L’incroyable témoignage de Yahya, habitant à Marseille, témoin direct d’un assasinat

  • l’année dernière
Parlons Vrai chez Bourdin avec Yayha, habitant des Aygalades, témoin d’un assassinat la semaine dernière.

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##SAVOIR_ET_COMPRENDRE-2023-04-03##
Transcript
00:00 Il est 10h33, trois morts dans trois fusillades sur fond de trafic de drogue dans la nuit à Marseille.
00:09 Trois personnes décédées, trois autres sont entre la vie et la mort,
00:14 touchés donc dans ces trois fusillades dans la nuit dans les quartiers du nord de Marseille.
00:19 Ces violences ont également fait cinq blessés, indique la préfecture de police.
00:24 Vous savez que Marseille, la deuxième ville de France, est gangrénée par la pauvreté, le chômage,
00:29 la drogue. Les victimes de ces trois fusillades sont toutes des hommes âgés d'une vingtaine d'années.
00:35 Première fusillade qui éclate autour de minuit près de la cité du Castellas dans le 15e arrondissement,
00:41 puis une deuxième fusillade non loin de l'autre côté de l'autoroute A7 près de la cité des Egalades.
00:48 Elle aussi, un de ces hauts lieux des trafics de stupéfiants.
00:51 Et puis, peu avant une heure du matin, une troisième fusillade a éclaté dans le deuxième arrondissement de Marseille.
00:56 - Yahya, vous habitez les Egalades. Bonjour Yahya.
01:00 - Oui, bonjour Jean-Jacques.
01:02 - Il y a une semaine, vous étiez témoin d'un assassinat. Racontez-nous.
01:08 - Oui Jean-Jacques, il y a une semaine, j'étais... Bon, je m'appelle Yahya Gungormez, j'habite aux Egalades,
01:14 je suis un entrepreneur. Donc j'ai vais à la boulangerie de Saint-Joseph qui est à 300 mètres de chez moi
01:23 pour acheter du pain et du coca. Et je suis tombé sur une scène horrible.
01:31 Et j'ai vu ce jeune avec une Kalashnikov qui tirait dans tous les sens.
01:38 Et le jeune qui essayait de fuir devant lui. Tout ça s'est passé devant mes yeux.
01:44 Et franchement, on a eu un ressenti d'abandon total du quartier Nord après ce coup.
01:52 Parce que des balles partaient dans tous les sens, nos camions étaient criblés de balles,
01:57 on n'a pas pu travailler, nos véhicules. Il y a eu une victime collatérale aussi, une personne de 50 ans.
02:03 Donc c'était la scène à laquelle j'étais témoin ce jour-là.
02:07 - La nuit, cette nuit, ce qui s'est passé cette nuit, vous en avez évidemment là encore entendu parler.
02:15 Vous étiez dans la cité cette nuit ?
02:19 - Cette nuit, j'étais chez moi, mais j'ai entendu des tirs.
02:24 Et on dirait qu'on tirait à travers la fenêtre. Ça ne s'arrêtait pas.
02:29 Et sincèrement, j'ai un enfant de 5 ans, même lui commence à comprendre qu'il y a des choses qui ne vont pas.
02:36 Et ça commence à devenir insupportable.
02:40 - J'imagine. - J'imagine que nous, en tant qu'habitant des quartiers Nord, nous pensons que notre préoccupation aujourd'hui devrait être la jeunesse et cette génération.
02:51 Parce que bon, je ne veux pas dévier le sujet, mais le sujet de la retraite, c'est un sujet que je ne maîtrise pas.
02:57 Mais par contre, on parle beaucoup de ça, mais on ne parle pas des jeunes qui ne vont même pas arriver à 30 ans pour se plaindre de travailler jusqu'à 62 ou 64 ans.
03:06 - Oui, Yaya, Yaya, ces jeunes, le jeune que vous avez vu la semaine dernière, Kalachnikov en main, qui tirait sur un autre ?
03:16 - Qui tirait sur un autre. - Qui tirait sur un autre. Vous le connaissez ? C'est un jeune de la cité ?
03:22 - Non, le connaître, je ne peux pas dire que je le connais, mais c'était des dealers de la cité.
03:27 Il était un calculé et il a fait ça en plein milieu, à l'heure de pointe, à 19h, tout le monde va...
03:35 - A 19h, il était devant un immeuble ?
03:38 - Non, en fait, ça a commencé devant un immeuble. Il y a eu une prise en chasse à pied et la victime a contourné autour de nos véhicules pour éviter les balles.
03:49 Mais le problème, c'est qu'on était tous là-bas.
03:51 - Vous étiez tous... Il y avait autour de ces véhicules, devant les immeubles, des adultes et des enfants ?
03:58 - Des adultes, des enfants, il y avait des ouvriers, il y avait la boulangère, il y avait tout le monde, en fait.
