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Art et designTranscription
00:00 Jusqu'à 13h30, les midis de culture.
00:04 Nicolas Herbeau, Géraldine Mosna Savoie.
00:08 Place à la rencontre.
00:11 Aujourd'hui, notre invitée est poétesse.
00:13 Vous ne connaissez peut-être pas son nom, mais vous avez forcément déjà entendu ses
00:18 paroles et sa voix.
00:19 Elle forme avec sa sœur le duo musical américain Coco Rosi, mais elle écrit aussi en solo.
00:24 En témoigne, ce recueil de poèmes apparaît dans quelques jours au bord du ciel.
00:29 Bonjour Bianca Cassady, bienvenue dans les midis de culture.
00:33 Et merci à vous, bonjour à vous Michel Sotovski, vous allez être la voix française
00:38 de notre invitée dans ces midis de culture.
00:40 Merci.
00:41 Je vais essayer.
00:42 Alors au bord du ciel, c'est un recueil de poèmes bilingues, Bianca Cassady.
00:45 Est-ce qu'on peut se parler en français ? Désolée pour vous Michel Sotovski.
00:51 Vous pouvez me poser des questions en français.
00:59 Vous comprenez tout ce que je dis en français ?
01:01 J'ai le cerveau divisé en deux, entre le français et l'anglais.
01:10 Je préfère peut-être que je parle anglais.
01:14 C'est la question que je vous pose parce que justement, votre recueil est lui aussi
01:19 divisé en deux langues, en anglais et en français.
01:23 Pourquoi est-ce que vous avez tenu à faire paraître ce recueil dans les deux langues ?
01:27 En fait, c'était une rencontre extraordinaire avec Marion, qui est la tête de cet éditeur.
01:47 Nous avions un ami commun, et nous vivions dans la région de la Camargue.
01:54 Elle m'a engagée à écrire un livre de poésie.
01:59 C'était tout.
02:00 C'était simplement cela.
02:01 Vous n'étiez pas spécialement attachée à la langue française ?
02:12 Je ne dirais pas que c'était très pertinent pour ma pratique poétique.
02:22 J'écris en anglais.
02:27 C'est très linguistique et expérimental.
02:34 Le processus de traduction est très difficile.
02:38 C'est une torture.
02:40 C'est quasiment impossible, je pense.
02:43 Traduire de la poésie, c'est impossible.
02:45 Justement, ce n'est pas vous qui avez traduit.
02:47 Est-ce que vous relisez cette poésie en français ?
02:51 Est-ce que vous y retrouvez la même chose, les mêmes sentiments, la même atmosphère
02:58 ?
02:59 J'étais très impliquée dans le processus de traduction.
03:05 Mais pour la deuxième partie de votre question, je ne peux pas le dire.
03:13 Je ne peux pas expliquer.
03:14 Je ne peux pas percevoir l'atmosphère.
03:17 Ce n'est pas simplement parler couramment le français, mais il faut être vraiment
03:25 née dans la langue pour pouvoir dire ce qui est familier, ce qui est un petit peu boiteux.
03:32 Vous savez, mon anglais est parfois un peu boiteux, dans mon écriture aussi.
03:37 Et ce côté boiteux, subtil, je ne sais pas si c'est vraiment traduisible.
03:46 C'était la chose la plus difficile à faire, à traduire.
03:50 Combien d'articles peut-on éviter, un article défini, indéfini, pour avoir le même sentiment
03:59 ?
04:00 A 4 heures du matin, l'été, le sommeil d'amour dure encore.
04:10 Sous les bosquets, l'aube évapore, l'odeur du soir fêté.
04:16 Mais là-bas, dans l'immense chantier, vers le soleil des espérides, en bras de chemise,
04:25 les charpentiers déjà s'agitent.
04:27 Dans leur désert de mousse tranquille, ils préparent les lambris précieux, où la richesse
04:36 de la ville rira sous de faux cieux.
04:40 Ah, pour ces ouvriers charmants, sujet d'un roi de Babylone, Vénus laisse un peu les
04:49 amants dont l'âme est en couronne.
04:51 Ô reine des bergers, porte aux travailleurs l'eau de vie, pour que leur force soit en
04:59 paix, en attendant le bain dans la mer à midi.
