Frédéric Taddeï et ses invités débattent des grandes questions du XXIe siècle dans les #VisiteursDuSoir
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00:00:00 -Mon premier visiteur du soir est déjà là.
00:00:04 Il s'appelle Bernard-Henri Lévy.
00:00:05 On commence l'émission juste après le rappel des titres.
00:00:09 Maureen Vidal.
00:00:10 ...
00:00:11 Musique de tension
00:00:14 -Plusieurs civils israéliens ont été blessés dans le nord du pays
00:00:17 après un tir de missile depuis le Liban frontalier.
00:00:20 L'entreprise Israël Electric Corporation a indiqué
00:00:23 qu'un missile avait touché des employés
00:00:26 qui réparaient des lignes électriques endommagées.
00:00:29 Le président a défendu ses frappes sur le nord d'Israël,
00:00:32 indiquant avoir ciblé les forces logistiques de l'armée israélienne.
00:00:36 Une frappe israélienne a entièrement détruit
00:00:38 un bâtiment de l'hôpital Al-Shifa, le plus grand de Gaza,
00:00:42 selon le vice-ministre de la Santé du Hamas.
00:00:44 L'armée israélienne a sécurisé des passages
00:00:47 pour évacuer les civils.
00:00:48 D'après le bureau des affaires humanitaires de l'ONU,
00:00:51 20 des 36 hôpitaux de la bande de Gaza sont hors service
00:00:54 du fait de la guerre.
00:00:56 Enfin, le président turc, Recep Tayyip Erdogan,
00:00:59 a mis pression sur les Etats-Unis pour stopper l'offensive d'Israël.
00:01:02 "Nous devrions discuter avec l'Egypte et les pays du Golfe",
00:01:06 a-t-il déclaré.
00:01:07 Le chef d'Etat turc a précisé qu'aucun accord ne pourrait être fait
00:01:11 avec Joe Biden tant que Washington ne considère pas Israël
00:01:14 comme une terre palestinienne.
00:01:16 ...
00:01:25 -Bonsoir. Bienvenue sur le plateau
00:01:27 des visiteurs du soir et 22h.
00:01:29 C'est la fin de la semaine.
00:01:30 On va essayer, comme tous les dimanches,
00:01:33 de prendre un peu de recul et de hauteur sur l'actualité.
00:01:36 A 23h, on reviendra sur la grande marche
00:01:38 contre l'antisémitisme qui a eu lieu à Paris
00:01:41 et sur les questions qu'elle pose.
00:01:43 Il y aura Jean-Christophe Attias,
00:01:45 l'historien et philosophe du judaïsme,
00:01:48 la linguiste Yana Grinspoon,
00:01:49 la philosophe et musicologue Daniel Cohen-Levinas,
00:01:53 le physicien Malik Bezou,
00:01:54 le député du Rassemblement national Jean-Philippe Tanguy.
00:01:58 Mais d'abord, on va passer la 1re partie de l'émission
00:02:01 avec Bernard-Henri Lévy.
00:02:02 On va parler de la guerre en Ukraine et à Gaza,
00:02:05 de la guerre de l'information,
00:02:07 de la géopolitique internationale,
00:02:09 de l'Europe et de la France.
00:02:11 Bernard-Henri Lévy, vous sortez un 3e film documentaire
00:02:14 sur l'Ukraine, intitulé "L'Ukraine au coeur".
00:02:17 Il sera diffusé mardi à 21h10 sur France 2.
00:02:19 C'est un film à la gloire des Ukrainiens
00:02:22 qui se battent depuis 2 ans
00:02:23 contre les envahisseurs russes.
00:02:25 C'est un film de propagande, je le dis sans mépris.
00:02:29 Il y en a de très beaux, y compris des films documentaires.
00:02:33 Je pense à "Espoir" d'André Malraux,
00:02:35 à "Wai Wai Fight" de Frank Capra.
00:02:38 C'était pendant la Seconde Guerre mondiale.
00:02:41 "Loin du Vietnam" de Godard, Chris Marker, Agnès Varda, Alain Resnais.
00:02:45 Est-ce que c'est comme ça que vous l'avez réalisé ?
00:02:48 -Oui, mais c'est pas un film de propagande,
00:02:50 c'est un film engagé, qui prend parti.
00:02:53 C'est vrai. Un film de combat, mais ça veut pas dire de propagande.
00:02:56 Propagande, ça voudrait dire
00:02:58 que je diffuserais des contre-vérités.
00:03:02 -Ah non ! -Propagande, si.
00:03:03 On ne voit qu'un côté de la réalité.
00:03:06 Non, c'est un film de combat,
00:03:08 aux côtés des Ukrainiens,
00:03:10 engagé physiquement avec eux
00:03:12 pendant plusieurs semaines, plusieurs mois.
00:03:15 Ca, oui.
00:03:16 -Mais on peut dire qu'un film de propagande
00:03:19 a un souci, un objectif militaire, si on peut dire.
00:03:23 Il participe au combat.
00:03:25 C'est la guerre médiatique, mais c'est aussi la guerre.
00:03:28 -C'est pas un objectif militaire, c'est un objectif politique.
00:03:32 Faire qu'on oublie pas l'Ukraine, en Occident, en France,
00:03:35 faire qu'une guerre ne chasse pas l'autre,
00:03:38 que l'Ukraine ne passe pas sous les radars,
00:03:40 faire qu'on comprenne les enjeux de cette guerre,
00:03:43 qui n'est pas une guerre locale.
00:03:46 Poutine ne poursuit pas un but territorial limité à l'Ukraine.
00:03:52 C'est beaucoup plus vaste.
00:03:53 C'est ça que nous voulons, avec mes camarades,
00:03:56 avec mon co-réalisateur, Marc Roussel.
00:03:58 C'est ça qu'on veut faire.
00:04:00 On veut montrer les enjeux de cette guerre.
00:04:03 -On va en parler.
00:04:04 Vous-même, dans ce film, vous parlez de Munich-Rampant.
00:04:07 Pourquoi les pays européens et les Etats-Unis
00:04:10 soutiennent l'Ukraine depuis le début ?
00:04:12 Qu'est-ce que vous voulez qu'on fasse de plus ?
00:04:15 Qu'on aille se battre dans le Donbass ?
00:04:17 -Non, mais je voudrais qu'on les aide davantage
00:04:21 et pas à contre-temps.
00:04:22 J'ai fait 3 films sur l'Ukraine.
00:04:24 Le début de la guerre, en effet,
00:04:26 j'ai passé beaucoup de temps sur le terrain
00:04:29 à tourner ces films.
00:04:30 J'ai observé une chose très simple,
00:04:32 c'est qu'on les aide, mais toujours un temps trop tard.
00:04:36 Et j'aimerais qu'on les aide à temps.
00:04:39 Aujourd'hui, par exemple,
00:04:41 on devrait déjà avoir livré
00:04:44 les F-16 que les Ukrainiens attendent,
00:04:47 que les Américains leur ont promis
00:04:49 et qui n'arriveront qu'en 2024,
00:04:51 c'est-à-dire dans un autre temps.
00:04:54 -Vous pensez que c'est de la mauvaise volonté
00:04:56 ou que c'est simplement qu'on ne forme pas
00:04:59 des pilotes de F-16 ?
00:05:00 -C'est le fait que l'Occident et l'Europe
00:05:04 et les Etats-Unis ont plutôt tendance
00:05:07 à ne pas intervenir, en général.
00:05:10 L'Occident n'est pas intervenu en Espagne,
00:05:13 l'Occident n'est pas intervenu
00:05:15 pour stopper le génocide arménien
00:05:17 en 1916-1917,
00:05:20 l'Occident n'a pas bougé quand des pays entiers d'Europe,
00:05:23 en 1956, se faisaient écraser
00:05:28 sous la botte stalinienne, et ainsi de suite.
00:05:30 L'Occident a mis des années à intervenir en Bosnie.
00:05:33 Il y a une tendance naturelle,
00:05:35 contrairement à ce que croient
00:05:36 les anti-impérialistes de Paketi,
00:05:39 il y a une tendance naturelle
00:05:42 en Occident à ne pas intervenir.
00:05:44 Ca fait partie de la grandeur de l'Occident,
00:05:47 de redouter la guerre, de ne pas...
00:05:50 Donc l'Occident intervient
00:05:53 toujours en traînant les pieds.
00:05:55 Les Etats-Unis, il y a un mot
00:05:58 tellement juste d'André Malraux qui dit
00:06:00 "oui, c'est un empire, mais c'est un empire récalcitrant,
00:06:04 "c'est un empire malgré lui."
00:06:06 Donc il y a ça dans cette affaire d'Ukraine.
00:06:09 Au fond, d'ailleurs, si vous regardez bien
00:06:12 la manière dont les choses se sont déroulées
00:06:14 au début de la guerre d'Ukraine,
00:06:16 le premier réflexe de l'Amérique,
00:06:18 c'était de dire "on ne bouge pas".
00:06:20 Et c'est face à l'héroïsme de Zelensky,
00:06:25 face à cette fameuse phrase,
00:06:27 Joe Biden avait commencé par lui dire
00:06:29 "président, est-ce que vous voulez que je vous aide à vous exfiltrer ?"
00:06:32 Et Zelensky lui a répondu cette phrase magnifique,
00:06:35 digne des grands hommes de plus tard,
00:06:37 qui lui a dit "je vous ai pas demandé un taxi,
00:06:40 "je vous ai demandé des fusils."
00:06:42 Donc c'est face à ça que les Etats-Unis et l'Europe
00:06:46 se sont décidés à intervenir et à secourir les Ukrainiens
00:06:51 et à admettre que la guerre qu'ils livrent, c'est un peu la nôtre.
00:06:54 -Mais vous reconnaîtrez que l'épithète municois
00:06:57 est beaucoup utilisé depuis 30 ans.
00:06:59 On a commencé à l'utiliser au moment de la guerre du Golfe.
00:07:02 Ceux qui ne voulaient pas intervenir contre l'Irak
00:07:05 qui venait d'envahir le Koweït étaient qualifiés "municois".
00:07:09 On a pu cesser.
00:07:10 Guerre en ex-Yougoslavie, "municois".
00:07:13 Kosovo, "municois".
00:07:16 L'intervention en Afghanistan, "municois".
00:07:20 L'intervention en Irak, des Américains,
00:07:22 cette fois en 2003, "municois".
00:07:25 En Darfour, on a parlé de "Munic tropical".
00:07:29 Au Mali, je suis sûr que ceux qui étaient contre
00:07:32 l'intervention militaire française au Mali
00:07:34 ont dû employer le terme "municois".
00:07:36 On a parlé de l'Arabie, de la Libye, de la Syrie,
00:07:39 la Syrie contre Bachar el-Assad,
00:07:41 puis contre Daesh, et ensuite l'Ukraine
00:07:43 et maintenant l'Arménie. On parle aussi de "municois".
00:07:46 Est-ce qu'à chaque fois, on ne crie pas au loup ?
00:07:49 Quand vous dites que l'Occident ne veut pas intervenir,
00:07:52 si on suivait les "antimunicois", que certains appellent
00:07:55 les "vatanguers", on n'aurait pas cessé d'intervenir ?
00:07:59 -Non. Si vraiment on était antimunicois,
00:08:01 je pense qu'on éviterait les guerres.
00:08:04 La meilleure manière d'éviter les guerres, c'est de dissuader.
00:08:07 Vous savez, si Barack Obama avait été crédible
00:08:12 lorsqu'il avait menacé Bachar el-Assad
00:08:15 d'une intervention au cas où il franchirait la ligne rouge
00:08:19 de l'usage des gaz chimiques, Bachar ne l'aurait pas fait.
00:08:22 On aurait évité une escalade dans la guerre
00:08:24 et on aurait épargné des vies civiles.
00:08:27 C'est parce que Bachar el-Assad et ses parrains,
00:08:30 iraniens et russes,
00:08:31 savaient pour des raisons x, y que l'Amérique
00:08:35 était à ce moment-là faible, qu'elle était dans un moment
00:08:38 isolationniste de son histoire, qu'ils ont avancé.
00:08:41 En gros, l'esprit de Munich, c'est ce qui fait
00:08:44 que les dictateurs avancent.
00:08:46 Et le réflexe antimunicois, c'est ce qui fait
00:08:50 que les dictateurs hésitent, se retiennent
00:08:53 et parfois reculent, souvent.
00:08:55 -Le but de ce film, c'est que les Occidentaux
00:08:58 continuent de livrer des armes.
00:09:00 Parce qu'il y en a un certain nombre, d'ailleurs,
00:09:03 qui veulent arrêter.
00:09:04 Cette guerre dure longtemps, elle risque de durer encore longtemps.
00:09:08 Donc, il y en a qui veulent arrêter de livrer des armes.
00:09:11 J'ai l'impression que le but poursuivi par votre film,
00:09:14 c'est de nous convaincre qu'il faut continuer
00:09:17 de soutenir l'Ukraine longtemps, si nécessaire.
00:09:20 -Oui, mais le but de ce film, c'est aussi de montrer
00:09:24 que si on la soutient vraiment, ça sera pas longtemps.
00:09:27 Voilà. Moi, c'est ma conviction.
00:09:29 Je pense que ce que montre ce film,
00:09:31 c'est que les Ukrainiens sont pas loin de gagner.
00:09:34 On a tourné à Barmoutes, on a tourné sur le front sud,
00:09:39 on a tourné à Kersaune, là où les Ukrainiens
00:09:41 sont en train d'avancer. On va pas entrer dans le détail.
00:09:45 Dans tous ces endroits-là, les Ukrainiens ne sont pas loin
00:09:48 de faire la différence, de faire la bascule,
00:09:51 d'enfoncer en face d'eux une armée démoralisée, etc.
00:09:54 Ils leur faut des armes.
00:09:56 Le but, c'est pas de dire qu'on va les aider longtemps,
00:09:59 mais de dire qu'on va les aider beaucoup et vite,
00:10:02 parce qu'il y va de l'Ukraine,
00:10:05 mais de l'Europe et de l'Occident.
00:10:07 C'est ça que je veux montrer.
00:10:09 -Vous dites d'ailleurs comment l'Ukraine perdrait-elle
00:10:13 face à un adversaire aussi pitoyable.
00:10:15 Est-ce que vous avez raison de penser, de vouloir...
00:10:19 Est-ce que vous ne sous-estimez pas l'adversaire,
00:10:22 en le qualifiant de pitoyable ?
00:10:24 -C'est un film, donc je montre ce que j'ai vu.
00:10:27 Il se trouve qu'un jour, à Klyshivka,
00:10:30 qui était un village où se déroulaient des combats
00:10:33 particulièrement âpres,
00:10:35 j'ai eu la chance de filmer des prisonniers russes,
00:10:39 des prisonniers russes, qui venaient d'être capturés
00:10:42 et qui ont accepté d'être filmés.
00:10:46 On a flouté leur visage, on a fait tout ça...
00:10:48 -Ils ne sont pas floutés. -Ils sont floutés.
00:10:51 La version que vous verrez à France 2...
00:10:53 -La version que j'ai faite, il n'était pas flouté.
00:10:56 -Vous avez eu ce privilège.
00:10:58 Mais, ils sont floutés.
00:10:59 Eh bien, ces prisonniers-là,
00:11:02 l'image qu'ils donnent de l'armée russe,
00:11:05 elle est pitoyable.
00:11:06 C'est des pauvres gars qui ont été raflés
00:11:09 dans des zones reculées de la Fédération de Russie,
00:11:12 qu'on a trompés, qui ont été vendus comme des esclaves
00:11:15 par des officiers supérieurs de l'armée russe
00:11:19 à des sociétés privées, genre Wagner.
00:11:23 C'est des gens qui n'ont aucune espèce d'idée
00:11:25 de pourquoi ils font ça de guerre.
00:11:27 Vous citiez tout à l'heure Frank Capra.
00:11:29 Pourquoi nous combattons ?
00:11:31 Ce film que vous... -C'est un beau film.
00:11:33 -Un beau film.
00:11:34 Je peux vous dire que là, ces trois-là,
00:11:37 ces trois Russes-là, je les ai pas choisis,
00:11:39 c'était les prisonniers du jour.
00:11:41 Ils savent pas pourquoi ils se battent.
00:11:44 Quand vous savez pas pourquoi vous vous battez,
00:11:46 c'est un vrai problème.
00:11:48 -Vous savez bien que le droit international interdit
00:11:51 normalement de filmer les prisonniers.
00:11:53 Vous me rassurez, vous avez dit qu'ils avaient été floutés.
00:11:57 Effectivement, c'est mauvais pour leur famille,
00:11:59 et pour eux, le jour où ils rentreront dans leur pays,
00:12:03 mais aussi parce qu'on ne sait pas.
00:12:05 Ces séances de confession,
00:12:06 toutes les armées du monde les ont pratiquées.
00:12:09 Les Russes le font avec les Ukrainiens,
00:12:11 les Ukrainiens le font avec les Russes,
00:12:14 les Nord-Vietnamiens le faisaient avec les Américains.
00:12:17 On prend des prisonniers, ils vous disent
00:12:19 qu'ils veulent pas faire cette guerre,
00:12:21 qu'ils sont horribles.
00:12:23 Vous savez que ça n'a pas de valeur.
00:12:25 On sait pas comment on leur a extorqué quoi que ce soit.
00:12:28 -D'abord, vous savez,
00:12:29 j'avais pas les moyens de leur extorquer quoi que ce soit.
00:12:33 -Mais quand on vous les donne... -On me les a pas donnés.
