François Gemenne x Robin Rivaton : la rentrée économique, entre fin du mois et fin du monde

  • l’année dernière
Le thème du débat du jour : "La rentrée économique, entre fin du mois et fin du monde". Nos débatteurs : François Gemenne, spécialiste de la gouvernance du climat et des migrations. Robin Rivaton, essayiste. Membre du conseil scientifique de la Fondapol.

Retrouvez les débats du 7/10 sur https://www.radiofrance.fr/franceinter

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Transcription
00:00 Débat ce matin sur la difficulté à parler d'écologie en cette rentrée où l'économie
00:04 et le pouvoir d'achat occupent toute la place.
00:06 Pourtant, dans dix jours, le gouvernement va présenter la feuille de route de la transition
00:11 écologique.
00:12 La facture, on le sait, sera colossale.
00:15 Question simple, qui va la payer ? Pour en débattre ce matin, nous sommes avec François
00:20 Gemmene, spécialiste de la gouvernance du climat et des migrations, Université de Liège,
00:26 Sciences Po, Sorbonne et Robin Rivaton, essayiste, essayiste, membre du Conseil scientifique
00:34 de la Fondapol.
00:35 Bonjour à tous les deux.
00:36 Bonjour, bonjour.
00:37 Merci d'être là.
00:38 Comme dit Nicolas, il y a en cette rentrée à nouveau une contradiction entre la fin
00:40 du monde et la fin du mois.
00:42 Commençons par la fin du mois.
00:43 D'abord, d'un côté, lundi, à ce micro, il y a une semaine, Bruno Le Maire vante les
00:48 bons résultats de la France.
00:49 Il parle de la croissance, de notre croissance française qui tient bon, qui est solide,
00:53 supérieur à celle de nos voisins, des 2 millions d'emplois créés en 6 ans, des usines qui
00:57 commencent à rouvrir.
00:58 Et de l'autre, dimanche, le président des Restos du Coeur qui pousse ce coup de gueule,
01:02 on n'y arrive plus face à l'inflation, face à l'augmentation des coûts, face à l'augmentation
01:06 du nombre de demandeurs, de bénéficiaires, et bien on n'y arrive plus.
01:09 On risque de fermer ces deux images contradictoires.
01:12 Le ministre de l'économie qui vante les bons résultats et les Restos du Coeur qui disent
01:15 on va fermer.
01:16 Qu'est-ce qu'elles disent de la santé de la France, de la santé économique de la France
01:21 en cette rentrée ? François Gemmene.
01:22 Je pense que ça dit tout simplement que c'est pas l'argent qui manque.
01:25 Le problème c'est qu'il est très mal réparti.
01:28 C'est exactement le même problème avec la question de la transition écologique.
01:31 Ce ne sont pas les financements qui manquent.
01:33 Le problème c'est qu'aujourd'hui ces financements sont très mal répartis.
01:36 L'argent n'est pas là où il devrait être mais c'est pas l'argent qui manque.
01:39 Et vous ?
01:40 Le point est très simple, c'est que la France c'est un pays où malheureusement quand il
01:44 y a des résultats économiques qui vont bien, il y a une partie de la population qui en
01:47 exclut parce qu'elle est peu formée, peu éduquée, qu'elle n'a pas accès au marché
01:50 du travail.
01:51 Et l'autre point important c'est qu'on parle de la croissance sur les quelques derniers
01:53 mois, c'est très bien.
01:54 Mais la réalité c'est que la situation économique de la France sur longue période, elle est
01:56 beaucoup moins bonne.
01:57 On est le troisième plus gros déficit public de l'Union Européenne.
02:00 Donc on dépense plus que nos moyens le troisième plus gros.
02:02 Et on est à la cinquième plus grosse dette de l'Union Européenne.
02:05 Donc les moyens pour financer que ce soit de la redistribution sociale ou la transition
02:09 écologique en France, malheureusement par la dette, ils font défaut aujourd'hui.
02:12 En réponse à cet appel des restos, vous l'avez entendu, la ministre des Solidarités
02:15 et des Ressources au Bourg-Eaubergé a promis une aide de l'Etat de 15 millions et on a
02:20 appelé à la solidarité des plus riches et des grandes entreprises, solidarité qui n'a
02:23 pas tardé à arriver, avec l'annonce de Bernard Arnault d'un don de 10 millions d'euros.
