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Frédéric Taddeï et ses invités débattent des grandes questions du XXIe siècle dans les #VisiteursDuSoir

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00:00:00 Les visiteurs du soir, j'allais dire les paradis fiscaux parce qu'il y a ici celui qui a mis négocié la fin des secrets bancaires dans les paradis fiscaux, c'est Pascal Saint-Amand.
00:00:12 Je vous présenterai dans un instant les visiteurs du soir. Ça commence juste après le rappel des petites.
00:00:18 La France frappée par de violents orages. Le trafic ferroviaire a été perturbé sur plusieurs lignes en Ile-de-France. Vous le voyez, la route nationale 118 a été inondée.
00:00:31 De nombreux foyers sont privés d'électricité. Une tornade a également été observée en Seine-Maritime. Au total, 13 départements sont toujours placés en vigilance orange par Météo France.
00:00:42 Une marche pour la paix à Marseille. Un rassemblement à l'initiative des familles de victimes d'assassinats pour alerter sur la recrudescence de la violence dans la ville,
00:00:52 notamment en raison des trafics de stupéfiants qui touchent des individus de plus en plus jeunes. Cette marche a eu lieu à quelques jours de la venue d'Emmanuel Macron dans la cité phocéenne.
00:01:02 Le chef de l'État y sera présent du 26 au 28 juin. Figure de la résistance et rescapée du génocide arménien, Misak Manouchian va entrer au Panthéon accompagné de Méliné, son épouse.
00:01:15 La date est fixée au 21 février 2024, soit 80 ans après sa mort. L'annonce faite par l'Élysée coïncide avec le 83e anniversaire de l'appel du 18 juin.
00:01:26 Emmanuel Macron s'est aujourd'hui recueilli dans la carrière des fusillés, où Misak Manouchian et 21 de ses compagnons d'armes ont été exécutés en 1944.
00:01:36 (Générique)
00:01:48 Bonsoir, bienvenue sur le plateau des visiteurs du soir. On est dimanche, il est 22h, c'est la fin de la semaine, on peut tout se dire.
00:01:57 À 23h, on se demandera si l'on peut encore croire au progrès. C'est le titre d'un livre collectif qui paraîtra le 23 juin. La philosophe Karine Safa fait partie des auteurs.
00:02:07 Il y aura également l'écrivain Patrice Jean et Armand Rouvier, l'auteur de "Peut-on encore être conservateur ?"
00:02:14 22h20, on reviendra sur la manifestation d'hier contre le projet de ligne ferroviaire Lyon-Turin. Bilan, 12 gendarmes et une cinquantaine d'opposants ont été blessés.
00:02:23 Les soulèvements de la terre que Gérald Darmanin voudrait dissoudre faisaient partie des organisateurs, avec une dizaine d'autres mouvements écologistes.
00:02:31 Alors la violence peut-elle être une solution ? Le ministre de l'Intérieur avait parlé d'éco-terrorisme après les affrontements de Saint-Céline.
00:02:38 Le mot est-il approprié ? On en débattra avec le journaliste Anthony Cortès, à qui l'on doit le livre "L'affrontement qui vient de l'éco-résistance à l'éco-terrorisme"
00:02:48 et Philippe Magnière, l'ancien directeur général de l'Institut Montaigne qui préside aujourd'hui Vailles-Solis, un cabinet de conseil en stratégie de communication et capital réputation.
00:02:58 C'est l'auteur de "Comment le monde d'après nous rend tous fous ?"
00:03:02 Mais d'abord, Pascal Saint-Amand, le grand public ne vous connaît pas et pourtant vous êtes l'architecte de la plus grande réforme fiscale internationale depuis un siècle.
00:03:14 Vous racontez ça en détail dans "Paradis fiscaux, comment on a changé le monde" car vous avez changé le monde, en effet.
00:03:21 Tout le monde est d'accord pour dire qu'au cours des 50 dernières années, les paradis fiscaux, le secret bancaire, l'évitement fiscal des multinationales
00:03:28 ont coûté des centaines de milliards aux États et contribuent à l'envolée des inégalités.
00:03:32 Ce que l'on sait moins, c'est qu'en tant que directeur fiscal de l'ECDE, vous avez réussi à mettre fin au secret bancaire,
00:03:38 donc à l'impunité des fraudeurs dans les paradis fiscaux et à imposer un taux d'imposition mondial sur les sociétés de 15% minimum
00:03:47 qui entrera en vigueur en janvier prochain, grand dam des géants de l'Internet.
00:03:52 Pour comprendre comment cette révolution a été possible, il faut remonter 15 ans en arrière, en février 2008, le jour de la Saint-Valentin.
00:04:00 Un grand banquier allemand, le président de la Deutsche Post, est réveillé par la police allemande et les caméras de télé.
00:04:06 Il fait partie de plusieurs centaines de personnalités qui ont placé leur fortune au Liechtenstein.
00:04:13 Et tout à coup, le scandale a éclaté.
00:04:16 Absolument, c'est un matin de Saint-Valentin, il est réveillé à 6h du matin par la police et les caméras de télévision.
00:04:22 Et ça lance un scandale qui en fait révèle que les populations, les gens, les politiques sont devenus très sensibles à cette question de la fraude fiscale.
00:04:33 Pendant des années, c'était presque une plaisanterie dans les dîners mondains.
00:04:37 J'ai de l'argent au Luxembourg ou en Suisse ou ailleurs et c'était plutôt bon teint.
00:04:42 Et en fait, ça a changé radicalement. Alors pourquoi ça a changé ? C'est ça qui est intéressant.
00:04:46 Des scandales, il y en a tous les jours. Mais ils ne marchent pas. Celui-là, il marche.
00:04:49 Alors pourquoi est-ce qu'il marche ? C'est qu'on est en février 2008, après le début de la crise financière.
00:04:56 La crise financière mondiale qui va véritablement éclater.
00:04:59 Elle éclate en septembre 2008, mais en réalité, il y a les prémices à l'été 2007.
00:05:04 Et c'est ça qui rend tout le monde un peu nerveux et qui permet de comprendre que la finance internationale a obligé les gouvernements
00:05:11 de réduire l'impôt sur le capital, les droits de succession, l'impôt sur la fortune pendant 20-30 ans.
00:05:18 Et ce scandale, il révèle qu'en réalité, les financiers, les gens qui ont de l'argent, continuent à frauder massivement le fisc.
00:05:26 Et là, il y a un sentiment d'inégalité, d'injustice. Et le sujet de la justice fiscale devient un sujet bipartisan.
00:05:32 D'ailleurs, ce n'est pas la droite ou la gauche. Et on va lancer des initiatives.
00:05:36 On est à l'origine de ces initiatives avant que le G20 émerge à la suite de la faillite de l'Emman Brothers.
00:05:41 Donc là, on est en septembre 2008. Donc les leaders des 20 plus grandes économies du monde se saisissent du sujet.
00:05:47 Ils disent il faut mettre fin au paradis fiscaux. Et c'est là qu'on a...
00:05:50 Et à ce moment-là, le CDE devient le bras armé du G20.
00:05:52 Absolument.
00:05:53 Et en fait, ils allaient être à l'avant-garde. Mais ce qui est intéressant dans l'histoire, c'est comment le scandale de cette banque du Liechtenstein a éclaté.
00:06:00 C'est parce qu'il y a un type à l'intérieur qui a accepté une grosse enveloppe pour livrer les noms.
00:06:05 Il y a des lanceurs d'alerte qui sont plus ou moins idéalistes. Celui-là n'était pas idéaliste.
00:06:09 Il a récupéré 4 500 000 euros, je crois, des services secrets allemands.
00:06:13 Il a récupéré les bénéficiaires effectifs de Einstall, c'est des fondations, des sortes de sociétés écrans qui sont au Liechtenstein,
00:06:23 dans la filiale de la banque du prince du Liechtenstein.
00:06:27 Il vend ça aux services secrets allemands, qui aussitôt le donnent au fisc allemand, qui le partage avec plus de 50 pays.
00:06:33 Donc on a des milliers de personnes qui se retrouvent sur ces listes et qui manifestement ont fraudé sur des centaines de milliards d'euros qui étaient localisés dans ces comptes.
00:06:42 Mais à l'époque, s'il n'y avait pas quelqu'un à l'intérieur de la banque qui balance, ça aurait été impossible. Rien ne se serait produit.
00:06:48 Rien ne se serait produit, comme plus tard les LuxLyx, on s'en souvient, sur des rulings au Luxembourg,
00:06:53 ou l'affaire HSBC avec un lanceur d'alerte qui sont toujours un peu entre deux.
00:06:59 Qui touchent quand même un peu d'argent.
00:07:00 Qui touchent un peu d'argent, où ils ont des motivations pas toujours très claires.
00:07:03 Mais en tout cas, ils ont permis de mettre ces sujets sur le devant de la scène et de faire des progrès.
00:07:07 Donc l'enjeu pour vous, c'était la fin du secret bancaire, que les paradis fiscaux acceptent de livrer des informations à d'autres pays.
00:07:16 Et jusqu'à présent, personne n'y était jamais arrivé.
00:07:20 Le secret bancaire, c'est quoi ?
00:07:22 C'est la Suisse qui, après l'introduction de l'impôt sur le revenu des personnes physiques dans les années 1920, 1917,
00:07:28 en France, en Allemagne, au Royaume-Uni et ailleurs,
00:07:31 les Suisses disent "il y a peut-être une opportunité à faire, on va faire un secret bancaire strict".
00:07:35 C'est-à-dire que si un banquier donne de l'information à qui que ce soit, y compris à nos autorités, on le mettra en prison.
00:07:41 Donc on a un secret bancaire extrêmement strict.
00:07:43 Et la Suisse, quand la France, les Allemands ou les autres disent "est-ce que vous pouvez nous donner de l'information ?"
00:07:48 C'est jamais, en aucun cas.
00:07:50 Et donc, ça devient un jeu d'enfant, pour les plus riches, de transférer des valises de billets,
00:07:56 ou ensuite de transférer des virements bancaires sur des comptes en Suisse, mais aussi au Luxembourg, au Bahamas ou à Jersey.
00:08:03 On avait une cinquantaine de pays qui avaient du secret bancaire.
00:08:05 Et donc les gens pouvaient frauder, et c'était légal dans le pays d'accueil.
00:08:09 C'était légal en Suisse, même s'il y avait de la fraude en France.
00:08:11 Et alors, ce qui est intéressant, c'est que vous allez négocier, en fait, avec tout le monde.
00:08:17 Avec les paradis fiscaux, avec les pays qui veulent la fin des paradis fiscaux.
00:08:21 Et certains paradis fiscaux vont accepter de traiter avec l'OCDE, pour améliorer leur réputation,
00:08:29 puisqu'à ce moment-là, tout le monde les a véritablement dans le collimateur.
00:08:32 Mais parce que vous, vous acceptez ce que personne n'avait fait jusque-là,
00:08:36 vous acceptez de mettre dans la balance les paradis fiscaux qui font partie de l'OCDE,
00:08:41 c'est-à-dire la Suisse, le Luxembourg.
00:08:43 Jusqu'à présent, évidemment, il n'était pas question de toucher à cela.
00:08:47 Il y a une première tentative dans les années 90, et les pays de l'OCDE sont allés voir les Bahamas et les autres en disant "vous allez changer".
00:08:53 Les Bahamas se sont dit "oui, bien sûr".
00:08:55 Quand les Suisses changeront, ah ben non, ça c'est hors de question.
00:08:57 Moi, ce que j'ai proposé au G20 en 2008 et 2009, c'est de dire "on met tout le monde sur un pied d'égalité, sinon on n'y arrivera jamais".
00:09:05 Et donc l'OCDE a blacklisté son propre membre, qui était la Suisse, mais aussi le Luxembourg, l'Autriche et la Belgique.
00:09:12 C'était les quatre pays à secret bancaire.
00:09:14 Et ça, ça a permis de faire changer les choses, parce que les Bahamas ne pouvaient plus dire "ben non, regardez, il faut que les Suisses changent".
00:09:20 Ou le Singapourien disant "il faut que Hong Kong change, tout le monde va changer".
00:09:23 Comment on fait changer ces pays ?
00:09:25 Et là, ce n'est pas forcément très glorieux pour moi, mais c'est comme dans la cour de récréation.
00:09:28 On regarde les petits, on est avec les grands et on dit "est-ce que tu veux te battre avec moi ?"
00:09:32 Évidemment, les petits disent "ben non".
00:09:34 Les grands, il faut dire, c'est le G20.
00:09:36 Les grands, c'est les États-Unis, la Chine, le G7, le Japon, la France, le Royaume-Uni, l'Allemagne.
00:09:41 - La Russie, on attend ça au milieu aujourd'hui. - La Russie aussi.
00:09:45 Et tous ces pays, pourquoi est-ce qu'ils bougent ?
00:09:47 C'est parce qu'il y a la crise financière globale.
00:09:50 Ils sont obligés d'augmenter les impôts sur les personnes physiques.
00:09:53 Et ces personnes physiques ne peuvent pas tolérer que les plus riches ne payent pas leur juste part.
00:09:58 Et puis, il y a beaucoup d'argent qui est nécessaire pour sauver les banques.
00:10:01 Et donc, tout ça fait qu'il y a un alignement des étoiles.
00:10:04 Et le CDE est le bras armé du G20 et ça permet, via des menaces, on les a blacklistées.
00:10:10 On a pris des mesures de rétorsion.
00:10:13 Et donc, ces pays ont dit qu'il vaut mieux bouger que de ne pas bouger.
00:10:16 Il y en a deux ou trois qui ont essayé de résister un peu plus longtemps, comme le Panama.
00:10:19 Mais finalement, tout le monde s'est aligné.
00:10:21 Même la Suisse va mettre face à son sacro-saint secret bancaire.
00:10:24 Alors, ce sont les Américains qui l'ont fait basculer, parce qu'ils n'hésitent pas à arrêter des banquiers suisses,
00:10:30 des dirigeants de HBS, notamment.
00:10:33 On se souvient, dans le loup de Wall Street, c'est Jean Dujardin qui joue le rôle d'un des dirigeants de cette banque
00:10:38 et qui se retrouve effectivement en prison aux États-Unis.
00:10:41 Les Américains ne rigolent pas.
00:10:42 Quand ils ont vu, avec le scandale de Liechtenstein, que les banquiers suisses venaient démarcher des clients américains aux États-Unis,
00:10:47 ils allaient jouer au golf ensemble pour leur vendre des produits.
00:10:50 Les Américains ont dit là, on arrête complètement.
00:10:52 Il y avait 20 milliards quand même.
00:10:53 Et on vous met en prison.
00:10:54 Et donc, ils ont mis quelques banquiers en prison, ce qui fait un véritable effet.
00:10:57 Puis, quand ensuite, vous avez le G20 qui dit qu'il faut changer les règles,
00:11:00 même la Suisse qui était extrêmement réticente, il y a une blague qui dit,
00:11:03 Dieu regarde la Suisse et dit, vous avez des montagnes, des lacs et du secret bancaire,
00:11:07 vous ne pouvez en garder que deux.
00:11:09 Les Suisses se grattent la tête et disent, on va vider les lacs.
00:11:11 C'était l'ADN suisse.
00:11:13 Ils ont été obligés de changer.
00:11:15 L'une de vos victimes, alors à vous directement, j'ai l'impression, c'est quand même Jérôme Causac,
00:11:19 le ministre du budget français à l'époque,
00:11:21 chargé de lutter contre la fraude fiscale et qui est lui-même un fraudeur.
00:11:25 Si Jérôme Causac a fini par avouer, c'est à cause de vous.
00:11:29 Non, je suis presque reconnaissant à Jérôme Causac.
00:11:32 Parce que en faisant ces mensonges, cette résistance, il a permis en fait d'obliger la France et quelques autres à dire,
00:11:39 là, il faut aller encore plus loin.
00:11:41 Et donc, on avait mis en place ce qu'on appelle de l'échange de renseignements à la demande.
00:11:45 C'est à dire la France pouvait demander à la Suisse, est-ce que vous avez des informations sur M. Causac ?
00:11:48 Et la Suisse était obligée de répondre.
00:11:50 Mais là, on a changé de braquet.
00:11:51 On a dit, on ne va plus vous poser des questions.
00:11:54 Vous allez nous envoyer automatiquement les comptes bancaires annuellement.
00:11:57 Et aujourd'hui, l'an dernier, 111 millions de comptes bancaires ont été échangés automatiquement entre administrations fiscales.
00:12:04 Oui, maintenant, si on a un compte en Suisse, automatiquement...
00:12:06 3 300 000 comptes bancaires en Suisse détenus par 3 300 000 personnes non-suisses ont été envoyés à la France, à l'Allemagne...
00:12:15 C'est à dire que les gens ne le savent pas.
00:12:16 Mais aujourd'hui, si vous avez un compte en Suisse ou à Singapour, c'est pareil.
00:12:19 C'est fini.
00:12:20 Votre administration fiscale va être au courant.
00:12:23 C'est à cause ou grâce ?
00:12:25 C'est grâce au G20 et j'ai un peu aidé.
00:12:27 Mais dans le cas de Caïbzac, c'est quand même intéressant.
00:12:29 On se souvient qu'il a de l'argent en Suisse.
00:12:32 Il dit qu'il n'en a pas, mais il en a.
00:12:34 Et il est au courant quand même de ce qui est en train de se passer.
00:12:37 C'est ça qui est extraordinaire.
00:12:38 Il envoie à Singapour.
00:12:39 Il envoie son avocat lui dire "Singapour, c'est safe".
00:12:41 Mais non, Singapour ne faisait pas exactement la même chose que la Suisse.
00:12:44 Et il pensait être tranquille à Singapour.
00:12:46 Alors qu'en réalité, c'était le même problème.
00:12:47 Donc même le ministre qui était en charge de la lutte contre les paradis fiscaux n'y croyait pas lui-même.
00:12:52 Oui, c'est ça.
00:12:53 C'est quand même assez incroyable.
00:12:54 Oui, j'y croyais.
00:12:55 Ça a fini par se produire.
00:12:56 Mais alors ce qu'il y a de formidable dans cette histoire, c'est qu'aujourd'hui, on en est là où vous dites qu'on en est.
00:13:03 C'est-à-dire qu'il y a de l'échange automatique d'informations avec tous les paradis fiscaux d'hier.
00:13:08 Et pourtant, les gens croient que c'est toujours comme avant.
00:13:11 Et je suis sûr qu'il y a des gens qui se disent "Si seulement je pouvais mettre de l'argent en Suisse".
00:13:15 Oui, mais ils peuvent.
00:13:17 Mais il faudra payer des impôts en France.
00:13:19 Il n'y a rien de mal à mettre son argent en Suisse.
00:13:21 Les banquiers suisses sont excellents dans la gestion patrimoine.
00:13:23 Mais ce que je veux dire, c'est qu'on n'a pas fait tellement de publicité.
00:13:26 Il y a deux ou trois raisons pour ça.
00:13:27 La première, c'est que les gens n'aiment pas les bonnes nouvelles.
00:13:29 Et c'est pour ça que j'ai écrit ce livre.
00:13:30 C'est-à-dire que quand les politiques se décident à bouger, ça bouge et ça change.
00:13:34 Mais les gens, ils n'aiment pas beaucoup y croire parce que c'est des bonnes nouvelles.
00:13:38 Et la seconde raison, et là je le comprends davantage, c'est qu'on n'a pas éliminé la criminalité financière.
00:13:44 Il y a toujours des gens qui font du blanchiment d'argent.
00:13:46 Il y a toujours des criminels financiers.
00:13:48 Et d'ailleurs, ce n'est pas seulement dans les paradis fiscaux.
00:13:50 C'est dans plein de pays, à commencer par la France.
00:13:53 Donc on se dit "Il y a toujours des gens qui sont des criminels,
00:13:56 il y a des trafiquants de drogue qui blanchissent de l'argent,
00:13:58 donc les paradis fiscaux, ce n'est pas fini".
00:14:00 En réalité, ce à quoi on a mis fin, c'est la fraude fiscale.
00:14:04 Si je suis riche, j'ai des gros revenus, je veux défiscaliser en utilisant un paradis fiscal,
00:14:11 je ne peux plus le faire ou alors je me mets dans la même boucle que les trafiquants de drogue.
00:14:17 Sauf qu'un trafiquant de drogue, il va donner son argent à un avocat
00:14:21 qui va prendre l'argent à titre personnel.
00:14:23 Si l'avocat ne restitue pas l'argent, le trafiquant de drogue, en général,
00:14:26 il a une calache pour assassiner l'avocat qui ne rendrait pas son argent.
00:14:30 Alors que le bon bourgeois qui veut juste faire de la fraude, il n'a pas les mêmes moyens.
00:14:33 Donc il prendrait des risques absolument délirants.
00:14:35 Donc on a vraiment, je pense, atteint la fraude fiscale,
00:14:38 même si la lutte contre le blanchiment et la criminalité financière,
00:14:41 ça enlève plus de la police, de la coopération judiciaire entre pays.
