• l’année dernière
L'invité des Matins de France Culture.
Comprendre le monde c'est déjà le transformer(07h40 - 08h00 - 2 Octobre 2023)
Retrouvez tous les invités de Guillaume Erner sur www.franceculture.fr

Category

🗞
News
Transcription
00:00 *Générique*
00:07 Je crois qu'à chaque fois qu'on parle de logement, on accompagne ce terme du mot « crise » ou « problème ».
00:11 « Problème de logement ». Mais aujourd'hui, semble-t-il, les problèmes du logement, la crise seraient plus importantes.
00:19 Il y a une crise dans la crise. De quoi parle-t-on ?
00:22 Et bien, pour tenter d'y voir plus clair, nous sommes en présence de deux spécialistes de ce domaine.
00:27 Tout d'abord, Ingrid Napy, bonjour. Vous êtes économiste, spécialiste des questions immobilières,
00:31 professeur à l'École des ponts Paris Tech. Vous avez fait partie du Conseil national de refondation du logement
00:38 qui vient de se clore en août. Et puis, un autre regard sur le logement, c'est le vôtre, Robin Rivaton.
00:44 Bonjour. Vous êtes entrepreneur, patron de la société Stonal. On vous doit un certain nombre d'écrits sur l'immobilier,
00:51 l'immobilier de main, aux éditions du Nau. Et puis, une note intitulée « Logement, bombe sociale ».
00:58 Et cette note, elle date de 2022, pour dire que cette bombe sociale, je ne sais pas si elle a explosé,
01:04 si elle est en train d'exploser. Mais en tout cas, elle ne date pas d'aujourd'hui. Qu'est-ce qui se passe de particulier
01:09 aujourd'hui, Robin Rivaton ? Pourquoi cet emballement sur une crise du logement ?
01:15 Dans le logement, il y avait une crise structurelle, dont on pourra détailler les effets un peu plus tard.
01:19 Mais aujourd'hui, on affronte une crise conjoncturelle, une crise conjoncturelle qui frappe tous les pays du monde.
01:23 La France n'est pas immune et qui est liée à la remontée des taux de directeur des banques centrales,
01:28 la plus brutale de l'histoire économique moderne, et donc qui a asséché le pouvoir d'achat immobilier
01:33 de certaines classes très particulières. Les primo-accédants, donc les gens qui n'avaient pas d'immobilier,
01:38 qui empruntaient 100% ou quasiment 100% de la somme pour se loger. Les investisseurs locatifs, qui achetaient
01:43 pour louer les biens ensuite. Et le monde du logement social, qui est à sa dette à taux variable,
01:48 puisque la dette du livret A, personne ne le sait, mais elle est à taux variable quasiment pour son intégralité.
01:52 Donc tous ces publics se sont retrouvés complètement en incapacité à devoir rembourser des sommes
01:57 très importantes pour pouvoir acheter du logement. Et donc, ces trois publics sont les acheteurs traditionnels
02:03 du logement neuf. Et donc, ils ont arrêté d'acheter du logement neuf, les promoteurs ont arrêté de lancer
02:08 des programmes. Aujourd'hui, on arrive à la troisième lame de fond. Les entreprises du bâtiment n'ont plus
02:13 de carnet de commandes et donc on voit arriver ce phénomène de baisse de l'emploi.
02:17 Donc les taux sont extrêmement importants puisque, comme vous venez de l'expliquer, c'est un marché qui est
02:22 très dépendant de l'accession au crédit, comme on peut le comprendre aisément en rebarillaton.
02:27 Mais normalement, lorsque les taux augmentent, les prix baissent. Donc l'un dans l'autre, la pierre demeure
02:33 à peu près au même prix.
02:34 Donc là, on parlait essentiellement du marché du logement neuf. Et en fait, ce qui se passe, c'est que sur le marché
02:38 du logement ancien, la demande reste très forte. En fait, c'est là le point à avoir. Et c'est pour ça que les prix
02:43 s'ajustent très peu. C'est que la demande de logement est très forte. Pourquoi ? On a une population qui continue
02:48 de croître. On a une population qui décohabite, c'est-à-dire que le nombre d'individus par ménage se réduit
02:53 pour plein de raisons. On ne va pas aller détailler ici, mais par exemple, les divorces au-delà de 50 ans, c'était
02:58 un phénomène qui n'existait pas il y a presque 15 ans et qui aujourd'hui est devenu un phénomène qui s'est largement
03:03 généralisé. Tout ça crée une pression sur le nombre de logements. La métropolisation, c'est un phénomène qui continue
03:08 et qui fait que les gens habitent toujours plus au même endroit. Et donc tout ça fait que la demande est très forte.
03:13 Et donc sur le marché du logement ancien, on a toujours ce maintien des prix tout simplement parce qu'il y a toujours
03:19 des gens qui sont prêts à acheter d'autres logements. Et ce n'est pas valable qu'en France. Aux États-Unis, où les taux
03:25 du crédit sont à 7 %, donc c'est encore 7 %, ça nous donne un peu une idée, les prix immobiliers ont arrêté leur chute
03:32 alors même qu'ils ont légèrement chuté, mais par rapport au pic, ils sont seulement à -3 %. Donc on voit bien
03:37 qu'aujourd'hui, on a une demande de logement qui reste très forte dans tous les pays développés.
03:40 - Ingrid Napy, c'est donc une période particulière parce qu'au-delà des questions évoquées par Robin Rivaton,
03:47 il y a une autre préoccupation qui n'existait pas auparavant, c'est la préoccupation, je vais le dire d'un terme large,
03:54 la préoccupation écologique qui, elle, façonne d'une autre manière le marché du logement.
