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Frédéric Taddeï et ses invités débattent des grandes questions du XXIe siècle dans les #VisiteursDuSoir

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00:00:00 Il y a déjà quatre visiteurs du soir autour de moi. Je vous les présente juste après le rappel des titres.
00:00:08 Maureen Vidal.
00:00:10 C'est fini. Rendez-vous maintenant le Premier ministre israélien. Benyamin Netanyahou appelle les combattants du Hamas à déposer les armes sans délai.
00:00:19 Il affirme enregistrer de nombreuses redditions ces derniers jours qui annoncent la fin proche du mouvement islamiste palestinien.
00:00:25 Le chef de l'OMS alerte sur l'impact catastrophique sur la santé à Gaza de la guerre entre Israël et le Hamas.
00:00:32 Les personnels de santé font de leur mieux dans des conditions inimaginables, a-t-il déclaré lors de la réunion à Genève.
00:00:37 Il a fait état de signes inquiétants de maladies épidémiques qui risquent de s'aggraver avec la détérioration de la situation et l'arrivée des conditions hivernales.
00:00:46 Enfin, des travaux d'intérêt général pour les parents défaillants. C'est une annonce d'Aurore Berger, ministre des Solidarités et des Familles.
00:00:53 Objectif de la ministre remettre la parentalité au centre et lutter contre la délinquance.
00:00:57 Plusieurs mesures vont être mises en place comme le paiement d'une contribution financière pour les parents d'enfants coupables de dégradation
00:01:03 et une amende pour les parents ne se présentant pas aux audiences qui concernent leurs enfants.
00:01:07 (Générique)
00:01:20 Bonsoir, bienvenue sur le plateau des visiteurs du soir. Il est 22h, c'est la fin de la semaine.
00:01:25 Il est temps de prendre un peu de recul sur l'actualité. À 23h30, je recevrai le commissaire Jean-François Guérault.
00:01:32 Il vient de publier La mafia et la Maison Blanche. 10 ans de travail, beaucoup de révélations, notamment sur l'assassinat de John Kennedy,
00:01:39 dont on commémore le 60e anniversaire. Mais avant cela, on va s'intéresser à la France.
00:01:44 La France qui a désormais le record des prélèvements obligatoires dans la zone euro, 48% du PIB.
00:01:50 C'est plus de 6 points au-dessus de la moyenne européenne. On va voir pourquoi à 23h avec le député Renaissance Mathieu Lefebvre,
00:01:58 membre de la commission des finances, Olivier Babaut, président de l'institut Sapiens et Christophe Rameau, des économistes atterrés.
00:02:05 À 22h20, on va se demander pourquoi la France a encore dégringolé dans le classement PISA
00:02:10 et si les mesures annoncées cette semaine par le ministre de l'Éducation nationale, Gabriel Attal, réussiront à inverser la tendance.
00:02:17 Il y a Lisa Kamen-Ircig, professeure des écoles à qui l'on doit la grande garderie.
00:02:25 Il y a Cécile Chabot, professeure de lettres, l'auteur de Prof.
00:02:29 Et Jean-Yves Mas, professeur de sciences économiques, qui vient de publier une tribune dans Le Monde à ce sujet.
00:02:35 Virginie Lannelot, députée Renaissance, spécialisée dans les questions d'éducation, nous rejoindra tout à l'heure.
00:02:42 Et pour commencer, on va s'intéresser à la recherche française avec Pierre Rochette, géologue, physicien, professeur à l'université d'Aix-en-Provence, d'Aix-Marseille.
00:02:54 Vous aussi, vous avez publié une tribu dans Le Monde le 5 décembre. « Ma médaille d'argent du CNRS m'inspire aujourd'hui du dégoût », c'est le titre.
00:03:02 Vous y dénoncez la bureaucratie qui entrave la recherche dans notre pays. Vous vous êtes même filmé en train de renvoyer votre décoration par la Poste.
00:03:11 Deux jours plus tard, Emmanuel Macron présentait sa vision pour l'avenir de la recherche française. Il a fustigé lui aussi la bureaucratie.
00:03:19 Alors est-ce que vous pouvez nous expliquer en quelques mots en quoi consiste le travail d'un chercheur comme vous au CNRS
00:03:25 et quelle lourdeur administrative il doit affronter ?
00:03:29 Merci de me donner la parole pour parler un peu de ce sujet.
00:03:34 La vision que les gens ont du travail du chercheur, c'est souvent qu'ils pensent à un savant qui a amassé toutes les connaissances dans son domaine
00:03:45 et qui est capable de discouvrir sur ses connaissances, oralement ou par écrit, de manière magistrale.
00:03:55 Mais en fait, ça, c'est le professeur, ce n'est pas le chercheur.
00:03:59 Le chercheur, lui, ce qu'il fait, c'est qu'il part des connaissances existantes, mais il explore l'inconnu.
00:04:05 Il essaye d'augmenter les connaissances et c'est complètement différent du travail du professeur.
00:04:11 Moi, il se trouve que je suis professeur et chercheur, donc je connais les deux.
00:04:16 Et donc la recherche, comme je viens de le dire, c'est essayer de trouver de nouvelles connaissances,
00:04:24 donc aller dans l'inconnu au marge de ce qu'on connaît.
00:04:29 Et ça demande un certain nombre de qualités qui sont différentes de celles du professeur.
00:04:35 Il faut des capacités intellectuelles, évidemment, il faut avoir quand même des connaissances,
00:04:40 mais il faut avoir l'inspiration.
00:04:45 C'est un peu comme les artistes, je dirais.
00:04:49 Il faut avoir de l'envie aussi, parce qu'il faut partir à l'aventure, on ne sait pas où on va aller.
00:04:56 Souvent, on va rentrer bredouille de nos explorations dans l'inconnu.
00:05:01 Et donc, ce n'est pas facile.
00:05:05 Et ça demande aussi, on n'y va pas les mains dans les poches.
00:05:11 Il nous faut des techniques, il nous faut des instruments, il nous faut des collaborateurs.
00:05:17 C'est vite comme monter une petite entreprise, développer un projet de recherche.
00:05:24 Et surtout, pour avoir du succès, il faut avoir l'esprit libre.
00:05:29 Il ne faut pas être occupé par des problèmes administratifs.
00:05:34 Il n'y a pas de traces, des formulaires.
00:05:37 Il faut avoir l'énergie pour faire ce travail d'exploration.
00:05:43 Si toute notre énergie mentale est prise par les tracasseries administratives, on n'y arrive plus.
00:05:50 Vous n'êtes pas le premier à dénoncer ces tracasseries administratives.
00:05:54 Il y a déjà eu deux pétitions de chercheurs.
00:05:56 CNRS, on n'en peut plus.
00:05:58 Et le bateau CNRS coule.
00:06:00 Un rapport du Conseil scientifique du CNRS, qui dénonçait en juin dernier les entraves à la recherche.
00:06:05 Et un rapport d'experts internationaux, mandaté par le Haut Conseil de l'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur,
00:06:12 qui appelle à une action commando face au fardeau bureaucratique.
00:06:16 Alors comment ça se traduit, le fardeau bureaucratique ?
00:06:20 C'est concret.
00:06:21 C'est-à-dire que, comme je l'ai dit, pour faire un travail de recherche, il faut des moyens.
00:06:27 Ces moyens, on va aller demander à des agences qui fournissent ces moyens.
00:06:31 Ça peut être la NR, ça peut être l'Europe, ça peut être des entreprises.
00:06:36 Une fois qu'on obtient ces crédits, ils vont être gérés le plus souvent par le CNRS,
00:06:42 qui, chaque fois qu'on veut dépenser un euro, nous pose des problèmes.
00:06:48 Et bon, là, ce qui a fait déborder la coupe et qui a décidé de m'occuper d'une des pétitions dont vous avez parlé,
00:06:57 c'est des logiciels de traitement des missions qui ont été mis en place en septembre
00:07:04 et qui sont totalement imbitables, même pour les gestionnaires, les gens qui font ça toute la journée.
00:07:12 Nous, on fait ça une fois tous les deux mois.
00:07:14 Donc on ne comprend pas comment ça fonctionne.
00:07:16 On oublie.
00:07:17 Vous dites que c'est si compliqué qu'on préfère renoncer à partir en mission ou renoncer à se faire rembourser les frais engagés.
00:07:24 Voilà.
00:07:25 Et puis, bon, c'est un stress généralisé dans les laboratoires.
00:07:31 Et ça, ça occupe toute notre énergie.
00:07:34 Et il n'y a pas que ça à faire dans la gestion des laboratoires.
00:07:37 Mais vous allez plus loin.
00:07:38 Vous dites que vous n'êtes pas le seul que la moindre action hors du laboratoire ou avec des personnes extérieures,
00:07:45 ça implique une avalanche de signatures.
00:07:47 Tout à fait.
00:07:48 Avant, on travaillait entre collègues, entre Paris, Marseille.
00:07:54 Quand on a besoin de faire des mesures qu'on ne peut pas faire dans son labo, on va dans un autre labo.
00:08:00 On faisait ça.
00:08:01 On est tous payés par les impôts.
00:08:03 On travaille pour le même employeur quelque part.
00:08:06 Maintenant, pour pouvoir rentrer à l'intérieur du labo voisin, il me faut effectivement demander des signatures.
00:08:13 Pour des raisons de droits d'auteur, non ?
00:08:15 Alors, même pas.
00:08:17 C'est même en me demandant des questions d'assurance.
00:08:20 Propriété intellectuelle.
00:08:22 Si jamais je me...
00:08:23 Ah, mais aussi les assurances.
00:08:25 Si jamais je me suis fait escalier, il faut que je prouve que je ne vais pas...
00:08:29 Enfin bon, ça ne tient pas debout.
00:08:31 – Mais il paraît qu'il y a carrément des contrats qui n'aboutissent pas,
00:08:35 des projets qui sont abandonnés, tout ça,
00:08:38 parce que les délais d'engagement de crédit sont tellement longs qu'on n'est plus dans les temps.
00:08:45 – C'est ce que j'ai écrit dans cette pétition, oui.
00:08:48 Moi, j'ai quelques problèmes, mais à côté de ce que...
00:08:53 Les témoignages que j'ai reçus suite à cette pétition,
00:08:56 donc j'ai eu des centaines de personnes qui m'ont contacté,
00:09:00 et il y a des choses qui sont invraisemblables, c'est-à-dire que...
00:09:05 Obtenir... C'est vrai qu'on dit souvent que c'est difficile d'obtenir des crédits,
00:09:10 mais bon, tout le monde n'y arrive pas, mais on y arrive.
00:09:13 Mais en fait, quand on récupère 500 000 euros, 1 million d'euros,
00:09:18 de l'Europe ou de l'Agence Nationale de la Recherche,
00:09:22 au lieu d'être content, en fait, ça devient une catastrophe.
00:09:26 Moi, j'ai des témoignages d'une chercheuse brillante
00:09:31 qui a obtenu plus d'un million d'euros de l'Europe.
00:09:35 Ça a été un tel désastre d'un point de vue gestion qu'elle a fait un burn-out,
00:09:40 et elle a réussi à finir quand même, parce qu'elle avait une conscience professionnelle,
00:09:45 à réussir à finir le projet, mais là, elle a abandonné la recherche.
00:09:49 - Mais les évaluations aussi sont très très nombreuses, j'imagine,
00:09:53 parce que dès l'instant où c'est de l'argent public,
00:09:56 on vous contrôle en permanence pour savoir s'il est bien dépensé.
