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  • 07/11/2023
Auteur de "Immigration : le grand déni", François Héran est professeur au Collège de France sur la chaire "Migrations et sociétés".
Regardez Le débat du 07 novembre 2023 avec Yves Calvi.

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Transcription
00:00 Vous êtes sur RTL.
00:02 7h, 9h
00:05 RTL matin.
00:07 Bonjour François Héran.
00:08 Bonjour.
00:09 Merci beaucoup d'être avec nous ce matin sur RTL. Vous êtes sociologue, démographe,
00:12 professeur au Collège de France, au sein de la chaire
00:14 "Migration et société". La loi immigration est donc en discussion au Sénat et nous avons besoin de votre éclairage, vous qui êtes l'auteur du livre intitulé
00:20 "Immigration, le grand déni" paru aux éditions du Seuil. Une question très simple pour commencer, qu'est-ce qu'un immigré ?
00:27 Un immigré, alors il y a deux définitions. Il y a la définition internationale de l'ONU,
00:30 vous êtes né dans un pays A et vous vivez durablement dans un pays B pour une durée d'au moins un an.
00:35 Et puis il y a la définition française plus stricte qui est adoptée par quelques autres instituts qui est, vous êtes né à l'étranger mais né déjà,
00:42 mais né étranger à l'étranger. Vous n'étiez pas français au moment de la naissance.
00:46 Donc les repatriés par exemple ne sont pas des immigrés dans cette définition stricte de l'immigration.
00:51 Et quelle est la différence avec un migrant ?
00:54 Pendant longtemps on utilisait "migrant" comme un équivalent noble d'"immigré" parce qu'il y avait des connotations négatives.
01:00 Mais "migrant" en principe c'est la personne qui est en train de migrer.
01:03 Allons au coeur du débat, y a-t-il oui ou non de plus en plus d'immigrés en France dans notre pays ?
01:07 Il ne faut pas le nier, il faut le dire, il n'y a jamais eu autant d'immigrés que maintenant.
01:12 Parce qu'après des années de stagnation de 1974 à 2000, il y a eu depuis 2000 une forte progression d'immigration mais partout dans le monde.
01:20 Pour fixer les idées, 60% d'immigrés en plus dans le monde, 60% d'immigrés en plus dans toute l'Europe occidentale.
01:26 Alors il y a quelques exceptions, l'Europe centrale, la Hongrie, la Pologne, etc.
01:31 Mais c'est parce que ce sont des pays d'immigration, ils ne sont pas attractifs.
01:33 Ils représentent aujourd'hui combien de pourcents dans la population française ?
01:36 Alors la première génération, celle qui est née à l'étranger et qui vit chez nous, c'est en gros 12% de la population française.
01:43 Si vous incluez les enfants nés en France d'au moins un parent immigré, d'un ou deux,
01:49 à ce moment là on arrive à 23-24% de la population française.
01:52 Et puis depuis peu, on a des résultats très intéressants sur...
01:55 On peut poser des questions sur la génération des grands-parents.
01:58 Et à ce moment là, il y a 31% de la population adulte de la France
02:02 qui est liée à l'immigration sur une, deux ou trois générations.
02:06 Alors le débat, il m'aime depuis toujours, souvent caricaturé d'ailleurs par un débat gauche-droite.
02:10 Je résume, on a besoin d'eux pour notre économie,
02:13 les opposants expliquant que ça nous coûte de toute façon trop cher,
02:16 notamment avec la fameuse aide médicale d'État.
02:19 A-t-on des données fiables sur ces questions ?
02:21 - Alors sur ces questions... - Sur le caractère financier ?
02:23 Oui, oui, oui. Il y a notamment deux grandes études de l'OCDE.
02:27 L'OCDE, c'est l'Organisation de coopération et de développement économique
02:29 qui réunit tous les pays occidentaux, qui a son siège à Paris,
02:32 qui a fait des études extrêmement précises sur le coût pour le budget public de l'immigration.
02:36 C'est un coup neutre. C'est un coup neutre pourquoi ?
02:38 - Parce que... - Vraiment ?
02:39 - Mais oui. - On peut employer ce terme ?
02:40 Mais oui, parce que...
02:41 Parce que si vous voulez, les immigrés ont une pyramide des âges assez spéciales.
02:45 Ils sont très concentrés sur les âges actifs.
02:47 Alors même s'ils ont un taux de chômage plus fort que la moyenne de la population,
02:50 même s'ils cotisent moins, etc., ce sont quand même...
02:52 Cette concentration fait que, étant cotisants, contribuables, indirects, souvent...
02:58 producteurs, consommateurs, etc.,
03:03 et bien finalement, ils accroissent la taille globale de l'économie
03:08 mais sans qu'il y ait un surcoût pour l'économie.
03:10 Alors je sais que c'est complètement à l'encontre des idées reçues.
03:14 Il y a quelques tabous qu'il faut briser.
03:16 Mais c'est les études les plus solides qui ont été faites, c'est vraiment celles de l'OCLE.
03:20 - On va toucher à un domaine extrêmement sensible, l'immigration et délinquance.
03:23 Est-ce que ces deux mots ont un sens ? Est-ce qu'on a des chiffres là-dessus ?
03:26 - Alors, vous avez devant vous le seul homme qui a conduit une enquête
03:30 sur les immigrés dans le milieu carcéral.
