Le "8h30 franceinfo" de Guillaume Ancel et Jean-Louis Bourlanges

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00:00 (Générique)
00:06 -L'armée ukrainienne a donc lancé sa contre-offensive
00:09 ces derniers jours contre les troupes russes.
00:11 Quelle est la situation sur le front ?
00:13 Quelle issue possible après 15 mois de guerre ?
00:15 Vladimir Poutine peut-il flancher ?
00:17 Pour en parler, ce matin, deux invités jusqu'à 9h.
00:20 Bonjour, Guillaume Ancel. -Bonjour.
00:21 -Ancien officier de l'armée française, écrivain
00:23 et auteur du blog "Ne pas subir". Bonjour, Jean-Louis Bourlange.
00:26 -Bonjour. -Président de la Commission
00:28 des affaires étrangères de l'Assemblée nationale,
00:30 le président ukrainien Volodymyr Zelensky
00:33 parle d'action de contre-offensive,
00:35 mais il refuse pour l'instant de donner davantage de détails.
00:39 Pourquoi autant de prudence ?
00:40 -A qui posez-vous la question ?
00:44 Écoutez, je crois que, tactiquement,
00:47 ça m'apparaît... Ça a été prévu, c'était annoncé.
00:50 Je crois que M. Zelensky avait dit que quand l'offensive commencerait,
00:53 on ne dirait plus rien.
00:55 Et je pense que dans le brouillard de la guerre,
00:58 il a le souci de ne pas dire.
01:00 Il peut y avoir deux explications en plus.
01:02 La première, c'est qu'il subisse plus de pertes
01:05 qu'il ne le pense, c'est ça qu'on peut craindre.
01:07 Il n'a pas trop envie de communiquer là-dessus,
01:10 bien qu'il ait reconnu des difficultés
01:13 et qu'il ait reconnu des pertes assez importantes.
01:17 La seconde chose, c'est que...
01:19 il...
01:21 Il a peut-être intérêt à créer une sorte de halo de mystère.
01:25 -De flou. -Et de...
01:28 Pour éveiller la solidarité un peu...
01:31 Enfin, réveiller la solidarité un peu partout.
01:34 En tout cas, c'est un maître en communication.
01:36 Et je pense que ça, ça a été très, très bien pensé.
01:41 Il est curieux, d'ailleurs, qu'on ait dit
01:43 "la contre-offensive est commencée",
01:45 parce qu'on ne l'a pas annoncé.
01:46 On est quand même dans un monde post-modern.
01:49 -G. Mencel, vous comparez carrément cette contre-offensive ukrainienne
01:52 au débarquement allié de juin 44. Pourquoi ?
01:55 -Il y a d'abord un lien de date.
01:58 C'est-à-dire que manifestement, les Ukrainiens ont choisi
02:00 une date symbolique.
02:01 On l'a compris qu'avec un peu de retard.
02:03 Comme l'a rappelé Jean-Louis, presque par le silence...
02:06 Je me suis permis d'annoncer le 6,
02:08 mais je prenais un risque, ce que j'ai toujours aimé faire.
02:11 Le 6, les Ukrainiens n'ont plus fait aucun commentaire
02:14 sur leurs opérations militaires.
02:16 C'était la 1re fois depuis des mois.
02:18 L'autre chose intrigante, c'est qu'à partir du 6,
02:20 les Russes, et ça va durer pendant des semaines,
02:22 nous annonçaient à peu près toutes les 4 heures
02:24 qu'ils venaient de stopper l'offensive ukrainienne.
02:27 Dans une stratégie qui avait été annoncée par les Ukrainiens,
02:30 on lance une offensive majeure.
02:32 Attention, c'est l'opération de libération de l'Ukraine
02:36 qu'ils lancent, pas une contre-offensive
02:38 pour récupérer une ville.
02:39 C'est déstabiliser, renverser le dispositif militaire russe.
02:43 C'est d'une ambition extraordinaire,
02:45 mais qu'un fusil a deux coups.
02:46 En réalité, ils n'ont pas la possibilité
02:49 de mener plus de deux grandes offensives majeures
02:53 compte tenu des moyens dont ils disposent.
02:55 Tout ça parce que le front, notamment, fait 1200 km.
02:59 1200 km, et il a été augmenté par les Ukrainiens
03:03 quand ils ont commencé à harceler la région de Belgorod,
03:06 qui n'était pas du tout intégrée dans le front.
03:08 Les Russes ont été obligés d'armer 200 km de front supplémentaire.
03:11 Pourquoi les Russes, le 6 juin,
03:13 déclenchent la destruction du barrage de Khakovka ?
03:16 En réalité, parce qu'ils veulent neutraliser 200 km de front
03:21 pour récupérer des unités.
03:22 C'est pas du tout...