00:12:36 Vous avez vu le film, vous avez vu la scène,
00:12:39 c'est, je crois, une scène...
00:12:41 C'est pas une des mauvaises scènes du film.
00:12:43 Je suis seul avec eux.
00:12:45 Avec mon caméraman, je suis seul.
00:12:47 -Il y a pas de garde ukrainien, il y a pas de...
00:12:51 -Ca va bien. Après, ils ressortent,
00:12:53 ils retournent entre les mains des Ukrainiens.
00:12:56 -Ils retourneront un jour dans les mains des Russes
00:12:59 et je sais pas de quoi ils ont plus peur.
00:13:01 Ce jour-là, ils ont dit la vérité.
00:13:03 C'était trois pauvres diables
00:13:06 qui avaient été roulés dans la farine
00:13:09 par leur commandant et qui avaient envie de le dire, voilà,
00:13:12 et qui avaient envie de le dire
00:13:15 à un Français qui était là,
00:13:19 qui leur voulait pas de mal personnellement
00:13:22 et je crois qu'ils m'ont dit la vérité.
00:13:25 Et ce témoignage-là,
00:13:27 il est, en tout cas, je trouve...
00:13:30 C'est la première fois qu'on le voit
00:13:33 et je crois qu'il est intéressant,
00:13:36 qu'il dit quelque chose, peut-être pas la vérité,
00:13:38 mais il dit quelque chose de l'état réel de l'armée russe.
00:13:42 -Sans doute. Mais bon, la parole d'un prisonnier
00:13:45 face à une caméra, si la Convention de Genève...
00:13:47 -Non, la Convention de Genève, je l'ai étudiée.
00:13:50 Vous êtes prêts ? Les services juridiques de France Télévisions,
00:13:53 votre ancienne chaîne, se sont penchés sur la question.
00:13:57 -Ils sont floutés. -Il y a eu des problèmes.
00:13:59 Les conditions de l'interview étaient absolument conformes
00:14:03 au réquisit de la Convention de Genève.
00:14:05 -Je vous fais confiance.
00:14:07 Est-ce qu'on peut croire ce qu'ils disent ?
00:14:09 -C'est un témoignage, c'est une des scènes du film.
00:14:13 Les spectateurs jugeront eux-mêmes.
00:14:15 -On va regarder tout de suite un extrait de votre film,
00:14:18 "Bernard et Lévi".
00:14:19 Je laisse aux téléspectateurs la découvrir plus exactement.
00:14:25 -Il faut encore 10 minutes
00:14:28 pour rejoindre l'air de tir.
00:14:31 Musique douce
00:14:33 -Pas de dérives.
00:14:34 -On va s'en sortir.
00:14:36 -Au revoir.
00:14:38 ...
00:14:51 -Ca, c'est des flics.
00:14:53 -On est là.
00:14:55 -C'est pas là. -Non, c'est là.
00:14:57 On est là, sur ce pôle, deux pôles, et...
00:15:01 Ils laissent des flics, ils le voient.
00:15:05 ...
00:15:17 -Quand a-t-il eu la dernière frappe sur vous ?
00:15:19 ...
00:15:22 -Voilà.
00:15:23 ...
00:15:32 -On y va, les gars.
00:15:34 ...
00:15:36 -Eh oui, colonel Volochine, on se casse.
00:15:40 ...
00:15:42 Mais les tirs continuent de plus belle.
00:15:44 ...
00:15:50 Le colonel, craignant que le chemin de retour ne soit coupé,
00:15:55 invite à lever le camp pour de bon.
00:15:58 ...
00:16:00 Et il nous laisse, au bout de notre marche-retour,
00:16:04 à l'amertume que j'ai si souvent ressenti
00:16:08 dans mes reportages face à cette injustice.
00:16:12 Eux restent, tandis que je m'en vais.
00:16:16 ...
00:16:26 -Vous parlez d'injustice, mais vous pourriez rester ?
00:16:30 -Oui, mais...
00:16:32 C'est pas mon rôle, c'est pas mon métier.
00:16:35 Moi, mon rôle et mon métier, là, c'est de rapporter ces images,
00:16:39 de les rapporter, d'en faire un film
00:16:42 et de les commenter avec vous.
00:16:44 Voilà, c'est comme ça.
00:16:46 Donc, comme on peut pas tout avoir,
00:16:48 je peux pas à la fois rester et être chez vous,
00:16:51 mais ça n'empêche pas que ce jour-là,
00:16:54 je pouvais dire que j'avais le coeur serré,
00:16:56 que je l'ai laissé derrière moi
00:16:59 et qu'il y a là une injustice...
00:17:02 Je sais pas comment vous dire, mais fondamentale.
00:17:05 -On vous voit toujours dans votre costume.
00:17:07 Je me demande si c'est pas le même.
00:17:09 Celui-ci est plus repassé, mais...
00:17:12 J'ai l'impression que vous pouvez plus le quitter, ce costume.
00:17:15 On ne comprendrait pas.
00:17:17 Vous avez arpenté tellement de champs de bataille
00:17:20 avec ce costume.
00:17:21 Vous y êtes condamné, maintenant ?
00:17:25 -Il y a pire condamnation.
00:17:27 Pour moi, c'est un...
00:17:30 Il m'est arrivé de le dire,
00:17:32 mais pour moi, c'est une courtoisie élémentaire
00:17:35 vis-à-vis de ceux dont je partage un peu le sort,
00:17:39 dont je rapporte un peu du combat,
00:17:41 c'est d'être pareil avec eux que ce que je suis avec vous.
00:17:45 Je me déguise pas.
00:17:46 J'ai fait des reportages dans Match depuis des années,
00:17:49 depuis 4 ou 5 ans,
00:17:50 et je suis fier d'être reporter à de large pour Paris Match.
00:17:54 En effet, chaque fois, que ce soit chez les chrétiens du Nigeria,
00:18:00 que ce soit en Somalie,
00:18:01 je me déguise pas.
00:18:03 Je suis exactement comme je le suis
00:18:07 avec mes amis
00:18:09 ou en face d'un intervieweur de CNews.
00:18:12 Courtoisie élémentaire.
00:18:14 -On fait une pause.
00:18:17 Bernard-Ellevi, on se retrouve juste après.
00:18:20 ...
00:18:24 -À 23h, on reviendra sur la grande marche
00:18:27 contre l'antisémitisme qui a eu lieu aujourd'hui à Paris
00:18:31 avec Jean-Christophe Fathias,
00:18:33 avec... Si mon prompteur pouvait un tout petit peu bouger,
00:18:36 ça m'aiderait.
00:18:37 Sinon, bon, tout à fait, rien. Voilà.
00:18:40 Avec Anna Greenspun,
00:18:42 avec la philosophe et musicologue Danielle Cohen-Lévinas,
00:18:45 le physicien Malik Bezou,
00:18:47 le député du Rassemblement national Jean-Philippe Tanguy.
00:18:50 Jusque-là, on est avec Bernard-Ellevi,
00:18:53 dont le nouveau film "L'Ukraine au coeur"
00:18:55 sera diffusé mardi soir sur France 2.
00:18:59 Bernard-Ellevi, dans ce film,
00:19:01 vous dites que les Russes n'enterrent pas leurs morts.
00:19:04 Qu'est-ce que vous voulez dire ?
00:19:06 -Qu'ils les laissent derrière eux.
00:19:08 C'est ce que j'ai vu, ce que j'ai filmé.
00:19:10 Ils n'en ont pas.
00:19:11 -Comme les Français n'enterraient pas leurs morts
00:19:14 dans les tranchées en 1914.
00:19:16 On a l'impression que vous voulez les déshumaniser.
00:19:19 C'est vrai que c'est un principe humain,
00:19:21 d'enterrer ses morts. -Oui, oui.
00:19:23 Je crois qu'en effet, enterrer est un acte de respect,
00:19:28 une sorte d'ultime humanité.
00:19:31 L'armée russe ne respecte pas ce principe,
00:19:35 à l'opposé des Ukrainiens.
00:19:37 Moi, j'ai vu des Ukrainiens
00:19:40 prendre soin de leurs morts,
00:19:42 à l'israélienne, si j'ose dire,
00:19:44 en prenant des risques pour les ramener.
00:19:47 Pas les Russes.
00:19:49 Les Russes laissent derrière eux.
00:19:52 C'est dans le film. -Oui, je sais.
00:19:54 -C'est pas 1914.
00:19:55 Dans le film, vous avez une scène
00:19:57 où on voit cela très vite,
00:19:59 une unité russe qui s'est repliée
00:20:01 et qui a laissé derrière elle ses morts,
00:20:04 un en particulier qui apparaît fugitivement à l'écran.
00:20:07 -Vous dites aussi...
00:20:09 Vous dites aussi...
00:20:12 "Quelle sorte de barbare faut-il être pour bombarder une école ?"
00:20:16 C'est ce que disent les ennemis des Israéliens
00:20:18 après une frappe sur une école à Gaza.
00:20:21 -Oui, mais il y a deux différences.
00:20:24 Une différence, en tout cas, principale,
00:20:26 c'est que l'école à Gaza,
00:20:28 il y a un centre de commandement du Hamas.
00:20:31 Première différence. Deuxième différence,
00:20:34 les Israéliens ont pris soin d'adjurer les parents,
00:20:38 d'évacuer leurs enfants.
00:20:40 Quand les Russes tapent sur une école,
00:20:44 ils savent que c'est une école.
00:20:45 Ils savent qu'il n'y a pas le moindre objectif militaire.
00:20:49 Il n'y a pas un commandement ni un dépôt de munitions.
00:20:52 C'est un crime contre l'humanité.
00:20:54 Il y a une différence entre les deux.
00:20:56 -Les Russes méritent d'être combattus
00:20:58 car ils ont envahi un pays indépendant
00:21:00 qui veut rester libre.
00:21:02 Est-ce qu'il faut les dépeindre forcément
00:21:05 comme des barbares assoiffés de sang ?
00:21:09 C'est la question que je me pose en permanence
00:21:11 car j'ai l'impression qu'on a cette tendance
00:21:14 à la déshumanisation de l'adversaire.
00:21:16 J'ai l'impression que ça rend la guerre
00:21:18 encore pire que ce qu'elle est.
00:21:20 Elle est toujours féroce, la guerre,
00:21:22 mais ça rend toute forme de réconciliation
00:21:26 ou de paix quasiment impossible.
00:21:28 -Ca dépend. J'ai passé la première moitié de ma vie
00:21:31 à défendre la culture russe,
00:21:36 le peuple russe et les dissidents russes à l'époque.
00:21:39 Je me rappelle, années 70, années 80,
00:21:43 je faisais partie de ceux, et j'en suis très fier,
00:21:46 qui portaient ce génocide aux nus
00:21:48 où ils méritaient d'être, etc.
00:21:50 Je n'ai jamais pensé que la Russie devait être déshumanisée.
00:21:54 L'armée russe, aujourd'hui,
00:21:56 et ceux qui la soutiennent, se conduisent comme des barbares.
00:21:59 Ceux qui ont fait à Marioupol,
00:22:03 ceux qui ont fait à Bahamout,
00:22:05 et ceux qui le font en ciblant les enfants
00:22:07 ou en les déportant...
00:22:09 -En les déportant, en les enlevant.
00:22:11 -En les enlevant et en les...
00:22:14 Quand vous enlevez et que vous transportez,
00:22:16 que vous arrachez à une famille,
00:22:18 que vous les transportez en Russie...
00:22:21 -Vous les donnez à une autre famille.
00:22:23 -Oui, ça s'appelle une déportation.
00:22:26 Ca fait partie des armes de guerre.
00:22:28 -Vous savez bien à quoi on pense quand on pense à la déportation.
00:22:32 Vous vous souvenez du scandale de l'Arche de Zoé ?
00:22:35 Ca aurait été de la déportation d'enfants africains
00:22:38 dans des familles françaises. Ca s'appelait un enlèvement.
00:22:41 -Quand ça prend de telles proportions,
00:22:44 c'est pas un enlèvement, c'est quelque chose de systématique.
00:22:47 C'est documenté, d'ailleurs, par...
00:22:49 -Il y a une plainte...
00:22:51 -Il y a des plaintes à la Cour pénale internationale.
00:22:54 J'ai documenté ça, moi, dans ce film
00:22:56 et dans le film précédent, qui a été diffusé sur Canal+,
00:23:00 sur une chaîne voisine de celle-ci.
00:23:02 Voilà.
00:23:03 Quand ça prend une forme systématique,
00:23:05 c'est pas des enlèvements, pas des kidnappings.
00:23:08 C'est un instrument de guerre.
00:23:10 -J'ai l'impression que la guerre est effroyable.
00:23:13 Vous la connaissez mieux que moi.
00:23:14 La guerre est toujours effroyable.
00:23:16 Ce qui distingue les guerres les unes des autres,
00:23:19 c'est le but, la raison pour laquelle elle s'est déclenchée,
00:23:23 pourquoi on l'amène et ce qu'on espère en obtenir.
00:23:26 Mais si on commence à regarder sur la manière dont les gens la font,
00:23:30 est-ce qu'on va pas, de toute façon,
00:23:33 trouver les mêmes "crimes" de tous les côtés ?
00:23:36 Vous savez bien que tout ce que vous dites
00:23:39 sur la manière dont les Russes se conduisent en Ukraine,
00:23:42 c'est ce que d'autres disent sur la façon
00:23:44 dont les Israéliens se conduisent à Gaza.
00:23:47 Est-ce que ça suffit à en faire...
00:23:49 -Je trouve ce parallèle faux.
00:23:51 -Sans doute. -Et dégueulasse.
00:23:53 -Parce que la différence est nette ?
00:23:56 -Non, parce que... Non, non, non.
00:23:58 Parce que Tsaïl ne cible pas les civils
00:24:01 et parce que Tsaïl ouvre tous les jours,
00:24:03 tous les jours, Frédéric Taddeï, des corridors humanitaires
00:24:07 permettant aux civils de la zone qui va être bombardée
00:24:10 d'être évacuée. C'est la grande différence.
00:24:12 La Russie ne fait pas ça.
00:24:14 Vous avez une scène dans le film, la pizzeria de Kramatorsk,
00:24:17 où se réunissait, où dînaient tous les soirs,
00:24:20 y compris votre serviteur, les journalistes, les humanitaires.
00:24:24 Elle est ciblée comme telle.
00:24:26 Et croyez-moi, il n'y a pas eu de tract ou d'appel
00:24:29 annonçant que la pizzeria allait être bombardée.
00:24:32 Elle l'a été. Il y a une écrivaine ukrainienne,
00:24:34 Victoria Emelina, qui est morte là,
00:24:37 qui a été... Voilà, qui a été ciblée.
00:24:39 C'est une différence majeure, ça, tout de même.
00:24:42 Et puis, j'ajoute une chose,
00:24:45 c'est qu'en effet, les guerres se distinguent
00:24:49 par leur intention.
00:24:50 Quel est le but de guerre ?
00:24:52 Quel fut le but de guerre des Russes
00:24:54 quand ils ont lancé cette guerre abominable
00:24:57 le 24 février 2022 ?
00:24:59 -Mettre fin à la dépendance d'un pays et...
00:25:02 -Voilà, bouleverser l'ordre international,
00:25:06 détruire un Etat,
00:25:08 nier l'identité nationale du peuple ukrainien
00:25:11 et ainsi de suite.
00:25:13 Que je sache, c'est exactement...
00:25:16 C'est pas ça qui s'est produit à Gaza.
00:25:18 Israël mène une guerre en réponse à une attaque du Hamas.
00:25:22 -Vous dites qu'il faut distinguer les guerres
00:25:24 en fonction de l'intention et de ce qui les déclenche,
00:25:27 et pas essayer de croire que les uns se comportent
00:25:30 de façon irréprochable et les autres sont des animaux.
00:25:34 -Il y a une théorie dans l'histoire des philosophies
00:25:37 qui est la théorie de la guerre juste,
00:25:39 qui commence avec Saint-Augustin,
00:25:41 qui finit avec Martin Walser,
00:25:43 philosophe américain contemporain, etc.
00:25:46 Elle dit les deux.
00:25:47 Elle dit une guerre est juste, en effet, au début,
00:25:50 et puis elle est juste.
00:25:52 Et puis, sa justesse mesure aussi
00:25:54 à la manière dont elle l'amène.
00:25:57 Il y a les deux, bien sûr.
00:25:59 En l'occurrence, cette guerre d'Ukraine,
00:26:01 elle est injuste par les deux côtés.
00:26:04 Elle est injuste parce qu'elle n'avait pas d'autres motifs
00:26:07 que la destruction de l'Ukraine,
00:26:10 et elle est injuste parce que l'armée russe
00:26:13 procède à des crimes de guerre
00:26:16 à répétition caractérisée et intentionnelle.
00:26:19 -On y revient après le rappel des titres.
00:26:22 Marine Vidal.
00:26:23 Musique de tension
00:26:25 -Le chancelier allemand Olaf Scholz
00:26:27 se dit opposé à un cessez-le-feu immédiat à Gaza.
00:26:30 Cela signifierait qu'Israël laisse au Hamas
00:26:33 la possibilité de récupérer et de se procurer
00:26:36 de nouveaux missiles.
00:26:37 Il plaide pour des pauses humanitaires.
00:26:40 Les appels à un cessez-le-feu sont de plus en plus nombreux
00:26:43 en Europe et dans les pays arabes.
00:26:45 Médecins sans frontières redoutent
00:26:48 l'absence d'un cessez-le-feu.