04:06 - Et tout le monde, évidemment, a couru aux abris ?
04:09 - Tout le monde a couru aux abris. Moi, j'étais dans ma voiture devant la boulangerie.
04:14 J'ai eu une gamine qui a eu le réflexe de monter dans ma voiture parce qu'elle avait peur.
04:18 J'ai fait une marche arrière, j'ai essayé de partir, mais comme tout le monde courait de tous les côtés,
04:24 donc j'avais peur que quelqu'un... En fait, ça me ralentissait pour m'enfuir et là, je suis tombé sur la scène.
04:31 Je suis tombé sur la scène où, avec un sang-froid, il a vidé un chargeur sur le jeune. 17 balles.
04:41 Il avait 24 ans, le jeune.
04:43 - Et c'était la semaine dernière.
04:46 - C'était la semaine dernière.
04:47 - Et c'est à nouveau ce qui s'est passé cette nuit dans votre cité, ce qui s'est passé aussi dans le 15ème,
04:54 cité du Castellas, et ce qui s'est passé à 1h du matin dans le 2ème arrondissement de Marseille,
05:01 vers la rue Vincent Leblanc, proche du quartier de La Joliette, le quartier portuaire de Marseille.
05:06 Et c'est ce qui se passe depuis maintenant des années.
05:09 Et on en est à combien de morts ? 18, je crois, ou 13 morts.
05:14 13 morts depuis le 1er janvier.
05:17 - C'est en avril, Jean-Jacques.
05:18 - Et on n'est qu'en avril.
05:20 - C'est ça. Donc moi, si je peux me permettre, Jean-Jacques,
05:23 - Allez-y, Yahya.
05:24 - étant quelqu'un qui a vu ça, et franchement, le stress, je le revis,
05:29 et moi, je voudrais déjà, je vais dire, solliciter les députés et les maires.
05:35 Parce qu'eux, on ne les voit pas.
05:37 On ne les voit pas. Ils sont à l'Assemblée, ils sont de partout, sauf là où il faut pour les jeunes.
05:43 En parlant du député, vous savez, le député sortant Saïd Hamada avait soulevé ce sujet.
05:48 À l'époque, il avait dit "il ne faut pas se focaliser que sur les dealers, mais aussi sur les consommateurs".
05:54 Je pense qu'il faudrait parler de ça, là-bas.
05:56 Parce que ces consommateurs viennent avec leurs millions au quartier précaire,
06:01 et ça ne va jamais cesser.
06:03 - Hum.
06:04 Yahya, vous, vous habitez donc cette cité,
06:09 dites-moi, les égalades, vous le voyez, évidemment, ce trafic de drogue.
06:16 Très organisé.
06:18 - Très organisé, mais je vois une flexibilité aussi, je les vois tranquilles, en fait.
06:23 - C'est-à-dire tranquilles ?
06:25 - Si je dois le dire, moi, le matin, je pars à 7h dans ce café,
06:30 on va dire ce centre où tout le monde achète son pain, boit son café, part au travail de là-bas.
06:35 Quand je vais à 7h là-bas, on ne me rate pas pour mettre un PV en me disant "je me suis garé au milieu parce que j'ai chargé le marteau-pliqueur dans le coffre".
06:43 Mais par contre, après 7h, il n'y a plus personne.
06:45 - Il n'y a plus personne dans le quartier, oui.
06:48 - Il n'y a plus personne, des forces de l'ordre.
06:50 Parce qu'ils sont tranquilles, hein, Jacques. Après l'assassinat, ils font des feux d'artifice.
06:55 - Ah bon ?
06:57 - Oui. Je vous promets qu'après chaque assassinat, on voit un feu d'artifice.
07:01 - Oui.
07:03 - Mais Yaya, Yaya, la police, là, je vais prendre Rudy Mana, dans un instant, qui sera avec nous également.
07:12 Rudy Mana, qui est secrétaire départemental du syndicat Alliance et des Bouches-du-Rhône.
07:17 Je sais que la police travaille dur sur ces trafics de drogue avec une nouvelle méthode,
07:25 une méthode qui est appelée la méthode du pilonnage, je ne sais pas si elle est efficace ou pas.
07:30 Apparemment, elle paraît efficace, la stratégie du pilonnage.
07:33 Vous les voyez, quand même, les forces de l'ordre dans votre cité ?
07:36 - J'ai dit pas qu'ils font rien, si je dis ça, je dis pas vrai.
07:39 Mais je dis que c'est pas assez, puisque ça continue.
07:42 - Oui.
07:43 - Donc, j'ai le droit de me plaindre, puisque j'ai l'habitude de mes propres yeux.
07:48 - Mais bien sûr, mais bien sûr.
07:50 - Attention, je suis à politique, je suis pas là pour...
07:52 - Bien sûr, on n'est pas là pour faire de la politique.
07:54 - ... ou la police, ou qui que ce soit.
