "faut-il interdire la chasse ?"
00:39:39 C'est souvent ce que disent les chasseurs, comme les toréros,
00:39:43 quand on leur dit qu'il faut interdire la corrida, ou les éleveurs de taureau d'ailleurs.
00:39:47 – Oui, parce que pour eux, c'est vraiment un mode de vie.
00:39:51 – C'est une esthétique.
00:39:53 C'est une vraie passion et qui se vit "toute l'année".
00:39:57 – C'est pas secondaire.
00:39:58 – C'est pas spécialement pendant la période de chasse qui est en ce moment.
00:40:01 C'est toute l'année.
00:40:03 On s'occupe des chiens toute l'année,
00:40:05 les fauconniers s'occupent de leurs oiseaux toute l'année,
00:40:08 avec tous les problèmes que ça peut poser.
00:40:10 Les veneurs s'occupent de leurs chiens, de leurs meutes absolument toute l'année.
00:40:14 Voilà, c'est les vraies passions.
00:40:16 Et on peut dire, par exemple, que si on les appelant pour la chasse au Gabion,
00:40:20 on peut dire que leur femme n'est pas excessivement belle.
00:40:24 Par contre, on ne peut pas dire ça de leur canard parce que ça aurait très mal se terminer.
00:40:28 – Mais quand vous dites qu'on se fond dans la nature quand on est chasseur
00:40:32 et qu'on s'extraite de l'humanité, ce que je peux très bien comprendre,
00:40:34 puisqu'on a toujours opposé la nature et la culture.
00:40:38 Et au fond, l'histoire de l'humanité, c'est qu'elle a mis un certain temps
00:40:42 à s'extraire de la nature et qu'elle n'a pas du tout l'intention d'y retourner.
00:40:46 Quand bien même on en pense beaucoup de bien, de la nature notamment aujourd'hui.
00:40:49 On sait que c'est, comme vous l'avez dit, c'est immoral la nature, c'est cruel.
00:40:53 Ça ne nous rend pas bon, la nature.
00:40:58 – Non, non.
00:41:00 – Et elle peut être très très dure à notre égard.
00:41:02 Et dans les décennies qui viennent, on va peut-être la prendre à nos dépens.
00:41:07 – Absolument.
00:41:08 – Donc est-ce que c'est louable et est-ce qu'il faut encourager
00:41:11 ce retour à la nature hebdomadaire ou quotidien ?
00:41:15 – C'est peut-être une manière de ne pas perdre pied avec elle.
00:41:19 C'est vrai qu'on la fantasme beaucoup alors qu'on s'est construit contre elle.
00:41:23 Et aujourd'hui, il y a quand même tout un discours qui consiste
00:41:26 justement à revenir à la nature, le fait de se ressourcer, etc.
00:41:30 La nature, c'est l'origine, c'est le bien d'une certaine façon.
00:41:33 Et la civilisation, c'est le mal.
00:41:36 Et il y a quelque chose dans le discours ambiant qui fonctionne comme ça.
00:41:40 Nous, encore une fois, nous, je parle un peu pour les chasseurs
00:41:43 parce qu'on sent un peu la même chose, mais on a vraiment un pied
00:41:46 dans les deux d'une certaine manière, dans la nature et la culture.
00:41:49 Et quand on va dans la nature, on revient avec de la culture.
00:41:51 C'est ça qui est terrible.
00:41:52 – Et puis aujourd'hui, on parle beaucoup du vivant, du vivant et encore du vivant.
00:41:56 Dans le vivant, il y a la vie et la mort.
00:41:59 Et dans la nature, il y a la vie et la mort. Il n'y a pas le vivant.
00:42:02 – D'ailleurs, il vaut mieux être tué par un chasseur que par un prédateur naturel.
00:42:06 Parce que si vous avez vu des faucons dévorer leurs proies,
00:42:09 ils les dévorent vivantes.
00:42:10 – Bien sûr, ils plombent vivants.
00:42:13 – Quand on est tué par un chasseur, ça va mieux être…
00:42:14 – Les palombes tuent par compression.
00:42:15 J'aimerais pas être à la place du jet ou du pigeon.
00:42:18 Il y a le nombre de films où on voit les lions dévorant vivants, les gazelles, etc.
00:42:23 Mais c'est de l'infiniment petit à l'infiniment grand.
00:42:27 – Rassurez-vous, les animalistes, il a consacré un livre à ce sujet,
00:42:31 interdiront pas seulement aux chasseurs de tuer des animaux,
00:42:34 mais aussi aux animaux de tuer des animaux.
00:42:36 – Oui, alors, il faut qu'il soit une vaste entreprise.
00:42:38 – Mais si vous voulez aller expliquer ça aux lions, il n'y a aucun problème.
00:42:42 – C'est un autre sujet, si vous me réinvitez, on en parlera.
00:42:45 Mais nous sommes tous d'accord ici pour reconnaître que la prédation est un acte abominable.
00:42:50 – Non, ce n'est pas un acte abominable, c'est un acte naturel.
00:42:52 – Mais ce n'est pas parce que c'est un acte naturel qu'il n'est pas abominable.
00:42:55 Pour la proie qui se fait manger, vous-même, vous le racontez dans votre livre,
00:43:00 vous racontez une vidéo, vous avez vu, et que c'était insoutenable à regarder.
00:43:04 Donc si c'est insoutenable à regarder, on peut imaginer ce que c'est qu'à vivre.
00:43:08 Donc nous sommes tous d'accord sur ce point de vue.
00:43:10 – Non mais pour que ce soit clair, il s'agit d'une vidéo où un animal se fait dévorer par un autre animal.
00:43:14 – Un autre animal, et vous racontez que c'est abominable à regarder,
00:43:16 et je suis tout à fait d'accord avec vous, c'est abominable à regarder.
00:43:19 La prédation pour celui qui la vit, qui se fait manger, pour la proie, c'est un acte abominable.
00:43:24 Et vous, ce que vous recommandez, c'est que finalement,
00:43:26 cette prédation qui est dans la nature et qui est abominable,
00:43:29 ça serait bien que nous, on la perpétue à notre niveau.
00:43:31 – Mais on l'assublimant.
00:43:32 – On l'assublimant peut-être, mais en perpétuant cette violence.
00:43:36 Alors moi je dirais, le bon sens qui devrait transparaître, c'est de dire non,
00:43:41 il y a déjà suffisamment de violence dans la nature pour qu'il n'y ait pas de nécessaires d'en rajouter.
00:43:46 – Vous n'êtes pas loin de considérer qu'on est simplement des sadiques.
00:43:49 – Ah non, pas du tout, vous êtes juste inconscient de ce que vous faites.
00:43:55 Pour revenir à l'éthique, par rapport à ce que vous disiez,
00:43:59 on a un nouveau regard sur les animaux, c'est pas unique.
00:44:01 – Non, c'est pas uniquement qu'on a un nouveau regard sur les animaux,
00:44:03 c'est que nous sommes dans une demande de rationalité.
00:44:05 Et c'est ça qui manque beaucoup dans la démarche,
00:44:07 parce que vous parlez beaucoup de passion à chaque fois.
00:44:09 Pourquoi on est en manque de rationalité ?
00:44:11 Nous sommes tous d'accord sur ce plateau pour dire qu'on ne va pas faire de mal,
00:44:15 comme ça, gratuitement à un chien.
00:44:17 On ne va pas faire de mal si on sort de ce plateau et qu'il y a un pigeon,
00:44:20 on ne va pas lui faire de mal gratuitement.
00:44:22 Nous sommes tous d'accord pour dire qu'il ne faut pas faire de mal à autrui.
00:44:25 Mais à partir du moment où vous mettez une tenue de chasseur,
00:44:28 vous vous allez décréter "ah maintenant, puisque j'ai mis ma tenue de chasseur
00:44:31 et que c'est le dimanche matin où c'est tel jour,
00:44:33 j'ai le droit d'aller faire du mal à autrui".
00:44:35 Et c'est ce manque de justification rationnelle qui pose problème dans la chasse.
00:44:39 Qu'il y ait des circonstances où nous ayons besoin de faire mal à autrui
00:44:42 et donc de tuer des animaux, moi je le reconnais en premier,
00:44:45 nous sommes obligés de temps en temps de tuer des animaux
00:44:47 et c'est tout à fait naturel pour nous défendre ou autre raison.
00:44:50 Mais ce qui pose un problème maintenant,
00:44:52 c'est le manque de rationalité de nos attitudes.
00:44:54 Pour revenir à notre sujet, on va manger du cochon,
00:44:56 mais on ne va pas manger du chien.
00:44:58 Alors qu'est-ce qu'il va dire l'antispéciste ?
00:45:00 Quelle est cette rationalité ? Pourquoi ?
00:45:02 On peut manger des animaux, et ça veut dire quoi manger des animaux ?
00:45:04 C'est les égorger vivants.
00:45:06 Vous savez bien qu'on va égorger vivants les cochons.
00:45:08 Et toute la société dit "oui, nous avons le droit d'égorger vivants des cochons
00:45:11 pour les manger après", mais toute la société serait offusquée
00:45:14 par le fait qu'on égorge vivants des chiens pour les manger après.
00:45:17 Il y a un gros problème de rationalité, et c'est ce qu'appelle l'animalisme.
00:45:23 Ce n'est pas uniquement une sensibilité, ce n'est pas un réveil de la sensibilité
00:45:27 vis-à-vis de l'animal. C'est une demande de rationalité.
00:45:29 Puisque la société considère qu'il n'est pas correct et pas légitime
00:45:34 d'égorger des chiens pour les manger,
00:45:36 elle devrait dire qu'il n'est pas correct et légitime d'égorger des cochons
00:45:39 pour les manger, et s'il n'est pas correct et légitime
00:45:42 de s'en prendre au pigeon qui est dans la rue pour le plaisir,
00:45:46 il n'est pas non plus correct d'aller dans la nature pour faire du mal à un pigeon.
00:45:50 C'est cette demande de rationalité que demandent les...
00:45:53 - Il y a un chapitre de votre livre qui fait de la chasse un mode de résistance.
00:46:00 J'ai l'impression que c'est aussi une résistance à la rationalité,
00:46:04 dont parle Thomas Le Pelletier, et à mon avis c'est ce qui va le plus intéresser Jérôme Fourquet.
00:46:10 La chasse c'est de la résistance à quoi pour vous ?
00:46:13 - C'est la résistance un petit peu à ce que vous décrivez justement.
00:46:17 La rationalité qui descend du ciel.
00:46:20 - Une forme de modernité aussi.
00:46:22 - Ah oui, une forme de modernité.
00:46:24 - En substantiel à la modernité.
00:46:26 - Un progressisme qui étouffe la notion de progrès,
00:46:29 vraiment par sa volonté, sa vitesse.
00:46:32 Et comment on pourrait dire ça ?
00:46:35 Pour faire très très court, la constitution d'un homme nouveau,
00:46:38 sur la base du, comme dirait Mathieu Bocquete,
00:46:42 sur la base du bois mort de l'humanité dont les chasseurs font partie.
00:46:45 Dont les chasseurs font partie, dont les éleveurs font partie,
00:46:48 dont tout un tas de gens qui vivent, pas nécessairement la campagne,
00:46:51 mais qui sont attachés et qui sont attachés aux cultures.
00:46:53 Il manque ça aussi dans votre discours.
00:46:55 Pour vous il n'y a pas de culture en fait ?
00:46:57 Il n'y a pas de singularité culturelle ?
00:46:59 C'est une résistance par rapport à ça.
00:47:01 Et ça c'est vraiment essentiel.
00:47:02 - Moi quand je vous ai lu, je pense que c'est de la résistance à l'universalisme.
