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L'invité des Matins de France Culture.
Comprendre le monde c'est déjà le transformer(07h40 - 08h00 - 17 Octobre 2023)
Retrouvez tous les invités de Guillaume Erner sur www.franceculture.fr

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Transcription
00:00 Les matins de France Culture, Guillaume Erner.
00:06 4 jours après l'attentat contre un collège à Arras, qui a causé la mort du professeur
00:10 de français Dominique Berbannard.
00:12 Le ministre de l'éducation nationale, Gabriel Attal, annonçait lundi que 168 alertes à
00:18 la bombe avaient visé des écoles depuis la rentrée, dont l'établissement, touché
00:22 par l'attaque terroriste de vendredi, évacué hier après un appel suspect.
00:27 Inspecteur de transmission des valeurs républicaines, le corps enseignant, fait par ailleurs face
00:32 à une explosion d'atteinte à la laïcité, auquel il n'est pas toujours formé.
00:36 A répondre, presque 20 ans après la loi de 2004 sur l'interdiction du port des signes
00:41 religieux dans les établissements scolaires, comment la laïcité s'éprouve-t-elle ?
00:44 Bonjour Alain Sexy.
00:46 Bonjour.
00:47 Vous êtes inspecteur d'académie honoraire, secrétaire général du conseil des sages
00:52 de la laïcité, une instance liée au ministère de l'éducation nationale.
00:56 On le voit, l'école est de moins en moins un sanctuaire, même si on est évidemment
01:01 tous convaincus qu'elle devrait l'être.
01:03 La réalité est tout autre, autre en France, peut-être aussi en Belgique d'ailleurs.
01:08 Oui, on vient de l'entendre en Belgique aussi.
01:11 Des manifestations, des contestations violentes ont eu lieu récemment contre certains programmes
01:18 d'éducation à la sexualité dans les écoles belges.
01:23 Alors oui, vous avez raison.
01:25 On aimerait, et je crois qu'il faut tout faire pour que l'école demeure ou redevienne
01:31 un sanctuaire, un asile inviolable où les querelles des hommes ne pénètrent pas, disait
01:37 Jean Zet, le ministre du Front populaire, ministre de l'éducation nationale en 1936,
01:43 assassiné comme on le sait par la milice.
01:45 Oui, mais la réalité c'est que l'école fait l'objet d'attaques, d'attaques de
01:54 plus en plus violentes et on l'a vu notamment avec l'assassinat de nos deux collègues
01:58 Samuel Paty il y a trois ans et Dominique Bernard aujourd'hui, sans oublier le professeur
02:07 dont on l'a nommé chapeux, Jonathan, à l'école aux Aratoras de Toulouse, sous les
02:14 balles de Mohamed Merah.
02:15 Mais justement, lorsque l'on voit ça à l'insexique, on se rend compte que l'école
02:22 est évidemment poreuse à la société, on se rend compte aussi qu'il y a une sorte
02:28 de répétition de ces scénarios d'horreur.
02:31 Qu'est-ce que ça vous inspire ? Est-ce que cela signifie que l'école aujourd'hui
02:36 est dans une situation où il faudrait mieux la protéger, mieux faire en sorte que celle-ci
02:44 puisse remplir son rôle et que les professeurs ne courent pas de tels dangers ?
02:48 Oui, l'école fait beaucoup, fait déjà beaucoup pour transmettre les principes républicains,
02:57 les valeurs de la République, comme on dit, pour transmettre des connaissances.
03:00 Elle fait beaucoup mais elle ne peut pas tout, et encore moins toute seule.
03:05 Je crois que ce qui se passe dans notre pays aujourd'hui, et qui vient de loin, on pourra
03:12 peut-être y revenir, appelle un sursaut de la nation tout entière.
03:17 C'est la République dans son ensemble et c'est la nation dans son ensemble qui doivent
03:24 être autour de l'école, la soutenir, la protéger.
03:28 On a trop facilement le verbe "dur" pour l'école, envers l'école.
03:36 Elle peut être l'objet bien entendu de critiques mais on doit d'abord la choyer
03:42 et se rendre compte, peut-être aujourd'hui, y a-t-il une prise de conscience accrue là-dessus,
03:48 quel est notre bien le plus précieux.
03:49 L'attaque de vendredi qui a donc coûté la vie à Dominique Bernard, est-ce qu'elle
03:56 est la conséquence d'une série de mouvements que vous voyez poindre d'atteinte à la
04:02 laïcité ? Est-ce qu'on a affaire finalement à une continuité ou s'agit-il d'événements
04:08 qui sont isolés, malheureux mais aujourd'hui semble-t-il impossible à éviter puisqu'on
04:16 nous explique qu'on ne peut pas garder les écoles comme des commissariats là ?
04:19 C'est à la fois un événement hors normes, tragique hors normes mais heureusement pas
04:27 quotidien et en même temps on ne peut pas ne pas voir que ça s'inscrit dans une continuité.
04:33 Ne serait-ce que trois ans après l'assassinat de Samuel Paty, c'est le tragique de répétition
04:39 disait un journaliste hier sur la chaîne de France Inter.
04:47 Oui mais en même temps ça vient de loin.