02:28 Est-ce que c'est ça qu'il faut faire aujourd'hui en France ? Est-ce que ça va dans le bon
02:32 sens ? Comment vous avez apprécié l'un et l'autre ce don de Bernard Arnault ?
02:36 Moi je pense que c'est quand même une très bonne chose de voir aujourd'hui une partie
02:40 des gens les plus aisés qui ont connu une forte croissance de leur patrimoine ces dernières
02:43 années pouvoir redonner cette forme de charité manquée en France.
02:46 Un des plus riches qui investissait dans l'art plutôt que malheureusement dans les oeuvres
02:49 caritatives a été très présente aux Etats-Unis.
02:51 Elle commence à arriver en France, on ne peut que s'en féliciter, même si malheureusement
02:54 le fait générateur est quelque chose de très négatif.
02:56 C'est-à-dire qu'aux Etats-Unis, les très riches…
02:57 Warren Buffett a décidé de consacrer 99% de son patrimoine, de le redonner.
03:01 Bill Gates a aussi signé ce pledge où il a décidé de donner 99% de sa fortune aux
03:06 oeuvres caritatives.
03:07 Et vous François Gemmene, je trouve qu'il y a quelque chose de profondément choquant
03:11 à l'idée que l'Etat se défause sur des associations pour assurer ce qui devrait être
03:16 une des missions de base de l'Etat, c'est-à-dire s'assurer que les gens ne soient pas dans
03:21 la pauvreté, s'assurer que chaque Française et chaque Français puissent manger à sa
03:26 faim, puissent être logés décemment.
03:28 Et quand on commence à faire appel à la charité des particuliers, fustiles, très
03:33 très riches comme Bernard Arnault, c'est que fondamentalement l'Etat est défaillant.
03:37 Alors bien sûr, de façon conjoncturelle, je me réjouis évidemment qu'on puisse
03:41 venir en aide au resto du cœur, que Bernard Arnault fasse un don très bien, mais fondamentalement
03:46 on a un vrai problème quand l'Etat se défause de ses missions fondamentales sur la charité,
03:51 sur des particuliers.
03:52 Vous remariez à toi ou vous n'êtes pas d'accord ?
03:53 Je ne suis pas d'accord.
03:54 Je pense qu'aujourd'hui, encore une fois, la question est l'allocation des ressources
03:57 de l'Etat.
03:58 L'Etat emprunte énormément d'argent, ne peut pas payer déjà ses recettes normales,
04:02 il est obligé de s'endetter chaque année pour pouvoir financer les choses qu'il veut
04:05 faire.
04:06 Donc si on veut, et je suis totalement à l'aiguille de ce qui vient de dire, il faut
04:08 que l'Etat puisse se consacrer à l'aide alimentaire, à des missions de base, il
04:12 va falloir raboter ailleurs.
04:14 Donc on ne peut pas avoir la solution, on se dit que l'Etat doit aller partout, tout
04:16 le temps, et là il va falloir faire des choix.
04:18 L'Etat ne peut pas tout.
04:19 Soyons clairs, l'Etat doit au moins le minimum s'assurer que tous ses citoyens aient un
04:24 logement, aient de quoi manger le midi et le soir.
04:27 A mon sens, ce sont les fonctions minimum de l'Etat.
04:30 Alors bien sûr, l'Etat ne peut pas tout.
04:32 Bien sûr, on peut questionner certains investissements, mais ça, je suis désolé, c'est le minimum
04:37 de base à lequel un Etat doit répondre.
04:38 Une démocratie moderne ne peut pas prétendre être moderne s'il y a encore tant de gens
04:43 qui ont faim et qui dorment dans la rue le soir.
04:45 - Robin Riviaton ?
04:46 - C'est l'Etat français, l'Etat parmi les Européens qui a le plus fait pendant la crise
04:51 Covid pour soutenir les ménages à travers tout un ensemble de dispositifs, que ce soit
04:54 par exemple des chèques carburants, que ce soit la mise en place du chèque alimentaire.