00:47:05 On parle constamment de l'universalisme aujourd'hui.
00:47:08 L'universalisme pense que ce qui est bon pour nous est bon pour tout le monde.
00:47:12 Et aujourd'hui il rajoute les animaux.
00:47:14 Avant c'était que les humains, maintenant on a rajouté les animaux.
00:47:17 Et vous, vous êtes dans le relativisme,
00:47:19 vous pensez que ça dépend de la nature, des individus, des lieux,
00:47:24 de la culture, de la religion, de tout ce qu'on veut.
00:47:27 Ça c'est du relativisme.
00:47:29 Au fond vous êtes des résistants à l'universalisme.
00:47:32 - Dans un sens oui, et à une résistance aussi.
00:47:35 Au moment où tout va plus vite, la technologie,
00:47:39 on veut absolument tout contrôler.
00:47:41 La chasse est une merveilleuse passion.
00:47:44 Pour oublier tout ça, et se rapprocher, ce que disait Vincent,
00:47:50 avec la nature dans ce qu'elle est le plus intime.
00:47:52 Je pense que les chasseurs sont peut-être les personnes
00:47:56 qui connaissent le mieux la nature.
00:48:00 Demandez à un veneur, il a une connaissance intime
00:48:03 des animaux et de la forêt.
00:48:05 Et des forêts qui font 10 ou 15 000 hectares.
00:48:07 Demandez à un pisteur africain,
00:48:09 il a une connaissance intime de la nature.
00:48:12 Bien plus qu'un simple touriste ou qu'un simple veneur
00:48:15 qui n'aura jamais ça.
00:48:16 Parce que le problème c'est que par exemple,
00:48:18 on dit il faut du tourisme, etc.
00:48:21 Le premier problème de la faune sauvage,
00:48:25 aujourd'hui c'est le dérangement.
00:48:27 C'est totalement antinomique avec le tourisme.
00:48:30 C'est comme ça, mais c'est antinomique.
00:48:32 On ne peut pas.
00:48:34 - Jean Fouquet.
00:48:35 - On voit bien comment les repères et les normes ont évolué.
00:48:41 Et on voit bien la dimension culturelle.
00:48:45 On peut tuer un pigeon en forêt, mais pas en ville.
00:48:48 Mais on voit aussi par exemple comment,
00:48:50 nous on l'a analysé aux dernières élections municipales,
00:48:53 est montée par exemple la revendication portée
00:48:56 par certaines associations animalistes
00:48:58 d'interdire les spectacles dans les communes
00:49:00 où ces associations étaient présentes,
00:49:02 les spectacles de cirque avec des animaux vivants.
00:49:05 Il y a 30 ou 40 ans, ça n'aurait traversé l'esprit à personne.
00:49:08 Il y avait déjà des mobilisations contre la chasse à cour,
00:49:12 contre la corrida, mais le cirque était dans le sens commun,
00:49:18 totalement accepté.
00:49:19 On voit comment les choses évoluent.
00:49:21 Et ce qui m'intéresse aussi, c'est de voir comment
00:49:24 ce discours-là se structure en fonction du rapport à l'animal
00:49:28 vécu intimement par les individus.
00:49:31 Le premier auteur d'une loi de défense, de protection
00:49:34 des animaux en France, c'est Gramont,
00:49:36 qui était officier de cavalerie au 19ème siècle.
00:49:39 - Et chasseur. - Peut-être chasseur également.
00:49:41 - Le créateur de la Ligue pour la protection des oiseaux
00:49:43 était un chasseur.
00:49:44 - Et le cheval était omniprésent dans Paris.
00:49:47 Donc ils étaient emmenés à l'écarissage,
00:49:50 ils étaient abattus directement sous les yeux des gens.
00:49:54 Et la nouvelle loi qui a été passée,
00:49:57 la loi d'Ombreval, lors de la précédente mandature,
00:50:02 a été portée par un député macroniste qui est vétérinaire.
00:50:06 Et donc on voit bien ce rapport.
00:50:08 - Mais est-ce qu'on ne peut pas dire tout simplement
00:50:10 que du temps où nos enfants mouraient en bas âge,
00:50:12 où les pauvres mouraient de faim, où les mineurs mouraient à la mine,
00:50:16 où les soldats mouraient au front,
00:50:18 on se fichait pas mal des envies de tuer un cerf,
00:50:24 un ours ou un loup.
00:50:26 Aujourd'hui, évidemment, c'est plus du tout la même chose.
00:50:29 Je crois que c'est fin août 1914,
00:50:31 l'armée française a perdu 26 ou 28 000 hommes en une seule journée.
00:50:36 Ça n'a même pas fait une ligne dans le journal.
00:50:38 Aujourd'hui, s'il y a un mort sur un théâtre d'opération,
00:50:41 même loin de chez nous, c'est la cour des Invalides,
00:50:43 en présence du président de la République.
00:50:45 Tout a changé, notre rapport à la mort a changé.
00:50:47 - Oui, bien sûr, mais ce qui est intéressant,
00:50:49 c'est que la barrière des espèces est en train d'être franchie.
00:50:54 - Mais ça peut changer demain.
00:50:57 Si demain, il y a le réchauffement climatique, comme on le redoute,
00:51:00 et qu'on se met à mourir de chaleur en masse,
00:51:03 la chasse va redevenir tout à fait acceptable.
00:51:06 - Tout dépend des circonstances.
00:51:08 - Et vous voyez, par exemple, quelqu'un comme Jean-Luc Mélenchon,
00:51:10 qui s'inscrit dans cette histoire du courant progressiste,
00:51:13 dit "Voilà, aujourd'hui, la nouvelle conquête,
00:51:16 le nouvel horizon, c'est de donner des droits aux animaux".
00:51:20 Et d'ailleurs, Émeric Caron est le premier député animaliste,
00:51:24 et il a été élu dans le cadre d'un accord électoral
00:51:27 avec la France insoumise.
00:51:30 Donc on est dans le prolongement de cette quête de nouveaux droits,
00:51:34 mais qui aujourd'hui a sauté la barrière des espèces.
00:51:37 Et sur le plan anthropologique, je pense que c'est quelque chose
00:51:40 de tout à fait nouveau et qu'il faut souligner.
00:51:43 - Est-ce que vous êtes préparé à ça, au fait que l'homme blanc,
00:51:47 après tout, qui se croyait seul au monde, a accepté de reconnaître
00:51:52 pour égaux toutes les races, toutes les religions, même les femmes,
00:51:56 toutes les minorités sexuelles ?
00:51:59 Aujourd'hui, il n'y a plus de problème, les animaux sont les prochains.
00:52:03 - Oui.
00:52:05 - Mais on ne vous laissera plus les tuer, peut-être ?
00:52:08 - Peut-être, mais on essaie justement de résister.
00:52:12 - Il y a un côté implacable, un peu sens de l'histoire.
00:52:15 - Oui, il fait du bon le sens de l'histoire.
00:52:18 - Parfois un peu déprimant, parce que le monde des animalistes,
00:52:21 des fois je trouve ça un peu aseptisé, finalement.
00:52:24 Ils ont plein de passions, ils chassent la bécasse,
00:52:27 ils en rêvent la nuit, j'imagine, s'ils l'ont raté.
00:52:30 On n'imagine pas, Thomas Le Pelletier, en rêver du quinoa la nuit.
00:52:33 - Il y a quand même des nuits passionnelles aussi.
00:52:36 - Je ne suis pas venu d'aller chasser.
00:52:39 - Soyez honnête, Thomas Le Pelletier, si vous gagnez, à la fin,
00:52:42 il n'y aura plus d'animaux. Il n'y aura plus de vaches dans les champs
00:52:45 parce qu'on leur donnera plus de champs, puisqu'on sera plus propriétaires
00:52:48 et qu'on ne pourra plus les exploiter. Il n'y aura plus d'animaux nulle part.
00:52:51 - Il y aura beaucoup moins d'animaux, nous sommes tout à fait d'accord.
00:52:54 Mais ce que ça veut dire aussi, c'est qu'il y aura beaucoup moins d'animaux
00:52:57 qu'on égorgera. Parce que là, on égorge 3 millions d'animaux par jour.
00:53:00 Je reste toujours ahuri pourquoi cette société ne voit pas un problème
00:53:03 au fait qu'on égorge 3 millions d'animaux quotidiennement en France.
00:53:06 Donc oui, il y aura moins d'animaux, mais ce sont des animaux,
00:53:09 pour la plupart, qu'on égorge. Les vaches, les poules et les cochons,
00:53:12 on les égorge à tour de bras. Donc je ne vois pas, à moi,
00:53:15 le problème à la disparition de ces animaux.
00:53:18 - Mais ce n'est pas seulement ceux-là qui disparaîtront.
00:53:21 Les vaches dans les champs qui pèsent dans les champs, elles disparaîtront.
00:53:24 - C'est elles qu'on va égorger après les animaux.
00:53:27 - Non, non, non. Celles qu'on traite, tout simplement.
00:53:30 - On finit par les égorger après. - Du fait qu'on finit par les égorger,
00:53:33 vous ne voulez plus qu'elles vivent du tout ? - Il n'y a pas besoin.
00:53:36 - Elles existent. - Oui, elles existent du tout.
00:53:39 - Je vois pas quel intérêt de perpétuer une activité aussi violente
00:53:42 que celle-là quand on peut s'en passer. Moi, je prône un monde
00:53:45 où il y a moins de violence. Aussi contrairement à ce que vous dites
00:53:48 dans votre livre, vous dites souvent dans vos livres, les antispécistes,
00:53:51 ils voudraient un monde où il n'y a plus de souffrance, où ils ne tiennent pas compte
00:53:54 du fait que la vie et la mort sont liées. Mais si, on tient compte de ça.
00:53:57 Mais la souffrance, on sait bien qu'il y a de la souffrance,
00:54:00 mais quand vous allez chez le dentiste, vous êtes bien content qu'il y ait une anesthésie.
00:54:03 C'est pareil. Nous voulons juste que, quelque part,
00:54:06 on diminue la quantité de violence dans ce monde.
00:54:09 C'est cette simple revendication qu'on met en avant.
00:54:12 Et donc, qu'on diminue le nombre de mises à mort.
00:54:15 Je vois pas ce qu'il y a de si surprenant à ça.
00:54:18 Vous diabolisez un peu de temps en temps le mouvement animaliste.
00:54:21 Moi, je prône une chose tout simple. Essayons de vivre dans un monde
00:54:24 où on exerce moins de violence. Et si on doit en exercer,
00:54:28 parce que dans certaines circonstances, on doit en exercer,
00:54:31 il faut le faire de façon le plus... en essayant de le justifier
00:54:34 de façon rationnelle.
00:54:36 - Dernier mot, Corinne, il reste une minute.
00:54:38 - Vous parlez de violence, vous parlez de tuer, vous parlez pas de chasse.
00:54:41 C'est ça le truc. Nous, on chasse, on tue, parfois.
00:54:44 C'est ce qu'explique Ortega. La formule est tellement subtile,
00:54:47 tellement condensée qu'on a du mal à développer davantage.
00:54:50 On tue parfois pour avoir chassé. Le but, c'est pas de tuer.
00:54:53 Le but, ça n'est jamais de tuer. L'essence de ce qu'on a décrit
00:54:56 dans le bouquin, c'est le fait de la chasse.
00:54:59 Et puis la deuxième chose, c'est qu'évidemment, on chasse pas
00:55:02 pour se défendre du tout, se défendre des animaux
00:55:05 qui nous fonceraient dessus, les pigeons, les sangliers ou quoi d'autre.
