• l’année dernière
Transcription
00:00 Jusqu'à 13h30, les midis d'Occulture.
00:04 Nicolas Herbeau, Géraldine Mosnassavoy.
00:08 Notre rencontre quotidienne, c'est une conversation à trois voix avec notre invitée.
00:14 Ce midi, elle est auteur et illustratrice d'album Jeunesse.
00:17 Mais ne lui dites surtout pas que pour faire ce qu'elle fait, il faut avoir gardé son
00:21 âme d'enfant ou adopter le regard d'un enfant.
00:24 Ce qu'elle aime d'abord, c'est la peinture.
00:26 Chaque illustration est construite comme un tableau, un grand format, une double page
00:31 où chaque détail compte et raconte la vie, notamment de son personnage, Jacominus Gainsborough,
00:37 qui revient dans son dernier oeuvre, Une chose formidable, aux éditions Sarbacane.
00:42 Bonjour, Rebecca Dautremer.
00:44 Bonjour.
00:45 Bienvenue dans les midis d'Occulture.
00:46 Merci d'avoir invité.
00:47 Première question sur cette aventure, Jacominus.
00:50 Si je vous dis de nous raconter un souvenir ou une chose formidable dans cette aventure,
00:57 vous pensez à quoi ? Dans l'aventure de Jacominus, une bonne
01:01 blague qu'il a fait beaucoup rire et qu'il est incapable de raconter comme moi.
01:06 Je suis nulle pour raconter des blagues.
01:07 Il sait qu'elle est bonne, mais c'est tout ce qu'il sait.
01:12 Et une chose formidable de vous, de votre vie ?
01:16 J'ai eu droit à plein de choses formidables dans ma vie.
01:20 Vous me prenez au dépourvu.
01:23 Récemment, des très belles rencontres.
01:27 Puisque c'est la rentrée, on est là dans les salons, on rencontre beaucoup de gens,
01:32 de lecteurs.
01:33 Dans la conférence théâtralisée que je donne régulièrement depuis quelques temps,
01:38 les choses formidables, c'est les réactions des enfants pendant le spectacle qui interviennent
01:45 comme si on était deux dans un salon.
01:46 C'est assez formidable ça.
01:48 * Extrait de "Les deux amours" de Jacominus *
01:59 Du fond de ta mémoire, dans l'air de Jacominus, surgit le presque rien, zéro trois fois minus.
02:07 Un souffle dans ton dos, il bascule pour un tour, ce qui fit camarade, ton ami de toujours.
02:17 Gravé sur ta béquille, cela, Jacominus, tu n'y as pas pensé, tout effacé, motus.
02:26 Surtout ne pas confondre, petit trou dans sa poche, et tes fleurs préférées, alors
02:32 bleues, tu t'approches.
02:33 Surgit ses sangs, elle lisse, la vie, le grain, le sable, le prix de pas un coup, sans souvenir
02:44 encore, ce petit rien du tout, valait plus qu'un trésor, Némobius, Sylvestris, Némobius. *
03:06 Pour se plonger dans cet album, Rebecca Dautremer extrait de cette chanson, ce petit rien du
03:10 tout qui accompagne donc ce dernier album, une chose formidable.
03:14 C'est la 4ème volée des aventures de ce personnage, Jacominus Gainsborough.
03:17 On va évidemment raconter qui il est.
03:20 Composition musicale avec Nicolas Almosny, Nils Letan, Nicolas Moscovicier et Mathieu
03:26 Tessonnières.
03:27 C'est un peu la surprise de ce 4ème volet puisqu'à chaque fois que vous publiez un
03:31 album sur Jacominus, vous l'accompagnez d'un dispositif différent.
03:36 Là, c'est la musique et le chant, Rebecca Dautremer.
03:38 C'est vrai que la série de ces livres Jacominus, qui au départ n'était pas une série, je
03:44 me suis donné comme objectif de surprendre à chaque fois et de ne jamais faire deux
03:46 fois la même chose.
03:47 Donc j'ai fait un premier album, un livre au papier découpé, un livre Leporillo, ce
03:52 qu'on appelle un livre accordéon.
03:53 Cette fois-ci, avec l'éditrice Emmanuelle Bulck, on s'est dit on va proposer du son,
03:59 on va faire une œuvre sonore, une pièce sonore pour accompagner le livre.
04:03 J'ai écrit le livre en sachant qu'il y aurait du son.
04:05 Je me permets juste de citer Martin Saez qui a créé la musique aussi.
04:08 - Et donc c'est vous qu'on entend chanter ?
04:11 - Oui, là c'est moi, ça me fait toujours un peu bizarre.
04:13 Je sors un peu quand même de mon chemin normal.
04:15 - Qu'est-ce que ça a apporté à ce nouvel album justement de raconter une histoire,
04:22 de l'imaginer et puis ensuite de la dessiner, de la peindre avec de la musique ?
04:26 - C'est vrai que j'adore le livre illustré et je trouve qu'on peut faire un milliard
04:31 de choses mais que des fois le son nous manque un peu si on compare au cinéma ou au théâtre.
04:35 Par goût pour la musique et le plaisir de...
04:40 Moi j'adore la radio, j'adore les podcasts, j'adore les fictions France Culture notamment.
04:46 J'en ai toutes écoutées de multiples fois.
04:49 Ça m'a toujours fait envie et je ne peux pas dire que la musique apporte au livre parce
04:53 que c'est le livre qui a apporté au son.
04:56 Pour nous la priorité c'était cette pièce sonore au départ.
04:59 Donc vraiment j'ai imaginé le livre et notamment certaines pages où il n'y a pas de texte,
05:05 où je me tais pour le coup, où le texte se tait, avec cette ambiance qu'ont créé
05:10 les compositeurs pour accompagner l'image.
05:12 L'image au lieu d'être accompagnée de mots est accompagnée de sons, de bruitages
05:16 qui vont donner des informations et amener à une lecture différente.
05:20 - Ce qui veut dire que la musique c'est l'illustration...
05:22 - L'illustration de l'illustration.
05:24 - L'illustration de l'illustration c'est ça.
05:26 - Un petit peu.
05:27 - Et dans votre esprit, l'illustration c'est souvent assez péjoratif quand on dit que
05:32 ça illustre, ça accompagne, c'est en plus, c'est un peu linéaire, littéraire, accessoire.
05:38 Alors que là, pour vous, l'illustration c'est quelque chose de tout à fait noble.