05:03 - Alors ce n'est pas un de vos poèmes qu'on a entendu, Bianca Cassady, c'est le poème
05:18 d'Arthur Rimbaud, lu par André Breton.
05:20 Ce poème, c'est "Bonne pensée du matin".
05:23 Cet archive date du 3 juillet 1947.
05:25 Vous l'avez entendu, un petit peu au crépitement et peut-être à la manière dont c'est lu.
05:31 C'était difficile pour nous de se dire qu'on allait diffuser un de vos poèmes lus par
05:37 nous parce qu'on ne sait pas vraiment quelle intention vous vouliez y mettre.
05:40 Est-ce que vous, quand vous écrivez de la poésie, vous voulez toujours qu'il soit lu
05:43 à haute voix et pas forcément seulement dans son lit, dans sa tête ?
05:46 - Je ne suis pas certaine de comprendre exactement la question.
05:57 Mais c'est un des plus grands défis.
06:03 Est-ce que c'est quelque chose de clair pour le lecteur ? Est-ce que ce sera vraiment la
06:14 façon dont je l'ai écrit, composé ? Là où je brise les lignes.
06:21 Quand on regarde la poésie moderne aujourd'hui, vous savez, les césures sont parfaitement
06:26 arbitraires.
06:27 Je suis assez littérale dans la façon dont j'écris.
06:32 Je ne sais pas vraiment non plus comment lire la poésie des autres.
06:36 Quand on a un enregistrement de l'auteur, j'ai entendu T.S.
06:44 Eliot lire son quartet.
06:46 J'ai compris, j'ai pu l'apprécier.
06:49 Mais sur le papier, je n'ai pas vraiment apprécié.
06:54 J'ai entendu T.S.
06:57 Eliot lire et lire jusqu'à ce que j'ai entendu sa lecture.
07:00 Je crois que ça ajoute une grande valeur de pouvoir entendre l'auteur lire sa poésie
07:04 quand c'est possible.
07:05 - Ce qui est le cas quand vous écrivez et que vous chantez avec votre sœur pour le
07:12 groupe Cocorosi ou vous seule dans des projets musicaux ?
07:16 - C'est quelque chose de totalement différent, je dirais.
07:30 Il y a beaucoup plus de lieu, d'espace pour pouvoir chanter ce genre de choses.
07:40 Mais très souvent, mes poèmes deviennent des chansons avec très peu d'augmentation
07:48 par rapport au texte écrit.
07:50 - Moi, je suis un peu comme vous.
07:52 J'aime bien la poésie, j'aime bien l'entendre.
07:55 Et c'est vrai qu'on a parfois une compréhension différente quand on la lit soi-même.
08:00 Peut-être est-ce que dans votre façon de travailler, vous pouvez nous en dire un peu
08:05 plus ?
08:06 Vous avez écrit le point final du poème, vous l'élisez à voix haute, vous demandez
08:12 à quelqu'un de le lire pour aussi entendre ce que ça rend, les sonorités que rend votre
08:18 écriture.
08:19 - Non, je n'ai demandé à personne de le lire pour que je puisse l'entendre.
08:32 Je crois que dans cette collection de poèmes, au premier regard, le lecteur peut ne pas
08:42 comprendre comment le lire.
08:44 Mais si vous en lisez plusieurs de ces poèmes, ou si vous les lisez en entier, vous allez
08:49 voir comment j'utilise un trait d'union, comment j'utilise une virgule, quel est mon
08:57 modèle d'écriture.
08:58 Ça peut ne pas être complètement détecté, mais je suis arrivé à une phase où je
09:10 répète certains trucs, certains exercices de style.
09:14 Je pense qu'en tout, c'est quelque chose de compréhensible.
09:17 - Alors votre recueil, Bianca Cassady, au bord du ciel, il est divisé en six sections,
09:23 il est constitué de 66 poèmes.
09:26 Pour ma part, je les ai lus dans mon lit, donc je ne les ai pas lus à voix haute.
09:31 Et je les ai lus presque d'une traite comme un long poème, pas du tout comme des petites
09:38 sections qui se divisent et s'ajoutent, mais vraiment comme si j'étais emportée dans
09:41 un même flux.