04:58 Donc loin de défendre le bilan du gouvernement, ce qu'il faut dire c'est qu'on a un Etat
05:02 qui est beaucoup intervenu en soutien des ménages pendant cette crise-là.
05:05 On peut toujours demander plus.
05:06 Encore une fois, la question c'est qu'est-ce qu'on fait moins de l'autre côté ? Aujourd'hui,
05:09 on est dans une situation où on ne peut pas faire plus partout.
05:11 Donc il faut faire plus d'un côté.
05:13 - Mais il ne s'agit pas de demander plus, il s'agit de demander la base.
05:15 - Oui, mais pour faire la base, il va falloir raboter quelque part ailleurs.
05:18 - Et c'est aussi la question qui se pose avec la transition écologique, Nicolas, parce
05:21 qu'on vous a aussi invité pour parler de cela.
05:23 - Voilà, parce que...
05:25 On ne va pas y couper.
05:27 Même si l'écologie n'était pas à l'ordre du jour des douze heures de discussion entre
05:31 le président de la République et les chefs de parti à Saint-Denis la semaine dernière,
05:36 la transition écologique et son agenda vont être annoncés d'ici une dizaine de jours.
05:44 Ça va coûter de 250 à 300 milliards d'euros de dettes en plus en cumulé en 2030, jusqu'à
05:51 34 milliards d'investissements publics supplémentaires par an à cet horizon.
05:56 Comment on finance cet effort, François Gemmene ? Qui va emporter le pouvoir ? Les plus riches,
06:01 les classes moyennes, les grandes entreprises ? Qui va devoir se serrer la ceinture ?
06:04 - Très clairement, ça doit forcément être un effort partagé.
06:07 Personne ne nie que ça va être un effort d'ampleur colossale, il faut le dire.
06:12 C'est littéralement un effort de guerre.
06:14 Alors, la question, ça va être évidemment celle du partage de l'effort.
06:17 Il va falloir éviter absolument que la charge de l'effort ne repose sur les plus précaires.
06:23 Et donc, oui, il va falloir de l'endettement public.
06:26 Je pense qu'on aurait aussi intérêt à mobiliser davantage l'épargne des Français.
06:29 Il y a 6 000 milliards d'euros d'épargne dans les banques françaises.
06:34 Je pense que beaucoup de Français seraient en fait assez désireux et assez contents
06:38 de pouvoir investir dans la transition énergétique si on leur donne les moyens et les instruments,
06:42 par exemple, des obligations.
06:44 Mais ça va être effectivement un investissement considérable.
06:47 J'insiste sur le fait qu'à mon sens, il ne faut pas le voir comme un coût net.
06:52 Il faut le voir comme un investissement.
06:54 Prenez l'éducation.
06:55 Chacun convient que l'éducation coûte énormément, mais tout le monde réalise bien que l'éducation,
06:59 c'est un investissement pour le futur.
07:01 Je pense qu'il faut voir...
07:02 De là à sortir son épargne des banques pour un investissement écologique, vous êtes
07:06 utopie !
07:07 Sauf que ça peut vous rapporter de l'argent.
07:08 Aujourd'hui, le financement de la transition énergétique, c'est quelque chose qui peut
07:12 vous rapporter de l'argent, qui peut procurer un retour sur l'investissement conséquent.
07:15 Juste là-dessus encore une fois, l'État français est le quatrième pays le plus
07:18 endetté de l'Union européenne.
07:19 Devant nous, il y a la Grèce, le Portugal, l'Italie.
07:22 Donc on est dans une situation qui est quand même très lourde.
07:24 Et aujourd'hui, pour aller s'endetter, il faut que les gens vous fassent confiance
07:27 en face.
07:28 Ça peut être les Français, on peut leur demander un effort supplémentaire, mais ils
07:31 peuvent refuser.
07:32 Les Belges ont lancé la semaine dernière un grand emprunt sous forme d'obligation
07:34 pour financer justement la transition.
07:36 Qui a fonctionné formidablement bien, on a toute espérance.
07:37 Qui a fonctionné plutôt pas mal.
07:39 Mais la question aujourd'hui, c'est que...