05:43 - C'est ce que j'essaie de faire, je ne suis pas la seule.
05:46 Mais c'est vrai que je pense que l'illustration va au-delà de la décoration d'un texte et
05:49 que l'intérêt d'un livre illustré c'est d'avoir deux informations, du texte et de
05:54 l'image et que les deux combinés ensemble vont créer du sens.
05:57 Les choses peuvent se contredire et n'existent pas d'un côté.
06:00 Les mots n'existent pas seuls, l'image n'existe pas seule, c'est les deux ensemble qui vont
06:04 créer du sens.
06:05 Et je me suis rendu compte tout simplement, parce que des gens ne sont pas toujours très
06:07 convaincus, de dire "un livre avec des illustrations c'est peut-être plus facile à lire, ça
06:12 ne permet pas de développer l'imagination".
06:13 En fait c'est absurde de penser une chose pareille.
06:16 Quand vous allez au cinéma, vous ne demandez pas aux gens d'éteindre la lumière parce
06:19 que vous voulez juste entendre les dialogues.
06:21 Quand vous êtes au théâtre, vous ne dites pas "ça ne fait rien fermer le rideau, je
06:23 m'en fiche, je n'ai pas besoin de voir les acteurs, c'est absurde".
06:25 Donc dans un livre illustré, les deux fonctionnent de la même façon.
06:29 Et là, je me suis permise de rajouter une couche en illustrant, effectivement c'est
06:35 le mot, mais avec du son, des ambiances et donner du sens à des images qu'on observe
06:41 et par le son, si on est attentif, on peut comprendre des choses de l'image.
06:46 - Parce qu'il faut prendre son temps, on va y revenir.
06:48 Mais pourquoi avoir choisi aussi de raconter vous-même ? Est-ce que ça, ça vous manquait
06:52 d'être celle, pas que celle qui dessine et qui invente l'histoire, mais celle qui raconte
06:58 aussi ?
06:59 - Alors avec Emmanuel Bülk, l'éditrice, on a quand même réfléchi, on savait qu'on
07:02 voulait raconter l'histoire, qu'on avait cette création musicale.
07:05 On s'est demandé "qui va raconter ?" Il y a de nombreux livres illustrés qui proposent
07:11 des lectures faites par des acteurs, des gens compétents, pour faire des belles lectures.
07:16 Ça, c'est une possibilité.
07:17 Et puis il y a ce fait d'être en lien direct avec l'auteur du texte.
07:22 Et notamment, il y a des mois qui écoutent beaucoup de livres audio, c'est des choses
07:26 qui se font pas mal.
07:27 Alors il faut juste être persuadé que c'est une valeur ajoutée d'être en lien direct
07:32 avec l'auteur, parce qu'évidemment, on n'a pas les capacités d'un acteur, même
07:36 si on a travaillé pour.
07:37 Donc c'est autre chose, c'est une autre relation.
07:40 - Vous avez travaillé pour, c'est-à-dire que vous avez dû prendre des cours, presque,
07:43 de diction, pour poser votre voix ?
07:45 - J'ai été accompagnée par un monsieur qui s'appelle Arnaud Guillaume, et qui lui,
07:50 au départ, était chanteur d'opéra.
07:51 Donc il avait l'habitude de la scène, et puis qui fait du coaching de voix, etc.
07:56 Bref, qui m'a aidée à placer un peu ma voix, mais surtout à prendre le temps, savoir
08:03 raconter.
08:04 Et puis j'avais l'expérience aussi de ces conférences théâtralisées que je fais
08:06 depuis deux, trois ans, qui est un spectacle.
08:09 Le spectacle vivant, je commence à toucher un peu la chose, donc ça m'était un peu
08:16 plus familier.
08:17 Mais oui, je me suis fait aider, bien sûr.
08:19 Puis j'ai fait la voix italienne aussi, je vous garantis que pour faire la voix italienne,
08:23 j'ai eu besoin de beaucoup d'aide.
08:24 - Alors vous allez me dire si je raconte mal.
08:27 Giacominus se réveille de la sieste, dans ce quatrième volet, il tente de se remémorer
08:32 un souvenir, une chose formidable, avec bien sûr l'aide de son ami de toujours, Policarpe.
08:37 Et à chaque chose qu'il découvre, on a le droit dans votre oeuvre, dans votre album,
08:41 à un tableau, un album sur l'amitié, et qui pose une question, est-ce que Policarpe
08:46 est responsable de la chute, il y a quelques années, de Giacominus dans l'escalier ?
08:50 On ne va évidemment pas donner la réponse, mais racontez-nous qui est ce Giacominus,
08:56 comment est-ce que ce personnage vous est venu à l'esprit ?
09:00 - Alors Giacominus, il est apparu une première fois dans un livre qui s'appelle "Les riches
09:04 heures" de Giacominus Quinsbohu, où je racontais sa vie.
09:07 Alors là j'avais une volonté au départ simplement de raconter une vie.
09:11 Je voulais parler de la vie, qu'est-ce que c'est que la vie ? Ça paraît énorme et
09:13 très large.
09:14 - C'est ambitieux quand même.
09:15 - Oui c'est un nom de thème évidemment, mais je me suis dit non on va faire ça.
09:18 Qu'est-ce que c'est la vie ? C'est la naissance, la mort, les bons moments, les mauvais moments,
09:22 les rencontres, les attentes.
09:23 Donc j'ai créé comme ça douze tableaux, et j'ai défini aussi un personnage à qui
09:27 il arrivait des bonnes choses et des mauvaises choses, puisque c'est aussi une vie qui fait
09:34 le... je m'appuyais sur des moments très simples et très heureux, le goût des petites
09:43 choses simples et le bonheur des choses simples.
09:45 Mais parallèlement, ce personnage a eu des ennuis notamment, il a fait une petite chute,
09:51 une petite bûche comme je dis, quand il était tout petit, et il a une patte folle, il marche
09:56 avec une patte folle.
09:58 Et je voulais intégrer à une vie sereine et contemplative et belle des beaux moments,
10:03 des mauvais moments, voire même des vrais ennuis et un handicap puisqu'il marche.
10:08 Jacobinus est un bonhomme qui a une canne toute sa vie.
10:13 Mais je ne voulais pas en faire un sujet.
10:14 Je ne voulais pas que le sujet de ce livre soit le handicap.
10:18 C'est ce qu'on fait souvent pour les enfants.