09:42 Est-ce que c'est ce que vous aviez aussi en tête en les écrivant ? C'est-à-dire que
09:47 vraiment tout s'enchaîne de manière assez fluide ?
09:49 - En tant qu'artiste, on me pose souvent la question « est-ce que c'était là votre
10:04 intention ? ». C'est une question récurrente.
10:06 - C'était la mienne en tout cas.
10:08 - Je rejette un petit peu cette intentionnalité.
10:12 Ma seule intention était d'écrire un livre de poésie, de poème, et de ne pas accueillir
10:26 tout le monde à la table.
10:27 Par exemple, j'ai tendance à être véritablement concentrée, et vous savez quand des gens
10:40 qui pénètrent comme ça d'un coup, le monde de la famille ou autre, je les laisse parfois
10:47 pénétrer, mais je mets des frontières, je mets des limites pour certains personnages
10:54 qui ne sont pas invités paradoxalement dans le livre.
10:59 Pour ce qui est de l'intention, j'ai mis un certain accent, mais je suis plus curieuse
11:07 de dire « c'est comme ça que je me sens quand je mets quelque chose au monde ».
11:12 C'était quoi pour vous, lecteur, auditeur ? C'est ça qui est plus important pour moi
11:22 que ce que moi je voulais faire.
11:23 - Alors vous voulez que je vous dise ce que ça a été pour moi ?
11:25 - S'il vous plaît.
11:28 - Alors c'est comme je vous l'ai dit, je les ai lus samedi soir dans mon lit et je
11:33 les ai commencées en me posant la question justement de votre intention.
11:38 C'est des poèmes où on rencontre énormément, j'ai été extrêmement frappée par certaines
11:41 images, notamment le mot « lait » et notamment le terme « couteau à beurre ».
11:46 Et j'ai été arrêtée assez tôt dans ma lecture par un poème que je vais essayer
11:52 de retrouver, je crois que c'est le poème 5, où vous dites ceci « je n'ai pas,
11:58 vais pas, ne peux pas arrêter d'être le cercueil grinçant faiblement en dessous de
12:03 son poids ». Et c'est à ce moment-là que j'ai véritablement, peut-être qu'une
12:07 chose s'est déclenchée pour moi, j'y ai vu comme l'annonce d'un deuil pour vous,
12:12 le deuil d'un enfant.
12:14 Et à partir de là, j'ai lu tous les poèmes s'enchaînant comme dans un long fleuve et
12:19 c'est comme si tout à coup tout s'était éclairé.
12:21 Et donc je l'ai fini en quelques minutes presque votre recueil après.
12:26 Merci de partager cela avec moi.
12:35 C'est assez mystérieux pour moi.
12:40 Je ne sais pas si j'aurai un jour l'objectivité de percevoir exactement ce que j'ai composé,
12:52 mais avec le temps qui passe et que je suis en dialogue avec d'autres personnes, ça
12:58 se déplie.
12:59 Et c'est comme ça que je me relie à ce que je crée.
13:04 Peut-être que dans 10 ans, peut-être que dans 20 ans, les gens comprendront ou que
13:17 je comprendrai des choses que je n'ai pas comprises au départ.
13:19 J'étais très concentrée en termes de lieu, de ma solitude.
13:27 Je me suis permis de répéter cette histoire de côtois-bord, de ses pleurs.
13:35 Comme vous l'avez dit, vous savez, c'est…
13:41 Je répète aussi des descriptions de ce qui se trouve dans ma réalité immédiate.
13:49 Donc, c'est venu de quelque chose de très immersif, un processus immersif.
13:55 Je ne me rends…
13:56 Je n'ai pas le compte exact, mais j'ai probablement écrit des milliers de poèmes.
14:04 Et c'est la première fois que j'ai eu l'occasion de publier.
14:08 J'étais toujours enthousiasmée par faire cela.
14:12 C'est la chose la plus extraordinaire dans cette occasion de la publication.
14:19 Alors, deux questions à partir de là.
14:21 Bianca Cassady, pourquoi les autres poèmes n'ont pas été publiés ? Pourquoi ceux-là
14:24 ont été publiés ? Qu'est-ce qui a fait qu'ils ont pu passer le stade de la publication ?