00:14:44 Ce n'était pas l'objet de nos travaux.
00:14:46 Ce qu'il faut se rendre compte, c'est qu'avant cette révolution fiscale,
00:14:50 il y en a une deuxième, on en parlera plus tard,
00:14:52 mais avant cette révolution fiscale, en fait, dès l'instant où on arrivait
00:14:55 à ce que l'argent ne soit plus sur le territoire,
00:14:57 on ne s'occupait que de ce qui se passait sur le territoire national.
00:15:00 Si vous arriviez à sortir de l'argent ou à toucher de l'argent à l'étranger,
00:15:04 on ne pouvait pas le savoir, en fait.
00:15:07 On n'avait aucun moyen d'être renseigné.
00:15:09 Ce que révèle la crise de 2008, c'est que les règles de fiscalité internationale
00:15:13 qui avaient été établies par la Société des Nations en 1928,
00:15:16 ça marchait dans des économies fermées où on ne pouvait pas vraiment bouger le capital.
00:15:20 On ne pouvait pas vraiment faire des flux financiers.
00:15:22 Avec la globalisation, on s'est retrouvé avec des souverainetés fiscales
00:15:27 close sur elles-mêmes, mais avec des riches qui pouvaient très facilement
00:15:31 répartir leurs cartes, répartir leur argent.
00:15:33 Et donc, on avait ce problème-là d'avoir des personnes physiques
00:15:37 qui étaient totalement globales et des administrations fiscales
00:15:40 qui étaient aveugles, qui avaient une cécité qui était purement nationale, en réalité.
00:15:44 Et donc, en faisant de la coopération fiscale, en faisant en sorte
00:15:47 que tous les pays du monde travaillent ensemble, on a égalisé le terrain de jeu.
00:15:51 Philippe Meynier, je vous sens dubitatif.
00:15:54 Non, non, non. C'est un progrès considérable. La fraude est condamnée par le droit et par la morale.
00:15:59 Donc, si on peut y mettre un terme, c'est très bien.
00:16:01 Simplement, il ne faut pas non plus généraliser.
00:16:03 Pascal Sartaman disait tout à l'heure que les riches faisaient, etc.
00:16:05 Il y a quand même beaucoup de gens qui sont honnêtes et qui ne le faisaient pas.
00:16:07 C'était une question d'honneur.
00:16:09 Il y en a aussi.
00:16:10 Oui, c'est même la majorité.
00:16:12 C'est un sujet sur lequel j'ai travaillé aussi.
00:16:15 C'est quand vous regardez le nombre de gens qui fraudent,
00:16:17 il est évidemment bien plus considérable que ce qu'on pourrait souhaiter.
00:16:20 Si on fraudait du temps où c'était possible, ce n'était quand même pas la majorité de l'espèce.
00:16:23 Je ne voudrais pas qu'on dise que tant que c'était possible, tout le monde fraudait.
00:16:27 Il y avait quand même des honnêtes gens.
00:16:29 Deuxième point, si je peux me permettre.
00:16:32 La Suisse, oui, il y a les lacs, les montagnes et le secret bancaire.
00:16:37 Avant, il y a aussi un savoir-faire, un niveau d'éducation.
00:16:41 Franchement, passer la frontière suisse venant de n'importe où, côté français,
00:16:45 que vous arriviez par Genève ou par Mulhouse, tout à coup, vous avez des usines.
00:16:49 Ce n'est pas comme des champignons et ce n'est pas le secret bancaire qui a fait les usines.
00:16:52 C'est très amusant parce que même le Richtenschein et le Luxembourg,
00:16:54 les gens ne le savent pas, vous avez 20 à 25 % du PIB de ces pays-là qui est industriel,
00:16:58 alors que nous, on est tombé à 11.
00:17:00 Ce sont des pays où, évidemment, le secret bancaire a joué un rôle important,
00:17:04 mais ce ne sont pas des pays qui ont constitué leur richesse sur le secret bancaire.
00:17:07 C'est vraiment faux.
00:17:09 Ils ont constitué leur centre financier sur le secret bancaire et leur industrialisation
00:17:13 et leur capacité à gérer l'argent sur de la concurrence fiscale,
00:17:17 mais aussi sur une bonne gestion.
00:17:20 Sur les nombres, en France, vous avez 50 000 contribuables
00:17:25 qui sont allés se déclarer dans ce qu'on appelait la scène de dégrisement.
00:17:28 Et ça représente 10 % des contribuables mondiaux qui ont fait cette dégrisement.
00:17:32 Il faut se souvenir que, comme on avait levé le secret bancaire,
00:17:34 l'administration fiscale a dit "si vous dénoncez maintenant, vous ne paierez que les impôts".
00:17:38 On va vous trouver, donc venez spontanément.
00:17:42 Vous paierez tous les impôts, mais on ne vous mettra pas en prison.
00:17:45 Donc à France, c'était 50 000 personnes et le fisc a récupéré 10 milliards d'euros d'impôts.
00:17:49 Absolument.
00:17:50 Et au niveau mondial, on est à 500 000 personnes et un peu plus de 100 milliards d'euros d'impôts.
00:17:54 Oui, 114 milliards d'impôts et de pénalités ont été récupérés.
00:17:57 15 ans avant, c'était zéro.
00:17:59 C'était zéro.
00:18:00 Et là, on peut dire que vous avez changé le monde.
00:18:02 Je pense que oui.
00:18:03 C'est-à-dire que ce système-là est mort et c'est bien qu'il soit mort.
00:18:08 Tout à l'heure, à 23h30, vous nous raconterez l'autre volet de cette grande réforme fiscale internationale.
00:18:14 Vous avez été l'artisan.
00:18:16 C'est celui qui vise à lutter contre l'évitement fiscal dont ont profité longtemps les multinationales
00:18:21 en se réfugiant dans des micro-états, dans des paradis fiscaux ou dans des pays comme l'Irlande ou les Pays-Bas, d'ailleurs,
00:18:27 pour payer moins, voire pas du tout d'impôts.
00:18:32 Et ça, ça va être fini aussi à partir du 1er janvier 2024, 15 % de taxes.
00:18:38 Il y a même de l'actualité puisque la Suisse, aujourd'hui, a fait un référendum
00:18:42 et vient d'adopter à 80 % l'impôt minimum mondial de 15 %.
00:18:46 Voilà, qui sera en vigueur à partir du 1er janvier 2024.
00:18:50 Mais tout ça, vous nous raconterez à 23h30.
00:18:53 On fait une pause et puis on va s'intéresser à cette manifestation
00:18:58 et surtout à une radicalisation écologiste.
00:19:03 Gérald Darmanin a parlé carrément d'éco-terrorisme.
00:19:07 La manifestation d'hier contre le projet de ligne ferroviaire Lyon-Turin s'est terminée en affrontement avec la police.
00:19:18 Bilan, 12 gendarmes et une cinquantaine d'opposants ont été blessés.
00:19:22 Les soulèvements de la terre que Gérald Darmanin voudrait dissoudre faisaient partie des organisateurs
00:19:27 avec une dizaine d'autres mouvements écologistes.
00:19:29 Anthony Cortès, vous êtes l'un des auteurs de « L'affrontement qui vient »,
00:19:33 de l'éco-résistance à l'éco-terrorisme.
00:19:36 On ne va pas débattre ici de l'opportunité ou pas de creuser 162 km de tunnel entre la France et l'Italie.
00:19:43 Néanmoins, on voudrait comprendre pourquoi des écologistes sont vent debout contre un projet ferroviaire.
00:19:48 C'est quand même le moyen de transport de marchandises et de passagers le plus économe en CO2.
00:19:54 Et en plus, c'est trop tard.
00:19:56 33 km ont déjà été creusés.
00:19:58 Les gens qui habitent la région sont ravis.
00:20:00 Même parmi les partisans des soulèvements de la terre, il y en a toute une partie qui sont favorables à ce projet.
00:20:06 Il y aura moins de camions qui passeront sous leurs fenêtres.
00:20:10 La mise en service est prévue en 2032.
00:20:13 Plus rien ne l'arrêtera.
00:20:14 Alors pourquoi ?
00:20:16 C'est vrai que ça peut paraître absurde.
00:20:18 C'est vrai qu'on l'entend beaucoup du côté des défenseurs du projet.
00:20:21 On montre les écologistes comme face à leur contradiction.
00:20:25 Mais finalement, quand on s'intéresse à leurs arguments, ce n'est pas si absurde que ça.
00:20:28 On voit que ce projet d'ampleur, une ligne de plus de 270 km, 57 km de tunnel,
00:20:36 met avec des dégâts.
00:20:38 Parce qu'on voit que la construction va engendrer 10 millions de tonnes de CO2, d'émissions.
00:20:43 Ça va causer 1500 hectares de terrain artificialisé.
00:20:48 C'est quand même quelque chose, ce n'est pas rien.
00:20:51 Et ensuite, ça c'est Mediapart qui l'a révélé, 16 sources d'eau sont présentes sur le tracé.
00:20:56 On voit qu'il y a un certain nombre de dégâts qui peuvent être causés par ce tracé.
00:21:01 Et face à ces constatations, face à ces possibles dégâts que pourraient être causés,
00:21:07 on voit des alternatives destinées par les écologistes.
00:21:10 Ils disent en gros qu'il faut rénover la ligne qui est existante.
00:21:13 Il y a une ligne qui va d'Empérieux jusqu'à Turin, mais qui date du 19e siècle.
00:21:19 Et eux disent qu'il faut la rénover et il faut l'amener à être en pleine capacité
00:21:24 pour égaler la capacité du Lyon-Turin.
00:21:27 Ce que nous disent ceux qui sont favorables au projet, c'est que ce n'est pas possible.
00:21:31 D'abord, la ligne est trop vétuste pour être rénovée à moindre frais.
00:21:35 Il y a un tunnel qui est à refaire, qui date du 19e siècle.
00:21:38 Donc ça va causer encore une fois certains problèmes.
00:21:42 Et puis surtout, le tracé est en pente.
00:21:44 Et donc s'il est en pente, on ne peut pas mettre trop de marchandises sur ces wagons.
00:21:50 Donc voilà, là on est face à deux camps qui brandissent des arguments,
00:21:54 mais sans s'écouter, sans s'entendre.
00:21:56 Et c'est ce qu'on a vu lors de cette manifestation.
00:21:58 – Et du côté italien, c'est pareil, puisqu'il y a même des militants
00:22:02 qui ont pris de la prison ferme en Italie.
00:22:04 – Bien sûr. En Italie d'abord, la lutte dure depuis un certain temps.
00:22:07 Elle lutte depuis plus de 30 ans et elle est menée par un groupe qui s'appelle Notave.
00:22:10 Notave, c'est le nom du TGV en Italie.
00:22:13 Ce groupe-là, Notave, il est connu pour ses actions très radicales.
00:22:17 Notamment en 2011, il y a eu des affrontements avec la police
00:22:20 bien plus violents que ceux qu'on a pu voir à Sensolino.
00:22:22 Et 47 militants ont été condamnés à un total de 150 ans de prison.
00:22:26 Un total pour tous les militants.
00:22:28 Donc voilà, là on voit deux radicalités des deux côtés de la frontière
00:22:32 qui finissent par se retrouver avec au milieu un mouvement qui fait la jonction.
00:22:37 Ce mouvement, ce sont les soulèvements de la terre.
00:22:39 – Et le recours à la violence, au vandalisme,
00:22:43 comme les 3600 m² de serres expérimentales qui ont été saccagées à Nantes,
00:22:49 c'est toujours et systématiquement réprouvé par la population.
00:22:52 Et on se demande pourquoi, je ne sais pas si vous avez un avis là-dessus, Philippe Manière,
00:22:56 on se demande pourquoi les écologistes en passent systématiquement par là.
00:23:01 – Je pense qu'il y a une représentation du monde
00:23:03 chez les militants écologistes les plus radicaux,
00:23:05 pas tous les écologistes évidemment, qui est assez singulière,
00:23:08 qui à mon avis manifeste une inculture politique absolument abyssale.
00:23:11 C'est-à-dire qu'ils ont l'impression non pas que le droit est là
00:23:14 pour se substituer à la violence dans un monde développé et civilisé,
00:23:18 mais que quand on a épuisé les recours juridiques,
00:23:21 alors il y a une sorte de légitimité à recourir à la violence,
00:23:24 qui est absolument débile à mon avis, au sens littéral du terme,
00:23:29 en termes de représentation du monde.
00:23:31 À partir du moment où ils ont cette conviction chevillée au corps,
00:23:34 ils passent à l'action parce qu'ils considèrent en quelque sorte
00:23:36 la légitimité de leur cause, les dispensent de respecter la légalité.
00:23:40 Moi je trouve ça extrêmement grave, parce que dans un monde
00:23:42 où chacun dit "ma légitimité est meilleure que la tienne",
00:23:45 s'il n'y a plus la légalité comme référence commune,
00:23:47 dans un pays démocratique où la légalité est le fruit de la volonté générale,
00:23:50 on passe par des procédures qui sont complètement éprouvées
00:23:53 avec des voies de recours, etc.
00:23:55 Si chacun peut faire valoir sa légitimité et considérer que la légalité
00:23:58 est du second ordre parce que la légitimité de sa cause
00:24:01 l'emporte sur la légalité, vous allez avoir des gens
00:24:03 qui vont avoir chacun sa légitimité et qui,
00:24:06 passer ma expression, vont se mettre sur la figure,
00:24:08 parce que la réalité c'est que c'est ça, c'est qu'on arrive à la violence
00:24:11 qui est justifiée en quelque sorte. La violence, mettez-vous à la place
00:24:14 des gens dont on détruit les installations, si les forces de l'ordre
00:24:18 n'interviennent pas pour empêcher les exactions qui sont commises
00:24:21 à leur détriment, ils vont peut-être eux-mêmes ressentir
00:24:24 une forme de légitimité à devenir violent.
00:24:26 C'est la fin du règlement des conflits par la voie légale,
00:24:30 ce que je trouve quand même problématique, pas seulement pour les salariés.
00:24:32 Nous interrompons, on va laisser Isabelle Piboulot faire le rappel des titres
00:24:35 et on entre dans le débat juste après.
00:24:38 Justice pour Lindsay, non au harcèlement scolaire.
00:24:44 Vêtue de blanc, plusieurs centaines de personnes ont défilé ce matin
00:24:47 à Vendin-le-Vieil dans le Pas-de-Calais en hommage à la collégienne.
00:24:51 Ses proches appellent au soutien de l'État et réclament des mesures
00:24:54 concrètes de protection des élèves face au harcèlement.
00:24:57 Âgée de 13 ans, Lindsay avait mis fin à ses jours en mai dernier.
00:25:01 Anthony Blinken en déplacement à Pékin.
00:25:04 Au premier jour de la visite du secrétaire d'État américain,
00:25:07 Washington a salué des discussions constructives et honnêtes.
00:25:11 Les sujets de friction restent nombreux, notamment sur le commerce et Taïwan.
00:25:15 Mais l'idée était d'amorcer un dégel diplomatique et maintenir un dialogue.
00:25:19 Anthony Blinken a invité en retour son homologue chinois,
00:25:23 ce que Kim Jong-un a accepté.
00:25:26 Et puis vous l'avez peut-être suivi sur Canal+,
00:25:29 Max Verstappen a remporté haut la main le Grand Prix du Canada.
00:25:33 Sur le circuit, Gilles Villeneuve de Montréal, le néerlandais a devancé
00:25:37 l'espagnol Fernando Alonso et le britannique Lewis Hamilton.
00:25:40 Le double champion du monde en titre décroche donc sa sixième victoire
00:25:44 en huit courses cette année et la quatrième consécutive.
00:25:48 Bien entendu, pour ce débat, on avait invité des représentants des soulèvements de la terre.
00:25:57 Ils ont refusé de venir participer, mais on se souvient que Gérald Darmanin
00:26:02 a parlé à leur sujet d'éco-terrorisme après les manifestations très violentes de Saint-Céline.
00:26:09 Alors, est-ce qu'il a choisi le bon mot ?
00:26:11 Votre livre s'intitule, Anthony Cortès, "De l'éco-résistance à l'éco-terrorisme".
00:26:19 C'est où le point de bascule, justement ?
00:26:21 Alors d'abord, sur le sous-titre, il faut dire qu'il y a un point d'interrogation.
00:26:23 Absolument ! Il y en a un, d'ailleurs, sur le liner que nous venons de mettre.
00:26:28 Non, mais c'est vrai que c'est important parce qu'on a pu nous le reprocher,
00:26:31 nous dire qu'on faisait la communication, le jeu de Gérald Darmanin,
00:26:35 ce qui n'est pas le cas. On pose la question, on essaie de lui répondre.
00:26:37 Jeune journaliste, moi, je le rappelle.
00:26:39 C'est ça. Mais c'est vrai que ce mot, "éco-terrorisme", il a fait réagir,
00:26:43 il a été vu comme une provocation par les militants, d'abord parce que ce n'est pas une réalité,
00:26:48 d'abord ce n'est pas une réalité juridique.
00:26:50 Ça n'existe pas.
00:26:51 Mais ce n'est pas pour autant que ça n'existe pas dans la réalité.
00:26:55 Peut-être. Alors en tout cas, aujourd'hui, ça n'existe pas,
00:26:57 parce que c'est vrai que le terrorisme, d'abord, c'est vouloir porter atteinte
00:27:00 aux biens et aux personnes avec un objectif politique.
00:27:03 Aujourd'hui, oui, il y a des affrontements, oui, il y a des blessés,
00:27:06 mais on ne veut pas agresser, on ne veut pas violenter volontairement,
00:27:09 en tout cas, ce n'est pas clairement affiché, et en tout cas, pas par tout le monde,
00:27:12 et ce n'est pas affiché par le mouvement des soulèvements de la terre,
00:27:14 bien qu'il y ait, évidemment, des dégâts.
00:27:17 Mais on pourra peut-être y revenir plus tard.
00:27:19 Par contre, quand on parle avec les services de renseignement,
00:27:22 ce qu'ils nous disent, ce qu'on a fait pour notre enquête,
00:27:24 c'est qu'il y a tout de même un risque.
00:27:25 Pourquoi ? Parce qu'on observe une porosité aujourd'hui
00:27:28 entre le mouvement écologiste et l'ultra-gauche.
00:27:30 On observe en fait un double mouvement, une écologisation des radicaux,
00:27:33 donc de l'ultra-gauche, et une radicalisation des écologistes.
00:27:36 Et en plus de ça, ce mouvement-là est doublé par une internationalisation
00:27:39 des mouvements d'ultra-gauche et des mouvements écologistes
00:27:43 qui finissent par se radicaliser les uns les autres d'un courant à l'autre,
00:27:47 mais aussi d'un pays à l'autre.
00:27:49 Et quand on parle, encore une fois, avec les services de renseignement,
00:27:52 ils nous parlent d'un précédent.
00:27:53 C'était en 2021 en Allemagne, contre une gigafactory Tesla,
00:27:57 un attentat a été démantelé.
00:27:59 C'était un groupe d'ultra-gauche, c'était un petit groupuscule,
00:28:02 mais avec des revendications écologistes.
00:28:04 Donc il y a un risque.
00:28:05 C'est vrai que ce mot, il ne sort pas de nulle part.
00:28:07 Il veut dire quelque chose.
00:28:09 Il peut être brandi aussi pour essayer d'avertir, d'anticiper un risque.
00:28:14 Mais en tout cas, pour le moment, c'est excessif.
00:28:16 Et puis, à la limite, là où on peut faire le rapprochement aussi,
00:28:19 c'est qu'il y a une absence de vrai soutien populaire
00:28:22 dans les manifestations les plus radicales.
00:28:24 Il y a un soutien populaire aux revendications écologiques,
00:28:29 mais dans les manifestations les plus radicales,
00:28:31 il n'y a pas de soutien populaire.
00:28:33 Non, non, mais c'est vrai.
00:28:34 En revanche, l'objectif de la soulèvement de la Terre,
00:28:36 c'était de déplacer la fenêtre d'Ouverton quelque part,
00:28:39 d'amener les écologistes et l'opinion à tolérer les actions plus radicales
00:28:44 et donc le sabotage, parce que c'est vrai que le sabotage,
00:28:46 c'est sur toutes les lèvres du côté des militants des soulèvements de la Terre.
00:28:50 D'abord, il faut rappeler les origines des soulèvements de la Terre.
00:28:53 Les soulèvements de la Terre sont nés à Notre-Dame-des-Landes en 2021
00:28:56 avec des écologistes traditionnels,
00:28:58 mais aussi beaucoup de personnes venues des mouvances autonomes.
00:29:02 Et ces mouvances autonomes, évidemment, portent fièrement la possibilité
00:29:06 d'user de la violence pour abattre l'État, le capitalisme,
00:29:10 ou en tout cas le faire trembler.
00:29:12 Les soulèvements de la Terre ont voulu mettre en place un flanc radical.
00:29:15 Ce flanc radical a été théorisé par un universitaire suédois, Andreas Malm.