07:40 Et on voit que ça ne veut pas être une question de dette, donc ça va être la taxation
07:43 qui va devoir peser.
07:44 Et cette taxation aujourd'hui, c'est très simple.
07:46 On est en train de dire "morts aux riches".
07:47 C'est quand même ce qu'on lit partout, c'est quand même le sens du rapport Pisaniferi,
07:52 en disant "les riches vont payer".
07:53 Les riches, c'est quoi dans notre pays ? Les 10% les plus riches dans notre pays, c'est
07:56 les gens qui ont 500 000 euros de patrimoine net.
07:57 On va leur dire "on va prendre 10% de cette somme-là, on va prendre 50 000 euros".
08:01 Mais ils vont faire comment ? Comment ils vont financer ces gens qui ont des logements ? Ils
08:04 vont faire quoi ? Ils vont vendre leurs logements pour financer cette taxe ? On voit bien que
08:08 cette solution est peu pratique.
08:09 Comme vous l'avez dit, aujourd'hui, ce dont on a besoin, c'est un effort global, un effort
08:12 collectif.
08:13 Le rapport Pisaniferi, parce que vous parlez des riches, le rapport Pisaniferi-Maffouz
08:16 préconisait un ISF vert qui serait exceptionnel et temporaire sur le patrimoine financier
08:22 des plus riches.
08:23 Donc ce patrimoine n'étant pas liquide, ce patrimoine étant principalement d'immobilier,
08:27 qu'est-ce qui va se passer ? Il faudrait que tout le monde vende son logement en même
08:29 temps pour pouvoir financer cet impôt.
08:31 Donc on voit bien que sur le principe, les chiffres marchent.
08:34 La question c'est comment on fait dans la pratique ? Dans la réalité, les impôts
08:37 exceptionnels, ça marche jamais.
08:38 François Jemmel.
08:39 Dans la pratique, on peut discuter de l'impôt sur la fortune d'un ISF climatique, pourquoi
08:43 pas ? Mais je pense que la vraie solution en matière fiscale, c'est évidemment la
08:47 taxe carbone.
08:48 Aujourd'hui, qu'est-ce qui provoque les dommages environnementaux ? C'est le fait
08:51 que les externalités environnementales, c'est-à-dire les dommages à l'environnement
08:56 qui ne sont pas inclus dans le coût des biens et des services, ne sont pas inclus dans
08:59 le prix.
09:00 Aujourd'hui, il faut pouvoir inclure ces coûts dans le prix, de manière à ce que
09:03 des biens et services très carbonés coûtent plus cher et qu'à l'inverse, des biens
09:08 et services moins carbonés coûtent beaucoup moins cher.
09:10 Mais alors, François Jemmel, la taxe carbone, il avait voulu le faire Emmanuel Macron, ça
09:13 a donné les gilets jaunes.
09:14 Parce que les gens en période d'inflation ont-ils les moyens de payer plus ?
09:18 C'était pas une taxe carbone, c'était une taxe sur du carburant qui était utilisée
09:22 en particulier pour les habitants des zones périphériques et qui avait l'impression
09:25 que c'était inéquitable.
09:26 C'est pour ça qu'ils se sont révoltés.
09:27 Vous pointez du doigt tout le problème de cette transition écologique.
09:30 C'est que la transition écologique, aujourd'hui, c'est soit des interdictions, on interdit
09:33 les véhicules diesel, on interdit les logements qui sont les plus énergivores.
09:36 Et ces interdictions, elles frappent qui ? Elles frappent évidemment les ménages les plus
09:39 modestes.
09:40 Ceux qui ont des véhicules diesel, ceux qui ont des logements les plus énergivores,
09:42 c'est les ménages les plus modestes.
09:43 Ou on essaie de dire que c'est les riches qui vont payer.
09:45 Et donc si la transition écologique, c'est "guerre au prolo" ou "mort aux riches",
09:48 il n'y aura rien du tout qui va en sortir.
09:49 Aujourd'hui, ce dont on a besoin, et là-dessus je vous rejoins, on a besoin d'une initiative
09:53 d'ampleur, d'une taxe carbone européenne aux frontières de l'Europe qui fasse que
09:56 quand on importe des produits qui sont carbonés, on récolte de l'argent et que cet argent
10:00 serve à subventionner des comportements qui vont changer.