00:09:59 - Alors, qu'il y ait un contrôle a posteriori pour voir si on a bien dépensé les choses,
00:10:06 c'est normal, on doit rendre des comptes sur ce qu'on fait de l'argent qu'on reçoit.
00:10:12 Le gros problème, c'est qu'avant, on nous empêche d'engager cet argent,
00:10:17 où on nous force à faire des choses, bon, pour l'émission,
00:10:21 ça a été, comme je l'ai dit, la goutte d'eau qui fait déborder le vase,
00:10:25 c'est qu'on ne peut pas choisir le transport qu'on veut,
00:10:30 on ne peut pas voyager en low cost, par exemple.
00:10:33 Tout ça, c'est fait sous le couvert d'empêcher qu'on escroque l'État, etc.
00:10:39 En pratique, on dépense beaucoup plus avec ce système
00:10:43 que si c'est nous qui prenions nos billets nous-mêmes.
00:10:46 Par exemple, on n'a pas le droit de prendre un Wigo,
00:10:49 on doit prendre les trains plus chers.
00:10:52 Je n'ai pas le droit de prendre la première classe,
00:10:55 même si la première classe est moins chère que la deuxième, je n'ai pas le droit.
00:10:59 Les hôtels, c'est pareil.
00:11:02 En fait, on est forcé à rentrer dans un système qui est géré par le privé
00:11:07 et cette entreprise privée n'a pas intérêt à nous faire acheter les billets les moins chers.
00:11:11 Donc on dépense plus d'argent et en plus on perd notre liberté.
00:11:17 C'est surtout ça, j'ai l'impression,
00:11:20 c'est que vous n'êtes jamais libre d'agir, de chercher comme vous en avez envie.
00:11:24 Tout à fait. Et ça, l'émission, c'est un petit exemple.
00:11:28 Emmanuel Macron semble d'accord avec vous,
00:11:32 puisqu'il a fait, 4 jours après votre tribune,
00:11:37 il a annoncé qu'il voulait transformer l'organisation de la recherche en France.
00:11:40 Vous saviez qu'il allait parler ?
00:11:42 Absolument pas, non, ça s'est fait…
00:11:44 C'est vraiment un hasard, vous avez publié cette tribune ?
00:11:46 Oui, c'est incroyable.
00:11:48 En tout cas, il a fustigé lui aussi la bureaucratie,
00:11:51 un gaspillage de temps, de recherche et d'argent public, qu'a-t-il dit ?
00:11:55 Il a lui aussi reconnu que la recherche française était de plus en plus dépassée,
00:12:01 dépassée par l'Inde, par l'Italie, par la Corée du Sud,
00:12:04 dans le classement de la part mondiale des publications scientifiques.
00:12:08 Pour ça, c'est aussi, pour vous, c'est pour la même raison ?
00:12:12 Oui, le constat, tout le monde le fait,
00:12:15 on ne peut pas, à part la direction du CNRS qui refuse de le reconnaître,
00:12:19 tout le monde fait le constat que les chercheurs sont en train de travailler.
00:12:23 On a de très bons chercheurs en France,
00:12:26 et le système les empêche de travailler.
00:12:29 C'est une compétition internationale, la recherche,
00:12:32 donc si nous, on peut être bon, mais si on fait la course les jambes dans un sac,
00:12:38 ceux qui ont leurs deux jambes qui peuvent courir, forcément, ils nous doublent.
00:12:44 Mais alors, moi, je croyais justement qu'on était enclin à publier de plus en plus,
00:12:48 voire, pour être très sûr des résultats, dont de plus en plus de rétractation
00:12:54 après publication des grandes revenues scientifiques,
00:12:57 je croyais qu'on était de plus en plus encouragé à publier,
00:13:00 justement pour avoir des crédits.
00:13:02 Ce n'est pas comme ça en France, alors ?
00:13:04 Si, c'est sûr que pour obtenir le financement d'un projet,
00:13:08 il faut montrer qu'on est capable de créer des résultats scientifiques,
00:13:13 et ça se mesure par les publications.
00:13:15 Ce n'est pas forcément le nombre qui compte, c'est aussi l'impact,
00:13:19 de voir qu'on est capable de publier des choses qui sont vraiment novatrices.
00:13:23 C'est vrai qu'il y a des millions de publications scientifiques chaque année,
00:13:27 elles ne sont pas toutes inoubliables.
00:13:29 Il y en a beaucoup qui sont là, effectivement, pour que les jambes aient leur promotion.
00:13:36 Il y a certains pays où, effectivement, si on n'a pas une publication par an,
00:13:40 on peut être viré aussi, donc ce n'est pas le cas de la France,
00:13:43 c'est le cas dans d'autres pays.
00:13:45 Donc il y a effectivement une course à la publication
00:13:48 qui n'est pas si forte que ça en France.
00:13:51 Ce n'est pas ça le problème, en fait.
00:13:55 Et ça n'a pas l'air, d'après ce que vous dites vous,
00:13:58 ça n'a pas l'air non plus d'être un problème de moyens,
00:14:00 puisque le CNRS, le Centre National de la Recherche Scientifique,
00:14:04 dispose d'un budget de 4 milliards d'euros par an,
00:14:07 ce qui permet d'exercer son activité dans absolument tous les domaines.
00:14:10 Et vous dites que ce n'est pas tellement ça le problème, au fond.
00:14:13 Le problème, ce serait plutôt qu'on vous empêche de disposer de cet argent.
00:14:18 – J'ai entendu le président Macron nous dire qu'il allait nous aider
00:14:21 à obtenir plus de crédits de l'Europe, etc.
00:14:24 Mais j'ai beaucoup de témoignages et mon expérience personnelle aussi,
00:14:28 c'est que des fois, c'est un tel calvaire, quand on obtient beaucoup d'argent,
00:14:35 qu'on préfère ne pas le demander.
00:14:37 Moi, j'ai demandé une seule fois de l'argent à l'Europe,
00:14:40 j'ai dit que je ne le referais plus.
00:14:42 Et il y a des tas de gens qui renoncent à des contrats
00:14:46 parce qu'ils n'ont pas envie de devenir fous à gérer ça.
00:14:51 Après, il y a des gens qui ont pu croire que je disais
00:14:55 qu'il n'y avait pas de problème de moyens.
00:14:57 Il y a quand même un problème salarial, particulièrement pour les jeunes.
00:15:01 Il faut que les gens sachent qu'un jeune chercheur,
00:15:04 Bac +15 et qui arrive au top de la compétition,
00:15:10 et la compétition est très rude, il démarre à 1800 euros net par mois.
00:15:14 - En France ?
00:15:15 - En France.
00:15:16 Et quand vous êtes dans un laboratoire à Paris,
00:15:19 vous êtes obligé de loger en banlieue.
00:15:21 Et puis, quand vous êtes sur votre projet scientifique
00:15:25 et que vous vous demandez comment vous allez payer votre loyer
00:15:28 et la garde des enfants en plus,
00:15:31 vous n'êtes pas très efficace non plus pour chercher.
00:15:34 Il y a quand même surtout pour les jeunes un problème de salaire.
00:15:37 - D'où une fuite des cerveaux aussi.
00:15:39 - La fuite des cerveaux est liée au salaire,
00:15:41 elle est liée aussi à la difficulté de travailler.
00:15:44 J'ai des témoignages aussi.
00:15:46 Un professeur de polytechnique m'a dit ce matin
00:15:49 qu'il démissionnait de polytechnique pour aller monter un labo aux Etats-Unis.
00:15:54 Pourtant, il est très bien payé à la polytechnique,
00:15:56 mais il a juste envie de pouvoir faire son travail.
00:15:59 Un jeune, majeur de polytechnique aussi,
00:16:05 et de normal sup,
00:16:08 qui trois ans après sa thèse est déjà responsable d'un laboratoire en Allemagne.
00:16:14 J'ai discuté avec lui, j'ai dit "est-ce que tu voudrais rentrer en France ?"
00:16:17 Il m'a dit "oui, c'est mon pays".
00:16:19 Et il m'a dit aussi "c'est là que j'ai eu l'ambiance intellectuelle la meilleure".
00:16:24 Donc, il a envie de rentrer en France.
00:16:26 Mais avec les conditions de travail qu'on a, il ne rentrera pas.
00:16:30 - Et ce que propose Emmanuel Macron, ça peut changer les choses ?
00:16:34 - Il a proposé des lignes très générales.
00:16:37 Il faut mettre ça en musique concrète.
00:16:44 J'attends de voir.
00:16:46 Parce que, comme je l'ai dit précédemment,
00:16:50 des chocs de simplification, ça fait dix ans qu'on nous en parle.
00:16:54 - Beaucoup plus.
00:16:56 - On voit venir que des chocs de complexification.
00:16:59 Donc, on a du mal à faire confiance dans ce genre d'annonce.
00:17:02 Je trouve que le discours a été très bien.
00:17:05 Maintenant, on va voir les actes derrière.
00:17:09 - Et suite à votre tribune, vous avez eu des réactions de la partie administrative du CNRS ?
00:17:17 - J'ai eu un message un peu courroussé d'un haut responsable.
00:17:23 On s'est expliqué un peu.
00:17:26 Mais non, c'est le silence radio.
00:17:30 - Vous avez des questions que vous avez envie de poser à Pierre Rochette ?
00:17:34 - Moi, je suis fascinée.
00:17:36 Partout où l'État met son nez, il y a un moment où ça dégénère.
00:17:40 Moi, j'ai le même problème.
00:17:43 On est en fin de trimestre.
00:17:45 On remplit ce qu'on appelle les LSU, c'est-à-dire le Livret scolaire universel.
00:17:49 Enfin, uniforme. Un truc pour unifier.
00:17:52 Toutes les maîtresses d'école de France, et les maîtres d'école aussi,
00:17:56 c'est pas sexué pour le coup.
00:17:58 On remplit ce LSU et on en vient à mettre des notes
00:18:02 qui se transforment en pastilles de couleurs.
00:18:05 Aller faire des moyennes avec des pastilles de couleurs,
00:18:08 quand un enfant a du rouge, du vert et du jaune pendant le même trimestre,
00:18:12 ça devrait faire du marron.
00:18:13 Alors évidemment, on ne peut pas mettre du marron.
00:18:15 À la fin de tout ça, c'est les maîtresses qui forcent les pastilles.
00:18:18 Je passe des soirées, ça fait beaucoup rire mes amis,
00:18:21 à forcer les pastilles.
00:18:23 On m'a demandé au début si c'était un truc sexuel, mais non, ce n'est pas sexuel.
00:18:26 Forcer les pastilles, c'est remplir le Livret scolaire des élèves de France aujourd'hui.
00:18:30 C'est fascinant, on vit la même chose.
00:18:33 Cette suradministration, bureaucratie,
00:18:36 qui empêche les gens de faire leur travail.
00:18:39 Nous, ce qu'on voudrait, c'est de la liberté pour enseigner, pour rechercher.
00:18:43 Et on est entravés.
00:18:45 - Merci Pierre Rochette pour votre témoignage.
00:18:48 Effectivement, avant la recherche nationale, il y a l'éducation nationale.
00:18:52 Et là aussi, la France descend dans les classements,
00:18:55 comme on l'a vu avec la publication, cette semaine, de l'enquête PISA.
00:18:59 On s'en occupe juste après une pause.
00:19:02 Le CDE a donc publié cette semaine les résultats de son enquête PISA
00:19:11 sur les acquis de 690 000 élèves de 15 ans,
00:19:14 répartis dans 81 pays, dont 8 000 élèves en France.
00:19:18 Ils sont particulièrement mauvais dans notre pays.
00:19:21 Gabriel Attal, le ministre de l'Éducation nationale,
00:19:24 s'est dépêché d'annoncer un train de mesure.