00:29:19 En gros, ça consiste au fait de mettre en place un flanc radical,
00:29:23 c'est-à-dire avoir des alliés radicaux, venus de l'ultra-gauche,
00:29:27 pour faire planer la menace de la violence et amener l'État à avoir quelque part peur
00:29:32 et donc à discuter un peu plus avec le flanc modéré.
00:29:35 Mais ce qu'on voit avec les derniers événements, que ce soit hier ou à Saint-Sauline,
00:29:39 c'est que cette stratégie a dépassé les soulèvements de la Terre,
00:29:42 ou en tout cas elle a dépassé les plus modérés.
00:29:45 Et on voit que ceux qui sont plus radicaux prennent de plus en plus le pouvoir.
00:29:48 En revanche, hier, dans les Alpes, on a vu un tournant tout de même.
00:29:51 Parce que c'est vrai, vous le disiez, la violence est là de plus en plus,
00:29:55 malgré le fait que la population ne soutienne pas.
00:29:57 Mais là, on voit une scission du côté des soulèvements de la Terre.
00:30:00 On voit des modérés qui jusqu'ici fermaient les yeux,
00:30:02 ou en tout cas étaient plutôt passifs face à cette tentation de la violence,
00:30:06 là, de plus en plus, l'ont refusé.
00:30:08 On a vu hier des élus écologistes aller essayer de discuter avec les gendarmes.
00:30:13 Une fois que les discussions ont échoué, les radicaux se sont attaqués aux gendarmes.
00:30:18 Et les autres, plutôt que d'aller soutenir les radicaux,
00:30:20 comme ça a pu être le cas à Saint-Sauline, ont fait marche arrière,
00:30:23 sont partis vers le camp pour une grande partie.
00:30:25 Donc là, on voit un tournant et on voit une limite de cette stratégie de la violence,
00:30:29 ou en tout cas de la menace de la violence des soulèvements de la Terre.
00:30:32 Peut-être juste une réaction sur le mot "sabotage".
00:30:34 Il y a un très très grand écrivain italien qui s'appelle Eri De Luca,
00:30:37 qui en 2015, sur cette même affaire, avait appelé au sabotage de la ligne.
00:30:42 Et il avait été jugé et finalement acquitté,
00:30:45 en disant "sabotage, c'est liberté d'expression, on va le laisser s'exprimer".
00:30:48 Il avait dit "sabotage, on peut saboter de plein de façons différentes, sans de violence".
00:30:52 Mais c'est violence, je pense, où cet écart entre la loi et la légitimité de la loi,
00:30:57 que personne ne conteste, en tout cas, je pense, globalement,
00:31:00 sauf quelques minorités un peu radicalisées,
00:31:03 mais on voit un écart de plus en plus grand, notamment avec les nouvelles générations,
00:31:06 la protection de l'environnement, et le fait que les lois ne sont plus tout à fait adaptées
00:31:10 pour faire face à ça, et ça conduit à ces radicalisations.
00:31:13 Je pense qu'on le constate dans ce domaine-là, mais dans plein d'autres.
00:31:16 En même temps, on ne peut pas nous répéter à longueur de journée que la situation est gravissime,
00:31:20 et que si on ne fait rien, on n'a plus beaucoup de temps pour réagir,
00:31:24 et que si on ne fait rien, on va tous mourir, et que les gens ne se radicalisent pas.
00:31:30 Surtout, il ne faudrait pas entretenir l'idée que ce qui est faux dans ce que vous venez de dire,
00:31:35 c'est qu'on ne fait rien.
00:31:37 Mais on n'arrête pas de dire qu'on ne fait rien.
00:31:40 C'est ça qui est erroné.
00:31:42 Évidemment, si la menace était très considérable et qu'on ne faisait rien,
00:31:45 je ne dis pas que ce serait légitime de se révolter au point de procéder à des exactions,
00:31:50 mais on pourrait le comprendre.
00:31:52 La réalité, ce n'est pas qu'on ne fait rien.
00:31:54 On fait pas grand-chose.
00:31:56 Mais non, ce n'est pas vrai. C'est complètement faux.
00:31:58 Regardez le nombre de choses. Je prends un exemple au hasard.
00:32:00 L'Europe est en train de sacrifier un savoir-faire. Je ne dis pas qu'il ne faut pas le faire,
00:32:03 mais l'Europe est en train de sacrifier un avantage comparatif majeur.
00:32:06 L'Europe était le pays du monde avec le Japon, la zone du monde,
00:32:09 la plus performante pour les moteurs à explosion.
00:32:11 C'est un sacrifice que l'Europe a décidé de faire.
00:32:14 Ça va coûter très cher en emploi.
00:32:16 Je rappelle qu'à partir de 2035, on n'aura plus le droit de vendre des moteurs thermiques.
00:32:21 À une vitesse très considérable.
00:32:22 Entre-temps, d'ailleurs, probablement, on ne sera pas équipé de la capacité de faire des piles.
00:32:25 Donc, en plus, on fait un sacrifice considérable en commerce extérieur.
00:32:28 Donc, ce sont les Chinois qui nous vendront des voitures électriques.
00:32:31 Je ne dis pas qu'il ne faut pas le faire. Je dis simplement que quand on me dit qu'on ne fait rien,
00:32:33 je dis mais les gars, regardez ça.
00:32:35 Qui aurait pensé il y a seulement 5 ou 7 ans que l'Europe allait avoir la capacité
00:32:39 de faire ce hara-kiri industriel et en termes de commerce extérieur.
00:32:43 Et puis, je prends cet exemple-là parce que c'est ce lieu auquel je pense.
00:32:46 Mais regardez l'évolution du corpus législatif.
00:32:49 Il y a énormément de choses qui ont changé.
00:32:52 Donc, dire qu'on ne fait rien, c'est faux.
00:32:53 Je vais prendre un élément fiscal.
00:32:55 40% des émissions de carbone dans le monde sont taxées.
00:33:01 60%, c'est à zéro.
00:33:03 C'est-à-dire qu'il n'y a pas de prix sur les émissions de carbone.
00:33:06 40% sont taxées à 5 euros, même pas à 4 euros en moyenne.
00:33:10 Il faudrait 120 euros.
00:33:11 Donc, on voit qu'on est extrêmement loin de là où il faudrait qu'on soit.
00:33:16 D'où ces réactions parce qu'effectivement, on dit et sans doute à juste titre,
00:33:20 qu'on n'est pas très loin d'une vraie catastrophe climatique.
00:33:23 Et même s'il y a quelques actions, celles que vous avez mentionnées,
00:33:26 on est encore très loin de la balle.
00:33:27 Je suis tout à fait d'accord.
00:33:28 En tant que philosophe, je ne peux en aucun cas questionner la violence,
00:33:32 toute posture radicale, ça c'est un fait.
00:33:34 Mais ce que je trouve quand même intéressant avec ce genre de mouvement,
00:33:38 c'est que ça nous met au pied du mur, finalement.
00:33:41 Ça nous aide à prendre conscience de l'insuffisance de la réponse institutionnelle
00:33:46 et politique face à l'urgence climatique.
00:33:49 Ça nous met face à nos contradictions.
00:33:52 Il y en a.
00:33:53 Je lisais encore hier qu'elle a été reconduite et enrichie,
00:33:56 la liste qui nous permet finalement de détruire certaines espèces
00:34:01 au nom d'impératifs économiques,
00:34:03 alors qu'en même temps, nous déplorons la destruction de nos écosystèmes.
00:34:08 Donc, on le veuille ou pas, on est quand même pris dans nos contradictions aujourd'hui
00:34:11 et qu'on a quand même l'impression que c'est toujours l'impératif économique
00:34:14 qui prime sur l'impératif écologique.
00:34:16 C'est sûr qu'il y a énormément d'efforts qui sont faits,
00:34:18 mais je trouve malgré tout...
00:34:21 - Mais vous remarquerez qu'un mouvement assez radicalisé
00:34:24 comme Extinction Rebellion, par exemple, n'a pas vraiment de soutien populaire non plus.
00:34:29 - Non plus, non plus.
00:34:30 Non, non, totalement.
00:34:31 Mais alors, je voulais juste réagir.
00:34:32 Là, on parlait de déception économique,
00:34:35 ou en tout cas, disons, de mesures pas assez grandes, pas de trop grande ampleur.
00:34:39 Mais là, en fait, il y a aussi un certain nombre de déceptions démocratiques aussi.
00:34:43 On se souvient de la Convention citoyenne pour le climat, par exemple.
00:34:45 Les écologistes ont porté un certain nombre d'espoirs de ce côté-là.
00:34:48 Et finalement, un quart des propositions seulement ont été retenues.
00:34:51 Et ça joue aussi dans cette radicalisation des écologistes,
00:34:54 en plus d'un certain nombre de déceptions.
00:34:56 On se souvient, par exemple, d'Emmanuel Macron, candidat, qui disait,
00:34:58 "Moi, président", c'était pas lui, c'était son prédécesseur,
00:35:01 mais en tout cas, "Moi, président, je ferai respecter le fait
00:35:05 qu'on va arrêter les échanges internationaux avec les pays
00:35:09 qui ne sont pas membres de l'accord de Paris."
00:35:11 Quand les États-Unis se sont retirés, évidemment,
00:35:13 on n'a pas arrêté les échanges avec eux.
00:35:14 - C'est impossible.
00:35:15 - Voilà, mais c'est impossible.
00:35:16 Mais ça fait partie de petites déceptions,
00:35:18 un décalage, disons, entre la parole et les promesses politiques,
00:35:21 et ce qui se fait vraiment alors qu'on est en temps d'urgence climatique.
00:35:24 D'autant qu'on nous rabâche les oreilles avec ces rapports scientifiques,
00:35:29 les rapports du GIEC, en nous disant,
00:35:30 il reste trois ans pour passer certains caps.
00:35:32 Et malgré tout ça, on ne va pas vers un changement de système.
00:35:35 Et eux, c'est ce qu'ils veulent, un changement de système total.
00:35:37 - Vous vous rendez compte que si on allait vers un changement de système,
00:35:39 ce serait en gros le confinement du Covid,
00:35:43 quatre ou cinq fois par an.
00:35:45 - Là non plus.
00:35:47 Les populations n'en voudraient pas.
00:35:49 Donc les politiques sont coincés.
00:35:51 - Alors le tunnel, c'est un peu le syndrome de NIMBY en anglais,
00:35:56 c'est "not in my backyard".
00:35:57 On veut, qui veut des trains ?
00:35:59 Tout le monde lève la main, qui veut un tunnel ?
00:36:01 Personne ne lève la main.
00:36:02 - Ici, en l'occurrence, dans la région, ils veulent tout.
00:36:04 - Parce que dans la région, ils en veulent, des tunnels.
00:36:05 - Ils en veulent, oui.
00:36:06 - C'est l'anti-NIMBY, précisément.
00:36:07 C'est localement, ils en veulent,
00:36:08 et c'est les autres qui viennent leur dire, n'en faites pas.
00:36:10 - Pas tous.
00:36:11 Vous n'avez pas tout à fait tort là-dessus.
00:36:12 Mais fondamentalement, quand on dit qu'on veut construire quelque chose,
00:36:16 on veut bien les services et les biens, mais on ne veut pas...
00:36:20 - Vous avez raison.
00:36:21 Mais ce qui est particulièrement frappant, je trouve,
00:36:23 dans cette éco-radicalité, c'est que très souvent,
00:36:26 l'obsession anticapitaliste, l'obsession anti-progrès,
00:36:29 je crois qu'on y viendra dans la suite de l'émission,
00:36:31 les amène à être contre des projets qui, précisément, servent leur cause.
00:36:36 C'est ça qui est dingue.
00:36:37 Par exemple, cette histoire de train, moi je veux bien tout ce qu'on veut,
00:36:39 mais le fret ferroviaire, non seulement ça émet très peu de dioxyde de carbone,
00:36:43 mais en plus, ce qu'on ne dit pas assez, c'est que ça consomme beaucoup moins d'énergie.
00:36:47 Alors en France, ce n'est pas très grave parce que notre énergie est propre,
00:36:50 mais dans beaucoup de pays, c'est très important.
00:36:52 Si vous faites rouler un train en Pologne, c'est quand même pas tout à fait sans importance
00:36:56 de savoir que ça consommera beaucoup moins d'énergie que les camions.
00:36:59 Parce qu'en Pologne, le mix énergétique, il est dégueulasse, passez-moi l'expression.
00:37:03 Donc à l'arrivée, bloquer le basculement sur plus de fret et moins de camions...
00:37:07 J'ai déjà des tas d'exemples comme ça.
00:37:09 Par exemple, il y a un méthaniseur qui est en projet dans l'ouest.
00:37:13 Dans l'ouest, c'est un berceau, vous le disiez tout à l'heure, de radicalité.
00:37:16 C'est l'héritage de l'aéroport, d'Outre-Dame-des-Landes.
00:37:22 Les bassines, ce n'est pas très loin.
00:37:24 Donc il y a une espèce de foyer dans l'ouest, pour des raisons historiques,
00:37:27 on ne va pas rentrer là-dedans, mais c'est très intéressant.
00:37:29 Mais ce n'est que la pointe avancée d'une vision du monde qui se répand malheureusement.
00:37:33 Et donc vous avez un méthaniseur.
00:37:34 Le méthaniseur, c'est quoi ?
00:37:35 C'est ce que vous faites avec du carbone fatal, soit des intercultures,
00:37:40 soit du lisier, des excréments animaux dont on ne peut pas faire grand-chose.
00:37:43 Vous faites du méthane avec ça, et ça vous dispense d'aller chercher du pétrole dans la terre.
00:37:47 Donc c'est un truc qui devrait faire battre des mains les écolos.
00:37:50 Eh bien non, ils sont contre.
00:37:51 Le tunnel, ça devrait les faire battre des mains.
00:37:53 Eh bien non, ils sont contre.
00:37:54 Les serres qui ont été détruites il y a une semaine,
00:37:56 il y avait des serres expérimentales qui permettent de trouver le moyen,
00:38:01 si possible, d'avoir des plantes ou bien des petits animaux
00:38:03 qui évitent de mettre des produits phytosanitaires.
00:38:07 Ils devraient être pour.
00:38:08 Eh bien non, ils sont contre.
00:38:09 Donc au bout d'un moment, l'idée qu'on est toujours contre tout
00:38:12 dès qu'il y a un changement, dès qu'il y a quelque chose,
00:38:14 dès que la main de l'homme, la vilaine main de l'homme touche la planète,
00:38:17 ça vous amène à faire des choses qui vont à rebours de ce que vous devriez faire
00:38:22 si vous étiez conséquent dans la poursuite de votre objectif écologique.
00:38:25 C'est ça, moi, je trouve qui est assez troublant.
00:38:27 C'est non seulement l'irrespect complet de la loi,
00:38:29 mais même l'irrespect de la logique et même de son objectif à soi.
00:38:32 Donc ça finit par être quand même un peu lunaire.
00:38:34 Puis on dit oui, mais quand même, ils sont très angoissés.
00:38:36 Il faut les comprendre.
00:38:37 Non, quand les gens font n'importe quoi sur la forme,
00:38:39 en ne respectant pas la légalité et sur le fond,
00:38:42 en faisant des choses qui sont contraires à la cause même qu'ils prétendent défendre.
00:38:45 Excusez-moi, mais je n'ai pas envie de pleurer.
00:38:46 Ça ne va pas.
00:38:47 - Tony.
00:38:48 - Il faut dire quelque chose parce que là, de ce que j'entends,
00:38:50 les écologistes ne seraient pas des démocrates.
00:38:52 En tout cas, ils n'ont pas envie de jouer le jeu.
00:38:53 - Pas tous les écologistes.
00:38:54 - Bien sûr, bien sûr.
00:38:55 Mais ce qu'il faut dire aussi, c'est que les écologistes,
00:38:57 en grande, grande partie, ont joué le jeu démocratique,
00:39:00 ont joué le jeu du temps long et de la concertation
00:39:02 pendant un certain nombre d'années avant d'être déçus.
00:39:04 Et aussi de voir certaines lois qui ont détricoté le droit de l'environnement,
00:39:08 notamment, je vais citer deux lois,
00:39:10 la loi ASAP et la loi d'accélération des énergies renouvelables,
00:39:13 qui ont réduit les espaces de concertation et de discussion,
00:39:15 mais aussi les délais qui doivent servir aux recours et aux études environnementales.
00:39:21 Et donc, à partir du moment où on voit le droit de l'environnement détricoté
00:39:25 et les espaces démocratiques réduits,
00:39:27 pourquoi jouer un jeu que l'on pense et qui est,
00:39:31 sur un certain nombre de points, biaisé ?
00:39:33 - Il est biaisé, c'est juste que leur poids politique
00:39:35 ne leur permet pas de faire triompher leurs idées.
00:39:37 En démocratie, c'est une contrariété qu'il faut savoir accepter.
00:39:40 Si on perd les élections, on regarde ce qu'il faut en fait.
00:39:43 - La démocratie, c'est le gouvernement aux élections.
00:39:44 - C'est la majorité dans le respect de la minorité.
00:39:45 - C'est le respect de la minorité.
00:39:46 - C'est le gouvernement de la majorité.
00:39:47 C'est là que se pose la question.
00:39:49 Et puis, est-ce qu'il n'y a pas des changements de paradigme qui sont nécessaires ?
00:39:51 Je crois qu'on est tous d'accord, les actions violentes,
00:39:53 personne ne les soutient, et autres.
00:39:55 Mais c'est plus, est-ce qu'elles ne sont pas révélatrices,
00:39:57 le symptôme d'un malaise entre l'écart de la façon de penser dominante aujourd'hui
00:40:06 et les nouvelles générations qui sont face à une urgence climatique
00:40:10 dont ils sont absolument convaincus.
00:40:12 - Je suis tout à fait d'accord.
00:40:13 Je ne pense pas qu'on puisse balayer d'un revers de la main leurs revendications,
00:40:16 même si la réponse qu'ils apportent n'est sans doute pas la bonne.
00:40:20 Ça relève d'un malaise profond.
00:40:22 Encore une fois, ça nous met face à nos contradictions.
00:40:25 Et si j'ai bien compris, les partisans du mouvement de la Terre
00:40:28 ne veulent pas rester au niveau des idées.
00:40:30 Ils ne veulent pas appréhender l'urgence climatique d'un point de vue intellectuel.
00:40:34 - Pas seulement, mais tout de même, les soulèvements de la Terre
00:40:38 ont voulu porter la lutte écologiste vers une lutte anticapitaliste.
00:40:41 Pendant un certain temps, l'écologie voulait faire consensus.
00:40:43 Maintenant, c'est fini.
00:40:44 Ce que disent les soulèvements de la Terre, c'est maintenant,
00:40:46 on n'est plus là pour essayer de convaincre toute la population.
00:40:48 Maintenant, on est là pour contraindre et pour imposer notre modèle de société.
00:40:51 Alors, est-ce que leur modèle de société est le bon ou pas ?
00:40:53 En tout cas, ce qui est sûr, c'est que ça pose des questions démocratiques.
00:40:55 - En tout cas, ils sont persuadés que ça freinerait le réchauffement climatique.
00:40:59 Et qu'au fond, c'est ça leur but.
00:41:01 - Bien sûr, bien sûr.
00:41:02 - Ça peut nous sembler totalement contre-productif
00:41:05 en ce qui concerne la conquête des esprits.
00:41:07 Mais eux, ils sont dans un sentiment d'urgence,
00:41:10 encore une fois, entretenu par tout ce qu'on entend.
00:41:13 - Pardon, je reviens typiquement sur le fret ferroviaire.
00:41:16 Freiner l'installation du voie, vous voyez.
00:41:19 Même si on souscrit à l'idée que l'urgence justifie qu'on mette
00:41:23 le comptable du point sur la table, autant le faire sur un mode
00:41:26 qui va dans le sens que vous soulevez, pas dans le négocent.
00:41:29 C'est quand même très curieux.
00:41:30 - Mettez-vous dans la tête des écologistes.
00:41:31 - Ils sont révolutionnaires, ils sont anti-capitalistes.
00:41:33 - Mettez-vous dans la tête des écologistes allemands qui,
00:41:35 après la catastrophe de Fukushima qui avait été provoquée par un tsunami,
00:41:39 a mis fin à l'énergie nucléaire en Allemagne.
00:41:42 - C'est plus compliqué que ça.
00:41:44 - Qui a donné ce résultat-là, sachant qu'il n'y avait plus de chance
00:41:47 qu'il y ait un tsunami en Allemagne.
00:41:48 - Si vous connaissez les mouvements écologistes, c'est l'Allemagne.
00:41:50 Je parle sous votre contrôle, mais il y a une école, les réals,
00:41:52 qui sont beaucoup plus réalistes et qui, eux, sont pour le nucléaire.
00:41:55 Vous avez une opinion en Allemagne, a basculé depuis les 18 derniers mois.
00:41:59 Maintenant, la majorité des Allemands sont favorables au nucléaire
00:42:01 pour des raisons de lutte contre le réchauffement climatique.