03:24 Tout ce qu'ils ont raconté dessus était du pur cynisme,
03:27 puisqu'ils ont même bombardé les secouristes
03:29 dans la région de Kassol.
03:30 Mais leur sujet, en fait, il est militaire.
03:31 C'est freiner l'offensive ukrainienne,
03:34 les empêcher, en tout cas, d'utiliser cette zone de front
03:36 qui est juste en face de la Crimée,
03:38 et dégager toutes les unités qui sont derrière
03:40 pour aller en contre-offensive ailleurs.
03:42 Militairement, c'est compliqué de lancer une contre-offensive
03:45 sur 1200 km.
03:47 Comment ça marche concrètement sur le terrain ?
03:50 C'est sans doute une des raisons importantes
03:52 pour lesquelles on communique au silence.
03:54 Parce que, comme l'a rappelé Jean-Louis,
03:56 ils ont des pertes.
03:58 Pour moi, je ne sais pas si elles sont importantes,
04:00 en réalité, ils ont des pertes.
04:01 Et ce qui est très difficile dans cette période
04:02 pour des communicants,
04:04 c'est d'admettre qu'on a des pertes
04:05 face à des opinions publiques nationales et internationales
04:08 qui s'émeuvent de la moindre perte.
04:10 Alors que quand on fait la guerre,
04:12 le principe même, c'est qu'on accepte de faire tuer
04:15 ou de faire blesser des jeunes gens.
04:17 Il y a beaucoup de femmes dans l'armée ukrainienne
04:19 qui se battent de manière remarquable.
04:20 Et ça veut dire que tous les jours, ils ont des pertes.
04:22 Pourquoi ?
04:23 Parce qu'en fait, tous les jours,
04:24 ils tentent de multiples assauts contre le dispositif russe.
04:28 Ils n'ont pas choisi un axe, par exemple,
04:30 Zaporizhia, pas du tout.
04:32 Il faut entre 10 et 20 offensives par jour.
04:34 Pour l'instant, ils congent sur le mur
04:37 comme on conge contre une vitre blindée.
04:39 Vous savez quelle est la caractéristique
04:40 d'une vitre blindée ?
04:42 C'est que pratiquement, il n'y a aucun projectile
04:43 qui peut la détruire d'un seul coup.
04:45 En fait, quand on veut détruire une vitre blindée,
04:47 on s'acharne dessus.
04:48 Et normalement, au 10e ou au 15e coup,
04:50 la vitre s'effondre toute seule.
04:51 Pourquoi ? Parce qu'elle ne supporte plus
04:52 cette espèce de pression qu'on exerce sur elle.
04:55 C'est ce que font les Ukrainiens.
04:56 Ça va durer sans doute des jours,
04:58 voire plusieurs semaines,
05:00 avant qu'à un moment, ils arrivent à pénétrer
05:02 parce que justement, ce mur,
05:04 qui est une vitre blindée, s'effondre tout seul.
05:05 – Mais est-ce que ça veut dire que la bonne vieille technique
05:09 qu'on avait pendant la guerre de 1914,
05:11 sur un front très long,
05:12 qui était se concentrer sur un point pour faire la percée
05:15 et ensuite essayer de contourner les lignes,
05:17 est-ce que c'est abandonné au profit d'un concept
05:21 plus diffus, non pas de non-bataille,
05:23 mais de bataille générale, etc. ?
05:25 Là, on est en présence d'un concept militaire
05:27 complètement renouvelé par rapport à notre approche traditionnelle.
05:31 Parce que la guerre de 1914 a quand même beaucoup
05:33 le modèle pour les Russes, notamment,
05:35 de ce qu'ils ont fait depuis 24 février.
05:37 – Et pour rebondir sur votre question,
05:39 est-ce que ce sera une guerre de tranchées
05:41 ou est-ce que ce sera une guerre de mouvements ?
05:42 – Alors ce ne sera surtout pas une guerre de tranchées,
05:44 parce que là, les Ukrainiens ne résisteraient pas
05:46 à l'artillerie russe qui reste très supérieure en nombre.
05:50 Et comme l'a rappelé Jean-Louis, qui a été mon professeur à Saint-Cyr,
05:52 un des principes essentiels de la guerre,
05:55 c'est la concentration des moyens.
05:56 Or là, les Ukrainiens ne vont pas le faire dans un premier temps,
05:59 ils ne vont pas chercher à percer un endroit.
06:01 Pourquoi ? Parce qu'aujourd'hui, il y a de tels systèmes de renseignements
06:04 entre les drones, les avions espions,
06:06 les équipes qui sont au sol, les détecteurs,
06:09 que les Ukrainiens ne peuvent pas concentrer leur unité
06:12 à un seul endroit sans être vus.
06:14 Et donc, ils ne concentreront leur attaque
06:17 que quand ils auront percé le mur.