14:28 Et la deuxième question, c'est qu'est-ce que vous avez avec les couteaux à beurre ?
14:32 C'est une vraie question.
14:33 Ou avec le lait d'ailleurs.
14:34 Difficile de répondre à la première partie de votre question.
14:42 Je n'ai pas de réponse.
14:43 Qu'est-ce qui fait qu'il y en a qui sont sauvés, qui ont le droit ?
14:49 Je n'ai pas vraiment la réponse à cette question.
14:56 J'écris de la poésie depuis plus longtemps que toute autre forme artistique dans laquelle
15:02 j'étais impliquée.
15:03 J'ai fait beaucoup de choses en théâtre, en danse, avec la musique classique, avec
15:10 les orchestres.
15:11 J'ai fait beaucoup de choses avec lesquelles je n'avais pas vraiment d'intérêt.
15:18 J'ai publié cette poésie peut-être parce que c'est la chose la plus proche, la plus
15:26 précieuse.
15:27 C'est beaucoup plus fondamental pour moi que la musique.
15:32 J'ai attendu pour une raison ou pour une autre.
15:39 Mais j'ai aimé que la première chose que je publie, c'était quelque chose que je
15:47 faisais pour la plus grande partie de ma vie, plutôt que de voir tout ce qui a mené à
15:53 ce moment.
15:54 Et les couteaux à beurre ?
15:56 Ah oui, les couteaux à beurre.
16:00 Ou le lait ? Pourquoi le lait, le pain, en fait, des choses comestibles qui reviennent
16:10 très souvent, le miel aussi d'ailleurs ?
16:12 Ce sont des substances qui ont des qualités poétiques, mais qui sont très peu utilisées
16:21 dans d'autres poèmes.
16:22 J'aime les vieux couteaux à beurre, quand ils ne sont pas brillants.
16:29 C'est cet aspect qui m'intéresse.
16:33 Vous savez, c'est un aspect brillant, mais pas très brillant.
16:41 Oui, un petit peu poncé presque.
16:43 Oui, je ne sais pas, c'est quelque chose qui a à voir avec le manque d'efficacité
16:53 de ce couteau.
16:55 Il est pémoussé, voyez-vous.
16:57 Donc, le personnage n'est pas très fonctionnel.
17:04 C'est un personnage qui ne fonctionne pas vraiment à plein.
17:07 D'ailleurs, c'est un ustensile qui s'est quand même perdu, le couteau à beurre.
17:10 On est peu à avoir des couteaux à beurre chez soi, on va prendre juste des couteaux
17:14 à bourron.
17:15 Donc finalement, vous avez peut-être réhabilité quelque chose d'oublié, de désuet ?
17:19 Peut-être.
17:20 J'aime aussi des cuillères.
17:23 Oui, vous avez même une fourchette.
17:27 C'est juste une coïncidence.
17:30 Vraiment ?
17:31 Je n'aime pas particulièrement cette cuillère-là que j'ai devant moi.
17:38 Cette fourchette ?
17:40 Cette fourchette, oui.
17:41 Il faut le dire pour les auditeurs et auditrices qui n'ont pas l'image, c'est que vous êtes
17:46 arrivée, Bianca, en sortant une fourchette de votre poche.
17:49 Donc là, elle est posée à côté de vos lunettes de soleil.
17:52 Oui.
17:55 Je ne vis nulle part.
18:00 Je garde des trucs dans mes poches.
18:06 [Musique]
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20:46 Daisy Chen, c'est une de vos chansons,
20:50 Bianca Cassady avec The CIA.
20:54 C'est un groupe que vous avez monté solo,
20:57 c'est-à-dire sans votre sœur, à la différence de
21:00 Coco Rosi, vos poèmes vous les écrivez seuls.
21:03 Qu'est-ce que ça vous permet ou est-ce que c'est mieux
21:06 de travailler seule ?
21:09 [Musique]
21:15 Je travaille seule, c'est une pratique quotidienne.
21:23 J'écris.
21:29 Je fais des vidéogrammes.
21:32 Je travaille avec le théâtre, mais quand je suis réunie
21:37 avec ma sœur, j'apporte beaucoup de choses
21:40 que je faisais seule.