00:26:50 Des établissements hospitaliers
00:26:52 sont soumis à des pénuries d'électricité
00:26:54 alors que des civils y sont réfugiés.
00:26:57 Des soldats israéliens ont sécurisé un passage
00:26:59 pour permettre à la population civile d'évacuer à pied.
00:27:03 Les hôpitaux Al-Shifa, Al-Rantissi et Al-Nasser sont concernés.
00:27:06 Quelques 500 étrangers et binationaux,
00:27:09 dont 7 blessés palestiniens,
00:27:11 ont été évacués de la bande de Gaza vers l'Egypte.
00:27:14 Après sa fermeture hier et vendredi,
00:27:16 Al-Shifa a rouvert ses portes.
00:27:18 Parmi les évacués figurent des Polonais, 101 Roumains
00:27:21 et 60 Russes ont annoncé leurs pays respectifs.
00:27:24 ...
00:27:35 -Bernard Lévy, dans "L'Ukraine au coeur",
00:27:40 vous dites qu'on reconnaît les grands peuples
00:27:43 et les grands alliés, vous parlez de l'Ukraine et de nous,
00:27:46 mais l'Arménie, par exemple, qui n'a pas d'alliés ?
00:27:49 C'est un grand peuple ? -Bien sûr.
00:27:51 -Et qui n'a pas d'alliés ? -Non.
00:27:53 Et ça, c'est une désolation absolue.
00:27:56 Elle avait un allié qui était à la Russie et qui l'a trahi.
00:28:00 Voilà. Et c'est bien sûr que c'est un grand peuple.
00:28:03 C'est un peuple martyr,
00:28:05 c'est un peuple qui a le sens de sa propre mémoire.
00:28:09 En voilà un, un peuple, qui honore ses morts
00:28:12 et qui les honore de génération en génération.
00:28:14 -Les Russes aussi, peut-être pas sur le champ de bataille.
00:28:18 -L'Arménie n'a pas les alliés qu'elle mérite.
00:28:20 Je suis d'avance.
00:28:22 -Mais en même temps, le Haut-Karabakh,
00:28:24 du point de vue du droit international,
00:28:26 il appartient à l'Azerbaïdjan, comme la Crimée appartient à l'Ukraine.
00:28:30 Le Haut-Karabakh a été donné à l'Azerbaïdjan par Staline
00:28:34 dans les années 20. L'Ukraine a été donnée...
00:28:36 Plutôt, la Crimée a été donnée à l'Ukraine
00:28:39 par Khrouchev dans les années 50.
00:28:41 -L'Ukraine n'a jamais été donnée. -Oui.
00:28:44 Je me suis repris.
00:28:45 Le problème, c'est que le Haut-Karabakh
00:28:48 est peuplé d'Arméniens,
00:28:50 comme la Crimée était peuplée de Russes,
00:28:52 et que le Haut-Karabakh a été récupéré par la force,
00:28:56 par l'Arménie, en 1991,
00:28:58 et maintenant, c'est l'Azerbaïdjan
00:29:00 qui vient de récupérer le Haut-Karabakh par la force.
00:29:03 -Là, vous allez... -Ce que je veux dire,
00:29:05 c'est que les journaux ukrainiens soutiennent l'Azerbaïdjan.
00:29:09 Ils estiment que le Haut-Karabakh est à l'Azerbaïdjan
00:29:12 comme la Crimée est à l'Ukraine.
00:29:14 -Vous allez embrouiller vos téléspectateurs.
00:29:16 Il y a une grande différence. Le Haut-Karabakh est arménien,
00:29:20 culturellement, mémoriellement, démographiquement.
00:29:23 La Crimée, non, elle n'était pas russe.
00:29:26 La Crimée, elle était russe, elle était ukrainienne,
00:29:29 elle était tatar.
00:29:30 Au moment de l'indépendance de l'Ukraine,
00:29:33 elle a massivement voté pour cette...
00:29:35 Enfin, approuvé cette indépendance.
00:29:38 -Vous ne trouvez pas que c'est le droit international
00:29:41 qui prime, qui est important dans l'histoire ?
00:29:43 On doit faire respecter le droit international.
00:29:46 Sinon, on n'en finira jamais.
00:29:48 Au moment de l'ex-Yougoslavie,
00:29:50 il y avait des tas de gens qui...
00:29:52 "Ca, c'était ça, c'était ça, c'était ça."
00:29:54 -Il faut être capable de compter jusqu'à deux
00:29:57 et de combiner les critères.
00:29:58 Bien sûr que le droit international est prioritaire.
00:30:01 Mais quand vous avez en face de vous un Etat assassin,
00:30:04 un dictateur sans scrupule,
00:30:06 ce qui est le cas du dictateur d'Azerbaïdjan, Aliev,
00:30:10 ce qui est le cas de Poutine, ce qui est le cas d'Erdogan,
00:30:14 en effet, c'est un autre paramètre.
00:30:17 Et quand on est dans la situation où est le monde aujourd'hui,
00:30:20 où les démocraties, en gros,
00:30:23 s'affrontent à cette bande-là, ces dictateurs-là,
00:30:27 c'est une bataille un peu plus compliquée, en effet,
00:30:31 que simplement la bataille du droit international
00:30:34 de l'ONU contre ceux qui viendraient
00:30:38 contrarier ces décisions.
00:30:41 Voilà. Aliev, c'est pas n'importe quel chef d'Etat.
00:30:45 La façon dont il sait...
00:30:48 Il y a un an ou deux,
00:30:50 une exposition à Bakou
00:30:53 exposant et se félicitant
00:30:56 des pires crimes commis par l'armée azérie,
00:30:59 cela est atroce.
00:31:04 -Le problème qu'il va y avoir,
00:31:06 et là où il va falloir faire un choix, effectivement,
00:31:09 peut-être que l'Arménie trouvera de grands alliés,
00:31:12 c'est si l'Azerbaïdjan envahit l'Arménie,
00:31:14 comme certains le redoutent.
00:31:17 Là, ce sera différent, parce que là,
00:31:19 le droit international ne sera plus respecté.
00:31:22 -Les Arméniens le redoutent,
00:31:25 et la propagande les plus ailée
00:31:28 et les plus fanatique des propagandistes azéries
00:31:32 et des propagandistes turcs l'annoncent et le souhaitent.
00:31:36 Il y a le droit international qui est capital,
00:31:39 mais il y a autre chose qui est très importante.
00:31:42 Vous avez à la tête de la Turquie un homme, Erdogan,
00:31:47 qui rêve de reconstituer l'empire ottoman d'autrefois,
00:31:51 qui se voit en néo-sultan,
00:31:53 récupérant toutes les terres
00:31:55 des temps de la splendeur ottomane.
00:31:59 -Pour l'Europe, c'est un vrai problème,
00:32:02 et il faut s'opposer à cela.
00:32:05 L'Arménie est le point où ça commence.
00:32:08 -Mais...
00:32:09 Quand l'Arménie a récupéré le Haut-Karabakh en 91,
00:32:15 et pas seulement le Haut-Karabakh,
00:32:17 trois régions d'Azerbaïdjan,
00:32:21 elle voulait aussi reconstituer la Grande Arménie.
00:32:25 -La Grande Arménie ?
00:32:27 La petite Arménie, qui dans ses souvenirs était plus grande.
00:32:30 -C'est tellement petit... -On est d'accord.
00:32:33 -Que je sache qu'il n'y a pas une volonté impériale de l'Arménie
00:32:37 comme il y en a d'Erdogan.
00:32:39 Et cette volonté arménienne,
00:32:41 elle n'est pas fondée sur une idéologie mortifère.
00:32:44 Le christianisme arménien
00:32:48 n'est en aucun point comparable
00:32:52 avec l'islamisme radical,
00:32:54 dans lequel plongent de plus en plus Erdogan et ses idéologues.
00:32:59 -Certes, non, Benoît Lévy, mais j'ai l'impression que pour vous,
00:33:03 et vous n'êtes pas seul,
00:33:04 quand on est du bon côté,
00:33:06 donc les démocraties, pour faire simple,
00:33:09 on a tous les droits.
00:33:12 Et quand on est du mauvais, en revanche,
00:33:14 alors là, on est toujours tort.
00:33:16 -Non, non, non.
00:33:17 -On n'a pas tous les droits.
00:33:19 Il y a un bon côté et un moins bon côté.
00:33:22 Il y a des zones grises.
00:33:23 Mais en l'occurrence,
00:33:24 je crois que les démocraties, c'est le bon côté.
00:33:27 -Elles ont tous les droits ?
00:33:29 Les autres, aucun ?
00:33:30 -Elles n'en ont pas, mais elles ont le droit et le devoir
00:33:34 de se défendre, premièrement.
00:33:35 Et elles ont le droit, et je crois le devoir,
00:33:38 de tendre la main à ceux qui, ailleurs,
00:33:42 par exemple en Turquie ou par exemple dans le Haut-Karabakh,
00:33:46 se réclament de leur valeur.
00:33:47 Je crois qu'elles ont ce droit-là et ce devoir-là.
00:33:51 -Vous me parlez de la Russie.
00:33:52 Tout à l'heure, nous en parlions.
00:33:55 -Vous en parliez dans le film. -La déshumanisation.
00:33:58 Il y a en Russie des hommes qui sont des héros,
00:34:02 qui sont des nouveaux dissidents.
00:34:04 Ceux-là, au nom de quoi ?
00:34:06 Est-ce qu'ils s'affirment au nom de valeurs qui sont les nôtres,
00:34:10 qui sont les valeurs de la démocratie ?
00:34:12 Est-ce qu'on leur doit assistance ou pas ?
00:34:14 Est-ce qu'on doit prendre la main qu'ils nous tendent ou non ?
00:34:18 Est-ce qu'on doit s'en soucier ?
00:34:22 Les démocraties n'ont pas tous les droits,
00:34:24 mais elles ont le devoir.
00:34:26 -Si vous pensez à Navalny,
00:34:27 par exemple, il était pour l'annexion de la Crimée.
00:34:30 -Je ne dis pas que les dissidents russes
00:34:33 ont raison en tout point.
00:34:35 Je pense que Navalny et d'autres, aujourd'hui,
00:34:38 rêvent d'une Russie qui se rapprocherait
00:34:43 du régime démocratique et libéral
00:34:48 qui est en vigueur dans nos sociétés.
00:34:50 Eh bien, à cela, nous leur devons assistance.
00:34:53 Nous leur devons assistance. J'ai toujours dit ça.
00:34:56 A l'époque où la Russie vivait
00:34:58 sous la poigne de fer du brejnevisme,
00:35:01 il y avait des dissidents.
00:35:03 En France, c'était même pas une question de gauche et de droite.
00:35:07 Des Debors qui disaient que le rideau de fer
00:35:09 est une fatalité,
00:35:10 le partage de l'Europe en deux est là pour l'éternité,
00:35:14 et ça ne nous regarde pas.
00:35:16 Je trouvais que c'était pas bien.
00:35:18 Quand on s'appelle à l'époque Mitterrand ou Giscard,
00:35:21 quand un dissident russe venait frapper à notre porte,
00:35:24 je pensais que nous avions le devoir de le recevoir,
00:35:27 de l'écouter et de porter sa voix.
00:35:30 -Ce n'était pas le cas de tout le monde ?
00:35:32 Je me souviens des dissidents russes.
00:35:34 Aussi bien les communistes comme Plioutsch
00:35:37 ou les anticommunistes comme Solzhenitsyn
00:35:41 étaient aussi bien accueillis les uns et les autres.
00:35:44 Ils étaient pas accueillis par Michel Foucault,
00:35:46 Jean-Paul Sartre, André Glucksmann,
00:35:48 ma modeste personne, Giscard d'Estaing
00:35:51 ou François Mitterrand.
00:35:52 -Je pense que Jean-Dormesson, par exemple,
00:35:55 était bien accueilli.
00:35:57 -Jean-Dormesson, Jean-François Deniaux, oui.
00:35:59 Ils dirigeaient pas la France, c'était des consciences.
00:36:03 Et ils avaient raison.
00:36:05 Même si ça faisait grincer et grogner du côté du Quai d'Orsay,
00:36:10 c'est Jean-Dormesson ou Michel Foucault qui avaient raison.
00:36:14 -Oui, comme quand Daniel Mitterrand recevait le Dalai Lama
00:36:17 que François Mitterrand, président de la République,
00:36:20 ne voulait pas recevoir.
00:36:21 Vous me dites que les gouvernements,
00:36:24 et c'est d'ailleurs ce que dit aussi votre film,
00:36:27 c'est que vous reprochez aux gouvernements,
00:36:29 européens, en l'occurrence, de ne pas en faire assez.
00:36:33 On se demande jusqu'où vous voulez qu'il aille.
00:36:35 Vous l'avez dit, c'est pas d'envoyer des troupes.
00:36:38 Par moments, on pourrait se demander,
00:36:41 au Moyen-Orient, il y a des risques d'escalade.
00:36:44 Au Moyen-Orient, vous vous inquiétez.
00:36:46 J'ai l'impression que Gaza et l'Ukraine,
00:36:48 c'est la même guerre pour vous.
00:36:50 Est-ce que vous pensez que ça vaut le coup
00:36:53 qu'il y ait une escalade ?
00:36:54 -Je crois que l'escalade a été, pour le moment,
00:36:58 évitée, là, au Proche-Orient,
00:37:00 parce que les Américains ont envoyé deux porte-avions.
00:37:04 C'est aussi simple que ça.
00:37:05 Les Américains ont donné des signes tangibles
00:37:08 du fait qu'ils ne laisseraient pas l'Iran,
00:37:12 parce que c'est ça, le Hamas.
00:37:13 Le Hamas, c'est rien sans l'Iran.
00:37:16 L'Iran n'est pas grand-chose sans...
00:37:18 Militairement, c'est autre chose, sans la Russie.
00:37:21 L'Amérique, cette fois-ci, cet empire récalcitrant,
00:37:24 cet empire, malgré lui, dont je vous parlais,
00:37:27 a dit "stop".
00:37:28 L'Iran, pas touche à...
00:37:31 -À Israël. -À Israël.
00:37:33 -Mais on dit aussi,
00:37:34 et vous allez savoir que l'Amérique a dit aussi à Israël,
00:37:38 "Attention, pas touche à l'Iran, pas d'escalade d'aucun côté."
00:37:41 -C'est possible. Dans ce cas, l'Amérique est sage,
00:37:44 mais je ne suis pas sûr qu'Israël ait eu besoin de se l'entendre dire.
00:37:48 Israël mesure, comme toute grande nation démocratique,
00:37:52 les risques qu'il y a à une escalade régionale.
00:37:55 En tout cas, ce que je veux dire, c'est qu'ici ou ailleurs,
00:37:59 moi, ce qui me navre,
00:38:00 c'est quand je vois les grandes nations occidentales
00:38:04 qui baissent ce pavillon,
00:38:06 qui sont honteuses de leur valeur.
00:38:09 Et moi, ce que je fais dans une aventure comme celle-là,
00:38:12 comme ce film que je viens de tourner,
00:38:16 j'essaye, à ma modeste façon d'écrivain français,
00:38:20 d'apporter, je sais pas, un petit bout
00:38:24 de cette parole française
00:38:29 dans ces tranchées de barmoutes ou d'ailleurs.
00:38:31 Je crois que c'est très important.
00:38:33 Moi, j'aime la France,
00:38:36 mais j'aime la France aussi, encore plus, quand elle est grande.
00:38:39 C'est ce fameux mot, d'ailleurs du même André Malraux,
00:38:43 qui disait que la France n'est jamais aussi grande
00:38:45 que lorsqu'elle l'est pour tous les hommes.
00:38:48 Voilà. Ca, c'est la France telle que je la vis depuis ma jeunesse.
00:38:52 -Pour vous, la Troisième Guerre mondiale a commencé ?
00:38:56 -La Troisième Guerre mondiale a été déclarée,
00:39:00 oui, il y a quatre ans ou cinq ans,
00:39:02 au club de Val d'Aigle, ou six ans, peut-être, par Vladimir Poutine.
00:39:06 Il a déclaré son intention de remodeler l'ordre du monde
00:39:10 à sa façon,
00:39:12 en attaquant, en déstabilisant
00:39:17 ou en semant le chaos dans les démocraties.
00:39:21 Oui, naturellement.
00:39:23 -Mais quand Vladimir Poutine envahit l'Ukraine,
00:39:27 il envahit l'Ukraine, il veut mettre fin à l'indépendance
00:39:30 d'un pays reconnu par le droit international.
00:39:34 Vous dites, dans votre film, vous n'êtes pas le seul,
00:39:37 que ces Ukrainiens, qui combattent depuis presque deux ans,
00:39:40 combattent pour nous, pour l'Europe.
00:39:43 Vous pensez vraiment que Vladimir Poutine,
00:39:45 après l'Ukraine, veut envahir l'Europe ?
00:39:47 -Je pense... J'écoute ce que disent les gens.
00:39:51 J'écoute ce que dit Poutine.
00:39:53 Poutine dit, en effet, que l'Europe est son ennemi.
00:39:56 -Il ne veut pas dire qu'il veut l'envahir pour autant.
00:40:00 -Il ne veut pas dire qu'il veut l'envahir.
00:40:02 Je dis qu'il y a diverses manières
00:40:04 de vouloir affaiblir un adversaire.