10:02 Mais ce sera suffisant à votre avis ?
10:03 Oui, ça peut être suffisant.
10:04 Mais la question c'est que…
10:05 Et que fait le gouvernement français pour porter cette question dans l'Union Européenne ?
10:07 Désolé, mais la France n'est quand même pas un petit pays dans l'Union Européenne.
10:10 Le problème c'est qu'aujourd'hui, la proposition de la taxe carbone de l'Union
10:14 Européenne qui a été proposée il y a quelques mois est une catastrophe.
10:16 Elle ne représente pas du tout ce qu'il faudrait faire.
10:19 Elle ne va pas du tout dans les intérêts des producteurs européens.
10:21 Elle taxe plus les gens qui produisent vertement, correctement en Europe au lieu des détriments
10:26 des producteurs étrangers.
10:27 Aujourd'hui, on a besoin de mettre en place ça.
10:30 Et il faut arrêter avec ces interdictions de dire "2035, la fin du véhicule thermique",
10:33 "2034, les logements G, F ou E seront interdits", "5 millions de logements".
10:37 Qui peut croire ? Vous voulez loger tout le monde et on dit qu'il y a 5 millions de
10:40 logements qui vont disparaître du parc locatif ?
10:41 Je suis assez d'accord pour dire qu'on prend généralement les choses par le biais des
10:46 interdictions et d'une réglementation parfois de plus en plus forte, pas suffisamment au
10:50 sens par le bout des investissements.
10:52 Et là, c'est la clé.
10:53 Un autre problème sur l'argent, ce sont les subventions publiques aux énergies fossiles.
10:57 Il faut se rendre compte qu'on a quand même 640 milliards d'euros par an de subventions
11:03 publiques aux énergies fossiles.
11:04 Et si on ajoute les investissements privés vers les énergies fossiles, on arrive à
11:08 7000 milliards d'euros par an.
11:09 Ce n'est pas moi qui le dit, c'est le FMI.
11:12 Ça fait 13 millions de dollars par minute.
11:14 Ça veut dire que ça représente 7% du PIB mondial qui retourne aux énergies fossiles.
11:18 Robin Rivaton, les subventions publiques de l'État aux énergies fossiles ?
11:22 C'est un énorme problème.
11:23 Après, c'est un sujet qui touche assez peu la France.
11:24 La France est en train de couper assez fortement ses subventions.
11:27 Avec l'oubli du tarifaire, 35 milliards d'euros en 2023.
11:30 Le Sénat l'estime à 170 milliards d'euros jusqu'à 2025.
11:34 La redistribution, le chèque carburant, c'est une forme de redistribution.
11:37 Il faut être cohérent avec ce qu'on veut.
11:39 On est dans cet arbitrage entre "est-ce qu'on soutient le pouvoir d'achat et la transition
11:42 écologique ?" Aujourd'hui, on a fait ce choix de soutenir le pouvoir d'achat.
11:45 Mais il faut voir qu'en France, on réduit plutôt les subventions.
11:47 Vous voyez bien que les investissements dans la transition écologique nous permettraient
11:50 non seulement d'épargner de l'argent sur l'énergie, de réduire la facture énergétique
11:54 des Français, et surtout ne nous épargnerait le coût de l'inaction, notamment le coût
11:59 des dommages climatiques qui ont coûté en 2022 10 milliards d'euros aux assurants
12:04 français, 275 milliards de dollars de pertes en 2022, dont seulement 125 étaient découverts
12:09 par les assurances.
12:10 Donc si je vous suis, vous, vous voulez vous endetter davantage et peu importe si on a
12:14 3 000 milliards de dettes, on s'endette.
12:17 Vous vous dites "surtout pas s'endetter".
12:18 On n'y arrivera pas, c'est pas que je ne dis "surtout pas", c'est qu'on n'y arrivera
12:21 pas.
12:22 Il n'y a personne qui va nous prêter plus.
12:23 Et si on faisait un grand emprunt comme les Abel Abdel Souk ?
12:24 On peut, lançons-le.