00:55:08 Ça, c'est pas du tout, du tout, du tout... Dans le monde de la chasse,
00:55:11 ça veut rien dire du tout. Et troisième chose aussi, sur la question
00:55:14 de la régulation. Alors là, c'est quand même marrant, parce que
00:55:17 quand même un certain nombre de gens dans le monde de la chasse
00:55:20 sont tombés dans le piège, que vous continuez de tendre là,
00:55:23 puisque évidemment que le jour où il n'y aura plus besoin de régulation,
00:55:26 c'est dans ce piège là que nous, on ne veut pas tomber, que vous décrivez
00:55:29 très bien et de façon très cohérente, etc. et tout. Mais je reste
00:55:32 quand même dans l'idée que votre éthique, elle descend du ciel.
00:55:35 Et il n'y a rien à faire. Les gens existent. Vous avez des cultures
00:55:38 à travers le monde, partout. Et il y a une dernière chose aussi,
00:55:41 c'est que la chasse, c'est un... On chasse à peu près partout
00:55:44 dans le monde. Il y a quelques pays qui ne chassent pas,
00:55:47 pour les religieuses, etc. et tout. C'est un commun, alors qu'on a
00:55:50 tellement de sujets de dissension. C'est un commun à préserver.
00:55:53 C'est un commun concret. C'est quelque chose de charnel.
00:55:56 Ce n'est pas des concepts abstraits d'universalistes, etc. et tout.
00:55:59 C'est très concret. Moi, si je rencontre un chasseur américain
00:56:02 demain, on va discuter de chasse, évidemment. Mais on va tout de suite
00:56:05 se connaître. Ça ne veut pas dire que c'est exclusif. Nous, on invite
00:56:08 simplement. Venez avec nous.
00:56:11 - Merci. Ce débat est terminé. Je vous remercie
00:56:14 tous les quatre d'y avoir participé.
00:56:17 C'est le rappel des titres, Adrien Spiteri.
00:56:20 Après, on va aux Etats-Unis, ou plutôt, on reste ici,
00:56:23 avec nos yeux de Français. On essaye de comprendre
00:56:26 comment se fait-il que Donald Trump risque fort
00:56:29 d'être le prochain président des Etats-Unis.
00:56:32 Rappel des titres.
00:56:35 - L'armée israélienne dit avoir découvert un tunnel
00:56:38 de 55 m à Gaza, situé sous l'hôpital Al-Shifa,
00:56:41 à 10 m de profondeur. Il serait utilisé
00:56:44 pour du terrorisme, selon le SAL. Le tunnel a été
00:56:47 découvert dans une zone de l'hôpital, sous un hangar
00:56:50 contenant des armes. Emmanuel Macron s'est entretenu
00:56:53 ce dimanche avec Benyamin Netanyahou, le Premier ministre
00:56:56 israélien. Le chef de l'Etat fait part de son inquiétude
00:56:59 sur les trop nombreuses pertes civiles à Gaza.
00:57:02 Il s'est également entretenu avec le président de l'autorité
00:57:05 palestinienne, Mahmoud Abbas. Plutôt dans la journée,
00:57:08 il assurait que la France allait accueillir des blessés
00:57:11 de la bande de Gaza dans un communiqué.
00:57:14 Et puis, des otages détenus dans la bande de Gaza
00:57:17 seront-ils bientôt libérés ? Le Premier ministre
00:57:20 Qatari se montre confiant. Selon lui, la conclusion
00:57:23 d'un accord repose désormais sur des questions pratiques
00:57:26 mineures, des mots prononcés lors d'une conférence
00:57:29 de presse à Doha, aux côtés du chef de la diplomatie
00:57:32 de l'Union européenne, Joseph Morel.
00:57:36 (Générique)
00:57:39 ---
00:57:50 - Bienvenue. Si vous venez de nous rejoindre,
00:57:53 les visiteurs du soir, c'est tous les dimanches,
00:57:56 de 22h jusqu'à minuit. Jérôme Fourquet, l'auteur
00:57:59 de "L'archipel français", le directeur du département
00:58:02 de l'Union européenne, est avec nous depuis le début
00:58:05 de l'émission. Il publie un nouveau livre, "La France d'après".
00:58:08 A 23h30, on débattra du glyphosate, dont l'autorisation
00:58:11 vient d'être prolongée de 10 ans par la Commission européenne.
00:58:14 Il y aura en duplex Michel Rivasi, députée européenne
00:58:17 Europe Écologie-Les Verts et cofondatrice
00:58:20 de l'Observatoire de Vigilance et d'Alerte Écologie
00:58:23 qui s'est alliée à d'autres associations pour déposer
00:58:26 un recours en annulation devant la Cour de justice
00:58:29 et la journaliste Géraldine Vosner, qui vient
00:58:32 de nous rejoindre, rédactrice en chef au Point.
00:58:35 Vous avez publié cette semaine dans votre hebdomadaire
00:58:38 un long article intitulé "Glyphosate, la longue histoire
00:58:41 d'une manipulation". Vous êtes également une spécialiste
00:58:44 de la politique américaine que vous avez suivie pendant plusieurs années
00:58:47 comme correspondante à New York pour Europe 1, Le Parisien ou M6.
00:58:50 Ça tombe bien, on va avoir besoin de vous lumirer dès maintenant
00:58:53 à propos de Donald Trump, car il y a encore et toujours
00:58:56 Donald Trump. Pour le percer, j'ai invité également
00:58:59 le politologue Denis Lacorne, à qui l'on doit plusieurs livres
00:59:02 sur les Etats-Unis, que ce soit "La crise de l'identité américaine"
00:59:05 ou "Les Etats-Unis", tout simplement, d'où vous avez dirigé
00:59:08 la rédaction, et la politologue
00:59:11 Marie-Christine Bonzon, qui est avec nous
00:59:14 en duplex. Marie-Christine Bonzon, vous avez été
00:59:17 journaliste à Voice of America et correspondante
00:59:20 de la BBC à Washington de 1989
00:59:23 à 2018. Vous avez couvert
00:59:26 cette élection américaine. Alors, Marie-Christine Bonzon, on a la tendance
00:59:29 en France à croire que Donald Trump est fini,
00:59:32 enterré sous les inculpations dans des affaires graves
00:59:35 qui vont de la fraude financière à l'acitation
00:59:38 au coup d'Etat. Mais un sondage du New York Times vient de le donner
00:59:41 vainqueur contre Joe Biden à la prochaine
00:59:44 présidentielle, celle qui se déroulera en novembre
00:59:47 2024. Il a vraiment de bonnes chances de revenir
00:59:50 à la Maison-Blanche, d'après vous, Marie-Christine Bonzon ?
00:59:53 Oui, bonsoir, Frédérique Taddeï. En fait, tous les sondages
00:59:56 sont des instantanés, donc à l'instant T,
00:59:59 de ce sondage du New York Times et d'autres sondages réalisés
01:00:02 dans les États clés, que sont par exemple Nevada,
01:00:05 l'Arizona, la Pennsylvanie et d'autres,
01:00:08 M. Trump, au moment où nous nous parlons, aurait
01:00:11 de grandes chances d'être élu face à Joe Biden.
01:00:14 Alors, il y a encore un an avant le scrutin, qui est prévu
01:00:17 le 5 novembre 2024. Beaucoup d'eau vont passer
01:00:20 sous les ponts et surtout, je dirais qu'on a là affaire
01:00:23 à deux candidats présumés, pour le moment. Il n'est pas sûr
01:00:26 qu'on ait affaire à un duel Biden-Trump, au bout du
01:00:29 compte, parce qu'il y a une grande fébrilité dans les deux camps, dans les
01:00:32 partis démocrates et au sein du parti républicain aussi.
01:00:35 Deux candidats présumés qui sont
01:00:38 extrêmement impopulaires et qui sont rejetés
01:00:41 profondément par le peuple américain. La majorité
01:00:44 des Américains ne veulent ni de Biden ni de Trump comme
01:00:47 futur président des États-Unis. Mais pour le moment,
01:00:50 les Américains sont face à un éventuel
01:00:53 duel Biden-Trump et pour le moment, c'est
01:00:56 Trump qui l'emporte. Pourquoi ? Il y a des raisons qui ont
01:00:59 trait à Trump et des raisons qui ont trait à Biden.
01:01:02 Raison qui ont trait à Biden, Biden est encore plus impopulaire à ce stade
01:01:05 du mandat que Trump ne l'était à ce même moment de son
01:01:08 mandat, son premier mandat. Trump et Biden sont
01:01:11 les plus impopulaires présidents depuis Jimmy Carter.
01:01:14 D'autre part, vous avez un président Biden
01:01:17 dont le bilan est contesté
01:01:20 et jugé très négativement par
01:01:23 les Américains. M. Biden est dans le rouge, si on peut dire,
01:01:26 dans les très grands dossiers que sont l'immigration
01:01:29 et même la politique étrangère. Pour quelqu'un qui était
01:01:32 sénateur spécialisé dans la politique étrangère,
01:01:35 il est très mal noté par les Américains sur ce plan.
01:01:38 Et surtout, il y a le problème de l'âge et de
01:01:41 l'acuité mentale de Joe Biden qui, pour les deux tiers
01:01:44 des Américains, sont une préoccupation profonde, y compris
01:01:47 au sein du Parti démocrate. Donc, les
01:01:50 problèmes de Joe Biden aident considérablement Donald Trump
01:01:53 à ce stade de la campagne. Et puis, vous avez les raisons
01:01:56 qui tiennent à Trump lui-même. Trump est très
01:01:59 impopulaire, mais il est, je le disais, moins impopulaire
01:02:02 et moins rejeté, tout étant relatif, bien sûr.
01:02:05 Moins rejeté que Biden.
01:02:08 Et puis, il continue à surfer sur le grand mécontentement
01:02:11 de beaucoup d'Américains envers leurs élites et envers le système.
01:02:14 Il se veut encore le candidat anti-système, même
01:02:17 s'il est maintenant un politicien de carrière. Et puis, c'est
01:02:20 quelqu'un qui, comme en 2016 et comme en 2020,
01:02:23 dans une grande mesure, fait campagne
01:02:26 sur le terrain. Alors que M. Biden n'est pas présent
01:02:29 sur le terrain pour le moment, Trump est présent,
01:02:32 y compris et surtout dans les États indécis que sont
01:02:35 l'Arizona, la Floride et d'autres encore.
01:02:38 Alors, la question qu'on se pose, nous, les Français, c'est
01:02:41 qu'est-ce qu'il a réussi, Donald Trump, quand il était à la Maison Blanche
01:02:44 pour être encore, pour
01:02:47 qu'une bonne partie des électeurs américains, enfin, les sondages
01:02:50 le prouvent, suivant après, à lui redonner
01:02:53 leur confiance ? On a deux défauts
01:02:56 en France. Le premier consiste à analyser
01:02:59 la politique américaine à travers le prisme des médias
01:03:02 démocrates. C'est pas l'intégralité, c'est pas la
01:03:05 totalité de l'opinion américaine. Nous, on a cette vision-là,
01:03:08 on l'a fait nôtre et on se persuade que
01:03:11 c'est la réalité. Ça n'est
01:03:14 pas le cas. L'autre défaut, c'est
01:03:17 d'oublier, enfin, c'est d'avoir la mémoire courte. Je vous rappelle que
01:03:20 en 2020, Donald Trump perd l'élection
01:03:23 presque par hasard.
01:03:26 C'était une élection qu'il aurait dû gagner. Tous les sondages
01:03:29 le montraient gagnant. Et il perd à cause de la crise du Covid
01:03:32 qu'il a extrêmement mal gérée, qu'il n'a pas vu venir, il a mal appréhendé
01:03:35 la crise. Et c'est ça qui le fait perdre l'élection.