21:43 Nous apportons des aspects très différents
21:47 en notre collaboration.
21:50 Donc moi, je travaille constamment,
21:53 même quand je ne suis pas inspirée.
21:57 J'ai mes propres exercices d'écriture mécaniques.
22:00 Je suis toujours dans le processus de production.
22:05 J'arrive avec un paquet de...
22:15 [Rires]
22:18 J'ai un peu de mal à comprendre.
22:21 Je ne sais pas si c'est vrai,
22:24 mais je suis toujours dans le processus de production.
22:27 Je suis toujours dans le processus de production.
22:30 Je suis toujours dans le processus de production.
22:33 Je suis toujours dans le processus de production.
22:36 Je suis toujours dans le processus de production.
22:39 Je suis toujours dans le processus de production.
22:42 Je suis toujours dans le processus de production.
22:45 Je suis toujours dans le processus de production.
22:48 Je suis toujours dans le processus de production.
22:51 J'utilise beaucoup de termes en poésie
22:54 qui sont tellement difficiles à traduire.
22:57 Comme "barren".
23:00 Ça peut être une femme,
23:03 ça peut être un paysage.
23:06 Et c'était impossible à traduire.
23:09 Il y a beaucoup de sacrifices à faire dans la traduction.
23:12 C'est douloureux.
23:15 Et quand je lis une traduction,
23:18 je me fous trop.
23:21 Même si je sais peu de cette langue.
23:24 Je dis "mais c'est parce que le poète a dit,
23:27 c'est parce que dit le poème".
23:30 Et en tant que poète, ça me met en colère.
23:33 "Mais c'est parce que j'ai dit".
23:36 Ils voulaient que ça fasse rime, c'est tout.
23:39 Mais c'est pas ça. Ça ne fonctionne pas.
23:42 - Et c'est pareil pour la musique, avec votre sœur,
23:45 est-ce que c'est aussi un jeu de massacre ?
23:48 Parce que finalement, elle va y adjoindre une musique
23:51 ou une compréhension qui n'était pas du tout la vôtre ?
23:54 - Je pense que ça commence à se transformer
23:57 et à avoir sa propre vie.
24:00 Et moi, il faut que je laisse aller.
24:03 C'est une sorte de déconstruction.
24:06 Et la chose commence à avoir sa propre vie.
24:09 Et c'est ça qui est le plus difficile.
24:12 La chose commence à avoir sa propre vie.
24:15 - Ça veut dire que sur la forme, vous avez plusieurs cordes
24:18 à votre arc, mais vous écrivez,
24:21 et quand vous écrivez, vous ne savez pas
24:24 ce que cette création va devenir.
24:27 - Vous me posez une question ?
24:39 - Je ne sais pas ce que je vais écrire
24:42 quand je commence à écrire.
24:45 Je n'ai pas une idée.
24:48 Pas la moindre idée.
24:51 Comme une phrase,
24:54 ou un verre
24:57 qui me vient à l'esprit,
25:00 et puis quand je le pose par écrit,
25:03 ça se déconstruit.
25:06 Vous savez, il y a des pièges
25:09 quand j'écris le mot "snow", "neige".
25:12 Par exemple, ça va déclencher
25:15 une rime,
25:18 et puis soudain, je me sens contrôlé
25:21 par le mot.
25:24 Peut-être un modèle sonore
25:27 que je dois suivre.
25:30 Et puis je clarifie l'image,
25:33 et puis je ressors du son.
25:36 Parfois, j'essaie d'écrire sans aucune rime,
25:39 mais en ce qui concerne l'intentionnalité,
25:42 j'ai parfois des restrictions
25:45 très techniques.
25:48 - Mais tout à l'heure,
25:51 Bianca Cassady, vous m'avez retoquée
25:54 sur ma question de l'intention, justement.
25:57 Effectivement, il y a peut-être un mythe
26:00 de l'intentionnalité de l'artiste,
26:03 mais est-ce que de la même manière,
26:06 il n'y a pas aussi un mythe d'une fabrication
26:09 ou d'une création qui serait presque inconsciente
26:12 telle que vous le décrivez ?
26:15 Surtout si vous parlez aussi d'exercice mécanique,
26:18 c'est bien qu'il y a aussi un entraînement.