00:40:06 On peut l'envahir, c'est la manière la plus rustique,
00:40:09 c'est ce qu'il fait en Ukraine, on peut la déstabiliser,
00:40:12 on peut semer le chaos, on peut intervenir dans ses élections,
00:40:16 c'est ce qu'il a fait probablement aux Etats-Unis
00:40:19 avec l'élection de Donald Trump.
00:40:21 Il y a mille manières.
00:40:22 Poutine a décidé pour des raisons diverses et variées,
00:40:25 mais moi, dont je crois qu'elles sont idéologiques.
00:40:28 Il a un vrai programme idéologique et culturel.
00:40:31 Il a décidé d'affaiblir les démocraties.
00:40:34 Il a décidé de faire...
00:40:36 alliance, par exemple, avec l'islamisme radical
00:40:40 au détriment des nations judéo-chrétiennes
00:40:45 ou judéo-catholiques de l'Europe occidentale.
00:40:48 C'est dit en propre terme. -C'est un choc des civilisations ?
00:40:52 -C'est pas un choc des civilisations,
00:40:54 c'est une déclaration de guerre.
00:40:56 J'ai lu les idéologues de Poutine
00:40:58 et j'ai même discuté avec l'un d'entre eux,
00:41:01 Alexandre Douguin. -Vous avez fait un débat ?
00:41:03 -J'ai fait un débat public avec lui.
00:41:05 Il est antisémite.
00:41:07 Il pense que l'Europe est une sorte de...
00:41:11 que les nations européennes sont des artefacts
00:41:14 qui n'ont pas vraiment le droit de perdurer dans leur être.
00:41:18 Il hait ce qu'il appelle l'étalasocratie,
00:41:21 c'est-à-dire les autorités basées sur une puissance maritime
00:41:26 qui, pour lui, sont des identités évanescentes.
00:41:30 Et il prêche l'alliance avec l'islamisme,
00:41:33 avec l'islam radical, avec l'islamisme...
00:41:37 Est-ce qu'on veut ça ou pas ?
00:41:40 Est-ce qu'on veut plier le genou devant cette alliance
00:41:43 entre la culture grand russe et l'islamisme radical
00:41:46 ou est-ce qu'on veut s'y opposer ?
00:41:48 Moi, je suis de ceux qui, pour moi, pour mes enfants,
00:41:52 pour mes petits-enfants,
00:41:54 qui pensent qu'il faut contrecarrer ce plan poutinien d'aujourd'hui.
00:41:59 -Mais où est-ce que Vladimir Poutine
00:42:02 a fait alliance avec l'islamisme radical ?
00:42:05 Il était contre Daesh, au même titre que nous.
00:42:08 Alors, lui, il défendait Bachar el-Assad,
00:42:11 ce qui n'était pas forcément notre cas, mais...
00:42:13 -Vous regardez mes films et vous verrez...
00:42:16 -Vous avez vu ? -Vous avez des commandants
00:42:20 tchétchènes liés à Kadirov
00:42:22 qui crient "Allahou akbar"
00:42:25 sur les villes qu'ils ont dévastées.
00:42:28 Vous avez le fait que la...
00:42:31 -Je me souviens bien, dans "Les Vies",
00:42:33 vous citez la phrase de Poutine parlant des tchétchènes,
00:42:36 oubliant qu'il parlait des terroristes.
00:42:39 -Ca, c'était des tchétchènes modérés
00:42:41 qu'il a éliminés à l'époque lors des deux guerres de Tchétchénie.
00:42:45 Et sans remonter à tout ça, récemment,
00:42:47 quel est le pays qui, depuis le 7 octobre,
00:42:51 qui, après le 7 octobre, après le pogrom du 7 octobre,
00:42:54 qui a reçu en grande pompe les chefs du Hamas ?
00:42:57 -Oui, mais... -C'est la Russie.
00:42:59 -Oui, absolument, mais avec le ministre des Affaires étrangères.
00:43:03 -Ca veut dire un encouragement à l'islamisme radical ?
00:43:06 La pointe avancée de l'islamisme radical, c'est le Hamas.
00:43:10 C'est eux qui sont à l'offensive.
00:43:12 Où sont-ils reçus ? A Moscou.
00:43:14 On les encourage ? On leur dit "bravo, les gars, continuez,
00:43:17 "vous avez notre soutien."
00:43:19 Si vous n'appelez pas ça une alliance
00:43:21 entre le projet eurasiatique et le projet islamiste,
00:43:24 alors on ne parle plus la même langue.
00:43:27 -Donc, vous pensez, et ce que vous reprochez
00:43:29 quand vous parlez de l'attentisme des pays européens,
00:43:32 vous leur reprochez de faire ce qu'a fait Léon Blum
00:43:35 au moment de la guerre d'Espagne,
00:43:38 de refuser d'armer l'Espagne républicaine
00:43:40 face aux fascistes, qui, eux, armaient les franquistes,
00:43:44 et face à Staline, aussi, qui lui armait les communistes.
00:43:47 -C'est pas le même fascisme.
00:43:49 Les époques ne se...
00:43:50 Les époques ne se...
00:43:52 -En fait, c'est pas Munichois, c'est bloumistes que vous devriez...
00:43:56 -Mais je fais partie de ceux, pour des tas de raisons,
00:43:59 y compris histoire familiale.
00:44:01 Mon père, qui était un jeune engagé
00:44:04 dans les brigades internationales,
00:44:07 qui pense que ce moment-là,
00:44:09 le moment où la France, en effet, du Front populaire,
00:44:12 a baissé les bras face à cette répétition générale
00:44:15 de la Seconde Guerre mondiale, la guerre d'Espagne,
00:44:18 je pense que c'est un moment...
00:44:20 Un moment de...
00:44:21 Une erreur stratégique et morale qui a été fatale, je le crois.
00:44:25 Je crois que tout a démarré là, la guerre d'Espagne.
00:44:28 Et je crois que quelque chose, tout, et je sais pas quoi,
00:44:31 mais quelque chose est en train de commencer en Ukraine,
00:44:35 et si on ne l'arrête pas là,
00:44:37 ça ira plus loin.
00:44:39 Sous quelle forme ? Je n'en sais rien.
00:44:42 Euh...
00:44:43 -Vous dites qu'il faut soutenir l'Ukraine jusqu'au bout.
00:44:47 Vous n'êtes pas le seul. Emmanuel Macron a dit ça.
00:44:50 Même si la guerre dure longtemps,
00:44:52 même si vous pensez qu'elle ne durera pas si longtemps que ça,
00:44:55 mais si l'Ukraine veut reconquérir la Crimée,
00:44:58 faut-il la soutenir ? -Bien sûr.
00:45:00 -L'Amérique, vous le savez, il y a peu de chances
00:45:03 que l'Amérique soutienne l'Ukraine.
00:45:05 -On verra.
00:45:06 Pour l'instant, comme je vous l'ai dit au début,
00:45:09 l'Amérique a soutenu l'Ukraine
00:45:12 en train d'enlever les pieds, au départ,
00:45:14 puisque le projet n'était pas de soutenir l'Ukraine,
00:45:17 mais d'exfiltrer le président Zelensky.
00:45:20 -Le projet, au départ, c'était de dire
00:45:22 qu'on n'interviendrait pas,
00:45:24 car on ne veut pas se retrouver à se battre contre les Russes.
00:45:28 Leurs arsenaux nucléaires sont assez dissuasifs
00:45:31 aux uns et aux autres,
00:45:32 mais c'était pas de ne pas soutenir l'Ukraine.
00:45:35 Ils soutenaient l'Ukraine.
00:45:37 Ils auraient préféré que Zelensky soit à l'abri.
00:45:40 -C'est l'histoire, mais les premiers jours de la guerre,
00:45:43 les États-Unis avaient envoyé des messages très clairs,
00:45:46 à savoir que, comme à l'époque de la guerre froide,
00:45:50 ils ne se mêleraient pas de cette affaire.
00:45:52 Je suis persuadé que c'est face à cet événement
00:45:55 assez inattendu pour eux, pas pour moi, d'ailleurs,
00:45:59 qui était la résistance des Ukrainiens,
00:46:01 leur courage et leur grandeur,
00:46:03 qu'en effet, ils se sont ravisés.
00:46:06 Je vois très bien le moment.
00:46:08 Biden était en Pologne au moment où le basculement s'est fait.
00:46:11 Il était dans un camp de réfugiés.
00:46:14 Et là, il y a eu une espèce de...
00:46:16 Contre son administration, contre le Pentagone,
00:46:19 il y a eu une sorte de moment de grâce
00:46:22 où Biden a choisi de changer de programme
00:46:24 et de s'engager derrière Zelensky.
00:46:27 Mais c'était pas écrit.
00:46:28 D'ailleurs, l'histoire n'est jamais écrite.
00:46:31 C'est pour ça qu'il faut tourner des films,
00:46:34 faire des émissions de télévision.
00:46:37 L'histoire, elle est ce que les hommes en font.
00:46:40 -Justement, quand vous montrez une espèce de partage du monde
00:46:43 assez clair, je me demande s'il n'est pas trop simple,
00:46:47 à la fois les empires autoritaires,
00:46:50 face aux démocraties,
00:46:53 une alliance entre...
00:46:55 plutôt les chrétiens orthodoxes
00:46:58 et l'islamisme radical contre les Juifs et les catholiques,
00:47:02 est-ce que c'est pas trop simple ?
00:47:05 -Oui, bien sûr que c'est trop simple.
00:47:08 D'autant qu'il y a chez nous en France
00:47:10 des gens ou en Europe qui sont partisans
00:47:13 de l'alliance dont on parle.
00:47:15 Vous avez des gens à l'extrême gauche et à l'extrême droite
00:47:18 qui, eux, se réjouissent beaucoup de ce plan russe.
00:47:22 Et vous avez de l'autre côté, en Russie, en Turquie, en Iran,
00:47:25 des hommes qui refusent de porter le voile
00:47:28 et qui prennent le risque de mourir pour promouvoir la démocratie.
00:47:32 C'est pas bloc contre bloc.
00:47:34 C'est ça, la grande erreur des théoriciens
00:47:36 de la guerre des civilisations.
00:47:38 Ils pensent que les civilisations, c'est des blocs géographiques,
00:47:42 homogènes, compacts, et tout d'une pièce.
00:47:45 Bien sûr que non. Tout ça s'interpénètre.
00:47:47 -Pour vous, c'est idéologique ? Les frontières sont idéologiques ?
00:47:51 -Pas les frontières. La démocratie et la tyrannie,
00:47:55 en effet, c'est... -Je veux dire...
00:47:57 -C'est l'idéologie. Et vous avez, aujourd'hui,
00:48:00 et c'est peut-être trop simple, mais c'est assez simple,
00:48:03 vous avez une alliance entre la Turquie, l'Iran,
00:48:07 la Russie, la Chine et le Hamas ou les talibans
00:48:11 ou ce qui reste de Daesh, une vraie alliance.
00:48:14 Et cette alliance, elle est alliée pour quoi ?
00:48:17 Elle est alliée pour faire rendre gorge...
00:48:20 à l'Europe et à ceux qui, chez eux, se réclament des valeurs européennes.
00:48:26 C'est ça, l'ordre du monde d'aujourd'hui.
00:48:29 -Vous aviez dit, dans les années 50,
00:48:31 "L'histoire de la guerre froide, le bloc soviétique,
00:48:34 c'est trop simple." Non, c'était ça.
00:48:36 -C'était simple, c'était un peu simple,
00:48:39 mais on était dans un monde bipolaire,
00:48:41 avec un tiers-monde. -Nous sommes dans un monde
00:48:44 bipolaire à nouveau, avec l'alliance des cinq dont je vous parle.
00:48:48 -Et pas multipolaire, comme beaucoup le croient.
00:48:50 Pour vous, c'est bipolaire. -La Chine, la Russie,
00:48:53 la Corée du Nord, l'Iran, il y a là une internationale du pire
00:48:57 qui compose, en effet...
00:48:59 C'est peut-être pas un pôle, mais c'est une alliance.
00:49:02 -Face à cette internationale du pire,
00:49:04 il y a l'Europe, les Etats-Unis,
00:49:06 il y a Israël. -Oui.
00:49:08 Et puis...
00:49:09 Eh bien, voilà. C'est comme ça.
00:49:11 Et puis, il y a ce qu'on appelle le Sud global,
00:49:15 dont... qui, pour l'instant,
00:49:16 est plutôt rallié à l'internationale du pire,
00:49:19 et je pense qu'on devrait déployer des efforts
00:49:22 beaucoup plus importants pour les rallier
00:49:25 à la cause de la démocratie.
00:49:27 -C'est pas tant qu'ils sont ralliés à l'internationale du pire
00:49:30 qu'ils en ont un peu marre de nous
00:49:32 faisant la morale ou le gendarme à travers le monde ?
00:49:35 -Le problème, c'est pas d'en avoir marre qu'on leur fasse la morale,
00:49:39 c'est d'en avoir marre qu'on pille leurs richesses,
00:49:42 qu'on humilie leur peuple.
00:49:44 C'est ce que font les Russes et les Chinois.
00:49:47 Moi, vous savez, j'ai couvert des guerres en Afrique.
00:49:50 Je connais l'Afrique. Je sais ce qui s'y passe.
00:49:52 Je sais qu'il n'y a plus d'impérialisme occidental
00:49:56 en Afrique. C'est du bidon, de la vieille propagande.
00:49:59 Il y a, en revanche, un impérialisme russe
00:50:01 et un impérialisme chinois extrêmement sérieux,
00:50:04 d'une sauvagerie qui n'a d'égal que la sauvagerie
00:50:08 qui a été la nôtre jadis.
00:50:10 Et je prie, si je savais prier,
00:50:14 je prierais pour que les peuples de ces pays
00:50:17 se rendent compte de l'erreur terrible qu'ils feraient
00:50:20 si, sous prétexte de s'arracher au fantôme d'un empire,
00:50:25 le nôtre, ils tombaient pieds et poings
00:50:28 sous la férule de l'empire réel,
00:50:30 qui est l'empire dont je vous parle, en l'occurrence,
00:50:33 russe-chinois. -Cet affrontement
00:50:35 entre deux blocs bipolaires,
00:50:38 le monde est bipolaire, avez-vous dit,
00:50:41 est-ce qu'il est inéluctable ?
00:50:43 Quand je vous entends, j'ai l'impression qu'il est inéluctable,
00:50:47 qu'on ne peut pas l'éviter. C'est une fatalité métaphysique.
00:50:51 -C'est pas une fatalité métaphysique,
00:50:53 c'est pas une fatalité, mais c'est un mouvement idéologique.
00:50:56 Vous avez, en Turquie,
00:51:00 une idéologie qu'on croyait avoir été éliminée,
00:51:03 qui est un mélange de frérisme
00:51:05 et de vieille idéologie ottomane.
00:51:08 Vous avez en Russie cet eurasisme dont on parlait tout à l'heure.
00:51:11 Vous avez, en Iran, les ayatollahs
00:51:14 plus le vieux rêve impérial perse, et ainsi de suite.
00:51:19 Vous avez des... En Chine,
00:51:22 vous avez le communisme, ou ce qu'il en reste,
00:51:24 qui est en train de se croiser
00:51:27 avec l'idée de ressusciter le vieil empire impérial
00:51:31 d'il y a 1 000 ans.
00:51:33 -Mais qui n'a jamais eu d'alliés, et qui n'en a toujours pas.
00:51:37 -Mais aujourd'hui, ils en ont.
00:51:39 -C'est pas une vraie alliance militaire, enfin.
00:51:42 -C'est compliqué, parce que le projet des Chinois
00:51:45 est en même temps, bien sûr, en gros,
00:51:48 de traiter la Russie ou Poutine
00:51:51 comme la Russie traite la Syrie de Bachar Al-Assad,
00:51:53 comme la Corse soutient le pendu.
00:51:56 Aujourd'hui, sans le soutien de la Chine,
00:51:58 sans le détournement des sanctions occidentales
00:52:01 auxquelles se prête la Chine,
00:52:03 ça fait longtemps que la Russie serait à genoux.
00:52:05 -Et la France ?
00:52:07 Ben, il est évident, l'affrontement que vous décrivez,
00:52:12 la France est divisée.
00:52:15 Vous la voyez divisée.
00:52:17 -Oui, bien sûr qu'elle est divisée.
00:52:19 Nous avons en France des gens qui souhaitent la victoire de Poutine,
00:52:23 comme autrefois, il y avait des gens qui souhaitaient
00:52:26 la victoire de l'Allemagne.
00:52:28 On l'a entendu pendant la campagne présidentielle.
00:52:31 Des hommes et des femmes souhaitaient la victoire de Poutine.
00:52:34 Vous avez, aux commandes de la France,
00:52:38 que je sache, jusqu'à ce jour,
00:52:40 un président de la République, un gouvernement,
00:52:43 qui ont choisi leur camp, le camp des démocraties,
00:52:46 qui se souviennent que nous sommes d'une grande nation,
00:52:49 qui se souviennent que nous sommes une nation sœur
00:52:52 des Etats-Unis d'Amérique, qui se souviennent du fait
00:52:55 que les Etats-Unis, c'est une Europe recommencée,
00:52:59 c'est une Europe en mieux, et que c'est ça, la fraternité
00:53:02 à laquelle nous sommes requis.
00:53:05 Voilà, la France en est là, que je sache.