04:00 - Oui, tout à fait, mais je reviendrai sur la notion de bombe sociale dont on entend beaucoup parler actuellement,
04:06 comme si la crise venait d'apparaître. La crise, elle est latente et elle est même plus que latente, elle existe depuis 2008,
04:13 depuis justement une période qu'on a oubliée, qui c'est celle des taux d'intérêt très bas, voire pratiquement nuls
04:18 parce qu'inflation zéro, donc une période complètement exceptionnelle dans l'histoire économique de la France depuis l'après-guerre.
04:25 Et donc on voit bien qu'on a assisté à des prix immobiliers avec une croissance multipliée par 2 ou par 3 dans certaines métropoles,
04:35 alors que les revenus des ménages ne montaient pas. Donc, brutalement, pourquoi on parle de crise sociale ?
04:40 Parce que, justement, comme l'a dit Robin, les taux d'intérêt ont monté, mais surtout, ce n'est pas une question de hausse des taux d'intérêt
04:45 parce qu'ils restent quand même relativement bas, comparativement aux taux d'intérêt qu'on a pu avoir dans les années 60, 70,
04:51 ou même il y a 15 ans, ou même 10 ans. Ils sont relativement bas parce que l'inflation est à 7%, les taux sont à 4%,
04:57 on a encore une petite marge. Ce qui révolte énormément le secteur, c'est la baisse des volumes de crédit,
05:03 des quantités de crédit allouées par les banques. Ça, c'est là, il est là le problème.
05:08 C'est que c'est non seulement une crise conjoncturelle par cette hausse des taux d'intérêt, mais c'est également une crise structurelle.
05:14 C'est qu'on a aujourd'hui une crise non seulement du logement social, on va peut-être le mettre à côté,
05:19 mais une crise également du pouvoir d'achat des ménages, primo-excédent, comme on l'a dit, une crise de l'offre.
05:26 C'est le secteur économique de l'industrie immobilière et de l'industrie de construction qui est en crise.
05:33 C'est lourd dans l'économie aujourd'hui en France. La construction, ce qu'on appelle le BTP, les bâtiments, transports publics, même le bâtiment, 7% du PIB.
05:40 L'industrie immobilière, les services immobiliers, les promoteurs, 8%, ça fait 20%. Alors, elle vient d'où la crise ?
05:47 Elle vient justement du problème des sols. On n'a plus de terrain. Elle vient du problème de l'augmentation des coûts de construction
05:53 qui est lié non seulement à une crise logistique et à l'inflation, mais également aussi qu'on va construire différemment.
06:01 On parle aujourd'hui de matériaux biosourcés. Donc, j'arrive à votre question sur l'écologie.
06:05 On vient également sur une question de prix immobilier. Donc, aujourd'hui, c'est un secteur qui a été consumériste de ressources
06:14 pendant pratiquement 50 ans, qui a construit des logements neufs. Et aujourd'hui, on parle de réhabilitation.
06:20 On parle aujourd'hui de construire moins et de réhabiliter, de recycler des pentes et de vignes qui sont en friche, tertiaire notamment, industrielle.
06:29 Et c'est la question aujourd'hui.
06:31 Mais ce que l'on construit, Ingrid Napie, coûte plus cher à construire puisque des normes qui...
06:36 Tout à fait. C'est le modèle économique de la production de logements qui a été un modèle économique très facile où des marges étaient importantes,
06:43 qui raisonnaient sur un calcul de rentabilité locative importante, voire même avec la financiarisation de l'immobilier sur des indicateurs nouveaux.
06:50 Aujourd'hui, on s'aperçoit qu'avec un changement fondamental qui est la crise climatique, que le fait de consommer différemment les ressources de la planète,
06:58 il ne suffit pas simplement d'être collo pour le savoir. On le voit bien, c'est une prise de conscience globale et notamment des jeunes,
07:05 et notamment dans les écoles, les grandes écoles, les universités, de construire différemment avec des ressources limitées.
07:11 Donc il faut revoir le modèle de production du logement. Et là, bien sûr, il y a des freins. Il y a des freins institutionnels, il y a des freins industriels.
07:20 Les promoteurs immobiliers sont en train d'innover sur ces questions-là. Il y a un besoin d'innovation.
07:25 Mais comme vous le savez, l'innovation, ça prend du temps. Et donc il faut que les esprits commencent à changer.
07:31 - Robin Rivelaton, ça veut dire que finalement, le logement coûte de plus en plus cher. Il y a la terre qui coûte de plus en plus cher.
07:35 Il y a la construction pour les raisons que vient d'expliquer Ingrid Napi, tout simplement parce qu'il y a de nouvelles normes.
07:42 Et le pouvoir d'achat des ménages, lui, il a plutôt tendance à se restreindre du fait des taux d'intérêt et du fait de l'inflation générale.
07:50 Donc il y a un effet ciseau. Ça fait longtemps qu'on ne produit pas assez de logements en France.
07:56 - Oui, alors ce chiffre, le chiffre mythique des 500 000 logements par an n'a pas été atteint depuis très, très longtemps.
08:03 - Pourquoi ce chiffre 500 000 ? - Il est difficile à expliquer. Aujourd'hui, encore une fois...
08:07 - Mais à quoi correspond-il ? - Le 500 000, ce serait l'augmentation du stock de logements nécessaire pour pouvoir accommoder les besoins de la population.
08:15 C'est besoin qu'il y ait une population en croissance, je le dis, natalité, une population qui accueille de nouveaux immigrés depuis l'étranger,
08:22 et une population qui décohabite, dont le nombre de personnes par foyer, le nombre de ménages a tendance à augmenter.
08:27 Et en plus, qui se concentre, géographiquement parlant, dans les zones où il y a le moins de logements.
08:33 Donc tout ça pousse à ce que, normalement, on devrait augmenter le stock de 500 000. On n'est pas du tout au niveau de...
08:37 - On est à quel niveau ? - En augmentation nette du stock, on est plutôt à 350 000 par an d'augmentation nette du stock.
08:44 - Donc si je compte bien, il y aurait un déficit de 150 000 logements par an ?