04:51 J'ai le souvenir d'une école quand j'ai commencé comme instituteur où l'on ne
04:58 parlait jamais de laïcité, jamais, ça n'était pas du tout notre propos.
05:02 J'ai commencé pour vous dire en 1972-73, vous voyez, bon, ça nous paraissait une affaire
05:10 réglée de longue date.
05:11 Tout juste si une fois l'an, à l'appel de nos syndicats pour protester contre les
05:18 subsides par troupe importante, à nos yeux qui étaient dévolus à l'école privée,
05:23 on évoquait la laïcité sinon nous n'en parlions jamais alors qu'aujourd'hui c'est
05:28 le quotidien des professeurs en salle des maîtres.
05:31 Le quotidien ça veut dire quoi ?
05:33 Le quotidien ça veut dire que c'est une préoccupation aujourd'hui quotidienne parce
05:37 qu'il ne se passe pas deux jours sans que dans tel ou tel établissement et à travers
05:41 tout le pays.
05:42 Ce n'est pas uniquement quelques académies qui seraient concernées.
05:45 Bien sûr on pense à certains départements etc. qui seraient plus concernés que d'autres
05:49 et sans doute elles sont vrais.
05:50 Mais c'est dans tout le pays, dans toutes nos écoles qu'on a affaire à des atteintes.
05:54 Ça se traduit comment Alain Sexy ?
05:56 Alors ça se traduit à la fois par des contestations de contenus d'enseignement.
06:01 Lesquels ?
06:02 On se bouche les oreilles quand on a un cours, certains élèves se bouchent les oreilles
06:09 quand le professeur d'histoire géographie fait un cours sur la Shoah par exemple ou
06:14 ferment les yeux quand nuit et brouillard est projeté.
06:17 Ça a été dit à plusieurs reprises.
06:19 J'ai une question naïve à vous poser à ce sujet.
06:22 Est-ce qu'on se bouche les oreilles parce qu'on considère que ce sont des bobards ?
06:28 Est-ce qu'on se bouche les oreilles parce qu'on ne veut pas savoir ?
06:32 Bref, pourquoi fait-on cela d'après vous ?
06:35 Parce qu'on n'a pas envie d'entendre parler de Géocide qui touche les Juifs dans
06:43 certaines classes.
06:44 Certains élèves ne veulent pas.
06:45 Comme si on en faisait trop, si vous voulez, pour qu'on en parle trop.
06:49 Donc c'est la question du poids de mesure par exemple ?
06:52 Oui, on peut l'entendre et puis ça doit s'entendre aujourd'hui dans un certain
06:56 nombre d'établissements en effet.
06:58 Mais est-ce que c'est massif ou s'agit-il de cas isolés à l'insexique ?
07:06 Heureusement, ce n'est pas systématique dans tous les cours, mais ce n'est pas si
07:16 isolé que cela.
07:17 C'est un phénomène dont on parle depuis longtemps.
07:20 En 2004, parallèlement aux travaux de la commission Stasi qui a débouché sur la loi
07:27 du 15 mars 2004, on pourra peut-être y revenir, qui là aussi arrive après toute une série
07:36 de problèmes, de questions qui se sont faites jour à l'éducation nationale.
07:40 En 2004, dans le rapport de Jean-Pierre Aubin, l'inspecteur général dont on parle beaucoup
07:45 à nouveau aujourd'hui, il vient de sortir un livre fort intéressant, "Les profs ont
07:48 peur", à l'époque déjà, Jean-Pierre Aubin dénonçait ce genre de phénomène
07:54 dans nos classes.
07:55 A l'insexique, effectivement ça n'existait pas de notre temps, jadis il n'y avait pas
08:00 ce type d'atteinte.
08:01 Mais lorsqu'on est jeune, on est là quand même pour faire le lait malin, donc on utilise
08:07 tous les moyens qui sont à notre disposition pour embêter les adultes.
08:10 À mon époque par exemple, on était punk, et donc on avait toute une série d'attaques
08:17 contre les adultes pour les choquer.
08:20 Est-ce que ça n'est pas aussi… alors on peut le déplorer, on peut le commenter,
08:25 mais aujourd'hui pour choquer les adultes, il n'y a rien de mieux que de mettre un
08:28 camis ou une abaya ?
08:29 Oui, alors je crois que si on devait ramener ce type de phénomène à sa seule dimension
08:36 de fantaisie adolescente, on se tromperait lourdement.
08:40 Fantaisie qui peut prendre des formes très radicales, on le voit hélas chaque jour,
08:49 mais une manière de choquer effectivement le monde des adultes.
08:52 Bien sûr, on peut avoir droit à cela, bien entendu dans les classes, mais encore une
08:58 fois, si vous prenez l'exemple de l'abaya que vous venez de citer, il faut savoir que
09:04 la première fois que ces longues robes, que tout le monde semble découvrir depuis un
09:11 an ou plus dans notre pays, étaient apparues dans un établissement scolaire, dans un lycée
09:16 de Saint-Ouen, en Seine-Saint-Denis, en 2010-2011.
09:20 Vous voyez, c'était la première fois que ça apparaissait.