26:21 Ce n'est pas comme si tout à coup,
26:24 vous étiez animé par une puissance étrangère ?
26:27 - En général, je pense que
26:30 beaucoup d'artistes travaillent avec l'intention,
26:33 mais je ne fais pas partie de ceux-là.
26:36 J'utilise des méthodes,
26:39 des techniques, des restrictions,
26:42 des mythes,
26:45 simplement pour me donner
26:48 une certaine forme
26:51 de façon plus mystérieuse
26:54 pour pouvoir verser
26:57 cette substance un peu mystérieuse.
27:00 Et j'ai souvent senti
27:03 que j'étais
27:06 un peu un canal.
27:09 Mais je dirais plus quand j'étais plus jeune,
27:12 un long poème
27:15 qui était très distinct
27:18 venait tout simplement
27:21 de mon coeur.
27:24 Je gardais toujours un petit journal
27:27 dans ma poche.
27:30 J'attendais quelque chose,
27:33 j'attendais un train,
27:36 je suis allée au milieu d'une conversation
27:39 et je voulais capturer ces instants,
27:42 ces secondes-là.
27:45 J'étais parfois très grossière, très malpolie.
27:48 Je me mettais de côté.
27:51 Je ne le suis plus tellement aujourd'hui.
27:54 Je suis plus dans une pratique intérieure.
27:57 Je suis de moins en moins possédée,
28:00 disons le monde.
28:03 - Ah oui ? Il a disparu ?
28:06 - Il s'est pris ?
28:09 - Ça a changé.
28:12 Peut-être que je le suis encore.
28:15 - Mais vous l'avez oublié ?
28:18 - Il s'est endormi ?
28:21 - C'est devenu vous ?
28:24 - Non, bonne question.
28:27 Je me la suis posée.
28:30 Mais je n'ai pas vraiment de réponse.
28:33 Je suis devenue de plus en plus technique.
28:36 Quand je regarde en arrière
28:39 à ma poésie de jeunesse,
28:42 c'est quasi illisible.
28:45 J'écrivais pour moi-même.
28:48 J'arrive difficilement à comprendre moi-même
28:51 ce que je disais, ce que je pensais.
28:54 - Ça vous faisait du bien ?
28:57 - Oui.
29:00 Ça a toujours été
29:03 un peu difficile
29:06 de me dire
29:09 que c'était mon...
29:12 - Ça a toujours été ?
29:15 - Mon outil le plus essentiel.
29:18 - Mon expression la plus essentielle.
29:22 - 12h-13h30, les midis de culture.
29:25 Géraldine Mosnassavoy, Nicolas Herbeau.
29:28 - Je m'appelle Fifi Brindassier et toi ?
29:31 - Je suis Tommy.
29:34 - Moi, je suis Annika.
29:37 - C'est formidable chez Fifi.
29:40 On peut faire tout ce qui est défendu à la maison.
29:43 - Pippi, tu as une mère et un père.
29:46 - Oui, je suis un grand père.
29:49 - Je suis un grand père.
29:52 - Je suis un grand père.
29:55 - Pippi, tu as une mère et un père ?
29:58 - Oui, je suis un grand père.
30:01 - Mais dis-moi, Fifi, tu n'as pas de maman ni de père ?
30:04 - Ils ne sont pas là.
30:07 - Je suis seule parce qu'ils ne sont pas là.
30:10 - C'est tout ?
30:13 - Mais tu n'as personne pour te dire qu'il est l'heure de te mettre au lit ?
30:16 - C'est moi qui me le dis.
30:19 - Je le dis de façon gentille.
30:22 - Fifi, il est l'heure d'aller dormir.
30:25 - Et si je ne m'obéis pas, je le dis moi gentiment.
30:28 - Et si je ne m'obéis pas, je vais me faire un bain de fessé.
30:31 - Mais si ça ne suffit pas, alors là, je reçois une bain de fessé.
30:34 - Voilà tout.
30:37 - Les aventures de Fifi Brindassier, série réalisée par Hall Album en 1969.
30:40 - Est-ce que vous pouvez nous donner le terme en anglais ?
30:43 - Comment on dit Fifi Brindassier en anglais ?