10:19 Quand on se décide à parler de handicap ou de tous les problèmes, les aspects de
10:25 la vie, c'est ça.
10:26 Si on fait un livre, c'est ça, la maladie, le machin, et vas-y, c'est marqué sur le
10:30 titre.
10:31 Si on fait un livre, c'est ça, la maladie, le machin, et vas-y, c'est marqué sur le
10:33 titre.
10:34 Je ne voulais pas que le sujet de ce livre soit le handicap.
10:35 Je voulais juste que le sujet de ce livre soit le handicap.
10:36 Je ne voulais pas que le sujet de ce livre soit le handicap.
10:37 Je voulais juste que le sujet de ce livre soit le handicap.
10:38 Je voulais juste que le sujet de ce livre soit le handicap.
10:39 Je voulais juste que le sujet de ce livre soit le handicap.
10:40 Je voulais juste que le sujet de ce livre soit le handicap.
10:41 Je voulais juste que le sujet de ce livre soit le handicap.
10:42 Je voulais juste que le sujet de ce livre soit le handicap.
10:43 Je voulais juste que le sujet de ce livre soit le handicap.
10:44 Je voulais juste que le sujet de ce livre soit le handicap.
10:45 Je voulais juste que le sujet de ce livre soit le handicap.
10:46 Je voulais juste que le sujet de ce livre soit le handicap.
11:10 Je voulais juste que le sujet de ce livre soit le handicap.
11:17 Je voulais juste que le sujet de ce livre soit le handicap.
11:21 Je voulais juste que le sujet de ce livre soit le handicap.
11:25 Je voulais juste que le sujet de ce livre soit le handicap.
11:28 Je voulais juste que le sujet de ce livre soit le handicap.
11:31 Je voulais juste que le sujet de ce livre soit le handicap.
11:34 Je voulais juste que le sujet de ce livre soit le handicap.
11:37 Je voulais juste que le sujet de ce livre soit le handicap.
11:40 Je voulais juste que le sujet de ce livre soit le handicap.
11:43 Je voulais juste que le sujet de ce livre soit le handicap.
11:46 Je voulais juste que le sujet de ce livre soit le handicap.
11:49 Je voulais juste que le sujet de ce livre soit le handicap.
11:52 Je voulais juste que le sujet de ce livre soit le handicap.
11:55 Je voulais juste que le sujet de ce livre soit le handicap.
11:58 Je voulais juste que le sujet de ce livre soit le handicap.
12:01 Je voulais juste que le sujet de ce livre soit le handicap.
12:04 Je voulais juste que le sujet de ce livre soit le handicap.
12:07 Je voulais juste que le sujet de ce livre soit le handicap.
12:10 Je voulais juste que le sujet de ce livre soit le handicap.
12:13 Je voulais juste que le sujet de ce livre soit le handicap.
12:16 Je voulais juste que le sujet de ce livre soit le handicap.
12:19 Je voulais juste que le sujet de ce livre soit le handicap.
12:22 Je voulais juste que le sujet de ce livre soit le handicap.
12:25 Je voulais juste que le sujet de ce livre soit le handicap.
12:28 Je voulais juste que le sujet de ce livre soit le handicap.
12:31 Je voulais juste que le sujet de ce livre soit le handicap.
12:34 Je voulais juste que le sujet de ce livre soit le handicap.
12:37 Je voulais juste que le sujet de ce livre soit le handicap.
12:40 Je voulais juste que le sujet de ce livre soit le handicap.
12:43 Je voulais juste que le sujet de ce livre soit le handicap.
12:46 Je voulais juste que le sujet de ce livre soit le handicap.
12:49 Je voulais juste que le sujet de ce livre soit le handicap.
12:52 Je voulais juste que le sujet de ce livre soit le handicap.
12:55 Je voulais juste que le sujet de ce livre soit le handicap.
12:58 Je voulais juste que le sujet de ce livre soit le handicap.
13:01 Je voulais juste que le sujet de ce livre soit le handicap.
13:04 Je voulais juste que le sujet de ce livre soit le handicap.
13:07 Je voulais juste que le sujet de ce livre soit le handicap.
13:10 Je voulais juste que le sujet de ce livre soit le handicap.
13:13 Je voulais juste que le sujet de ce livre soit le handicap.
13:16 Je voulais juste que le sujet de ce livre soit le handicap.
13:19 Je voulais juste que le sujet de ce livre soit le handicap.
13:22 Je voulais juste que le sujet de ce livre soit le handicap.
13:25 J'avais eu le visage d'un petit garçon et d'une petite fille.
13:28 J'avais eu le visage d'un petit garçon et d'une petite fille.
13:31 La deuxième mauvaise mais très bonne raison pour moi de faire des lapins,
13:34 c'est que c'est beaucoup plus facile de dessiner des animaux que des êtres humains.
13:37 Vous avez beaucoup plus de chances de vous tromper quand vous dessinez des êtres humains.
13:40 Il faut faire des choix.
13:42 C'est moins rigolo.
13:44 Les lapins, les animaux, ils ont des oreilles, des becs, des cornes, des écailles, des plumes,
13:48 tout ce que vous voulez.
13:50 Graphiquement, c'est plus riche.
13:52 C'est vraiment plus rigolo.
13:54 C'est un peu un œil de travers.
13:56 Ce n'est plus du tout un être humain.
13:58 C'est un drôle de truc.
14:00 Les lapins, on ne sait pas très bien comment c'est fichu.
14:02 On a une idée du lapin.
14:04 Si c'est doux, il y a deux.
14:06 Il y a plusieurs raisons qui ne sont pas des raisons techniques,
14:14 mais qui permettent d'inviter les gens.
14:17 C'est cet espace de petit monde parallèle
14:20 où on peut aborder tous les sujets graves
14:24 et en même temps, c'est un peu plus loin de nous.
14:27 Je ne sais pas.
14:28 Ça fonctionne assez bien, je dois dire.
14:29 Je ne suis pas la première à l'avoir fait.
14:31 - Rebecca Autremer, vous êtes donc fourbe, on l'a compris,
14:33 mais surtout bienveillante, puisque vous prenez par la main
14:36 la première page de votre album.
14:39 Toi qui tiens ce livre dans tes mains,
14:41 vous vous adressez directement au lecteur et à la lectrice.
14:45 Et puis vous jouez avec le temps
14:47 et vous essayez aussi de nous piéger dans ces illustrations.