12:25 Mais ce que je veux dire, c'est qu'aujourd'hui, on est quand même au taquet et les gens ont
12:27 de moins en moins confiance dans la signature d'Etat.
12:29 Donc il faut à un moment se dire "faisons ces choix-là, ces investissements", parce
12:32 qu'ils sont stratégiques, mais il va falloir raboter quelque chose d'ailleurs.
12:34 Romain, le plan d'investissement américain de lutte contre l'inflation, le plan de Biden,
12:37 c'est 370 milliards de dollars.
12:39 Pourquoi est-ce qu'on ne peut pas être à ce niveau d'investissement ?
12:41 Parce qu'ils ont le dollar et les gens ont confiance dans le dollar.
12:44 Aujourd'hui, je peux vous dire que les gens n'ont pas confiance dans l'euro, dans la
12:46 signature de l'Etat français.
12:47 Vous êtes trop pessimiste par rapport à la confiance que les gens peuvent avoir dans
12:50 l'euro ?
12:51 Les gens n'ont pas confiance dans l'euro ?
12:52 Beaucoup moins que dans le dollar.
12:53 Il faut avoir confiance dans l'euro, mais la signature de l'Etat français, donc l'Etat
12:55 français encore une fois qui a ce maximum d'endettement, aujourd'hui les Français
12:58 sont de moins en moins.
12:59 Dernière question, on en parlait hier, le désespoir de Jean Jouzel, Nicolas, au MEDEF.
13:03 Qui participait aux universités d'été du MEDEF, dialogue avec le patron de Total,
13:10 qui l'a écouté Patrick Pouyanné dire qu'il fallait en finir avec les énergies fossiles.
13:15 Il ne l'a pas contredit d'ailleurs, mais il lui a dit qu'il continuerait, que c'était
13:20 ça sa vie et son business.
13:23 Qu'en pensez-vous ?
13:24 Ce qui est très important dans cette transition écologique, c'est que les anathèmes, les
13:28 interdictions, ça ne marche pas.
13:29 Aujourd'hui, on est sur une trajectoire de réduction.
13:32 C'est ce qu'il faut avoir en tête, c'est qu'on est sur la bonne pente.
13:34 Elle ne va pas assez vite, mais aujourd'hui on est sur la bonne trajectoire.
13:36 Et faire peur à tout le monde, ça amène quoi ?
13:38 Aujourd'hui, le nombre de climatosceptisme a augmenté de 8 points l'année dernière
13:42 et est passé à 37% de la population qui est climatosceptique.
13:44 Parce qu'on fait peur et qu'on dit aux gens, en fait cette transition, ça va être
13:48 la cata, c'est votre faute et on va vous interdire toutes les choses qui vous font
13:51 plaisir dans la vie.
13:52 Mais pas du tout, c'est un projet pour l'avenir justement.
13:54 C'est ce qui se passe, les gens le sentent comme ça.
13:55 Mais pourquoi François Gemmene le sent comme ça, comme il dit, Robin Rivaton ?
13:58 En tout cas, une partie des gens, et c'est vrai, on en a parlé la semaine dernière,
14:02 l'explosion des climatosceptiques, notamment sur les réseaux sociaux.
14:06 Mais pourquoi ? Parce qu'on présente sans cesse l'action pour le climat, comme une
14:10 contrainte qui nous tombe dessus, comme une suite d'efforts à réaliser, de sacrifices
14:14 à consentir.
14:15 Et personne n'a envie de cela en se levant le matin.
14:16 L'enjeu c'est de transformer cette contrainte en un projet, et notamment en un projet d'investissement.
14:20 C'est pour ça qu'il faut investir.
14:21 Et pourquoi on n'y arrive pas ?
14:22 Mais parce qu'on joue petit bras, on est petits joueurs.
14:25 On est petits joueurs ?
14:27 On est petits joueurs sur cette question, bien entendu.
14:29 Alors c'est vrai que les émissions sont en baisse, mais pas suffisamment.
14:32 On pourrait faire tellement mieux, tellement plus vite, tellement plus grand.
14:35 Mais pour ça, il faut investir et donc il faut consentir à s'endetter.
14:39 Allez, on en reste là.
14:40 Merci François Gemmene et Robin Rivaton.

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