09:22 Et lorsqu'on demandait aux jeunes filles, lorsque l'approviseur de l'établissement
09:28 demandait à ses élèves « mais pourquoi portez-vous tous les jours ces robes ? Pourquoi
09:32 vous regroupez-vous dans la cour tous les jours ? » « Mais madame, c'est parce qu'on
09:35 est musulmanes ! » Voilà ce qu'elles répondaient à l'époque.
09:39 Après, le discours a été poli.
09:41 Certains les ont conseillés en disant « mais c'est parce qu'il faut répondre, il faut
09:45 répondre, j'ai bien le droit, c'est mon droit de m'habiller comme je veux ».
09:48 Eh bien, il faut savoir que lorsque ces jeunes filles, pour la première fois, portaient
09:52 des abayas dans un établissement de Seine-Saint-Denis, qui y avait-il derrière ? Il y avait des
09:55 associations.
09:56 Il y avait en particulier le collectif « Cher Yacine, dissous depuis » qui était animé
10:01 par Abdel Hakim Seyfrioui, qui est en prison maintenant et qui a joué le rôle funeste
10:06 que chacun sait dans l'assassinat de Samuel Paty.
10:08 Et c'est probablement cette différence qui est pointée entre les mouvements de mode
10:12 jadis qui étaient là pour provoquer les adultes et les phénomènes auxquels on assiste
10:17 à l'insexique dans l'interdiction de l'abaya.
10:19 Il y a la visée de ces groupes que vous venez d'évoquer, le collectif « Cher Yacine ».
10:25 Il y a aussi des gens qui sont conditements attachés à certaines formes de vêtements
10:34 et qui, dès lors, peuvent considérer que c'est une attaque uniquement contre l'islam,
10:38 que la laïcité est dirigée contre cette religion.
10:40 Non, si on considère la loi de 2004, cette interdiction de l'abaya s'appuie sur la
10:47 loi de 2004 qui prohibe dans l'enceinte scolaire les signes étenus par lesquels des élèves
10:54 manifestent une appartenance religieuse, donc c'est au nom de la loi de 2004, eh bien
11:02 comment dire, cet abaya, excusez-moi j'ai perdu le fil en faisant une digression.
11:06 Le fait de considérer que finalement l'école, lorsqu'elle parle de laïcité, ne vise
11:11 que l'islam.
11:12 Oui, c'est ça.
11:13 Donc je voulais dire que la loi de 2004 en particulier est à valeur générale, ne
11:19 vise nullement un signe en particulier et moins encore une religion en particulier.
11:24 La circulaire d'application de la loi du 15 mars 2004, qui a été promulguée le 18
11:30 mai 2004, énonce quels sont ces signes étenus.
11:33 L'ekipa comme l'abaya ?
11:34 Pardon ?
11:35 L'ekipa comme l'abaya ?
11:36 Alors l'ekipa sont nommés, bien sûr, dans la circulaire d'application du 18 mai,
11:42 comme le foulard dit islamique, quel que soit le nom qu'on lui donne, ou une croix de
11:46 dimension manifestement excessive.
11:48 C'est exactement ce qui était dit, à quoi nous avons rajouté le turban sikh et d'autres.
11:53 Et aujourd'hui, bien sûr, l'abaya et le khamis.
11:55 Alain Seixig, inspecteur d'académie honoraire et membre du Conseil des sages de la laïcité,
11:59 on se retrouve dans une vingtaine de minutes.
12:01 Vous serez rejoint par deux professeurs d'histoire-géographie.
12:04 Camille Taillefer, Fabien Salès.
12:07 6h39, les matins de France Culture.
12:13 Guillaume Erner.
12:14 8h21, les enseignants ont-ils les moyens de lutter seuls contre l'obscurantisme responsable
12:20 de la transmission des valeurs républicaines à nos enfants ?
12:23 Ils alertent, depuis l'assassinat de Samuel Paty, sur la dégradation de leur environnement
12:27 de travail et demandent plus de moyens et de considérations de la part de l'État.
12:32 Nous sommes en compagnie d'Alain Seixig, inspecteur d'académie honoraire et membre
12:37 du Conseil des sages de la laïcité.
12:39 Et j'accueille deux professeurs d'histoire-géographie.
12:42 Fabien Salès, bonjour.
12:44 Bonjour.
12:45 Et ici même, dans ce studio, Camille Taillefer.
12:50 C'est déroulé cette minute de silence qui a été observée.
12:56 Elle aurait pu l'être pour Samuel Paty.
12:59 Elle a été, hélas, pour Dominique Bernard de Surcroix.
13:03 Bonjour.
13:04 Alors, cette réponse est compliquée parce que je n'étais pas dans mon établissement
13:09 hier.
13:10 Je ne peux pas vous parler de ce qui s'est passé directement.
13:13 Ce que les collègues m'en ont dit, c'est que c'était très bien passé.
13:18 C'est-à-dire que le lycée dans lequel j'enseigne, le lycée Paul-Éluard de Saint-Denis, c'est
13:23 2000 élèves.
13:24 C'est quand même un très gros paquebot.
13:27 Donc 2000 élèves, presque 200 professeurs, des agents.
13:33 Tout le monde réunit en présence du député, du maire, du sous-préfet.
13:40 Et les choses se sont passées extrêmement bien, m'a-t-on rapporté.
13:46 Et j'ajoute que je n'en suis pas surprise.
13:50 Fabien Salès, même question.