08:49 - Vous pouvez le compter. Je vais donner un autre indicateur. Aujourd'hui, en Ile-de-France, vous avez 1,5 million de personnes qui sont dans des foyers en suroccupation.
08:57 Donc si vous prenez un... Voilà, c'est un autre indicateur qui... Je ne regarde pas le stock, mais qui dit que ces gens, si on considère qu'ils sont en suroccupation de logement,
09:03 on pourrait imaginer qu'on voudrait construire suffisamment de logements pour les sortir de la suroccupation.
09:07 Donc vous avez un besoin quantitatif de ce qu'il faudrait ou de ce qu'il pourrait être nécessaire à construire.
09:13 Aujourd'hui, le sujet, vous l'avez dit, la problématique du foncier, on est une sans en être réellement une.
09:17 Je m'explique. La charge foncière, donc le prix qu'on paye pour un foncier, on le divise par l'ensemble des mètres carrés qui vont être bâtis.
09:24 Si vous construisez 5 étages au lieu de 8 étages, évidemment, le prix du foncier est plus important.
09:29 Et c'est là où aujourd'hui, on a un vrai sujet, c'est que l'on ne densifie pas assez nos villes.
09:33 Et qu'on a voulu mettre en place des politiques environnementales, notamment le zéro artificialisation nette,
09:38 qui sont des politiques extrêmement strictes, sans avoir le côté positif des choses, ou en tout cas le fait de se dire dans nos villes,
09:45 il faut que l'on construise en hauteur.
09:47 Dernier point là-dessus, mais quand on était à l'époque du Baron Haussmann, dans le deuxième règlement du Baron Haussmann,
09:52 la ville de la métropole parisienne faisait 2 millions d'habitants, on construisait à 7 étages.
09:56 Aujourd'hui, à 12 millions d'habitants dans la métropole parisienne, on construit très souvent 5, 6, 7 étages.
10:03 Donc on voit bien qu'on a un sujet de hauteur et de densification qui est un sujet principal.
10:06 Pour être complet, il faut aussi dire, Robin Rivaton, qu'il y a de grandes disparités à l'échelle du territoire.
10:12 Il y a des lieux où c'est très facile et très bon marché de se loger, et puis d'autres où au contraire c'est très compliqué.
10:17 Et ça, c'est parfois un peu la baguette magique qu'on entend en disant "les gens n'ont qu'à aller là où les logements ne sont pas chers".
10:24 Mais pour moi, c'est absolument une hérésie d'entendre ça.
10:27 Aujourd'hui, d'une part, la croissance démographique se concentre dans les métropoles, c'est là où les gens naissent,
10:31 et les gens veulent vivre là où ils naissent, auprès de leurs parents.
10:34 Et le deuxième point, c'est que si les gens ne font pas ces migrations-là, on ne va pas les forcer.
10:38 Ou alors les gens qui le disent, qui proposent ces changements-là,
10:40 ils n'ont qu'à aller en éclaireur dans ces territoires un peu en déshérence, et puis après nous dire si vraiment les choses sont bonnes.
10:44 Il y a certains territoires de ce type qui sont très agréables, mais enfin ce sont des territoires qui sont souvent loin des lieux où l'on trouve aisément du travail.
10:53 Ingrid Napy, votre point de vue là-dessus ?
10:56 Je pense qu'en effet, c'est toujours attractif de parler de construction neuve.
11:00 On voit bien aujourd'hui qu'il n'y a pas que Paris en France, il n'y a pas non plus que les métropoles,
11:04 il y a également une France qui est divisée, on ne va pas parler des Gilets jaunes, mais c'est quand même bien le sujet.
11:10 La Banque sociale, c'est une France qui est divisée, c'est une France dont certains ménages ne peuvent pas faire face à la dépense énergétique qui est croissante.
11:19 Donc il convient aujourd'hui, c'est d'ailleurs la politique du gouvernement actuel qu'on critique peut-être,
11:26 parce que ça n'arrange pas certaines économies, mais c'est d'abord de recycler l'existant.
11:32 Et l'existant, généralement on parle de 5 millions d'épaves thermiques, on parle de populations qui sont exclues de l'innovation immobilière.
11:43 Rénover l'existant, recycler l'existant, recycler le foncier, oui à Paris il faut redensifier.
11:48 Il y a des métropoles où des parcs entiers de villes sont, on le voit quand on parle des immeubles qui se dégradent à Marseille ou à Lille,
11:56 là on dit il faut rénover. Je pense qu'aujourd'hui dans une économie circulaire qu'on tend à développer,
12:02 le parc du logement, la véritable question aujourd'hui c'est de regarder plus précisément le parc de logement que les constructions neuves.
12:10 On sait très bien que la population va décroître, c'est le parc existant qu'il convient d'étudier.
12:14 Il y a semble-t-il une différence de vue, on va évoquer ces différents regards sur le logement dans une vingtaine de minutes.
12:24 (Narrateur)
12:37 (Musique)
12:40 6h39, les matins de France Culture, Guillaume Erner.
12:44 La crise du logement, ses causes et ses remèdes, nous en parlons en compagnie d'une économiste Ingrid Napi, d'un entrepreneur essayiste Robin Rivaton.
12:56 Et puis on va essayer d'évoquer les dimensions politiques de cette crise et de ses solutions avec Xavier Lépine que nous accueillons.
13:05 Vous êtes président de l'Institut de l'épargne immobilière et foncière, vous êtes président fondateur de la Société des nouveaux propriétaires,
13:12 vous avez porté le programme d'Emmanuel Macron sur le logement à la présidentielle et vous avez lancé une offre alternative d'accès à la propriété.
13:19 J'ai dit il y a quelques instants que la question du logement était une question politique.
13:23 Laurent Wauquiez a annoncé ce week-end que la région qu'il préside, Auvergne-Rhône-Alpes, sortait du dispositif zéro artificialisation net.