00:42:03 - On est bien d'accord.
00:42:04 - Du moins, sont-ils conséquents.
00:42:05 - Toujours est-il qu'après la catastrophe de Fukushima,
00:42:08 on a arrêté le nucléaire en Allemagne.
00:42:10 - Pour gagner les élections en bas de Württemberg. C'est assez navrant.
00:42:13 - Oui, voilà.
00:42:14 - C'est comme ça.
00:42:15 - Non, mais c'est quand même...
00:42:16 Il y a autre chose, me semble-t-il, dans un certain divorce
00:42:20 entre cette radicalisation écologiste et la population,
00:42:24 parce que c'est quand même la conquête de l'opinion publique.
00:42:27 Ça reste déterminant.
00:42:29 Sinon, on en est voué, effectivement, à casser et à affronter la police.
00:42:33 Mais si on veut conquérir l'opinion publique,
00:42:36 j'ai l'impression qu'en s'attaquant aux agriculteurs, par exemple,
00:42:39 c'est contre-productif, là aussi.
00:42:42 Je ne dis pas que les agriculteurs sont totalement vierges
00:42:46 de toute conséquence environnementale,
00:42:49 mais si vous vous attaquez aux agriculteurs,
00:42:51 pour les Français, en tout cas, pour la population,
00:42:53 c'est complètement contre-productif,
00:42:55 parce que pour nous, les agriculteurs, c'est un symbole,
00:42:58 c'est eux qui nous nourrissent.
00:42:59 - Oui, c'est vrai.
00:43:00 - Et on ne peut pas s'attaquer, quand on est écologiste,
00:43:02 à des agriculteurs.
00:43:03 - C'est vrai que l'action de la semaine dernière, par exemple,
00:43:05 qui a été menée près de Nantes, avec des cerfs
00:43:07 qui ont été totalement dégradés, saccagés.
00:43:10 - Et ce n'est pas des OGM, que ce genre de truc là.
00:43:13 - Et ce n'est pas des OGM.
00:43:14 Et c'est vrai que ça peut être vu comme une erreur stratégique.
00:43:17 Ben oui, on va se couper de la population,
00:43:19 et puis en fait, on dégrade le vivant
00:43:21 alors qu'on veut le défendre.
00:43:23 Bon, après, quand on s'intéresse aux revendications
00:43:26 des soulèvements de la terre,
00:43:27 ce qu'ils disent, c'est que c'est une agriculture productiviste
00:43:29 et qu'eux défendent une agriculture paysanne.
00:43:31 Et donc là encore, ils choisissent la confrontation
00:43:33 entre deux modèles pour défendre celui qu'ils défendent.
00:43:36 Mais en fait, c'est ce que vous disiez,
00:43:39 si on veut convaincre la population, c'est ça la question.
00:43:41 Est-ce qu'ils veulent vraiment convaincre la population ?
00:43:43 Et ce n'est pas une question que moi je me pose,
00:43:45 c'est une question que je leur ai posée.
00:43:46 Et en fait, quand on était en face à face,
00:43:48 en train de discuter, ce qu'ils me disaient, c'est non.
00:43:50 Nous, on veut la quête d'une minorité agissante.
00:43:52 Une minorité agissante pour aller déstabiliser...
00:43:54 - C'est léniniste.
00:43:55 - C'est léniniste, bien sûr.
00:43:57 Et ça peut être vu comme une démarche totalitaire.
00:44:00 Mais ils se disent, on n'a plus le temps.
00:44:02 Et d'où la démarche des soulèvements de la terre
00:44:04 et toute l'essence de ce mouvement.
00:44:07 En fait, ce qu'ils ont voulu faire,
00:44:09 c'est retourner aux origines, au larsac,
00:44:11 en voulant décentraliser la lutte
00:44:14 et aller défier directement les projets qu'ils jugent et considèrent.
00:44:17 C'est-à-dire qu'ils vont dégrader l'environnement et la planète.
00:44:20 Et donc, on n'a plus le temps.
00:44:21 On n'a plus le temps, donc on va se retrousser les manches
00:44:23 et on va leur faire peur, on va les menacer, on va les faire trembler.
00:44:26 Donc voilà, vous disiez,
00:44:28 pour aller conquérir l'opinion populaire,
00:44:31 comment ils veulent s'y prendre ?
00:44:33 Est-ce que ce n'est pas une erreur ?
00:44:34 Je crois qu'ils ne s'en fichent.
00:44:36 - Effectivement, mais c'est quand même assez intéressant
00:44:38 de vous parler du larsac.
00:44:39 On est bien en deçà des violences des années 70,
00:44:42 à l'époque du larsac.
00:44:44 Des manifestations contre la centrale de Crémaille-Ville,
00:44:48 des attentats d'extrême gauche.
00:44:50 C'était bien plus violent les années 70.
00:44:52 Et pourtant, aujourd'hui, ça paraît bien plus urgent.
00:44:56 Et c'était à l'époque qu'on aurait plus facilement pu parler,
00:45:01 littéralement, des co-terroristes.
00:45:03 - C'était plus violent à l'époque,
00:45:05 mais j'ai l'impression qu'on est sur un glissement
00:45:07 beaucoup plus rapide aujourd'hui au niveau des tensions.
00:45:09 Quand même, en 2018, quand Extinction Rebellion est né,
00:45:12 alors qu'il ne faisait qu'occuper des places,
00:45:13 on voyait ça comme la radicalité absolue.
00:45:15 Et là, aujourd'hui...
00:45:16 - On est plus sensibles.
00:45:17 - Je crois que c'est un petit peu ça.
00:45:19 On est dans une génération un peu de fragilité.
00:45:22 Non, mais je crois que voilà, on voit une montée en tension,
00:45:26 mais cette montée en tension, elle s'explique.
00:45:27 D'abord, il y a des intentions plus radicales.
00:45:30 Il y a une impatience,
00:45:31 il y a une exaspération absolue, des frustrations aussi.
00:45:34 Mais il y a aussi, de l'autre côté,
00:45:35 une stratégie de l'État à questionner.
00:45:37 C'est-à-dire que l'État aussi se démarque
00:45:39 par sa volonté de criminaliser, de réprimer
00:45:42 et de disqualifier un mouvement.
00:45:43 On parlait tout à l'heure de la qualification
00:45:45 du mouvement écologiste comme des éco-terroristes.
00:45:48 On se souvient de la petite phrase d'Emmanuel Macron
00:45:49 sur les Amish, qui moquait les écologistes déjà.
00:45:52 Il y a un certain nombre de lois aussi
00:45:54 qui ont été mises en place pour réprimer
00:45:55 et pour surveiller beaucoup plus facilement les écologistes.
00:45:58 Et ça, on a un certain nombre d'exemples
00:46:00 dans notre enquête.
00:46:01 Donc voilà, ces tensions-là et cette violence aujourd'hui,
00:46:04 même si elle n'est pas comparable
00:46:05 à celle des années 70 et 80,
00:46:07 elle est aussi explicable par différents facteurs.
00:46:10 Et d'où notre conclusion dans le livre.
00:46:13 Une des conclusions, c'est que ce sont
00:46:14 deux radicalités qui se nourrissent l'une et l'autre.
00:46:16 D'où ce niveau-là.
00:46:17 - Mais est-ce que vous n'avez pas l'impression
00:46:18 que du côté de l'État, on anticipe
00:46:20 une radicalisation qui leur semble,
00:46:22 de toute façon, inévitable ?
00:46:24 - Bien sûr.
00:46:25 - C'est-à-dire que l'ordre républicain
00:46:28 dont parle Gérald Darmanin
00:46:30 et dont tout le monde parle,
00:46:31 est-ce qu'il résistera à une augmentation
00:46:33 de température de 3 ou 4 degrés ?
00:46:39 Je vous rappelle que les projections,
00:46:40 c'est qu'en 2050, en France, l'été,
00:46:42 il fera plus de 40 degrés partout.
00:46:45 Et avec des pointes dans des endroits comme Nîmes
00:46:48 à près de 50 degrés.
00:46:50 À ce moment-là, est-ce que la propriété privée,
00:46:52 est-ce que l'ordre républicain,
00:46:54 est-ce que la paix civile,
00:46:56 ça va tenir longtemps ?
00:46:57 En fait, l'État anticipe.
00:46:59 Anticipe une radicalisation
00:47:01 qui lui semble inéluctable.
00:47:03 - L'État anticipe, mais on peut aussi se demander
00:47:05 si l'État ne nourrit pas aussi la colère
00:47:07 et donc la possible radicalité.
00:47:09 On se souvient par exemple à Seine-Solide
00:47:12 de ce dispositif policier qui était très important,
00:47:15 de déclarations tout au long de la semaine
00:47:16 qui annonçaient l'affrontement,
00:47:17 qui posait presque un rendez-vous
00:47:19 et qui a, en quelque sorte, galvanisé aussi les troupes.
00:47:23 Je ne pense pas que l'État est responsable
00:47:25 de ce qui s'est passé.
00:47:26 Mais il y a un certain nombre d'ingrédients,
00:47:27 un certain nombre de facteurs à considérer.
00:47:29 - Parce qu'il en veut venir des gropuscules extrêmes,
00:47:31 radicaux qui étaient venus uniquement
00:47:33 pour permettre des actes de violence.
00:47:35 - Mais on peut se demander si mettre 3000 policiers
00:47:37 autour d'une cible ne va pas justement
00:47:39 amener les radicaux à vouloir aller chercher le drapeau.
00:47:43 - Si l'État anticipe des questions d'ordre public,
00:47:47 il faudrait aussi qu'il anticipe
00:47:49 sur ce changement de température, quoi,
00:47:51 qu'il soit peut-être un peu plus radical.
00:47:53 C'est ce dont on parle, là.
00:47:54 - Mais si vous anticipez sur le changement de température
00:47:56 avec des politiques radicales, vous mettez...
00:47:59 - On met aussi les gens dans la rue.
00:48:01 - ...quelques centaines de milliers...
00:48:02 - Quand on augmente la taxe sur le carbone,
00:48:04 on a aussi les gens dans la rue.
00:48:05 On est sur une société assez difficile à gouverner.
00:48:08 - C'est le moins qu'on puisse dire, Philippe Peignard ?
00:48:10 - C'est intéressant, cette histoire
00:48:11 de faut-il conquérir les coeurs ou pas.
00:48:13 Dans un régime démocratique, dans une société civilisée,
00:48:15 si on a une idée à laquelle on tient,
00:48:17 on essaye de convaincre un certain nombre de gens,
00:48:19 des candidats aux élections, et puis on essaye de gagner.
00:48:21 Et quand on gagne, on déroule le programme
00:48:23 sur lequel on a été élu.
00:48:24 Le moins qu'on puisse dire est que les écolos, en France,
00:48:26 n'arrivent pas à convaincre.
00:48:28 Je parle de la branche, pour le coup, non armée,
00:48:30 les écologistes classiques.
00:48:32 Le jeu démocratique, il n'arrive pas à convaincre.
00:48:35 Bon, alors, c'est aussi une bonne nouvelle.
00:48:37 C'est aussi parce que leur discours,
00:48:39 c'est un petit peu généralisé.
00:48:40 C'est-à-dire que tous les partis, maintenant,
00:48:41 ont une dimension écologique dans leur programme,
00:48:43 parce que tout le monde a bien pris conscience,
00:48:44 évidemment, de la problématique.
00:48:45 Mais c'est tout de même, moi, je trouve ennuyeux
00:48:48 de passer à l'idée que, puisqu'on ne peut pas convaincre,
00:48:50 on va faire autrement et on va agir violemment.
00:48:53 C'est vraiment quelque chose qu'on doit condamner
00:48:54 en démocratie.
00:48:55 Mais ce n'est pas ce que font les écologistes.
00:48:56 On ne peut pas dire les écologistes,
00:48:58 ne gagnent pas les élections.
00:48:59 Ces écologistes, c'est pas certainement,
00:49:00 laissez-moi finir ma phrase.
00:49:01 Non, non, mais c'est ce que font ces écologistes-là.
00:49:03 C'est une chose qui est inexacte.
00:49:04 Les écologistes, d'abord, ne sont pas si minoritaires que ça.
00:49:07 Ces écologistes-là, ils font 10 % aux élections.
00:49:10 Ils sont totalement minoritaires.
00:49:11 Et on a toujours eu des petits gros puscules.
00:49:13 On peut remonter aux années 90, 1890,
00:49:15 et les anarchistes pour lutter contre le capitalisme et autres.
00:49:18 Donc là, je pense que c'est de ce phénomène-là qu'on parle.
00:49:20 Exactement.
00:49:21 On ne parle pas d'un mouvement politique national.
00:49:22 Si vous ne m'aviez pas entendu, c'est ce que je disais.
00:49:23 Les écologistes qui font 10 %, c'est-à-dire une minorité,
00:49:26 10 %, c'est une minorité,
00:49:27 et qui n'arrivent pas à en décoller,
00:49:28 je le regrette pour eux, mais c'est un fait,
00:49:30 n'arrivent pas à gagner les cœurs.
00:49:32 Et donc, ces gens-là pensent qu'il n'y a pas besoin
00:49:34 de gagner les cœurs.
00:49:35 Moi, je pense qu'il y a aussi un problème
00:49:36 de rapport à la science.
00:49:37 C'est-à-dire, par exemple, ils disent,
00:49:38 "Regardez, les températures vont monter de 4 degrés,
00:49:40 c'est ce que nous dit le GIEC."
00:49:42 Très bien.
00:49:43 Donc, croyons donc à la science,
00:49:44 croyons aux rapports d'experts.
00:49:45 Mais par ailleurs, il y a des experts qui disent,
00:49:47 "Une fois, deux fois, cinq fois, c'est jugé par la justice,
00:49:49 c'est rejugé.
00:49:50 Les bassines de Saint-Solil, non seulement,
00:49:52 ne posent pas d'inconvénients, d'un point de vue écologique,
00:49:55 mais en plus, elles vont permettre de réguler l'hydrologie
00:49:58 parce que l'été, ils tireront moins
00:50:00 en termes de ressources d'eau."
00:50:02 Je ne sais pas si c'est vrai, je ne suis pas scientifique,
00:50:04 mais il y a eu des rapports d'experts qui ont été...
00:50:06 Mais il y a eu des rapports qui disaient le contraire,
00:50:08 qui disaient que l'évaporation n'a pas été prise en compte.
00:50:10 Comme vous savez, on vit dans un État à peu près démocratique,
00:50:12 il y a des procédures, et donc, ces constructions
00:50:14 n'ont pu être possibles que parce que les experts
00:50:17 avaient finalement tranché et la justice
00:50:19 leur a donné raison.
00:50:20 Donc, vous ne pouvez pas dire, d'un côté,
00:50:22 il y a la science, il y a les experts du GIEC,
00:50:24 j'ai peur, et d'un autre côté, les experts de Saint-Solil
00:50:26 qui disent qu'on peut faire des bassines sans inconvénients,
00:50:28 voire avec des avantages, on tort.
00:50:30 On croit à la science ou on n'y croit pas.
00:50:31 C'est ça aussi qui est un peu problématique, je trouve,
00:50:33 d'un point de vue intellectuel, c'est-à-dire qu'on choisit
00:50:35 la science quand elle sert votre cause,
00:50:37 on ne veut pas entendre la science quand elle dit
00:50:39 "Non, finalement, c'est très bien de faire un tunnel
00:50:41 parce que ça va économiser du dioxyde de carbone,
00:50:43 c'est très bien de faire des bassines,
00:50:44 ça va réguler l'hydrologie."
00:50:45 Alors là, la science, on ne l'écoute plus.
00:50:47 Donc, il faut savoir, soit on est révolutionnaire,
00:50:49 anticapitaliste, et on se moque de la science,
00:50:51 c'est une option, c'est vrai, pour le coup,
00:50:53 je reviens sur ce que vous disiez,
00:50:54 il y a toujours eu ce petit mouvement-là en France,
00:50:56 très minoritaire, mais c'est un peu l'anarchisme
00:50:58 d'il y a 100 ans, mettons, 150 ans,
00:51:00 ou bien alors, soit vous prenez l'option inverse
00:51:03 et vous jouez le jeu démocratique,
00:51:04 et vous jouez le jeu de la science,
00:51:05 mais on ne peut pas choisir ce qui vous arrange
00:51:07 dans la démocratie et dans la science,
00:51:09 et laisser le reste.
00:51:10 Mais ce reproche, on peut aussi le faire à l'État.
00:51:12 Là, vous prenez le sujet des bassines dans les Deux-Sèvres,
00:51:17 c'est vrai, vous avez raison,
00:51:19 elles ont été jugées légales par la justice, c'est vrai.
00:51:22 En revanche, si on s'intéresse à d'autres projets,
00:51:24 d'autres grands projets qui peuvent être contestés
00:51:26 par les écologistes, par exemple,
00:51:27 le grand contournement ouest à Strasbourg,
00:51:29 un grand contournement autoroutier,
00:51:30 il y a eu 10 avis négatifs,
00:51:32 un certain nombre d'études environnementales
00:51:34 qui allaient contre ce projet,
00:51:36 et ça a été entendu par le préfet notamment,
00:51:39 et pourtant, l'État est tout de même passé en force
00:51:41 à tout de même mener ce projet, à mener ce chantier.
00:51:44 Donc voyez, le reproche que vous faites
00:51:45 à ces écologistes, on peut aussi le faire à l'État,
00:51:47 d'où cette radicalité aussi des écologistes.
00:51:49 Alors, je ne veux pas les défendre,
00:51:50 simplement je dis ça pour vous répondre.
00:51:52 Mais voilà, là, on voit aussi qu'il y a
00:51:54 deux camps qui se font face,
00:51:56 qui n'entendent plus dialoguer,
00:51:58 mais qui n'entendent même pas respecter
00:51:59 ce qui est censé faire société, en fait,
00:52:02 la justice, la démocratie.
00:52:04 Mais il y a eu des recours
00:52:05 contre le contournement ouest de Strasbourg.
00:52:06 Il y a eu des recours, mais l'État a tout de même
00:52:08 mené le chantier, et donc le temps...
00:52:09 Mais les recours, parce que les recours
00:52:10 n'avaient pas prospéré.
00:52:11 Le temps que les recours,
00:52:12 que les décisions soient rendues sur ces recours,
00:52:16 l'État est passé à mener les chantiers,
00:52:18 et donc à partir du moment où le chantier est mené,
00:52:20 c'est beaucoup trop tard.
00:52:21 Les dégâts sont menés.
00:52:23 – Un dernier mot sur ce sujet ?
00:52:25 – Non, je ne peux pas regarder les choses
00:52:26 dix ans plus tard, Notre-Dame-des-Landes,
00:52:28 est-ce qu'il fallait vraiment faire cet aéroport ?
00:52:30 Je pense qu'aujourd'hui, on serait tous d'accord
00:52:31 pour dire "ben, probablement non",
00:52:32 et s'il n'y avait pas eu des actions un peu radicales,
00:52:34 il aurait été fait.
00:52:35 Donc, voilà, le droit, c'est bien,
00:52:36 moi je suis un juriste,
00:52:37 donc je suis pour l'application du droit,
00:52:39 mais en réalité, la politique,
00:52:40 elle va un peu au-delà du droit.
00:52:42 – Un dernier mot sur ce sujet, Carine Safa ?
00:52:44 – Non, moi je voulais juste dire que finalement,
00:52:46 les écologistes, radicaux ou pas,
00:52:48 n'ont pas le monopole du combat écologique,
00:52:50 et que nous sommes tous concernés,
00:52:52 et que pour réaliser la transition écologique,
00:52:54 il paraît que les efforts individuels
00:52:57 comptent pour 25% finalement de la transition,
00:52:59 ce qui est énorme,
00:53:00 parce qu'on peut par nous-mêmes, nous tous,
00:53:02 enclencher des dynamiques positives.
00:53:05 Donc voilà, même si on n'est pas affiliés à un parti,
00:53:08 nous, par la force des choses,
00:53:09 nous le sommes tous, ces écologistes.
00:53:11 – On laisse Isabelle Piboulot faire le rappel des titres,
00:53:14 et on se demandera ensuite,
00:53:16 peut-on encore croire au progrès ?
00:53:19 C'est la suite logique de ce débat.
00:53:22 [Musique]
00:53:26 – Emmanuel Macron a célébré l'unité des mémoires de la résistance
00:53:30 en ce 83ème anniversaire de l'appel du 18 juin.
00:53:33 91 résistants et otages étrangers fusillés au mont Valérien
00:53:38 ont été reconnus morts pour la France.
00:53:40 La panthéonisation de Missaque Manouchian a également été annoncée.
00:53:44 Il s'agit du premier résistant étranger et premier communiste
00:53:48 à entrer dans le temple des grandes figures de la République.
00:53:51 La France frappée par de violents orages.
00:53:54 Le trafic ferroviaire a été perturbé sur plusieurs lignes en Ile-de-France,
00:53:58 où la route nationale 118 a été inondée.