00:19:27 Mais est-ce que ça suffira ?
00:19:29 En maths, on est descendu à la 26e place,
00:19:32 alors qu'on est le pays qui a reçu le plus de médailles Fields avec les Etats-Unis.
00:19:35 On a perdu 21 points en maths par rapport au dernier classement PISA en 2018.
00:19:40 Les autres pays d'Europe ont perdu 15 points seulement,
00:19:44 pas d'Europe d'ailleurs, de l'OCDE.
00:19:46 Même les meilleurs élèves, ceux qui obtiennent les plus hauts scores en maths,
00:19:50 ils représentaient 15% des élèves français il y a 20 ans,
00:19:53 ils ne sont plus que 7,5%.
00:19:56 C'est la première fois que les meilleurs sont moins nombreux en France
00:19:59 que dans la moyenne des pays de l'OCDE.
00:20:02 En compréhension de l'écrit, le déclin a commencé en 2012.
00:20:05 On a perdu 32 points depuis, dont 19 points entre 2018 et aujourd'hui.
00:20:10 Trois points de plus que dans la moyenne de l'OCDE.
00:20:13 Alors la première question qu'on se pose, c'est pourquoi ?
00:20:16 Pour y répondre, il y a autour de la table Lisa Kamen-Ircig, professeure des écoles.
00:20:21 Vous avez publié à la rentrée La Grande Garderie, ça a été un succès d'ailleurs.
00:20:25 Cécile Chabot, professeure de lettres dans un collège à Paris.
00:20:29 Vous avez raconté votre vie d'enseignante dans Prof en 2021.
00:20:33 Jean-Yves Maas, vous êtes professeur de sciences économiques dans un lycée de Seine-Saint-Denis.
00:20:37 Vous venez de signer une tribune dans Le Monde intitulée
00:20:40 "A force de toujours considérer le verre à moitié vide en matière de démocratisation scolaire,
00:20:45 on accrédite l'idée qu'elle est un échec".
00:20:49 Enfin, Virginie Lanloo, députée Renaissance des Hauts-de-Seine, spécialisée dans les questions d'éducation.
00:20:57 Vous siégez la Commission des affaires culturelles et de l'éducation à l'Assemblée nationale.
00:21:02 Alors comment expliquez-vous cette chute ?
00:21:05 Alors cette chute, elle n'est pas nouvelle.
00:21:08 Les derniers résultats n'étaient pas bons non plus.
00:21:10 On s'aperçoit que depuis de nombreuses années,
00:21:14 et notamment le fait de considérer que tous les enfants sont faits de manière identique,
00:21:21 qu'on les fait avancer de manière identique,
00:21:23 et qu'il n'y a pas une prise en considération finalement de la capacité des uns et des autres
00:21:29 de ne pas faire pareil et de ne pas avancer de la même manière.
00:21:31 On a voulu un collège uniforme, on a voulu une homogénéisation finalement des enseignements pour tous les enfants.
00:21:38 Et force est de constater qu'à force d'homogénéiser, d'uniformiser,
00:21:41 les enfants n'avancent pas de la même manière.
00:21:43 Donc les résultats de fait pour certains sont mauvais et donc baissent la moyenne de manière générale.
00:21:48 Et ça depuis de nombreuses années.
00:21:50 Donc je pense qu'il est important de regarder en face ces résultats.
00:21:55 On voit que, notamment pas par rapport à ces résultats de PISA,
00:22:01 mais suite au dédoublement des classes dès 2017 dans les zones les plus difficiles,
00:22:08 on voit que les évaluations nationales ont commencé à donner leurs premiers résultats pour les élèves de CM2 et 6ème.
00:22:14 Ce qui veut dire que de prendre en considération des groupes de niveau,
00:22:18 des plus petits effectifs avec un accompagnement différencié,
00:22:21 peut donner des résultats.
00:22:23 Donc il faut qu'on en prenne conscience et qu'il faut qu'on l'étende de manière,
00:22:27 évidemment, beaucoup plus générale sur l'ensemble du territoire.
00:22:30 Les groupes de niveau, ça fait partie des propositions de Gabriel Attal, on en parlera.
00:22:34 On a deux minutes juste avant le rappel des titres.
00:22:37 Votre impression à vous, Lisa Kavenir-Sieg, c'est la faute à qui ? C'est la faute à quoi ?
00:22:44 C'est la faute à qui ? C'est la faute à 40 ou 50 ans de politique de l'éducation
00:22:49 qui privilégie la lutte contre les inégalités sur l'instruction.
00:22:54 Et donc on a finalement privé, je dirais, deux générations,
00:23:01 on a privé deux générations du patrimoine et de l'héritage auxquels elles avaient droit.
00:23:08 Et quand j'entends Madame dire que les enfants ne sont pas tous pareils
00:23:12 et qu'il mérite d'avoir chacun ce qui lui revient,
00:23:16 je suis entièrement d'accord, mais je pense que le gouvernement ne va pas au bout de cette logique
00:23:21 puisque ce qui permettrait ce type de politique,
00:23:25 et finalement de servir à chacun ce dont il a besoin,
00:23:28 ce serait de permettre aux parents de choisir l'école de leurs enfants,
00:23:33 non pas uniquement dans l'école monopolistique de l'État et de la République,
00:23:39 mais d'avoir le droit de choisir l'école, y compris dans les écoles privées,
00:23:43 dans les écoles privées sous contrat, dans les écoles privées hors contrat,
00:23:46 avec un système de chèque éducation, avec éventuellement une défiscalisation des écoles privées.
00:23:50 En tout cas, on voit que le privé fonctionne mieux que le public ?
00:23:53 Non, on voit que simplement dans le privé, il y a des enfants qui sont issus des milieux socio-économiques privilégiés.
00:24:00 Si on enlève les différences socio-économiques, il paraît, d'après ce que dit l'OCDE, les résultats sont les mêmes.
00:24:06 Alors il y a un indice très précis là-dessus qui s'appelle l'indice de position sociale,
00:24:10 qui est calculé par l'Éducation nationale, ce n'est pas moi qui le calcule,
00:24:13 sur des critères qui me semblent assez critiquables.
00:24:15 Mais enfin bon, l'indice existe et il s'en serve pour attribuer les subventions aux écoles publiques,
00:24:22 évidemment, puisque les écoles privées n'en reçoivent pas.
00:24:24 Et cet indice montre qu'en fonction des zones géographiques, les élèves des écoles privées
00:24:32 sont de milieux plus modestes que dans les écoles publiques.
00:24:35 Je vis en Provence, c'est le cas.
00:24:38 Donc ce n'est pas du tout aussi simple que ça.
00:24:41 Par ailleurs, on sait que les écoles privées font très bien réussir les élèves des milieux modestes,
00:24:47 et c'est bien pour ça que les gens, même des milieux modestes,
00:24:49 aujourd'hui se ruent vers les écoles privées.
00:24:51 Ils se sacrifient parfois, financièrement, pour mettre leurs enfants dans des écoles privées,
00:24:56 parce qu'ils voient bien que leurs enfants, même de milieux modestes,
00:24:58 même quand les parents ne sont pas capables de les aider parce qu'ils viennent d'un autre pays,
00:25:05 parce qu'ils n'ont pas le bagage intellectuel,
00:25:08 que dans ces écoles-là, on prend leurs enfants en charge et qu'on s'en occupe très bien.
00:25:12 On fait le rappel des titres, Marine Vidal, et on revient tout de suite à ce débat.
00:25:17 Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou a fait part au président russe Vladimir Poutine
00:25:23 de son mécontentement après le vote de la Russie au Conseil de sécurité de l'ONU en faveur d'un cessez-le-feu.
00:25:29 La Russie entretient des rapports cordiaux avec le Hamas et ne considère pas le groupe
00:25:32 comme une organisation terroriste, contrairement à Israël, aux États-Unis et à l'Union européenne.
00:25:36 Benjamin Netanyahou a également critiqué la coopération dangereuse entre la Russie et l'Iran.
00:25:41 Nouveau refus d'obtempérer, à Shell, en Seine-et-Marne,
00:25:45 deux adolescents de 17 ans sont morts des suites de leurs blessures.
00:25:48 Le conducteur du deux-roues a refusé de s'arrêter lors d'un contrôle de police.
00:25:52 Une course-poursuite s'est engagée avant qu'il ne perde le contrôle de l'engin.
00:25:55 Selon les premiers éléments de l'enquête, la mort des jeunes hommes n'est vraisemblablement pas
00:25:59 consécutive à un choc avec une voiture de police.
00:26:02 Enfin, le ministre du Travail, Olivier Dussopt, a déclaré vouloir relever de deux ans
00:26:06 l'âge d'accès à une indemnisation plus longue pour les chômeurs âgés,
00:26:09 de 55 à 57 ans, pour être cohérent avec ce que nous avons fait sur l'âge de départ à la retraite,
00:26:14 selon le ministre. Un relèvement de deux ans qui devra s'accompagner d'un effort de formation.
00:26:20 (Générique)
00:26:32 - On continue de s'interroger sur les résultats catastrophiques pour les Français du classement PISA.
00:26:38 Pourquoi, à votre avis, Jean-Yves Maas ?
00:26:41 - Alors d'abord, j'aurais voulu éventuellement répondre sur le renseignement privé.
00:26:45 Juste une petite chose, vous parlez effectivement des revenus, et c'est vrai qu'il y a des familles modestes
00:26:50 qui mettent leur enfant dans le privé. J'habite en Seine-Saint-Denis, je suis bien passé pour le savoir.
00:26:54 Mais ce n'est pas parce qu'on est dans un milieu modeste que forcément les enfants sont en échec,
00:26:59 que les enfants n'ont pas un très bon niveau. Donc quand les élèves, c'est pas suffisant,
00:27:04 c'est pas uniquement l'origine sociale qui compte, c'est aussi la motivation des parents,
00:27:08 c'est aussi l'encadrement des parents. Donc vous récupérez des enfants dont les familles sont très motivées.
00:27:12 - Éloignez-vous un tout petit peu du micro, Jean-Yves.
00:27:16 - Vous récupérez aussi des enfants qui sont déjà préparés à l'école, dont les familles.
00:27:20 Donc c'est facile, évidemment, ce que vous dites, dire que vous faites mieux réussir ces enfants-là,
00:27:24 notamment parce que vous êtes aussi, c'est beaucoup plus hétérogène aussi comme milieu.
00:27:29 Quand vous mettez quelques enfants de milieu éventuellement défavorisés, mais volontaires,
00:27:33 avec des familles derrière, dans des ambiances, dans une école privée dans laquelle globalement
00:27:39 ça se passe pas trop mal parce qu'on a une grande majorité de gens qui viennent de milieux favorisés,
00:27:42 bah oui, effectivement, ils progressent. Mais ça, c'est exactement ce qu'on dit,
00:27:45 l'hétérogénéité peut faire progresser des enfants faibles, des élèves, effectivement.
00:27:51 Donc c'est pas très compliqué. Par contre, ce qui est vrai, c'est que tous ces enfants-là,
00:27:56 ils manquent à l'école publique. C'est-à-dire qu'effectivement, du coup, on a une...
00:28:00 - Forçons-les à retourner dans le public, même contre leur gré, je pense que c'est vraiment la solution.
00:28:04 - Non mais d'accord, mais je veux dire...
00:28:05 - Plutôt que de copier ce que font les écoles privées...
00:28:07 - Pardon ?
00:28:08 - Plutôt que de copier ce que font les écoles privées, on va obliger les gens qui ont mis leurs enfants
00:28:11 dans les écoles privées de retourner dans les écoles publiques, c'est ça ?