14:50 Parce qu'on l'a dit, le format est quelque chose de très important pour vous.
14:54 Et dans ces derniers livres, on remonte le temps
14:57 avec l'idée de ses souvenirs que recherche Jacominus.
15:02 Et à chaque fois, ce temps est très important.
15:04 Vous voulez qu'on prenne le temps de lire chacun de vos albums,
15:08 chaque page presque de votre album.
15:11 - Alors c'est pareil, j'ai toujours des très mauvaises raisons de faire les choses.
15:14 J'aime bien piéger les gens une fois de plus,
15:16 et moi je passe beaucoup de temps à faire mes illustrations.
15:20 Je travaille à la main, sur du papier, c'est du dessin à la gouache.
15:24 C'est une peinture qui ne permet pas d'erreur.
15:27 La lumière vient du blanc du papier, je ne peux pas revenir en arrière, etc.
15:31 Donc je dois beaucoup préparer mon travail, etc.
15:35 J'adore ça, ce sont des très bons moments de travail.
15:39 Mais je consacre des heures et des heures pour faire une seule page.
15:42 Et j'aime bien que les gens m'accordent un peu plus que deux secondes
15:46 et feuilleter les pages à toute vitesse.
15:48 - Donc vous voulez les captiver ?
15:49 - Un petit peu, oui.
15:50 De les faire tomber dans un...
15:52 Comme moi j'aimais quand j'étais enfant, quand je regardais les tableaux de Bruegel
15:55 ou des tableaux comme ça très fouillés de Bosch, des choses comme ça.
15:58 J'adorais plonger dans une image et j'ai envie de les piéger de la même façon.
16:02 - Peut-être. Le seul artiste du Nord qui est de la Renaissance, c'est au XVIe siècle,
16:07 c'est Bruegel, Bruegel le Vieux.
16:10 Vous me direz pourtant, c'est un peintre qui est bien dans la lignée flamande,
16:13 il peint des Kermesses, il peint des Beuveries, il peint les proverbes populaires, certes.
16:20 Mais il a été en Italie.
16:23 Est-ce qu'il en a ramené ? Parce qu'il est très profond.
16:26 Et alors quand il peindra des Kermesses, quand il peindra les proverbes populaires,
16:32 c'est toujours avec la pensée d'un humanisme tel que Erasme, son grand contemporain,
16:37 l'avait réalisé dans la pensée intellectuelle des hommes du Nord.
16:42 La beauté du réel s'exprime par les formes.
16:46 Mais en même temps, l'artiste doit améliorer les données déjà fort belles du monde
16:51 par sa pensée, mais sa pensée rationnelle.
16:55 Et cela encore, c'est humaniste, car ce que l'homme ajoute à l'univers,
17:00 c'est non seulement sa sensibilité réceptive qui le fait ouvert au réel,
17:05 mais c'est également sa pensée qui n'appartient qu'à lui.
17:08 - L'historien René Huig, en 1973, à propos de la peinture de la Renaissance de Bruegel
17:14 dont vous parliez il y a quelques instants,
17:17 archive de l'émission "L'art vivant" sur France Culture.
17:20 C'est vrai que quand on imagine Bruegel et qu'on voit ce que vous proposez dans vos œuvres,
17:26 dans vos albums, on voit une correspondance presque évidente
17:31 d'aller chercher chaque détail, de se plonger longuement dans ces peintures.
17:36 Moi, je les appelle des peintures.
17:40 - De toute façon, c'est de la peinture.
17:42 La référence à Bruegel, je dis ça très humblement, évidemment,
17:45 la comparaison est un peu lourde pour moi.
17:48 Mais c'est vrai que, dans le fond, je sais qu'enfant,
17:53 sans avoir aucune connaissance d'histoire de l'art et de théorie sur quoi que ce soit,
17:57 j'aimais regarder ces scènes de Kermesse, etc.
18:00 Parce que, comme dit le monsieur,
18:03 il y a énormément de personnages qui ont le rôle central dans la composition,
18:07 mais pas seulement.
18:08 Il y a aussi des tas de vies qui se passent derrière les arbres, dans les maisons,
18:11 à travers les fenêtres.
18:12 On voit ce qui se passe et il y a un regard sur l'humanité
18:15 qui est plein de compassion.
18:18 Et très modestement, même si mes personnages ont des têtes d'animaux,
18:23 j'essaye d'organiser mes images comme ça.
18:27 - Vous avez parlé tout à l'heure, Rebecca d'Outremer,
18:29 du temps que vous mettiez à composer, à dessiner, à peindre vos peintures,
18:35 du temps de lecture aussi que ça impliquait.
18:37 Les peintures de Bruegel, effectivement, ça fourmille de détails.
18:40 On pourrait passer des heures à les regarder.
18:43 Et dans vos ouvrages, vous parlez essentiellement du temps.
18:46 Donc, le temps qui passe, les souvenirs.
18:48 Midi pile, c'est donc Jacominus qui attend sa douce.
18:52 Qu'est-ce qu'il y a avec le temps, en fait, qui vous fascine
18:55 et que l'illustration peut peut-être plus révéler qu'un texte seul ?
19:00 - C'est vrai que la série, sans que je l'aie théorisé au départ,
19:05 à chaque fois a un lien avec le temps.
19:07 Le premier, c'est toute une vie.
19:09 Ensuite, il y a un rendez-vous avec une attente et une impatience.
19:12 Une toute petite seconde, c'est 100 destins croisés à la même seconde.
19:17 Et ce dernier, une chose formidable, c'est sur le souvenir.
19:20 Les deux personnages remontent le temps pour essayer de retrouver cette chose formidable.
19:24 Mais je me rends compte que, c'est venu assez sans l'avoir réfléchi auparavant,
19:30 mais je me rends compte cependant que, de quoi voulez-vous qu'on parle d'autre que du temps ?
19:35 Toutes les histoires s'inscrivent dans le temps.
19:38 Non mais c'est le sujet, le grand sujet.
19:40 - Le support, la condition, c'est ça ?
19:43 - On inscrit forcément les histoires dans le temps.
19:48 Et le regret, et l'attente, et l'espoir, et le désespoir,
19:52 font partie de toutes les histoires.
19:54 Derrière tout ça, il y a du temps.
19:56 - Comment ça vous vient à l'esprit, cette manière de formaliser ce questionnement sur le temps ?