00:54:01 De nombreux foyers ont été privés d'électricité,
00:54:04 près de 11 000 dans le Val d'Oise.
00:54:06 Une tornade a également été observée en Seine-Maritime.
00:54:09 Au total, 13 départements sont toujours placés en vigilance orange
00:54:13 par Météo-France.
00:54:14 Des Indes ont péri, toujours.
00:54:16 Cyclone meurtrier au sud du Brésil.
00:54:18 Au moins 13 personnes ont péri.
00:54:20 4 autres sont portées disparues depuis jeudi.
00:54:23 Les autorités déplorent des milliers de sinistrés.
00:54:26 Des dizaines de communes près de Porto Alegre sont inondées.
00:54:29 Les liens entre la catastrophe et le changement climatique
00:54:32 ne sont pas écartés.
00:54:37 Bienvenue, si vous nous rejoignez maintenant,
00:54:39 les visiteurs du soir, c'est de 22h jusqu'à minuit.
00:54:42 Pascal Saint-Amand, l'ancien directeur fiscal de l'OCDE
00:54:45 qui vient de publier "Paradis fiscaux, comment on a changé le monde",
00:54:49 nous a raconté à 22h comment on avait réussi à mettre fin au secret bancaire,
00:54:53 ce qui a permis d'ouvrir 111 millions de comptes dans les paradis fiscaux
00:54:57 et de récupérer 114 milliards d'impôts et de pénalités.
00:55:00 À 23h30, il nous racontera comment il a fait pour mettre en place
00:55:04 un impôt minimum mondial de 15% sur les sociétés,
00:55:07 qui va mettre fin à partir de janvier prochain
00:55:10 à l'évitement fiscal de beaucoup de multinationales comme Google ou Amazon.
00:55:14 Mais d'abord, peut-on encore croire au progrès ?
00:55:17 C'est le titre d'un livre collectif qui sort vendredi prochain.
00:55:20 Karine Safa, vous êtes philosophe, vous faites partie des auteurs,
00:55:23 on vous doit également "Pourquoi la Renaissance peut sauver le monde"
00:55:27 qui vient d'être réédité en poche.
00:55:30 Armand Rouvier nous a rejoint, c'est l'auteur de "Peut-on encore être conservateur ?"
00:55:36 une anodologie entre les titres qui laisse présager un débat intéressant.
00:55:41 Ainsi que l'écrivain Patrice Jean qui tourne "Le monde moderne en dérision"
00:55:46 dans "La poursuite de l'idéal" ou dans "L'huile magnifique" qui est sorti en octobre dernier.
00:55:50 Est-ce que Patrice Jean est là, en duplex avec nous ?
00:55:54 Non, il sera là dans quelques secondes, on l'attendra.
00:55:57 Donc Philippe Manière est également avec nous, ancien directeur général de l'Institut Montaigne.
00:56:02 Il préside aujourd'hui Veil et Solis,
00:56:04 un cabinet de conseil en stratégie de communication et capital réputation.
00:56:09 C'est l'auteur de "Comment le monde d'après nous rend tous fous ?"
00:56:13 Et puis il y a évidemment encore avec nous Anthony Cortès.
00:56:18 Alors pendant Karine Safa, est-ce qu'on peut encore croire au progrès ?
00:56:22 Pendant deux siècles, on a cru à l'avenir.
00:56:25 J'ai l'impression qu'on n'y croit plus à l'avenir.
00:56:28 Vous avez tout à fait raison.
00:56:30 Le progrès est entré en crise.
00:56:32 C'est la grande caractéristique de notre modernité.
00:56:36 Je pense qu'il faudrait brièvement revenir sur l'histoire du progrès.
00:56:40 Le progrès a une histoire.
00:56:42 Cette notion a commencé à se mettre en place à la Renaissance avec Francis Bacon.
00:56:48 Chez lui, pour la première fois, le progrès a un sens temporel.
00:56:53 Il y a le sens d'une progression temporelle.
00:56:55 C'est-à-dire par l'accroissement de nos connaissances,
00:56:57 on va pouvoir contribuer à améliorer notre condition humaine.
00:57:02 Évidemment, le XVIIIe siècle, le siècle des Lumières,
00:57:05 va théoriser cette notion-là.
00:57:07 On trouve un optimisme historique énorme,
00:57:10 une forme de sacralisation de l'histoire.
00:57:14 Et le progrès va servir justement à mettre en avant
00:57:18 cette idée de liberté, d'égalité, de justice.
00:57:22 Le XIXe siècle, c'est le siècle du rêve,
00:57:25 des grandes utopies progressistes et sociales,
00:57:27 avec Saint-Simon, par exemple.
00:57:29 C'est le siècle des grandes philosophies de l'histoire,
00:57:33 qui sont habitées par cette idée que le négatif que nous vivons,
00:57:36 les conflits auxquels nous sommes confrontés, les guerres,
00:57:39 ne sont finalement, comme le dira Hegel, qu'une ruse de la raison
00:57:42 pour nous conduire vers une forme de rationalité.
00:57:45 L'histoire a un sens qui s'accomplit presque à notre insu.
00:57:50 Il faut se souvenir des premières pages de "La démocratie en Amérique"
00:57:53 de Tocqueville. Il disait cette chose extraordinaire.
00:57:56 Il observe le développement de l'égalité des conditions.
00:57:59 Et il nous dit ce livre, je l'ai écrit sous l'impression
00:58:02 d'une terreur religieuse, parce que j'observe
00:58:05 que cette révolution est inéluctable, elle est en marche.
00:58:08 C'est comme si la main même de Dieu s'en mêlait,
00:58:12 pour faire progresser l'humanité vers plus de bonheur.
00:58:16 Évidemment, au début du XXe siècle, avec la Première Guerre mondiale,
00:58:21 cette idée de progrès s'effondre.
00:58:24 On avait mis toute notre foi dans la science, dans la technique,
00:58:27 et au cours des siècles, elle avait largement contribué
00:58:29 à nourrir cette idée de progrès.
00:58:31 Et là, on découvre avec stupeur, avec effroi,
00:58:34 que la science et la technique dans lesquelles on avait mis
00:58:36 toute notre foi, pouvaient aussi contribuer à la barbarie,
00:58:40 pouvaient aussi contribuer finalement au nihilisme.
00:58:44 Et on découvre que l'histoire n'est plus habitée par la raison,
00:58:47 mais par les forces du chaos.
00:58:50 Et voilà, donc aujourd'hui...
00:58:53 - La Seconde Guerre mondiale, ça n'a pas beaucoup été mieux ?
00:58:55 - Non, complètement.
00:58:57 Et donc aujourd'hui, je pense qu'on n'en est pas complètement sortis.
00:59:00 On peut dire que oui, le XXe et le XXIe siècles ont vu le progrès...
00:59:04 - Il y a eu quand même, après la Seconde Guerre mondiale,
00:59:06 il y a eu un grand élan progressiste.
00:59:09 Alors, savoir à quel moment il s'est arrêté, on peut en discuter,
00:59:13 mais il y a eu quand même, on a cru, en l'avenir,
00:59:15 on attendait tous l'an 2000.
00:59:17 On a été un peu déçus quand l'an 2000 est arrivé.
00:59:20 On s'est dit, bah tiens, is that all there is ?
00:59:22 Il n'y a que ça ?
00:59:24 Et ça n'a peut-être pas...
00:59:27 Et puis après, alors, que ce soit la crise environnementale,
00:59:30 les crises économiques, tout ça a fait que,
00:59:33 on s'est demandé si effectivement, l'avenir n'était pas en train
00:59:37 de devenir une considérable menace.
00:59:40 - Vous croyez encore au progrès, Armand Rouvier ?
00:59:43 - Non, je n'y ai jamais cru.
00:59:45 Et il y a beaucoup d'intellectuels qui aussi n'y ont jamais cru.
00:59:47 Il y a un courant.
00:59:48 Et c'est vrai que le progrès, effectivement, depuis Bacon,
00:59:51 il y avait cette idée de trouver la certitude,
00:59:54 de trouver une certitude sur laquelle on pourrait enrichir
00:59:56 notre pouvoir, nos connaissances, nos connaissances techniques,
00:59:58 nous aiderait à améliorer, à créer une existence matérielle
01:00:02 propice au bonheur.
01:00:04 Et cette... Déjà, la science est beaucoup moins certaine.
01:00:07 Comme dans votre livre, qui est un clin, le souligne.
01:00:10 La science montre beaucoup plus d'incertitude aujourd'hui.
01:00:12 Donc, on a plus cette idée positiviste, qui est de même...
01:00:16 Et puis, on a du mal à penser que l'Europe est au progrès
01:00:19 et que par nos progrès techniques, nous avons une supériorité morale,
01:00:22 qui était quand même très liée à l'idée de progrès au XIXe,
01:00:25 ce qui explique son déclin.
01:00:27 Son grand siècle, vraiment, a été probablement le XIXe et le XXe,
01:00:30 et les Lumières, bien sûr.
01:00:32 Mais les Lumières, le progrès, il est bien partagé,
01:00:34 mais il est quand même très français.
01:00:35 C'est très Condorcet, c'est peut-être moins Adam Smith,
01:00:37 c'est peut-être moins Hume, c'est certainement Maaberk.
01:00:39 - Oui, c'est vrai.
01:00:40 - Patrice Jean nous a rejoint.
01:00:43 Est-ce que vous croyez encore au progrès, Patrice Jean ?
01:00:46 - Bah, écoutez, je ne sais pas si c'est une question de croyance,
01:00:51 parce que le progrès, quand même, existe,
01:00:53 dans le sens où, dans la médecine, dans la technologie,
01:00:58 dans le numérique, le progrès est une évidence.
01:01:02 Donc la question est plutôt de se poser la question,
01:01:07 comment dire, ce progrès n'est pas forcément moral.
01:01:13 Et puis, disons que le progrès technologique,
01:01:15 qui est parfois positif,
01:01:17 entraîne aussi des conséquences négatives.
01:01:19 Et il est profondément ambigu.
01:01:23 On pourrait aussi se poser une autre question,
01:01:25 c'est pourquoi est-ce qu'on a eu besoin de croire au progrès,
01:01:29 et qu'est-ce qui l'a remplacé, en fait ?
01:01:31 - Le progrès, Anthony Cortès,
01:01:36 on pourrait dire que c'est une idéologie
01:01:39 qui prélivéligie le présent par rapport au passé,
01:01:42 et qui fait espérer en l'avenir.
01:01:44 Côté écologiste...
01:01:46 - En tout cas, on ne croit pas au progrès comme une solution.
01:01:49 C'est vrai que le solutionnisme technologique,
01:01:52 on l'a mis du côté des écologistes,
01:01:55 pour au contraire, revenir vers les origines.
01:01:58 C'est vrai que quand on parle avec les écologistes,
01:02:00 ils nous parlent de circuits courts,
01:02:02 de produire chez nous,
01:02:04 d'arrêter le transport de marchandises, etc.
01:02:07 - Arrêter de prendre l'avion.
01:02:09 - Arrêter de prendre l'avion, c'est vraiment,
01:02:11 pas forcément un retour à l'âge des pierres,
01:02:13 mais en tout cas, en finir avec les dégâts
01:02:15 du capitalisme thermo-industriel.
01:02:17 C'est quelque chose qui est dit.
01:02:19 - Une question de base, c'est quoi le progrès ?
01:02:21 De quoi on parle ?
01:02:23 Est-ce que c'est un progrès vers plus de bien-être global ?
01:02:26 Et si c'est le cas, si on regarde les 30 dernières années,
01:02:28 par exemple au niveau mondial,
01:02:30 on est très franco-français,
01:02:32 je viens d'un monde multilatéral,
01:02:34 donc quand on regarde les choses de façon globale,
01:02:36 la lutte contre la pauvreté a fait des progrès,
01:02:38 même si au cours des 3 dernières années,
01:02:41 on a 120 millions de personnes
01:02:43 qui sont retombées dans l'extrême pauvreté.
01:02:45 Enfin, sur 30 ans, ça a fait des progrès énormes.
01:02:47 - 800 millions à peu près étaient sortis de l'extrême pauvreté.
01:02:49 - Bien sûr, c'est des progrès sociaux qui sont importants,
01:02:52 et si on les prend à l'échelle de l'humanité,
01:02:54 je pense qu'on peut croire au progrès à la science,
01:02:57 à la recherche en matière de cerveau,
01:03:00 à la recherche en matière de calcul quantique et autres,
01:03:03 qui font avancer les choses.
01:03:05 Après, on a une question morale qui est plus...
01:03:08 C'est à peu près l'époque du bac de philosophie,
01:03:10 donc on peut avoir 4 heures pour disserter là-dessus,
01:03:12 mais fondamentalement, le progrès défini comme
01:03:15 amélioration du bien-être collectif de l'humanité,
01:03:18 oui, avec néanmoins les difficultés qu'on constate aujourd'hui
01:03:22 de fragmentation géopolitique et autres.
01:03:24 - Mais vous savez bien que c'est plus compliqué que ça,
01:03:26 parce que la révolution numérique, la révolution de la
01:03:28 intelligence artificielle, la révolution des nanotechnologies,
01:03:31 la biologie moléculaire, ça a permis des progrès considérables,
01:03:36 ça va de soi, mais ça nous inquiète plus que ça nous réjouit.
01:03:40 Et il y a dans tous ces progrès-là des motifs d'inquiétude.
01:03:45 - Ça a toujours été le cas.
01:03:47 - Je pense que ça a toujours été le cas.
01:03:48 - Honnêtement, ça a toujours été le cas.
01:03:49 Rappelez-vous tout ce qu'on craignait de la machine à vapeur, etc.
01:03:51 Un mot quand même là-dessus, parce que j'ai entendu
01:03:53 ce qui était dit tout à l'heure sur le solutionnisme.
01:03:55 Le solutionnisme, c'est la manière dont les écologistes
01:03:57 décrivent les gens qui auraient, selon eux, la naïveté de penser
01:04:01 que la technologie peut résoudre le problème climatique.
01:04:03 Ce qui serait complètement idiot, c'est de ne croire qu'à la technique
01:04:06 et de ne pas s'occuper, de ne pas gérer le problème aujourd'hui.
01:04:09 En revanche, gérer le problème aujourd'hui, ce qui est une nécessité,
01:04:12 ne doit pas dispenser d'avoir tout de même un peu d'espoir
01:04:14 dans la technologie. Je vous donne juste un exemple.
01:04:16 Cette semaine, j'ai été confronté à deux projets qu'on m'a montrés.
01:04:19 Il y en a un, pardon, on ne l'a pas montré, je l'ai lu
01:04:22 dans The Economist cette semaine, avec un programme
01:04:25 qui pourrait s'installer au Kenya, qui permettrait, grâce à une combinaison
01:04:28 de topographie et de géologie, ne m'en demandez pas plus,
01:04:31 grâce au RIF Kenyan, de capter du carbone dans des conditions
01:04:34 extrêmement efficaces et dans des proportions considérables.
01:04:37 Je ne dis pas que ça arrivera, je suis infichu de vous dire
01:04:40 si c'est possible ou pas, mais je ne trouve pas que ce soit
01:04:43 un solutionnisme coupable que de se réjouir de l'hypothèse
01:04:46 que peut-être un jour, on pourra faire ça.
01:04:48 On pourra récupérer le carbone, c'est ça qui est le...
01:04:50 - C'est une entreprise qui a le projet de faire des mini-centrales
01:04:53 nucléaires faites en usine, qui font 6 mètres sur 6,
01:04:56 et qui peuvent alimenter sans risque de divergence nucléaire,
01:05:00 et en utilisant toujours le même combustible,
01:05:03 alimenter 400 000 ménages. Avec ça, vous pouvez faire
01:05:06 de l'hydrogène vert pour faire voler les avions, pour mettre dans les voitures,
01:05:09 etc. Je ne dis pas que ça se fera, je n'en sais rien.
01:05:12 Je ne dis pas qu'il ne faut pas agir aujourd'hui sur le climat.
01:05:15 Je dis simplement que pensez que c'est formidable qu'il y a des gens
01:05:18 qui ont peut-être arrivé à faire advenir ces solutions-là.
01:05:21 Ça ne me paraît pas une naïveté. Et en être réjoui et considérer
01:05:24 qu'il y a peut-être encore un progrès qui peut aussi consister
01:05:27 à apporter sa contribution à la crise climatique,
01:05:31 ça ne me paraît pas idiot. Il faut croire que peut-être
01:05:34 le progrès résoudra une partie de nos problèmes.
01:05:37 Après, il y a la dimension non technologique.
01:05:40 Si le progrès, c'est le progrès moral, vous appelez ça l'homme
01:05:43 qui a volé le feu ou le péché originel, comme vous voulez,
01:05:46 c'est vrai qu'il y a assez peu de chances que la condition humaine
01:05:49 soit réformée par décret. Mais c'est une autre question.
01:05:52 - Justement, la notion de progrès est plus extensive.
01:05:55 Dans ce que vous dites, des avancées technologiques,
01:05:58 des adaptations à notre monde pour conserver le monde.
01:06:01 L'écologie, c'est conserver le monde tel qu'il est.
01:06:04 Le discours, c'est essayer d'arrêter le plus possible la crise écologique
01:06:07 et essayer de conserver quelque chose. On est quand même à l'antithèse
01:06:10 de ce qu'a été la matrice du progrès qui était tournée vers l'avenir.
01:06:13 Le progrès, c'était vraiment rejeter l'autorité du passé
01:06:17 pour, grâce à notre connaissance, avoir un avenir meilleur.
01:06:21 Or, la crise écologique, c'est garder le statut quo le plus possible.
01:06:25 On est quand même dans une antinomie.
01:06:27 Ce que vous décrivez, c'est en fait une solution technique
01:06:30 à un problème actuel. Mais on n'est plus du tout dans ce qui faisait
01:06:34 la matrice de cette idée qui était que la...
01:06:38 Comment dire ? L'accroissement de la connaissance technique
01:06:41 et scientifique amenait à un accroissement moral.
01:06:44 C'est particulier chez Condorcet.
01:06:46 - C'était aussi l'idée qu'avant, c'était la nature qui était la menace
01:06:50 et le progrès technique et scientifique qui était la solution.
01:06:53 Aujourd'hui, c'est l'inverse. C'est le progrès technologique
01:06:56 et scientifique qui est la menace et la nature qui est la solution.
01:06:59 - C'est un autre excès. - On voit, effectivement.
01:07:01 Mais on peut voir les limites, justement, de cette idée,
01:07:04 de ce technicisme. D'ailleurs, on voit très bien en Union soviétique
01:07:07 à quel point un technicisme complètement débridé et sans sens
01:07:11 a été un désastre écologique.
01:07:13 - Patrice Jean, pardon.
01:07:15 - Oui, alors, je suis d'accord avec tout ce qui est dit.
01:07:20 Concernant la notion de progrès, je me pose la question
01:07:24 de l'instrument de mesure. Parce que si on parle de progrès,
01:07:28 on veut parler de quelque chose qui va...
01:07:31 Comment dire ? Qui dépasse une limite.
01:07:34 Et si on prend, par exemple, la démographie,
01:07:37 l'humanité était de 1 milliard, je crois, au début du 20e siècle.
01:07:41 Elle est aujourd'hui de 7 ou 8 milliards.
01:07:43 Alors, on peut considérer que c'est un progrès
01:07:45 ou est-ce que ce n'est pas un progrès ?
01:07:47 Et, au fond, quand on pose la question de progrès,
01:07:51 ou d'un avenir meilleur, mais meilleur,
01:07:54 qu'est-ce que ça veut dire, en réalité ?
01:07:56 Est-ce que, par exemple, si on parle de littérature,
01:07:58 quand même plus mon domaine, évidemment, il n'y a pas de progrès
01:08:01 en littérature, il n'y a pas de progrès en art,
01:08:03 il y a des modifications, il y a des nouvelles individualités.
01:08:06 Vivre mieux, c'est évident. Et plus longtemps,
01:08:10 est-ce que c'est un progrès ?
01:08:12 Mais vous voyez ce que je veux dire.
01:08:14 Je serais très mal à l'aise, en fait, avec cette notion,
01:08:17 parce qu'elle demande d'être précisée, d'être mesurée.
01:08:22 - Je peux préciser.
01:08:23 - D'être relative, de dire de quoi on parle exactement.
01:08:27 - On va poser la question à Karine Safa.
01:08:30 Dans votre texte, "Pour t-on encore croire au progrès ?",
01:08:34 vous dites que le progrès, c'est l'aptitude à dépasser l'ancien
01:08:37 pour faire du neuf.
01:08:39 - Oui, c'est-à-dire que j'aimerais déjà préciser
01:08:43 qu'il y a des progrès sectoriels, effectivement,
01:08:46 qu'on peut lister, mais il y a aussi la méta-idée
01:08:50 de progrès qui nous lie à l'avenir.
01:08:52 Et en fait, si on se déleste de cette idée de progrès,
01:08:55 on se délie de l'avenir. Et je trouve ça très, très grave.
01:08:59 Et c'est peut-être ça qui est en panne aujourd'hui.