13:53 Comment cette minute de silence s'est déroulée ?
13:55 Avec beaucoup de gravité, de solennité également.
13:59 Je suis dans un collège de 500-600 élèves.
14:02 Et nous les avons tous réunis dans la cour, après avoir pris un temps d'explication
14:07 en classe, justement pour expliquer pourquoi nous allions faire cette minute de silence.
14:11 Et ensuite, nous sommes descendus et après un discours de notre principal, nous avons
14:16 fait cette minute de silence qui s'est passée avec beaucoup de gravité et de solennité.
14:20 Fabien Salès, parce que nous, ici, dans ce studio, on est plongé dans l'actualité,
14:24 notamment le conflit israélo-palestinien.
14:26 Est-ce qu'il y a des échos de ce conflit dans votre établissement ?
14:29 Des échos des élèves viennent nous poser des questions, notamment aux professeurs
14:35 d'histoire-géographie, bien sûr.
14:37 Donc, nous avons forcément pris un temps pour faire un peu de contextualisation géographique,
14:42 politique et expliquer un certain nombre de choses.
14:45 En troisième, ils vont l'évoquer dans sa dimension historique au printemps, dans un
14:52 chapitre.
14:53 Donc, ça nous a permis de commencer à poser des choses.
14:56 Mais est-ce que c'est compliqué ?
14:58 Je veux dire, est-ce qu'on sent ce que nous redoutons, c'est-à-dire ce qu'on appelle
15:03 une importation de ce conflit en France, qu'il y ait des clivages encore plus forts que
15:09 ceux que l'on peut redouter, rencontrer chaque jour ?
15:13 Fabien Salès.
15:14 Alors, dans mon établissement, non.
15:18 Et à ma connaissance, je suis aussi secrétaire général de l'Association des professeurs
15:21 d'histoire-géographie.
15:22 Nous n'avons pas eu vraiment de remontée en ce sens.
15:26 Un besoin d'explication de la part d'élèves, oui.
15:29 Un besoin de formation des collègues, oui.
15:32 Mais pas de cela.
15:33 Même chose, Camille Tailleferd.
15:36 Est-ce qu'il y a d'autres thèmes qui posent problème ?
15:40 On en parlait il y a quelques minutes avec Alain Sexy, où on évoquait par exemple ces
15:46 périodes de l'histoire qui sont compliquées à enseigner.
15:49 Par exemple, la Shoah, qui serait difficile à présenter dans certaines classes.
15:56 Est-ce que cela renvoie à votre quotidien de prof d'histoire-géo ?
16:01 Non, cela ne renvoie pas à mon quotidien de prof d'histoire-géo.
16:04 Et je voudrais ajouter que ce besoin d'explication, je trouve qu'il faut vraiment qu'on soit
16:11 fier du fait que nos élèves viennent nous demander à nous des explications.
16:16 Parce que cela prouve qu'ils nous font confiance.
16:19 Et je crois que votre introduction en disant "les profs luttent seuls", en face de nous,
16:27 ou contre nous, parfois, on a des moyens de communication qui sont d'une puissance incroyable.
16:32 On a TikTok, on a Twitter X, on a Youtube, on a tout un tas de choses dont j'ignore
16:39 les noms, qui sont là et qui sont en continu et qui déversent des choses plus ou moins
16:45 vraies, toujours tout à fait discutables en termes de contenu, et voire parfois qui
16:53 relèvent de la pure propagande.
16:55 Mais vous pensez que les élèves les croient plus qu'ils ne vous croient ?
16:59 Eh bien non.
17:00 Moi ce que j'observe, c'est que les élèves viennent nous montrer les choses, viennent
17:04 nous poser des questions, viennent nous dire "aidez-nous à comprendre".
17:08 C'est quand même assez incroyable.
17:10 Qu'est-ce que vous avez comme exemple récent ?
17:12 Qu'est-ce que vous montre sur TikTok ?
17:13 Évidemment, je rebondis sur votre question sur le conflit israélo-palestinien, parce
17:18 que moi ce qui s'est passé, en tout cas, dès le lundi ou le mardi, c'est que les
17:25 élèves sont venus me voir en me disant "on a besoin d'en parler, expliquez-nous, qu'est-ce
17:29 qui se passe ?"
17:30 Ce que j'observe aussi, c'est qu'il y a une connaissance qui s'est perdue.
17:35 Quand j'ai commencé à enseigner il y a 20 ans, ils avaient des connaissances certes
17:42 assez approximatives sur le conflit israélo-palestinien, mais ils en avaient.
17:46 Là, ce que j'observe, c'est qu'ils en ont plus.
17:48 Ils ne savent pas en fait ce qui se passe.
17:52 Mais même de manière très schématique, parce que lorsqu'on a des reportages, parfois
17:57 ce qui reste, c'est que c'est une sorte de guerre de religion, il y a les musulmans
18:01 d'un côté, les juifs de l'autre.
18:02 Mais alors ça, on ne peut même pas parler de connaissances floues sur le conflit israélo-palestinien.
18:08 C'est vraiment de la schématisation grossière.
18:11 Mais ça peut suffire à créer des affrontements importants au lycée, au collège ?
18:17 Non.
18:18 En l'occurrence, mon expérience, c'est que ça ne suscite pas d'affrontements.