20:03 C'est pour ça que je vous posais la question sur l'illustration.
20:05 Comment l'illustration permet mieux de révéler ?
20:08 On pourrait citer Marcel Proust sur "La recherche du temps perdu"
20:12 où ça n'est qu'une question de temps, d'attente, de déception, d'espoir, de souvenir, de Madeleine.
20:18 Là, par le dessin, qu'est-ce qu'il y a ? La peinture, de plus que ça puisse révéler
20:23 de ce temps qui s'étire, qui parfois va trop vite, qui parfois qu'on regrette.
20:28 - Je ne sais pas si je vais bien répondre à votre question.
20:30 Il faut considérer que le livre illustré, encore une fois, c'est exactement comme une pièce de théâtre.
20:35 Vous allez lire des mots, vous allez avoir des informations dans le texte
20:39 qui vont concerner l'image, et vous allez regarder l'image
20:42 sachant que les personnages sont ceci ou cela, ou ont fait ceci ou cela.
20:46 Et votre vision de l'image va changer en fonction de ce que vous savez de cette image.
20:50 Donc, ça fonctionne de la même façon si vous parlez du temps.
20:54 Et en plus, c'est comme une mise en scène au théâtre. Dans mes images,
20:57 je peux évoquer le temps passé par des couleurs, des lumières, des objets,
21:02 un style d'objet, un style de vêtement. C'est exactement comme au théâtre.
21:07 C'est comme ça que ça fonctionne. Pour parler du temps comme pour parler de tout, en fait.
21:14 - Sauf que par exemple, dans "Midi-pile", qui est un album qui est extraordinaire,
21:20 qui fonctionne par des découpages.
21:23 Jacobinus a tant sa douce, et donc à chaque page qui passe, l'illustration est découpée.
21:29 Peut-être que vous allez mieux le décrire que moi, Rémi Gattin.
21:32 - Ce n'est pas facile. - Vous avez plus l'habitude que moi.
21:35 - Je comprends. Vous voulez dire que tous ces livres sont différents, de formes différentes.
21:39 C'était un parti que j'ai pris dès le départ, de ne pas faire deux fois la même chose.
21:42 Dans le livre "Midi-pile", c'est un livre, certes, parce que vous tournez les pages,
21:45 mais en fait, vous traversez le livre. Il y a toute l'épaisseur du livre,
21:48 et c'est un gros livre très épais, qui est creusé.
21:51 Toutes les pages fonctionnent comme des décors de théâtre plats,
21:54 qui sont mis les uns sur les autres. Au fur et à mesure que vous tournez les pages,
21:58 vous allez avancer dans le décor et vous allez traverser l'espace du livre.
22:01 Et partir du point A, la première page, au point B, qui est l'arrivée et le lieu de rendez-vous,
22:08 au fond du livre. C'est vrai que c'est un livre qui fonctionne un peu différemment.
22:11 - Mais ça, c'est une idée extraordinaire ! Comment vous l'avez eu ?
22:15 - Mais en fait, des fois, les choses se font à l'envers. J'ai envie de faire un certain type d'objet,
22:19 comme par exemple ce livre en papier découpé, et je me dis,
22:22 qu'est-ce que je peux raconter pour me servir de cet objet ?
22:25 Qu'est-ce qui justifierait que je traverse un livre ?
22:28 C'est un avancé, c'est un rendez-vous. C'est un rendez-vous, donc c'est un "Midi-pile",
22:32 donc c'est "Jacobinus", etc. Pour la petite seconde, un livre accordéon, j'ai une seule image.
22:37 Qu'est-ce que je peux raconter en une image ?
22:39 Ce n'est pas beaucoup une image pour raconter.
22:41 Donc ça veut dire que c'est un temps arrêté, donc c'est une seconde.
22:44 Qu'est-ce qui se passe en une seconde ? Ce qui est intéressant, c'est de croiser les destins, etc.
22:47 Donc je vais un peu vite là, mais des fois, je déduis les histoires de ma forme,
22:52 et je ne vais pas forcément donner la forme à une histoire que j'ai préconçue.
22:55 C'est le cheminement inverse.
22:58 - "Midi-pile", ça me fait penser aussi à une forme de caméra embarquée, un peu de cinéma, de scénario.
23:03 Alors, rentrons dans votre atelier, comment ça fonctionne ?
23:06 Vous faites d'abord un texte, que vous avez écrit ou pas, et ensuite, vous vous mettez à dessiner, c'est ça ?
23:13 - Alors, pas vraiment, du coup, parce que, comme je vous dis, j'essaye de savoir quel objet...
23:19 Qu'est-ce que je vais partager, en fait, avec les lecteurs et avec l'éditeur, et qu'est-ce qu'on va fabriquer, etc.
23:25 Qu'est-ce que j'ai pour pouvoir renouveler aussi, parce que moi, on s'ennuie très vite,
23:28 donc j'aime bien que ça change, qu'il y ait un nouveau challenge.
23:31 Comme par exemple, pour "Une chose formidable", je me suis dit, je veux faire de la...
23:34 Je veux qu'il y ait du son. Donc, je vais écrire une histoire en fonction de la forme, encore une fois.
23:39 Et donc, je vais devoir imaginer, mentalement, le visuel pour pouvoir écrire.
23:45 Ça ne veut pas dire que je fais les images avant, mais j'ai besoin de savoir comment je vais illustrer mon texte avant de l'écrire.
23:51 Et après, les deux choses se combinent ensemble. C'est un pas en avant à droite, un pas en avant avec l'image.
23:56 Pour "Une chose formidable", je savais que je voulais du son, donc je me suis dit, il faut que je me taise.
24:00 Il faut que le son accompagne l'image pour l'enrichir. Qu'est-ce que ça pourrait être ?
24:05 Je me suis dit, tiens, le son d'un souvenir. Qu'est-ce que c'est, le son d'un souvenir ? J'ai pensé à ça.
24:09 Donc, je me suis mis à écrire une histoire sur le souvenir. Le bruitage.
24:12 Qu'est-ce que ça évoque ? Des craquements de feuilles, du vent, de la pluie ?
24:17 - Le parquet dans une maison ? - Voilà. C'est du souvenir.
24:19 Donc, j'ai eu envie d'écrire sur le souvenir. Ça se passe plutôt dans ce sens-là.
24:23 - Et peut-être que c'est un petit peu mystérieux pour vous, mais ces idées de forme qui priment, comment elles peuvent vous venir ?