01:03:38 Donald Trump est un personnage
01:03:41 totalement iconoclaste,
01:03:44 totalement imprévisible. Les Américains
01:03:47 le connaissent depuis 40 ans, donc à la limite,
01:03:50 ils le savaient. Et
01:03:53 sur les fondamentaux du pays,
01:03:56 il n'a pas complétement...
01:03:59 Il y a eu des résultats. L'économie se portait comme un charme.
01:04:02 Il a entraîné
01:04:05 les États-Unis dans une voie protectionniste qui était
01:04:08 demandée par le peuple américain.
01:04:11 Il a mis fin aux guerres.
01:04:14 Donc il a ce bilan-là encore
01:04:17 pour les Américains. D'un autre côté, Joe Biden
01:04:20 a déçu. On a vu après la crise des subprimes
01:04:23 2007-2008, on a vu monter
01:04:26 des contestations à la fois à l'extrême-gauche pour une meilleure
01:04:29 redistribution et à droite avec les Tea Party.
01:04:32 Trump a été élu et Joe Biden
01:04:35 finalement a entendu ce message en menant
01:04:38 une politique, en reprenant beaucoup d'éléments de la politique
01:04:41 de Donald Trump, notamment sur le côté économique, c'est-à-dire
01:04:44 que Biden a entraîné le pays dans un virage complètement
01:04:47 radical de protectionnisme
01:04:50 très net et il l'a vraiment mise en œuvre.
01:04:53 On a eu l'Inflation Reduction Act, 10 différents
01:04:56 actes de protectionnisme économique.
01:04:59 Ça fonctionne, c'est ça qui est paradoxal, c'est que Biden a
01:05:02 d'excellents résultats sur le terrain économique, sauf
01:05:05 qu'il n'en est pas crédité. Son aile
01:05:08 gauche lui reproche de ne pas être allé assez loin, notamment
01:05:11 dans les réformes fiscales. Les Républicains restent
01:05:14 qu'ils disent que Trump faisait très bien le job
01:05:17 et ils s'alliènent un peu aussi les indépendants, les
01:05:20 libéraux, qui sont horrifiés de toutes ces mesures socialistes.
01:05:23 Donc là, effectivement, il est impopulaire
01:05:26 mais en dépit de résultats qui sont
01:05:29 loin d'être mauvais. Et par ailleurs, d'autres
01:05:32 réalités le rattrapent, notamment sur l'immigration qui va être un de ces boulets.
01:05:35 On a eu depuis le début de l'année 2,5 millions de clandestins
01:05:38 à la frontière mexicaine. Biden vient de décider
01:05:41 qu'il va construire un bout du mur que voulait
01:05:44 Donald Trump. Donc là aussi, il n'a pas su appréhender
01:05:47 ce sujet et c'est un échec, ce qui
01:05:50 le rend peu audible. Et j'ajoute à ça quand même
01:05:53 le problème de l'âge. Là aussi, ce n'est pas de bol pour lui.
01:05:56 Il n'a que trois ans de plus que
01:05:59 Donald Trump et pourtant, il est perçu
01:06:02 comme beaucoup plus fatigué, beaucoup plus mal en point
01:06:05 que Donald Trump. - Y compris intellectuellement.
01:06:08 - Oui, c'est quelqu'un qui a été très longtemps
01:06:11 bègue, il faut s'en souvenir, qui a des difficultés
01:06:14 d'élocution. Il n'y a rien qui accrédite, sinon quelques images télé
01:06:17 une mauvaise santé ou quoi.
01:06:20 En tous les cas, ces sources générateurs
01:06:23 d'angoisse pour les Américains aujourd'hui.
01:06:26 Et en plus, il n'a vraiment pas de bol non plus sur le plan international.
01:06:29 Il y a la guerre en Ukraine, le conflit
01:06:32 au Proche-Orient. Donc là, on se demande si les Américains
01:06:35 vont être capables de stopper les Israéliens avant qu'ils détruisent tout.
01:06:38 Donc en gros, c'est une période d'insécurité
01:06:41 que lui incarne, alors que Donald Trump, il incarne
01:06:44 encore une période de paix. C'est celui qui a mis fin aux guerres.
01:06:47 - Denis Lacan ?
01:06:50 - Oui, alors il faut... Je crois que les choses sont un peu plus
01:06:53 compliquées que ce qu'on a dit. C'est-à-dire que d'abord,
01:06:56 la victoire de Trump n'est pas du tout certaine.
01:06:59 C'est vrai qu'on a des sondages. - C'est un sondage.
01:07:02 - Il y a des sondages au Sénat qui ne sont pas prédictifs
01:07:05 de ce qui va se passer l'année prochaine, mais c'est vrai que les sondages,
01:07:08 ce n'est pas une bonne nouvelle pour Biden parce qu'il y a deux choses
01:07:11 dans les sondages. Il y a au niveau national,
01:07:14 Trump l'emporte de façon nette sur Biden dans le sondage actuel.
01:07:17 Et puis, il y a les sondages dans les États critiques
01:07:20 ou les États décisifs. Alors s'il y a de compliqués
01:07:23 dans l'élection américaine, il faut comprendre ça, c'est que
01:07:26 gagner le suffrage électoral, la majorité,
01:07:29 ça ne suffit pas. Hillary Clinton
01:07:32 avait la majorité des voix. Trump n'a jamais eu
01:07:35 la majorité des voix. Biden a eu la majorité des voix,
01:07:38 mais il faut en plus la majorité du collège électoral.
01:07:41 Et le collège électoral, c'est cette chose un peu archaïque
01:07:44 qui a été créée par les pères fondateurs et qui donne un poids égal
01:07:47 à tous les États, c'est-à-dire qu'il y a...
01:07:50 Il faut additionner, pour calculer
01:07:53 les membres du collège électoral, les grands électeurs,
01:07:56 le nombre de sénateurs, deux par État, plus le nombre
01:07:59 de représentants. Ça vous donne le poids de chaque État.
01:08:02 Et donc, ces États décisifs, c'était,
01:08:05 en tout cas, en 2020,
01:08:08 le Wisconsin, le Michigan,
01:08:11 la Pennsylvanie, la Georgia, le Nevada,
01:08:14 c'est là que ça se passe. Et en général,
01:08:17 ce qui fait l'élection, on gagne l'élection
01:08:20 avec une marge qui est très faible, entre 20 000
01:08:23 et 40 000 voix réparties dans ces
01:08:26 États décisifs. Donc, tout se joue là.
01:08:29 C'est ça, la difficulté. Et la nouveauté du sondage
01:08:32 du New York Times, Siena,
01:08:35 c'est que dans 4 ou 5 sur 6
01:08:38 États décisifs, Trump l'emporte
01:08:41 de peu, mais il l'emporte quand même. Alors, on peut se poser
01:08:44 des questions méthodologiques sur le sondage. Il n'y avait que 3 000
01:08:47 personnes à l'échelle nationale. 3 000, c'est très peu.
01:08:50 C'est plus par État, c'est pas certain.
01:08:53 Donc, il y a des tas de problèmes méthodologiques qui se posent,
01:08:56 mais c'est vrai que tout se joue dans
01:08:59 quelques États à 10 000 voix près. C'est ça, la difficulté
01:09:02 des élections américaines. Et alors, par chance,
01:09:05 Biden, malgré tout ce qu'on lui reproche, il a encore
01:09:08 un an pour intervenir, faire du terrain.
01:09:11 Là, il fait beaucoup de politique étrangère, il est très actif
01:09:14 et je crois que son bilan est plutôt bon en politique étrangère,
01:09:17 mais il va falloir qu'il bouge un peu plus.
01:09:20 C'est ce que lui reprochent ses collègues,
01:09:23 notamment ceux qui avaient dirigé la campagne d'Obama,
01:09:26 Axelrod, par exemple, qui a dit "Attention,
01:09:29 il y a un problème avec Biden,
01:09:32 c'est peut-être sondage, c'est peut-être autre chose,
01:09:35 mais peut-être faudrait-il penser à d'autres candidats".
01:09:38 Et évidemment,
01:09:41 la réponse de Biden lorsqu'il a été tenu au courant
01:09:44 de ses propos d'Axelrod,
01:09:47 c'est un peu celui qui a vraiment fait la campagne d'Obama,
01:09:50 c'était "Ce type est un salaud".
01:09:53 Bon, ça veut dire qu'il a mal pris la chose,
01:09:56 qu'il est parfaitement conscient du problème
01:09:59 et il n'est pas en mauvaise santé.
01:10:02 C'est-à-dire, le problème, Trump paraît plus jeune que son âge,
01:10:05 il y a deux ans, trois ans d'écart entre lui et Biden,
01:10:08 parce qu'il est très énergique, actif, bouillant,
01:10:11 il dit tout et n'importe quoi,
01:10:14 mais ça donne une impression de jeunesse, de témérité.
01:10:17 Alors que Biden est beaucoup plus réservé, comme vous l'avez dit,
01:10:20 il était bêgue autrefois, donc quelquefois il bafouille,
01:10:23 il fait des erreurs, il a aussi une difficulté à marcher,
01:10:26 alors on peut dire que c'est le grand âge,
01:10:29 non, il s'est cassé le pied en jouant avec ses chiens,
01:10:32 donc ça c'est un problème, il a des problèmes de dos,
01:10:35 et en fait c'est très intéressant de lire les rapports médicaux
01:10:38 de la fonction publique sur Biden et sur Trump.
01:10:41 Alors le rapport médical de Trump, à l'époque où il a été publié,
01:10:44 je crois que c'était en 2020 ou en 2016,
01:10:47 Trump avait admis que c'était lui-même qui l'avait rédigé,
01:10:50 il l'avait signé par son médecin, mais c'est lui qui avait dit
01:10:53 qu'il était en très bonne santé, aucun autre candidat n'avait jamais été
01:10:56 en aussi bonne santé que Trump, donc on ne peut pas s'y fier trop.
01:10:59 Biden, le rapport médical, il faut le lire, il y a six pages
01:11:02 qui vous donnent tous les détails, telle intervention qu'il a eue,
01:11:05 un anévrisme au cerveau, de l'asthme, un problème au dos,
01:11:10 une fracture du pied, etc., donc il a des tas de problèmes,
01:11:13 mais il n'a pas de cancer, il n'a pas de maladie cardiaque redoutable, etc.
01:11:17 Donc si on se fie à ces documents, il est plutôt en bonne santé,
01:11:22 et donc on peut estimer qu'à son âge, 81 ans lundi prochain,
01:11:25 il pourra encore direr au moins 10 ans.
01:11:28 Mais c'est vrai que la difficulté pour Biden,
01:11:32 ce sera de transformer l'élection en un référendum, dans le fond,
01:11:37 entre c'est moi ou Trump, c'est moi le raisonnable, le modéré,
01:11:42 ou le chaos, c'est Trump.
01:11:44 Donc c'est là-dessus qu'il va mettre l'accent,
01:11:46 c'est comme ça qu'il va essayer de construire sa campagne.
01:11:48 Marie-Christine Bonzon, aussi bien Denis Lacorne que Jérôme Vosner,
01:11:53 ont l'air de dire que quand même, Biden, il a des résultats.
01:11:56 Vous, vous avez l'air de dire, pas du tout,
01:11:58 en tout cas, ce n'est pas ce que les Américains pensent.
01:12:00 Alors exactement, ce n'est pas moi qui le dis,
01:12:02 ce sont les Américains qui le disent, peu importe ce que je pense.
01:12:05 Non, d'après les sondages, c'est très clair,
01:12:08 le bilan de Biden est rejeté par la plupart des Américains
01:12:12 dans les grands dossiers que sont l'économie, l'inflation, l'immigration.
