SMART PATRIMOINE - Enjeux patrimoine du jeudi 4 mai 2023

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Jeudi 4 mai 2023, SMART PATRIMOINE reçoit Pierre Sabatier (économiste prospectiviste, président, PrimeView)

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00:00 Et nous enchaînons à présent avec enjeu patrimoine. Nous allons évoquer ensemble le crédit immobilier, le niveau du crédit immobilier en France
00:12 actuellement, un sujet qui alimente de nombreux questionnements depuis plusieurs mois et nous allons tenter de comprendre en quoi il peut avoir ou non un impact
00:18 sur les dynamiques du marché immobilier en France en 2023. Pour cela, nous avons le plaisir d'être à distance en duplex avec Pierre Sabatier. Bonjour Pierre Sabatier.
00:27 Bonjour. Bienvenue dans Smart Patrimoine. Vous êtes économiste, prospectiviste et président de Primeview. Pour commencer cette interview, j'ai sous les yeux
00:37 le taux d'usure qui sera pratiqué pour le mois de mai maintenant qu'il est calculé mensuellement. On regarde pour les prêts immobiliers à taux fixe d'une durée de 20 ans et plus.
00:46 Le taux d'usure est passé à 4,52%. On est passé au-dessus des 4%. Le taux effectif moyen constaté sur les trois derniers mois est lui à 3,39%. On se rapproche des 4%
00:58 mais on n'y est pas encore. Première question Pierre Sabatier, un emprunt immobilier avec un taux ou un TAEG autour de 4%, reste-t-il avantageux ? On sent qu'il alimente
01:10 beaucoup de craintes aujourd'hui. Pourtant on entend des personnes un peu plus âgées qui nous disent qu'il n'y a pas si longtemps les taux étaient encore plus élevés que ça.
01:18 Faut-il s'inquiéter d'un taux qui avoisinerait les 4% en matière de crédit immobilier Pierre Sabatier ? Je suis sûr que vous avez déjà une idée. En fait, la réponse à cette question est évidente.
01:28 Évidemment que le monde n'est pas le même lorsque les taux tournent autour de 1% et comparativement en fait à 4% comme aujourd'hui. Et nous n'en sommes qu'au début.
01:37 C'est-à-dire que nous n'avons pas commencé véritablement à voir les effets notamment sur le marché de l'immobilier. Alors la différence fondamentale par rapport au passé, c'est vrai que les taux
01:45 étaient plus élevés à une certaine époque mais les volumes de dettes en jeu n'étaient pas les mêmes. C'est-à-dire qu'aujourd'hui les prix de l'immobilier, ils se sont ajustés avec des taux
01:55 qui ont beaucoup beaucoup beaucoup baissé. Ce qui fait que la sensibilité au taux, la capacité d'achat des ménages a été décuplée par rapport au passé. Ce qui fait qu'aujourd'hui,
02:05 on est clairement face à un niveau de stress inédit depuis extrêmement longtemps sur le marché de l'immobilier français. Ça nous renvoie quasi aux années 90 et à la crise immobilière
02:16 que le marché dans son ensemble avait connu, parisiens y compris, donc avec des chocs de taux qui mettent sous pression la demande finale parce que les prix d'immobilier
02:24 ce n'est finalement pas autre chose que la réponse à cette question que vous posez aux banquiers. J'ai envie d'acheter. Combien je peux avoir au regard de mes revenus ?
02:31 Mais alors du coup, ce qu'il faut comprendre, c'est que dans un deuxième temps, on verra mécaniquement les prix immobiliers baisser ou alors c'est justement là le sujet de stress
02:39 aujourd'hui, c'est que les Français sont un peu plus endettés qu'il y a quelques années et que les prix de l'immobilier restent hauts.
02:45 Alors oui, c'est une question de délai. Vous savez, le temps à la fois, le temps de l'économie réelle et le temps des marchés financiers ou des taux d'intérêt n'est pas le même.
02:53 Et évidemment, quand vous suivez ça au quotidien, il y a une forme d'empressement. Mais l'impact classique d'une augmentation des taux d'intérêt,
03:00 ça met du temps à se formaliser dans la vie réelle, dans le comportement des agents et également dans les dynamiques de prix, notamment des prix d'immobilier.
03:08 Je m'explique. Et c'est toujours la même chose. On est face finalement à presque à quelque chose d'assez traditionnel en économie.
03:13 Alors vu que ça fait longtemps qu'on ne l'a pas vécu, beaucoup de gens ne l'ont pas vécu et donc on s'en est surpris. Mais la mécanique, elle est toujours la même.
03:19 Quand vous avez une augmentation sensible des taux, immédiatement, immédiatement, le marché du neuf se bloque, ce qu'on a constaté en France déjà depuis l'année dernière.
03:27 Pourquoi ? Parce que le marché du neuf, c'est un marché de promoteur qui doit faire face à un effet ciseau terrible qui s'appelle l'augmentation des coûts de production
03:34 en conséquence de l'inflation que le monde a connue depuis maintenant un an et demi. Donc les coûts de production augmentent.