13:35 Peut-être Robin Rivaton quelques mots pour nous expliquer ce qu'est ce dispositif zéro artificialisation net et puis également pour nous dire s'il a la possibilité véritablement de sortir de ce dispositif.
13:49 Alors c'est une mesure qui date de 2017 et qui était enterrée dans les cartons et qui est ressortie à l'initiative de la Convention citoyenne pour le climat
13:57 et qui a été adoptée dans un format assez simple qui est de dire que d'ici à 2030 les communes doivent diviser par deux le rythme d'artificialisation des sols
14:06 et d'ici à 2050 totalement arrêter l'artificialisation des sols, c'est-à-dire qu'un sol qui n'a pas déjà été bâti ne pourra plus être bâti à condition d'être compensé,
14:15 c'est-à-dire qu'on pourrait raser un immeuble pour en construire un autre.
14:18 L'idée est vertueuse sur le principe, évidemment elle a été mal appliquée dans son fonction parce que c'est une mesure très complexe
14:24 et qu'est-ce qui se passe concrètement sur le terrain aujourd'hui ?
14:27 Comme c'est très dur de calculer un rythme d'artificialisation des sols, les mairies sont en train de sur-appliquer la règle et appliquent l'objectif de 2050 dès aujourd'hui
14:35 et donc on voit bien que ça a un impact sur la capacité à densifier certains territoires où les gens veulent se loger et donc ça limite la production de logements neufs.
14:42 Très concrètement Laurent Wauquiez n'a pas le droit d'en sortir, c'est une loi qui a été votée avec des décrets d'application.
14:47 Ce qui se passe c'est qu'on a donné aux régions le fait de pouvoir répartir à l'intérieur de la région parce que est-ce qu'on doit densifier dans les nouvelles villes,
14:55 les grandes villes qui doivent pouvoir densifier des parcelles ? Est-ce que c'est le petit village ?
14:58 Donc comment on répartit tout ça ? Et donc Laurent Wauquiez a ce pouvoir entre guillemets de bloquer l'application de ce texte mais il ne peut pas se mettre en la loi.
15:07 Ingrid Napie, il a raison ou tort Laurent Wauquiez de vouloir en sortir ?
15:11 Je pense que, étant donné la situation aujourd'hui, on sait bien que le parc immobilier est fortement émetteur de gaz à effet de serre
15:21 et qu'il convient aujourd'hui pour lutter contre le réchauffement climatique qui nous concerne tous.
15:26 On a parlé d'un très beau jour de printemps aujourd'hui en ce 2 octobre. Il est important de regarder réellement la réalité.
15:34 Pour revenir sur les constructions neuves, parce qu'on parle toujours du logement neuf, la crise de l'urgence...
15:39 Sur Laurent Wauquiez, la zéro artificialisation nette.
15:42 Oui, je vais revenir sur cette question-là si vous me le permettez. La question aujourd'hui, ce n'est pas tant de construire du neuf,
15:48 sachant que quand on a construit du neuf, on ne fait pas baisser les prix. Je reviens sur la crise sociale quand même au départ.
15:53 Aujourd'hui, c'est comment on va faire pour ne plus artificialiser des sols. Donc aujourd'hui, on a une France avec des friches industrielles,
16:02 on a une France avec certaines friches tertiaires, on parle de certains immeubles de bureaux en grande périphérie qui n'arrivent pas à être remplis.
16:10 Donc pourquoi ne pas les convertir en logements ? On voit bien qu'il y a un enjeu aujourd'hui important qui est de prendre en compte ce recyclage de la ville.
16:19 Donc il faut d'abord s'attaquer au recyclage de la ville et aux sols déjà artificialisés avant d'en artificialiser de nouveau. Voilà la question.
16:27 On a bien entendu, il y a une différence d'appréciation entre vous Ingrid Napy et Robin Rivaton.
16:34 Vous estimez que finalement, on a assez de logements si tant est qu'on puisse effectivement les rénover, les remettre aux normes.
16:41 Robin Rivaton pense que ce n'est pas exactement le cas. Un professionnel est désormais dans ce studio, Xavier Lépine.
16:49 Vous êtes président de l'Institut de l'épargne immobilière. Votre point de vue sur cette crise du logement dont on parle depuis des années,
16:58 qui semble s'aggraver parce que manifestement il n'y a pas assez de logements neufs ou en tout cas pas assez de logements tout court là où les Français veulent se loger.
17:07 De mon point de vue, la crise n'est pas conjoncturelle, elle est structurelle. Ca fait depuis maintenant 40 ans que le prix du logement augmente plus vite que les revenus.
17:20 Ce n'est pas besoin d'avoir fait Polytechnique pour comprendre qu'à un moment donné, ça coince.
17:26 Cette situation n'est pas bonne, elle est même franchement assez dramatique. Elle s'est très concrétisée comme vous l'avez rappelé Robin par la hausse des taux
17:38 et donc l'insolvabilité supplémentaire des ménages mais elle n'est pas nouvelle.
17:42 Ma difficulté dans tout cela ou mon interpellation c'est de dire que ce n'est pas une crise conjoncturelle. On ne trouvera pas de solution par des mesures conjoncturelles.
17:51 Il faut changer les structures. Quand quelque chose ne marche pas, on s'attaque aux structures.
17:55 - Et alors les structures c'est quoi pour l'immobilier ?
17:58 - D'abord, la réalité c'est que le logement est beaucoup trop cher pour être acheté par les personnes physiques pour les occuper.
18:04 Il n'est franchement pas rentable et la gestion de logement par les investisseurs et notamment institutionnels est beaucoup trop lourde.
18:12 Donc qu'est-ce que vous faites à partir de ce moment-là ? Vous vous interrogez sur cette situation.
18:19 Est-ce qu'il y a un seul modèle économique qui existe qui est celui soit d'être propriétaire soit d'être locataire ?
18:26 Regardez par exemple ce qu'ont fait les constructeurs de voitures.