01:12:16 Je veux dire, il fait environ 33 à 38 % de satisfaits.
01:12:20 C'est très peu, de même pour la criminalité,
01:12:23 qui est un sujet dont on parle peu ici en France, mais aux États-Unis,
01:12:26 c'est un sujet que rencontrent les Américains tous les jours,
01:12:29 avec une hausse de la criminalité, je dirais, de proximité extrêmement importante,
01:12:34 les vols à la tire, les cambriolages de voitures,
01:12:36 les tabassages de personnes âgées sur les trottoirs, dans la rue, etc.
01:12:42 Donc, la drogue.
01:12:44 Donc, sur tous ces dossiers, le président Biden est dans le rouge incontestablement,
01:12:49 y compris, comme je le disais, en politique étrangère,
01:12:51 y compris d'ailleurs sur l'Ukraine.
01:12:53 L'Ukraine est le dossier dans lequel il fait le meilleur score
01:12:56 en moyenne de sondage de Real Clear Politics,
01:12:59 et c'est simplement environ 42 % dans la moyenne.
01:13:02 On voit à quel point il est descendu dans les sondages,
01:13:05 ne serait-ce que sur ce dossier qui était son sujet phare.
01:13:08 Et effectivement, son bilan prête à critique de la part des Américains,
01:13:13 car tout a basculé pour M. Biden, il faut s'en souvenir, à la mi-août 2021,
01:13:17 c'est-à-dire quand les États-Unis se sont retirés d'Afghanistan,
01:13:21 avec ces images choc, bien sûr,
01:13:23 des Américains qui partaient la queue entre les jambes de l'aéroport de Kaboul,
01:13:27 avec les 13 soldats laissés à terre,
01:13:29 et de nombreux ressortissants américains et supplétifs des Américains qui restaient derrière.
01:13:34 Donc, les Américains ont commencé à changer d'avis, je dirais, sur Joe Biden.
01:13:39 À partir de ce moment-là, sa code de popularité avait commencé à décembre,
01:13:42 notamment en raison du Covid.
01:13:44 Il avait fait de grandes promesses à propos du Covid qui n'ont pas été complètement tenues.
01:13:47 Et donc, à partir de juillet, ça a commencé à baisser.
01:13:50 Mais les deux courbes, c'est-à-dire la courbe des satisfaits et celle des mécontents,
01:13:53 se sont croisées à la mi-août 2021.
01:13:56 Et depuis, M. Biden n'est jamais remonté au-dessous de 50% de popularité.
01:14:01 Donc, c'est un président extrêmement impopulaire,
01:14:03 dont le bilan, même s'il peut paraître positif, notamment sur le plan économique,
01:14:07 n'imprime pas, je dirais, auprès des Américains.
01:14:10 Les Américains vivent tous les jours une inflation des prix à la consommation pour l'alimentation,
01:14:16 par exemple, qui demeure au-dessus de 10%, voire 15% pour certains produits alimentaires,
01:14:22 de même pour l'essence.
01:14:25 Et de ce fait, on voit un basculement également en ce qui concerne Trump,
01:14:28 puisque même si de très nombreux Américains ont rejeté Trump en 2020,
01:14:32 aujourd'hui, certains Américains, et notamment parmi les indépendants,
01:14:35 qui feront la décision dans cette décision, dans cette élection présidentielle,
01:14:39 comme ils l'ont fait jusqu'à présent, mais encore plus,
01:14:41 puisque les indépendants sont plus nombreux aujourd'hui aux États-Unis que ne le sont les démocrates.
01:14:45 Et les républicains, les Américains rejetant d'emblée et de plus en plus le système bipartite sclérosé
01:14:52 qui prévaut aux États-Unis, eh bien, on voit que le bilan, du coup, de M. Trump est réévalué vers le positif.
01:15:00 On voit aujourd'hui que la présidence Trump, les quatre années,
01:15:04 le seul mandat qu'a fait M. Trump jusqu'à présent, est réévalué de manière positive,
01:15:08 puisque des sondages montrent que les Américains en sont satisfaits
01:15:12 ou ont une vision positive à 52 %, ce qui est nettement plus élevé que le bilan
01:15:18 qui est fait pour le moment par les Américains du bilan Biden.
01:15:22 Donc, il y a beaucoup de travail à faire dans le camp démocrate pour essayer de remonter la pente
01:15:26 et d'où cette fébrilité dont je parlais dans le camp démocrate, puisque c'est David Axelrod,
01:15:31 mais c'est aussi beaucoup d'autres gens, des gens qui écrivent des tribunes qui sont très respectées du camp démocrate,
01:15:38 comme par exemple David Ignatius dans le Washington Post, qui, au tout début septembre, a secoué le cocotier
01:15:44 à Washington littéralement, a causé une espèce de tsunami en écrivant une tribune
01:15:48 dans laquelle il demandait expressément à M. Biden et à Kamala Harris de se retirer.
01:15:53 Alors, Jérôme Fourquet, on a l'impression que les États-Unis, ça pourrait être aussi les États-Unis d'après.
01:15:59 Ce ne sont plus les mêmes.
01:16:01 Non, on voit bien comment tout ça a bougé.
01:16:03 Alors, je ne suis pas spécialiste des États-Unis, mais en surface, on peut avoir le sentiment
01:16:08 que les choses n'ont pas autant bougé que ça électoralement et politiquement,
01:16:12 puisqu'on est encore dans un système bipartisan, même si il y a la montée de ces indépendants.
01:16:16 Mais on voit comment, par exemple, Trump est parti à l'assaut de la machine républicaine
01:16:20 et qu'en fait, la disruption qu'on a eue chez nous, qui aboutit à la dislocation des vieux partis,
01:16:25 elle a eu lieu aux États-Unis, à l'intérieur même des partis.
01:16:29 Ça, c'est le premier point.
01:16:32 Le deuxième point, j'abonde tout à fait dans ce qui a été dit par Géraldine Wessner,
01:16:36 c'est-à-dire qu'on a une fenêtre française ou européenne
01:16:42 qui est très démocrate sur ce qui se passe aux États-Unis.
01:16:45 Et donc, tout ce qu'on entend là est complètement à rebours de ce qu'on lit
01:16:50 et ce qu'on voit habituellement sur le traitement des États-Unis,
01:16:53 en tout cas pour le grand public.
01:16:55 Vous savez, alors, je plaide coupable, on va avoir l'année prochaine en France
01:17:01 des sondages qui vont interroger les Français en disant
01:17:03 "Est-ce que vous êtes plutôt Trump ou plutôt Biden ?"
01:17:05 Et donc, vous vous donnez déjà le résultat.
01:17:07 Les Français disent "C'est l'horreur si Trump passe", etc.
01:17:10 Mais il se trouve que ce ne sont pas les Français qui vont voter pour l'élection présidentielle américaine.
01:17:14 Et dernier point, on voit aussi comment ces tectoniques de plaque
01:17:19 à l'œuvre dans le succès rétrospectif de Trump, et peut-être le succès futur,
01:17:26 on les retrouve aussi chez nous.
01:17:27 C'est-à-dire que la question du protectionnisme,
01:17:29 l'impact de la mondialisation, la désindustrialisation de certains bastions,
01:17:33 le fait aussi que dans des pays désindustrialisés,
01:17:36 alors peut-être que les Américains le sont un peu moins que nous,
01:17:38 on a une société qui tourne beaucoup autour de la consommation
01:17:42 et on a des millions d'habitants qui ne peuvent plus suivre le rythme de la consommation
01:17:47 et qui se sentent déclassés.
01:17:48 Donc ça, on a exactement les mêmes choses chez nous.
01:17:50 Et puis, vous avez parlé de l'immigration.
01:17:53 Donc nous, on n'a pas de frontière avec le Mexique,
01:17:55 mais on a ces questions-là.
01:17:58 Et la question de l'insécurité, de l'insécurité culturelle.
01:18:01 Et moi, ce qui m'avait beaucoup interpellé,
01:18:04 c'est quand on avait regardé sur les résultats des sondages
01:18:08 le jour de l'élection, lors de la victoire de Trump,
01:18:12 et même lors de sa défaite,
01:18:15 on avait beaucoup insisté en France sur l'attitude de Trump vis-à-vis des femmes,
01:18:19 avec des fameuses vidéos ultra choquantes et compromettantes.
01:18:23 Et quand vous regardiez les choses,
01:18:25 vous savez qu'aux États-Unis, on reclasse tout par ethnie,
01:18:29 parmi les femmes blanches, Trump était en tête.
01:18:32 En dépit de tout ça, ce qui paraissait complètement surréaliste en France.
01:18:36 Et donc, ce qu'il avait raconté par ailleurs,
01:18:39 avait été plus important pour ces électrices blanches américaines
01:18:45 que toutes les avanies qu'il avait pu collectionner
01:18:51 vis-à-vis de la jante féminine.
01:18:54 - La question qu'on peut se poser,
01:18:56 alors, Marie-Christine Bonseau nous le disait,
01:18:58 il y en a beaucoup qui contestent la nécessité que Joe Biden se représente,
01:19:02 mais qu'est-ce qui pourrait arrêter Donald Trump de son côté,
01:19:06 parce que lors des primaires américaines, il domine tout le monde largement,
01:19:10 est-ce que la justice, parce que je rappelle qu'il a un procès actuellement
01:19:16 pour fraude financière, il est accusé d'avoir surévalué les actifs de son empire
01:19:19 pour passer pour plus riche qu'il n'est en réalité,
01:19:22 afin d'obtenir des prêts bancaires,
01:19:24 il est inculpé en Georgie pour avoir tenté de renverser le résultat de l'élection,
01:19:28 il est inculpé pour l'assaut du Capitole,
01:19:30 pour avoir emporté chez lui des documents classifiés,
01:19:33 pour avoir acheté illégalement le silence d'une actrice de X.
01:19:37 Est-ce que tout ça, ça peut l'empêcher légalement de se présenter aux élections ?
01:19:43 - Eh bien non, Frédéric.
01:19:44 Et c'est ça l'extraordinaire de la situation américaine.
01:19:48 Dans le système américain, les inculpations auxquelles il fait face
01:19:53 ne le fera pas d'inéligibilité.
01:19:56 Voilà, c'est comme ça.
01:19:57 Alors la seule façon, ce serait dans l'affaire du Capitole,
01:20:04 où il pourrait être condamné au titre du 14e amendement de la Constitution américaine,
01:20:09 c'est-à-dire qui dit qu'une personne ne peut pas avoir de charge publique
01:20:13 si elle a participé ou soutenu une rébellion,
01:20:16 ça pourrait entrer dans ce cadre.
01:20:18 Sauf que les poursuites n'ont pas retenu ce chef d'inculpation
01:20:22 parce qu'ils se sont dit que les avocats, dans ce cas,
01:20:25 pourraient plaider que c'était sa liberté d'expression,
01:20:28 après tout, c'était un autre article.
01:20:30 Donc on s'achemine quand même pas nécessairement vers ça, mais qui sait ?
01:20:34 Mais quand bien même, ce jugement-là aurait lieu après l'élection ?
01:20:38 Donc là, on se retrouverait dans une situation institutionnelle complètement délirante.
01:20:43 Ce que je crois, moi, c'est qu'encore une fois, ces procès-là le renforcent.
01:20:49 Toutes les poursuites, il en a eu tout le long de sa présidence,
01:20:52 ça l'a émaillé, à chaque fois, c'était renforcé.
01:20:55 Ne serait-ce que cette affaire du Capitole,
01:20:58 on fait tous, encore une fois ici, comme si la chose était entendue,
01:21:02 qu'elle était jugée, qu'il avait vraiment appelé ces gens
01:21:05 à physiquement marcher sur le Capitole et tout détruire.