06:19 Et à ce moment-là, s'engouffreront des unités importantes.
06:22 Pour l'instant, ce sont des petites unités
06:24 avec du matériel moderne qui congent contre la vie.
06:28 - Du matériel européen, du matériel occidental.
06:30 En fait, cette contre-offensive n'aurait pas eu lieu
06:33 si on n'avait pas envoyé, si les Européens, les Occidentaux,
06:35 les Américains n'avaient pas envoyé leur char de combat,
06:40 leur munition, tout ça.
06:43 - Alors, ils ont envoyé trois choses.
06:44 Il y a 50 pays alliés qui soutiennent l'Ukraine
06:48 et pas seulement des pays occidentaux.
06:49 Je voudrais noter au passage mes camarades marocains
06:52 qui ont joué un rôle important sur ce sujet.
06:55 C'est qu'on a livré du matériel.
06:57 Le matériel, c'est important, mais ça ne fait pas tout dans la guerre.
07:00 Et d'ailleurs, on est tous surpris quand on voit une image
07:02 de Léopard 2 qui a été détruit sur le front,
07:04 on se dit "mais on croyait que ce matériel était invincible".
07:06 Bon, pas du tout, c'est un char comme un autre.
07:08 Puis quand il se fait flinguer, il se fait flinguer.
07:10 Le plus important, c'est la formation.
07:12 La formation, on ne va pas apprendre aux Ukrainiens à se battre.
07:15 Ça fait plus d'un an et demi, enfin pardon, ça fait 16 mois qu'ils se battent.
07:18 Ils se battent mieux que personne.
07:19 Ça manipule les engins.
07:20 Mais par contre, ce qu'ils ne savent pas faire,
07:21 c'est coordonner une opération complexe.
07:24 C'est-à-dire vraiment arriver à synchroniser de l'artillerie,
07:28 de l'infanterie, du blindé, du renseignement.
07:31 Et ça, c'est nous qui leur avons appris à un haut niveau.
07:34 Et puis la troisième chose qui est essentielle
07:36 que leur fournissent les alliés, c'est le renseignement.
07:38 C'est ce qui manque le plus aux Russes.
07:40 Les Russes ne savent pas où sont les Ukrainiens,
07:43 alors que les Ukrainiens observent en permanence
07:45 quelles sont les unités qui se déplacent.
07:46 Elles ont tout de suite vu les unités qui arrivaient du sud de Kersaune,
07:50 qui ont été dégagées grâce au barrage.
07:52 Et ils savent où elles vont.
07:53 Et du coup, ils se retirent.
07:54 Dès qu'ils savent qu'ils vont se faire piéger, ils se retirent.
07:56 – Jean-Louis Bourlange, est-ce que c'est le moment
07:58 que la France va choisir pour livrer les avions de chasse
08:00 que réclame depuis des mois le président ukrainien ?
08:02 – Ça, je ne sais pas.
08:03 Vraiment, les livraisons d'armes, il y a une chose qui est…
08:05 Déjà, les intentions ukrainiennes, c'est très le bouillard de la guerre.
08:09 Les livraisons d'armes, c'est extrêmement complexe.
08:12 Nous ne disons rien.
08:13 Peut-être les militaires en savent un peu plus,
08:15 mais les militaires qui savent ne disent rien,
08:17 ceux qui parlent sont ceux qui ne savent pas, comme moi.
08:20 Je ne suis pas militaire.
08:21 – Et vous, vous êtes président de la commission des affaires étrangères.
08:23 – On n'est pas informé.
08:25 – On y viendra, vous pensez, c'est juste une question de temps.
08:28 – Moi, j'ai toujours eu l'impression que le problème,
08:32 comme vous le disiez, le problème, c'est d'abord un problème de formation,
08:37 des matériels, des avions, etc.
08:40 Si on met les avions avec des pilotes qui ne sont pas formés,
08:43 or la formation, ça demande beaucoup de temps.
08:46 Là, je crois qu'on a commencé les formations.
08:48 Il me semble que ce qu'on fait, d'après ce que j'ai compris,
08:50 mais je n'y connais pas grand-chose,
08:51 ce qu'on fait, c'est l'aide au guidage au sol,
08:55 c'est-à-dire la relation, on apprend aux pilotes à se connecter
08:59 avec des positions de sol pour orienter leur action,
09:06 leur tir, etc. coordination terre-sol, solaire, pardon.
09:10 Et ça, je crois qu'on peut faire ça, bien que…
09:12 parce qu'en plus, ces pilotes ukrainiens,
09:17 ils vont voler sur des matériels extrêmement différents,
09:19 et c'est très compliqué, ça.
09:21 Mais il me semble que ce qu'on fait en matière d'aviation
09:25 n'est pas décisif dans cet offensif-là.