00:28:13 - Je crois que l'objectif n'est pas d'opposer le public au privé.
00:28:15 - Je suis tout à fait d'accord, madame. Je suis tout à fait d'accord.
00:28:17 - Il faut respecter le choix des parents.
00:28:18 - Je pense qu'il faut...
00:28:19 - Alors, pour vous, c'est quoi le problème ?
00:28:20 - En tout cas, c'est clair que, effectivement, quand on reproche, effectivement, au secteur public
00:28:25 certains problèmes, et alors qu'on a, effectivement, les meilleurs enfants qui vont dans le privé,
00:28:28 voilà, enfin, c'est pas possible, quoi, ce procès-là n'est pas entendable.
00:28:32 - Sur PISA, je vais quand même vous... Enfin, il y a quand même des choses...
00:28:34 - Oui, parce que si on regarde les résultats PISA des élèves, les élèves des écoles privées dégringolent comme les autres.
00:28:40 - Alors, je vais quand même relativiser le constat que vous faites, parce qu'en fait,
00:28:43 je sais pas si vous avez vu que la France dégringolait, enfin, je veux dire, elle est dans la moyenne.
00:28:47 Or, une moyenne, comme vous le savez très bien, donc...
00:28:50 - Elle dégringole par rapport à ses résultats précédents.
00:28:53 - Oui, mais c'est... D'accord, non, je ne nie pas la baisse, hein, je nie pas la baisse,
00:28:56 il y a vraiment été un point, etc. Mais ce que je veux dire par là, c'est que c'est une moyenne,
00:28:58 donc il faut faire attention aussi, je crois que je vais peut-être expliquer aux Français qui sont nus en maths
00:29:01 ce que c'est qu'une moyenne, ou aux journalistes ce que c'est qu'une moyenne, excusez-moi.
00:29:04 Mais, oui, non, mais, enfin, je veux dire, une moyenne, je regardais, si vous regardez dans le document,
00:29:09 je ne l'ai pas apporté ici, c'est dommage, on aurait pu faire la...
00:29:11 - La note qui a été rédigée par Éric Charbonnier et Vinu, qui sont les deux analystes d'éducation.
00:29:18 - Vous vous rendez compte que les résultats, par exemple, de 60% effectivement de l'échantillon des élèves
00:29:22 qui sont à 15 ans en seconde générale et technologique sont parmi les meilleurs,
00:29:26 on atteint les scores, effectivement, du Japon.
00:29:28 Donc, alors, effectivement, il y a des élèves, et vous avez raison de le souligner,
00:29:32 il y a une augmentation, effectivement, des élèves en difficulté, ça c'est vrai, on ne peut pas le nier.
00:29:36 - Et il y a une baisse des élèves qui atteignent les plus hauts scores aussi.
00:29:38 - Oui, oui, oui, oui, alors, mais enfin, bon, les élèves qui passent les 60% de l'échantillon, ça va,
00:29:43 donc ce n'est pas la catastrophe.
00:29:44 Alors, moi, ce que je dis dans la tribune, c'est qu'effectivement, quand on parle d'éducation,
00:29:46 tout de suite, ça y est, c'est de gauche comme de droite, c'est-à-dire qu'effectivement,
00:29:50 c'est un catastrophisme, enfin, je veux dire, bon, à droite, on a les déclinistes, qui nous expliquent,
00:29:54 comme madame nous l'a expliqué tout à l'heure, c'était bien mieux avant, effectivement...
00:29:57 - Madame n'est pas à droite.
00:29:59 - Sur les questions scolaires, enfin, de ce que j'ai entendu, on n'est pas tout à fait sur la même,
00:30:03 peut-être pas de droite, mais enfin, vous êtes entre guillemets...
00:30:04 - Les deux hémisphères.
00:30:05 - Si vous voulez. Je ne sais pas pour qui vous votez, mais peu importe.
00:30:08 - Je crois qu'à l'école, il faut arrêter le gauche et le droite, il faut essayer de plaider pour le bon sens.
00:30:13 - Oui, enfin, c'est quand même... On a quand même des gens qui sont au pouvoir,
00:30:16 qui ont une étiquette politique, qui font des réformes, etc.
00:30:20 Si l'école, ce n'est pas une question politique, je ne sais pas qu'est-ce qui est politique en France.
00:30:23 - Il faudrait qu'elle soit un peu moins politisée, l'école.
00:30:25 - Il faut dépolitiser l'école, c'est la première chose à faire.
00:30:28 - Oui, c'est marrant, c'est parce que ça vous arrange.
00:30:31 - Et surtout, qu'est-ce qu'on met derrière le mot politique ?
00:30:34 - Ah ben, le politique au sens "le politique", c'est-à-dire l'affaire de la cité, l'affaire du monde, l'affaire de tous.
00:30:39 - Mais ils ne font plus que ça à l'école.
00:30:42 - Le fait qu'on puisse mettre un moment qui est ces deux secteurs privé et public,
00:30:46 c'est clair qu'effectivement, ce n'est pas politique, au sens noble du terme.
00:30:50 - Reprenons justement ce que disent les analystes de l'OCDE.
00:30:54 - Sur PISA, je disais effectivement qu'il y a une baisse, vous l'avez souligné, de 21 points.
00:30:58 Donc, on est dans la moyenne.
00:31:00 Alors, sur la question de la moyenne, je ne vous apprends rien non plus, c'est un classement.
00:31:03 Excusez-moi, sur la question du classement.
00:31:05 Mais vous le savez, c'est comme le Tour de France.
00:31:07 Je me suis amusé à regarder le Tour de France, l'écart qu'il y a entre le premier et le quinzième.
00:31:11 Vous savez combien il y a ?
00:31:13 Vous êtes 15e au Tour de France, ce n'est pas terrible.
00:31:15 Personne ne connaît le 15e.
00:31:19 Il y a une heure de différence sur 80 heures.
00:31:22 Le meilleur, il fait 80, et puis l'autre, il fait 81 heures.
00:31:26 Là, c'est un petit peu la même chose.
00:31:27 En fait, les écarts absolus ne sont pas si élevés que ça.
00:31:30 Il y a sur 20-30 points d'écart entre le... peut-être un peu plus.
00:31:36 530 points pour le premier, 470.
00:31:38 Mais vous savez ce que ça représente ? Ça représente trois quarts d'une année scolaire.
00:31:41 Oui, peut-être.
00:31:42 Mais c'est très important.
00:31:44 Je suis d'accord avec vous, tout est relatif.
00:31:46 C'est un classement.
00:31:47 Le catastrophisme est toujours problématique.
00:31:49 Mais c'est trois quarts d'une année scolaire.
00:31:51 Sur les raisons.
00:31:52 Il y a quand même quelque chose d'un petit peu étonnant.
00:31:54 C'est-à-dire qu'effectivement, madame, vous nous expliquez que ça fait 20 ou 30 ans, 40 ans que ça ne va pas.
00:31:59 Moi, ça fait 30 ou 35 ans que j'enseigne et j'entends depuis 35 ans que ça ne va pas.
00:32:03 La crise de l'éducation, vous le savez très bien, c'est un arrêt dans les années 60 ou 50.
00:32:07 Moi, ça fait 35 ans que j'entends que l'éducation est en crise.
00:32:10 Le discours que vous tenez, il est tenu par des gens depuis les années 80.
00:32:14 Je vous renvoie au livre de Milner, que vous connaissez sans doute, de l'école.
00:32:18 Tout ce que vous dites, tout ce que...
00:32:20 Je n'ai pas lu votre livre, je lirai sans doute peut-être.
00:32:22 Mais...
00:32:23 Sans doute peut-être.
00:32:25 Oui, je lirai volontiers.
00:32:27 Peut-être que sans doute, oui.
00:32:28 Bon, je lirai volontiers.
00:32:30 Mais je pense que je sais déjà ce qu'il y a dedans.
00:32:32 C'est qu'effectivement...
00:32:33 Oui, parce qu'en fait, c'est un petit peu...
00:32:35 Donc ne lisez pas.
00:32:36 Excusez-moi, mais il y a un genre littéraire, c'est le catastrophisme scolaire.
00:32:40 Chaque rentrée, il y a une pile de bouquins qui sortent pour nous expliquer à quel point l'école, c'est la catastrophe, etc.
00:32:46 Moi, mon discours, je ne dis pas, je ne nie pas que tout va bien.
00:32:51 Je dis juste qu'il faut aussi prendre un petit peu de recul et arrêter effectivement ces discours déclinistes.
00:32:56 Déclinistes, alors bon, politiquement, on sait...
00:32:59 Mais c'est la même chose à gauche.
00:33:00 Enfin, je veux dire, j'entends aussi à gauche des tribunes qui nous expliquent que l'école est encore beaucoup trop élitiste, que ça ne va pas du tout, etc.
00:33:07 Donc d'un côté, on entend le problème, c'est l'égalitarisme.
00:33:10 Et de l'autre, c'est l'élitisme.
00:33:11 Entre les deux, il y a peut-être effectivement un discours à tenir.
00:33:14 Je vous propose d'écouter le discours de l'ECDE, qui n'est ni de gauche ni de droite, on va dire, qui analyse des résultats et qui nous dit qu'est-ce qui s'est passé depuis le dernier...
00:33:22 Il y a eu le Covid.
00:33:23 Ça, tout le monde l'a eu.
00:33:25 Mais il y a des problèmes spécifiquement français.
00:33:27 Le manque d'enseignants affecte encore plus les Français que les autres.
00:33:32 Les Français, toujours les élèves, se sentent moins soutenus par leurs enseignants que les autres.
00:33:37 Et les parents français s'impliquent moins, en moyenne, dans la scolarité de leur enfant qu'autrefois.
00:33:43 Voilà, ça, c'est les trois trucs que nous dit l'ECDE.
00:33:46 Vous êtes d'accord avec tout ça ?
00:33:48 Je suis complètement d'accord.
00:33:49 Vous l'avez constaté ?
00:33:50 Mais oui, on le constate tous les jours sur le terrain.
00:33:52 Je suis d'ailleurs étonnée que vous soyez si dubitatif.
00:33:57 Évidemment, l'école va très mal.
00:33:59 Vous savez, apprendre, découvrir, acquérir des connaissances, c'est quelque chose de merveilleux.
00:34:04 Mais depuis un certain nombre d'années, l'effort que ça demande est déclaré insupportable.
00:34:10 Donc, il y a un manque d'exigence.
00:34:12 Il y a une espèce de démagogie, une victimisation, qui est une insulte à l'intelligence de nos enfants.
00:34:19 Et qui fait que, oui, le niveau baisse.
00:34:23 Voilà, le niveau baisse sensiblement, année par année.
00:34:26 Effectivement, vous dites, ça fait 50 ans à peu près, je pense à peu près depuis le début du collège unique.
00:34:31 Le collège unique est une aberration.
00:34:33 Et voilà, et rien ne va.
00:34:36 Et rien ne va.
00:34:37 Mais alors, dans votre livre, Cécile Chabot, je me souviens que vous incriminiez beaucoup les écrans.
00:34:41 Ce que remarque l'ECDE, c'est que les élèves français utilisent moins les instruments numériques,
00:34:47 et notamment les smartphones à l'intérieur et hors des établissements scolaires, que la moyenne des pays de l'ECDE.
00:34:52 Pourtant, on baisse plus.
00:34:54 Mais nous, ce n'est pas les écrans.
00:34:56 Les statistiques, je ne m'y connais pas bien, en tout cas sur le terrain.
00:35:01 Je regarde toujours sur le terrain.
00:35:02 Et effectivement, oui, j'incrimine les écrans.