24:29 L'idée de traverser un livre, je ne suis pas illustratrice, mais comment ça vous est venu ?
24:35 - Alors, on n'invente jamais complètement rien. J'avais déjà fait une première expérience d'un livre que j'avais traversé,
24:42 mais je n'avais pas mis d'histoire au service de ce livre-là. J'avais fait un livre qui s'appelait "Le petit théâtre de Rebecca".
24:48 J'avais simplement creusé dans l'épaisseur d'un livre. Déjà, l'objet était très intéressant.
24:52 Je me suis dit, c'est trop dommage, il faut raconter une histoire. Il faut que je justifie ma traversée du bouquin.
24:57 Et alors, je peux vous donner une référence qui est très belle. C'est un livre qui s'appelle "Your House", je crois,
25:02 d'un artiste qui s'appelle Olafur Eliasson, et qui, lui, a créé un livre qui n'est pas du tout disponible au grand public,
25:08 enfin, dans les librairies, où il a creusé entièrement l'épaisseur de sa maison. C'est un livre tout blanc, il n'y a pas d'histoire, c'est très différent.
25:13 Et un jour, j'ai vu ça, et je me suis dit, c'est génial d'utiliser le livre comme espace théâtral.
25:18 Voilà, donc j'ai piqué l'idée, en gros.
25:21 - Fourbe, plagiaire... Ah non, mais c'est une catastrophe !
25:25 C'est un beau portrait de vous qu'on fait aujourd'hui, Rébecca Dautremer.
25:28 On disait que vous nous guidiez par la main dès les premières lignes. Est-ce que vous guidez aussi notre œil ?
25:32 Alors là, clairement, dans le "Midi-pil", on va tout droit, on fonce, on traverse le livre,
25:36 mais est-ce que aussi, à la manière du cinéma, peut-être, vous, avec les lumières dont vous parliez,
25:41 vous arrivez à guider l'œil de celui qui lit dans ces panneaux qui sont très grands ?
25:47 Si on pense à "La petite seconde" au "Leporello", c'est presque 3 mètres de largeur.
25:55 - Alors oui, j'essaye, bien sûr, mais peut-être un exemple plus facile à comprendre, c'est dans "Une chose formidable".
26:00 Donc il y a le souvenir qui va surgir dans la tête des deux protagonistes, puis finalement, ils vont...
26:05 Au début, c'est un peu flou, ils sont perdus dans leur mémoire, puis finalement,
26:09 ah, ils se souviennent plus justement de ce qui s'est passé.
26:13 Donc j'ai une image qui est un peu triturée, manipulée, exactement comme si l'image était floue,
26:20 par exemple, au cinéma, ou s'il y avait une distorsion dans l'objectif, et puis tout d'un coup, l'image devient nette.
26:25 Et vous avez donc la version floue de la mémoire et la version nette.
26:29 Donc c'est un procédé assez photographique et cinématographique, en fait.
26:33 - On est en train de regarder en même temps "Une chose formidable", on constate, on vérifie.
26:37 - On prend notre temps et on regarde, évidemment.
26:41 - Les bons livres d'enfants, c'est des livres où vraiment on tourne les pages.
26:46 C'est des choses très simples, comme ça, c'est une histoire.
26:49 Ça tient beaucoup plus de la comédie, si vous voulez.
26:53 Parce qu'au fond, le dessin, il est là un petit peu pour faire, vous savez, l'accent du conteur.
27:00 Le conteur n'est pas là.
27:02 Essayer de lire un conte de Perrault ou de l'entendre par Galabru ou quelqu'un comme ça,
27:07 c'est tout à fait... ou on imagine dans "L'éveillé", ça devait être formidable.
27:10 C'est pas fait tellement pour être lu, c'est fait vraiment pour être raconté.
27:14 Eh bien, le dessin, à mon avis, dans le livre d'enfants, le bon livre d'enfants,
27:20 c'est un livre justement où on sent ce côté raconté.
27:25 C'est loin de l'image complètement construite, pure, qui fait rêver, devant lequel on peut se poster.
27:33 - Nous aussi, on se plonge dans les souvenirs de France Culture avec cet archive de Philippe Dumas en 1989,
27:39 dans "Photo portrait".
27:41 Philippe Dumas, c'est une référence pour vous ?
27:44 - Alors franchement, oui, j'adorais.
27:47 Je lisais "Delfine et Marinette", donc Marcel Aimé, illustré par Philippe Dumas.
27:51 - Mais vous ne connaissiez pas sa voix ? - Non, je ne connaissais pas sa voix.
27:54 Mais je ne suis pas tout à fait d'accord avec ce qu'il dit, mais j'adorais Philippe Dumas.
27:56 - Alors pourquoi vous n'êtes pas d'accord ?
27:57 - Non, mais parce que...
27:58 Après lui, je pense qu'il travaillait encore...
28:01 J'espère que je ne dis pas de bêtises.
28:03 Mais là, c'est vrai que les livres pour enfants, maintenant, en France,
28:07 on a des propositions énormes, très variées, très riches.
28:11 Les éditeurs proposent des catalogues vraiment très riches.
28:16 Donc on est allé plus loin que simplement l'illustration qui va être la voix du texte, etc.
28:21 Il y a mille possibilités.
28:22 Encore une fois, je vais répéter la même chose, mais c'est exactement comme au théâtre.
28:25 Vous pouvez faire des pièces classiques, vous pouvez pousser des cris
28:28 en traversant la scène tout nu et en récitant du Flaubert, je n'en sais rien.
28:32 Vous pouvez imaginer des associations image-texte complètement folles
28:35 et qui vont créer du sens dans tous les sens.
28:38 Je pense que maintenant, le livre pour enfants et le livre illustré en général,
28:42 c'est plus riche que tout ça.
28:43 - C'est un peu un piège de vous mettre une archive de 1989,
28:46 puisque évidemment, ça a beaucoup évolué.
28:48 - Mais qu'est-ce qui a évolué vraiment ?
28:50 - Justement, oui.
28:51 Peut-être d'abord sur...
28:53 Quand est-ce que vous vous avez dit, vous vous êtes dit "je veux faire ce métier-là"
28:57 et qu'est-ce que ça représentait à l'époque ?
28:59 Parce que si on repense aux illustrations de Philippe Dumas,
29:01 ce n'est pas évidemment la même chose que ce que vous faites vous aujourd'hui.