09:27 C'est certainement quelque chose de très important à moyen terme.
09:30 – On va parler de l'armée russe dans un instant,
09:32 de la milice Wagner également,
09:34 et puis d'un mot qu'on n'entend plus ces derniers mois,
09:36 c'est celui de paix, comment sortir à terme de cette guerre en Ukraine.
09:39 Vous restez avec nous, Guillaume Ancel et Jean-Louis Boulange,
09:42 8h42, le Fil info, Sophie Echelle.
09:45 [Générique]
09:46 – La proposition de loi pour lutter contre les déserts médicaux
09:49 est examinée à l'Assemblée à partir d'aujourd'hui,
09:51 portée par le député horizon Frédéric Valtout.
09:53 Le texte propose notamment une allocation pour les jeunes médecins
09:56 qui s'installent dans des zones où l'accès aux soins est difficile,
09:59 ou bien de rendre certaines gardes obligatoires.
10:01 Plusieurs syndicats dénoncent des mesures contraignantes.
10:04 250 avions militaires, 10 000 personnes mobilisées pendant 10 jours,
10:08 l'OTAN lance aujourd'hui son plus important exercice aérien
10:12 coordonné par l'Allemagne, avec 25 pays membres de l'Alliance,
10:16 une manière de montrer sa force et son unité face à de potentielles menaces
10:19 comme celle de la Russie.
10:21 Les premières images et les premiers mots des 4 enfants
10:24 retrouvés vivants dans la forêt amazonienne en Colombie,
10:26 après 40 jours de survie, seuls dans la jungle,
10:29 "J'ai faim et ma maman est morte", c'est ce qu'ils ont dit à leur sauveur,
10:33 très affaiblis, ils sont hospitalisés, mais ils vont bien.
10:36 Et puis Novak Djokovic redevient numéro 1 mondial aujourd'hui,
10:39 le Serbe a remporté hier le tournoi de Roland-Garros,
10:41 son 23e titre en grand chelem, c'est un record.
10:45 Toujours avec Guillaume Ancel, ancien officier de l'armée française,
10:56 et Jean-Louis Bourlange, président de la commission des affaires étrangères
10:58 de l'Assemblée nationale, pour parler de la contre-offensive ukrainienne.
11:03 Dans les premiers jours de la guerre, on a beaucoup entendu d'observateurs
11:06 dire que les Russes allaient faire qu'une bouchée de l'armée ukrainienne.
11:11 Comment vous expliquez que ce ne soit pas le cas,
11:12 15 mois après le début de la guerre, Guillaume Ancel ?
11:15 – Je me sens d'autant plus concerné que je fais partie des chroniqueurs
11:18 qui l'ont dit, c'est-à-dire ne cherchez pas à résister à ce rouleau compresseur,
11:23 vous n'aurez que des pertes.
11:24 – Vous êtes trompé comme tout le monde ?
11:26 – Complètement, pas comme tout le monde, je me suis trompé plus que les autres
11:30 parce que j'étais censé être mieux informé que les autres.
11:33 Pourquoi est-ce qu'on s'est laissé intoxiquer par une propagande ?
11:35 – C'est potesti, vous honorez.
11:37 – Pour une fois, pourquoi est-ce qu'on s'est laissé tromper
11:40 par la propagande russe ?
11:41 Parce que je pense que même Poutine s'est laissé intoxiquer
11:45 par la puissance de son armée, il a mis énormément d'argent pendant 20 ans
11:49 sur une armée dont il croyait qu'il la montait en gagne,
11:51 alors qu'en fait l'armée russe a fonctionné comme la société de Poutine,
11:55 c'est devenu une société mafieuse, qui a détourné une grande partie…
11:58 – C'est-à-dire la corruption en a pris une partie.
12:00 – Ils ont détourné une grande partie des fonds
12:02 qui ont disparu dans des poches privées et au lieu d'acheter
12:04 le matériel très moderne qu'ils montraient à tout le monde,
12:07 en fait ils n'en avaient pas de stock.
12:08 Et on a découvert avec la guerre en Ukraine que l'armée…
12:10 – C'est une armée Poutine quoi.
12:11 – C'est l'armée soviétique, c'est l'armée d'il y a 40 ans
12:14 qu'on croyait révolue, dépassée, qui est une armée dépassée et révolue.
12:18 Par contre, les hommes qui se battent, je ne parle pas des jeunes soldats
12:22 qu'on a emmenés de force, les cadres qui étaient de bonne qualité,
12:25 qui étaient des gens aguerris et expérimentés,
12:28 à mon avis sans règle, mais ça c'est un autre sujet.