00:53:07 -On comprend bien les risques qu'il peut y avoir
00:53:10 de guerres et d'élargissements, des guerres qui ont déjà lieu,
00:53:14 dans les Lévis, mais est-ce que la paix, dans tout ça,
00:53:17 c'est possible aussi ? Est-ce que la paix
00:53:19 entre les Israéliens et les Palestiniens
00:53:22 vous semble possible, dans les mois,
00:53:24 dans les années qui viennent ? Est-ce qu'une paix
00:53:27 entre l'Ukraine et la Russie vous semble possible ?
00:53:30 Je parle de vraie paix.
00:53:31 -La vraie paix, je vous dis une chose,
00:53:33 la vraie paix, c'est si la Russie est défaite.
00:53:36 Il n'y aura pas de paix tant que la Russie aura eu le sentiment
00:53:41 que le crime paye. Voilà.
00:53:43 Il n'y aura pas de paix. Il y aura la Corée du Nord,
00:53:46 la Corée du Sud, il y aura un cessez-le-feu armé
00:53:49 qui durera très longtemps.
00:53:51 La vraie paix, c'est-à-dire la paix des coeurs,
00:53:53 la paix des âmes, et pas seulement la paix des traités,
00:53:57 c'est si, en effet, le régime russe,
00:53:59 qui a précipité son peuple dans cette guerre insensée,
00:54:03 le paie, bien sûr.
00:54:05 -Et entre Israël et les Palestiniens ?
00:54:08 -La même chose. Entre Israël et les Palestiniens,
00:54:11 bien sûr que la paix, moi, c'est un des projets de ma vie.
00:54:15 C'est les premiers articles que j'ai publiés
00:54:18 lorsque j'étais jeune homme, c'était ça,
00:54:20 c'était pour les deux Etats.
00:54:22 Mais qu'est-ce que vous voulez faire
00:54:24 face à un parti comme le Hamas ?
00:54:27 C'est très difficile.
00:54:29 Face au Hezbollah, c'est très difficile.
00:54:31 Quel est le but de guerre du Hezbollah ?
00:54:34 Comme je l'ai entendu tout à l'heure à votre flash,
00:54:37 quand ils lancent aujourd'hui des obus sur le nord d'Israël,
00:54:40 quel est leur but de guerre ?
00:54:42 Y a-t-il un territoire à reconquérir ? Y a-t-il une revendication ?
00:54:46 Non, y a la volonté de tout faire pour qu'il n'y ait pas la paix.
00:54:49 Lorsque le Hezbollah et le Hamas auront été vaincus,
00:54:54 mais vaincus, c'est vaincu, c'est pas un compromis,
00:54:57 c'est pas un cessez-le-feu, c'est pas un accord,
00:55:00 c'est vaincu, comme on a vaincu Hitler en 1945,
00:55:03 quand l'Allemagne a capitulé.
00:55:05 Quand ces gens-là capitulent,
00:55:08 alors la paix devient possible, bien sûr.
00:55:11 -On va revenir sur la grande marche contre l'antisémitisme.
00:55:15 Vous allez nous quitter dans les Vies.
00:55:18 -Oui, bien sûr.
00:55:19 -C'était une réussite pour vous ?
00:55:21 -Oui, c'était une réussite, je peux vous dire,
00:55:24 déjà, pour les Juifs de France,
00:55:28 qui se sentent, pas depuis le 7 octobre,
00:55:31 depuis assez longtemps, tellement seuls,
00:55:34 et parfois abandonnés,
00:55:35 depuis le meurtre d'Ilan Elimi,
00:55:39 depuis le meurtre impuni de Sarah Elimi,
00:55:42 qui est un grand scandale démocratique et républicain,
00:55:46 l'impunité du meurtrier.
00:55:47 C'est un autre débat.
00:55:49 Les Juifs de France se sentent seuls.
00:55:51 Cet après-midi, je voyais des larmes,
00:55:54 des émotions chez beaucoup de mes compatriotes
00:55:57 et frères en esprit, et sœurs en esprit, juifs, oui.
00:56:01 De ce point de vue, c'est une réussite.
00:56:03 C'était un beau moment d'unité républicaine.
00:56:07 Également, on parlait de Sartre et Foucault tout à l'heure,
00:56:11 il y avait là un beau, comme dirait Jean-Paul Sartre,
00:56:14 un beau groupe en fusion.
00:56:16 C'est ça qui a fait ce trajet parisien,
00:56:20 un groupe en fusion.
00:56:21 C'est un beau moment d'histoire de France.
00:56:24 -Merci, Bernard Elévy.
00:56:25 Je rappelle que votre film "L'Ukraine au coeur",
00:56:28 c'est mardi à 21h10 sur France 2.
00:56:31 Le rappel des titres, Maureen Vidal,
00:56:34 et puis on revient sur la marche contre l'antisémitisme
00:56:38 avec de nouveaux invités qui entrent maintenant sur le plateau.
00:56:43 Musique de tension
00:56:45 -Plusieurs civils israéliens ont été blessés dans le nord du pays
00:56:49 après un tir de missile depuis le Liban frontalier.
00:56:52 L'entreprise Israël Electric Corporation a indiqué
00:56:55 qu'un missile avait touché des employés
00:56:57 qui réparaient des lignes électriques endommagées.
00:57:00 Le Hezbollah a revendiqué ses frappes sur le nord d'Israël
00:57:03 et a fait des victimes de l'armée israélienne.
00:57:06 Médecins sans frontières redoutent
00:57:08 que les hôpitaux de Gaza ne se transforment qu'en morgue.
00:57:11 Plusieurs établissements hospitaliers sont soumis
00:57:14 à des pénuries d'électricité alors que de nombreux civils y sont réfugiés.
00:57:18 Des soldats israéliens ont ouvert et sécurisé un passage
00:57:21 pour permettre à la population civile d'évacuer à pied
00:57:24 des hôpitaux d'Al-Shifa, Al-Rantissi et Al-Nasser.
00:57:28 Le président turc Recep Tayyip Erdogan
00:57:31 appelle à faire pression sur les Etats-Unis
00:57:33 pour stopper l'offensive d'Israël à Gaza.
00:57:36 Nous devrions discuter avec l'Egypte et les pays du Golfe.
00:57:39 Le chef de l'Etat turc a précisé qu'aucun accord ne pourrait être fait
00:57:43 avec Joe Biden tant que Washington ne considère pas Israël
00:57:46 comme une terre palestinienne.
00:57:48 ...
00:58:00 -Bienvenue. Si vous venez de nous rejoindre,
00:58:02 les visiteurs du soir, c'est tous les dimanches,
00:58:05 de 22h jusqu'à minuit. On va maintenant revenir
00:58:08 sur la grande marche contre l'antisémitisme
00:58:10 qui a eu lieu à Paris et sur les polémiques qui l'entourent.
00:58:13 Autour de moi, il y a Jean-Christophe Attias,
00:58:16 historien et philosophe, historien du judaïsme et philosophe.
00:58:20 Vous êtes l'auteur de "Pensez, le judaïsme"
00:58:22 ou d'un juif de mauvaise foi.
00:58:25 Le dernier, c'est "Dieu n'a pas créé la nature".
00:58:28 La philosophe et musicologue Danielle Cohen-Levinas,
00:58:32 à qui l'on doit l'anti-judaïsme à l'épreuve de la philosophie
00:58:36 et de la théologie, avec Antoine Guggenheim
00:58:39 ou "L'Impardonnable".
00:58:40 Yana Grinspoon, qui est linguiste, vous enseigne à la Sorbonne Nouvelles.
00:58:45 Vous êtes codirectrice de l'axe Nouvelle Radicalité
00:58:48 au sein du réseau de recherche sur le racisme et l'antisémitisme.
00:58:52 Vous avez publié cette année
00:58:53 "La fabrique des discours propagandistes contemporains".
00:58:57 Malik Bezou, vous êtes physicien.
00:58:59 Vous êtes l'auteur de "Ils ont trahi Allah"
00:59:01 et de "Je vais dire à tout le monde que tu es juif",
00:59:04 histoire comparée de l'anti-judaïsme et de l'antisémitisme
00:59:08 en Orient et en Occident.
00:59:09 Jean-Philippe Tanguy, vous êtes député
00:59:12 Rassemblement national de la Somme,
00:59:14 président délégué du groupe RN à l'Assemblée nationale.
00:59:18 Nous voulions inviter un représentant de la France insoumise.
00:59:22 Aucun n'a voulu venir.
00:59:23 Alors, est-ce que cette grande marche a été une réussite,
00:59:27 à vos yeux, Jean-Christophe Athiès ?
00:59:29 -Oui. Oui, oui, c'était une réussite.
00:59:32 L'atmosphère était plutôt...
00:59:36 Une fois qu'on s'était mêlé à la foule
00:59:39 et qu'on oubliait un tout petit peu le contexte,
00:59:42 les affrontements entre partis,
00:59:45 les récupérations, les condamnations, tout ce qu'on a vécu,
00:59:48 c'était plutôt une marche consensuelle.
00:59:52 Et...
00:59:53 Moi, je l'ai vécu... Je l'ai vécu sereinement.
00:59:57 Et j'étais pas parti serein, pour autant.
00:59:59 -Danielle Cohen-Levinas ?
01:00:01 -Oui, je crois que c'est une réussite.
01:00:04 Il y a eu une réponse
01:00:07 à l'appel d'une mobilisation républicaine,
01:00:12 par-delà les clivages et les fractures,
01:00:16 qui sont nombreuses
01:00:18 et qui, ces dernières semaines, se sont radicalisées.
01:00:21 Je pense que c'était une réussite.
01:00:23 -Yana Gainspoon ?
01:00:24 -Oui et non, parce que je crois que ça a réconforté
01:00:27 beaucoup de citoyens juifs
01:00:28 qui se sont sentis abandonnés ces derniers temps.
01:00:31 L'absence du président de la République
01:00:34 a marqué les esprits.
01:00:35 On peut peut-être comprendre son attitude
01:00:37 quand on sait comment il s'est comporté en Israël,
01:00:40 en allant embrasser les familles des victimes
01:00:43 et en allant écouter le discours de Mahmoud Abbas
01:00:45 sans brancher sur tout ce que Mahmoud Abbas pouvait dire.
01:00:48 Donc ça a beaucoup déçu tout le monde.
01:00:51 Je pense.
01:00:52 Et ça a donné un signal fort à la communauté juive
01:00:55 qui ne sait pas à quoi s'attendre aujourd'hui.
01:00:57 -Malik Bezou ?
01:01:00 -On peut considérer que c'était un succès,
01:01:03 puisqu'effectivement, il y avait quand même beaucoup de monde.
01:01:06 Mais, comme dirait cette marche,
01:01:09 a été effectivement entachée de nombreuses polémiques,
01:01:13 de débats futiles, stériles, sans intérêt.
01:01:16 Donc, je suis partagé.
01:01:20 -C'était une marche très digne.
01:01:22 Les problèmes politiques qu'il y a eu ne comptent pas beaucoup.
01:01:26 Par contre, si je suis honnête avec vous,
01:01:28 je ne peux pas dire que je me satisfasse
01:01:31 du nombre de personnes présentes.
01:01:33 J'étais aussi dans ma circonscription.
01:01:35 -On a parlé de 105 000 à Paris, 186 000 en province.
01:01:38 -On est loin des grandes manifestations
01:01:40 qui ont pu marquer l'histoire de France.
01:01:43 Moi, je l'ai aussi vue sur le terrain.
01:01:45 Nos compatriotes, je pense, sous-estiment,
01:01:47 soutiennent massivement.
01:01:49 Je n'ai eu que des soutiens,
01:01:51 aussi bien lors des célébrations du 11 novembre
01:01:53 que la veille dans ma circonscription.
01:01:55 Mais je pense que nos compatriotes sous-estiment
01:01:58 le danger qui menace la France
01:02:01 et les démocraties occidentales en général,
01:02:03 sous-estiment malheureusement la vague d'antisémitisme.
01:02:06 Nous avons d'un côté un peuple français
01:02:09 qui est largement unanime par-delà les clivages politiques,
01:02:12 mais je crois qu'il y a encore un manque de conscience
01:02:15 de ce que nos compatriotes de confession juive
01:02:18 en France et en Occident.
01:02:19 On ne peut que se satisfaire de l'ambiance de la manifestation.
01:02:23 Par contre, je pourrais dire que je suis content
01:02:25 et que tout va bien.
01:02:27 En tant qu'élu de la nation, j'ai une inquiétude,
01:02:29 que j'avais déjà vue, perçue lors de la manifestation
01:02:32 de soutien au peuple israélien après les attentats
01:02:35 aux dieux qu'ils avaient subis.
01:02:37 Je pense que nos compatriotes sous-estiment
01:02:40 la menace qui frappe l'Occident.
01:02:41 -Vous l'avez dit, l'absence d'Emmanuel Macron
01:02:44 a fait polémique.
01:02:46 Il avait choisi de ne pas participer
01:02:48 à la marche d'aujourd'hui contre l'antisémitisme.
01:02:50 Il a dit qu'il ne prenait jamais part à aucune manifestation
01:02:54 et qu'il était le garant de l'unité.
01:02:56 Il a préféré s'exprimer par une lettre au français
01:02:59 parue dans "Le Parisien" où il appelle à ne pas avoir
01:03:02 de tolérance pour l'intolérable.
01:03:04 Alors, est-ce que cette absence, vous l'avez ressentie,
01:03:07 problématique, comme Yannick Rimspoon ?
01:03:11 -Problématique, je ne sais pas.
01:03:13 C'était sans doute la place du président de la République.
01:03:16 Est-ce la place d'Emmanuel Macron ? Je n'en sais trop rien.
01:03:19 J'ai un peu de mal à suivre le président de la République
01:03:23 en fonction.
01:03:24 Il y a des contradictions dans son parcours.
01:03:30 Il y a des choses qui sont dites,
01:03:33 d'autres qui viennent en contradiction
01:03:35 avec ce qui a été dit précédemment.
01:03:37 On a l'impression que le président se méfie
01:03:40 et est un peu timoré.
01:03:42 Qu'il n'ait pas été là n'est pas une catastrophe.
01:03:44 Je pense que sa présence aurait pu créer
01:03:47 un peu plus de division au lieu de rassembler davantage.
01:03:50 Donc, c'était une sage décision,
01:03:52 même si on peut la regretter par ailleurs, dans l'absolu.
01:03:56 -Danielle Cohn-Lévinas ?
01:03:58 -On a beaucoup entendu de points de vue
01:04:02 sur cette question-là.
01:04:04 Il y a une surfocalisation sur la présence,
01:04:07 de la non-présence du président
01:04:10 à cette manifestation.
01:04:12 Je pense tout de même très significatif.
01:04:15 Il faut le rappeler, quelques jours après les événements,
01:04:19 le massacre du 7 octobre,
01:04:20 il s'est rendu en Israël, certes, avec ceux que vous vous rappelez,
01:04:25 mais il a manifesté d'emblée sa solidarité
01:04:28 et son soutien à Israël.
01:04:31 C'était important.
01:04:32 -La manif d'aujourd'hui n'était pas une manif de soutien à Israël.
01:04:36 -Absolument. Ca, c'est très important.
01:04:38 Mais bon, en effet, on peut s'en attrister,
01:04:42 ça, c'est sûr.
01:04:43 Il aurait envoyé un signal extrêmement fort
01:04:47 et surtout, dans cette perspective
01:04:51 de susciter l'unité nationale,
01:04:54 il aurait pu se situer par-delà, justement,
01:04:58 ses clivages, mais il n'a pas souhaité...
01:05:01 Il n'a pas souhaité, comment dirais-je...
01:05:06 A titre, enfin, par rapport à ce qu'il représente,
01:05:09 s'enfermer peut-être dans une représentation futelle symbolique,
01:05:14 c'est-à-dire comme un marquage très fort et républicain
01:05:19 contre l'antisémitisme.
01:05:21 On peut le regretter.
01:05:23 Maintenant, surfocaliser sur ça, je crois que c'est un faux débat.
01:05:27 -Il y a ajouté quelque chose ?
01:05:28 -On peut se demander si le président de la République
01:05:31 était en position d'incarner cette unité nationale.
01:05:34 C'est peut-être le doute qu'il a eu,
01:05:37 qu'il a poussé à se mettre un peu en réserve, en retrait.
01:05:40 C'était son don de la sagesse.
01:05:42 -On a beaucoup cité toute la journée François Mitterrand,
01:05:45 qui avait manifesté en 1990
01:05:47 après la profadation du cimetière de Carpentras,
01:05:50 ou François Hollande, qui avait manifesté,
01:05:52 président de la République lui aussi,
01:05:54 en 2015 après l'attentat contre Charlie Hebdo et l'hypercachère.
01:05:58 Mais aussi bien François Mitterrand et François Hollande,
01:06:01 les leaders du PS, avaient l'habitude de manifester.
01:06:04 On peut penser qu'Emmanuel Macron n'a aucune culture
01:06:07 de la manifestation, il n'a jamais manifesté de sa vie.
01:06:10 -Je ne suis pas tout à fait d'accord avec ma voisine,
01:06:13 parce que je pense que beaucoup de gens qui étaient
01:06:16 à la manifestation étaient là pour soutenir Israël,
01:06:19 parce que cette manifestation a eu lieu
01:06:22 après les massacres du 7 octobre,
01:06:24 et on pouvait y voir les drapeaux français,
01:06:26 mais aussi les drapeaux israéliens.
01:06:29 Pour beaucoup de gens, il y avait beaucoup de juifs,
01:06:32 il faut voir la foule, c'était une manifestation
01:06:34 contre l'antisémitisme pour la République,
01:06:37 mais aussi pour soutenir Israël.