01:21:08 Une énorme partie d'Américains, et en tout cas une majorité,
01:21:12 ne l'ont pas vécu comme ça. Ils ont plutôt vécu ça comme une farce,
01:21:15 plutôt comme une jacquerie, que comme une sédition pensée et réelle.
01:21:20 Et c'est bien ce que devra trancher ce procès-là.
01:21:24 Mais l'affaire n'est pas jouée, elle n'est pas entendue.
01:21:27 Et pas dans le peuple américain, puisque, apparemment, dans les sondages,
01:21:32 la moitié des Américains n'ont pas cette lecture-là des événements.
01:21:37 Et toute une partie des électeurs républicains considèrent encore
01:21:40 qu'il s'est fait voler son élection.
01:21:42 - Et oui. - Oui, en plus.
01:21:43 - Ou une grande majorité, plus de 60 %.
01:21:45 - Mais c'est le... - Mais juste, Denis Lacorne ?
01:21:48 - Oui, c'est-à-dire que le génie de Trump, qui est un extraordinaire démagogue,
01:21:55 qui rappelle à certains égards Le Pen-Père, ou Tapie,
01:22:00 si on veut quelqu'un de plus modéré, mais qui était aussi un grand démagogue
01:22:03 et un grand... qui savait utiliser la télévision.
01:22:06 Donc c'est un extraordinaire démagogue.
01:22:08 Mais qu'est-ce qu'il construit, le récit qu'il construit,
01:22:10 c'est qu'il est victime d'une chasse aux sorcières.
01:22:13 Tous ces procès sont le signe même qu'on veut détruire,
01:22:16 que les démocrates veulent le détruire, et donc ça lui donne encore plus raison.
01:22:20 C'est ça, son type de recette.
01:22:22 Il y a en plus... Il prétend l'État profond, c'est-à-dire la CIA, le FBI,
01:22:27 l'armée seraient en train d'agir contre lui.
01:22:30 Donc plus il y a de procès, plus il est victimisé.
01:22:33 Et la difficulté aux États-Unis, c'est que le temps judiciaire
01:22:36 ne coïncide pas avec le temps politique.
01:22:38 C'est-à-dire que, comme on vient de le dire très justement,
01:22:40 il a été mis en accusation cinq ou six fois, 90 chefs d'accusation,
01:22:46 mais ça, c'est la mise en accusation.
01:22:49 Ensuite, il y a le procès qui condamne ou non.
01:22:51 Et ces procès-là, à mon avis, n'auront pas lieu avant l'élection.
01:22:55 Ils auront peut-être lieu, mais après l'élection,
01:22:57 et donc n'auront pas l'effet qu'on pourrait espérer.
01:23:00 Et là, c'est sa chance, c'est qu'il sera dans le fond,
01:23:02 certainement pas ou très peu probablement condamné avant l'élection.
01:23:06 Et le serait-il même, il pourrait toujours dire,
01:23:08 vous voyez, c'est la preuve encore que je suis la victime.
01:23:11 En même temps, il ne faut pas oublier que le corps démocrate
01:23:14 a des armes à sa disposition.
01:23:16 C'est-à-dire qu'on fait remonter des déclarations anciennes de Trump
01:23:21 qui sont consternantes.
01:23:23 On parlait de la crise du Covid.
01:23:25 Il était prêt à la nettoyer avec de l'eau de Javel.
01:23:28 Il fallait prendre de l'eau de Javel.
01:23:29 - Oui, on s'en souvient tous.
01:23:30 - Ou les remèdes du Dr. Raoult, la chloroquine.
01:23:33 Bon, ça, c'était la solution de Trump.
01:23:35 Trump parlant des immigrés.
01:23:38 Les immigrés, dit-il, c'est, ils empoisonnent le sang des Américains.
01:23:43 C'est un langage hitlérien.
01:23:45 Ses adversaires politiques, qui sont-ils ?
01:23:47 C'est de la vermine qu'il faut éliminer.
01:23:50 Le mot vermine est utilisé par Trump.
01:23:52 C'est aussi un vocabulaire hitlérien.
01:23:54 Donc, on va rappeler, enfin, l'entourage de Biden
01:23:59 va se faire un plaisir de ressortir tous ses propos
01:24:03 un peu désarticulés et fous et dangereux.
01:24:07 Tâcher de montrer que, attention, si vous votez pour lui,
01:24:11 vous mettez en danger la démocratie américaine,
01:24:13 ça sera le chaos.
01:24:14 Votez pour moi.
01:24:15 Peut-être que vous ne m'aimez pas, moi, Biden,
01:24:17 mais je serai moins destructeur que Trump.
01:24:20 Et donc, je suis le meilleur des deux.
01:24:23 Ça sera la stratégie.
01:24:24 - Juste très court.
01:24:26 - Non, très court.
01:24:27 - Je voulais rappeler que, comme un grand populiste qu'il est,
01:24:32 Donald Trump a eu ce génie-là, en tout cas, auprès de l'opinion.
01:24:37 C'est-à-dire qu'il a horrifié les élites américaines
01:24:40 dans sa pratique du pouvoir.
01:24:41 Il a mis un boxon pas possible à la Maison Blanche.
01:24:44 Mais toute une partie du peuple américain
01:24:47 a ressenti comme si c'était lui qui avait le pouvoir.
01:24:50 - Pas la majorité.
01:24:51 Il n'a jamais eu la majorité du peuple américain.
01:24:53 - C'est par les États que ça compte.
01:24:55 Il n'a jamais eu la majorité du vote américain.
01:24:57 - Alors, dernier mot, Marie-Christine Bourzon,
01:24:59 avant de nous quitter, il nous reste une minute.
01:25:03 Conclusion provisoire, évidemment.
01:25:06 - Conclusion, moi, je rappellerai à ceux qui nous regardent
01:25:09 que la politique américaine est extrêmement complexe.
01:25:12 Comme il a été dit, elle se joue en ce qui concerne le présidentiel,
01:25:15 pas seulement, et pas tellement finalement, au niveau national,
01:25:18 mais c'est surtout dans une poignée d'États.
01:25:20 Malheureusement, les deux partis qui dominent la vie politique américaine
01:25:23 ont verrouillé ce système depuis longtemps,
01:25:26 exclue les petits partis et les candidats indépendants.
01:25:28 Cette année, il va y avoir plusieurs candidats indépendants.
01:25:31 Il y en a déjà plusieurs.
01:25:33 Robert Kennedy Jr. n'étant que l'un d'entre eux.
01:25:36 Il y a déjà maintenant une candidate du Parti des Verts,
01:25:40 un candidat du Parti libertarien.
01:25:44 Il y a un candidat hors normes également,
01:25:47 qui est le professeur Cornel West,
01:25:49 un ancien ami du sénateur Bernie Sanders,
01:25:52 mais qui courtise aussi des gens proches de Trump.
01:25:55 Donc on a des choses qui se catapultent,
01:25:58 et tout ça est très évolutif, très incertain.
01:26:00 Il n'est pas sûr qu'on ait affaire à un duel Trump-Biden,
01:26:03 j'en suis convaincue, tout pourrait changer
01:26:06 si les deux partis sont convaincus que ces deux chevaux ne sont pas les bons.
01:26:09 Mais pour le moment, Biden et Trump ont besoin l'un de l'autre.
01:26:13 Comme il vient d'être dit, on va s'acheminer vers une campagne extrêmement acrimonieuse.
01:26:17 La seule manière dont Joe Biden peut se sortir de cette ornière pour le moment,
01:26:21 c'est de mettre le paquet contre Trump,
01:26:23 de faire de cette élection un référendum contre Trump,
01:26:26 alors que Joe Biden est le président sortant,
01:26:28 et que normalement, cette élection devrait être un référendum sur M. Biden.
01:26:33 Merci, Christine Bonzon.
01:26:35 On va maintenant changer de sujet, on va aborder le glyphosate.
01:26:40 La Commission européenne vient en effet de prolonger de 10 ans l'autorisation du glyphosate
01:26:45 au grand dam de trois quarts des Français,
01:26:47 qui selon un sondage IFOP, pour générations futures,
01:26:50 il y a deux ans, était opposée à sa réautorisation en Europe.
01:26:55 Michel Rivasi doit arriver en duplex.
01:27:00 Vous êtes là, vous êtes député européen de l'Ecologie Les Verts,
01:27:04 vous avez dirigé Greenpeace France de 2003 à 2004,
01:27:08 et vous êtes cofondatrice de l'Observatoire de Vigilance et d'Alerte écologique,
01:27:13 qui s'est associé à Secrets Toxiques,
01:27:15 une coalition d'associations pour déposer un recours en annulation
01:27:20 devant la Cour de justice de l'Union européenne,
01:27:22 le lendemain même de la décision de la Commission européenne
01:27:25 de renouveler pour 10 ans l'autorisation du glyphosate.
01:27:28 Alors j'ai envie de vous poser la question, au nom de quoi ?
01:27:30 Qu'est-ce qui vous permet d'affirmer que le glyphosate est tellement dangereux pour la santé
01:27:35 qu'il faut absolument l'interdire, même si les agriculteurs en ont besoin,
01:27:39 qu'ils ne disposent d'aucun produit pour le remplacer ?
01:27:44 Michel ?
01:27:45 D'abord, je suis professeure agrégée en biologie,
01:27:49 alors je suis aussi députée européenne,
01:27:52 mais l'affaire du glyphosate m'intéresse depuis de très nombreuses années,
01:27:57 et vous savez qu'en 2015, le Centre international de recherche sur le cancer,
01:28:03 qui dépend de l'OMS, avait déclaré que le glyphosate est probablement cancérogène.
01:28:08 En même temps, l'agence européenne, l'EFSA, disait que le glyphosate n'est pas cancérogène.
01:28:14 Et lorsqu'on a demandé les études qui permettent à l'EFSA de dire que le glyphosate n'est pas cancérogène,
01:28:21 on nous a répondu qu'on ne pouvait pas vous les donner,
01:28:24 parce que ça dépend de la directive secret d'affaires,
01:28:28 et qu'on ne pouvait pas donner les études qui nous permettent de conclure à ça.
01:28:32 Alors que le CIRC, justement, donnait toutes ces publications,
01:28:36 qui étaient revues par les pairs.
01:28:38 Donc ça, c'était la première contradiction.
01:28:41 Depuis, alors vous savez qu'on a reconduit en 2017 le glyphosate pour 5 ans,
01:28:47 et là, les États membres qui étaient co-rapporteurs ont eu le temps d'analyser plein de nouvelles études,
01:28:54 dont des études de l'Inserm en France,
01:28:57 qui avaient montré qu'il y avait des cas, justement, de leucémie,
01:29:01 qu'il y avait des cas au niveau de tout ce qui touche au stress oxydatif,
01:29:07 donc ça joue sur la cancérogénécité,
01:29:10 que c'était génotoxique et que c'était probablement un perturbateur endocrinien,
01:29:15 que ça touchait le microbiote,
01:29:17 donc on a des tas d'éléments,
01:29:19 et même la plupart des scientifiques qui ont étudié le glyphosate vous disent
01:29:23 "mais le glyphosate est un produit dangereux".
01:29:26 Alors maintenant le problème c'est, est-ce qu'on préfère protéger la santé à la fois des agriculteurs,
01:29:33 puisque les agriculteurs, en fait, c'est les premières victimes lorsqu'ils utilisent le glyphosate,
01:29:38 et surtout ils n'utilisent même pas le glyphosate, ils utilisent le Roundup,
01:29:42 c'est-à-dire c'est la substance active qui est le glyphosate,
01:29:45 plus des coformulants qui peuvent faire en sorte à ce que c'est 1000 fois plus toxique
01:29:50 que la substance active toute seule.
