Midi actu avec Daniel Zagury, psychiatre, Auteur de “Comment on massacre la psychiatrie française” (Editions de l’Observatoire)
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00:03 Sud Radio Parlons Vrai chez Bourdin, 10h30, midi 30, Jean-Jacques Bourdin.
00:09 Il est 12h11, nous recevons Daniel Zaguri, psychiatre, auteur de "Comment on massacre la psychiatrie française" aux éditions de l'Observatoire.
00:16 Daniel Zaguri, regardons ce qui s'est passé à Rhin, cette infirmière tuée par un homme de 59 ans, sans profession, souffrant de schizophrénie, de psychose chronique depuis son enfance, de paranoïa également.
00:29 Il n'a exprimé aucun regret, aucune empathie pour les victimes. Il l'a dit en vouloir à la psychiatrie, en vouloir au personnel soignant.
00:37 Il était sous curatel renforcé depuis 1985, suivi à adultes handicapés. Il suivait un traitement médicamenteux quotidien. Le suivait-il d'ailleurs ?
00:49 Il avait déjà agressé avec un couteau 4 personnes d'un établissement d'aide au travail qui l'employait.
00:55 Alors irresponsabilité pénale, la justice le dira ou pas, crime de haine ou de folie, moi je vous posais la question,
01:05 est-ce que, d'abord comment une personne qui a été jugée irresponsable au vu de son état mental se retrouve dans la rue en toute liberté avec une rupture de traitement,
01:15 et puis est-ce qu'on écoute suffisamment la souffrance physique, psychique, psychiatrique ?
01:21 - Alors Jean-Jacques Bourdin, à chaque fois que j'ai fait des commentaires sur des faits que je n'avais pas expertisés,
01:30 lorsque par hasard, par la suite, j'ai eu à le faire, je me suis rendu compte que j'avais dit des bêtises.
01:35 - Bon. - Donc, qu'est-ce qu'on sait ? On sait qu'effectivement c'est un homme de 59 ans, qu'il était dans un ESAD,
01:43 c'est-à-dire dans un établissement d'aide par le travail, mais ça ne nous avance pas beaucoup, il y a 120 000 personnes dans son cas en France.
01:52 On sait également qu'il était sous curatel renforcé, ça ne nous avance pas plus, il y a en France près d'un million de personnes sous mesure de protection.
02:01 - La curatel renforcé, expliquez aux auditeurs ce que c'est.
02:06 - La curatel renforcé est une mesure de protection qui donne un petit peu plus de capacité au sujet que la tutelle.
02:14 La tutelle, il est totalement, en quelque sorte, la gestion de ses biens est confiée à un tiers, soit à la famille, soit à un tiers extérieur.
02:25 Par contre, ce qui attire quand même l'attention, c'est que là on a affaire à ce qu'on appelle dans notre jargon un "hyatricide".
02:33 Un hyatricide, c'est quelqu'un qui s'en prend aux soignants.
02:37 - Un hyatricide. - Un hyatricide, il faut bien des mots.
02:42 Mais dans mon souvenir, en 30 ans d'expertise, j'en ai vu 5 ou 6 qui malheureusement avaient abouti à des homicides, et j'en ai vu peut-être une dizaine en tout.
02:53 Mais c'est toujours des cas très impressionnants, parce que c'est une haine, parfois une haine délirante,
02:59 parfois une haine pas seulement délirante, mais qui est centrée, qui est focalisée sur les soignants.
03:05 Et alors, j'ai lu dans la presse qu'il disait qu'il ne regrettait rien, et que s'il avait à nouveau l'occasion de le faire, il le referait.
03:16 Donc une détermination comme ça assez spectaculaire.
03:21 Dans mon expérience à moi, c'est tous des sujets qui étaient passés en unité pour malades difficiles,
03:32 et qui relevaient de soins, ma foi, très spécialisés.
03:40 Alors dans quelle mesure on peut relier le contexte général de la psychiatrie aujourd'hui avec ce fait divers ?