29:04 - Je ne connais pas toute l'oeuvre de Philippe Dumas, etc.
29:07 Mais les livres que j'avais enfant, illustrés par lui, par exemple, c'était
29:11 "Delfine et Marinette rencontrent la petite vache"
29:14 et qu'est-ce qu'on voit ? Delfine et Marinette qui rencontrent la petite vache.
29:16 Et ça n'allait pas plus loin. Il y a peut-être fait autre chose.
29:19 Mais aujourd'hui, on s'amuse encore une fois avec la combinaison des deux.
29:23 On contredit, l'image peut contredire le texte.
29:26 Il y a une vraie mise en scène, si vous voulez.
29:29 On joue avec le tourne-page, on surprend, il y a de la punchline,
29:34 il y a de la punch-image.
29:36 C'est très mal dit, mais voilà.
29:38 - L'image-choc ?
29:39 - Oui, et puis on est allé au-delà de l'illustration décorative.
29:43 Ou simplement qui paraphrase le texte, ou qui aide, comme j'entendais récemment,
29:48 dans un discours de maire très sage, qui disait
29:54 "Si l'illustration permet à l'enfant de s'approprier le livre, de rentrer dans le livre,
29:58 j'espère que c'est plus que ça". Enfin, je pense qu'on peut faire plus que ça.
30:01 - Que ce n'est pas juste une aide pour rentrer dans un texte ?
30:04 - Il n'y a pas de raison.
30:06 - Un accès ?
30:07 - Non, j'espère qu'aujourd'hui, et je suis sûre qu'il y a plein d'auteurs
30:10 qui ont compris et qui font des propositions beaucoup plus riches que ça.
30:15 C'est bien aussi d'avoir un très joli livre bien illustré, attention.
30:18 Mais il y a plusieurs palettes.
30:21 C'est un matériau, images, textes associés, exactement comme au cinéma ou au théâtre.
30:26 - Mais l'erreur ne vient pas de cette définition, de cette idée qu'on a de la littérature jeunesse,
30:32 de la littérature pour l'enfant, qui devrait être facile, lisible, avec un texte,
30:38 une image qui illustre. Est-ce qu'il y a une mésentente là-dessus ?
30:44 - Les choses évoluent aussi un petit peu.
30:46 C'est-à-dire que l'enfant aussi, on veut toujours lui refourguer un livre
30:48 pour qu'il apprenne quelque chose. On a déjà eu du mal à se dire,
30:53 déjà, le divertissement intelligent est possible.
30:59 Et longtemps, on a eu l'image du livre illustré comme un moindre livre.
31:05 Tu ne sais pas encore lire, donc tu peux avoir des images.
31:07 Maintenant que tu sais lire, tu n'as plus besoin d'images.
31:09 Je pense qu'il faut autant d'intelligence pour lire une image que pour lire du texte,
31:13 si le livre est bien fait. Mais enfin, il y a aussi des très mauvais livres que de texte.
31:17 - Oui, ça ne change rien.
31:19 - Quel que soit le code d'expression, les gens s'expriment plus ou moins bien.
31:25 Il y a plus ou moins d'intérêt à les écouter.
31:29 Maintenant, je pense que le code texte et image est un code en part entière, ensemble.
31:33 - Mais est-ce que vous définissez vraiment, vous, comme une auteur pour les enfants ?
31:38 Moi, par exemple, Midi-Pil, je le présente à ma fille de 5 ans.
31:41 J'ai peur qu'elle ne fasse pas attention à vos si beaux découpages,
31:45 qu'elle ne prenne pas le temps comme j'aimerais qu'elle prenne de regarder l'image en détail.
31:51 - Je reconnais que très égoïstement, je fais des livres pour les gens en général,
31:56 pour les gens qui veulent bien ouvrir le livre.
31:58 Et le fait est que je le vois bien quand j'ai des séances de dédicaces ou dans des salons, etc.
32:03 Très franchement, il y a énormément d'adultes qui s'intéressent à mes livres à moi,
32:06 mais de façon générale aux livres illustrés.
32:08 Mais on continue à les ranger dans le rayon enfance, dans les librairies.
32:12 Mais il y a un vrai intérêt de plus en plus de gens pour l'illustration,
32:16 pour le livre illustré, le livre d'images.
32:19 Et les livres d'images dits pour les enfants sont aussi pour les adultes, évidemment.
32:23 Moi, je reçois des courriers, j'ai des retours de gens de tout âge,
32:27 mais quand même aussi d'enfants, heureusement.
32:30 - Mais ils ont quel âge alors ? Pas 5 ans ?
32:33 - Alors, c'est vrai que je ne m'adresse pas aux tout petits-petits.
32:35 Et le livre Midi-Pil dont vous parlez, de fait, est très fragile.
32:38 Mais la fragilité de ce livre, si je dois en reparler, il fait partie du texte.
32:43 C'est un livre sur l'attente, c'est un rendez-vous.
32:45 Jacobinus attend son rendez-vous et au fur et à mesure que vous tournez les pages,
32:49 vous allez avancer au lieu de rendez-vous, mais vous êtes obligés de faire très doucement
32:52 pour ne pas abîmer le livre.
32:54 Donc le rendez-vous est retardé, si vous voulez.
32:56 Donc ça fait partie de l'histoire.
32:59 Les enfants peuvent foutre en l'air complètement le livre en déchirant tout.
33:03 Mais très franchement, dans les librairies, j'ai vu des dames d'un certain âge,
33:06 bien plus âgées que moi, qui faisaient la même chose.
33:09 De toute façon, entre les enfants et les adultes, si vous n'êtes pas soigneux,
33:12 oui, vous allez abîmer ce livre.
33:14 - Donc les enfants et les adultes ont les mêmes mains et les mêmes yeux,
33:17 c'est aussi ça que vous nous dites.
33:19 C'est-à-dire que vous ne dessinez pas pour les enfants ou pour les adultes,
33:22 vous dessinez et ensuite c'est quoi ?
33:24 C'est l'interprétation de chacun en fonction de notre âge, de notre expérience,
33:28 de ce qu'on a déjà vu de vous, qui nous permet d'aller chercher dans une image ce qu'on veut ?
33:34 - Oui, mais de même que les adultes sont différents,
33:37 ils vont avoir un intérêt différent pour tel ou tel univers,
33:40 les enfants aussi ne sont pas tous stéréotypés à aimer que des histoires de lapins.
