Santé mentale : plus d'un enfant sur dix souffre d'un trouble probable

  • l’année dernière
Parlons Vrai chez Bourdin avec le Dr. Frédéric Kochman, pédopsychiatre à Lille.

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Transcription
00:00 Jean-Jacques Boulard.
00:01 Il est 12h06, vous êtes sur Sud Radio, merci, 0826 300 300.
00:05 13% des enfants scolarisés présenteraient un trouble mental probable.
00:11 Ce n'est pas moi qui le dis, c'est une étude de Santé Publique France, étude très sérieuse,
00:17 auprès de 8000 écoliers, 400 écoles publiques et privées tirées au sort.
00:23 Les enfants concernés entre 6 et 11 ans, troubles anxieux et dépressifs, plus élevés chez les filles,
00:32 troubles du comportement, plus élevés chez les garçons.
00:35 Pour regarder cette étude, nous sommes avec le Dr Frédéric Cauchemane, qui est pédopsychiatre à Lille.
00:41 Bonjour.
00:42 Bonjour M. Bourdin.
00:43 Merci beaucoup docteur.
00:44 La première chose, 13% des enfants scolarisés présenteraient un trouble mental probable.
00:51 Ce chiffre de 13% vous surprend-il ?
00:54 Non, il ne me surprend pas, il correspond d'ailleurs aux chiffres que nous retrouvons dans différents pays européens.
01:00 Effectivement, on estime à peu près qu'un enfant sur 7, ce qui est énorme quand on prend ces chiffres,
01:06 présente une souffrance psychique et pour la plupart, ils ne sont pas pris en charge pour leur souffrance psychique.
01:12 Voilà, ils ne sont pas pris en charge.
01:13 Alors, cette étude épidémiologique et d'ampleur nationale sur la santé mentale des enfants, c'est la première en France.
01:21 Première véritablement de cette grandeur-là, de cette importance-là.
01:27 Oui, tout à fait, et j'espère bien que cette étude, effectivement, qui est très fiable,
01:31 parce qu'elle se base sur des milliers de témoignages, va nous permettre de développer une politique de santé,
01:37 parce qu'on sait aujourd'hui que la souffrance psychique chez les jeunes est un enjeu majeur de santé publique.
01:42 Si le jeune va mal, comment voulons-nous monter une société de futurs adultes qui gèneront bien notre pays ?
01:48 - Quels sont les troubles rencontrés ? Vous les connaissez, puisque vous les constatez dans votre cabinet.
01:56 Quels sont les troubles rencontrés essentiellement parmi ces enfants de 6 à 11 ans ?
02:02 - Alors, essentiellement, pour les jeunes, il s'agit des troubles anxieux autour de l'anxiété scolaire,
02:08 en particulier la phobie scolaire, en lien souvent avec du harcèlement scolaire.
02:12 Nous avons aussi dans ce cas-là beaucoup d'états de stress post-traumatique, de plus en plus.
02:17 Également des troubles dépressifs, et enfin ce que nous appelons dans le jargon des pédo-psychiatres les TCA,
02:22 c'est-à-dire troubles du comportement alimentaire, anorexie, boulimie, qui ont explosé en post-Covid.
02:28 - Oui, avec aussi troubles de l'attention, avec ou sans hyperactivité ?
02:34 - Absolument. Aujourd'hui, on estime que c'est 3 à 5 % des jeunes, c'est-à-dire 1 à 2 enfants par classe.
02:41 - Comment se fait-il que les troubles anxieux ou dépressifs soient plus élevés chez les filles que chez les garçons ?
02:48 Chez les garçons, ce sont les troubles du comportement qui sont plus fréquents.
02:52 - Oui, mais en fait, beaucoup de troubles du comportement sont des façons d'exprimer une souffrance dépressive chez un garçon.
02:59 C'est-à-dire qu'une fille va plus facilement avoir des symptômes de type tristesse, retrait social, isolement,
03:05 tandis que le garçon va avoir des symptômes de type irritabilité, passage à l'acte, impulsivité.
03:12 Ceci est unique, différent, mais ce sont des dépressions dans les deux cas.
03:16 - Dans les deux cas, oui, bien sûr. Alors, ce qui m'a frappé dans cette étude, ce que j'ai regardé,
03:24 c'est que des parents ont été interrogés, des enseignants ont été interrogés, et les enfants ont été interrogés.
03:31 Et je suis étonné de voir que les enfants, finalement, parlent plus que les parents.
03:39 Ce que je veux dire, c'est qu'ils disent ce dont ils souffrent plus que les parents.
03:44 Peut-être parce que les parents ne savent pas, ou peut-être aussi parce que les parents eux-mêmes ont honte
03:51 que leur enfant souffre de ces troubles.
03:54 - Il s'agit souvent aussi de déni des parents, et qui est un phénomène constaté depuis longtemps.
03:59 On sait qu'étonnamment, les parents sont souvent les derniers à se rendre compte que leur enfant est en souffrance.
04:05 Et d'ailleurs, les parents détestent qu'un instituteur leur dise "votre fille m'inquiète en ce moment".
04:10 Ils se font souvent rabrouer par les parents, qui vont dire "mais de quoi vous vous mêlez ? Je connais bien mon enfant".
04:15 Et donc, malheureusement, dans beaucoup de cas, les parents sont dans une forme de déni des troubles de leur enfant.
04:21 Il s'agit d'un phénomène connu depuis longtemps.
04:23 - Donc, essentiel d'interroger l'enfant, docteur ?
04:26 - D'interroger l'enfant et d'interroger aussi ceux qui vivent avec lui plusieurs heures par semaine,
04:31 en particulier les instituteurs, ça peut être d'autres personnes de la famille, d'autres proches, la nounou, etc.