00:35:04 Parce qu'il y a un problème, après, au niveau de l'imagination, au niveau relationnel.
00:35:11 Même, ma collègue en parlait, au niveau relationnel entre les parents et les professeurs.
00:35:16 Les écrans, c'est une engeance.
00:35:19 Vraiment, ça fait énormément de mal.
00:35:21 Dans mon livre, j'essaie de rester relativement positive, parce que j'adore mes élèves.
00:35:26 Donc, j'essaie d'avoir un regard toujours bienveillant, optimiste.
00:35:31 Mais je suis, comme beaucoup, le prof qui va au front, malgré tous les dysfonctionnements de l'éducation nationale.
00:35:38 Et je trouve les mesures annoncées plutôt de bonne augure.
00:35:44 Il y a juste une chose qui manque, à mon avis.
00:35:49 Enfin, on s'intéresse à l'hétérogénéité.
00:35:54 J'en suis ravie, parce que dans les salles des profs, on ne parle que de ça.
00:35:58 C'est vraiment ça qui pose problème dans les classes.
00:36:01 Vous voulez dire la mixité sociale ?
00:36:03 Non, je veux dire dans une classe, quand on a des petits non francophones, les pauvres qui sont largués.
00:36:09 Quand on a des élèves Ulysse en situation de handicap, quand on a des élèves en très grande difficulté.
00:36:17 Et à côté de ça, des enfants qu'on aspire à emmener vers Henri IV et Louis le Grand.
00:36:23 C'est extrêmement compliqué.
00:36:25 Et d'une certaine façon, c'est bien plus compliqué que mes premières années, quand j'enseignais en Seine-Saint-Denis,
00:36:30 où tout était à peu près homogène.
00:36:33 C'était bien plus simple, d'une certaine façon.
00:36:36 On parlait des groupes de niveau. Gabriel Attal voudrait des groupes de niveau.
00:36:42 Là aussi, je vais vous dire la recommandation de l'OCDE.
00:36:45 Les groupes de niveau, ça peut fonctionner dans quelques matières.
00:36:48 Mais il faut faire attention, parce que si c'est dans toutes les matières,
00:36:51 ça donne la classe des bons, la classe des moyens et la classe des nuls.
00:36:54 Et là, tout le monde s'écroule.
00:36:55 Ça, c'est la recommandation de l'OCDE.
00:36:57 On faisait souvent, si je puis me permettre, à notre époque,
00:37:00 où on avait de la 6e 1 à la 6e 5.
00:37:02 On était en 6e 1, ce qui est la bonne classe, et 6e 5, en général,
00:37:06 c'était ceux qui se suivaient moins.
00:37:07 Là, l'idée, ce n'est pas ça.
00:37:08 C'est vraiment de centrer sur les Français et les mathématiques,
00:37:11 effectivement, des groupes de niveau,
00:37:13 mais pas des niveaux qui restent forcément toujours au même niveau.
00:37:16 L'objectif, c'est effectivement d'emmener les élèves vers le plus
00:37:19 et de les prendre en considération dans leurs spécificités,
00:37:22 en fonction de là où ils en sont,
00:37:24 pour les aider justement à bien avancer.
00:37:26 Et le fait aussi de rajouter plus de mathématiques
00:37:29 et de sanctuariser aussi les mathématiques,
00:37:32 notamment au niveau du lycée,
00:37:35 avec l'arrivée d'une épreuve de maths en première.
00:37:39 Ça, c'est pour contrebalancer la réforme de Jean-Michel Blanquer,
00:37:42 qui avait oublié les maths.
00:37:44 Qui avait certes oublié les maths.
00:37:46 Moi, j'aime bien regarder devant ce qui est proposé.
00:37:49 Et je pense qu'il faut prendre en compte la spécificité
00:37:52 pour revenir avec tout ce que vous avez dit jusqu'ici.
00:37:54 Je suis entre guillemets jeune députée,
00:37:56 parce que je suis arrivée fin août.
00:37:57 J'ai derrière moi 15 ans de mandat local
00:37:59 en charge de l'éducation dans ma ville.
00:38:01 Et j'ai surtout 3 garçons.
00:38:03 Et donc 23 ans d'accompagnement de mes garçons
00:38:06 en tant que représentante de parents d'élèves.
00:38:07 J'ai bien vu la bascule qui s'est faite au fur et à mesure du temps.
00:38:11 Et je pense que là où c'est intéressant,
00:38:13 c'est de voir qu'à aujourd'hui, on remet aussi l'enseignant
00:38:15 dans son rôle principal.
00:38:17 C'est le sachant qui sait où en est l'enfant
00:38:21 et qui peut être à même de conseiller,
00:38:25 d'indiquer aux parents quels sont les moyens
00:38:27 pour le faire avancer, lui faire arriver
00:38:30 et choisir à terme sa voie.
00:38:32 Et ça je pense que c'est important.
00:38:33 Il faut que chacun retrouve son rôle.
00:38:35 Les parents sont les premiers éducateurs.
00:38:37 Les enseignants sont les premiers instructeurs.
00:38:40 Et au centre, il y a les enfants.
00:38:43 Et c'est eux que nous devons emmener ensemble vers l'excellence.
00:38:48 Il y a une chose que vous venez de dire
00:38:50 qui est importante quand vous parlez des enseignants.
00:38:52 Parce que moi, c'est peut-être la réserve que j'aurais
00:38:55 vis-à-vis des groupes de niveau.
00:38:57 Alors qu'ils soient flexibles, c'est impeccable.
00:39:00 - Flexible, ça veut dire qu'on peut passer de l'un à l'autre.
00:39:02 - Absolument, oui.
00:39:03 - Si on s'améliore, on doit pouvoir changer tout de suite.
00:39:05 - Exactement.
00:39:07 La question que je pose, c'est qui met-on devant ces enfants ?
00:39:12 Parce que qui dit groupe de niveau à petits effectifs,
00:39:16 dit qu'il va falloir rajouter des professeurs.
00:39:18 Et moi, la question que je pose, c'est les professeurs,
00:39:22 où est-ce qu'on les trouve ?
00:39:23 Parce qu'à l'heure actuelle, on ne recrute pas des professeurs,
00:39:26 on les racole.
00:39:27 Et combien de professeurs, alors évidemment, je ne devrais pas le dire,
00:39:30 ne serait-ce que dans mon collège,
00:39:32 combien de professeurs ne sont pas à leur place ?
00:39:34 Être professeur, ça ne s'improvise pas.
00:39:35 Il faut avoir la vocation, il faut avoir les compétences,
00:39:37 il faut avoir l'amour des enfants.
00:39:39 Il ne faut pas se dire que...
00:39:41 Il faut aussi avoir de l'exigence pour eux.
00:39:43 Il ne faut pas se dire, je vais être professeur
00:39:45 parce que je vais avoir des vacances
00:39:46 et parce que je vais avoir, j'ai beaucoup aimé votre expression,
00:39:49 une rente à vie.
00:39:50 C'est exactement ça.
00:39:51 On a la sécurité de l'emploi et on est tranquille.
00:39:53 On ferme la porte de sa classe et on fait ce qu'on veut.
00:39:55 Parce qu'il y a beaucoup de professeurs qui sont comme ça.
00:39:58 Je vais peut-être être un pavé dans la mare,
00:40:01 mais des générations d'enfants sont sacrifiées,
00:40:03 les parents le savent,
00:40:05 parce qu'il y a des professeurs qui ne sont pas à leur place.
00:40:09 Peut-être qu'il faudrait aussi travailler sur le recrutement des professeurs
00:40:12 et travailler avec des professeurs qui sont faits pour être professeurs.
00:40:18 Parce que tout le monde ne peut pas être professeur.
00:40:20 Le gouvernement va devoir travailler sur le recrutement des professeurs de toute façon,
00:40:23 puisque d'après ce que Gabriel Attal a dit,
00:40:26 il voudrait qu'on ne puisse plus passer au lycée
00:40:29 si on n'a pas eu le brevet des collèges.
00:40:32 Ça veut dire qu'on va redoubler et il veut qu'on redouble.
00:40:36 Et donc il va falloir plus de classes, plus de professeurs.
00:40:39 Je le précise, ce n'est pas le redoublement sec,
00:40:41 c'est le fait d'instaurer une prépa lycée,
00:40:44 donc une seconde prépa lycée,
00:40:46 ce qui n'est pas tout à fait la même chose.
00:40:48 Ce n'est pas refaire le programme de troisième,
00:40:51 c'est permettre aux enfants qu'ils n'aient pas eu le brevet.
00:40:54 Je pense que le fait de réinstaurer le fait que le brevet est un vrai diplôme,
00:40:58 de la même manière, je reviens en arrière,
00:41:00 mais on n'avait pas notre brevet,
00:41:02 on ne passait pas dans la classe supérieure,
00:41:04 où en tous les cas c'était souvent la condition qui a été donnée sur le bulletin de fin d'année,
00:41:08 si vous n'avez pas votre brevet, vous ne passez pas au-dessus.
00:41:10 Je pense que de redonner et de revaloriser l'ensemble des diplômes,
00:41:13 en ce compris le brevet, en ce compris aussi tous les examens,
00:41:17 tels que le CAP, où il va être instauré aussi des mentions pour le CAP,
00:41:20 je pense que c'est valoriser le travail de l'élève,
00:41:24 de l'enfant, j'ai envie de dire,
00:41:26 parce que je parle plutôt d'enfant que d'élève à chaque fois,
00:41:28 c'est de mettre en valeur ses compétences,
00:41:30 c'est de mettre en valeur son excellence,
00:41:32 et le fait qu'il ait travaillé, de valoriser ces diplômes-là.
00:41:35 Donc effectivement, il va falloir débloquer des moyens en ce sens,
00:41:38 il va falloir aussi recréer des vocations.
00:41:40 Il y a une deuxième étape qui va arriver,
00:41:42 c'est aussi de revoir la formation des enseignants,
00:41:45 tant dans leur entrée en master et autres,
00:41:51 mais aussi dans la formation continue,
00:41:53 pour redonner les clés permettant d'accompagner les professeurs
00:41:58 pour l'excellence des enfants.
00:42:00 - J'arrive, madame, la formation continue,
00:42:02 vous voulez la mettre sur les vacances déjà,
00:42:03 donc vous ne vous étonnez pas effectivement que ça se bouscule,
00:42:05 que ça ne se bouscule pas, il faut être un petit peu sérieux.
00:42:07 Juste un chiffre, est-ce que vous connaissez le taux de réussite au brevet ?
00:42:11 - Le taux de réussite au brevet, je vais être très honnête,
00:42:14 je n'ai pas le chiffre exact.
00:42:15 - C'est à peu près 90 %, d'accord ?
00:42:17 Donc ça veut dire qu'il y a 10 % des élèves qui potentiellement,
00:42:20 dans une classe d'âge, parce que tout le monde va au collège,
00:42:24 jusqu'en troisième, c'est-à-dire que vous allez faire redoubler,
00:42:28 excusez-moi, mais c'est une deuxième année,
00:42:30 bon ok, c'est une pré-pas lycée, ce n'est pas un redoublement,
00:42:32 mais enfin bon bref, vous allez refaire une année à 10 % d'une classe d'âge.
00:42:35 - 10 % d'une classe d'âge, sachant alors qu'on va...
00:42:37 - T'as fait quelques profs quand même.
00:42:38 - T'as fait quelques profs, on est bien d'accord.
00:42:39 - Non, et quelques élèves surtout.
00:42:40 - T'as fait quelques élèves d'abord, quelques enfants, quelques profs.
00:42:43 - La génération c'est 600 000 personnes.