03:49 Franchement ce serait démagogique de ma part de donner un point de vue.
03:54 Par contre, ce que je peux vous dire avec assurance, c'est que compte tenu de l'état de la psychiatrie,
03:59 il y aura certainement des drames qui seront liés à l'insuffisance de la présence.
04:09 - C'est la question que je vous posais, ça veut dire quoi ?
04:11 Ça veut dire que dans notre société, on n'écoute plus la souffrance psychique ?
04:16 - Moi je crois que la France a un grave problème avec sa psychiatrie.
04:22 Je crois que vous vous souvenez probablement, durant le quinquennat de Nicolas Sarkozy,
04:28 combien chaque fait divers était instrumentalisé.
04:31 - Bien sûr, bien sûr.
04:32 - Les médias évidemment se précipitaient dessus.
04:34 - Bah évidemment, évidemment.
04:36 Et en France, c'est très étonnant, quand j'ai écrit mon livre, je me suis rendu compte à quel point
04:40 la psychiatrie c'était le service police-justice, c'était pas le service santé.
04:45 Au fond, si vous voulez, les journaux font parfois un excellent papier sur la psychiatrie,
04:54 la crise de la psychiatrie, jusqu'à la prochaine fois.
04:57 Et donc, il y a des faits divers, ou des drames, comme celui-là,
05:02 au moment de ces drames, il y a une espèce d'exorcisme collectif, d'incantation,
05:10 comme si on avait une espèce de conjuration autour de ces affaires,
05:15 et puis on passe à autre chose jusqu'à la prochaine fois.
05:19 - Oui, et puis on passe à autre chose très vite, parce qu'on a un peu peur d'aborder ces questions.
05:24 - Bien entendu, la psychiatrie fait peur, mais je faisais allusion au quinquennat de Nicolas Sarkozy,
05:31 parce que bon, effectivement, comme beaucoup de psychiatres,
05:33 moi j'ai été extrêmement choqué qu'un président de la République stigmatise la psychiatrie,
05:40 et au fond, confonde une spécialité magnifique avec uniquement les actes de violence et de délinquance.
05:50 - Dites-moi, une spécialité que de moins en moins de futurs médecins veulent épouser.
05:55 - Mais exactement ! Alors, pour quelqu'un comme moi,
05:59 pour quelqu'un comme moi, qui a commencé la psychiatrie dans l'enthousiasme,
06:03 qui vraiment considère que c'est une discipline somptueuse,
06:08 voir aujourd'hui que l'attractivité chez les internes s'effondre,
06:15 et que sur 44 spécialités médicales, figurez-vous que la psychiatrie est 40ème !
06:20 - 40ème ! - C'est à vous dire !
06:22 Et donc là, il y a énormément de causes.
06:27 Le seul problème, c'est que ces causes, elles sont convergentes,
06:31 et qu'elles ont abouti à la situation actuelle,
06:34 et que maintenant, il va falloir reconstruire la psychiatrie française,
06:40 avec des horizons 50, 10 ans, 15 ans...
06:43 - Mais est-ce que ce n'est pas le reflet de notre société,
06:45 qui ne veut plus regarder en face les difficultés,
06:48 et qui ne veut plus regarder en face la souffrance des autres,
06:52 la souffrance psychique qui fait peur,
06:55 et qu'on n'a plus envie, enfin on n'a plus la volonté d'affronter cette peur ?
07:00 - Alors, il est exact que dans les époques de crise,
07:06 d'angoisse collective, d'instabilité,
07:10 le souci des plus vulnérables n'est pas la priorité, évidemment.
07:17 Mais quand même, quand même, je disais, la France est malade de sa psychiatrie.
07:23 Alors pourquoi ? Alors que la France, comme l'Allemagne,
07:27 ont inventé la psychiatrie, une histoire absolument prestigieuse.
07:31 Pourquoi ? Pourquoi ? Alors il y a beaucoup de causes.
07:34 D'abord, parce que les seules politiques de santé sont exclusivement budgétaires.