01:09:01 Ce sont nos imaginaires qui sont en panne.
01:09:03 Ce sont nos capacités de prospective qui sont en panne.
01:09:05 Et je pense que c'est essentiel aujourd'hui de continuer
01:09:08 à croire au progrès. Il s'agit bien d'une croyance, finalement.
01:09:11 Le progrès, on est très vulnérable face au progrès,
01:09:13 parce que c'est une fable. C'est quelque chose que nous inventons.
01:09:16 C'est quelque chose que nous construisons, en fait.
01:09:19 C'est quelque chose que nous désirons.
01:09:21 Est-ce que nous voulons continuer à aller vers l'avenir ?
01:09:24 La question est là. Parce que si nous ne croyons pas au progrès,
01:09:26 mais quelle est l'alternative ? Je voulais vous dire, moi,
01:09:28 quelle est l'alternative si nous ne croyons pas au progrès ?
01:09:31 Nous serons dans un monde, voilà, vidé de toute forme d'espoir.
01:09:37 Nous serons confrontés au nihilisme.
01:09:39 Nous serons confrontés à la résignation.
01:09:41 Nous serons confrontés au fatalisme.
01:09:43 – Je vous interromps, pardonnez-moi, Karine,
01:09:45 mais il y a eu des sociétés anti-progrès.
01:09:47 Je pourrais même dire que pendant l'essentiel de l'histoire de l'humanité,
01:09:51 on vivait dans des sociétés traditionnelles
01:09:53 qui voulaient que rien ne bouge, qu'on ne change rien.
01:09:56 – Et qu'on respecte le passé et on ne se suicide pas.
01:10:00 – Mais aujourd'hui, nous vivons quand même dans un monde contemporain
01:10:03 avec des menaces énormes.
01:10:05 Nous sommes confrontés, mais vraiment, à des défis écologiques,
01:10:08 climatiques, migratoires.
01:10:10 Donc nous devons apporter des réponses à toutes ces questions-là.
01:10:14 C'est Anne Arendt qui disait que de nos récits, en fait,
01:10:17 dépend la survie de l'humanité.
01:10:19 Donc vous voyez l'enjeu.
01:10:21 Donc quels sont les nouveaux récits que nous voulons mettre en place
01:10:24 aujourd'hui pour pouvoir demeurer dans ce monde,
01:10:27 alors que les conditions d'habitabilité de ce monde sont menacées, finalement.
01:10:33 Et donc l'enjeu est énorme.
01:10:35 Et je pense que le plus grand ennemi, finalement, du progrès,
01:10:38 c'est le pessimisme.
01:10:40 Le pessimisme ambiant dans lequel nous baignons.
01:10:43 Et on a tendance à confondre le progressisme avec une posture négative,
01:10:47 c'est-à-dire remettre en question les élites, la mondialisation, le système.
01:10:51 Il y a le catastrophisme écologique.
01:10:54 Mais ce n'est pas ça, le progressisme.
01:10:56 C'est une vision très étroite du progrès.
01:10:58 Ce n'est pas une posture, finalement, de contestation, mais de création.
01:11:02 Il n'y a rien de plus créatif et de plus courageux que le progrès.
01:11:05 C'est de continuer à ouvrir l'avenir malgré tous les motifs de désespérance.
01:11:10 Et je pense, à quoi est-ce qu'on reconnaît le véritable progrès ?
01:11:14 Au fait qu'on entretienne une relation amicale avec l'avenir,
01:11:18 malgré tous les obstacles, malgré toutes les sources de désespérance.
01:11:21 Et puis le fait aussi de mettre en avant des projets porteurs d'espérance collective.
01:11:25 Ça, c'est le rôle du politique.
01:11:27 Le fait de mettre en avant, et c'est peut-être ce dont nous manquons le plus aujourd'hui,
01:11:30 de nouvelles utopies concrètes, capables de nous projeter sur le long terme,
01:11:35 et capables de mobiliser les énergies collectives.
01:11:38 Donc aujourd'hui, il n'y a pas à s'en sortir.
01:11:40 Si on ne croit pas au progrès, l'humanisme devient synonyme de nihilisme.
01:11:46 Oui, je ne suis pas entièrement d'accord avec ça.
01:11:48 Je comprends très bien et je suis tout à fait pour que l'on repense le progrès.
01:11:52 Moi, je ne suis pas de ce côté-là, mais il faut, à mon avis, pour ceux qui y croient,
01:11:56 il faut recréer une idée du progrès qui soit plus adaptée.
01:11:58 Cependant, il y a dans l'idée de progrès déjà du soupçon.
01:12:01 Je pense d'ailleurs au texte de Bacon sur la superstition,
01:12:04 où il voit toutes les anciennes coutumes et toutes les anciennes superstitions
01:12:08 comme ayant établi une monarchie absolue dans l'esprit des hommes.
01:12:10 Il faut enlever tout ça, enlever tout ce qui est ancien,
01:12:12 faire une pêche blanche pour recréer.
01:12:14 Il faut trouver une certitude aussi.
01:12:16 C'est une idée, j'ai la connaissance.
01:12:18 Et donc, ça donne un projet très fort à la politique, effectivement,
01:12:21 et avec beaucoup d'espoir.
01:12:23 Moi, je pense peut-être qu'il serait plus sage d'avoir des projets plus modestes,
01:12:26 parce que le progrès n'a pas fait que des bonnes conséquences.
01:12:28 Et on peut créer un discours autour d'un héritage, autour justement du passé,
01:12:33 alors au lieu de mettre finalement de l'espoir dans un avenir qui n'existe pas
01:12:37 et que nous ne connaissons pas, donc que nous imaginons,
01:12:39 plutôt dans un passé que certes, nous ne connaissons que très imparfaitement
01:12:42 et que nous imaginons aussi, mais qui est quand même plus sensible,
01:12:45 qui est plus là pour essayer de le conserver, de l'améliorer.
01:12:47 Et ce plébiscite de tous les jours, comme disait Renan,
01:12:53 dans un texte que je trouve très conservateur,
01:12:55 qui est "Qu'est-ce qu'une nation ?" a une force,
01:12:57 a quelque chose qu'on l'ont peut proposer.
01:13:00 Et il a moins de force que l'idée de progrès, je vous l'accorde,
01:13:02 mais je trouve ça plus sage.
01:13:04 Vous parlez très justement de Renan, qui disait "Ma religion, c'est le progrès".
01:13:08 Et justement, c'est exactement ce qu'il ne faut pas faire aujourd'hui.
01:13:10 Il ne faut plus faire du progrès une religion, un dogme.
01:13:13 Et on voit qu'au cours des siècles, finalement,
01:13:15 on pensait que le progrès était linéaire, que c'était un processus inéluctable,
01:13:18 que c'était une sorte d'escalier qu'on montait.
01:13:20 Et ça, c'est mort. Ça, c'est complètement mort.
01:13:22 Et heureusement, parce que ça ouvre à nouveau le possible.
01:13:25 Et donc, vous avez raison, je pense qu'il faudrait aujourd'hui
01:13:27 aborder et reconstruire le progrès de façon très, très humble.
01:13:31 Je n'ai aucune certitude par rapport à l'avenir.
01:13:33 Je ne peux pas vous dire que demain sera meilleur qu'aujourd'hui.
01:13:36 Oui, mais Bechel cherchait la solution.
01:13:37 Mais en revanche, c'est une exigence morale peut-être de le croire.
01:13:40 Et je pense que c'est de cette manière qu'il faudrait considérer le progrès,
01:13:43 dans le sens où nous n'avons plus le choix.
01:13:45 Philippe Pagnière, vous voulez s'en mêler ?
01:13:47 Non, non, non, je disais, je n'ai aucune certitude par rapport à l'avenir.
01:13:50 Je vous disais, ça me paraît prudent, parce qu'effectivement,
01:13:52 il y a bien malin qui peut nous dire.
01:13:53 Mais ce qui me frappe beaucoup, ça réunit les deux parties de l'émission,
01:13:56 c'est-à-dire que vous avez, chez les écologistes, une tentation conservatrice,
01:13:59 au sens de… Parfois réactionnaire, je dirais.
01:14:01 Même réactionnaire à certains égards.
01:14:02 Je suis d'ailleurs ni pour ni contre, vous citaiez tout à l'heure Börke,
01:14:04 qui a d'immenses mérites.
01:14:05 Je pense qu'on a perdu de vue pendant longtemps,
01:14:08 et une grande partie de l'opinion ne l'a toujours pas retrouvé,
01:14:11 le bénéfice que peut avoir la tradition.
01:14:15 Non pas que tout soit bon dans la tradition,
01:14:17 mais il y a en soi, dans la transmission d'une génération à l'autre
01:14:20 d'un certain nombre de valeurs, un bénéfice social,
01:14:22 une sorte de bienfait en soi.
01:14:24 Donc le fait qu'on retrouve un petit peu ça,
01:14:26 même si c'est sur un mode, j'allais dire,
01:14:28 pas forcément très intellectualisé, parfois paradoxal chez les écologistes,
01:14:31 n'est pas complètement mauvais.
01:14:33 Il est vrai que très certainement, entre 1945 et les années 2000,
01:14:37 pour faire simple, on a un peu beaucoup cru au progrès,
01:14:39 puisque vous disiez tout à l'heure, à juste titre,
01:14:41 qu'il y a eu des périodes dans lesquelles on ne croyait plus au progrès.
01:14:43 Mais enfin, entre 1945 et la chute du mur, j'allais dire,
01:14:45 ça a été vraiment une espèce, au contraire, il me semble-t-il,
01:14:48 d'optimisme général sur le sujet.
01:14:50 Progrès à la fois technique, qui était sous nos yeux tous les jours,
01:14:53 puis progrès politique.
01:14:54 Et il me semble que cette parenthèse s'est certainement fermée,
01:14:57 parce qu'il y a eu des désillusions qui s'attachaient à la mondialisation,
01:15:00 qui s'attachaient à une sorte d'impasse dans la canotée,
01:15:02 puis on ne l'a pas encore signalé, beaucoup en filigrane,
01:15:04 mais jamais explicitement,
01:15:05 l'effondrement des grandes religions du livre,
01:15:07 enfin de beaucoup d'entre elles en tout cas,
01:15:09 qui était également un élément, j'allais dire,
01:15:11 à la fois de régulation sociale, de génération d'un surmoi
01:15:14 qui n'était pas inutile d'un point de vue sociologique,
01:15:16 et puis qui créait également une espérance.
01:15:18 Vous parliez tout à l'heure du progrès comme étant la seule espérance possible,
01:15:21 pour les gens qui croient, qui sont de moins en moins nombreux.
01:15:24 Donc l'espérance, elle est là aussi.
01:15:26 Donc c'est vrai que s'il n'y a plus de progrès,
01:15:28 s'il n'y a plus de grandes religions,
01:15:30 vous vous trouvez assez rapidement dans une espèce d'impasse,
01:15:32 où vous êtes en gros entre le yoga et la destruction de la serre maraîchère.
01:15:35 Je vais réagir quand même, pour ramener un peu de contradiction,
01:15:38 sur le fait que le progrès, c'est aussi la libération,
01:15:40 la libération des hommes, de la tradition,
01:15:42 la libération des hommes, des dogmes religieux.
01:15:45 C'est toute l'histoire du 18e et du 19e siècle.
01:15:47 Et moi, je vais quitter les très grandes références philosophiques
01:15:51 et aller vers un livre qui est extrêmement drôle et très fin,
01:15:53 je crois que c'est Louis Slotter, qui s'appelle "Comment j'ai mangé mon père",
01:15:56 qui est un jeune qui raconte comment son père invente le feu,
01:16:00 et puis invente la technique.
01:16:02 C'est Ron Lewis.
01:16:03 Oui, c'est Ron Lewis.
01:16:04 Et un oncle qui dit "Back to the trees",
01:16:06 je remonte tout ça, dès que je peux.
01:16:08 Donc voilà, ça résume un peu tout ça.
01:16:10 Un livre qui a été écrit au début des années 60,
01:16:12 au moment où on avait grande peur de la guerre nucléaire.
01:16:14 Mais il y avait la petite peur du 20e siècle.
01:16:16 Et lui, enfin pardon, je ne veux pas me donner le ridicule
01:16:18 de faire des références philosophiques devant vous,
01:16:20 mais il y a eu toute une école à la sortie de la Deuxième Guerre mondiale,
01:16:22 pour les raisons que vous disiez,
01:16:24 qui a été une école qui a été créée pour les gens qui ont été enceintes.
01:16:26 Et donc, il y a eu une école qui a été créée pour les gens qui ont été enceintes.
01:16:28 Et donc, il y a eu une école qui a été créée pour les gens qui ont été enceintes.
01:16:30 Et donc, il y a eu une école qui a été créée pour les gens qui ont été enceintes.
01:16:32 Et donc, il y a eu une école qui a été créée pour les gens qui ont été enceintes.
01:16:34 Et donc, il y a eu une école qui a été créée pour les gens qui ont été enceintes.
01:16:36 Et donc, il y a eu une école qui a été créée pour les gens qui ont été enceintes.
01:16:38 Et donc, il y a eu une école qui a été créée pour les gens qui ont été enceintes.
01:16:40 Et donc, il y a eu des signes positifs aujourd'hui dans le monde
01:16:42 Et donc, il y a eu des signes positifs aujourd'hui dans le monde
01:16:44 qui nous montrent qu'une nouvelle forme de progrès est en marche.
01:16:46 Tout ce qui relève par exemple aujourd'hui de l'économie circulaire,
01:16:48 Tout ce qui relève par exemple aujourd'hui de l'économie circulaire,
01:16:50 cette économie qui recycle des déchets plutôt que de produire en permanence,
01:16:52 tout ce qui relève du biomimétisme,
01:16:54 tout ce qui relève du biomimétisme,
01:16:56 tout ce qui relève de l'économie régénérative ou symbiotique.
01:16:58 Aujourd'hui, on sait qu'on peut créer de la richesse
01:17:00 Aujourd'hui, on sait qu'on peut créer de la richesse
01:17:02 en créant des synergies avec le monde vivant.
01:17:04 Et l'avenir est là, dans ces mécanismes de coopération,
01:17:06 Et l'avenir est là, dans ces mécanismes de coopération,
01:17:08 plutôt que dans la surexploitation finalement.
01:17:10 plutôt que dans la surexploitation finalement.
01:17:12 Mais peut-être aussi dans une intelligence artificielle
01:17:14 qui va prendre les métiers de la plupart d'entre nous.
01:17:16 Vous savez bien qu'on est toujours à la croisée des chemins.
01:17:18 Vous savez bien qu'on est toujours à la croisée des chemins.
01:17:20 Pour libérer les hommes et faire des choses plus intenses.
01:17:22 Pour libérer les hommes et faire des choses plus intenses.
01:17:24 L'histoire nous a toujours montré que l'homme va trouver des solutions
01:17:26 L'histoire nous a toujours montré que l'homme va trouver des solutions
01:17:28 quand il est acculé.
01:17:30 Je voulais rebondir sur ce que disait Patrice Jean tout à l'heure.
01:17:32 Je voulais rebondir sur ce que disait Patrice Jean tout à l'heure.
01:17:34 Il disait "Est-ce qu'il y a un progrès en littérature ?"
01:17:36 Il disait "Est-ce qu'il y a un progrès en littérature ?"
01:17:38 Justement dans le domaine artistique,
01:17:40 On remarque qu'il n'y a plus d'avant-garde, il n'y a plus de rupture.
01:17:42 Il fut un temps, même encore dans les années 60,
01:17:44 On croyait au nouveau roman par exemple.
01:17:46 Et que le nouveau roman allait rendre l'ancien,
01:17:48 Pour ainsi dire, caduque.
01:17:50 On a cru qu'on ne reviendrait pas de la nouvelle vague.
01:17:52 On a cru qu'on ne reviendrait pas de la nouvelle vague.
01:17:54 Aujourd'hui, qu'est-ce qu'on voit ?
01:17:56 On voit que les enfants dansent sur la même musique que leurs parents.
01:17:58 On voit que les enfants dansent sur la même musique que leurs parents.
01:18:00 Il en est fini des nouvelles musiques.
01:18:02 La dernière nouvelle musique,
01:18:04 On peut dire que c'était la techno,
01:18:06 Au début des années 90, depuis rien de neuf.
01:18:08 Le rap date des années 70.
01:18:10 Le rap date des années 70.
01:18:12 Non mais je veux dire qu'on a créé des nouvelles musiques,
01:18:14 Non mais je veux dire qu'on a créé des nouvelles musiques,
01:18:16 Régulièrement depuis 1914,
01:18:18 Et puis ça s'est arrêté là.
01:18:20 Là aussi on pourrait penser, même en art,
01:18:22 Il n'y a plus de progrès.
01:18:24 Il n'y a jamais eu vraiment de progrès en art.
01:18:26 Il n'y a jamais eu vraiment de progrès en art.
01:18:28 Je dirais même que,
01:18:30 Je dirais même que,
01:18:32 Rappelez-vous la querelle des anciens et des modernes au 17ème siècle,
01:18:34 Rappelez-vous la querelle des anciens et des modernes au 17ème siècle,
01:18:36 Un certain nombre d'écrivains regardaient vers le passé,
01:18:38 Un certain nombre d'écrivains regardaient vers le passé,
01:18:40 Et je crois qu'en art, il y a plutôt l'idée
01:18:42 Et je crois qu'en art, il y a plutôt l'idée
01:18:44 Qu'il faut être au niveau de ce qui a déjà eu lieu.
01:18:46 Qu'il faut être au niveau de ce qui a déjà eu lieu.
01:18:48 Et par conséquent,
01:18:50 Quand quelqu'un veut écrire, par exemple aujourd'hui,
01:18:52 Il sait qu'il doit se confronter à
01:18:54 Il sait qu'il doit se confronter à
01:18:56 Flaubert, à Proust, à Pascal, à Montaigne.
01:18:58 Pascal, à Montaigne.
01:19:00 Et je pense qu'effectivement,
01:19:02 Il y a eu les avant-gardes,
01:19:04 Les surréalistes, les dadaïstes,
01:19:06 Mais eux justement, pour être dans cette idéologie du progrès,
01:19:08 Mais eux justement, pour être dans cette idéologie du progrès,
01:19:10 Ont voulu faire table rase, d'une certaine manière,
01:19:12 Dans la littérature comme en politique,
01:19:14 Ça avait eu lieu,
01:19:16 Et ont rejeté toute une partie de l'héritage artistique.
01:19:18 Mais quand on regarde,
01:19:20 Évidemment,
01:19:22 Shakespeare n'est pas inférieur à
01:19:24 Musset, qui lui-même n'est pas inférieur à...
01:19:26 Voilà, etc.
01:19:28 Mais il y a des réinventions de langage,
01:19:30 C'est ça qui compte dans l'art, non ?
01:19:32 C'est réinventer le langage, réinventer la vision du monde,
01:19:34 C'est Rimbaud qui réinvente la langue,
01:19:36 Et on fait ça régulièrement.
01:19:38 Donc voilà, il n'y a pas forcément un progrès...
01:19:40 Mais Rimbaud crée une rupture,
01:19:42 Il n'y a pas eu de rupture depuis longtemps dans ce domaine.
01:19:44 C'est ce que dit Barthes, que depuis Rimbaud, il n'y a plus eu de rupture.
01:19:46 Mais on verra ça dans 20 ans, peut-être qu'on se rendra compte qu'aujourd'hui,
01:19:48 Il y a une rupture qui nous a échappés.
01:19:50 Ou dans plus longtemps,
01:19:52 Les ruptures artistiques peuvent prendre beaucoup de temps.
01:19:54 Je pense que ce n'est pas tellement la question du progrès, finalement.
01:19:56 Et en plus,
01:19:58 Les progressistes sont rarement les plus en rupture artistiquement.
01:20:00 Ça se voit bien avec le romantisme,
01:20:02 Par exemple, après la Révolution,
01:20:04 Où les révolutionnaires sont très classiques,
01:20:06 Et les romantiques, qui sont plutôt à droite,
01:20:08 Vont révolutionner.
01:20:10 L'art et la politique sont deux choses différentes.
01:20:12 Mais il y avait quand même une vertu à l'idée de progrès,
01:20:14 C'était qu'après les guerres de religion,
01:20:16 On ne pouvait plus faire de politique sur l'assertivité de la religion.
01:20:18 On s'entretuait sur ça.
01:20:20 Ou sur l'avantage de la religion.
01:20:22 Donc il fallait trouver un autre point d'ancrage.
01:20:24 C'est Descartes qui dit qu'il faut quitter le sable mouvant et la terre,
01:20:26 Pour retrouver la roque et l'argile.
01:20:28 Pour retrouver quelque chose de solide.
01:20:30 Et le progressisme a voulu faire ça.
01:20:32 Avec le temps, constituer un savoir
01:20:34 Qui puisse nous permettre,
01:20:36 Dans sa phase la plus caricature,
01:20:38 Elle tenait avec Saint-Simon,
01:20:40 De faire quelque chose de plus solide.