18:20 Par contre, ça suscite une grande attente d'explications.
18:24 Et là, ils nous obligent, ils nous demandent d'être à la hauteur.
18:28 Parce que Camille Taillefer, vous, vous avez beaucoup travaillé sur la laïcité.
18:31 Vous avez fait un podcast que vous allez nous décrire en quelques mots.
18:35 Et justement, cette question de la laïcité, elle est bien souvent, elle est parfois interprétée
18:41 par des élèves musulmans, par exemple, comme un deux poids, deux mesures.
18:45 Comme une tyrannie, même, j'ai entendu le mot.
18:47 Comme une tyrannie.
18:48 Et ça, c'est extrêmement intéressant.
18:51 Et le travail qui a été mené l'année dernière avec une classe de première, donc au lycée
18:54 Paul-Éluard, me paraît tout à fait emblématique, enfin disons instructive sur ce que c'est
19:04 que le travail aussi en classe.
19:06 Alors, en quelques mots, avec Irène Bérélovitch et Marina Julienne, qui sont documentaristes,
19:13 radio, nous avons mené un projet pendant un an avec des élèves de première qui avaient
19:19 choisi la spécialité, attention acronyme de l'éducation nationale, HGGSP, histoire,
19:25 géographie, géopolitique, science politique, ce n'est pas contagieux.
19:28 Et donc ces élèves de première qui avaient choisi d'avoir plus d'Histoire Géo, 4
19:34 heures par semaine, se sont retrouvés embarqués par leur prof d'Histoire Géo, c'est-à-dire
19:40 moi-même, dans ce projet qui était de travailler à réaliser un podcast sur la laïcité.
19:48 Tel qu'elle a été vécue dans un lycée de Seine-Saint-Denis, en l'occurrence le
19:54 lycée Paul-Éluard.
19:55 Je dois dire que moi ce travail m'a passionnée parce qu'il m'a permis, dans le temps
20:01 long de l'année et dans le cadre de la classe, c'est-à-dire un endroit où on peut apprendre,
20:06 c'est-à-dire aussi un endroit où on peut dire éventuellement des bêtises, mais où
20:10 on va apprendre, de travailler sur ce qu'était la laïcité, la loi de 1905 et puis la loi
20:18 de 2004 et la façon dont on se débrouillait avec la laïcité.
20:22 Puisque les élèves, après avoir regardé Chronique d'un été et entendu Marceline
20:27 Loridan demander aux gens dans la rue « comment vous vous débrouillez avec la vie ? », se
20:31 sont dit « mais finalement, comment vous vous débrouillez avec la laïcité ? », ça
20:35 va être notre question.
20:36 Et ça a donné lieu à un podcast qui est en ligne, qui s'appelle « Tenue laïque
20:41 exigée » et qui montre, et il faut l'écouter jusqu'au bout, faites-nous… voilà, rendez
20:48 hommage au travail des élèves, ils partent, c'est vraiment un podcast qui montre le
20:53 travail en train de se faire.
20:54 On le trouve où ?
20:55 On le trouve sur Arte Radio, on le trouve sur Spotify, enfin bref, on le trouve sur
21:01 les plateformes de podcasts « Tenue laïque exigée ». Les élèves partent en disant
21:04 « la laïcité c'est la tyrannie » et à la fin, spoiler, « la laïcité c'est
21:15 la liberté ». Et bien ça, c'est le travail d'un prof dans une classe et ce n'est
21:20 pas le temps de la réaction.
21:22 Alain Seixique ?
21:23 Oui, c'est très bien, moi je ne connaissais pas l'existence de ce podcast, je ne demande
21:28 pas mieux que de le connaître et comme je n'irai pas chercher sur tous les noms que
21:31 vous avez prononcés et que je ne retiens pas, je vous proposerai volontiers de venir
21:35 le présenter devant le Conseil des Sages prochainement.
21:37 Avec plaisir.
21:38 Alors vous avez dit « nos élèves nous demandent des explications sur le conflit israélo-palestinien
21:44 », etc. c'est une très bonne chose évidemment, mais moi je mets juste en garde sur le fait
21:49 qu'il se passe toujours des événements dans le monde, en permanence, donc les élèves
21:56 seraient fondés à demander des explications à tout bout de champ sur tout ce qui se passe.
22:00 Or, la classe, ça ne peut pas être le forum, on ne peut pas parler de l'actualité en
22:05 permanence dans la classe, on est obligé de mettre ça à distance précisément.
22:08 Et c'est par les contenus d'enseignement, par les détours, par la littérature, etc.
22:12 qu'on peut éventuellement faire comprendre un certain nombre de choses.
22:15 Alors bien sûr, quand il y a des événements particulièrement bouleversants, tragiques,
22:19 qui concernent la planète entière, je me souviens du 11 septembre 2001 par exemple,
22:24 on avait consacré un temps d'explications et de discussions avec nos élèves dans les
22:30 classes, encore faut-il que ce temps soit aussi limité.
22:32 On ne peut pas passer son temps à parler de tout en classe.
22:35 Qu'est-ce que vous en pensez Fabien Salès ? Vous êtes vous aussi professeur d'histoire
22:40 géographie.
22:41 Oui, l'échange est très intéressant.