30:46 - Pippi Longstocking.
30:49 - C'est un personnage de votre enfance ou de votre enfance ?
30:52 - Oui, et ça l'est toujours.
30:55 - De quelle manière ?
30:58 - Vous pensez souvent à Fifi Brindassier ?
31:01 - Oui.
31:04 - Elle vivait seule,
31:07 - Elle avait une force physique énorme,
31:10 - Elle avait des bottes très hautes,
31:13 - Elle avait des bottes très hautes,
31:16 - Elle dormait avec ses pieds sur le poulet,
31:19 - Elle mettait les pieds sur les oreillers,
31:22 - C'était un personnage un peu punk très fort,
31:25 - Elle était beaucoup plus forte que tous les gars,
31:28 - Elle était plus forte que les flics,
31:31 - Oui.
31:34 - C'est une forme de personnage.
31:37 - Oui.
31:40 - C'est un personnage très fort,
31:43 - Oui.
31:46 - C'est une forme de modèle ?
31:49 - Ou vous vous reconnaissiez en elle ?
31:52 - Les deux.
31:55 - Elle est la numéro 1.
31:58 - Oui, c'est la numéro 1.
32:01 - Je ne suis pas du tout une spectatrice de Fifi Brindassier,
32:04 - Je pense que j'ai loupé le coche de Fifi Brindassier,
32:07 - On se rattrapera.
32:10 - Je l'imagine tel que vous la décrivez, Bianca Cassady,
32:13 - Est-ce que Fifi Brindassier, c'est un peu ce qui reste de votre enfance ?
32:16 - Un côté assez débrouillard, d'expérimentation,
32:19 - De découverte exactement, en fait,
32:22 - Ce que vous faites quand vous écrivez ou quand vous créez,
32:25 - La manière dont vous parlez, votre manière de créer ?
32:28 - Oui.
32:31 - Oui.
32:34 - C'est vraiment quelqu'un de marginal,
32:37 - Qui n'est pas intéressé à faire partie du système,
32:40 - Ils ont tenté plusieurs reprises de la mettre à l'école,
32:43 - Elle a refusé d'y aller,
32:46 - Et vraiment, c'est une grande partie de ma propre histoire,
32:49 - Je ne suis pas allé du tout à l'école.
32:52 - Oui, cet aspect anti-système,
32:55 - Cette attitude.
32:58 - Mais vous êtes écoutée, vous êtes lue,
33:01 - Coco Rosi, le groupe que vous formez avec votre soeur,
33:04 - Qui a quand même fait 7 albums,
33:07 - A été reconnu, a été salué,
33:10 - Est-ce que vous êtes si marginal que ça maintenant ?
33:13 - Oui.
33:16 - Oui.
33:19 - Oui.
33:22 - C'est, ça tient à mes valeurs,
33:25 - La participation ou mon manque de participation à la société,
33:28 - La participation ou mon manque de participation à la société,
33:31 - Je suis très mauvaise avec les règles, les lois,
33:34 - Je suis très mauvaise avec les règles, les lois,
33:37 - Je conduisais une voiture sans assurance,
33:40 - Je conduisais une voiture sans assurance,
33:43 - Pendant des années, en France,
33:46 - Pendant des années, en France,
33:49 - Je n'avais pas le droit de la conduire,
33:52 - Je ne sais pas, je ne peux pas expliquer pourquoi je le fais,
33:55 - C'était pas par nécessité, mais...
33:58 - Et je pense que c'est pour ça que j'aime être étrangère, quelque part,
34:01 - Et je pense que c'est pour ça que j'aime être étrangère, quelque part,
34:04 - Je ne sens pas l'oppression des règles,
34:07 - Parce que j'en suis extérieur,
34:10 - Donc je me sens plus libre ici qu'ailleurs, qu'aux États-Unis en tout cas.
34:13 - Donc je me sens plus libre ici qu'ailleurs, qu'aux États-Unis en tout cas.
34:16 - Sans rentrer trop en profondeur dans cette histoire,
34:19 - Sans rentrer trop en profondeur dans cette histoire,
34:22 - Mais ma vision du monde,
34:25 - Est assez impopulaire.
34:28 - Je continue ma voie marginale,
34:31 - Dans mes opinions, dans mes valeurs.