00:42:45 - C'est 600 000 et on est en baisse, en plus on va avoir une baisse démographique
00:42:49 qui est assez...
00:42:50 - On ne vous a pas entendu...
00:42:52 - Madame va recréer des vocations, enfin le gouvernement,
00:42:54 madame a dit "on va recréer des vocations",
00:42:57 alors il faudra m'expliquer comment on fait pour recréer des vocations.
00:43:00 - Donner envie à des jeunes qui sont aujourd'hui au lycée.
00:43:04 - Je suis enseignante.
00:43:05 - Qui ont envie aussi de devenir profs, et il y en a beaucoup.
00:43:07 - Moi je suis enseignante depuis 20 ans,
00:43:09 et je crois que ce qui manque aux enseignants aujourd'hui
00:43:12 pour avoir envie de devenir enseignant, c'est la liberté.
00:43:15 C'est pas des questions de salaire, c'est pas des questions de...
00:43:18 - On l'a jamais enlevée la liberté pédagogique auprès des enseignants.
00:43:22 - Je suis désolée, moi je vois les programmes, je les vois chaque année,
00:43:25 donc je me renseigne quand même sur ce que je suis censée enseigner,
00:43:28 après j'avoue que parfois j'échappe un petit peu aux injonctions,
00:43:32 je fais en sorte de ne pas farcir la tête de mes élèves
00:43:35 avec ce que je lis dans les programmes en ce moment,
00:43:38 puisqu'aujourd'hui, une semaine d'école est rythmée par la journée de la laïcité,
00:43:42 la semaine suivante la journée contre le harcèlement,
00:43:45 la semaine d'après c'est la journée des Jeux Olympiques,
00:43:48 quand c'est pas la semaine des Jeux Olympiques,
00:43:50 ensuite c'est le paralympisme,
00:43:51 ensuite c'est l'égalité garçons-filles,
00:43:53 ensuite c'est l'écologie, on va ramasser les mégots,
00:43:55 on va planter des arbres avec Monsieur le Ministre,
00:43:58 on passe son temps à travailler sur ce qu'on appelle,
00:44:02 on va dire gentiment, les valeurs de la République,
00:44:05 et en réalité je crois que les enseignants,
00:44:07 enfin les jeunes gens qui souhaitent aujourd'hui devenir enseignants,
00:44:09 ont envie d'instruire les enfants, de leur donner le savoir,
00:44:12 de leur donner l'envie de continuer à étudier par eux-mêmes,
00:44:16 de leur apprendre la grammaire,
00:44:18 leur apprendre les mathématiques,
00:44:19 de leur apprendre l'histoire géographique,
00:44:21 - Je pense qu'avec ces journées-là, vous pouvez aussi leur apprendre la grammaire, le français, l'histoire,
00:44:24 - Je ne pense pas qu'on puisse apprendre la grammaire en ramassant les mégots,
00:44:26 mais ça c'est un point de vue personnel.
00:44:28 - Je pense qu'il faut revenir aux fondamentaux.
00:44:30 - Encore une fois, je pense que si les parents se ruent vers les écoles privées,
00:44:34 et de plus en plus vers les écoles privées hors contrat,
00:44:36 c'est-à-dire qui sont libres de leur programme,
00:44:39 sans être libres des objectifs,
00:44:41 elles ont les mêmes objectifs à atteindre à la fin du CM2,
00:44:43 puis à la fin de la troisième, que les écoles publiques.
00:44:45 Mais elles sont libres de leur programme.
00:44:47 Si les parents se ruent,
00:44:48 s'il y a une centaine d'écoles privées hors contrat qui se créent chaque année,
00:44:51 et s'il y a aujourd'hui 1% des élèves qui sont scolarisés dans ces écoles,
00:44:54 c'est beaucoup.
00:44:55 Ce n'était pas du tout le cas il y a 10 ans.
00:44:57 C'est notamment parce que les enseignants sont libres de leur pédagogie,
00:45:01 d'appliquer les programmes qu'ils souhaitent, etc.
00:45:03 Et je pense que cette liberté-là manque beaucoup aux enseignants aujourd'hui.
00:45:07 Et on ne pourra pas se priver de cette réflexion-là.
00:45:10 Je pense aussi que le fait, comme l'évoquait ma collègue tout à l'heure,
00:45:13 que les gens passent un concours une fois,
00:45:15 et puis décrochent ce concours,
00:45:17 et puis ensuite soient fonctionnaires pour le restant de leur jour,
00:45:19 avec ce que j'appelle effectivement une rente à vie,
00:45:21 est un gros problème.
00:45:22 Parce que quand ils ne font pas leur travail,
00:45:24 ils sont indéboulonnables.
00:45:25 Franchement, pour se faire virer l'éducation nationale, il faut y aller.
00:45:28 Regardez, j'ai écrit un livre, un brûlot sur l'éducation nationale,
00:45:31 j'y suis toujours.
00:45:32 Bon, je ne tiens pas à me faire virer, je le précise au passage.
00:45:34 Mais il faudrait peut-être que...
00:45:37 Il faut taper un enfant pour se faire virer.
00:45:39 Il y a des tas d'enseignants qui ne font pas leur travail.
00:45:42 Il y a des tas d'enseignants qui n'ont plus la foi,
00:45:45 qui restent là parce que c'est pratique,
00:45:48 on touche un salaire certes modeste,
00:45:50 mais enfin on touche quand même un salaire.
00:45:52 Il y a un statut, le fait d'enseigner, ça donne quand même un crédit
00:45:55 aux yeux de la société.
00:45:59 Et finalement, cette rente à vie,
00:46:03 elle joue contre eux.
00:46:04 Parce que dans les pays où l'éducation non-nationale fonctionne bien,
00:46:10 elle ne s'appelle pas éducation nationale,
00:46:12 elle s'appelle instruction publique déjà.
00:46:13 Et dans ces pays-là, en général,
00:46:15 les enseignants sont contractuels avec la collectivité qui les emploie.
00:46:18 La mairie, quand c'est l'école primaire,
00:46:20 puis éventuellement le département, le canton,
00:46:22 ça dépend des pays.
00:46:23 Ils ne sont pas fonctionnaires.
00:46:25 Et pour la raison qu'on ne peut pas garantir
00:46:29 qu'on ait envie de faire le même métier pendant 40 ou 50 ans,
00:46:33 et surtout pas avec des petits-enfants.
00:46:35 Vous le savez, c'est difficile de travailler avec des enfants.
00:46:38 Je pense qu'on ne pourra pas se passer de ce débat-là.
00:46:42 Et à mon sens, je pense qu'il faut défonctionnariser ce métier.
00:46:45 - Alors, je ne vais pas rentrer dans ce débat
00:46:47 comme objet d'échange, mais je ne veux pas non plus aussi
00:46:49 que pour celles et ceux qui nous écoutent,
00:46:51 pense que l'ensemble des enseignants,
00:46:53 ce que vous décrivez là, est quand même un tableau
00:46:55 que je ne peux pas entendre.
00:46:59 - Mais je suis maîtresse d'école depuis 20 ans, madame.
00:47:01 Je vois les enseignants autour de moi.
00:47:02 - Vous êtes peut-être enseignante depuis 20 ans.
00:47:04 Moi, je ne suis certes pas enseignante,
00:47:06 mais je pense pouvoir dire que je suis, entre guillemets,
00:47:09 dans ce milieu-là pour avoir travaillé
00:47:11 sur tous ces sujets éducatifs,
00:47:12 et être en lien avec les directeurs d'école de ma ville
00:47:15 et au-delà de ma ville, parce que
00:47:18 tous ces sujets-là me passionnent,
00:47:21 mais c'est la grande majorité des enseignants
00:47:23 qui font admirablement bien leur travail.
00:47:25 Alors, comme dans tout milieu, oui,
00:47:27 il y a sans doute des enseignants qui n'ont pas leur place.
00:47:29 Mais ce n'est pas uniquement à l'Éducation nationale.
00:47:31 C'est dans tous les métiers.
00:47:33 Il y a des personnes qui, effectivement,
00:47:34 ne sont pas à leur place.
00:47:35 Pour autant, il y a une grande majorité d'enseignants
00:47:38 qui font merveilleusement le travail,
00:47:40 et je pense qu'il faut leur rendre aussi hommage.
00:47:42 - Oui, quand ils arrivent à faire leur travail,
00:47:44 c'est admirable, parce que s'ils luttent
00:47:46 contre toute une institution...
00:47:47 - Il y en a beaucoup !
00:47:48 - Alors, Jean-Yves Mas, vous...
00:47:49 - Vous vous posez public et privé, là-dessus.
00:47:51 - Oui, depuis tout à l'heure.
00:47:52 Enfin, j'apporte un témoignage.
00:47:53 Non, je n'ai absolument pas...
00:47:54 Enfin, moi, je m'inscris en faux, oui,
00:47:55 comme dit madame.
00:47:56 Il y a des gens qui dysfonctionnent,
00:47:58 oui, ça arrive.
00:47:59 Il y a aussi des histoires de vie compliquées,
00:48:01 parfois, comme dans tous les milieux.
00:48:03 Il y a des gens qui sont...
00:48:04 Après, si vraiment le problème, c'était ça,
00:48:06 ça se saurait.
00:48:07 - Ah, mais ça se sait !
00:48:08 - Non, mais écoutez, moi, je suis dans des lycées
00:48:10 où on se bat pour récupérer un demi-poste de ceci,
00:48:12 un demi-poste de cela, etc.
00:48:13 Enfin, c'est pas du tout le problème.
00:48:15 C'est pas les profs défaillants.
00:48:17 Enfin, je veux dire, qui on est, qui en existe, il y a une partie.
00:48:19 - Mais on peut dire aussi que c'est un problème.
00:48:21 Quand un prof a 120 élèves par an,
00:48:25 on sacrifie quand même 120 enfants.
00:48:28 C'est pas rien.
00:48:29 On peut pas dire que c'est rien.
00:48:30 - C'était pareil il y a 20 ans, il y a 30 ans.
00:48:32 - Oui, mais enfin, on peut dire...
00:48:33 - C'est pas nouveau.
00:48:34 - D'accord, mais c'est pas nouveau.
00:48:35 Mais on peut peut-être essayer d'agir autrement.
00:48:38 - Je voudrais, pour pas rester sur uniquement le problème des professeurs,
00:48:40 puisqu'on l'a dit, les parents s'engagent moins.
00:48:43 Il y a aussi...
00:48:45 Alors, c'est vrai, les élèves disent que leurs professeurs sont moins motivés.
00:48:48 Mais on a quand même un système d'éducation en France,
00:48:51 et là encore, je me réfère à la note de l'ECDE,
00:48:54 qui n'arrive pas à compenser les difficultés.
00:48:56 Dès qu'un élève est en difficulté,
00:48:59 il va commencer à les accumuler,
00:49:01 et il risque de se retrouver en échec scolaire.
00:49:03 Alors, il se trouve qu'il y a plus d'enfants
00:49:06 issus des milieux socio-économiques défavorisés
00:49:09 qui affrontent ce genre de problème,
00:49:12 et qu'on a remarqué que,
00:49:14 quand on vient d'un milieu défavorisé en France,
00:49:17 on a 10 fois plus de chances qu'un élève issu des milieux favorisés
00:49:20 d'échouer au test PISA,
00:49:22 et c'est de ça qu'on parle,
00:49:24 c'est notre échec au test PISA.
00:49:26 Donc, on voit bien que c'est un vrai problème en France.
00:49:29 Et c'est typiquement français.