07:40 Il y a un carcan budgétaire qui a été bien...
07:43 - Rentabilité des lits !
07:47 - On a donné un rôle exorbitant à la gestion par rapport aux soins.
07:54 On a disqualifié les soignants.
07:57 Moi j'ai connu ça, si vous voulez, entre le début de ma pratique de psychiatre,
08:01 et au fur et à mesure des années, j'étais de moins en moins important,
08:06 pour finir par être la dernière roue du carrosse.
08:09 C'est-à-dire que le chef de service a perdu le pouvoir fonctionnel
08:13 sur l'organisation de ses équipes.
08:16 Donc, alors, on a fait venir beaucoup de psychiatres étrangers.
08:21 On a laissé s'installer une baisse d'attractivité.
08:28 On a voulu, sous couvert de déstigmatisation,
08:35 dire aux jeunes qui faisaient leurs études de médecine
08:39 que la psychiatrie était une discipline comme les autres,
08:42 une spécialité médicale comme les autres, alors que ce n'est pas vrai.
08:46 C'est une discipline particulièrement complexe,
08:49 qui est, si vous voulez, la résultante de courants très diversifiés.
08:55 Il y a une part médicale qui est très importante,
09:00 il y a une dimension biologique, il y a une dimension sociale,
09:04 il y a une dimension familiale, il y a une dimension relationnelle,
09:08 il y a une dimension psychologique, et au service du malade,
09:13 tous ces courants doivent s'intégrer.
09:15 Donc, il y a eu aussi, je cite pêle-mêle toutes ces causes
09:21 qui ont fait qu'on aboutit à ce désastre.
09:24 - À ce massacre. - À ce massacre, absolument.
09:26 Ce massacre, qui est plus qu'un désastre.
09:29 Alors, au maximum, au minimum, c'est un abandon politique,
09:34 et au pire, c'est une stigmatisation.
09:37 - Une stigmatisation de qui ?
09:41 - Stigmatisation des malades mentaux
09:47 perçus exclusivement sous l'angle de la violence et de la délinquance.
09:53 Savez-vous, Jean-Jacques Bourdin, combien de schizophrènes tues,
09:59 par rapport au nombre global ? - Non.
10:01 - Vous ne savez pas ? - Non.
10:02 - Je vais vous le dire, 99,70% ne tuent pas.
10:08 Donc, stigmatiser une affection psychiatrique,
10:12 alors que dans l'immense majorité des cas, il n'y a pas de passage à l'acte,
10:17 alors, quelle serait l'attitude rationnelle ?
10:19 Quelle est la seule attitude rationnelle ?
10:21 La seule, ce n'est pas à chaque soubresaut, à chaque fait divers,
10:25 de faire une espèce de grande discussion qui sera oubliée aussitôt.
10:32 La seule solution rationnelle, c'est de mettre en place un dispositif de santé publique
10:40 qui soit performant, d'écouter les équipes,
10:43 et je disais dès le départ, la France est malade de sa psychiatrie,
10:47 il faut une loi cadre qui réinstaure un lien entre le pays et sa psychiatrie.
10:56 La psychiatrie, ce n'est pas simplement la violence,
10:58 ce n'est pas simplement des crimes, c'est très minoritaire.
11:01 La psychiatrie, c'est le soin dans le service public de 2,3 millions de Français,
11:07 vous ajoutez à cela le secteur privé, vous ajoutez à cela le secteur associatif.
11:12 - Ça concerne combien de Français en tout ?
11:14 - Alors, le chiffre que l'on a l'habitude de dire, c'est un Français sur 4,
11:20 au moins une fois dans sa vie, présentera un épisode, on va dire psychiatrique au sens large du terme.
11:28 Donc ça concerne beaucoup de gens, c'est le premier poste de dépense de santé,
11:34 donc le premier poste de dépense de santé, c'est la psychiatrie.
11:38 Donc vous voyez qu'il y a un vrai problème.