01:29:52 Alors, un, est-ce que l'Europe veut protéger les agriculteurs, veut protéger les consommateurs,
01:29:59 ou bien elle veut protéger, je dirais, l'économique,
01:30:04 et on voit que par la reconduction, pour 10 ans, de la Commission européenne,
01:30:10 alors que les États membres ne se sont pas mis d'accord pour avoir une majorité qualifiée pour dire
01:30:15 "eh bien non, on peut se passer du glyphosate, il y a des alternatives au glyphosate",
01:30:20 eh bien on est reparti pour 10 ans.
01:30:23 Mais on n'abandonne pas, puisque vous savez que, comme vous l'avez indiqué,
01:30:28 il y a des ONG, que ce soit Secrets Toxiques qui regroupe 80 associations,
01:30:33 que ce soit plein d'associations européennes, eh bien avec des parlementaires,
01:30:38 et aussi peut-être des États, puisque vous savez que l'Autriche, le Luxembourg,
01:30:43 ont voté contre la réautorisation du glyphosate,
01:30:48 eh bien on va saisir la Cour de justice européenne.
01:30:51 Parce que ce qu'il faut bien comprendre, c'est que même l'EFSA déclare qu'il leur manque des données,
01:30:59 qu'ils n'ont pas pu analyser tous les risques liés à la biodiversité,
01:31:04 que ça peut entraîner des risques au niveau des vertébrés, de la flore aquatique,
01:31:10 que vraiment ça joue sur la biodiversité, eh bien ils ont dit quand même, malgré tout,
01:31:16 on peut encore autoriser le glyphosate.
01:31:19 Donc vous voyez que là, c'est plus un problème de lobby, je dirais, agricole,
01:31:24 de lobby lié au pesticide, plutôt qu'une véritable analyse scientifique
01:31:29 concernant la toxicité du glyphosate.
01:31:31 – Alors je rappelle que la France aussi s'est abstenue dans cette affaire.
01:31:35 – Oui, la France, oui.
01:31:36 – Alors Géraldine Vosner, je rappelle que vous êtes rédactrice en chef au Point
01:31:40 et que vous venez de publier dans cet hebdomadaire une enquête intitulée
01:31:44 "Glyphosate, la longue histoire d'une manipulation".
01:31:47 Pourquoi parler de manipulation ?
01:31:49 – On vient d'entendre Michèle Rivasi, et là, au milieu de quelques informations vraies,
01:31:55 on a un torrent de choses fausses.
01:31:58 Ce que dit Mme Rivasi n'est simplement pas vrai.
01:32:01 Ça passe très bien parce que c'est un dossier extrêmement complexe.
01:32:06 Personne, et pas même Mme Rivasi d'ailleurs, n'a lu les études
01:32:09 et l'intégralité des études qui sont toutes contrairement à ce qu'elle dit en "Accès libre",
01:32:12 notamment la monographie de l'Inserm de 2021 sur les pesticides,
01:32:17 sur le glyphosate, qui fait à peu près 1500 pages.
01:32:20 Il se trouve que moi je l'ai lu, et ce que dit Mme Rivasi n'est pas vrai.
01:32:23 L'Inserm n'écrit pas et ne montre rien, parce que déjà, elle n'a pas fait une étude,
01:32:28 l'Inserm a fait une revue de la littérature existante, exactement comme l'a fait l'EFSA.
01:32:34 – Il faut savoir qu'il y a eu des dizaines et des dizaines d'études.
01:32:38 – Plus des dizaines, c'est des milliers.
01:32:41 Le glyphosate est utilisé massivement dans le monde depuis 50 ans maintenant,
01:32:46 c'est la molécule la plus étudiée.
01:32:49 Et donc, que dit l'Inserm, qui a fait cette revue de la littérature ?
01:32:52 Il faut comprendre comment travaille l'Inserm.
01:32:54 L'Inserm, c'est 12 experts qui se réunissent pour étudier ces documents
01:32:58 pendant 12 à 18 mois, et qui en font donc une lecture particulière
01:33:02 de ces 12 experts qui se cooptent.
01:33:05 Ils ont montré, alors c'est pas vrai, pas génotoxique, pas perturbateur endocrinien,
01:33:11 pas d'effet sur la microbiote, ils ont montré, ils ont retenu la possibilité
01:33:16 d'un lien entre le glyphosate et un type de cancer rare,
01:33:20 qui est l'inflome non-hotchkinien à grande cellule B, c'est 5000 cas par an,
01:33:25 avec un niveau de probable moyen.
01:33:28 – 5000 cas dans le monde ? – En France, non, non.
01:33:32 – Ah non, en France ? – 100 000.
01:33:35 – 5000.
01:33:36 Avec un niveau de preuve moyen et une possibilité de stress oxydatif,
01:33:42 effectivement, des cellules, avec un niveau de preuve faible.
01:33:45 Voilà ce que dit l'Inserm, qui est la lecture particulière de l'Inserm.
01:33:49 Quand on pose la question à l'EFSA, puisqu'ils ont pris les mêmes études en compte,
01:33:53 l'EFSA répond, oui, mais ils sont plus souples dans ce qu'ils acceptent
01:34:00 d'étudier comme études, par exemple, ils prennent en compte des études
01:34:04 sur des très faibles effectifs, qui portent par exemple sur un produit en entier,
01:34:10 sans tenir compte des éventuels coformulants, du coup, c'est pas très précis,
01:34:14 on ne sait pas si c'est le glyphosate, si ce serait un autre coformulant,
01:34:17 donc ça, l'EFSA, ses règles méthodologiques les écartent.
01:34:21 Comme d'ailleurs les 22 agences et autorités sanitaires dans le monde
01:34:27 qui ont autorisé le glyphosate.
01:34:30 Donc, à la fin de son argumentaire, Mme Rivasi incrimine les lobbies,
01:34:35 c'est forcément les lobbies quand ça ne va pas dans notre sens.
01:34:38 Moi, je pense pas très rationnel de présupposer que les milliers d'experts
01:34:46 et de scientifiques, qui sont tous des scientifiques académiques,
01:34:49 les gens qui ont révisé la molécule pour l'EFSA,
01:34:54 ils travaillent à l'ANSES, ce sont des universitaires,
01:34:57 ils ne sont pas payés par les lobbies.
01:34:59 Je ne pense pas que des milliers d'experts dans le monde soient payés par des lobbies.
01:35:03 Par contre, il faut entendre la différence de méthodologie
01:35:07 entre le Centre international de recherche contre le cancer, le CIRC,
01:35:10 qui en 2015 a déclaré la molécule cancérogène probable.
01:35:14 Le CIRC étudie le danger intrinsèque d'un produit,
01:35:18 c'est-à-dire, si vous buvez 2 litres de glyphosate, est-ce que c'est dangereux ?
01:35:22 Alors là, ils disent qu'il y a une probabilité, il n'y a même pas de certitude,
01:35:26 que ce soit cancérogène. Ils disent par exemple qu'il est certain
01:35:30 que si vous buvez de l'eau de jalel, vous allez mourir.
01:35:34 Ils disent aussi que la viande rouge est cancérogène probable,
01:35:38 et les effets, les gaz issus d'un moteur dièse...
01:35:43 Oui, tout à fait, mais c'est le danger. On étudie le danger.
01:35:46 Les autorités sanitaires, dont c'est le travail,
01:35:49 elles évaluent le risque qu'il y a par rapport à ce danger,
01:35:53 compte tenu des méthodes d'utilisation, des doses qu'on applique
01:35:57 et des réglementations qu'on donne.
01:36:01 Et là, je suis désolée de devoir le rappeler,
01:36:03 les agences à travers le monde sont unanimes,
01:36:07 elles ne voient pas de domaine de préoccupation politique.
01:36:11 Alors, Michel Rivasi, c'est vrai que moi qui ne connais rien à cette affaire,
01:36:16 mais qui me suis documenté quand même un peu pour cette émission,
01:36:20 je me demande pourquoi vous citez toujours,
01:36:24 je dis vous et tous les anti-glyphosates,
01:36:26 vous citez toujours l'agence...
01:36:30 La seule agence que vous citez, c'est le CIRC,
01:36:32 parce qu'il a déclaré cancérogène probable en 2015, le glyphosate,
01:36:37 et que tout est parti de là, d'ailleurs.
01:36:39 Vous ne citez jamais toutes les autres agences qui ont dit non,
01:36:43 il n'y a pas de lien entre le glyphosate et des cancers,
01:36:49 y compris chez les agriculteurs, toutes les agences, pas seulement l'OMS.
01:36:53 Toutes les agences disent non, il n'y a pas de lien, on ne les cite jamais.
01:36:57 Pourquoi ?
01:36:58 - Et probable, ce serait intéressant de clarifier le sens de probable,
01:37:01 il y a des mesures scientifiques du probable.
01:37:03 Le probable, c'est quel pourcentage de probabilité ?
01:37:06 - Le probable, ce n'est pas certain.
01:37:08 Mais enfin, toujours est-il qu'à la limite,
01:37:10 ils ont dit cancérogène probable,
01:37:12 il faut citer cette agence-là,
01:37:14 là tout à coup, celle-là mérite d'être citée,
01:37:16 et tous les autres scientifiques ne le sont jamais.
01:37:19 - D'abord, il faut savoir que l'EFSA,
01:37:24 grâce justement à l'apport des États qui sont rapporteurs,
01:37:29 doit faire une étude de toxicologie à court, moyen et long terme.
01:37:34 Ça, c'est l'évaluation justement des pesticides.
01:37:40 Et les agences nationales regardent la toxicité aiguë,
01:37:46 parce qu'elles analysent le produit,
01:37:49 alors que l'EFSA analyse la substance active.
01:37:52 Et depuis d'ailleurs octobre 2019,
01:37:55 la Cour de justice européenne a demandé
01:37:58 est-ce que l'EFSA analyse aussi une formulation qu'on appelle représentative.
01:38:03 Parce que, entre la substance active, tout à l'heure je vous disais,
01:38:07 que les coformulants peuvent avoir un effet mille fois supérieur
01:38:11 à la substance active toute seule.
01:38:13 Donc ça explique pourquoi les agences nationales
01:38:17 ne sont pas sur une toxicité à moyen et à long terme.
01:38:22 Et une des grosses critiques qu'on a faites à l'EFSA,
01:38:25 toujours en fonction des lignes directrices,
01:38:30 en quelque sorte, de l'évaluation des pesticides,
01:38:32 c'est qu'il faut faire une évaluation de la toxicité à long terme.
01:38:38 Et là-dessus, l'EFSA a reconnu elle-même qu'elle n'a pas ces études,
01:38:42 qu'elle fait une modélisation,
01:38:45 mais qu'elle n'a pas une étude à long terme des effets toxiques.
01:38:49 Donc ça c'est un élément.
01:38:51 La deuxième chose que je voudrais vous dire,
01:38:53 c'est qu'en fait, vous savez qu'il y a une association sur les phytovictimes
01:38:59 qui ont montré, grâce d'ailleurs à l'ONIAM,
01:39:03 qui s'est entouré d'un groupe d'experts,
01:39:06 une relation de causalité entre par exemple,
01:39:09 Madame Sabrina Grattalou,
01:39:12 où elle a eu un petit théo qui a eu énormément de problèmes,
01:39:17 et bien l'ONIAM avec son groupe d'experts,
01:39:19 qui contient aussi bien des experts de l'industrie
01:39:23 que des experts des sciences académiques,
01:39:26 des experts de l'université, etc.