00:49:31 - Et je reconnais ce mérite d'avoir dit
00:49:37 ce que peu de gens osent dire,
00:49:40 c'est que tout se joue à l'école primaire.
00:49:42 Combien de fois je me suis fait museler
00:49:45 dans des réunions parce que je disais,
00:49:48 je suis professeure de collège,
00:49:50 donc je récupère des enfants de 6e
00:49:54 qui, pour beaucoup, ne savent pas lire.
00:49:57 C'est-à-dire déchiffrer, comprendre, savoir interpréter.
00:50:01 Donc, qui ne savent pas lire, qui ne savent pas écrire,
00:50:04 qui ont des problèmes même de graphie.
00:50:06 Et on est en droit de s'interroger,
00:50:09 sans condamner bien sûr, mais on est en droit de s'interroger.
00:50:12 Ce sont des enfants, ça fait 8 ans qu'ils sont à l'école.
00:50:15 Comment ça se fait que des enfants
00:50:19 puissent avoir un tel niveau ?
00:50:21 - Je rappelle que vous êtes professeure de collège à Paris.
00:50:24 - Oui, mais j'ai été 10 ans professeure de collège dans le 93.
00:50:29 Pour moi, ça ne fait pas de différence.
00:50:31 - Oui, justement, il n'y a pas de différence.
00:50:33 - Oui, il n'y a pas de différence.
00:50:35 Et je pense que tout se joue à l'école.
00:50:39 - On va poser la question à votre voisine,
00:50:41 qui est professeure des écoles.
00:50:43 - Je vous ai dit tout à l'heure,
00:50:45 quand je vois l'inanité des programmes,
00:50:47 je n'ai pas besoin de chercher plus loin.
00:50:49 Quand on passe son temps à faire de l'idéologie à l'école,
00:50:52 il suffit d'aller sur le site de l'Education nationale pour le voir,
00:50:55 l'objectif de l'école aujourd'hui, c'est de faire en sorte
00:50:57 que les enfants soient engagés dans un combat politique.
00:51:00 C'est l'école de l'engagement.
00:51:02 Ça a été l'école de la confiance, ensuite l'école de l'engagement.
00:51:04 Dans tous les cas, l'idée c'est toujours de lutter contre les inégalités.
00:51:08 Et plus on lutte contre les inégalités, c'est phénoménal,
00:51:11 plus on lutte contre les inégalités, plus elles se creusent.
00:51:13 Donc il faut peut-être arrêter de lutter contre les inégalités
00:51:15 et penser à instruire les élèves.
00:51:16 Il me semble que le plus beau cadeau qu'on puisse faire
00:51:18 à un enfant de quelque milieu qu'il soit,
00:51:21 c'est l'instruction, le savoir, la connaissance pure,
00:51:26 sans idéologie derrière, sans dire aux enfants
00:51:29 "vous devez vous engager pour l'écologie".
00:51:32 Alors on leur donne des mallettes d'écologistes,
00:51:35 et on doit faire des débats en classe.
00:51:37 Ils doivent représenter qui l'écolo,
00:51:40 qui le méchant patron qui pollue.
00:51:42 Je vous assure, tout ça est vrai.
00:51:44 J'ai des exemples dans mon livre.
00:51:46 - C'est pas un problème, la chiffre climatique ?
00:51:48 - Merci monsieur, je termine.
00:51:49 À partir du moment où on a renoncé à transmettre,
00:51:56 et d'ailleurs c'était la lubie des pédagogistes
00:52:01 dès les années 60-70,
00:52:03 disant que la transmission était une violence de classe,
00:52:06 puisque finalement ceux qui transmettaient déjà à la maison,
00:52:09 c'était les bourgeois,
00:52:10 et que l'école devait décimer les bourgeois
00:52:13 parce que c'était des salopards qui avaient le pouvoir en gros.
00:52:17 Cette idéologie-là a finalement infusé
00:52:21 les programmes de l'éducation nationale,
00:52:23 les formations de professeurs,
00:52:25 les syndicats de professeurs qui sont assez puissants,
00:52:28 alors de moins en moins quand même,
00:52:29 mais qui sont quand même encore assez puissants et assez nombreux.
00:52:32 Et aujourd'hui on a des programmes scolaires,
00:52:34 moi j'invite vraiment tous les téléspectateurs
00:52:36 à aller mettre leur nez dans le site de l'éducation nationale,
00:52:38 ainsi que dans les sites des INSPES,
00:52:42 c'est-à-dire ce qui a remplacé les IUFM,
00:52:44 c'est les instituts qui sont censés former les enseignants aujourd'hui.
00:52:48 Ils sont écrits pour, je crois, à peu près la moitié d'entre eux,
00:52:52 en écriture inclusive.
00:52:53 Sur les pages de ces centres de formation,
00:52:55 les pages d'accueil en général,
00:52:57 on trouve des formations proposées aux futurs enseignants
00:52:59 sur l'égalité des sexes, l'antiracisme, l'écologie,
00:53:03 les valeurs de la République dans toutes leurs exceptions.
00:53:06 Alors ça va de la fraternité à la laïcité.
00:53:09 Il faut passer par le carré républicain pour se faire rééduquer,
00:53:13 parce que des fois, quand on ne soit pas assez éduqué à l'école,
00:53:16 quand on arrive dans ces centres de formation, on va vous rééduquer.
00:53:19 Il y a un très bon livre d'un monsieur qui s'appelle Patrice Jean,
00:53:21 qui s'appelle "Rééducation nationale",
00:53:23 que je vous invite à lire également,
00:53:25 dans lequel il raconte, mais c'est un roman, c'est très drôle,
00:53:27 dans lequel il raconte comment on rééduque les professeurs
00:53:29 avant de rééduquer les élèves.
00:53:31 - Alors, dernier mot, à ma gauche, puisqu'il reste une minute.
00:53:34 - Je pense qu'effectivement, les annonces de Gabriel Attal
00:53:36 devraient vous satisfaire, parce que son objectif,
00:53:38 c'est de remettre au centre les fondamentaux français.
00:53:40 - Pourquoi ça n'y se trouve pas ?
00:53:42 - Parce que ça, il faut le souligner,
00:53:44 et ça devrait vous rendre heureuse de ce point de vue-là.
00:53:50 Je pense que malgré tout, d'enseigner les français et les maths,
00:53:53 ça n'empêche pas aussi d'apprendre les valeurs
00:53:56 et d'apprendre aussi le monde qui nous entoure.
00:53:58 Je pense que c'est un concentré de tout ça qui fait...
00:54:00 - Quand on fait une leçon, je peux vous dire,
00:54:02 moi je n'ai pas la même temporalité que ma collègue,
00:54:04 moi j'ai vraiment très très peu de temps les élèves,
00:54:06 mais je peux vous dire que pendant une heure,
00:54:08 toutes les digressions qu'on peut faire,
00:54:10 évidemment, on apprend à être un citoyen.
00:54:12 Moi, je n'inculque que les valeurs que j'inculque à ma fille,
00:54:15 bien évidemment, mais pour rebondir sur ce que disait ma collègue,
00:54:20 moi j'ai participé à des réunions avec des collègues d'élémentaire,
00:54:25 où on disait qu'il ne fallait pas donner de devoirs écrits,
00:54:29 parce que c'était, vous comprenez, les élèves défavorisés,
00:54:33 c'était pas bien pour eux, c'était pas très juste.
00:54:36 Bon, ben résultat, résultat, les élèves de conditions...
00:54:42 - Plus modestes ?
00:54:43 - Non, plus élevés, pour pallier les défaillances de l'éducation nationale,
00:54:47 ils avaient des cours particuliers, et voilà comment les cartes se creusaient.
00:54:52 Et les gamins qui n'avaient pas de devoirs, ils allaient jouer au foot sur la dalle.
00:54:55 Et voilà comment on creusait.
00:54:56 - Ce sera le mot de la fin.
00:54:58 - Lutter contre le harcèlement scolaire, c'est pas une bonne idée.
00:55:01 L'école n'a pas lutté contre le harcèlement scolaire,
00:55:04 l'école n'a pas lutté contre le réchauffement climatique.
00:55:07 - J'imagine que cette question m'est destinée. Est-ce que j'ai le temps de répondre ?
00:55:09 - Très vite.
00:55:10 - Lutter contre le harcèlement scolaire, c'est une chose.
00:55:14 Passer des journées ou des semaines à parler de harcèlement...
00:55:17 Moi j'ai dû faire remplir à mes élèves un questionnaire pour savoir si à la cantine,
00:55:21 ils étaient harcelés, si dans la cour ils étaient harcelés,
00:55:24 si en quittant l'école ils étaient harcelés.
00:55:26 Un questionnaire, ça leur a pris deux heures de remplir le questionnaire,
00:55:29 tout ça pour conclure que les élèves de mon école n'étaient pas harcelés.
00:55:32 - C'est la chance.
00:55:34 - Il me semble que s'il y a un problème de harcèlement dans mon école,
00:55:37 les élèves en parleront aux adultes qui les surveillent.
00:55:42 - C'est un peu le problème.
00:55:45 - On s'arrête là. On a bien compris qu'on ne pourrait consigner les rapats ce soir.
00:55:50 Merci tous les quatre d'avoir participé à ce débat.
00:55:53 On le rappelle des titres Maureen Vidal.
00:55:56 Et ensuite, on s'intéresse à un autre record battu par la France cette année,
00:56:01 celui des prélèvements obligatoires.
00:56:04 L'armée israélienne a livré de violents combats aux Hamas palestiniens
00:56:10 dans la bande de Gaza et a intensifié ses raids aériens.
00:56:13 Les Etats-Unis ont approuvé d'urgence la vente à Israël de près de 14 000 obus
00:56:17 équipant les chars Merkava engagés dans l'offensive contre le Hamas.
00:56:20 Environ 1,9 million de Palestiniens, soit 85% des habitants selon l'ONU,
00:56:25 ont fui vers des zones du Sud.
00:56:28 Le patron de l'agence de l'ONU pour les réfugiés palestiniens,
00:56:31 Philippe Lazzarini, a accusé Israël de préparer le terrain
00:56:35 à l'expulsion massive des Palestiniens de Gaza vers l'Egypte.
00:56:38 Accusation rejetée par les autorités israéliennes.
00:56:41 Si l'on continue dans cette voie, Gaza ne sera plus une terre pour les Palestiniens,
00:56:44 a-t-il déclaré.
00:56:46 Une boutique du 8e arrondissement de la capitale a été braquée ce matin.
00:56:49 Deux individus masqués sont entrés munis de marteaux et de gaz lacrymogènes.
00:56:53 Ils se sont emparés de nombreuses montres et de bijoux.
00:56:56 Avant de prendre la fuite, la brigade de répression du banditisme
00:56:59 est saisie de l'enquête.
00:57:01 - Bienvenue. Si vous nous avez rejoints en cours d'émission,
00:57:17 les visiteurs du soir, c'est jusqu'à minuit.
00:57:20 Jean-François Guéraud vient de nous rejoindre.
00:57:22 Il est commissaire de police, spécialiste du crime organisé.
00:57:25 Il vient de publier "La mafia et la Maison Blanche",
00:57:28 ses 10 ans de travail et d'ultime révélation sur l'assassinat de John Kennedy,
00:57:33 il y a 60 ans. On en parle dans une demi-heure.
00:57:36 Vous saurez les noms et vous verrez même les photos
00:57:40 des probables commanditaires de l'attentat.
00:57:43 Mais tout de suite, on continue sur la France,
00:57:45 après la recherche et l'éducation.
00:57:47 On va s'intéresser aux impôts.
00:57:49 Notre pays vient en effet de battre un record, selon Horace Tate.