12:30 Ils les ont fait décimer lors des premiers mois de l'opération
12:33 parce que Poutine les a obligés à aller en offensive,
12:35 là où les militaires disaient "mais attendez ça ne sert à rien,
12:37 on ne va pas les prendre Kiev comme ça en colonne, on va se faire flinguer".
12:40 Et ça n'a rien fait.
12:41 Et d'autre part, les Russes étaient persuadés
12:44 qu'ils auraient les faits de surprise,
12:46 alors que les Ukrainiens étaient parfaitement informés de leur plan.
12:49 C'est comme ça que Zelensky n'a pas été tué,
12:51 alors que le plan évidemment c'était de s'en débarrasser
12:53 dans les trois premiers jours.
12:54 – Jean-Louis Bourlange.
12:55 – Oui, je crois que c'est tout à fait exact.
12:58 Moi je participais aussi.
12:59 J'étais convaincu qu'il y aurait la guerre,
13:01 à la différence de beaucoup d'hommes politiques,
13:03 je l'ai dit d'ailleurs publiquement,
13:05 j'étais convaincu que depuis,
13:07 parce que j'avais des amis qui étudiaient bien les textes etc.
13:10 et qu'on avait étudié ça ensemble,
13:12 mais je pensais effectivement que la Russie gagnerait.
13:16 Je pense d'ailleurs que ça aurait été une victoire à l'apirus,
13:20 parce que ça aurait été une victoire à l'Afghan si je puis dire.
13:23 Ils auraient été engagés, c'est un grand pays, l'Ukraine,
13:25 occupée avec les moyens dont disposent les Russes,
13:28 un si grand pays, ils ne s'en seraient pas sortis de toute manière.
13:32 Mais en revanche, je pense qu'ils étaient à deux doigts de prendre Kiev.
13:35 Moi je suis de ceux qui pensent qu'on a failli perdre la guerre de 1914
13:39 à la Marne et que si Von Kluge, au lieu de se replier,
13:43 comme Von Moltke lui a demandé, avait fait ce qu'il voulait faire,
13:46 c'est-à-dire marcher sur le camp de Paris,
13:49 on aurait perdu la bataille.
13:51 Donc la Kiev, ça a été à deux doigts.
13:54 Mais alors là où je voulais faire une remarque,
13:56 je ne suis pas sûr que ce que je disais est vrai,
13:58 mais je suis sûr qu'on me l'a expliqué,
14:00 c'est que Poutine était assez conscient
14:03 du fait que son armée était de plus en plus vermoulue,
14:07 notamment que ce qu'il avait fait en Géorgie,
14:10 Géorgie c'est un petit pays, etc., avait montré des limites,
14:14 et qu'en réalité il était dans une situation,
14:17 et c'est ça qui explique cette irrationnalité de la décision,
14:21 il était dans une situation où il sentait vraiment
14:24 le rapport de force lui échapper,
14:27 l'Ukraine à cause de Maïdan, etc., lui échapper,
14:31 et donc sa kleptocratie profondément menacée,
14:35 et que donc il a vraiment voulu sortir de l'affaire
14:39 et prendre un gage, et il s'est enfermé dans une situation
14:42 qui effectivement, quoi qu'il arrive,
14:45 est une situation terriblement préjudiciable.
14:47 – Alors il y a cette ligne de front,
14:49 on en a parlé tout à l'heure au sud à l'est du pays,
14:52 1200 km de long, et puis il y a les attaques,
14:54 les incursions menées ces dernières semaines sur le territoire russe,
14:58 attaques qui n'ont absolument jamais été revendiquées
15:01 par le régime de Kiev, si demain l'Ukraine attaquait
15:03 directement le sol russe, Guillaume Ancel,
15:06 quelle serait notre réaction, quelle serait la réaction des alliés ?
15:08 – Je pense que ça ne se fera pas,
15:11 j'ai répondu à plusieurs questions ce week-end sur le sujet,
15:13 pourquoi ? Parce qu'on a un accord avec les Ukrainiens,
15:16 les pays alliés ont délé le fait avec les Ukrainiens
15:18 qu'on les aidait, mais qu'en aucun cas notre aide
15:20 ne devait permettre à se battre sur le territoire russe.
15:24 Ça ne veut pas dire que les Ukrainiens ne peuvent pas, eux,
15:26 se battre avec leurs propres moyens, et pas avec les moyens…
15:28 – Mais sans dire qu'ils le font, c'est-à-dire on n'utilise pas
15:31 les armes françaises par exemple.
15:32 – On notera que dans la région de Belgorode,
15:34 donc la partie de Russie où les Ukrainiens ont porté le fer,
15:37 ce n'est pas les Ukrainiens qui portent le fer formellement,
15:39 ce sont des Russes qui vont se battre contre les Russes,
15:42 et donc ils respectent notre accord.
15:44 – C'est la manière de la pièce dans le Lombard,
15:46 où c'était des Russes déguisés en Ukrainiens
15:49 à la sorte des Ukrainiens déguisés en Russes.