18:30 Une voiture en l'an 2000, une voiture qui valait 100 000 francs c'est-à-dire 15 000 euros, c'était une voiture qui était plutôt de luxe.
18:37 Aujourd'hui cette voiture elle vaut 45 000 euros, c'est-à-dire trois fois plus.
18:42 Est-ce que les salaires ont augmenté trois fois plus ?
18:45 Non, les salaires ont augmenté de 30% depuis l'an 2000 et finalement les constructeurs de voitures ont proposé des systèmes pour s'adapter.
18:54 Si vous voulez, moi j'en ai un tout petit peu assez de se dire c'est toujours à l'État.
19:00 Xavier Lépine, ce que vous préconisez c'est finalement de détacher le bâti du foncier pour permettre aux individus d'acheter le bâti en louant la parcelle de terre sur laquelle se bâtiait.
19:20 Non, ça c'est un des modèles qu'on peut appeler dissociation.
19:25 Attention, ne compliquez pas les choses parce qu'on va encore moins vous comprendre.
19:30 On a une vision géographique du logement en disant il y a le sol d'un côté, le foncier et le bâti de l'autre.
19:36 Non, ce n'est pas du tout mon approche.
19:38 Moi mon approche il est beaucoup plus de dire il faut démembrer la propriété non pas dans l'espace mais dans le temps.
19:46 Autrement dit, il faut pouvoir réconcilier les Français qui doivent pouvoir acheter leur logement à un certain prix comparable à un loyer
19:53 et permettre en même temps à des investisseurs d'investir dans le temps.
19:58 Alors ça peut paraître un peu compliqué.
19:59 Oui, je crois que vous n'êtes pas clair.
20:01 Je vais me permettre juste d'éclairer.
20:03 Il y a un outil juridique qui existe depuis la nuit des temps qui s'appelle le bail amphithéotique.
20:09 Le bail amphithéotique c'est un droit de propriété.
20:12 Vous achetez pour 25 ans la propriété et du coup vous payez votre bien moitié prix.
20:18 Si vous achetez votre bien moitié prix, vous empruntez donc la moitié de la somme.
20:23 Je vais prendre un exemple très concret parce que c'est lui ce qui aura mieux.
20:26 Un bien qui vaut 300 000 euros, vous pouvez le louer 1000 euros ou 1100 euros par mois.
20:32 Ça vous avez les moyens.
20:33 Si vous voulez l'acheter et que vous n'avez pas d'apport, il va vous coûter 1800 euros.
20:38 Ça vous pouvez pas.
20:40 Donc comment fait-on ?
20:42 J'achète la propriété à travers une foncière, 300 000 euros.
20:47 Je revends à un particulier 25 ans de propriété.
20:51 Je ne suis plus propriétaire pendant 25 ans.
20:53 Je vends 150 000 euros.
20:55 Au lieu d'emprunter 300 000, j'emprunte 150 000.
20:58 Je vais payer 900 euros par mois, moins cher qu'un loyer.
21:02 La personne paye une redevance complémentaire qui va l'amener au niveau d'un loyer.
21:07 Donc lui, il peut acquérir pendant 25 ans pour le prix d'un loyer.
21:12 Il est chez lui.
21:13 Dans 10 ans, il vient me voir parce qu'il veut déménager et je lui rachète à un prix convenu d'avance.
21:18 La différence, c'est qu'il aura payé la même chose qu'un loyer mais qu'il aura remboursé un crédit.
21:23 Et donc, il va épargner automatiquement.
21:25 La solution, elle est là.
21:27 Et du côté de l'investisseur institutionnel, lui, il investit donc net 150 000 euros puisqu'il a vendu 150 000.
21:35 Et en fait, par le biais de la redevance et du prix d'achat, il va avoir un rendement naturel.
21:40 Il faut changer les structures.
21:42 On voit qu'il y a donc ce type de solution que vous préconisez, Xavier Lépine,
21:47 pour permettre à plus de gens d'accéder à la propriété.
21:51 Mais Robin Rivaton, est-ce que la France est dans une situation particulière par rapport aux autres pays ?
21:57 Sur les taux d'intérêt, certainement pas.
21:59 Sur le reste, est-ce qu'il y a quelque chose qui rend cette crise particulièrement aiguë ?
22:03 Pas spécialement. Il faut dire au contraire que la France, sur les dix dernières années,
22:06 a plutôt produit plus de logements que ses voisins, et notamment les pays anglo-saxons,
22:10 qui, eux, vivent une crise beaucoup plus forte de l'offre de logement.
22:14 Je cite toujours cette statistique, mais elle est assez révélatrice.
22:17 Le Royaume-Uni a ajouté 8 millions d'habitants depuis l'an 2000.
22:20 La France a ajouté 7 millions d'habitants depuis l'an 2000.
22:22 Et ils ont construit 2,5 fois moins de mètres carrés résidentiels.
22:26 Et si vous allez voir les conditions de logement au Royaume-Uni aujourd'hui, elles sont désastreuses.
22:30 Les gens s'entassent jusqu'à 35 ans en colocation dans un appartement.
22:34 Donc on voit bien qu'aujourd'hui, la France rentre dans le cycle, un peu en meilleure posture que ses voisins,
22:41 mais elle est en train d'y plonger très très vite.
22:43 C'est-à-dire que la production neuve est en train de s'effondrer.
22:46 Et la rénovation, c'est très sympathique, mais quand on rénove du bâti très ancien,
22:51 et qu'on le rénove pour gagner une ou deux étiquettes, on n'a pas structurellement amélioré ce bâti.
22:56 Aujourd'hui en France, on a le bâti qui émet le moins de CO2 d'Europe,
23:00 tout simplement parce que la question c'est l'énergie à l'entrée.
23:02 Si vous vous chauffez avec de l'électricité d'origine nucléaire,
23:04 votre bâti consomme très très peu émetteur de carbone.
23:08 Ça paraît assez évident.