03:40 Et le pouvoir d'achat des gens qui sont censés acheter votre logement baisse parce qu'avec l'augmentation des taux,
03:47 quand les taux montent de 2%, votre banquier à mensualité constante et horizon temps constant en termes d'emprunt, il va vous dire qu'il pourrait avoir 15% de moins.
03:56 Donc vous avez à la fois des coûts de production qui augmentent et une capacité à répliquer cette augmentation des coûts de production dans les prix de vente finale qui diminue.
04:03 Tout de suite, la promotion immobilière s'arrête. C'est vrai en France depuis maintenant le milieu de l'année dernière.
04:08 C'est vrai aux États-Unis depuis un an et demi, depuis le début de l'année 2022, avec des corrections qui sont massives.
04:14 C'est -20, -30, -40% par rapport au volume de production des années précédentes. Donc c'est classique.
04:22 Un, le neuf s'arrête tout de suite. Deux, qu'est-ce qui se passe ? Il se passe que le volume de transaction souffre.
04:27 Les prix ne s'ajustent pas tout de suite. Quand vous êtes un vendeur, vous avez en fait un bien à vendre.
04:31 Vous avez en tête le prix de l'année 2021 ou 2022 ou demi-2022. Et quand vous voulez mettre votre bien en vente,
04:38 votre référence en termes de prix, c'est celle-ci. Votre exigence en termes de prix, c'est celle-ci.
04:42 Ce n'est pas qu'il n'y a pas de demande. Il y a toujours un désir d'acheter des immobiliers.
04:45 Mais la problématique, c'est que ce vendeur qui veut vendre au prix de 2021 ou 2022 ne trouve pas preneur au prix.
04:52 Pour une raison toute simple, c'est parce qu'en fait l'acheteur en face de lui ne peut pas mobiliser la même somme d'argent.
04:57 Parce que le banquier vous dit que si les taux sont passés de 1 à 4, vous aurez 25% de moins.
05:02 Donc il y a un désir d'acheter, mais pas à ce prix-là. Qu'est-ce que fait le vendeur ?
05:06 Non, il ne baisse pas son prix tout de suite. Il ne vend pas.
05:09 C'est pour ça que naturellement, vous avez les volumes de transactions qui baissent.
05:13 C'est déjà le cas en France. Évidemment, c'est le cas aux États-Unis depuis maintenant 6 à 9 mois.
05:17 6 à 9 mois plus tard, vous avez d'abord le volume de transactions qui baisse.
05:21 Puis ensuite, les prix vont s'ajuster. Parce que le vendeur finit par comprendre qu'il trouvera un acheteur en face de lui,
05:28 mais qu'il ne trouvera pas d'acheteur au prix qu'il avait en tête.
05:31 C'est la mécanique dans laquelle nous rentrons à peine. Nous n'en sommes qu'au début de l'impact des taux d'intérêt
05:38 qui met du temps à se traduire naturellement dans les prix d'immobilier.
05:42 En général, vous comptez 9 à 12 mois avant que les prix d'immobilier flanchent,
05:46 à postériori d'une augmentation des taux d'intérêt. Nous n'en sommes qu'au début.
05:51 Une question peut-être un peu optimiste, peut-être trop optimiste sur le sujet.
05:56 Si les vendeurs ont du mal à trouver des acheteurs, il y a également un autre facteur qui est ce taux d'usure
06:01 qui bloquait un certain nombre de dossiers. Et maintenant, les normes HCSF qui sont pointées du doigt par un certain nombre de professionnels de l'immobilier.
06:06 Si on reste dans un environnement de taux plus élevés, mais avec des normes pour accorder un crédit immobilier qui se détendent,
06:13 est-ce que cela pourrait permettre un atterrissage un peu plus en douceur pour le marché de l'immobilier en 2023 ?
06:18 Non, la réponse est non. Les gens qui pensaient que le blocage de l'immobilier ou des transactions immobilières
06:25 associées au taux d'usure n'ont pas compris qu'en réalité, c'est la réponse au fait que la capacité d'emprunt des ménages
06:32 est directement impactée par l'augmentation des taux. Donc en fin de compte, l'augmentation, ce n'est pas l'offre de crédit qui pose problème aujourd'hui,
06:39 c'est plutôt la capacité d'argent que peuvent lever le ménage, l'acheteur final, au regard de ses revenus qui n'ont pas beaucoup augmenté.
06:48 Et donc ça, c'est le premier point. Le deuxième point, en réalité, croyez-vous, là je vous pose la question,
06:52 dans un monde dans lequel la croissance est en train de ralentir à peu près partout dans le monde, et c'est voulu,
06:56 c'est les banques centrales qui choisissent de faire ralentir la demande pour calmer les pressions inflationnistes,
07:01 et donc naturellement, un des corollaires de ça, c'est qu'il y aura moins de croissance. Dans un monde dans lequel il y a moins de croissance,
07:06 il y a une augmentation naturelle des faillites, une pression sur le pouvoir d'achat des ménages,
07:10 est-ce que les banquiers ont traditionnellement l'habitude de prêter plus ? Est-ce qu'ils ont la volonté de prêter plus ?