01:06:39 -C'est pas comme ça que ça a été présenté.
01:06:42 -Non, mais quand vous parlez avec des gens,
01:06:44 ils sont là pour dire qu'ils sont là pour montrer qu'on existe,
01:06:48 en face des foules pro-palestiniennes
01:06:50 qui manifestent souvent et qui sont beaucoup plus nombreuses.
01:06:54 C'est ce que disent les gens, pas les politiciens.
01:06:57 Ils sont là pour montrer leur présence.
01:06:59 C'est un peu narcissique aussi,
01:07:01 ça fait partie de leur fonction.
01:07:03 Donc ça, c'est pour les manifestations.
01:07:05 Je vais juste ajouter à propos de Macron,
01:07:08 on sait que c'est le président de "En même temps".
01:07:11 C'est le président qui donne des leçons, par exemple, à Israël,
01:07:15 et ça, on le sait, en disant qu'il faut le cessez-le-feu.
01:07:18 Et aujourd'hui, ce matin, il appelle à midi
01:07:21 au président d'Israël pour dire que ce n'est pas ce qu'il voulait dire,
01:07:25 il avait le droit de vous défendre.
01:07:27 C'est un discours et le contraire de son discours.
01:07:30 On peut interpréter son absence dans ce sens-là.
01:07:33 -Malik Bezo.
01:07:36 -Oui, pardon. Concernant la présence ou pas du président Macron,
01:07:40 je pense qu'il n'a pas voulu donner, effectivement,
01:07:43 l'impression, peut-être, d'aller dans une manifestation
01:07:47 qui, malgré tout, a suscité des polémiques,
01:07:49 parce qu'il y a eu tout un courant de pensée intellectuelle, etc.,
01:07:53 d'hommes politiques, qui ont considéré
01:07:56 que c'était une manifestation...
01:07:58 On soutient Israël, au fond.
01:08:00 -C'est ce qu'il a l'air de dire.
01:08:02 -Et donc, peut-être, il a voulu aussi se montrer,
01:08:05 on dirait, rassembleur,
01:08:07 et éviter de fracturer le pays plus qu'il ne l'est déjà.
01:08:10 -Jean-Philippe Tanguy.
01:08:12 -Si je reprends ce que vous venez de dire, monsieur,
01:08:15 le fait que le président soit présent
01:08:17 à une manifestation d'unité de la nation contre l'antisémitisme
01:08:21 et qu'il puisse possiblement fracturer la société,
01:08:24 la situation est extrêmement grave.
01:08:26 Je crois que monsieur Macron a raté une occasion historique
01:08:29 d'incarner la nation.
01:08:31 Les Français attendaient qu'il prenne la tête de ce cortège.
01:08:34 C'est pas une attaque personnelle de dire
01:08:37 que monsieur Larcher et madame Brune-Pivet
01:08:39 n'ont pas un poids politique ni une notoriété.
01:08:42 C'est pas une attaque personnelle.
01:08:44 Elle n'a pas le poids politique objectif
01:08:47 que pourrait avoir celui de monsieur Macron.
01:08:50 En tout, monsieur Macron, dans son personnage,
01:08:52 s'est enfermé d'une personnalité clivante.
01:08:55 Il n'envisage pas la capacité de rassembler la nation
01:08:58 autrement que contre des adversaires réels ou supposés.
01:09:01 Et sa politique envers Israël est complètement illisible.
01:09:05 Une vraie toupie, cette semaine, où il a changé,
01:09:08 je l'ai compté, cinq fois de position.
01:09:10 Encore une fois, cet après-midi, où il est revenu sur ses positions.
01:09:14 Mais les positions qu'il a prises hier,
01:09:17 avec le Rassemblement sur ce qu'il a dit,
01:09:19 dans l'attente de la manifestation,
01:09:21 ont été saluées et reprises par l'ensemble des députés insoumis,
01:09:25 les pires soutiens des terroristes.
01:09:27 En fait, monsieur Guiraud a estimé
01:09:30 que monsieur Macron se ralliait
01:09:32 aux thèses des insoumis sur le cessez-le-feu.
01:09:34 C'était un retournement qui était très grave.
01:09:37 Que va être la position définitive de monsieur Macron ?
01:09:41 En tout cas, il était incapable d'exprimer une position claire
01:09:44 à la tête de cette manifestation.
01:09:46 Les deux options, que monsieur Macron,
01:09:49 un an après sa réélection, ne soit pas capable d'incarner la nation,
01:09:53 que cette prise de position contre l'antisémitisme
01:09:56 soit une possibilité de fracturer la société,
01:09:59 c'est encore plus grave.
01:10:01 Et le fait que sa position sur un sujet aussi grave
01:10:04 soit illisible par les commentateurs,
01:10:06 est dramatique.
01:10:08 - Christophe Attias ? - Deux petites choses.
01:10:10 Sur l'unité nationale,
01:10:12 je pense que les précédents, Mitterrand et Hollande,
01:10:15 ne sont pas forcément très pertinents,
01:10:18 puisque l'unité nationale était là avant.
01:10:21 Ils sont contentés de l'incarner.
01:10:23 Là, c'est plus compliqué.
01:10:25 La société française est fracturée
01:10:27 et monsieur Macron n'est probablement pas en mesure
01:10:30 d'incarner une unité qui n'existe pas.
01:10:33 Deuxième chose, je fais partie de ces manifestants,
01:10:36 qui, sans doute, étaient un certain nombre,
01:10:39 qui ont manifesté contre l'antisémitisme,
01:10:42 dans le public, évidemment.
01:10:43 Je n'ai pas manifesté en faveur d'Israël.
01:10:47 J'ai manifesté comme juif et comme citoyen,
01:10:52 contre l'antisémitisme et ses manifestations présentes,
01:10:57 qui sont effectivement très inquiétantes.
01:11:01 Je mesure le désarroi de mes co-religionnaires
01:11:05 et de mes concitoyens juifs.
01:11:07 Le choc qu'ils ont traversé doit être pris en compte.
01:11:11 Et leur manière de réagir à l'événement,
01:11:16 indépendamment de leur attachement à l'État d'Israël,
01:11:19 c'est encore autre chose.
01:11:20 Ce qui s'est passé le 7 et le 8 octobre,
01:11:23 c'est une vraie rupture dans l'histoire des Juifs,
01:11:26 d'une manière générale.
01:11:28 C'est vécu, en tout cas, comme cela, par beaucoup de Juifs.
01:11:31 C'est la fin de la foi ou de la confiance
01:11:35 en ce que pouvait être Israël,
01:11:37 dans l'esprit de beaucoup de Juifs,
01:11:39 mais l'État-refuge n'existe pas.
01:11:42 Il n'y a pas d'État-refuge pour les Juifs.
01:11:44 L'État d'Israël était incapable,
01:11:46 n'a pas été en mesure de protéger ses propres citoyens.
01:11:49 On n'attendra pas qu'il protège les Juifs
01:11:51 en dehors de ses frontières.
01:11:53 Et donc, ça, c'est un choc puissant vécu par les Juifs.
01:11:58 C'est finalement le retour à une condition
01:12:01 que je qualifierais de diasporique, de fragilité.
01:12:04 Tout d'un coup, on se rend compte que là-bas, comme ici,
01:12:08 les Juifs peuvent se retrouver en position de faiblesse,
01:12:12 de fragilité, exposés à des violences
01:12:14 auxquelles ils ne sont pas forcément toujours en mesure
01:12:17 de répondre victorieusement.
01:12:19 Donc là, il y a quelque chose de grave qui se passe.
01:12:21 C'est pour ça que j'ai manifesté d'abord,
01:12:23 pour manifester une forme de solidarité,
01:12:26 bien sûr, pour exprimer l'attachement que j'ai
01:12:30 à la République et aux valeurs qu'on lui attribue,
01:12:33 qui ne sont pas toujours réalisées, malheureusement,
01:12:35 mais je pense qu'il y a aussi cette dimension-là.
01:12:38 La manifestation et même la présence de nombreux Juifs
01:12:41 dans cette foule a un soutien à Israël.
01:12:44 Ça me paraît réducteur, y compris pour ceux qui sont venus là
01:12:48 pour soutenir Israël.
01:12:49 Ça va, à mon avis, bien au-delà.
01:12:51 - Dénagrège Poune ?
01:12:52 - Oui, ce qui me tente aussi,
01:12:55 c'est quand on manifeste contre l'antisémitisme,
01:12:57 comme s'il n'y avait pas d'antisémite.
01:12:59 Il y a quand même des acteurs de ces actes.
01:13:01 Et s'il faut que je rappelle les meurtres des Juifs en France,
01:13:05 à partir de 2003, c'était le meurtre de Sébastien Sélam,
01:13:10 c'était des actes qui étaient commis par des gens
01:13:13 qui étaient quand même imbibés par l'idéologie extrémiste.
01:13:18 C'était des musulmans radicaux.
01:13:20 Et si on les compte, il n'y en avait aucun autre tueur.
01:13:24 Et donc, moi, j'entends qu'on manifeste contre l'antisémitisme,
01:13:27 c'est très bien, mais c'est très abstrait.
01:13:29 L'antisémitisme a quand même des acteurs,
01:13:32 des antisémites ou des antisionistes.
01:13:34 Je crois qu'il faut aussi en parler.
01:13:36 Et donc, aujourd'hui, quand je vous ai entendus,
01:13:38 il faut quand même que les gens ne manifestent pas
01:13:40 contre quelque chose qui est abstrait pour la République,
01:13:43 mais contre quelque chose de très concret,
01:13:45 qui émane des idéologies très particulières.
01:13:47 Donc ça, il ne faut pas l'oublier.
01:13:49 Et donc, je ne vois pas non plus aussi
01:13:50 pourquoi il y a des gens qui manifestent pour la Palestine
01:13:53 et pourquoi on a tellement peur de dire
01:13:55 qu'on peut manifester et soutenir Israël,
01:13:57 qui est dans un état de détresse
01:13:59 et qui incarne aujourd'hui les valeurs occidentales au Proche-Orient.
01:14:04 Mais moi, je pense qu'une des réponses, madame,
01:14:06 c'est qu'en fait, ces gens ne manifestent pas pour la Palestine.
01:14:09 Je pense que ces gens manifestent uniquement contre les Juifs.
01:14:13 Et c'est comme ça qu'il faut le dire.
01:14:14 Et d'ailleurs, on voit bien la capacité des organisateurs,
01:14:17 même quand ce sont des partis politiques
01:14:18 ou des associations établies à faire le tri,
01:14:22 à empêcher les débordements antijuifs,
01:14:24 ce n'est pas antisémites d'ailleurs,
01:14:25 parce qu'en fait, il faut aussi dire que beaucoup de gens ne savent pas
01:14:27 ce que ça veut dire, en fait, antisémite.
01:14:28 Donc, il y a un moment, il va falloir utiliser
01:14:29 sans doute le bon mot plus simple, c'est "antijuif".
01:14:32 C'est contre les Juifs.
01:14:34 D'ailleurs, j'en veux pour preuve que quand les Saoudiens massacrent
01:14:37 plus de 350 yéménites, il n'y a pas une manifestation à Paris
01:14:41 ou dans les autres capitales occidentales.
01:14:42 Les massacres, l'internement, la déportation des Ouïghours,
01:14:46 il y a eu quelques micro-manifestations,
01:14:49 mais on voit bien que derrière l'utilisation du drame de la Palestine,
01:14:54 c'est évidemment un déferlement de haine contre les Juifs.
01:14:57 Et c'est caractérisé comme ça.
01:14:59 Et quand vous avez des députés de la nation,
01:15:01 plusieurs partis d'ailleurs,
01:15:02 qui ne sont pas capables de s'éloigner d'un préfeur de haine
01:15:04 sur un camion qui est extrêmement clair, malheureusement,
01:15:08 dans les propos qu'il tient, non pas seulement contre Israël,
01:15:10 mais comme État juif, Israël comme État juif,
01:15:13 contre des citoyens israéliens qui sont désignés
01:15:16 uniquement par leur religion,
01:15:18 ou leur religion supposée, leur culture, leur civilisation,
01:15:20 on est face à la haine des Juifs, tout simplement.
01:15:23 Et on voit bien le débordement de la haine des Juifs
01:15:25 jusque dans les plus grandes universités occidentales.
01:15:28 Quand je vois des lieux de culture,
01:15:30 des lieux par essence de civilisation, de tolérance,
01:15:33 que devraient être les universités,
01:15:34 qui sont submergés par la haine, pas d'Israël,
01:15:38 c'est pas un débat de géopolitique,
01:15:40 c'est la haine des Juifs.
01:15:42 Et la réaction collective qu'il y a,
01:15:45 non seulement de ces universités qui sont quasi inexistantes,
01:15:47 mais des sociétés démocratiques, ne sont pas à la hauteur.
01:15:51 Et moi, c'est ça un peu le...
01:15:52 Je ne vais pas dire l'amertume, je ne veux pas être cassandre,
01:15:55 mais bon, il y a quand même un moment,
01:15:57 je ne sens pas de réaction collective, effectivement.
01:16:01 Je suis désolé, M. Clarsfeld, d'ailleurs,
01:16:02 Arnaud Clarsfeld l'avait dit après la première manifestation,
01:16:04 il y avait essentiellement des concitoyens de confession juive.
01:16:08 Alors c'est normal, mais on ne peut pas se satisfaire
01:16:11 que la solidarité nationale ne s'exerce pas
01:16:15 de manière beaucoup plus audible, beaucoup plus massive.
01:16:17 Je m'interroge aussi, la dernière manifestation de force
01:16:19 contre l'islamisme, c'était contre les islamistes,
01:16:21 à savoir suite à l'attentat de Charlie,
01:16:24 vous aviez 4 millions de personnes,
01:16:26 je crois que c'était le 10 janvier 2015, dans la rue.
01:16:29 Il y avait donc une réaction massive de la société française
01:16:32 contre les islamistes pour la liberté d'expression,
01:16:34 pour nos valeurs, aussi, dans un contexte,
01:16:37 aussi d'ailleurs contre les antisémites.
01:16:39 Et est-ce que la société française, finalement,
01:16:42 n'a pas été déçue de la réaction politique
01:16:44 suite à cette manifestation massive ?
01:16:46 Comme si le fait que 4 millions de personnes,
01:16:47 donc presque 10 % des Français aillent dans la rue,
01:16:51 disent "stop" à l'islamisme et que, fidiblement,
01:16:54 cette mobilisation citoyenne n'a pas entraîné
01:16:56 de réaction politique à la hauteur d'empêcher encore des atrocités,
01:16:59 puisque c'était encore pire quelques mois après avec le Bataclan,
01:17:02 puisque c'était encore pire, si il y a une échelle dans l'horreur,
01:17:05 avec ce qui s'est passé à Nice et un camion
01:17:06 qui a massacré des dizaines d'innocents,
01:17:10 d'ailleurs, de toute confession, évidemment, la barbarie absolue.
01:17:13 Est-ce que la société française, peut-être,
01:17:15 se sent abandonnée par sa réaction politique ?
01:17:17 Je ne peux pas m'expliquer autrement la différence
01:17:19 entre ce que j'entends sur le terrain de...
01:17:21 Pas de fracturation, je suis désolé,
01:17:22 mais je n'entends sur ma circonscription dans la Somme
01:17:24 que des gens qui sont contre l'antisémitisme
01:17:27 et contre les antisémites et leur absence de mobilisation politique.
01:17:30 C'est sans doute qu'ils sont déçus par ce qui les dirige.
01:17:31 Je ne vois pas d'autre explication.
01:17:32 - Malik Bezou.
01:17:33 - Alors, par rapport à ce que je viens d'entendre,
01:17:37 je ne peux que m'inscrire en faux.
01:17:39 Réduire les manifestations en faveur des Palestiniens
01:17:45 et de la cause palestinienne à un déferlement
01:17:49 anti-juif, anti-sémite, c'est pour le moins excessif.
01:17:52 Ça ne correspond pas à la réalité.
01:17:54 Cependant, il est vrai que dans les cortèges
01:17:58 pro-palestiniens, favorables à la Palestine,
01:18:01 on aura effectivement des éléments radicalisés,
01:18:05 des individus qui vont verser
01:18:08 dans l'anti-judaïsme, dans la détestation
01:18:12 de l'altérité juive.
01:18:14 Donc, je rejoindrai très, très, très partiellement
01:18:17 mon voisin sur le fait que, oui, il y a des individus
01:18:20 qui abandent dans ce sens-là, c'est-à-dire
01:18:23 une détestation de l'altérité juive.
01:18:25 Mais considérer que les manifestations
01:18:28 en faveur de la Palestine sont, en fait,
01:18:31 un déversement de haine anti-juive,
01:18:33 c'est, qu'on dirait, ce n'est pas la réalité.
01:18:36 On peut être tout à fait favorable à la cause palestinienne,
01:18:39 qui est légitime et fondée, parce qu'il faut quand même
01:18:41 rappeler un problème majeur, une réalité,
01:18:45 aujourd'hui, c'est qu'on a une situation
01:18:50 d'occupation et de colonisation des territoires palestiniens
01:18:55 qui engendre de la désespérance, de la souffrance
01:18:58 du côté des Palestiniens, et ça fait naturellement le lit
01:19:02 des mouvements radicaux, extrémistes palestiniens.
01:19:05 Donc, on ne peut pas faire fi de cette réalité,
01:19:08 celle de l'occupation. C'est un problème global
01:19:11 qu'il convient de régler. Je suis absolument...