23:10 Donc aujourd'hui, la France rentre dans cette crise sans avoir en meilleure posture que ses voisins,
23:16 mais elle rentre très fortement dans la crise.
23:18 Et aujourd'hui, on voit bien que des amortisseurs traditionnels,
23:21 tels que le logement social, qui est un amortisseur traditionnel du poids du logement dans le budget de ménage,
23:25 sont en train de subir une crise très très forte.
23:28 Et c'est ça qui est inquiétant, c'est qu'on n'est pas prêt à cette crise sociale.
23:31 Et alors l'autre question, Robin Rivaton, c'est l'inadéquation de l'offre et la demande,
23:35 puisque, on l'a dit brièvement dans la première partie,
23:39 il y a beaucoup de logements libres là où les gens ne veulent pas habiter, au moins habiter.
23:44 Bien sûr, mais ça c'est très vrai.
23:46 Il y a des logements qui se vident chaque année en France, dans certaines parties du territoire national.
23:50 Mais ce n'est pas une critique contre ces territoires, c'est le jeu de la démographie.
23:53 Si vous mettez une population âgée au même endroit, elle ne fait pas d'enfant,
23:56 et par nature, elle rentre dans ce qu'on appelle une spirale négative,
24:00 et donc un déclin démographique très très fort.
24:02 On a cru, ou certains ont caressé l'espoir,
24:05 qu'avec la crise du Covid, on allait avoir un repeuplement des territoires périphériques.
24:09 Ce n'est absolument pas le cas.
24:11 L'INSEE nous a montré que le phénomène qui s'est passé entre 2019 et 2021 s'était arrêté dès 2022,
24:16 et qu'on est revenu à des niveaux de migration intra-français,
24:21 qui sont comme avant Covid, donc il n'y a pas eu d'accélération de ce mouvement-là.
24:25 Et donc aujourd'hui, on continue d'avoir des gens qui naissent dans les métropoles,
24:29 et c'est là où il faut construire des bâtiments, parce que c'est là où ils voudront vivre,
24:32 et que ceux qui nous disent qu'ils n'ont qu'à aller habiter ailleurs,
24:34 on les invite d'abord à aller faire ce mouvement en éclaireur,
24:36 et puis après à nous dire de ce qu'ils veulent faire.
24:38 Grignapi ?
24:39 Je vais rebondir là-dessus.
24:40 Notamment, en effet, il y a une très forte demande de jeunes qui travaillent en métropole,
24:45 et qui ne peuvent pas se loger.
24:46 Là, elle est là, la crise sociale.
24:48 Elle est là.
24:49 Elle est également dans le logement social, mais on le laisse à côté.
24:51 Il faut construire du logement social pour répondre à une demande.
24:54 C'est surtout une question du parc locatif privé, qui est en crise.
24:57 Comment est alloué ce parc ?
24:59 Et là, je vais peut-être susciter un débat avec Xavier,
25:02 mais on sait très bien que le parc détenu pendant des décennies par des investisseurs institutionnels,
25:12 ils se sont engagés du logement locatif dit intermédiaire,
25:15 c'est-à-dire pour les classes intermédiaires,
25:16 pas celles qui ne peuvent avoir accès à un logement social,
25:18 ni celles qui peuvent aller directement sur le locatif libre.
25:21 Donc, elles se sont engagées pour une raison de développement du marché des bureaux,
25:28 et surtout d'une financiarisation, c'est-à-dire que l'immobilier est vu comme un actif très rentable.
25:32 Sauf qu'aujourd'hui, ce parc locatif intermédiaire,
25:36 je rappelle, les institutionnels en détenaient pratiquement 20%,
25:40 puis 13%, aujourd'hui c'est plus que 3%.
25:42 Il est détenu par qui ?
25:43 Par des ménages, qui ont acquis ce parc locatif,
25:46 par des conditions de crédit extrêmement souples,
25:49 dans un contexte de non-inflation,
25:51 et dans un contexte de hausses et de spéculation immobilière,
25:54 et d'augmentation des prix, il faut savoir le dire ça !
25:56 Elle est là la crise sociale, elle date depuis 2000.
26:00 Et aujourd'hui, ce parc locatif,
26:02 eh bien en fait il est détourné de son usage,
26:04 c'est-à-dire de loger des gens qui vont travailler,
26:06 de loger des étudiants qui travailleront,
26:08 pour notamment du meublé,
26:10 qui rapporte 2 à 3 fois plus,
26:12 on le sait, on ne va pas le noter,
26:13 mais c'est un véritable sujet.
26:15 Donc le parc aujourd'hui, c'est une crise,
26:17 non pas de la construction, il faut construire,
26:19 mais les chiffres qu'on avait à 475 000 constructions de logements,
26:23 il y a encore 7 ans, n'ont pas fait baisser les prix.
26:25 Parce que quand on est économiste de l'immobilier,
26:27 on sait très bien que ce n'est pas l'offre qui fait baisser les prix.
26:29 C'est là une question de la demande.
26:31 Et s'il y a toujours une demande pour des logements,
26:33 les prix montrent, quelles que soient les conditions de crédit immobilier.
26:37 Donc aujourd'hui, la crise, c'est une crise du parc.
26:40 Un parc qui est très mal affecté,
26:42 un parc qui a des logements, mais pas là où il faudrait.
26:45 C'est très difficile.
26:46 Une crise du parc, notamment où le parc devient obsolète,
26:50 où le parc est ancien,
26:51 donc il y a 8% de logements qui sont vacants,
26:54 il y a 5 millions d'épaves thermiques,
26:56 il y a 2 millions de logements qui sont sortis pour du meublé.
26:58 Il faut véritablement d'abord regarder l'existant,
27:01 avant d'imaginer de construire.
27:03 Et s'il faut construire, il faudra construire différemment.
27:05 Voilà.
27:06 Xavier Lépine.