01:20:42 Et qui puisse permettre de passer du gouvernement des hommes
01:20:44 A l'administration des choses.
01:20:46 Et je pense que cette ambition,
01:20:48 De l'idée de progrès,
01:20:50 Est profondément dihémurgique.
01:20:52 Et à mon avis, profondément fausse.
01:20:54 Parce qu'on pourra changer tout ce qu'on veut,
01:20:56 On pourra progresser autant qu'on veut,
01:20:58 D'un point de vue de la médecine,
01:21:00 D'un point de vue de l'industrie,
01:21:02 D'un point de vue des sciences.
01:21:04 Le problème moral et le problème politique
01:21:06 Resteront des problèmes humains.
01:21:08 Et resteront des problèmes de notre condition humaine.
01:21:10 Résolus par la technique.
01:21:12 - Mais pour revenir juste pour une période plus récente,
01:21:14 J'ai l'impression que dans la grande bataille
01:21:16 Entre ceux qui pensent que c'était mieux avant
01:21:18 Et ceux qui pensent le contraire,
01:21:20 On voit bien que dans les années 70,
01:21:22 Au moment où il y a toute une...
01:21:24 On est dans les ruptures là.
01:21:26 Et le partage politique
01:21:28 Entre ceux qui pensaient que c'était mieux avant
01:21:30 Et ceux qui pensaient le contraire,
01:21:32 A complètement changé.
01:21:34 C'est-à-dire que les écologistes,
01:21:36 Par exemple,
01:21:38 Ont véritablement rebattu les cartes.
01:21:40 Ils étaient plutôt de gauche,
01:21:42 Et tout à coup,
01:21:44 Ils sont apparus comme très conservateurs.
01:21:46 Aujourd'hui, alors qu'ils ne l'étaient pas,
01:21:48 A l'époque, ils pensaient qu'il y avait un progrès
01:21:50 Qui était possible,
01:21:52 Pas forcément du côté des centrales nucléaires,
01:21:54 Mais qui avait quand même un progrès possible.
01:21:56 Même la gauche,
01:21:58 Qui était très progressiste,
01:22:00 Aujourd'hui passe pour conservatrice.
01:22:02 Il y a une droite qui reste conservatrice,
01:22:04 Mais il y en a une libérale qui est très progressiste,
01:22:06 Alors qu'à l'époque,
01:22:08 Elle passait pour réactionnaire.
01:22:10 Donc tout s'est mélangé.
01:22:12 - C'est vrai.
01:22:14 Ce qui est sûr, aujourd'hui,
01:22:16 C'est que nous traversons une période de crise.
01:22:18 Comme le disait Anna Arendt,
01:22:20 La crise ouvre une brèche dans le temps.
01:22:22 Toutes les cartes sont rebattues.
01:22:24 La véritable question, c'est d'apporter
01:22:26 Une nouvelle réponse.
01:22:28 Une crise n'est une crise que quand nous reconduisons
01:22:30 Des choses qui n'ont pas marché par le passé.
01:22:32 L'essentiel, c'est d'apporter des réponses.
01:22:34 Cette réponse peut passer par une forme de conservation,
01:22:36 Pourquoi pas ?
01:22:38 Ou par quelque chose d'absolument nouveau
01:22:40 Et de disruptif, peu importe, à la limite.
01:22:42 Mais l'essentiel, c'est d'apporter une réponse.
01:22:44 C'est de continuer,
01:22:46 Pouvoir continuer à aller de l'avant.
01:22:48 Et j'insiste sur le fait, nous qui manquons
01:22:50 Aujourd'hui de grands récits fédérateurs collectifs,
01:22:52 Il y a un affaissement du religieux aujourd'hui.
01:22:54 Il n'y a plus de philosophie de l'histoire.
01:22:56 La plupart des grandes idéologies
01:22:58 N'ont pas rempli leurs promesses.
01:23:00 Que ce soit le libéralisme,
01:23:02 La mondialisation, l'européisme.
01:23:04 Donc on a besoin de ce récit positif
01:23:06 Que nous propose le progrès.
01:23:08 Moi, ce qui m'alerte, c'est que ce sont
01:23:10 Les dystopies aujourd'hui qui prolifèrent.
01:23:12 Les dystopies qui vont mettre essentiellement en scène
01:23:14 La barbarie technicienne
01:23:16 Ou la catastrophe écologique.
01:23:18 Et moi, je pense que des sociétés qui sont en bonne santé
01:23:20 Sont des sociétés qui proposent au contraire
01:23:22 Des utopies, c'est-à-dire des récits positifs
01:23:24 Mais qui rendent notre monde viable
01:23:26 Et qui nous permettent de continuer
01:23:28 À nous projeter à l'avenir.
01:23:30 Et c'est ça qui nous manque le plus aujourd'hui.
01:23:32 Ce qui caractérise l'homme contemporain
01:23:34 En amont, c'est une crise de la croyance.
01:23:36 On ne croit plus en rien aujourd'hui.
01:23:38 En pas grand-chose. Et surtout pas en l'homme.
01:23:40 Et qu'elle semble lointaine,
01:23:42 Cette époque au pic de la Miranda,
01:23:44 L'humaniste Florentin du XVe siècle disait
01:23:46 "Mais quelle merveille que l'homme !"
01:23:48 Il parle de la lumière, de son intelligence,
01:23:50 De la quitté, de ses sens.
01:23:52 Moi, dans un salon aujourd'hui,
01:23:54 J'oserais pas trop dire
01:23:56 "Mais quelle merveille que l'homme !"
01:23:58 Il y a un chemin qui a été parcouru quand même.
01:24:00 Et cette crise de la croyance,
01:24:02 Il faut la surmonter.
01:24:04 Ce sera le dernier mot pour ce débat
01:24:06 Parce qu'il y a le rappel des titres
01:24:08 D'Isabelle Piboulot. Je remercie Patrice Jean
01:24:10 De s'être joint à nous.
01:24:12 Le rappel des titres
01:24:14 Et ensuite, on revient aux exploits
01:24:16 De Pascal Saint-Amand.
01:24:18 Demain, la SNCF va comparaître
01:24:22 Au tribunal de police de Paris
01:24:24 Pour atteinte involontaire
01:24:26 Sur la vie d'un animal domestique.
01:24:28 Le 2 janvier, malgré l'alerte de sa propriétaire,
01:24:30 Le chat nommé Neko
01:24:32 Qui se trouvait sur les rails
01:24:34 A été écrasé par un TGV à la gare Montparnasse.
01:24:36 L'avocat de la fondation
01:24:38 "30 millions d'amis" souhaite que la SNCF
01:24:40 Soit jugée pour avoir volontairement
01:24:42 Donné la mort à Neko.
01:24:44 D'effet passible de 6 mois d'emprisonnement
01:24:46 Et de 7500 euros d'amende.
01:24:48 Une marche pour la PA à Marseille.
01:24:50 Un rassemblement à l'initiative
01:24:52 Des familles de victimes d'assassinats
01:24:54 Pour alerter sur la recrudescence
01:24:56 De la violence dans la ville.
01:24:58 Notamment en raison des trafics de stupéfiants
01:25:00 Qui touchent des individus de plus en plus jeunes.
01:25:02 Cette marche a eu lieu cet après-midi
01:25:04 A quelques jours de la venue
01:25:06 D'Emmanuel Macron dans la cité phocéenne
01:25:08 Du 26 au 28 juin.
01:25:10 Figure de la résistance
01:25:12 Irrescapée du génocide arménien
01:25:14 Misak Manouchian
01:25:16 Va entrer au Panthéon.
01:25:18 La date est fixée au 21 février 2024.
01:25:20 En ce 83e anniversaire
01:25:22 De l'appel du 18 juin
01:25:24 Emmanuel Macron s'est recueilli
01:25:26 Dans la clairière des fusiliers du Mont-Valérien
01:25:28 Où Misak Manouchian
01:25:30 Et 21 de ses compagnons d'armes
01:25:32 Ont été exécutés en 1944.
01:25:34 - Pascal Saint-Amand,
01:25:40 En tant que directeur fiscal de l'ECDE
01:25:42 Vous avez été l'architecte de la plus grande
01:25:44 Réforme fiscale internationale
01:25:46 Depuis un siècle.
01:25:48 Je vous ai présenté tout à l'heure
01:25:50 Le sujet de votre épopée.
01:25:52 Il était parmi nous dès 22h.
01:25:54 Mais maintenant il est 23h.
01:25:56 Donc il faut savoir que vous racontez
01:25:58 Votre épopée dans Paradis Fiscaux
01:26:00 Comment on a changé le monde.
01:26:02 Tout à l'heure vous nous avez dit
01:26:04 Comment il a été mis fin au secret bancaire.
01:26:06 Ce qui a sonné le glas d'une bonne partie
01:26:08 De la fraude fiscale des riches particuliers
01:26:10 Via les Paradis Fiscaux.
01:26:12 Il est temps maintenant de nous raconter
01:26:14 Ce que vous avez fait subir aux multinationales.
01:26:16 En 2021, toute la presse mondiale
01:26:18 A mis un taux d'imposition mondial
01:26:20 De 15% sur les sociétés.
01:26:22 On croyait que c'était Joe Biden
01:26:24 Suite à la pandémie de Covid
01:26:26 Qui en était à l'origine.
01:26:28 L'origine de cette révolution.
01:26:30 Mais non, c'était vous.
01:26:32 En fait c'était Trump.
01:26:34 Si on veut aller au bout des choses.
01:26:36 C'est assez contre-intuitif.
01:26:38 En fait, ce qui s'est passé
01:26:40 C'est que suite à la crise financière de 2008
01:26:42 Le G20, les grands états du monde
01:26:44 Ont dit qu'il faut mettre fin
01:26:46 A la fraude fiscale, à la corruption fiscale
01:26:48 C'est plus tenable, parce que les gens en ont marre.
01:26:50 Donc c'est pas soutenable
01:26:52 Et c'est bipartisan, la gauche comme la droite.
01:26:54 On s'est attaqué au secret bancaire
01:26:56 Au Paradis Fiscaux sous l'angle secret bancaire.
01:26:58 Il y avait un autre volet, en 2012
01:27:00 Quand Sarkozy, à l'époque président, avait dit
01:27:02 C'est la fin des Paradis Fiscaux
01:27:04 Les gens se sont dit, il y a 2000 milliards
01:27:06 De dollars de profits cumulés
01:27:08 Des entreprises américaines, aux Bermudes et aux Caïmans.
01:27:10 C'est pas fini.
01:27:12 C'est ça qui est fantastique.
01:27:14 Les gens se sont dit, il y a 2000 milliards
01:27:16 De profits des sociétés américaines aux Bermudes
01:27:18 Alors qu'elles ne produisaient rien
01:27:20 Aux Bermudes et aux Caïmans.
01:27:22 C'est ça qu'il faut comprendre.
01:27:24 Il y a une plage.
01:27:26 C'est le grand Paradis Fiscaux
01:27:28 Des petites juridictions où il ne se passe absolument rien.
01:27:30 L'argent a été fait en Europe, il a été fait aux Etats-Unis
01:27:32 Et il était dans ces deux juridictions
01:27:34 Qui n'ont pas de fiscalité.
01:27:36 Ça a permis aux entreprises américaines
01:27:38 D'économiser 700 milliards de dollars d'impôts
01:27:40 Sur une dizaine d'années.
01:27:42 Donc le G20 a dit, on a mis fin au secret bancaire
01:27:44 Maintenant on va s'attaquer à cela.
01:27:46 Mais cela, ce n'était pas de la fraude.
01:27:48 C'était parfaitement légal.
01:27:50 Donc si c'est légal et qu'on n'est pas content
01:27:52 Il faut changer la loi.
01:27:54 Et on a initié, moi j'ai initié
01:27:56 J'ai proposé au G20 de commencer à changer
01:27:58 Ces règles qui avaient un siècle et qui étaient complètement dépassées
01:28:00 Qui fonctionnaient bien dans des économies fermées
01:28:02 Mais pas dans une économie globalisée.
01:28:04 Ça a pris quelques années pour changer ces règles.
01:28:06 Les Etats-Unis ont été très réticents
01:28:08 Parce qu'ils aimaient bien protéger leur multinational
01:28:10 Mais Trump, qui a fait une réforme fiscale
01:28:12 A baissé le taux d'impôt sur les sociétés
01:28:14 De 35% à 21%
01:28:16 Ça a coûté une fortune.
01:28:18 Il a fallu élargir la base fiscale aux Etats-Unis
01:28:20 Et il a mis en place un impôt minimum mondial
01:28:22 De 10,5%
01:28:24 Qui n'était pas très robuste
01:28:26 Et les Français et les Allemands
01:28:28 Qui sont des grands amoureux de l'impôt
01:28:30 On dit, on veut la même chose
01:28:32 Il y a un nouveau jouet, on veut le même jouet en mieux.
01:28:34 Et donc ils ont demandé à l'OCDE
01:28:36 De poursuivre ces travaux
01:28:38 De concevoir un impôt minimum mondial
01:28:40 Encore plus robuste, de 15%
01:28:42 Et qui s'apprécie pays par pays.
01:28:44 Je ne rentre pas dans le détail technique.
01:28:46 Et lorsque Biden est arrivé, il a dit
01:28:48 C'est ma priorité absolue, faites en sorte que cela...
01:28:50 Entre temps, il y a eu le Covid.
01:28:52 Entre temps, il y a eu le Covid.
01:28:54 Biden a dit, il faut réconcilier les classes moyennes
01:28:56 Avec la globalisation
01:28:58 Qui était un peu une réaction contre Trump
01:29:00 Mais aussi essayer de convaincre les Américains
01:29:02 Qu'ils seraient protégés contre la Chine
01:29:04 Et contre cette perte sociale
01:29:06 Et contre cette perte sociale
01:29:08 Des Etats-Unis
01:29:10 Et l'OCDE a mis en place
01:29:12 Un accord avec plus de 140 pays
01:29:14 Pour que les entreprises multinationales
01:29:16 Payent au moins 15%
01:29:18 Donc c'est un filet de sécurité.
01:29:20 Cet accord, c'est celui que vous allez négocier
01:29:22 Avec tout le monde
01:29:24 Mais quelle est la première réaction des multinationales ?
01:29:26 Quand tout à coup, ils vous voient arriver ?
01:29:28 En 2012, quand je dis
01:29:30 On va essayer de réguler
01:29:32 Fiscalement la mondialisation
01:29:34 Pas du tout, tout va bien
01:29:36 Tout va très bien
01:29:38 Trois ans plus tard, quand on a fait des progrès
01:29:40 Ils disent, il y a eu des progrès, il fallait vraiment les faire
01:29:42 Mais maintenant, il faut arrêter
01:29:44 Et quand on met en place un peu au minimum mondial
01:29:46 Ils font d'abord la gueule et puis ensuite ils disent
01:29:48 Ok, mais il faut s'arrêter là
01:29:50 Ceci étant, 15% effectif, c'est un taux très élevé
01:29:52 Contrairement à 15%
01:29:54 Oui, il faut bien comprendre ce que c'est le 15% effectif
01:29:56 C'est quoi la différence entre...
01:29:58 Un taux ne veut pas dire grand chose
01:30:00 Parce qu'un taux, il s'applique à une base fiscale
01:30:02 Elle peut être vidée de son contenu
01:30:04 Donc ce qui compte en réalité, c'est d'avoir un taux
01:30:06 Et une base fiscale élevée
01:30:08 Alors 15% effectif, c'est quoi ? On regarde les impôts payés
01:30:10 On regarde les profits et puis on fait le ratio
01:30:12 Il faut que ce soit au moins 15%
01:30:14 Ce qui en réalité...
01:30:16 Et la France par exemple, c'est quoi ?
01:30:18 La France a un taux nominal de l'ordre de 25%
01:30:20 Et les taux effectifs sont en dessous de 20%
01:30:22 Oui, donc on n'est pas le rixe
01:30:24 Mais ils sont supérieurs à 15%
01:30:26 Ça ne va rien changer
01:30:28 Ce dont on parle, certaines entreprises françaises
01:30:30 Elles sont plutôt moins agressives
01:30:32 Que les entreprises américaines
01:30:34 Elles ont parfois des poches de profit dans des paradis fiscaux
01:30:36 Ces poches de profit, demain, seront taxées à 15%
01:30:38 Ça rapportera pour la France
01:30:40 A peu près 2 milliards d'euros d'impôts par an
01:30:42 Et au niveau mondial, on est à 250 milliards
01:30:44 Mais ce qu'il y a, là où c'est une révolution
01:30:46 C'est que, au fond, si tout ça avait glissé de cette manière-là
01:30:48 C'est-à-dire un impôt sur les sociétés
01:30:50 Qui ne cessait de baisser
01:30:52 Avec une concurrence
01:30:54 C'était la faute des États
01:30:56 C'est exactement ça
01:30:58 C'était la faute des États
01:31:00 C'est pas la faute des multinationales
01:31:02 C'est facile de dire "oh, c'est les grandes multinationales qui sont responsables"
01:31:04 En réalité, elles ont utilisé un système
01:31:06 Que les États ont laissé filer
01:31:08 Et ils ont laissé filer pour se faire de la concurrence
01:31:10 Pour attirer de la matière taxable
01:31:12 Les Irlandais, les Luxembourgeois, les Singapouriens
01:31:14 Mais tous les pays ont joué ce jeu
01:31:16 Et ils se sont pris au piège
01:31:18 Parce qu'on avait une baisse tendancielle
01:31:20 De l'impôt sur les sociétés
01:31:22 Qui aurait pu disparaître
01:31:24 Si on n'a plus d'impôt sur les sociétés
01:31:26 On ne peut pas avoir d'impôt sur le revenu
01:31:28 Sur les personnes physiques
01:31:30 Et on n'a plus qu'une TVA
01:31:32 Et si on n'a plus qu'une TVA, on a une révolution à la clé
01:31:34 Parce que c'est totalement injuste
01:31:36 Et ça ne peut pas fonctionner
01:31:38 Et donc il fallait préserver l'impôt sur les sociétés
01:31:40 Plus que les 250 milliards d'euros
01:31:42 Que ça rapportera annuellement en plus
01:31:44 Que ce que les États percevaient aujourd'hui
01:31:46 En fait, ça sécurise l'impôt sur les sociétés
01:31:48 Ça met fin à la concurrence fiscale
01:31:50 À un niveau qui a été négocié
01:31:52 Certains disent qu'il est trop élevé
01:31:54 Ce qui est intéressant, on l'a dit tout à l'heure
01:31:56 La Suisse aujourd'hui a adopté par référendum
01:31:58 L'impôt de 15%
01:32:00 Et je me suis retrouvé sur un plateau télé en Suisse
01:32:02 Où la droite et la gauche rivalisaient
01:32:04 Pour dire que c'est une excellente réforme
01:32:06 Donc il y a une sorte de consensus
01:32:08 Ce qu'on voudrait comprendre c'est
01:32:10 Pourquoi s'entendent-ils tout d'un coup
01:32:12 Pour faire marche arrière
01:32:14 Puisque vous l'avez dit, la tendance c'est de baisser
01:32:16 L'impôt sur les sociétés
01:32:18 Pourquoi tout à coup ils se mettent à faire marche arrière
01:32:20 À tel point que
01:32:22 Au moment où on a annoncé 15%
01:32:24 Certains ont dit c'est la fin du néolibéralisme
01:32:26 Puisque le néolibéralisme
01:32:28 C'était plutôt d'aller vers
01:32:30 Ah c'était de supprimer la taxation du capital
01:32:32 On a eu au cours des 30 dernières années
01:32:34 Un transfert du capital vers le travail
01:32:36 Et donc il y a quand même une révolution
01:32:38 À ce moment-là qui se fait en place
01:32:40 Dans les têtes des politiques
01:32:42 Absolument, et une fois de plus, qu'ils soient de droite ou qu'ils soient de gauche
01:32:44 Ils ont tous réalisé que ce mouvement-là
01:32:46 Conduisait à du populisme
01:32:48 À des réactions très virulentes
01:32:50 De la part des populations
01:32:52 De la part des peuples, d'où cette idée que
01:32:54 Réguler fiscalement la mondialisation
01:32:56 Était une condition pour la rendre plus acceptable
01:32:58 Et tous les pays n'ont pas les mêmes intérêts
01:33:00 Les petits marchés comme l'Irlande
01:33:02 Les Pays-Bas
01:33:04 N'ont pas les mêmes intérêts que la France
01:33:06 La Chine, les Etats-Unis, la Russie
01:33:08 Ils siègent tous
01:33:10 C'est encore un jeu des grands états
01:33:12 Contre les petits états, et moi j'ai dû faire beaucoup de pédagogie
01:33:14 À Pascal Donohue, le ministre des Finances
01:33:16 Irlandais, qui disait
01:33:18 Nous on est un petit marché
01:33:20 On peut pas attirer les investissements si on a pas
01:33:22 Un avantage fiscal à la clé
01:33:24 Et l'Irlande avait 12,5% de taux d'impôt
01:33:26 Sur les sociétés
01:33:28 Ça faisait presque partie de l'ADN
01:33:30 Les chauffeurs de taxi en Irlande
01:33:32 Connaissaient le taux d'impôt sur les sociétés
01:33:34 En Irlande, et j'étais pas vraiment le bienvenu
01:33:36 Quand j'expliquais ce que je faisais aux chauffeurs de taxi
01:33:38 En arrivant à Dublin, mais l'Irlande
01:33:40 A compris qu'il fallait changer parce que
01:33:42 C'était quoi l'alternative ? L'alternative c'est que
01:33:44 Les grands pays allaient prendre des mesures de rétorsion
01:33:46 Allaient décider tout seuls de taux
01:33:48 Beaucoup plus élevés, et allaient introduire un chaos économique
01:33:50 Qui n'aurait été à l'avantage de personne
01:33:52 Qui vous a donné le plus de difficultés ?