15:50 – Et donc pour moi, aujourd'hui, d'un point de vue cette fois politique,
15:55 on a un accord qui est très strict avec les Ukrainiens
15:57 sur le fait qu'ils ne doivent pas aller se battre sur le territoire russe.
16:00 Le fait qu'ils frappent à un endroit ou à un autre,
16:02 mais c'est dans le cas de la bataille en Ukraine.
16:04 Par contre les moyens occidentaux n'ont pas été engagés
16:07 pour aller détruire des cibles russes sur le territoire russe.
16:11 Par contre… – Ça on le contrôle.
16:12 – On contrôle, oui on le contrôle.
16:14 Vous savez c'est facile de le contrôler
16:16 parce qu'ils sont totalement dépendants du renseignement des alliés.
16:20 Donc si demain on coupait ce robinet,
16:22 là les Ukrainiens se retrouvent dans une situation qui n'est pas gérable.
16:26 Par contre sur le théâtre, dans le combat,
16:29 ce sont les Ukrainiens qui le mènent.
16:31 Et ça c'est important parce que j'entends de plus en plus de gens me dire
16:33 "mais en fait ce sont les alliés, l'OTAN etc."
16:35 Non, non, non, non, le deal c'est que ce sont les Ukrainiens
16:38 qui libèrent leur pays et c'est ça qu'ils font avec un immense courage.
16:41 – Jean-Louis Bourlange.
16:42 – Oui je crois que tout ça est tout à fait exact.
16:44 Il y a un accord extrêmement net, cela dit ça peut déborder.
16:48 Ça peut déborder d'abord si la guerre devient très violente.
16:51 C'est quand même assez difficile à encaisser pour les Ukrainiens
16:54 de se faire constamment taper dessus, détruit dans leur population
16:58 par des gens qui sont protégés, qui jouent un chat,
17:00 qui disent "chat, je suis protégé, on ne peut pas m'atteindre".
17:03 Alors il y a un moment, si le degré de violence
17:06 que subissent les Ukrainiens devient fort,
17:08 la tentation de débordement va être assez forte.
17:11 À l'inverse, si les Ukrainiens, les Russes se sentent profondément menacés,
17:16 par exemple à Sébastopol, là ils peuvent avoir une tentation
17:23 peut-être très dangereuse, mais pas totalement irrationnelle,
17:26 de porter un conflit plus ou moins limité,
17:30 quelque part au nord, en Pologne ou ailleurs,
17:33 de faire une prise de gage et d'essayer de provoquer un arrêt général.
17:38 Il n'y a pas l'arme nucléaire tactique, il y a des tas de choses,
17:41 mais il peut y avoir une tentation de la surenchère limitée
17:45 pour essayer de dire "maintenant on discute et vous arrêtez de me casser les couilles".
17:49 – L'arme nucléaire tactique, on va en parler dans un instant,
17:51 le mot nucléaire suffit évidemment à faire peur à tout le monde,
17:53 vous allez nous dire ce que c'est précisément,
17:55 si Poutine bluffe quand il menace régulièrement de l'utiliser,
17:59 et puis on parlera, je vous l'avais dit tout à l'heure également,
18:02 de la fin de cette guerre, un jour peut-être,
18:05 quand il faudra se mettre autour d'une table pour négocier.
18:08 8h51, le filet info tout d'abord avec Sophie Echelle.
18:10 [Générique]
18:12 – Une heure de sensibilisation au harcèlement scolaire
18:14 pour les près de 3,5 millions de collégiens,
18:17 cette semaine, avant des mesures plus stables dès la rentrée prochaine.
18:20 C'est une annonce du ministre de l'Éducation Papendiaï,
18:23 un mois après le suicide d'une adolescente de 13 ans
18:25 dans le Pas-de-Calais, victime de harcèlement.
18:28 Les préjugés sexistes sont tenaces,
18:30 il n'y a eu aucun progrès sur les 10 dernières années selon l'ONU,
18:33 près de la moitié de la population mondiale estime toujours
18:36 que les hommes font de meilleurs dirigeants politiques que les femmes,
18:39 plus grave encore, un quart de la population estime justifiable
18:42 pour un homme de battre sa femme.
18:44 Donald Trump prendra la parole demain soir,
18:46 après sa comparution devant le tribunal fédéral de Miami
18:48 dans l'affaire des archives présidentielles
18:51 pour laquelle il a été inculpé la semaine dernière.
18:53 L'ancien président américain est accusé d'avoir quitté la Maison Blanche en 2021
18:57 en emportant des cartons entiers de documents.
19:00 Elle s'est exprimée hier après 7 heures de garde à vue,
19:03 l'ancienne première ministre écossaise,
19:05 Nicola Sturgeon, qui affirme n'avoir commis aucun délit.