22:44 Je voudrais déjà souligner d'entrée que si effectivement l'école est soumise à
22:48 davantage d'attaques à l'encontre de la laïcité ou de certains contenus d'enseignement,
22:53 c'est parce que justement le travail est fait sur le terrain, que les professeurs
22:57 continuent à essayer d'ouvrir l'esprit des élèves, à leur apprendre des contenus,
23:01 des connaissances, des méthodes, à leur expliquer les principes et les valeurs de
23:05 la République.
23:06 Ce travail est fait très majoritairement.
23:08 Alors l'école de la République peut être critiquée, il y a des choses à s'améliorer,
23:11 nous sommes les premiers à le dire, mais le travail est fait sur le terrain et c'est
23:15 pour ça qu'il y a ces influenceurs qui essaient de lancer des challenges pour que
23:21 des jeunes filles se prennent avec le voile en photo dans l'établissement, qu'on
23:24 explique comment contourner la loi de 2004.
23:27 Voilà, donc ce travail est fait.
23:28 Et effectivement, le podcast de Madame Taillefer sur la laïcité est extrêmement intéressant
23:34 et notamment il permet de faire toucher du doigt aux élèves que la laïcité n'a
23:38 pas pour but de faire des croyants ou des non-croyants.
23:41 Ça n'est pas le but de la laïcité.
23:44 La laïcité a pour but à l'école de permettre aux élèves d'avoir un temps qui n'est
23:49 pas soumis aux assignations religieuses, sociales, afin de pouvoir justement construire leur
23:55 avenir, de pouvoir vivre ensemble et ensuite libre à eux de retourner vers une religion,
24:03 celle de leurs parents, une autre, ou de ne pas en avoir.
24:06 Mais ça, c'est leur cheminement personnel.
24:07 Ce n'est pas l'école de le déterminer.
24:09 Et tout un des enjeux, c'est de faire comprendre cela aux enfants.
24:13 C'est ce que la philosophe Catherine Kinsler, qui est membre du Conseil des Sages, appelle
24:19 la respiration laïque.
24:20 Jean Lémarie, la laïcité à l'école est toujours aussi un enjeu, un sujet d'affrontement
24:29 très important, avec une très grosse pression mise sur l'école et mise aussi sur les enseignants,
24:36 en particulier dans des périodes de crise comme celle que nous vivons.
24:39 Vous, enseignant, qu'attendez-vous des politiques aujourd'hui ?
24:42 Qu'aimez-vous y faire ?
24:43 Je crois qu'en fait, ce que j'attends, c'est qu'on me laisse faire mon travail.
24:50 Et donc effectivement, je suis souscrit complètement à cette idée que la classe n'est pas un
24:57 forum.
24:58 La classe n'est pas un endroit où les choses vont venir, arriver de toutes parts et nous
25:03 demander une réaction immédiate.
25:06 Parce que c'est l'inverse de notre travail et c'est l'inverse de l'éducation.
25:11 Une classe, c'est un endroit où il se passe quelque chose de l'ordre du magique presque.
25:18 C'est un endroit où on se retrouve dans un emploi du temps, à heure fixe.
25:24 Et puis cette confiance qu'on arrive à tisser, elle se fait autour des apprentissages.
25:28 Elle se fait autour des programmes qu'on déroule et qu'on déroule avec nos élèves.
25:33 Je voudrais préciser ça, ce podcast sur la laïcité, c'était une occasion de traiter
25:41 un des cinq thèmes au programme qui est « Etat et religion ».
25:43 Et donc ce n'était pas du tout quelque chose pour parler laïcité parce que ce serait
25:49 les politiques qui nous demanderaient ou la société nous sommerait de parler laïcité.
25:53 Ce n'était pas du tout ça.
25:54 C'est vraiment l'objet d'un travail et un travail que moi je pense efficace, c'est
26:01 quand les élèves l'ancrent dans quelque chose.
26:04 J'aime bien citer Jacques Baer qui dit à la question « Qu'est-ce que pour vous
26:10 éduquer ? », il dit « C'est former l'homme pour le rendre capable d'augmenter lui-même
26:15 son poids spécifique ».
26:16 Alors voilà, mon travail c'est d'essayer que mes élèves puissent augmenter eux-mêmes
26:21 leur poids spécifique.
26:22 - Rémi Taillefer, lorsqu'on dit que les étudiants peuvent se sentir seuls dans ce
26:26 travail, ça veut dire que vous êtes en première ligne face à des élèves, entre les élèves,
26:33 les familles et vous, il n'y a pas grand-chose.
26:36 Est-ce que vous n'avez pas le sentiment parfois de devoir vider la mer avec une cuillère
26:41 ou d'avoir une tâche qui est beaucoup trop vaste ? Parce que vous devez à la fois éduquer,
26:46 Alain Seixique le rappelait, mais aussi socialiser puisque la socialisation si elle ne se fait
26:51 pas à l'école, elle ne se fera qu'entre pères et alors on ne fera plus société.
26:55 - Oui, c'est vrai que parfois la tâche paraît énorme aussi parce qu'on demande à l'école
27:06 tout.
27:07 On lui demande tout et l'école elle ne peut pas tout.
27:09 L'école elle est dans une société, elle est traversée par les contradictions de cette
27:14 société.