01:19:14 J'ai écrit que le Hamas, je le considère
01:19:16 comme l'ennemi de la cause palestinienne.
01:19:19 Ce qu'il a fait le 7 octobre est absolument,
01:19:24 comment dirais-je, est inqualifiable,
01:19:26 et les dirigeants de ce mouvement doivent qu'on parait
01:19:29 devant un tribunal international pour rendre compte de leur crime.
01:19:33 Mais la réponse qu'il y a derrière,
01:19:37 consistant à raser Gaza avec des dizaines de milliers de morts,
01:19:42 parce qu'on va arriver vers ça automatiquement, indéniablement,
01:19:46 c'est clairement pas la solution.
01:19:48 Aujourd'hui, la solution, elle est politique,
01:19:50 et ce n'est pas solutionné.
01:19:53 Depuis des décennies, on a laissé faire...
01:19:55 -On ne va pas faire le débat.
01:19:57 -Je veux simplement dire qu'on ne peut pas réduire
01:20:01 les manifestations en faveur de la cause palestinienne
01:20:04 à un déferlement de haine anti-juive.
01:20:07 -On parle... Oui.
01:20:08 Juste pour avancer, on reviendra à ce...
01:20:11 -Ce sont les éléments... -Allez-y.
01:20:13 -Non, je voudrais juste revenir un petit peu
01:20:16 sur la question de la manifestation.
01:20:18 Je crois qu'on... C'est sans surprise.
01:20:22 L'antisémitisme n'a pas surgi le 7 octobre.
01:20:26 Et en effet, on pourrait rappeler un certain nombre d'événements
01:20:30 clairement antisémites qui ont eu lieu sur le sol français
01:20:33 depuis le début du XXIe siècle.
01:20:37 Mais ce qu'il faut peut-être rappeler,
01:20:39 c'est que l'antisémitisme est souvent le signal,
01:20:45 le symptôme, le marqueur très, très puissant
01:20:48 d'une société, d'une politique, d'une république,
01:20:52 d'une démocratie qui est en train de se déliter.
01:20:55 Et très souvent, c'est non pas une réponse,
01:20:59 mais c'est précisément la manifestation
01:21:02 de ce délitement.
01:21:03 Et lorsque je dis que...
01:21:07 Oui, je crois qu'on peut...
01:21:11 On peut...
01:21:13 On peut souligner la positivité de la mobilisation aujourd'hui.
01:21:18 C'est qu'il y a eu une sorte de sursaut,
01:21:21 de sursaut républicain par rapport à ce délitement.
01:21:24 Ce qui ne veut pas dire que c'est une solution,
01:21:26 mais un sursaut sans aucun doute.
01:21:28 Et par-delà, précisément, les clivages entre les partis.
01:21:33 C'est ça que je voulais souligner.
01:21:36 Dire maintenant que c'était...
01:21:38 Uniquement dire que c'était pour soutenir Israël, non.
01:21:41 C'était vraiment une manifestation
01:21:44 contre l'antisémitisme en France.
01:21:48 Dire qu'il y avait majoritairement des Juifs, non.
01:21:50 Il n'y avait pas que des Juifs, il y avait des chrétiens,
01:21:53 il y avait des musulmans, il y avait des athées,
01:21:56 il y avait toutes sortes de personnes,
01:21:58 et ça, c'est extrêmement important.
01:22:00 C'était vraiment le peuple français
01:22:02 qui a manifesté dans toute son unité nationale.
01:22:07 Dire que c'est complètement déconnecté
01:22:10 des événements qui sont en train de se dérouler
01:22:13 depuis le 7 octobre,
01:22:15 ça aussi, il ne faut pas être naïf.
01:22:18 Non, ce n'est pas complètement déconnecté.
01:22:20 -Dernier mot ?
01:22:21 -Aux éléments du langage de mon voisin.
01:22:24 Il parlait de l'occupation, de la colonisation.
01:22:27 Ce sont les éléments du langage qu'on rencontre
01:22:29 dans les discours sionistes,
01:22:30 qui ont été d'abord fabriqués par l'Union soviétique,
01:22:33 d'où je viens, dont je suis originaire,
01:22:34 donc je connais par coeur ce discours.
01:22:36 C'est la fabrication des officines du KGB.
01:22:39 Parce que quand on parle de la colonisation,
01:22:42 on applique ce terme à une situation inexistante.
01:22:45 Qu'est-ce qui est occupé exactement ?
01:22:46 Quels territoires sont occupés ?
01:22:48 Il faut le voir, il faut montrer la carte et en parler.
01:22:51 L'occupation, c'est aussi un terme
01:22:52 qui renvoie à l'imaginaire français.
01:22:54 Pour les Français, l'occupation, c'est l'occupation nazie.
01:22:58 Il y a un résistant qui résiste à cette occupation,
01:23:01 c'était les Français, et là, dans votre cas,
01:23:04 ce sont des Palestiniens.
01:23:05 C'est une situation qui ne touche pas à Israël.
01:23:08 Ce n'est pas un pays métropole qui a colonisé une terre
01:23:12 qui ne lui appartient pas.
01:23:13 Les Juifs sont chez eux aussi sur ce territoire.
01:23:16 Quand vous parlez de l'occupation et de la colonisation,
01:23:19 de quoi s'agit-il ? De quel type de territoire ?
01:23:21 Est-ce qu'Israël a occupé Gaza ? Non.
01:23:23 En 2005, Israël sort de Gaza,
01:23:25 et donc Gaza n'est pas occupée du tout.
01:23:27 De quoi parlez-vous ?
01:23:28 Si vous parlez de la Judée Samarie,
01:23:30 elle a été partagée en trois types de territoires
01:23:33 suite aux accords d'Oslo.
01:23:35 Il faut être précis dans ce qu'on dit,
01:23:37 parce que ce genre de choses engendre la réaction pavlovienne
01:23:40 et qu'on observe souvent à l'université.
01:23:42 Je reviens à ce que vous venez de dire.
01:23:43 Les universités sont des pourvoyeuses essentielles
01:23:47 du discours antisioniste.
01:23:48 On voit les crimes de guerre d'Israël,
01:23:50 l'occupation, l'apartheid aussi.
01:23:52 Comment non ?
01:23:53 Ce sont des fabrications de l'officine du KGB
01:23:55 qui étaient réitérées ensuite par les conférences de Durban,
01:23:59 qui étaient bien connues par leur antisémitisme virulent.
01:24:01 Il faut tenir compte de ça quand on parle de l'antisémitisme
01:24:04 et de l'antisionisme, qui sont liés l'un avec l'autre.
01:24:07 Oui, vous êtes tous d'accord.
01:24:11 Allons vers ce débat.
01:24:13 D'abord, Mali Bezo, Jean-Christophe Attias, allez-y.
01:24:17 Je vais répondre à ma voisine, puisqu'elle m'a interpellé.
01:24:21 Je vous répondrai par...
01:24:24 Vous dites que j'utilise des éléments de langage
01:24:27 hérités des officines du KGB, pour reprendre vos termes.
01:24:32 Moi, je me réfère aux droits internationaux.
01:24:35 Et il est un fait qu'Israël...
01:24:39 Ce n'est pas être anti-Israël,
01:24:42 c'est pas être contre la nation israélienne.
01:24:44 Je ne suis pas contre la nation israélienne.
01:24:46 Je ne remets pas en cause l'existence d'Israël.
01:24:48 Entendons-nous bien.
01:24:50 Ce que je dénonce, ce que je critique,
01:24:51 c'est l'occupation et la colonisation.
01:24:54 Vous me dites "oui, mais attention", etc.
01:24:56 Mais c'est une réalité.
01:24:58 Il y a un droit international...
01:24:59 -Vous le citez dans l'article du droit international.
01:25:02 -Pardon, je veux refacer un débat sur ce qu'on a eu souvent.
01:25:06 On peut avoir aussi le débat sur est-ce que l'antisionisme,
01:25:09 c'est de l'antisémitisme ?
01:25:11 C'est un débat qui a repris de la cuité.
01:25:13 -Je voudrais rappeler que le 7 octobre,
01:25:15 Israël a été attaqué sur son territoire souverain.
01:25:20 Ce n'était pas les territoires...
01:25:23 -Occupés.
01:25:24 -Occupés, colonisés abusivement en Cisjordanie
01:25:27 depuis juin 1967.
01:25:31 Il était sur son territoire absolument souverain
01:25:34 et qui a été reconnu en novembre 1947
01:25:40 à l'ONU lors du partage de la Palestine mandataire.
01:25:45 Ca, c'est une réalité historique.
01:25:47 L'attaquer sur son territoire souverain,
01:25:51 c'est ne pas reconnaître
01:25:53 ce partage de 1947.
01:25:57 C'est le nier.
01:26:01 Ca, il faut rappeler qu'il a été attaqué
01:26:03 sur son territoire souverain.
01:26:05 C'est absolument indispensable
01:26:07 et non pas sur un territoire colonisé.
01:26:09 -On fait le rappel des titres.
01:26:12 Maureen Vidal et on revient à ce débat.
01:26:16 Musique de tension
01:26:18 -Le chancelier allemand Olaf Scholz
01:26:21 se dit opposé à un cessez-le-feu immédiat à Gaza.
01:26:24 Cela signifierait qu'Israël laisse au Hamas
01:26:26 la possibilité de récupérer et de se procurer
01:26:29 de nouveaux missiles, selon ses mots.
01:26:31 Il plaide pour des pauses humanitaires.
01:26:34 Les appels à un cessez-le-feu sont de plus en plus nombreux
01:26:37 en Europe et dans les pays arabes.
01:26:39 Médecins sans frontières redoutent
01:26:41 que les hôpitaux de Gaza ne se transforment
01:26:44 en morgue en l'absence d'un cessez-le-feu.
01:26:47 Des pénuries et coupures d'électricité
01:26:49 ont été mises en danger.
01:26:51 Des soldats israéliens ont ouvert et sécurisé un passage
01:26:54 pour permettre à la population civile d'évacuer à pied
01:26:57 et en ambulance des hôpitaux d'Al-Shifa,
01:27:00 Al-Rantissi et Al-Nasser.
01:27:01 Quelques 500 étrangers et binationaux,
01:27:04 dont 7 blessés palestiniens, ont été évacués
01:27:06 de la bande de Gaza vers l'Egypte.
01:27:08 Après sa fermeture hier et vendredi,
01:27:11 le passage de Rafah a rouvert ses portes.
01:27:13 Parmi les évacués figurent des Polonais, 101 Roumains
01:27:16 et 60 Russes ont annoncé leur pays respectif.
01:27:19 Musique douce
01:27:21 ...
01:27:28 -Jean-Christophe Attias, vous avez qu'à venir.
01:27:31 -Juste une phrase. Je pense pas qu'occupation et colonisation
01:27:34 soient seulement des mots clés d'un discours de propagande.
01:27:38 C'est aussi une réalité de terrain.
01:27:40 Se retirer de Gaza, c'est une chose.
01:27:42 C'est mettre fin à l'occupation,
01:27:44 mais enfermer les gens qui y vivent, c'est quoi ?
01:27:47 Et quand vous regardez objectivement une carte du pays,
01:27:50 je ne le nommerai pas, donc, Israël et Palestine ensemble,
01:27:54 on voit très bien la catastrophe
01:27:56 à laquelle a mené la colonisation, notamment au Soudan,
01:27:59 ce pays est devenu une sorte de gruyère.
01:28:02 Tout est imbriqué.
01:28:03 La solution à deux Etats dont tout le monde a parlé
01:28:06 pendant des décennies,
01:28:08 et dont certains parlent encore, est devenue impraticable.
01:28:11 Je pense qu'il faut peut-être aller au-delà, simplement,
01:28:15 de la critique du vocabulaire.
01:28:17 Il faut essayer de voir de près, sur le terrain,
01:28:19 ce qui se passe et ce qui peut exacerber les tensions,
01:28:23 comme on le voit aujourd'hui.
01:28:25 -Justement, revenons au sujet qui nous occupe,
01:28:28 cette grande marche contre l'antisémitisme.
01:28:31 Aujourd'hui, reste une question qui se pose.
01:28:34 Est-ce que l'antisionisme, c'est de l'antisémitisme ?
01:28:37 Et par "antisionisme", j'entends pas seulement
01:28:40 ceux qui voudraient que l'Etat disparaisse,
01:28:43 pas seulement ceux qui voudraient que l'Etat d'Israël disparaisse,
01:28:47 mais simplement ceux qui critiquent l'Etat d'Israël,
01:28:50 ceux qui critiquent la politique du gouvernement israélien,
01:28:54 ceux qui critiquent la colonisation, l'occupation,
01:28:57 quels que soient les mots qu'on utilise.
01:28:59 Est-ce que ça, pour vous, c'est de l'antisémitisme ?
01:29:03 -Il y a plusieurs exceptions du terme "antisionisme".
01:29:06 C'est un abus de langage de dire que quand on critique
01:29:09 la politique du gouvernement israélien
01:29:12 ou la politique d'un gouvernement israélien,
01:29:14 tous les gouvernements n'ont pas la même politique,
01:29:18 ce n'est pas de l'antisionisme.
01:29:20 Vous avez vu que pendant de nombreuses mois,
01:29:22 il y avait une population d'Israël qui critiquait
01:29:25 la politique de Netanyahou.
01:29:27 Ils sont pas antisémites.
01:29:29 Ils sont sionistes pour la plupart,
01:29:31 sionistes de gauche ou de droite, et ils sont juifs aussi.
01:29:35 Parmi la nation juive, il y a des Arabes chrétiens,
01:29:38 des Arabes musulmans, des Druzes, des Turcesses,
01:29:41 des Bahaïs, il y a quand même beaucoup de monde.
01:29:44 -Vous êtes d'accord que soutenir les Palestiniens,
01:29:47 c'est pas de l'antisémitisme ?
01:29:49 Il y a des juifs israéliens qui soutiennent la cause palestinienne.
01:29:53 -Ca dépend de la manière dont on le fait.
01:29:56 -Ils sont parfois beaucoup plus radicaux
01:29:58 que les pro-palestiniens en Europe.
01:30:01 -Il faut tenir compte de ce qu'on appelle
01:30:03 le sionisme exogène et du sionisme indogène.
01:30:06 On voit beaucoup sur les réseaux sociaux
01:30:09 des ultra-orthodoxes qui manifestent
01:30:11 avec les pro-palestiniens en disant
01:30:13 que l'Etat d'Israël n'a pas le droit d'exister.
01:30:16 Ce sont des gens qui sont antisionistes,
01:30:18 mais pas antisémites, car ils sont juifs.
01:30:21 Ils le font pour des raisons liées à leur attente du Messie.
01:30:24 C'est possible.
01:30:26 Quand vous avez d'autres personnes...
01:30:28 Vous avez plusieurs types d'antisionisme.
01:30:31 Vous avez l'antisionisme principal,
01:30:33 exprimé par la charte du Hamas et par la charte de l'OLP,
01:30:36 qui n'a pas été abrogée, où il est dit
01:30:39 qu'Israël et les Juifs n'ont pas le droit d'exister,
01:30:42 car ce sont des terres qui appartiennent à l'islam.
01:30:45 C'est l'antisionisme radical, auquel on peut assister
01:30:48 en voyant les massacres.
01:30:50 Vous en avez un autre, qui est un antisionisme
01:30:52 de certains intellectuels occidentaux,
01:30:55 qui cachent leur ressenti
01:30:59 par la morale, par l'humanisme.
01:31:01 C'est l'antisionisme au nom de l'antiracisme.
01:31:04 Je reviens encore sur la fabrication soviétique
01:31:08 de l'idée que le sionisme, c'est du racisme,
01:31:10 c'est de l'impérialisme,
01:31:12 c'est là où vient l'idée de la colonisation,
01:31:15 de l'occupation des terres.
01:31:16 Ca a été inventé en Russie.
01:31:19 Plus tard, ça a été diffusé dans le monde arabe,
01:31:22 dans les années 60-70,
01:31:25 quand Andropov, qui était alors le chef du KGB,
01:31:28 a inventé un plan qui s'appelle "Les Etats sionistes",
01:31:31 "Sionisteskei gazudarstvo", en russe.
01:31:33 C'est un plan qui consistait à imposer au monde musulman
01:31:37 la vision d'Israël et des Juifs
01:31:41 comme un complot sioniste,
01:31:44 comme le complot des gens qui veulent s'emparer
01:31:47 des territoires islamiques.
01:31:48 Les Russes, les Soviétiques à l'époque,
01:31:50 ont beaucoup pédé cette idée-là.
01:31:52 Andropov envoie 4 000 personnes bien entraînées
01:31:55 dans les terres de l'islam
01:31:58 pour faire cet amalgame,
01:32:00 un véritable amalgame entre l'idée,
01:32:03 le rejet par l'islam des Juifs et du judaïsme,
01:32:07 auquel il ajoute aussi le tiers-mondisme,
01:32:10 en disant qu'ils veulent occuper vos territoires.
01:32:12 Donc, vous voyez, on a ici une mixture
01:32:15 vraiment très intéressante
01:32:17 où la convergence des discours tiers-mondistes
01:32:21 et des discours islamistes
01:32:23 permettent de dire que l'Israël est un Etat occupant.
01:32:26 Ça commence là-bas, en Union soviétique.
01:32:29 J'ajoute juste une chose,
01:32:31 il ne faut pas oublier que dans ce discours,
01:32:34 il y a les éléments qui étaient quand même insufflés
01:32:37 dans l'antisionisme par les nazis.