19:08 Elle était entendue dans le cadre d'une enquête
19:10 sur les finances de son parti politique indépendantiste.
19:13 On est toujours avec Jean-Louis Bourlange,
19:22 président de la commission des affaires étrangères de l'Assemblée nationale,
19:25 et Guillaume Ancel, ancien officier de l'armée française,
19:27 pour parler du conflit en Ukraine.
19:29 Depuis le début de la guerre, Vladimir Poutine agite
19:32 à de multiples reprises la menace nucléaire.
19:34 Il vient d'annoncer le déploiement d'armes nucléaires tactiques
19:37 en Biélorussie le mois prochain.
19:39 Ça veut dire que ce qu'on pensait être du bluff depuis le début de la guerre,
19:42 peut devenir une réalité ?
19:44 Non, parce que, en fait,
19:46 Poutine utilise le mot nucléaire une fois par mois comme un métronome.
19:50 Le problème avec le nucléaire, c'est que c'est d'abord une arme de menace.
19:53 Ce n'est pas une arme de guerre.
19:54 On ne sait pas faire la guerre nucléaire.
19:56 Le nucléaire, c'est une arme de destruction massive.
19:58 Donc le premier qui sort une arme nucléaire,
20:00 il rentre dans un champ que personne ne connaissait.
20:02 Ce n'est pas une arme de guerre.
20:03 Par contre, le nucléaire, c'est une menace.
20:05 Arrêtez-moi ou je fais un malheur,
20:07 et je fais un malheur dans lequel je vous entraîne.
20:08 Le nucléaire tactique, en quoi il est différent des bombes ?
20:12 Le nucléaire tactique, pardon, mais c'est une fiction.
20:15 C'est une fiction parce qu'on a cru à un moment,
20:17 c'est les années 70-80,
20:19 qu'on pouvait faire la guerre avec le nucléaire.
20:21 On a dit on va faire des toutes petites bombes nucléaires.
20:23 Le problème d'une bombe nucléaire tactique,
20:24 c'est qu'elle commence à quelques kilotonnes de puissance,
20:27 mais quelques kilotonnes, c'est mille fois plus,
20:31 c'est des milliers de fois plus que l'arme la plus puissante
20:34 dont on dispose aujourd'hui.
20:35 L'armée américaine a une bombe larguée de 10 tonnes.
20:38 C'est l'arme la plus puissante du monde aujourd'hui, 12 je crois.
20:41 Une arme nucléaire, ça commence à 1000 tonnes.
20:43 C'est-à-dire qu'on est déjà en milliers de tonnes,
20:45 c'est-à-dire qu'on est avec 3 zéros de plus.
20:48 Donc, on ne sait pas faire la guerre avec une arme nucléaire tactique.
20:51 On sait juste détruire totalement soit une ville, soit un département.
20:56 Donc, c'est un non-sens.
20:58 Et c'est là où Poutine a épuisé son affaire de menace
21:01 et que comme tous les mois, il nous dit "mais j'ai des armes nucléaires tactiques".
21:04 En fait, l'OTAN, depuis longtemps, a envoyé le message à ses États-majors
21:07 que s'il utilisait une arme nucléaire,
21:09 que ce soit en Ukraine, bien sûr, ou contre l'OTAN,
21:12 l'OTAN détruirait avec ses armes classiques
21:15 tout ce qui reste de l'armée russe en Ukraine.
21:18 Et là, Poutine n'aurait plus d'armée.
21:21 Donc, il a un choix assez cornelien à faire.
21:25 Soit après lui, il déluge, et c'est ça que tout le monde craint,
21:28 soit il a encore un tout petit peu de rationalité,
21:30 le nucléaire n'est pas une option.
21:32 – Jean-Louis Bourlange, à quel moment
21:33 est-ce qu'il faudra prononcer les mots de négociation de paix ?
21:36 Et à quelles conditions ?
21:37 – Écoutez, le problème est à la fois simple et insoluble.
21:41 Quand vous envahissez un pays, c'est à vous de négocier,
21:46 c'est à vous d'arrêter.
21:48 Comment voulez-vous que monsieur Zelensky,
21:50 sauf s'il était, si l'Ukraine était ratatinée dans la guerre,
21:54 comme nous étions en 40, on a négocié avec Hitler,
21:57 pas grand-chose d'autre à faire sauf aller à Londres,
22:00 sinon il est évident que on dit, on ne peut pas…
22:06 Zelensky va pas arriver en disant "écoutez, je vous donne la moitié du don basque".
22:09 – Donc c'est Moscou qui enverra le premier signal.
22:11 – Donc Moscou, effectivement c'est dramatique,
22:14 parce que monsieur Poutine, on le voit bien, s'enferme dans une logique.