27:15 Alors comment je fais moi ? Je ferme la porte de ma classe.
27:20 Je regarde mes élèves comme mes concitoyens.
27:26 Je me dis que c'est sur eux que repose l'avenir de cette société.
27:30 Et du coup, ça me permet d'avoir confiance et j'essaie de la transmettre cette confiance.
27:37 Alors ça peut paraître être de la naïveté mais en réalité c'est performatif.
27:41 Il se passe réellement quelque chose dans les classes qui échappe au regard.
27:46 Il faut y passer du temps pour constater à quel point les adolescents, dans leur grande
27:56 majorité, en tout cas ceux que je côtoie depuis 20 ans en Seine-Saint-Denis, ils ont
28:00 envie de faire société avec nous.
28:02 Ils le demandent.
28:05 Permettez-moi de vous raconter, cet été je pars au festival d'Avignon avec mes élèves,
28:12 des secondes, des premières, terminales.
28:13 Ils sont en option théâtre ou en spécialité théâtre parce que nous avons la chance
28:18 d'avoir une spécialité théâtre au lycée Paul-Éluard.
28:20 Nous partons en Avignon.
28:22 Nous voyons des spectacles.
28:24 Ils découvrent le festival d'Avignon.
28:25 Aucun d'entre eux ne connaissait l'existence du festival d'Avignon avant d'y arriver.
28:30 Nous sommes logés dans un internat d'un lycée jésuite qui est loué par les Céméas
28:39 pendant le temps du festival.
28:41 Vous allez voir, ça arrive vite.
28:43 Nous sommes le 13 juillet.
28:45 C'est l'anniversaire d'une de nos élèves.
28:48 Elle fête son anniversaire.
28:50 C'est la fête.
28:51 Les élèves ont acheté des gâteaux.
28:52 C'est super.
28:54 A minuit, mes élèves me disent « Madame, c'est le 14 juillet.
28:59 C'est la fête nationale.
29:01 Et ils entonnent la Marseillaise.
29:03 Et j'ai mes 25 élèves qui entonnent la Marseillaise.
29:07 Écoutons-les sérieusement.
29:08 Écoutons leur désir de faire partie de cette société.
29:12 Qui leur raconte ça ? »
29:14 Fabien Salès, vous avez les mêmes moments à raconter parce qu'on a l'impression
29:20 à vous entendre, en tout cas à entendre Camille Taillefer que c'est à la fois une
29:25 tâche lourde mais aussi plein de moments de grâce comme on dit à l'école.
29:30 Camille Taillefer, reprises et chères.
29:31 On s'est éloigné un petit peu des questions.
29:35 Effectivement, Mme Taillefer a fait une réponse un peu longue.
29:38 Je voudrais revenir sur la question des politiques.
29:40 Oui, tout à fait.
29:43 Mais la question d'avant était intéressante aussi.
29:46 Je voudrais revenir sur la question des politiques.
29:48 Et effectivement, il serait bien qu'on nous laisse travailler dans nos classes.
29:51 Et surtout que quand on prétend défendre la laïcité, on ne l'instrumentalise pas.
29:57 En rajoutant des articles après laïcité, comme laïcité inclusive, on a eu beaucoup
30:03 de déclinaisons.
30:04 Et qu'on travaille vraiment sur un débat public de qualité pour faire en sorte que
30:11 nos élèves, par exemple, n'aient pas une vision déformée de la laïcité et une laïcité
30:16 qui ne serait que punition, restriction.
30:18 Alors, je vais vous demander une réponse plus longue, Fabien Salès, pour que vous
30:21 développiez ce que vous venez de dire.
30:23 La laïcité avec un mot en plus, ça veut dire quoi ? Qu'est-ce qui vous agace, vous
30:30 empêche de faire votre travail ?
30:31 Il n'y a pas besoin de rajouter quoi que ce soit au mot laïcité.
30:35 Il suffit d'expliquer ce qu'est la laïcité, comme nous le disons, qu'elle est un vecteur
30:40 d'égalité, d'un vecteur de vivre ensemble.
30:43 Vous visez qui ou quoi lorsqu'on rajoute quelque chose ?
30:46 Certains partis politiques qui utilisent ces expressions pour stigmatiser clairement une
30:55 communauté, la communauté musulmane en l'occurrence.
30:59 Or, dans les atteintes à la laïcité que nous connaissons, bien entendu, il y a des
31:04 atteintes menées par des groupes islamistes ou des associations et autres.
31:08 Mais il ne faut pas oublier que, notamment dans certaines régions, on a aussi des atteintes
31:12 parce que certains parents d'élèves refusent que leurs enfants aillent visiter, dans le
31:18 cadre d'un cours de MC, une synagogue ou une mosquée.
31:22 Vous avez vraiment ça ?
31:23 Donc, il faut effectivement…
31:24 Vous savez ?
31:25 Oui, nous avons eu des remontées de terrain en ce sens à la PSG.
31:30 Est-ce que c'est véritablement massif, ce type de choses ?
31:35 Le fait d'avoir des parents qui sont extrêmement rétifs à la religion de l'autre, qui pensent
31:41 que c'est contagieux ?
31:42 Ça se développe de plus en plus, effectivement, oui.