01:33:56 Pour arriver à l'impôt minimum mondial
01:33:58 Clairement, l'Irlande a été un pays très difficile
01:34:02 Tellement difficile d'ailleurs que j'ai dit aux autorités irlandaises
01:34:04 C'est pas moi votre interlocuteur
01:34:06 C'est Biden, c'est une question bilatérale
01:34:08 Si les Etats-Unis veulent bouger
01:34:10 C'est un dialogue que vous devez avoir avec eux
01:34:12 Moi je peux faciliter le dialogue mais vous avez pas besoin de moi
01:34:14 C'était sans doute le pays qui avait le plus de difficultés à bouger
01:34:18 Et qui étaient vos interlocuteurs à chaque fois ?
01:34:20 Ce qui était très intéressant, et ce que je raconte dans le livre
01:34:22 Mes interlocuteurs allaient du niveau N-5 au ministère des finances
01:34:26 C'est-à-dire le grouillot fiscaliste, très technicien
01:34:30 Jusqu'au chef d'Etat ou de gouvernement du G20
01:34:32 J'ai assisté à toutes les réunions du G20 depuis 2011-2012
01:34:36 Mais qu'est-ce qui vaut mieux ?
01:34:38 Quand on veut faire une réforme fiscale internationale de cette ampleur
01:34:40 Il n'y en avait pas eu depuis un siècle
01:34:42 Il vaut mieux discuter avec les chefs d'Etat
01:34:44 Ou il vaut mieux discuter avec le technocrate ?
01:34:46 Il faut discuter avec tout le monde
01:34:48 Il faut mettre tout le monde autour de la table
01:34:50 Il faut d'abord discuter avec les techniciens
01:34:52 Mais il faut s'assurer qu'ils aient un mandat de la part des chefs d'Etat et de gouvernement
01:34:54 Moi ce que j'ai fait, en assistant aux réunions du G20
01:34:56 J'étais le seul fiscaliste qui comprenait de quoi il s'agissait autour de la table
01:35:00 Mais il me disait "prends le stylo et écris les communiqués"
01:35:02 Et donc j'ai passé mon temps à me mandater
01:35:04 À mandater l'OCDE pour faire ci, pour faire ça
01:35:06 Les chefs d'Etat et de gouvernement qui savaient que
01:35:08 Politiquement c'était très important pour eux
01:35:10 Pour donner les mandats
01:35:12 Et une fois qu'on a un mandat pour changer les choses
01:35:14 Les négociateurs qui viennent à Paris des 140 pays
01:35:16 Ils ont un mandat de leurs chefs d'Etat et de gouvernement
01:35:18 Ils doivent délivrer
01:35:20 Et c'est comme ça qu'on a pu faire avancer le monde
01:35:22 Mais ce sont de vraies négociations que vous menez
01:35:24 Ça a duré pendant 10 ans
01:35:26 Et jusqu'à la fin, vous le racontez dans le livre
01:35:28 Parce que ce livre se lit comme un thriller
01:35:30 C'est un western financier quasiment
01:35:32 La fiscalité ça fait peur
01:35:34 J'ai essayé de l'écrire d'une façon qui soit pas amusante
01:35:36 Mais surtout on voit bien que jusqu'à la dernière semaine
01:35:38 Jusqu'à la dernière semaine
01:35:40 Il vous manque l'Inde et la Chine
01:35:42 Et l'Arabie Saoudite
01:35:44 Et la Russie
01:35:46 J'ai eu un coup de fil du Premier ministre russe
01:35:48 La veille en disant
01:35:50 Bon ok on va le faire
01:35:52 Le ministre des finances saoudien craque
01:35:54 Deux heures avant la réunion
01:35:56 Et au cours de la réunion, c'est à dire on a une réunion
01:35:58 On a 140 pays tout ça sur Zoom
01:36:00 Pendant le Covid
01:36:02 Donc on peut pas être présent physiquement
01:36:04 Donc il faut avoir deux ou trois téléphones portables
01:36:06 Et on a pas l'Inde
01:36:08 Et donc je fais appeler la ministre indienne des finances
01:36:10 Par Scholz, le ministre des finances allemand
01:36:12 Et elle dit non je rejoins pas le deal
01:36:14 J'appelle Bruno Le Maire
01:36:16 Il faut vraiment appeler l'indienne
01:36:18 Je m'en occupe
01:36:20 Elle est pas d'accord
01:36:22 Et puis là je fais intervenir Janet Yellen
01:36:24 Qui est en réunion à la Maison Blanche
01:36:26 On la fait sortir du bureau Oval pour qu'elle appelle l'indienne
01:36:28 Et l'indienne finit par dire oui
01:36:30 C'est une demi-heure avant la fin de la réunion
01:36:32 Et là on a les 137 pays
01:36:34 Qui signent
01:36:36 Et depuis d'autres ont rejoint
01:36:38 Aujourd'hui on est un peu plus de 140
01:36:40 Et surtout ça s'applique à compter du 1er janvier 2024
01:36:42 Donc c'est advenu
01:36:44 Et je pense que c'est bien
01:36:46 Taxer les entreprises
01:36:48 Il faut faire attention
01:36:50 Il faut pas avoir un impact négatif sur les investissements
01:36:52 Donc il faut trouver un bon équilibre
01:36:54 Mais cette concurrence fiscale sans fin
01:36:56 Est mortifère
01:36:58 Pour le bien-être de l'économie
01:37:00 Et le bien-être des gens
01:37:02 On l'a dit tout à l'heure pour la fin des paradis fiscaux
01:37:04 Les gens ne le savent pas
01:37:06 Et j'ai l'impression que là ils ne le savent pas non plus
01:37:08 On continue de pester en permanence
01:37:10 Contre Amazon
01:37:12 Ou Google qui ne paye pas d'impôts
01:37:14 Alors cela dit ça rentre en vigueur
01:37:16 Que en janvier 2024
01:37:18 Mais j'ai l'impression que cette réforme invraisemblable
01:37:20 C'est une petite révolution
01:37:22 Personne ne le sait
01:37:24 Non il y a toujours beaucoup de doutes
01:37:26 Et puis c'est un peu technique
01:37:28 Donc les gens n'ont pas forcément ça en tête
01:37:30 On a parlé de l'impôt minimum mondial
01:37:32 Qui est le pilier 2
01:37:34 Il y a un pilier 1 qui consiste à dire
01:37:36 Les entreprises font des profits et vont être taxées
01:37:38 Mais où sont-ils taxés ?
01:37:40 Où est-ce qu'est la valeur d'une entreprise comme Google ?
01:37:42 Est-ce que c'est en France où on clique
01:37:44 Sur le moteur de recherche ?
01:37:46 Ou est-ce que c'est aux Etats-Unis où il y a les cerveaux ?
01:37:48 On est tous d'accord, ce n'est pas au Bermude où il y avait la marque
01:37:50 Ou ce n'est pas au Caïman où il pouvait y avoir la marque
01:37:52 En revanche
01:37:54 Comment se répartir ces profits là ?
01:37:56 Et là il y avait un désaccord
01:37:58 Entre grands pays
01:38:00 Donc ce n'est plus une discussion des grands pays contre les petits
01:38:02 Qui finalement est une sorte facile à exercer
01:38:04 Quand ce sont les grands pays qui ne sont pas d'accord
01:38:06 Et entre eux c'est plus compliqué à appliquer
01:38:08 Donc les Etats-Unis disaient
01:38:10 Non, c'est parce qu'on a les cerveaux en Californie
01:38:12 Le cerveau ça rapporte plus que le doigt qui clique
01:38:14 Sur la souris en France
01:38:16 Et donc on veut garder les profits
01:38:18 Les Français disaient non, nous on est un marché
01:38:20 On veut taxer les entreprises numériques en France
01:38:22 Mais on ne veut pas que les Indiens ou les Chinois
01:38:24 Ils taxent les industries du luxe
01:38:26 Parce que le bon goût c'est quand même français
01:38:28 C'est à nous que ça appartient
01:38:30 Donc on voyait que les Français dans une position
01:38:32 Un peu ambivalente
01:38:34 L'accord qui a été trouvé il y a deux ans
01:38:36 Mais qui n'est toujours pas appliqué
01:38:38 Qui nécessite un peu plus de négociations
01:38:40 C'est que les pays de marché
01:38:42 C'est-à-dire là où on consomme
01:38:44 Récupérant une partie de la rente des entreprises
01:38:46 Les plus profitables du monde
01:38:48 Et ça ce n'est pas encore entré en vigueur
01:38:50 D'où l'idée que les entreprises numériques ne payent pas encore tout à fait
01:38:52 Mais qu'est-ce qui bloque là ?
01:38:54 Ça ce serait très important
01:38:56 Comme disait Philippe Bénard tout à l'heure
01:38:58 En gros pour la France pour l'instant
01:39:00 Ce volet ça ne change pas grand chose
01:39:02 Nous on est à 25%
01:39:04 Même si en taux effectif
01:39:06 Ça rapporte 2 milliards de plus d'impôts par an
01:39:08 Ça ne change pas rien
01:39:10 Mais ça en revanche ce serait beaucoup
01:39:12 Ça rapporte beaucoup
01:39:14 Mais enfin ça coûte aussi parce que la France renoncera
01:39:16 A des impôts qui sera prélevé par la Chine et par l'Inde
01:39:18 Donc on est sur un équilibre
01:39:20 Qu'est-ce qui bloque ? La constitution américaine
01:39:22 Elle organise la faiblesse de l'exécutif américain
01:39:24 L'exécutif américain de président ne peut pas engager les Etats-Unis
01:39:26 Parce que c'est le congrès qui décide
01:39:28 Il y a une séparation des pouvoirs
01:39:30 Ce qu'on n'a pas chez nous
01:39:32 Ce qu'on n'a pas en Europe
01:39:34 Ce qu'on n'a pas dans le reste du monde
01:39:36 Et en outre le Sénat américain
01:39:38 Doit mobiliser 2/3 des sénateurs
01:39:40 Pour valider un accord international
01:39:42 Ce qui veut dire que lorsque vous négociez avec les Etats-Unis
01:39:44 Vous avez des gens qui sont tout à fait valables
01:39:46 Mais ils ne peuvent pas engager leur pays
01:39:48 Et donc ça ne crée pas de problème
01:39:50 Et donc ça ne crée pas de problème
01:39:52 Et donc ça ne crée pas de problème
01:39:54 Et donc ça ne crée pas de problème
01:39:56 Et donc ça ne crée pas de problème
01:39:58 Et donc ça ne crée pas de problème
01:40:00 Et donc ça ne crée pas de problème
01:40:02 Et donc ça ne crée pas de problème
01:40:04 Et donc ça ne crée pas de problème
01:40:06 Et donc ça ne crée pas de problème
01:40:08 Et donc ça ne crée pas de problème
01:40:10 Et donc ça ne crée pas de problème
01:40:12 Et donc ça ne crée pas de problème
01:40:14 Et donc ça ne crée pas de problème
01:40:16 Et donc ça ne crée pas de problème
01:40:18 Et donc ça ne crée pas de problème
01:40:20 Je me souviens dans le dernier round
01:40:22 Quand on commençait à parler de cet impôt de 15%
01:40:24 Et qu'on croyait que c'était une initiative de Joe Biden
01:40:26 Qui était sortie de sa tête depuis très très peu
01:40:28 On se disait qu'au fond
01:40:30 On ne savait pas encore que ce serait peut-être plus que 15%
01:40:32 Il en a été question à un moment ou jamais
01:40:34 Quand Biden est arrivé il a dit
01:40:36 "Ca sera 21%"
01:40:38 Et puis très vite en interne
01:40:40 Ils se sont mis d'accord sur 15%
01:40:42 Et donc il a fallu qu'on vende le 15%
01:40:44 Aux Irlandais et aux autres
01:40:46 On a parlé tout à l'heure
01:40:48 21% aux Irlandais
01:40:50 C'était vraiment très très compliqué
01:40:52 On n'y serait pas arrivé
01:40:54 15% c'était un point d'équilibre
01:40:56 Aux Etats-Unis
01:40:58 On a aujourd'hui dans le monde
01:41:00 Une puissance économique majeure
01:41:02 Que sont les Etats-Unis
01:41:04 Et donc ce qu'ils disent la plupart des pays suivis
01:41:06 Y compris les Européens qui n'ont pas encore cette puissance
01:41:08 Il y a une autre puissance qui s'appelle la Chine
01:41:10 Et qui n'aime pas beaucoup l'OCDE
01:41:12 Comment vous avez fait ?
01:41:14 Le but de 2009 c'est de les mettre sur un pied d'égalité
01:41:16 A l'OCDE
01:41:18 Tout ceci aujourd'hui est très compliqué
01:41:20 Avec les tensions géopolitiques qui montent
01:41:22 Mais en 2009 j'ai amené la Chine sur un pied d'égalité
01:41:24 A l'OCDE, ils ont été associés à ces travaux
01:41:26 Ils n'aiment pas l'impôt minimum mondial
01:41:28 Ils ont dit "On ne l'appliquera pas"
01:41:30 Ils n'étaient pas dans le deal mais ils se sont dit
01:41:32 "On reconnait que les autres pays peuvent l'appliquer"
01:41:34 Y compris aux entreprises chinoises
01:41:36 Alors qu'ils n'ont aucune intention de l'appliquer
01:41:38 Parce qu'ils donnent beaucoup de crédit d'impôt
01:41:40 A leurs entreprises sur leur marché intérieur
01:41:42 On a des taux d'imposition très faibles
01:41:44 Mais si nos entreprises sont à l'étranger
01:41:46 On accepte que les pays étrangers reprennent l'impôt
01:41:48 Qu'on n'a pas collecté
01:41:50 Donc on était encore, c'était il y a deux ans
01:41:52 On était encore dans une dynamique de multilatéralisme
01:41:54 De progrès, pour reprendre le terme dont on parlait tout à l'heure
01:41:56 Qui aujourd'hui est peut-être un peu plus compliqué
01:41:58 Même si d'un point de vue fiscal
01:42:00 Le G20, qui est en crise par ailleurs
01:42:02 Le G20 tient encore ses promesses
01:42:04 Il faut se souvenir que le G20
01:42:06 Qui avait été inventé avant
01:42:08 Se réunit pour la première fois en 2009
01:42:10 Avant, se réunit pour la première fois en 2008
01:42:12 A la suite, toujours, de la crise des subprimes
01:42:14 Le 15 novembre 2008
01:42:16 Donc en fait, la crise des subprimes
01:42:18 A fait deux victimes
01:42:20 Rétrospectivement
01:42:22 D'abord les paradis fiscaux qui étaient pour rien dans la crise des subprimes
01:42:24 Rien du tout, on se souvient à l'étage
01:42:26 On a tapé dessus
01:42:28 Voilà, ils savaient pourquoi
01:42:30 Mais les autres ne savaient pas trop pourquoi
01:42:32 Donc bouc émissaire, et après c'est les multinationales
01:42:34 Qui ont fini par payer
01:42:36 Absolument
01:42:38 Les plus riches, les multinationales
01:42:40 Qui sont aussi partie des plus riches contribuables du monde
01:42:42 Avec, à la clé
01:42:44 Plus de justice fiscale
01:42:46 Qui était absolument nécessaire
01:42:48 Quand on a de la croissance, tout va bien
01:42:50 Quand on a la crise
01:42:52 Et que la charge de la crise
01:42:54 C'est une crise financière
01:42:56 Qui se transforme très vite en crise fiscale
01:42:58 On se souvient de la Grèce et des autres pays qui font faillite
01:43:00 Il faut les sortir de la faillite
01:43:02 Donc on augmente les impôts
01:43:04 On a une crise sociale, une crise politique
01:43:06 Aujourd'hui une crise géopolitique
01:43:08 Donc on voit bien, quelque chose qui ressemble aussi
01:43:10 A ce qui s'est passé dans les années 1920
01:43:12 Dans les années 1920
01:43:14 Il y a plus d'un siècle
01:43:16 Il y a un siècle maintenant
01:43:18 Et donc il fallait traiter cette question
01:43:20 Et là les chefs d'État et de gouvernement du G20
01:43:22 Ont vraiment pris les choses en main
01:43:24 Donc en fait c'est un retour du politique
01:43:26 C'est un retour absolu du politique
01:43:28 Le livre je l'ai écrit pour dire que
01:43:30 Lorsque le politique est de retour
01:43:32 Et lorsqu'on a du multilatéralisme
01:43:34 Plutôt que de se faire la guerre
01:43:36 On peut arriver à des progrès
01:43:38 Et à des réels progrès
01:43:40 Si t'en as... Oui, vous y êtes arrivé
01:43:42 Non, non, juste je vous écoute avec
01:43:44 Beaucoup de joie parce que
01:43:46 Vous incarnez de façon très concrète
01:43:48 La manière dont on peut contribuer
01:43:50 Par notre bonne volonté
01:43:52 A améliorer le monde finalement
01:43:54 Vous vous êtes jamais senti menacé
01:43:56 Dans un film des années 1970 ? Vous seriez mort à la fin
01:43:58 Je sais bien
01:44:00 J'ai failli mourir deux fois
01:44:02 J'ai eu des liens qui m'avaient fait des menaces de mort
01:44:04 Sur téléphone mais bon la police l'a retrouvé
01:44:06 Mort avant moi et j'avais un alibi
01:44:08 Donc c'est pas moi
01:44:10 Et puis non, les voyages, d'abord j'ai un bilan carbone
01:44:12 Absolument désastreux
01:44:14 Donc là les écologistes vont me détester
01:44:16 Et puis j'ai fini par faire une embolie pulmonaire
01:44:18 A force de tous ces voyages
01:44:20 Donc non, ça a été 15 ans extrêmement fatigants
01:44:22 Mais gratifiant, c'est-à-dire être capable
01:44:24 Sans doute, mais en plus c'est un écheveau
01:44:26 Assez extraordinaire et ce sont des négociations
01:44:28 Qui doivent être passionnantes
01:44:30 Vous vous êtes ressenti un peu sur la sellette
01:44:32 Ou franchement vous aimez pas ?
01:44:34 Ah si on m'aimait pas, d'ailleurs je dis dans le livre
01:44:36 Qu'il y a un film qui rapporte ça
01:44:38 D'ailleurs au Caïman il y a un avocat
01:44:40 Qui dit "on faisait ce qu'on voulait jusqu'à présent
01:44:42 Et puis maintenant il y a ce français
01:44:44 Avec une balle rasée
01:44:46 The silver fox, le renard argenté
01:44:48 Alors tout le monde rigole
01:44:50 Et puis dans le film j'apparais après comme le chevalier blanc
01:44:52 Donc non, j'ai eu quelques anomies
01:44:54 Mais aujourd'hui paradoxalement en fait
01:44:56 Je suis très proche de la Suisse
01:44:58 Je suis très proche de Lausanne
01:45:00 Je suis très proche de petites îles dans les Caraïbes
01:45:02 Parce que je pense qu'il faut faire attention à ces pays
01:45:04 Vous avez la Barbade, vous avez même les Caïmans
01:45:06 C'est des vrais pays
01:45:08 Il y a des vrais gens qui doivent survivre
01:45:10 On a le service financier
01:45:12 C'est 30% de leurs produits intérieurs bruts
01:45:14 Ces pays vont être affectés
01:45:16 Et il faut faire attention
01:45:18 Il faut prendre soin d'eux
01:45:20 Il faut trouver des bons équilibres
01:45:22 Et donc je les ai toujours respectés
01:45:24 Je les ai amenés sur la table de négociation
01:45:26 Et donc voilà, on a pu tous avancer ensemble
01:45:28 Eh bien merci beaucoup
01:45:30 Pascal St-Amand d'être passé par cette émission
01:45:32 Pour nous raconter tout ça
01:45:34 C'est un livre tout à fait passionnant
01:45:36 Merci à tous les cinq d'avoir participé à cette émission
01:45:38 Merci de nous avoir suivis
01:45:40 Et rendez-vous au prochain numéro
01:45:42 Ce sera samedi prochain
01:45:44 Les Visiteurs du Soir
01:45:46 A 22h, passez une très bonne nuit
01:45:48 ♪ ♪ ♪