22:20 J'ai eu des descriptions, je te le rends dans un déjeuner hier,
22:23 absolument terrifiantes du comportement personnel de Poutine,
22:27 les précautions de sécurité qui l'entouraient,
22:30 il vit dans un… il est dans un délire paranoïaque complet,
22:37 à la fois sur le Covid, parce qu'il dit à tout le monde
22:39 que c'est pas grave de mourir,
22:41 mais lui il se protège absolument à fond de tout,
22:43 et dans un délire de crainte paranoïaque politique et militaire.
22:48 – Mais qu'est-ce qui peut l'arrêter ?
22:49 – Donc cet homme-là n'est pas rationnel, il n'est pas non plus complètement antirationnel,
22:54 mais il a effectivement perdu le sens, de toute manière il a perdu,
22:58 quel que soit, et donc il n'est pas en situation de négocier.
23:02 – Est-ce qu'il faut l'aider ?
23:04 Est-ce qu'à un moment ou à un autre il faudra ?
23:06 – C'est ce qu'avait dit Emmanuel Macron au début du conflit, en maintenant le dialogue.
23:10 – J'admire le président Macron qui croit, qui vraiment affirme toujours,
23:14 il a raison, qu'il faut jouer la carte de la raison,
23:16 qu'il faut jouer la carte de la détente,
23:18 qu'on doit faire tout ce qu'on peut faire
23:21 pour arriver à amener l'interlocuteur à la raison,
23:26 mais là ça va être très difficile,
23:28 et je crois que ce qu'il faut souhaiter,
23:30 c'est que les Ukrainiens obtiennent un vrai succès,
23:35 il faut craindre, je le dis, au risque de dire des choses très dangereuses,
23:41 aux yeux des Ukrainiens, que s'ils pénétraient en Crimée,
23:45 s'ils réussissaient à prendre Sébastopol,
23:47 on aurait à ce moment-là des réactions absolument préoccupantes
23:51 de la part de Poutine, donc c'est une situation…
23:54 – Donc ça veut dire que la reconquête doit s'arrêter aux frontières de la Crimée
23:57 avec ses partenaires russes ?
23:58 – Non, je ne dis pas ça, parce que la Crimée,
24:00 tout à fait la Crimée fait partie du territoire ukrainien
24:05 reconnu internationalement,
24:06 vous n'avez aucune raison de demander aux Ukrainiens de dire
24:08 "maintenant les gars, c'est fini",
24:10 simplement je dis que nous sommes en face de quelqu'un en Russie
24:15 qui a perdu la partie politiquement, qui est aux abois,
24:19 et dont on ne peut pas éliminer la perspective de réaction assez irrationnelle,
24:29 c'est une situation dangereuse.
24:31 – La solution vient de Vladimir Poutine,
24:33 et d'ailleurs les Européens, les Alliés,
24:35 attendent une réponse de Vladimir Poutine.
24:37 – En réalité, je vais parler de la Crimée et de Poutine,
24:41 la Crimée, la question ne se posera pas,
24:43 parce que je pense que la guerre s'arrêtera
24:45 avant que les Ukrainiens atteignent la Crimée, pourquoi ?
24:47 Parce que s'ils déstabilisent le dispositif militaire russe
24:50 et qu'ils le mettent en échec, le pouvoir de Poutine vacille,
24:53 et en fait il n'y aura pas de paix durable en Europe
24:56 tant que Poutine sera au pouvoir.
24:58 Mais qui peut éliminer Poutine ? Seulement les Russes.
25:01 Il n'y a que son régime qui peut l'éliminer,
25:03 et c'est ce qu'ils feront dès le moment où ils seront en échec
25:05 pour ne pas être emportés par son échec,
25:07 pour pouvoir dire que c'était de sa faute,
25:09 et c'est ça que feront les Russes, ils élimineront Poutine,
25:11 mais par contre le régime se battra pour sa succession,
25:15 il implosera sans doute, et c'est une étape inévitable pour nous.
25:18 On ne peut pas l'éviter, contrairement à ce qu'on a fait
25:20 en Amérique du Sud ou au Moyen-Orient pendant des années
25:24 en maintenant des dictateurs et en se disant que c'était mieux
25:26 d'avoir cette injustice que du chaos,
25:28 on a tous compris que de toute façon avec Poutine,
25:30 il n'y aurait jamais de paix durable.
25:32 – Merci à tous les deux, Guillaume Ancel,
25:33 ancien officier de l'armée française, je renvoie votre blog
25:36 "Ne pas subir", Jean-Louis Bourlange, président monème
25:38 de la commission des affaires étrangères, à l'Assemblée.
25:41 Merci, vous étiez tous les deux les invités du 8.30 France Info,
25:43 bonne journée à vous.
25:44 *BIP*