07:56 Mais sincèrement, je pense que notre priorité doit être ces jeunes,
07:59 parce qu'il faut expliquer à ces gens que la vie, elle est belle,
08:02 on n'a pas besoin d'argent pour être heureux,
08:04 on a tout un système qui est mis en place pour créer de l'emploi,
08:08 mais ils ne savent pas.
08:10 Moi, j'ai été un traducteur bénévole dans un établissement
08:16 qui a mentionné juste là-bas, à Saint-Joseph,
08:19 que j'allais pour une famille qui a rendez-vous pour leurs élèves, Jean-Jacques.
08:23 Et on me montre le carnet de l'élève en me disant,
08:26 vous voyez, il a 7 de moyenne générale,
08:29 et il est pas bon, il peut pas faire un lycée général,
08:31 on va le mettre en internance, il faut avoir une semaine de stage,
08:34 ça veut dire qu'on va le courir la vie.
08:36 Mais quand je regarde en bas de ce carnet,
08:38 la moyenne de la classe, elle est de 9.
08:40 Donc je dis à l'établissement, du coup, l'élève a 7, d'accord,
08:44 mais les 25 autres ont 8.
08:46 Même l'éducation, c'est pareil, on les abandonne.
08:51 - Yahya, dans votre quartier, il y a beaucoup d'enfants,
08:56 vous êtes pas les habitants, les habitants, les parents,
09:01 se réunissent pour essayer de trouver des solutions
09:04 pour où vous subissez ce trafic ?
09:08 - Jean-Jacques, ce trafic est devenu un quotidien.
09:12 Sincèrement, avant on jouait aux cow-boys,
09:16 maintenant les enfants jouent aux dealers et à la police.
09:18 - Ah d'accord.
09:20 - C'est un autre délire ce qu'il y a maintenant dans les quartiers Nord,
09:23 parce qu'ils ont pris le dessus.
09:25 - Oui.
09:27 - On aurait tous pu y passer.
09:29 - Mais est-ce que la population...
09:31 - Ils achètent une baguette, si je meurs là-bas,
09:33 qui sait qui m'aurait mon enfant ?
09:35 - Yahya, est-ce que la population,
09:37 une partie de la population est un peu complice du trafic ?
09:39 - Sincèrement, il n'y a personne.
09:41 Tout le monde a peur du trafic.
09:43 Personne n'est complice du trafic.
09:45 - D'accord.
09:47 - Je vous promets que personne n'est complice
09:49 du trafic. C'est juste qu'ils sont abandonnés,
09:51 ils n'ont personne pour les défendre.
09:53 Et moi-même en personne,
09:55 je n'irai jamais à l'encontre d'un dealer.
09:57 Parce que j'ai vu de quel sang-froid ils font ça.
09:59 - Oui.
10:01 Aujourd'hui, le dealer n'hésite pas à tirer et à tuer.
10:03 - Voilà. Donc nous, on préfère noter
10:05 et aller au boulot. On passe à côté
10:07 ou on fait comme si on n'avait pas vu.
10:09 - Évidemment.
10:11 Yahya, en plus le trafic a changé.
10:13 Trafic de stupéfiants, oui,
10:15 mais trafic de cannabis encore beaucoup,
10:17 mais aussi trafic de cocaïne.
10:19 - Oui. C'est vrai qu'il y a
10:21 beaucoup plus de cocaïne et de cachets.
10:23 - Eh oui.
10:25 - Ça devient beaucoup plus lourd qu'avant.
10:27 Ça devient beaucoup plus lourd.
10:29 - Vous avez combien d'enfants, Yahya ?
10:31 - C'est devenu banal. J'en ai un seul.
10:33 - J'imagine que vous tremblez sans cesse.
10:35 - Sincèrement, oui.
10:37 Oui, je me disais
10:39 si ça devait se passer devant l'école
10:41 de mon enfant, comment je fais ?
10:43 Après, comme tous les autres enfants,
10:45 je mets mon enfant en-dessus
10:47 de personne, mais même la victime
10:49 qui est décédée, même le dealer,
10:51 c'est un enfant de 24 ans.
10:53 - Oui, bien sûr.
10:55 - C'est des jeunes qu'on peut récupérer.
10:57 S'il savait
10:59 qu'il allait mourir, il n'aurait jamais fait ça.
11:01 - Merci, Yahya.
11:03 - Merci pour votre témoignage.
11:05 Merci beaucoup.
11:07 Merci d'avoir accepté
11:09 d'être en direct sur Sud Radio.
11:11 Dans un instant, je serai avec Rudi Manac,
11:13 secrétaire départemental
11:15 du syndicat Alliance Bouguron.
11:17 Et puis, nous aurons Yoann aussi, qui connaît bien
11:19 ces quartiers nord. Il y habite.
11:21 Yoann est marseillais et a appelé Sud Radio ce matin

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