33:46 J'ai le souvenir d'avoir eu des goûts, enfant, pour des histoires très adultes.
33:51 J'aimais bien ne pas tout comprendre, j'aimais bien les histoires sombres,
33:54 mais ce n'est pas le cas de tous les enfants.
33:56 Il y a des enfants qui sont peut-être plus craintifs,
33:58 qui ont besoin d'être plus rassurés, etc.
34:00 Ce n'était pas mon cas.
34:01 J'adorais les histoires d'adultes quand j'étais enfant.
34:03 Je crois aussi que j'ai inséré dans ma vie de jacobinus
34:07 des petites allusions à des histoires d'adultes.
34:09 Il y a un enterrement, il y a des choses comme ça qui se passent.
34:13 On ne comprend pas bien ce que ça veut dire, la mort, qu'est-ce que c'est ?
34:15 Mais je sais que ça me passionnait, moi, enfant.
34:17 Je l'ai constaté en librairie.
34:20 Une maman qui était venue me voir en librairie en me disant
34:23 que ma petite fille, qui avait 5 ans,
34:25 sa page préférée dans les riche-georges de jacobinus gambourou,
34:27 c'était la page de l'enterrement.
34:29 Elle voulait toujours revenir à cette page, parce que ça l'intrigue.
34:32 Donc je sais qu'il y a cet intérêt pour les enfants.
34:34 On ne peut pas tout lisser pour eux.
34:36 - Et qu'est-ce que vous pensez aujourd'hui ?
34:39 Il y a un excès d'images,
34:42 beaucoup d'illustrations qui viennent dans la presse,
34:46 mais aussi sur Instagram,
34:48 ce n'est pas seulement des photos, sur les écrans.
34:50 Là, comment faire sa place dans ce monde d'images ?
34:55 Est-ce qu'à travers vos images, je sais que tout à l'heure,
34:57 Rebecca Dautremien, vous avez dit qu'on n'en peut plus de dire
34:59 qu'il faut à tout prix que les enfants apprennent quelque chose à travers un livre.
35:03 Mais néanmoins, il y a quand même un apprentissage de l'image,
35:05 qui permet peut-être de distinguer
35:07 ce que c'est qu'une belle image,
35:09 d'une image qu'on pourrait voir sans s'y arrêter.
35:11 - Oh là là, il y a un moment où je m'arrête,
35:14 je vais faire ce que je sais faire.
35:16 Et puis, ce n'est pas à moi de décréter que
35:19 ceci est une belle image, ceci n'en est pas une.
35:21 Je sais quelles sont les images qui me semblent belles à moi.
35:25 Et puis je fais aussi ce dont je suis capable.
35:28 Il y a des très belles images que je ne suis pas capable de faire.
35:30 Donc, c'est ce que je dis en tout cas dans l'introduction de mes livres pour les plus petits.
35:37 Je dis, tu ne vas peut-être pas tout comprendre,
35:39 tu ne vas peut-être pas tout voir, mais ce n'est pas grave.
35:41 D'abord, ce n'est pas grave.
35:42 On n'est pas obligé de tout comprendre, et même en tant qu'adulte.
35:45 Il y a des mots qui nous échappent, des phrases qui nous échappent.
35:47 Et alors ? D'abord, on peut relire, on peut comprendre dix ans après.
35:51 Et c'est mon espoir, ma prétention personnelle,
35:54 c'est que ces livres peuvent apporter quelque chose à un moment à l'enfant de cinq ans
35:57 et que deux ans après, s'il n'a pas jeté le livre ou qu'il n'est pas passé à Netflix,
36:01 il me relira et il découvrira autre chose.
36:03 On peut faire l'étude d'ailleurs.
36:04 On peut passer à Netflix et continuer à lire.
36:06 Oui, il n'en empêche pas.
36:08 Oui, c'est ça. Souvenez-vous-en.
36:09 Et c'est là que le piège se referme, donc, une fois qu'on a ouvert un de vos albums.
36:13 On est obligé, en quelque sorte, de s'y replonger pour re-regarder toutes ces images.
36:18 Merci beaucoup, Rebecca d'Autremerde, d'être venue dans la Midi de Culture.
36:21 Je rappelle la parution de ce quatrième album des aventures de Jacob Inus, "Kinsborough".
36:25 Son titre "Une chose formidable" aux éditions Sarbacane, et ce quatrième volet, on l'a dit, mais on le répète,
36:31 est accompagné d'un CD à écouter où vous racontez cette histoire au son d'une composition musicale originale.
36:38 Nous aussi, on aime bien la musique dans les Midi de Culture.
36:41 Et donc, le moment est venu pour vous, si vous êtes d'accord, Rebecca d'Autremerde, de faire un choix musical.
36:45 Vous avez le choix entre une chanson sur les billes ou sur les pommes.
36:49 Allez, les billes.
36:52 Ceux qui n'iront pas à la mort, ceux qui s'endorment dans les porcs, qualité d'étranges éternels.
37:00 Un jour, ils replieront leurs ailes, de par deux, ils s'enfonceront, de par dessus les pieds tapants,
37:07 pour crever les yeux, les pupilles, dans le grand paradis des billes.
37:12 Ceux qui s'endorment sur la belle, ceux qui les jouent de rouge à lèvres,
37:17 oublient de présenter la chair, oublient de mouler les cheveux.
37:22 Et même malgré la tristesse, des grands regards qui les blessent, au milieu du verre d'une bille.
37:28 Les garçons regrettent les filles, celles qui ont fait sonner les cloches,
37:33 celles qui ravivent la belle époque, oublient de rapier ses laras, oublient de mouler les cheveux.
37:39 Adieu à vous les femmes jalouses, vous que j'aurais prises pour épouse,
37:44 à boucher les yeux déchirés, par les avant-dépossédés.
37:49 - Le paradis des billes, signé Pierre Lapointe.
37:51 Merci infiniment, Rebecca d'Outremer, d'être venue dans les Midi de Culture.
37:55 - Merci à vous.
37:56 - Une émission préparée comme tous les jours par Aïssa Touendoy, Anaïs Hizbert,
37:59 Cyril Marchand, Zora Vignet, Laura Dutèche-Pérez et Manon Delassalle.
38:02 La réalisation ce midi, c'est Margot Page et à la prise de son, Lucas Finet.
38:07 A demain Géraldine. - A demain Nicolas.

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