31:47 Nous avions une collègue tout à l'heure qui parlait du patient-travail de déconstruction
31:51 qu'elle avait à faire en lycée professionnel.
31:53 Nous aussi, lorsque nous expliquons un certain nombre de choses, notamment sur la laïcité
31:58 ou sur ces contenus socialement vifs, il faut faire ce travail de déconstruction en classe.
32:03 Mais nous savons très bien que les élèves reviennent chez eux, qu'ils peuvent entendre
32:07 un autre discours.
32:08 Et il faut faire ce que fait tout enseignant, à savoir répéter.
32:12 Répéter et mener en permanence ce patient-travail d'explication, de déconstruction.
32:19 Et effectivement, comme le dit bien Mme Taillefer, ce discours paye, puisque une grande partie
32:27 de nos élèves y adhèrent finalement.
32:29 Et c'est bien ce qui fait qu'un certain nombre d'obscurantistes, d'islamistes
32:35 s'en prennent à l'école.
32:36 Parce que ce travail de vivre ensemble, nous le menons, ce patient-travail d'explication,
32:42 nous le menons, et il touche un grand nombre de nos élèves.
32:46 Jean Lemarie, cet appel à travailler tranquille, à laisser les professeurs et les élèves
32:50 travailler tranquille, vous le relayez tous les deux ? Est-ce que les politiques l'entendent ?
32:54 Camille Taillefer.
32:55 Alors ça, je ne peux pas répondre.
32:58 Je ne sais pas si les politiques l'entendent, mais en tout cas, c'est le moment.
33:01 Anna Seixi.
33:02 Oui, c'est le moment de le dire et de leur faire entendre.
33:06 Moi, je voudrais revenir sur deux, trois choses qui ont été dites.
33:09 Heureusement, il y a encore, et beaucoup, ils sont nombreux, vous êtes au moins deux
33:14 à en témoigner aujourd'hui, des professeurs extrêmement investis, très conscients de
33:18 leur mission, très présents à leurs élèves.
33:21 Et heureusement, comme vous le disiez, il y a par moments de vrais petits miracles dans
33:25 la classe.
33:26 Heureusement, on en a tous connu à un certain moment, etc.
33:30 Mais vous évoquiez tout à l'heure, Guillaume Herner, la question de la solitude des enseignants.
33:37 C'est aussi un fait réel.
33:39 Et c'est d'autant plus difficile à supporter qu'on est un jeune enseignant, qu'on débute,
33:45 qu'on manque sans doute d'abord d'expérience et puis de formation quelquefois.
33:49 Donc la question de la formation est assez centrale.
33:51 Ce sont les mêmes, et on l'a dit, beaucoup dit ces derniers temps, qui s'autocensurent,
33:57 qui n'osent pas aborder un certain nombre de questions dans la classe.
34:00 Ils ne font pas comme vous, Kevin Taillefer.
34:03 Ils se rétractent, ils ne répondent pas aux questions.
34:06 Et certains ont peur, tout simplement.
34:09 C'est le titre du dernier livre de Jean-Pierre Aubin.
34:12 Alors je crois que s'il y a une urgence aujourd'hui, et c'est sans doute le meilleur
34:17 remasque que nous pouvons rendre à nos collègues qui ont été assassinés, Samuel Paty et
34:24 Dominique Bernard, eh bien c'est de se montrer collectivement plus fort que cette peur.
34:28 Et d'avoir des réponses collectives.
34:30 Par exemple, j'entendais Fabien Salès dire "on a fait une minute de silence tous ensemble
34:35 dans la cour".
34:36 Je pense que des moments collectifs de ce type sont tout à fait importants.
34:39 Un mot de conclusion, Camille Taillefer ?
34:42 Oui, alors moi je pense qu'effectivement la question de la formation, elle est centrale.
34:46 Et je pense que plutôt qu'autocensure, j'aimerais parler de responsabilité.
34:50 La parole du professeur dans la classe, c'est une parole qui doit être mesurée, qui doit
34:56 être réfléchie, parce qu'on est responsable de quelque chose, et on est porteur d'une
35:02 autorité.
35:03 Et ça, peut-être que les jeunes enseignants, il faut qu'ils en soient absolument pénétrés.
35:08 Et je dirais une dernière chose, vous dites "tout le monde n'est pas comme vous".
35:13 C'est un travail solitaire et en même temps c'est un travail qui ne peut être fait que
35:18 si on se sent soutenu.
35:20 Alors soutenu par une société qui nous est reconnaissante de travailler à l'éducation
35:27 de sa jeunesse, et donc de tous les enfants de la nation.
35:30 Mais aussi soutenu beaucoup plus localement.
35:34 Par exemple, en l'occurrence, faire un podcast sur la laïcité dans un lycée en Seine-Saint-Denis,
35:39 ça n'est possible que quand une direction nous dit "allez-y, allez-y, parce qu'il
35:44 vaut mieux parler que se taire".
35:46 Et on le retrouve, votre podcast.
35:48 Merci beaucoup Camille Taillefer.
35:51 Merci Fabien Saleste, deux enseignants en histoire, géographie, alinsexique, inspecteur
35:57 d'académie honoraire.
35:58 Donc quelques secondes, le point sur l'actualité.

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