01:32:40 La cause palestinienne s'est islamisée
01:32:43 et elle a commencé à s'islamiser dans les années 30,
01:32:46 33 plus exactement,
01:32:47 quand le Moufti de Jérusalem
01:32:49 a obtenu le soutien de l'Allemagne nazie.
01:32:52 On a vu progressivement
01:32:54 que tout ce qui concerne le discours antisioniste,
01:32:57 c'est un mélange successif de couches nazies,
01:33:01 ensuite soviétiques, ensuite islamistes.
01:33:03 C'est à cela qu'on assiste.
01:33:04 - Jean-Christophe, si on est antisioniste,
01:33:07 a-t-on subi l'influence du KGB, des nazis ?
01:33:09 - Je n'en sais rien, à vrai dire.
01:33:11 Moi, je n'ai pas subi cette influence-là.
01:33:14 Il ne faut pas l'oublier, vous le rappelez,
01:33:17 il y a une histoire juive de l'antisionisme,
01:33:19 puisque les Juifs ont eu beaucoup de peine
01:33:21 à se relier à l'idée sioniste.
01:33:23 Il y avait l'opposition du judaïsme émancipé, intégré,
01:33:26 voire assimilé de l'Europe occidentale,
01:33:29 c'est la peur de la double appartenance,
01:33:32 de la double allégeance.
01:33:34 Et puis, vous aviez l'opposition des masses orthodoxes,
01:33:37 ultra-orthodoxes d'Europe centrale et orientale,
01:33:40 qui, pour des raisons religieuses, s'opposaient à ce projet politique.
01:33:44 Après le génocide, il y a un basculement.
01:33:47 Il est très difficile, il devient quasiment impossible
01:33:50 pour la grande majorité des Juifs d'être antisioniste.
01:33:54 Maintenant, le débat sur l'antisionisme,
01:33:57 il est un tout petit peu, me semble-t-il,
01:33:59 hypothéqué par la difficulté que nous avons à le définir.
01:34:03 J'ai relu, avant de venir,
01:34:05 parce que j'ai appris que j'étais invité pour parler de ça,
01:34:08 ce qui n'est pas vraiment mon sujet de prédilection,
01:34:11 j'ai relu la proposition de loi d'un sénateur,
01:34:13 le sénateur Rudulier, je crois,
01:34:15 qui veut criminaliser l'antisionisme.
01:34:18 On est là véritablement
01:34:21 dans une instrumentalisation d'une thématique,
01:34:24 une instrumentalisation politique.
01:34:26 Pourquoi l'antisonisme qu'on va criminaliser ?
01:34:28 C'est la volonté, le projet exprimé
01:34:32 de détruire l'État d'Israël
01:34:33 et de chasser les Juifs de Palestine.
01:34:36 Ça, c'est une chose.
01:34:38 Est-ce que c'est une critique, on va dire, philosophique du projet,
01:34:41 de l'idée même de création d'un État juif en Palestine ?
01:34:46 Est-ce que c'est simplement une critique résolue, vigoureuse,
01:34:50 parfois brutale, de la politique des gouvernements,
01:34:54 et pas seulement des gouvernements israéliens ?
01:34:56 Une critique qui est faite ici,
01:35:00 en Europe, en Occident, en France,
01:35:02 mais qui est aussi conduite en Israël,
01:35:04 peut-être pas suffisamment.
01:35:06 Il y a toutes sortes de nuances antisionistes
01:35:09 qui font que vouloir, par exemple, légiférer
01:35:12 me paraît une véritable folie.
01:35:13 Je pense que cette loi, si elle est votée,
01:35:16 sera tout simplement inapplicable,
01:35:19 ou alors on va finir tous à l'amant
01:35:23 de peut-être en prison, je ne sais pas,
01:35:25 pour très peu de choses.
01:35:26 Donc il faut être très prudent.
01:35:28 Je suis favorable à la liberté d'expression
01:35:31 aussi largement que possible.
01:35:32 Je sais qu'il y a des choses qu'on ne peut pas faire,
01:35:34 qu'on ne doit pas faire, et qui sont interdites par la loi.
01:35:37 Mais là, fixer sur l'antisionisme
01:35:41 et en faire en quelque sorte
01:35:44 ce qui manifesterait quasi systématiquement
01:35:47 à l'antisémitisme caché,
01:35:50 ça me paraît très, très, très problématique.
01:35:53 - Daniel Cohen.
01:35:54 - Oui, peut-être pour rebondir un petit peu,
01:35:58 je crois qu'en effet, le mot "antisioniste"
01:36:02 ou "antisionisme", "sionisme",
01:36:05 est chargé de beaucoup de confusion,
01:36:09 parce qu'il a son histoire, son historicité,
01:36:12 qui commence bien avant la création de l'État d'Israël,
01:36:16 avec, en interne, dans les communautés juives elles-mêmes,
01:36:20 beaucoup de dissensions, de contradictions.
01:36:24 Jean-Christophe Attias a cité les milieux orthodoxes.
01:36:28 On pourrait citer également le courant des boundistes,
01:36:33 le mouvement des socialistes juifs ouvriers,
01:36:37 qui était extrêmement important,
01:36:39 qui s'est créé quasiment l'année du premier congrès sioniste,
01:36:43 à Bâle, en 1897, dans la foulée.
01:36:47 Et c'est là, je dois dire, l'exception française,
01:36:51 l'exception française républicaine,
01:36:55 dans la foulée du procès de la condamnation
01:37:00 du capitaine Dreyfus,
01:37:01 auquel assistait, qu'avait couvert,
01:37:03 Theodor Herzl pendant quatre ans.
01:37:06 Et en 1995, lorsque le capitaine Dreyfus est condamné,
01:37:11 ce que dit Herzl très clairement,
01:37:15 "Ce procès m'a rendu sioniste."
01:37:19 Et il est un des seuls ou des rares journalistes
01:37:24 à dire que Dreyfus a été condamné,
01:37:27 non pas parce que c'était un traître,
01:37:29 mais parce que c'était un juif.
01:37:31 Un an après, il écrit ce livre, "L'État juif",
01:37:35 et un an après,
01:37:37 il y a le premier congrès sioniste
01:37:41 qui se tient à Bâle.
01:37:43 Et qu'est-ce qui se passe à ce moment précis ?
01:37:46 Parce qu'il faut peut-être resituer l'histoire au XXe siècle.
01:37:50 La page du XXe siècle est un peu trop vite tournée,
01:37:55 mais Herzl fait le constat,
01:37:57 il n'est pas le seul, avec cette résistance très importante,
01:38:01 des juifs qui ont cru à l'assimilation,
01:38:04 qui ont cru à la sécularisation,
01:38:06 qui ont cru à l'émancipation et au progressisme.
01:38:10 Et le procès du capitaine Dreyfus,
01:38:15 eh bien, il permet de comprendre, en tout cas, à Herzl,
01:38:19 que c'est sans doute un leurre,
01:38:21 que les juifs ne sont pas en sécurité,
01:38:24 même en étant assimilés,
01:38:26 même par ce mouvement de sécularisation
01:38:31 et de croyance au progressisme.
01:38:34 Et donc, l'idée,
01:38:37 le surgissement, la possibilité,
01:38:40 la conception d'un État juif en Palestine,
01:38:45 il se fortifie,
01:38:48 et je dirais même qu'il se déclare à ce moment précis.
01:38:54 Il est formulé de manière théorique à ce moment précis.
01:38:59 Et donc, il ne faut pas l'oublier.
01:39:01 Je ne minimise pas le rôle du KGB et de la Russie, mais...
01:39:07 -Vous avez parlé du sionisme.
01:39:09 -Pardon, pour avancer,
01:39:12 parce que je ne voudrais pas qu'on reste sur cette question.
01:39:16 Malibu Ezou et Jean-Philippe Languie.
01:39:18 -Je considère qu'il est légitime de critiquer le sionisme,
01:39:23 parce que le sionisme, fondamentalement,
01:39:25 c'est un balai, un spectre large.
01:39:27 Il existe des sionistes modérés, des sionistes humanistes,
01:39:31 des sionistes tout à fait disposés à la coexistence
01:39:35 avec une entité palestinienne érigée en un État.
01:39:38 Donc, le sionisme balaye un spectre large.
01:39:41 Et moi, ce que je considère comme blâmable et critiquable,
01:39:46 c'est les excès de l'idéologie sioniste.
01:39:50 -Et les excès de l'antisionisme aussi.
01:39:52 -Tout à fait.
01:39:53 J'ai écrit un livre, "Je vais dire à tout le monde que tu es juif",
01:39:57 où j'explique clairement que dans certaines dérives antisionistes,
01:40:01 se cache clairement de l'antisémitisme.
01:40:04 Il suffit de regarder certaines caricatures
01:40:07 où on voit des soldats israéliens remplis de sang.
01:40:11 Vraiment, c'est les caricatures qui rappellent le crime rituel,
01:40:16 enfin, le mythe du crime rituel, etc.,
01:40:18 qui a beaucoup abreuvé les imaginaires...
01:40:24 -Antisémites. -Antisémites en Occident.
01:40:27 Croyance, d'ailleurs, qu'il n'existe pas en terre d'islam,
01:40:30 mais qui a émergé parce qu'il y a eu un transfert
01:40:33 de l'antisémitisme européen vers le monde arabo-musulman
01:40:36 via notamment les intellectuels nationalistes
01:40:39 du monde arabe-chrétien.
01:40:41 Mais pour revenir à la critique du sionisme,
01:40:43 oui, certaines critiques du sionisme,
01:40:46 celles qui sont exaltées, radicales,
01:40:49 cachent un antisémitisme tout à fait latent.
01:40:51 C'est évident.
01:40:53 Je dis, en revanche, qu'il est tout à fait légitime
01:40:55 de critiquer les excès du sionisme,
01:40:57 lorsque des militants sionistes, ou en tout cas des idologues du sionisme,
01:41:01 considèrent qu'il faut, qu'on dirait,
01:41:04 occuper toute la Cisjordanie,
01:41:06 voire un grand Israël, etc.
01:41:09 Ça se fait au nom d'une idéologie,
01:41:11 celle d'un sionisme radical.
01:41:13 Et cela est critiquable.
01:41:14 Donc une loi qui interdirait la critique
01:41:16 de l'idéologie sioniste dans son ensemble
01:41:20 et s'érigerait en véritable police de la pensée.
01:41:23 -Jean-Philippe Tanguay.
01:41:25 -Il y a beaucoup de choses intéressantes
01:41:27 qui ont été dites. La première chose,
01:41:29 il ne faut pas sous-estimer le rôle de la propagande soviétique
01:41:32 dans le développement de l'antisionisme,
01:41:35 qui est de toute façon le fauné de l'antisémitisme.
01:41:38 J'y reviendrai.
01:41:39 -Pour vous, c'est la même chose.
01:41:41 -Par exemple, en France...
01:41:42 -Il ne nous reste pas beaucoup de temps.
01:41:44 -C'est les communistes qui ont diffusé deux fois
01:41:47 une résolution au Parlement pour désigner Israël
01:41:50 comme régime d'apartheid.
01:41:51 Ce n'est pas les Insoumis, contrairement à ce que dit Mme Borne,
01:41:53 dans une manipulation cynique très grave.
01:41:55 C'est le Parti communiste français, d'ailleurs.
01:41:57 La fête de l'humanité est un des lieux de diffusion
01:41:59 de l'antisionisme dans l'indifférence générale,
01:42:01 de boycott d'Israël, par exemple, dans l'indifférence générale,
01:42:04 malheureusement, parce que tout le monde a une sympathie,
01:42:07 enfin, une part de la société française
01:42:08 a une sympathie aveuglante, visiblement,
01:42:12 pour le Parti communiste français,
01:42:13 mais on n'a pas le temps d'y revenir.
01:42:14 La deuxième chose, c'est que oui, tout ça est très intéressant.
01:42:16 Vous avez raison sur les nuances du sionisme,
01:42:18 l'histoire du sionisme au sein des peuples juifs
01:42:22 à travers le monde, jusqu'à une période récente.
01:42:24 Mais tout ça est fini.
01:42:26 Ce niveau de connaissance
01:42:27 concerne une part infinitésimale de l'humanité.
01:42:30 Aujourd'hui, l'antisionisme, c'est être contre l'antité sioniste,
01:42:33 telle qu'elle a été désignée
01:42:34 par la plupart des idéologies islamistes à travers le monde,
01:42:37 à travers un nombre de régimes dittatoriaux, des théocraties,
01:42:40 puisque tout le monde critique Israël.
01:42:41 Il faut quand même remarquer qu'Israël est le seul lieu
01:42:45 au Moyen-Orient où des Arabes ou des musulmans
01:42:48 vivent en démocratie, ont tous les droits civils,
01:42:50 ont le droit de se présenter comme juifs, comme députés.
01:42:52 Il n'y a qu'en Israël qu'un Arabe musulman
01:42:54 a tous ses droits aujourd'hui démocratiques.
01:42:55 Il n'y a plus aucun régime qui les assure,
01:42:57 difficilement peut-être encore au Liban et encore.
01:43:00 Mais ça, personne ne le lit non plus, et sûrement pas la gauche.
01:43:02 Donc aujourd'hui, l'antisionisme, c'est être contre l'antité sioniste.
01:43:05 Donc il faut arrêter de se cacher derrière des choses que je comprends.
01:43:07 Moi, je n'ai pas de mépris pour le savoir,
01:43:09 je n'ai pas de mépris pour la subtilité.
01:43:10 Mais ce n'est pas politiquement, ce n'est pas ça qu'on affronte.
01:43:13 On affronte des gens qui sont contre le fait que les Juifs aient un État.
01:43:16 Et d'ailleurs, on voit bien, là, on est dans le fanatisme et la haine,
01:43:19 puisqu'en fait, c'est dans l'état des clichés.
01:43:21 À la fois, les Juifs seraient soupçonnés de tous les maux du monde
01:43:24 parce qu'ils n'ont pas de terre, parce qu'ils n'ont pas d'État.
01:43:26 Et en même temps, ces mêmes gens veulent priver les Juifs d'une terre et d'un État.
01:43:29 Donc on est dans la définition même du fanatisme et de la haine,
01:43:32 c'est-à-dire un délire qui se nourrit de lui-même par sa propre haine
01:43:36 et son refus de qualifier les personnes de confession juive comme des êtres humains.
01:43:39 Et voilà, et donc on est dans le refus qu'il y ait un État juif.
01:43:42 Et je ne vois pas pourquoi on tergiverse là-dessus.
01:43:44 C'est ça, le sujet.
01:43:45 Et comme le disait Jean de Kélévich,
01:43:47 il avait fait une prophétie dans les années 70,
01:43:48 il avait dit de toute façon, l'antisionisme sera le fauné,
01:43:52 enfin il ne l'a pas dit comme ça, mais je n'ai plus la citation en tête, excusez-moi,
01:43:54 sera le fauné des nouveaux antisémites.
01:43:56 Et la nazification du peuple juif sera une forme de barbarie ultime
01:44:00 qui permet de retourner contre le peuple victime de l'ultime barbarie humaine,
01:44:05 ce qu'il a subi, et de faire croire que ce peuple victime serait un bourreau.
01:44:08 - Il nous reste une minute.
01:44:11 - On est dans tous les éléments de langage qu'on doit affronter.
01:44:13 Et on est quand même dans une affrontation politique.
01:44:15 C'est quand même bien d'avoir le Rassemblement national
01:44:18 pour nous simplifier les choses et nous empêcher de penser.
01:44:21 - Vous préférez Mélenchon ?
01:44:23 - Non, je ne suis pas là.
01:44:25 - Vous ne défendez pas ce qu'il y a de pensé, monsieur.
01:44:26 - Je trouve très étonnant qu'introduire un tout petit peu de nuance dans le débat,
01:44:31 le complexifier, je suis d'accord,
01:44:33 soit perçu comme politiquement irrationnel, inutile, dévastateur,
01:44:39 mais pas du tout, c'est tout le contraire.
01:44:41 C'est tout le contraire.
01:44:42 Quand monsieur distingue différentes formes de sionisme,
01:44:45 le sionisme au pouvoir aujourd'hui en Israël n'est pas franchement sympathique.
01:44:49 Et on n'a pas vraiment envie qu'il s'y maintienne.
01:44:51 - C'est un gouvernement démocrate.
01:44:53 Il est critiquable, mais ce n'est pas le sionisme.
01:44:55 Le sionisme, c'est est-ce que vous avez un état juif ou pas.
01:44:57 Le reste, et je ne vous ai pas critiqué, monsieur,
01:44:59 j'ai dit que j'avais du respect pour ce que j'avais dit.
01:45:00 - Mais bien sûr, mais vous avez une façon de respecter les choses
01:45:03 pour les faire passer sous ta guise.
01:45:05 - Ce sera le dernier mot parce que l'émission est terminée.
01:45:09 - Je terminerai par une citation, si vous permettez, de Yoda Levy,
01:45:13 qui est un philosophe juif du XIIe siècle,
01:45:16 et qui disait, il écrivait son livre à Jérusalem,
01:45:18 "Le livre du Kouzari", il disait "l'humanité est un corps,
01:45:21 "Israël en est le cœur, et quand le cœur est attaqué,
01:45:24 "l'humanité, le corps, est malade".
01:45:26 - On finira sur cette phrase.
01:45:30 Je vous remercie tous les cinq d'avoir participé à cette émission.
01:45:34 Merci de nous avoir suivis et rendez-vous au prochain numéro.
01:45:38 merci à bientôt !