27:07 Ce qui est bien, c'est qu'on a trois points de vue,
27:10 j'irai trois approches qui sont complètement différentes.
27:13 Moi, mon approche, c'est de dire...
27:16 Comment dire ?
27:17 J'en ai un tout petit peu assez d'entendre toujours
27:21 les professionnels de l'immobilier
27:24 se tourner vers l'État en disant "sauvez-nous,
27:27 sinon vous allez avoir une crise du logement,
27:29 une crise sociale, une crise dans le bâtiment".
27:32 Toujours les mêmes demandes,
27:35 c'est-à-dire quand on a un problème,
27:37 l'État doit être là pour nous aider.
27:40 Je pense que la réponse, elle est...
27:42 Moi, j'ai une approche assez différente de mes camarades.
27:45 Je pense que tout cela est un peu pathétique.
27:48 Je veux dire, ça fait 30 ans que ça dure,
27:50 on entend tous toujours la même chose.
27:52 La réponse, elle est au sein du secteur privé.
27:55 Il y a des réponses, effectivement...
27:57 Alors, effectivement, Ingrid, je te rejoins, il y a effectivement...
28:00 Ingrid Napie, économiste,
28:02 qui considérait que les produits mis sur le marché
28:05 par les professionnels de l'immobilier
28:08 avaient été inadaptés et finalement ne servaient pas
28:11 à résoudre la crise du logement, Xavier Lépine.
28:14 Je ne sais pas.
28:16 A cette question, je ne sais pas répondre.
28:18 Moi, ce que je sais, c'est que j'ai une réponse, j'ai une solution.
28:21 Et cette solution, c'est effectivement celle que j'ai abordée.
28:24 Vous l'avez développée, votre solution, Xavier Lépine,
28:26 mais sur l'interrogation qu'Ingrid Napie vous a adressée,
28:29 est-ce que c'est le logement ?
28:31 Non, personnellement, je ne pense pas
28:34 que c'est un problème de répartition du parc.
28:36 Je pense qu'effectivement, il y a un vrai problème d'investisseurs institutionnels
28:39 qui sont sortis du logement parce que le logement
28:42 est devenu tellement cher qu'il n'est plus rentable
28:44 et donc on n'a pas intérêt à investir.
28:46 Ça, c'est la réalité.
28:48 C'est la réalité des investisseurs institutionnels.
28:50 Les raisons pour lesquelles on en est arrivé là,
28:53 c'est effectivement 30 ans de politique du logement
28:56 où je pense qu'on n'a jamais abordé les choses sous le bon angle.
28:59 Il y a eu un certain nombre de dispositifs,
29:02 des pinelles par exemple.
29:04 Les promoteurs ont pu construire beaucoup de programmes
29:06 dans des lieux où on n'avait pas besoin de logement,
29:08 Xavier Lépine.
29:09 Oui, non, il faut arrêter avec ça.
29:12 C'est factuel.
29:14 C'est factuel, mais en même temps, c'est toujours pareil.
29:16 Les réponses, quand il y a une crise du logement,
29:18 ça a toujours été par des réponses très conjoncturelles.
29:21 On a toujours confondu l'ordre et la priorité.
29:24 L'urgence et la priorité.
29:27 On a toujours traité les choses dans l'urgence.
29:29 On n'a jamais regardé les questions prioritaires.
29:31 Jean Lémarie.
29:32 Y a-t-il une politique du logement aujourd'hui ?
29:34 Sans dire, comme vous le dites,
29:36 sans interpeller l'État en lui disant "sauvez-nous".
29:38 Est-ce qu'il y a une politique du logement avec un début,
29:41 un milieu, une fin et une idée claire,
29:43 partagée de ce qu'on veut faire ?
29:44 Robin Rivaton.
29:45 Non, malheureusement non.
29:46 Il y a une politique du logement.
29:47 Le logement n'existe pas tout seul.
29:49 Aujourd'hui, il y a des mètres carrés qui sont en concurrence
29:51 pour des usages différents, que ce soit pour du commerce,
29:53 que ce soit pour du bureau, que ce soit pour du logement.
29:55 Déjà, on ne devrait pas avoir une politique strictement du logement.
29:59 On devrait avoir une politique de l'immobilier au sens global.
30:02 Le deuxième point, c'est qu'on a voulu faire prédominer
30:04 la question environnementale sur le logement.
30:07 Or, il y a une pyramide.
30:08 Logez les gens d'abord, logez bien les gens,
30:10 et ensuite, logez vert.
30:11 Mais il y a une pyramide.
30:12 Et ça, c'est extrêmement important.
30:13 Le dernier point que je voudrais développer,
30:16 c'est que l'État, avec la délégation de la politique d'urbanisme,
30:20 s'est mis dans une position où il anime un réseau.
30:23 C'est-à-dire que ce n'est pas lui qui accorde les pyramides d'urbanisme,
30:25 qui accorde les autorisations de création de bâtiments.
30:28 Ce sont les maires.
30:29 Et donc, tant qu'il n'est pas dans une posture
30:30 où il réaligne l'intérêt des maires à la construction,
30:33 aujourd'hui, ils n'ont aucun intérêt à produire des nouveaux mètres carrés,
30:36 que ce soit de la construction neuve ou de la reconversion de bureaux logements, par exemple.
30:40 Et donc, tant qu'on n'a pas aujourd'hui réaligné l'intérêt des acteurs
30:42 et à faire que le maire, celui qui signe le permis de construire,
30:45 accède de se dire que si je construis du nouveau logement,
30:47 je vais avoir de nouvelles populations avec de nouveaux besoins
30:49 et que je vais quand même gagner un peu d'argent au passage,
30:51 si on n'a pas ça, aujourd'hui, on a un assèchement de la construction
30:54 ou de la rénovation dans ce pays.
30:56 Qu'est-ce que vous en pensez, Ingrid Napy ?
30:58 Je pense que le logement relève d'une politique à la fois industrielle,
31:01 il faut construire vite ou reconstruire vite ou recycler vite, premièrement.