03:34 Et ça remonte à loin.
03:36 Il n'y a pas d'obstacle juridique à pouvoir le faire.
03:38 Mais en 1999, quand j'étais responsable de l'enquête FAMI,
03:41 qui avait lieu à l'occasion du recensement,
03:44 nous avons étendu cette enquête à tous les ménages collectifs,
03:47 comme on les appelait, les maisons de retraite, les prisons, etc.
03:50 Donc oui, il y a une surreprésentation des immigrés dans la population carcérale.
03:55 - Dans quelle proportion ?
03:57 - Deux fois à peu près, une surreprésentation par deux, il y a deux fois plus.
04:00 Et c'est lié, alors il y a plusieurs facteurs,
04:04 mais même si on prend tous ces facteurs, la surreprésentation,
04:06 en reste, par exemple, il n'y a pas les garanties de représentation.
04:10 C'est-à-dire qu'à délit identique,
04:12 la probabilité d'être mis en prison est plus forte pour des étrangers
04:16 qui n'ont pas de garantie de représentation,
04:18 c'est-à-dire qui n'ont pas de domicile ou qui risquent de repartir à l'étranger.
04:21 - Est-il vrai que dans des secteurs entiers,
04:23 je pense notamment aux bâtiments ou à l'hôtellerie,
04:25 notre économie s'effondrerait sans ces travailleurs,
04:28 pour la plupart sans papiers d'ailleurs ?
04:29 - J'étais il n'y a pas longtemps au CESE, au Conseil économique et social,
04:32 où les patrons sont représentés et vraiment,
04:35 ils étaient nombreux à dire que oui, la plupart de leurs métiers sont en tension,
04:39 et en tension au sens où, effectivement,
04:42 s'il n'y avait pas cette main-d'oeuvre immigrée,
04:44 ils ne fonctionneraient plus. Donc c'est vrai.
04:46 - Pardonnez-moi, mais depuis le début de cet entretien,
04:48 on parle de l'immigration légale.
04:50 - Oui.
04:51 - Mais que dire de l'immigration illégale ?
04:54 C'est-à-dire ceux qui sont arrivés sur le territoire de façon inofficielle.
04:57 - Alors, souvent, ils arrivent de façon officielle,
05:01 mais leur séjour dépasse les trois mois du visa touristique,
05:05 et là, effectivement, ils entrent dans l'illégalité.
05:07 Il faut savoir que les titres de séjour qui sont délivrés chaque année
05:10 incluent largement des régularisations de personnes entrées dans les années précédentes.
05:15 Et donc, l'exercice très fréquent, c'est une erreur très fréquente, consiste à dire
05:20 "j'ai le nombre de séjours d'une année,
05:22 j'ajoute l'estimation des usuréguliers, j'ajoute les demandeurs d'asile,
05:26 et ça fait 500 000 personnes",
05:27 c'est une erreur parce que ça fait les doubles ou les triples comptes.
05:30 - On va terminer avec une question politique, ce projet de loi immigration.
05:33 Est-ce une véritable attente des Français, selon vous,
05:35 comme le pense d'ailleurs Emmanuel Macron ?
05:37 En tout cas, les sondages vont tous dans ce sens.
05:39 - Les sondages, quand ils posent des questions très simples,
05:41 "y a-t-il trop d'étrangers ?", "est-ce qu'on se sent encore chez soi en France ?" etc.
05:45 c'est toujours en gros deux tiers des gens, voire plus.
05:48 Quand on a des sondages beaucoup plus précis, beaucoup plus circonstanciés,
05:51 comme ceux de la CNCDH, la Commission nationale consultative des droits de l'homme,
05:56 comme l'enquête Fracture française,
05:59 à ce moment-là, on s'aperçoit que les avis des gens sont beaucoup plus circonstanciés,
06:03 que l'indice de tolérance, par exemple, augmente avec le temps, même s'il fluctue,
06:08 que la grande majorité des Français trouvent que les musulmans
06:12 devraient pouvoir librement exercer leur religion, des choses de ce genre.
06:17 Et il y a des points de friction tout à fait précis,
06:20 comme par exemple l'interdiction de la représentation de Mahomet, le foulard,
06:23 mais à chaque fois qu'on pose des questions beaucoup plus précises,
06:27 je vais vous donner un exemple.
06:28 Dans Fracture française, quand il y a eu le Covid,
06:31 le pourcentage de gens qui trouvaient que les immigrés ne faisaient en général pas d'effort pour s'intégrer
06:37 a tout à coup chuté, parce qu'on s'est aperçu qu'ils jouaient un rôle essentiel
06:40 dans la survie de l'économie.
06:43 Mais les électeurs du Front National, eux, à 95%, pensaient qu'ils n'avaient aucun...
06:49 qu'ils faisaient aucun effort pour s'intégrer,
06:51 ils n'ont pas été sensibles à l'effet du Covid,
06:54 alors que des électeurs du centre, eux, ils ont été très sensibles.
06:56 Donc tous ces sondages, il faut les regarder par affiliation politique.
07:00 Et là, vous apercevez que ce n'est pas un constat de fait que la population est baisse,
07:04 c'est un jugement politique.
07:05 En fait, tout cela est passionnant.
07:07 Merci beaucoup.
07:08 [SILENCE]

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