11:40 - On ne sait pas, on l'oublie, on le met de côté.
11:43 - Alors, on le met de côté, on n'a pas d'attitude rationnelle,
11:49 et il y a eu, si vous voulez, une période après la guerre,
11:56 où il y a eu une convergence entre... plus jamais ça, plus jamais ça,
12:02 dans l'opinion publique, plus jamais ces concentrations asilaires,
12:07 dans la haute administration, chez les jeunes psychiatres,
12:11 il y avait une espèce de convergence.
12:13 Et puis petit à petit, petit à petit, l'administration, la gestion, ont pris le pas sur le soin.
12:20 - Alors que la psychiatrie, c'est un lieu où il faut créer plus qu'ailleurs un lien humain.
12:26 Le lien humain est essentiel.
12:29 - Mais évidemment, évidemment.
12:31 Et en diminuant le nombre de soignants,
12:34 en leur faisant croire qu'on peut tout traiter par le médicament,
12:38 on aboutit à des situations honteuses,
12:42 à savoir un usage absolument exagéré, exorbitant,
12:47 de la contention et de l'isolement.
12:50 Donc, il faut avoir honte de tout ça.
12:52 Il faut avoir honte de tout ça, mais pas en accuser les psychiatres,
12:56 parce que ça, ça n'a pas de sens.
12:58 C'est quand même des soignants qui, là, sont les victimes.
13:03 Donc, c'est pas en accusant les psychiatres qu'on avancera,
13:07 c'est au contraire, en leur donnant les moyens
13:10 de donner au pays une psychiatrie, comment dire,
13:14 à la fois humaine et compétente sur le plan scientifique.
13:17 - Et compétente sur le plan...
13:20 Le mot "fou", qui est un mot employé à tort et à travers,
13:25 ce qui n'a plus aucune signification, finalement.
13:28 - C'est un fou !
13:30 - C'est un fou, ça veut plus rien dire, Daniel Zaguri.
13:33 - Oui, on l'emploie tous quand quelqu'un nous paraît avoir...
13:37 - Un comportement un peu différent.
13:40 - Voilà, absolument.
13:42 - Nous avons tous des comportements différents.
13:44 - Oui, mais la maladie...
13:45 - À un moment donné ou à un autre de notre vie.
13:47 - Certainement.
13:49 - Est-ce que nous sommes tous, en pathologie,
13:52 à un moment donné ou à un autre de notre vie ?
13:55 - Ne tombons pas dans les facilités.
13:58 Je vous disais tout à l'heure...
14:00 - Un quart.
14:02 - Voilà, un quart de la population va une fois dans sa vie.
14:07 Mais vous avez raison d'insister sur ce point.
14:10 La psychiatrie fait peur.
14:12 Et moi j'ai noté, vous savez, dans mon travail de psychiatre de terrain,
14:16 quand j'étais jeune, je prenais mon bâton de maréchal,
14:19 j'allais voir les politiques locaux,
14:21 et ceux qui étaient bienveillants à l'égard de la psychiatrie,
14:24 c'était souvent ceux qui avaient un membre de leur famille proche en souffrance.
14:28 Et les autres étaient plus distants.
14:31 Donc les facteurs qui font qu'on écoute la souffrance
14:36 ne sont pas nécessairement des facteurs rationnels, objectifs,
14:39 c'est souvent des facteurs très personnels.
14:41 - Merci Daniel Zaguri, merci.
14:43 On pourrait vous écouter des heures, je vous le dis tout de suite,
14:46 on pourrait faire une émission d'une heure et demie avec vous,
14:48 ce serait absolument passionnant.
14:49 D'ailleurs, on refera quelque chose sur la psychiatrie,
14:52 parce que c'est indispensable de ne pas oublier cela.
14:57 Bon, vous êtes l'auteur de "Comment on massacre la psychiatrie française"
15:01 à lire aux éditions de l'Observatoire.
15:03 Merci beaucoup Daniel Zaguri.
15:05 Il est 12h26, André Bercoff.