04:38 qui souvent vont avoir un regard qui est plus sensible que celui des parents.
04:41 Tout se passe comme si, en tant que parents, on avait beaucoup de mal à percevoir que notre enfant a changé,
04:47 s'est transformé ou est en souffrance psychique.
04:50 - Quels moyens faut-il déployer pour prendre en charge ces souffrances psychiques des enfants ?
04:57 - Alors, les moyens déployés sont énormes et là, on a un énorme problème dans notre pays.
05:02 Vous savez que vous parlez à l'un des 600 pédopsychiatres survivants en France, pour 20 millions de jeunes.
05:10 Vous vous rendez compte ? On est très, très, très insuffisant.
05:13 Aujourd'hui, si vous voulez prendre un rendez-vous, par exemple, pour une de vos proches qui aurait des idées suicidaires aujourd'hui,
05:18 dans un centre médico-psychologique, vous allez avoir un an d'attente.
05:21 C'est le temps d'attente national dans un centre médico-psychologique aujourd'hui en France.
05:26 - Mais pourquoi, Dr Kochman ? Pourquoi ?
05:29 - Parce que ça fait juste 40 ans qu'on le dit et qu'on le crie haut et fort,
05:34 et on voit la catastrophe aujourd'hui de santé publique, le nombre de médecins qui ont baissé.
05:40 Vous voyez, la moyenne d'âge des pédopsychiatres que je suis, c'est 62 ans.
05:43 Autrement dit, on va encore plus vers la catastrophe.
05:45 Dans les 5 à 10 ans qui viennent, les trois quarts des pédopsychiatres seront à la retraite,
05:49 et on n'a pas assez de jeunes pour nous remplacer.
05:52 - Oui. Rien à voir les moyens alloués à la pédopsychiatrie ou à la psychiatrie.
05:58 Non, rien à voir, par exemple, avec les moyens alloués au cancer ou aux maladies cardiovasculaires.
06:04 - Rien à voir, alors que la souffrance est terrible, que, par exemple, chez les jeunes de moins de 15 ans,
06:10 il y a 1 000 jeunes qui vont mourir cette année de suicide, et sûrement plus.
06:15 Il s'agit... La naurégie est une maladie mortelle potentiellement aussi.
06:18 Donc il s'agit de troubles graves qui ont un impact absolument majeur sur la vie sociale, scolaire, familiale, personnelle des jeunes,
06:26 et on n'a pas du tout suffisamment les moyens en France.
06:28 - Oui. Quel conseil, maintenant, donneriez-vous aux parents ?
06:32 D'abord, d'être attentif, évidemment, sur le comportement de l'enfant,
06:37 mais que faut-il regarder, observer ?
06:41 - Alors, il faut rechercher des changements brutaux de comportement, d'alimentation.
06:48 Un enfant qui se met, par exemple, à devenir très irritable, à s'isoler des autres, à refuser d'aller en classe,
06:57 quelque chose qui change et qui est une rupture brutale par rapport à son fonctionnement antérieur,
07:01 que ce soit dans son comportement, dans sa façon d'être, il s'isole complètement dans sa chambre, par exemple.
07:07 Et donc, pour les parents, il faut pouvoir poser les bonnes questions et dire comment ça va dans ta vie actuellement.
07:13 Est-ce qu'il y a des personnes autour de toi qui te font du mal ?
07:17 Il va falloir rechercher des dangers autour d'un enfant, et en particulier, on sait les dangers aujourd'hui qui peuvent être dans l'environnement scolaire.
07:23 Un enfant sur dix souffre de harcèlement scolaire grave, par exemple.
07:26 - Les écrans, Dr Kochman ?
07:29 - Les écrans peuvent être une partie du problème lorsque ces écrans sont envahissants,
07:35 lorsque le jeune passe des heures et des heures par jour devant un écran.
07:38 Par exemple, l'été arrivant, il serait effectivement tout à fait anormal qu'un enfant passe des heures dans la pénombre
07:45 plutôt que d'être dehors au skate park avec ses copains.
07:48 Donc les écrans peuvent être une bonne chose à partir du moment où ils sont consommés avec modération.
07:52 Et comme toute substance addictive, il s'agit de les garder avec modération.
07:56 - La santé psychique des écoliers, finalement, n'est jamais ou très rarement observée dans le cadre scolaire.
08:08 - Oui, parce que dans notre fonctionnement scolaire, par exemple, la prise en charge du psychisme, de la souffrance psychique,
08:17 n'a jamais été une priorité en santé publique depuis des générations.
08:21 Contrairement, par exemple, aux pays anglo-saxons, vous savez par exemple qu'aux États-Unis, prenons cet exemple,
08:25 il y a des centres médico-psychologiques qui sont parties intégrantes des écoles et on y va comme on va en cours.
08:34 Donc on n'a pas du tout pris en compte cet état de souffrance psychique.
08:38 Mais vous savez, il faudrait un grenelle de la pédo-psychiatrie en France et de la psychiatrie tout court.
08:42 Les centres médico-psychologiques, qui sont 90% des lieux de consultation, ont été créés en post-68, en post-mai 68.
08:49 Il s'agissait d'une façon de gérer la psy à l'époque qui n'a plus rien à voir avec la psy 2023.
08:55 Donc il faudrait remettre tout à plat et refonder complètement une stratégie nouvelle de santé psychique pour nos jeunes et donc l'avenir de notre pays.
09:03 Merci Dr Kochman, merci pédo-psychiatre à Lille. Merci beaucoup, c'était passionnant, 12h15.

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