31:05 Ça relève également d'une politique environnementale et de transition écologique.
31:09 On ne peut plus construire comme on construisait avant.
31:11 On n'a pas les ressources matérielles pour le faire.
31:14 On manque de fonciers, on manque de matériaux de construction.
31:17 Donc, il faut revoir la conception, aujourd'hui, du logement.
31:21 Il faut revoir aussi le fait, l'idée qu'en construisant,
31:25 on va régler le problème du logement. Non.
31:27 On ne va pas régler le problème, notamment, du logement social.
31:30 Il faut construire du logement social, quand je dis en reconstruisant,
31:32 notamment des logements privés.
31:34 Il faut regarder également comment recycler ce logement
31:40 et comment construire du logement différemment.
31:45 Alors, justement, Xavier Lépine, recycler ce logement, dit Ingrid Napy,
31:49 il y a beaucoup de bureaux qui, aujourd'hui, avec la crise du Covid,
31:53 avec le fait que le télétravail est de plus en plus important dans les entreprises,
31:58 ces bureaux ne sont plus loués.
32:00 Pourquoi, vous, je parle collectivement de votre profession,
32:04 pourquoi les promoteurs ne se servent-ils pas de ces bureaux
32:08 pour les transformer en logements ?
32:10 D'abord, pour des raisons économiques.
32:13 Il faut quand même que cette conversion, reconversion de bureaux en logement
32:18 soit économiquement rentable.
32:21 Alors, ça devient de plus en plus, parce que les propriétaires de ces bureaux
32:24 constatent qu'ils valent de moins en moins cher.
32:26 Donc, cette approche-là, elle est en voie d'être résolue.
32:30 Ensuite, il faut qu'effectivement, les personnes qui délivrent les permis de construire,
32:34 puisque un changement d'usage, c'est un permis de construire,
32:37 soient d'accord pour que cela se fasse.
32:39 Et là, c'est ce que disait Robin, Robin te rejoint complètement,
32:44 c'est cette autorisation de convertir, c'est le maire qui la détient.
32:50 On sait tous que la politique d'aménagement du territoire, depuis 1980,
32:55 en 1980, on a dit "on n'a pas de pétrole, on a des idées",
32:58 ça s'est traduit par "on n'a plus d'usines, on a des bureaux".
33:00 Donc, ce phénomène-là, c'est très clair.
33:04 La politique fiscale, elle a été orientée vers le bureau,
33:09 la politique d'autorisation de permis de construire a été orientée vers le bureau.
33:14 Des bureaux, c'est des recettes pour une municipalité,
33:17 des logements, c'est des coûts parce qu'il faut des infrastructures.
33:19 Aujourd'hui, on en paye le prix.
33:22 Et effectivement, il n'y a pas une très grande volonté de convertir.
33:27 Certains pays, même avant la crise Covid, avaient une attitude assez différente.
33:33 Ils ont dit "quand on veut changer d'usage, c'est juste une autorisation de travaux,
33:38 ce n'est pas un permis de construire".
33:40 On n'a pas voulu le faire en France, et on en paye effectivement le prix aujourd'hui.
33:44 Un mot de conclusion, Robin Rivaton, s'il y avait des mesures d'urgence à faire en matière de logement ?
33:50 Je pense que la mesure la plus facile, et celle qui ne requiert pas d'argent de l'État,
33:54 parce que je partage entièrement ce qui a été dit,
33:56 l'État n'a pas l'argent pour venir suppler cette crise des taux,
33:59 c'est de réaligner l'intérêt, c'est de faire en sorte que le maire trouve un intérêt financier
34:03 lorsqu'il aura une opération de construction, de rénovation, de recyclage dans sa ville.
34:07 Donc l'idée, c'est de dire qu'il devient actionnaire de la société de transformation.
34:10 Avec ça, il va toucher de l'argent, et cet argent va pouvoir convaincre les riverains qui sont contre la construction.
34:15 On est tous hostiles à la construction d'oeuvres en face de nos maisons, de nos appartements.
34:19 Donc ce qu'on veut, c'est que le maire puisse avoir un argument dans sa besace
34:22 pour aller voir les riverains et dire "ok, j'accepte la construction de ce bâtiment,
34:25 mais je récupère quelques millions d'euros pour rénover la piscine".
34:28 Ingrid Napi, même question, s'il y avait une mesure à faire rapide ?
34:32 Revoir la location du parc existant, notamment les meublés, bien évidemment,
34:37 c'est une mesure d'ailleurs qui est actuellement étudiée,
34:40 et de regarder comment relancer aussi le logement social pour les plus démunis.
34:45 Xavier Lépine, vous nous avez exposé votre souhait et votre projet en matière de solutions pour le logement.
34:53 Est-ce que ce type de mesures, ce type de formule, peut représenter de plus en plus de logements ?
35:00 Est-ce qu'on peut dissocier la propriété des membres, et bref, faire des choses
35:04 pour que les gens achètent moins cher au final ?
35:08 La réponse est oui. Il faut que les grands immobiliers et les investisseurs changent leur logiciel.
35:14 Il faut changer d'approche quand une approche ne marche plus.
35:17 Rester sur les mêmes dogmes depuis maintenant 50 ans, ça ne marche plus.
35:24 Alors soit on continue pareil, on fait des mesurettes, et on reporte le problème plus gros,
35:30 soit on change. Et c'est là la question aujourd'hui.
35:33 Merci Xavier Lépine. Je rappelle que vous êtes président de l'Institut de l'épargne immobilière Ingrid Nappi.
35:40 Merci. Vous êtes économiste et spécialiste des questions immobilières.
35:45 Et merci à vous Robin Rivaton. On vous doit notamment plusieurs ouvrages sur l'immobilier.
35:51 L'Immobilier Demain, c'est le livre que vous avez publié aux éditions du Nau.

Recommandations