34:34 - Dans mes opinions, dans mes valeurs.
34:37 - Juste une chose, Bianca Cassady, on va passer bientôt à la fin de cet entretien,
34:40 - On n'a pas du tout commenté le fait qu'on a écouté un poème de Rimbaud,
34:43 - On n'a pas du tout commenté le fait qu'on a écouté un poème de Rimbaud,
34:46 - Au début de cette émission.
34:49 - Rimbaud, est-ce que pour vous, c'est souvent convoqué comme un poète très influent,
34:52 - Rimbaud, est-ce que pour vous, c'est souvent convoqué comme un poète très influent,
34:55 - Qui inspire beaucoup ? Est-ce que pour vous aussi, il tient une place particulière ?
34:58 - Ou c'est juste un poète comme un autre ?
35:01 - Ou c'est juste un poète comme un autre ?
35:04 - Hum...
35:07 - Je n'ai pas beaucoup lu, en général.
35:10 - Je n'ai pas beaucoup lu, en général.
35:13 - Mais le personnage de Rimbaud,
35:16 - Mais le personnage de Rimbaud,
35:19 - Est très... m'impressionne beaucoup.
35:22 - Il écrivait en tant qu'ado,
35:25 - Il écrivait en tant qu'ado,
35:28 - Il a une histoire homosexuelle,
35:31 - Cette histoire homosexuelle,
35:34 - Et donc, son histoire était intéressante.
35:37 - La présence de son personnage, de son histoire, m'a impressionné.
35:40 - La présence de son personnage, de son histoire, m'a impressionné.
35:43 - Merci beaucoup, Bianca Cassady.
35:46 - Merci de vous. On pourra bientôt lire au bord du ciel
35:49 - Recueil de poèmes, qui va paraître aux éditions du Diable Vauvert,
35:52 - Ce sera le 19 octobre prochain, traduit par Ileana Garzaterran.
35:55 - Ce sera le 19 octobre prochain, traduit par Ileana Garzaterran.
35:58 - Ce sera le 6 octobre, ce vendredi, à la Maison de la Poésie à Paris,
36:01 - Pour une séance de lecture, accompagnée de la comédienne Aurore Déon
36:04 - Et de l'artiste, pianiste et compositeur, Gaël Racodon-Drabe.
36:07 - Pour finir, Bianca Cassady, vous avez le choix entre deux chansons.
36:10 - Soit une chanson sur Coco,
36:13 - Soit une chanson sur Rosy.
36:16 - Soit une chanson sur Rosy.
36:19 - Je ne sais pas ce que ça signifie, entre Coco et Rosy.
36:22 - Je ne sais pas ce que ça signifie, entre Coco et Rosy.
36:25 - C'est la surprise.
36:28 - Coco ou Rosy ?
36:31 - C'est une surprise.
36:34 - Rosy.
36:37 - Rosy.
36:41 - Well, up in Saginaw City
36:44 - There's a joint named Jimmy's
36:46 - Right in the center of town
36:49 - Where the solid drugs jerkin' and the new bikes is workin'
36:52 - Spendin' it on that rock and roll sound
36:55 - It's a high school hangout where you leave by the morning
37:01 - Your rockin' shoes gettin' the blues
37:04 - You ain't gettin' much time for your nickels and dimes
37:07 - Money on the store, yeah
37:10 - Red Hot Rosy, she looks a little bosy
37:15 - In her socks and satin gown
37:18 - Red Hot Rosy, neighbors gettin' nosy
37:22 - Why you always runnin' downtown
37:25 - You know that Rosy, baby
37:27 - She's takin' your sister's down
37:30 - Et un grand merci à l'équipe des Midi de Culture, qui sont préparés par
37:33 Issa Twendoy, Anaïs Sisbert, Cyril Marchand, Zora Vignier, Laura Dutèche-Pérez et Manon Delassalle
37:38 Réalisation Nicolas Berger, prise de son Ludovic Auger
37:41 Pour écouter cette émission, rendez-vous sur le site de France Culture, à la page des Midi de Culture
37:45 Ou sur l'application Radio France
37:47 Merci Nicolas, à demain
37:49 - À demain Géraldine