01:39:28 a reconnu une relation de causalité.
01:39:30 - Là vous faites allusion au risque de malformation chez un embryon,
01:39:37 qui a été pointé par les anti-glyphosates,
01:39:40 en s'appuyant sur le cas d'une maman et de son enfant
01:39:43 qui viennent de bénéficier d'un avis favorable
01:39:46 de la commission d'indemnisation des enfants victimes
01:39:48 d'une exposition prénatale aux pesticides,
01:39:51 pas le glyphosate, les pesticides.
01:39:53 Est-ce qu'il y a des agences de sécurité sanitaire
01:40:00 qui classent le glyphosate comme thératogène ?
01:40:03 - Non, et d'ailleurs ce que dit Madame Rivasi est faux.
01:40:06 C'est là où je dis, et c'est l'enquête que j'ai faite,
01:40:09 c'est une manipulation.
01:40:11 C'est l'une des plus grandes fake news du débit de société.
01:40:15 Cette affaire de Madame Grattalou,
01:40:17 s'il vous plaît, vous venez de donner une fausse information,
01:40:20 je vais devoir la rectifier.
01:40:22 L'avis qu'a rendu cette commission ne portait pas sur le glyphosate.
01:40:25 Il ne cite même pas le glyphosate.
01:40:27 Il parle de l'exposition de la mer aux pesticides en général
01:40:32 en considérant que, comme l'Inserm, dans sa monographie,
01:40:36 dit qu'il y a une présomption moyenne de lien
01:40:39 entre une maladie de l'embryon
01:40:42 et l'exposition de la mer aux pesticides,
01:40:45 ça peut être retenu pour qu'on lui accorde une indemnisation.
01:40:49 Mais il n'y a pas de lien, il n'y a pas de science là-derrière.
01:40:51 Et surtout, le glyphosate n'est même pas cité dans l'avis.
01:40:53 Donc là, on est au-delà du ridicule.
01:40:55 Vous n'avez pas répondu sur le cirque.
01:40:57 Et pourquoi vous citez toujours cet avis ?
01:41:00 Ce qui est intéressant dans la vidéo cirque,
01:41:02 et ce qui est assez symptomatique, qu'on s'y raccroche toujours,
01:41:05 il date de 2015.
01:41:06 Ça commence à dater un petit peu.
01:41:08 À l'époque, on n'avait pas les résultats,
01:41:11 les derniers résultats de la plus grande étude épidémiologique
01:41:14 qui existe sur les pesticides et sur le glyphosate au monde,
01:41:18 qui est l'Agricultural Health Study aux États-Unis,
01:41:22 qui suit depuis plus de 25 ans
01:41:25 54 000 agriculteurs et leurs familles qui utilisent du glyphosate.
01:41:29 Les résultats, les derniers, sont tombés plus tard.
01:41:32 Ils ont été pris en compte par l'EFSA,
01:41:34 mais pas par le cirque à l'époque.
01:41:36 Il n'y a rien.
01:41:37 Il n'y a rien dans cette étude de cygne.
01:41:40 Donc quand Mme Rivasi dit
01:41:41 "on n'a pas d'études de toxicité long terme",
01:41:44 mais que sont les études épidémiologiques ?
01:41:47 L'étude Agrican en France,
01:41:50 qui suit des dizaines de milliers d'agriculteurs,
01:41:53 ne trouve rien non plus à long terme.
01:41:56 En fait, ce qu'on comprend, Mme Rivasi,
01:41:59 et c'est vrai dans tous les combats que vous menez
01:42:02 contre les vaccins pour l'homophanie,
01:42:04 c'est vrai dans tous vos combats contre la 5G,
01:42:06 le glyphosate est haï dans certains milieux
01:42:12 parce qu'en fait, il est la pierre angulaire,
01:42:15 la clé de voûte d'un système agricole,
01:42:18 d'un système d'agriculture intensive.
01:42:22 Ça, c'est une évidence.
01:42:24 L'intérêt du glyphosate,
01:42:26 surtout aux États-Unis, pas en Europe,
01:42:28 où c'était interdit,
01:42:29 mais c'était de le coupler à des OGM.
01:42:31 On mettait des OGM qui résistent au glyphosate,
01:42:34 qui permettaient d'arroser, de désherber,
01:42:36 même pendant les cultures.
01:42:38 Ça a permis des gains considérables
01:42:40 et d'argent et de rendement.
01:42:43 Et en termes de main-d'œuvre, aux agriculteurs.
01:42:47 Les anti-OGM n'ayant pas réussi à faire interdire les OGM,
01:42:52 ont reporté leur combat sur le glyphosate
01:42:54 parce que si on n'a plus de glyphosate,
01:42:56 finalement, il n'y a plus tellement d'intérêt,
01:42:58 en tout cas en Amérique du Nord,
01:43:00 à la culture de ces OGM.
01:43:02 Mais je pense que vous gagneriez,
01:43:04 Mme Rivasi, à le reconnaître.
01:43:06 Un mot peut-être de Denis Lacorne ?
01:43:08 Oui, alors côté américain,
01:43:11 je ne sais rien sur le glyphosate,
01:43:13 mais ce que je peux dire,
01:43:15 c'est qu'on a dit beaucoup de mal de Biden,
01:43:17 mais Biden, c'est quand même quelqu'un
01:43:19 qui a réintégré l'accord de Paris sur le climat
01:43:22 et qui a pris des mesures en matière de défense
01:43:25 de l'environnement qui sont considérables.
01:43:27 Par exemple, le programme de Biden
01:43:29 prévoit qu'une réduction des émissions de CO2
01:43:32 dans l'agriculture de 50 % d'ici à 2030.
01:43:35 C'est remarquable, c'est quelque chose que...
01:43:37 Mais il ne dit rien sur le glyphosate.
01:43:39 Non, mais il insiste sur la rotation
01:43:41 des cultures et des récoltes,
01:43:43 qui est peut-être une façon de moins utiliser...
01:43:45 Disons que si on commence à comparer
01:43:47 l'agriculture américaine avec l'agriculture française,
01:43:49 M. Biden va pleurer.
01:43:50 Il y a beaucoup à faire aux États-Unis.
01:43:52 Et puis l'autre chose positive sur l'environnement,
01:43:54 c'est qu'il pousse peut-être à outrance
01:43:56 la voiture électrique et il promet,
01:43:58 il a déjà mis sur la table,
01:44:01 7 milliards de dollars pour construire
01:44:04 des chargeurs électriques pour les voitures électriques.
01:44:07 Donc ça, c'est le type de mesure qu'il a prise
01:44:09 en matière d'environnement,
01:44:11 mais ça ne touche pas directement aux...
01:44:13 Un dernier mot, Jérôme Fourquet ?
01:44:15 On voit bien aussi, c'était rappelé,
01:44:17 comment tous ces sujets-là sont en train aussi
01:44:19 de se politiser alors qu'ils étaient
01:44:21 sous les radars il y a quelques années.
01:44:23 On a parlé de la 5G.
01:44:24 Rappelons-nous de la défiance vaccinale.
01:44:26 Et ce qui était intéressant aussi,
01:44:28 c'était qu'on avait fait...
01:44:29 On a travaillé sur la géographie
01:44:31 de la défiance vaccinale et on voyait
01:44:33 qu'on avait toute une bande dans le sud de la France,
01:44:35 au bureau de l'Ariège, à la Drôme,
01:44:37 là où avait été élue Mme Rivasi,
01:44:40 où la défiance vaccinale était plus forte.
01:44:42 Et c'était aussi des zones qui correspondaient
01:44:44 à une plus forte prévalence de l'agriculture bio,
01:44:47 des modes de médecine douce, etc.
01:44:52 Donc il y a toute une vision du monde,
01:44:54 et moi je ne me prononce pas sur le fond du dossier,
01:44:57 mais sur la cohérence idéologique
01:44:59 de défendre telle ou telle position.
01:45:01 Tout ça est adossé à des systèmes de valeurs
01:45:03 qui sont assez puissants.
01:45:05 Dans l'élection américaine, il y a Bobby Kennedy,
01:45:07 un candidat indépendant qui est contre les vaccins.
01:45:10 Et qui est le fils...
01:45:11 Dans les sondages, il pourrait y avoir 10% des voix.
01:45:13 Qui est le fils de Robert Kennedy,
01:45:15 qui a été vacciné il y a bien longtemps.
01:45:17 Je dois remercier...
01:45:19 L'émission est terminée, Michel Rivasi, je suis navré.
01:45:22 J'aurais bien aimé répondre quand même.
01:45:25 Alors très vite.
01:45:26 Un, quand je parlais de Samy Grattaloup,
01:45:29 c'était bien le glitère, le glipère.
01:45:32 Et c'est un générique du glyphosate.
01:45:35 Et la deuxième chose que je voudrais dire,
01:45:37 quand je vois les milliers d'agriculteurs
01:45:39 qui ont soit la maladie de Parkinson,
01:45:41 soit des lymphodes non-occultiens,
01:45:44 soit des cancers de la prostate, etc.
01:45:47 Il y a de plus en plus de maladies des agriculteurs
01:45:50 qui sont reconnues comme maladies professionnelles
01:45:52 dues aux pesticides.
01:45:53 C'est vrai, et l'Inserm précise
01:45:55 quelles molécules sont concernées.
01:45:57 La plupart sont interdites en Europe.
01:45:59 On parlait de l'Inserm.
01:46:00 S'il vous plaît, Madame Gérard, vous avez parlé.
01:46:03 Il y a de plus en plus d'études scientifiques
01:46:05 qui montrent la toxicité à la fois sur la biodiversité
01:46:09 et sur la santé,
01:46:11 par rapport justement aux agriculteurs et aux consommateurs.
01:46:14 Donc pourquoi on demande l'interdiction ?
01:46:16 C'est pas…
01:46:17 Enfin moi je suis en tant que scientifique là.
01:46:20 C'est pas parce qu'on est pour ou contre le glyphosate
01:46:23 de façon idéologique,
01:46:25 comme vous voudrez bien le faire croire.
01:46:27 C'est grâce à ces études,
01:46:29 grâce au fait que ça tue la vie,
01:46:31 parce que le problème des pesticides,
01:46:33 c'est qu'on les utilise pour tuer les herbes,
01:46:36 comme les insecticides, les insectes, etc.,
01:46:39 qu'il faut s'en sortir.
01:46:41 Et comme on vous l'a indiqué,
01:46:43 il y a des méthodes agronomiques
01:46:45 qui permettent de sortir le plus possible des pesticides.
01:46:49 Et on va, l'histoire montre,
01:46:51 qu'on va sur la réduction des pesticides en temps.
01:46:55 Et normalement on doit réduire de 50% les pesticides
01:46:58 d'ici 2030.
01:47:00 Donc s'il y a une volonté des consommateurs,
01:47:03 parce qu'on voit bien les gens qui sont malades autour de nous,
01:47:06 on voit bien les agriculteurs, contrairement à ce que vous avez dit,
01:47:09 qui tombent malades parce qu'ils ont utilisé des pesticides
01:47:12 et personne ne leur avait dit que c'était dangereux,
01:47:15 eh bien cette situation, il faut absolument la changer.
01:47:18 Alors, est-ce qu'on a encore une minute ou deux ?
01:47:21 Non, l'émission est véritablement terminée,
01:47:24 donc vous ne répondrez pas à Géraldine Vosner.
01:47:26 Merci Michel Rivasi,
01:47:28 merci à tous d'avoir participé à cette émission,
01:47:31 merci de nous avoir suivis
01:47:33 et rendez-vous au prochain numéro dimanche, 22h.
01:47:38 Merci d'avoir regardé cette vidéo !