07:16 Non, parce qu'un banquier, ça doit gérer aussi le risque de défaut. On commence à voir l'augmentation d'un certain nombre de défauts
07:22 dans certains segments, et donc naturellement, la réponse traditionnelle de la banque, peu importe le taux d'usure,
07:29 c'est qu'elle va devenir progressivement plus exigeante. Et à la fois, la notion de taux, qui traduit le coût du crédit
07:35 et l'argent que peut mobiliser l'acheteur final, mais aussi en fait l'accessibilité au crédit.
07:40 Et en l'occurrence, nous sommes en fait dans un moment où les banques ont plutôt tendance, c'est pas sous la contrainte,
07:46 naturellement, à prêter un peu moins facilement, être un peu plus exigeante, parce qu'elles ont compris que l'environnement
07:52 macroéconomique était un peu moins favorable. Et qu'est-ce que ça veut dire, un environnement macroéconomique un peu moins favorable ?
07:57 Eh bien, c'est un risque de défaut qui augmente un peu. Vous savez, une banque, c'est ça. Rappelez-vous les épisodes aux États-Unis.
08:03 C'est moins une problématique de liquidité qu'une problématique de solvabilité. Est-ce que le volume de crédit distribué
08:09 jusqu'à maintenant, est-ce que mon acheteur en face, l'emprunteur, a la capacité à répondre à son exigence de remboursement ?
08:16 Et donc c'est un peu ça le sujet. Et en fait, on est dans ce mouvement de basculement. Pendant un temps, le taux d'usure,
08:21 finalement, c'est un prétexte. Mais c'est ne pas comprendre que c'est véritablement la solvabilité de la demande finale, si aujourd'hui,
08:26 il est interrogé. – Est-ce qu'on est en mesure, aujourd'hui, Pierre Sabatier, de donner des ordres de grandeur en matière de volume
08:31 ou de niveau de prix pour cette année 2023 ? Je lisais avant cette émission que le groupe Aviv, par exemple,
08:36 anticipe un recul de 20% des transactions sur l'année 2023. Est-ce que vous avez, vous, des ordres de grandeur que vous anticipez
08:43 pour cette année 2023 ? – Il suffit de regarder ce qui se passe ailleurs, dans les économies qui sont un peu en avance de cycle.
08:49 Aux États-Unis, on a baissé d'entre -30% et -40% sur les volumes de transactions. Voilà. Ça sera peut-être un petit peu moins chez nous
08:56 parce qu'on est sur un marché un tout petit peu moins tendu. Donc entre 20% et 30% de baisse sur les volumes de transactions, ça s'entend.
09:02 Et en termes de prix, on peut estimer que si on s'arrête à 3% de hausse des taux, ce qui n'est pas impossible, donc 3% de hausse des taux,
09:10 ça coûte à peu près 25% de capacité d'empreinte pour la demande finale. Allez, considérons que les ménages peuvent aller un peu piocher
09:17 dans leur épargne pour compenser ça. On est sur des niveaux de correction entre 15% et 20%. Entre 15% et 20%, et donc ça veut dire
09:23 que les niveaux de prix vont probablement corriger, donc pour acter, le fait que l'augmentation des taux d'intérêt rend l'argent
09:29 moins facilement disponible en quantité et en prix. Et donc ça doit se traduire naturellement dans les prix.
09:35 Alors d'une certaine manière, c'est une bonne nouvelle pour les acheteurs de demain. C'est parce que ça va reflater le rendement.
09:40 Votre émission, elle parle de patrimoine. C'est la gestion patrimoniale. Il n'y a pas que la valorisation des actifs. Il y a aussi en fait
09:46 ce qu'ils vous rendent, le rendement associé aux investissements que vous faisez. Évidemment, un marché qui corrige en termes de prix
09:53 de 15% à 20%, c'est un marché dans lequel le loyer est bien reflaté, c'est-à-dire que le rendement va naturellement tendre vers le haut.
10:00 Et c'est ce qui devrait se produire d'ici la fin d'année, début d'année prochaine. On aura un immobilier qui redeviendra en réalité
10:06 plus attractif que ce qu'il était jusqu'à ce début d'année.
10:09 Avec un coût d'acquisition un peu plus élevé, notamment vis-à-vis du crédit immobilier.
10:14 C'est ça. Le coût d'acquisition étant plus élevé, bien naturellement, on est un peu plus exigeant sur ce qu'on est en capacité
10:20 de mobiliser pour le vendeur, à savoir le prix.
10:23 Merci beaucoup, Pierre Sabatier, de nous avoir accompagné dans Smart Patrimoine. Je rappelle que vous êtes économiste, prospectiviste
10:29 et président de Primeview. Merci beaucoup.
10:31 Merci à vous. À bientôt.
10:33 Merci à vous également de nous avoir suivis. Je vous donne rendez-vous très vite pour un nouvel numéro de Smart Patrimoine sur Bsmart.
10:40 [Musique]

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