00:57:53 Le taux de prélèvement obligatoire par rapport aux PIB atteint 48%,
00:57:57 plus de 6 points au-dessus de la moyenne des pays de la zone euro.
00:58:01 On est champion de la zone euro.
00:58:04 On est loin du néolibéralisme dont on accuse Emmanuel Macron,
00:58:07 puisqu'au-delà de 40% de prélèvement obligatoire,
00:58:10 on basculera dans le socialisme, avait déclaré le président Giscard d'Estaing.
00:58:14 Eh bien, on y est parvenu au-dessus des 40% sous François Mitterrand.
00:58:18 On a franchi la barre des 45% en 2019 sous Emmanuel Macron.
00:58:22 On est aujourd'hui à 48%.
00:58:24 La première question, c'est pourquoi ?
00:58:26 Je vais la poser à nos trois visiteurs du soir.
00:58:28 Olivier Babaud, vous êtes économiste,
00:58:30 vous êtes l'auteur de "L'horreur politique, l'État contre la société".
00:58:35 Vous dirigez l'Institut Sapiens,
00:58:37 que vous avez cofondé avec Laurent Alexandre et Dominique Kalmelz.
00:58:40 Christophe Rameau, vous êtes membre des économistes atterrés,
00:58:43 maître de conférence à la Sorbonne
00:58:45 et chercheur au Centre d'économie de la Sorbonne.
00:58:48 Vous êtes l'auteur de "L'État social",
00:58:50 pour sortir du chaos néolibéral.
00:58:53 C'était en 2012.
00:58:55 Et en 2022, vous avez publié "Pour une économie républicaine".
00:58:58 Et enfin, Mathieu Lefebvre, député Renaissance du Val-de-Marne.
00:59:02 Vous êtes le coordinateur du groupe Renaissance
00:59:04 au sein de la Commission des finances.
00:59:06 Alors, à vous l'honneur, pourquoi on en est arrivé à ce record ?
00:59:10 Et faut-il en être fier ?
00:59:12 Non, il ne faut pas en être fier.
00:59:14 Mais si on prélève trop d'impôts et de taxes,
00:59:16 c'est d'abord parce qu'on dépense trop.
00:59:18 On a le système le plus redistributif des pays de l'OCDE.
00:59:22 Et on a des dépenses publiques,
00:59:24 et notamment des dépenses sociales,
00:59:25 qui sont beaucoup plus élevées qu'ailleurs.
00:59:27 Je pense notamment aux dépenses de retraite.
00:59:29 On dépense aujourd'hui 14% de notre richesse nationale
00:59:32 pour notre système de retraite,
00:59:34 contre 11 à 12% dans les autres pays de l'OCDE.
00:59:37 Un modèle social aussi généreux, aussi redistributif,
00:59:41 ça se paye.
00:59:42 Ça se paye en impôts et en taxes.
00:59:45 Pour vous donner un chiffre,
00:59:47 je vous dis que les inégalités
00:59:49 entre les plus riches et les plus pauvres dans notre pays
00:59:51 sont de 1 à 18%
00:59:53 avant redistribution par l'impôt
00:59:55 et par les prestations sociales.
00:59:57 Après, elles sont de 1 à 3%.
00:59:59 Quand on entend dans le débat public
01:00:01 nous dire que notre pays est un pays profondément inégalitaire,
01:00:05 que vous avez parlé de politique,
01:00:08 que la politique qui est menée depuis des années
01:00:10 est une politique néolibérale et austère,
01:00:12 c'est totalement faux.
01:00:13 De 1 à 3%, c'est une grosse moyenne.
01:00:16 On connaît tous des gens qui gagnent 4 ou 5 fois plus que nous.
01:00:19 C'est comme ça qu'on définit les riches.
01:00:21 Le riche, c'est celui qui gagne 4 fois plus que vous.
01:00:24 C'est la note de l'INSEE qui dit ça.
01:00:26 Le système à la fois fiscal et social
01:00:29 permet de réduire massivement les inégalités.
01:00:32 Par exemple, pour les personnes qui sont dans les 30% les plus pauvres,
01:00:36 c'est à peu près 70% de redistribution fiscale ou sociale.
01:00:40 Dans notre pays, il y a environ 57%,
01:00:43 quasiment les 2/3 des personnes,
01:00:45 qui reçoivent plus du système fiscal ou social
01:00:47 qu'elles n'y contribuent.
01:00:49 Et ça pose une difficulté.
01:00:51 La contribution repose majoritairement sur un public
01:00:54 qui contribue beaucoup plus que les autres.
01:00:57 Un chiffre encore, l'impôt sur le revenu
01:00:59 est aujourd'hui hyper concentré.
01:01:01 On a 10% des Français qui acquittent 70%
01:01:04 du produit de l'impôt sur le revenu.
01:01:06 - Pourquoi Olivier Babaud ?
01:01:09 Je parlais de Valéry Giscard d'Estaing
01:01:12 qui pensait qu'au-delà de 40% ont passé dans le socialisme.
01:01:15 Sous Valéry Giscard d'Estaing,
01:01:17 les services publics étaient bien plus riches qu'aujourd'hui.
01:01:20 La redistribution fonctionnait.
01:01:22 Je crois que c'est le moment de l'histoire de France
01:01:25 où les inégalités en moyenne ont été les plus réduites.
01:01:28 Elles ont recommencé à grandir sous François Mitterrand.
01:01:31 Je ne suis pas en train de faire l'éloge de Valéry Giscard d'Estaing,
01:01:34 mais je veux dire par là qu'à l'époque,
01:01:36 avec moins de prélèvements obligatoires,
01:01:38 en tout cas en pourcentage,
01:01:40 on avait pas mal le système social français.
01:01:42 Alors pourquoi aujourd'hui 48% ?
01:01:44 Pourquoi le record d'Europe ?
01:01:46 - On arrive au bout de près de 50 ans de dérive,
01:01:49 de l'acheté, peut-être de plus inimité d'ailleurs,
01:01:52 de la part de nos dirigeants,
01:01:54 où on a acheté à coups de milliards
01:01:56 la facilité de politique sociale
01:01:58 dont on n'a pas vraiment voulu voir l'efficacité,
01:02:01 de dépenses dont on n'a pas voulu voir l'organisation.
01:02:04 Ce qui fait qu'il y a un choix collectif en France
01:02:07 d'un État-providence très présent.
01:02:09 Un choix collectif qui est tout à fait possible
01:02:11 et qu'on peut tout à fait affirmer.
01:02:13 Le problème, c'est qu'on voit bien qu'il y a des pays
01:02:15 qui sont beaucoup moins dix ans en termes d'impôts
01:02:17 et qui sont, du point de vue de la qualité
01:02:19 des services publics, objectivement bien supérieurs à nous.
01:02:22 On comprend bien que cette dépense aujourd'hui
01:02:24 est très très mal orientée.
01:02:26 Mais c'est pire que ça.
01:02:28 Le problème aujourd'hui de ce niveau de fiscalité,
01:02:30 c'est que nous sommes entrés dans une espèce
01:02:32 de cercle vicieux complètement fou
01:02:34 qui fait qu'aujourd'hui,
01:02:36 ces prélèvements obligatoires tuent la croissance.
01:02:38 Or, cette croissance est la seule façon
01:02:40 de continuer à permettre d'avoir
01:02:42 ce système social extrêmement développé.
01:02:45 Aujourd'hui, pourquoi on n'arrive pas
01:02:47 à baisser les dépenses ?
01:02:49 Parce que la charge de la dette est en train
01:02:51 d'exploser sous l'effet, malheureusement,
01:02:53 de l'augmentation des taux.
01:02:55 C'est en passe de devenir le premier budget
01:02:57 de l'État devant l'éducation nationale.
01:02:59 C'est la moitié des recettes
01:03:01 de l'impôt sur le revenu qui est aujourd'hui
01:03:03 absorbée par la charge de la dette.
01:03:05 Nous sommes pris dans ce cercle devenu fou.
01:03:08 Nous avons beaucoup de mal à baisser les dépenses.
01:03:11 Augmenter encore les impôts est impossible.
01:03:13 Et nous ne pouvons plus augmenter le déficit
01:03:15 parce que le FMI et l'Europe nous l'interdisent.
01:03:17 Nous sommes pris dans une espèce d'incapacité
01:03:19 qui fait que ça craque de tous les côtés.
01:03:22 Dès qu'on essaye de fermer un petit peu le robinet,
01:03:24 c'était le cas des retraites, on voit bien que
01:03:26 1) on met un an de gens dans la rue
01:03:28 et 2) en fait, on n'y arrive pas
01:03:30 puisque l'augmentation des taux a effacé en un an
01:03:32 tout l'effort théorique des 12 milliards
01:03:34 qu'on a gagnés avec cette petite réforme.
01:03:37 Pour préciser, la France doit lever en 2024
01:03:39 285 milliards d'euros à moyen ou à long terme
01:03:43 sur les marchés financiers pour financer sa dette.
01:03:46 Là aussi, c'est un montant record.
01:03:48 On n'a jamais eu besoin de...
01:03:50 Et c'est à long et à moyen terme
01:03:52 parce qu'on va emprunter en plus 150 milliards à court terme.
01:03:55 Votre diagnostic à vous, Christophe Rameau.
01:04:01 Quand on parle de prélèvement obligatoire,
01:04:03 je crois que vous avez cité,
01:04:05 les gens, ce qui a été évoqué ici,
01:04:07 on pense tout de suite aux services publics.
01:04:09 Il faut savoir que les services publics,
01:04:11 ça représente à peine un quart de la dépense publique.
01:04:14 Le reste, c'est des transferts.
01:04:16 Le reste, c'est des sommes qui sont prélevées,
01:04:19 mais qui sont reversées à des ménages,
01:04:22 principalement aux ménages, mais aussi aux entreprises.
01:04:25 Et donc, pour 500 milliards,
01:04:27 c'est ce qu'on appelle des prestations sociales dans l'espèce,
01:04:30 c'est les retraites essentiellement.
01:04:32 - C'est les retraites, c'est le remboursement
01:04:34 des dépenses de santé, les aides aux ménages,
01:04:37 comme quand on paye le plein, par exemple,
01:04:39 et puis des aides aux entrepreneurs.
01:04:41 - Un point de méthode très important.
01:04:43 La part des salaires versés aux fonctionnaires
01:04:46 en pourcentage du PIB, elle n'a pas augmenté,
01:04:49 écoutez-moi bien, depuis 40 ans.
01:04:51 - 50 ans. - Depuis 40 ans. 13 % du PIB.
01:04:53 - Et les services publics étaient mieux lotis
01:04:55 sous Vénégiste Cardessa qu'aujourd'hui.
01:04:57 - Ce qui n'a pas... Comment dire ?
01:04:59 Ce qui n'a pas... Ce qui a augmenté,
01:05:01 c'est la raison pour laquelle les prélèvements obligatoires,
01:05:03 la dépense publique a augmenté, c'est parce qu'il y a
01:05:05 toutes ces sommes qu'on socialise pour faire vivre
01:05:07 notamment des retraités, soigner des malades, etc.
01:05:09 Alors, un point important, par exemple,
01:05:11 parce que l'essentiel, la raison pour laquelle
01:05:13 on bat le record, c'est essentiellement
01:05:15 pour les prélèvements qui sont des prélèvements
01:05:17 visant à financer ces prestations sociales.
01:05:20 Aux Etats-Unis, le taux de prélèvement obligatoire
01:05:23 est beaucoup plus faible, mais vous savez,
01:05:25 l'OCDE, elle calcule un taux de prélèvement
01:05:29 en intégrant le privé,
01:05:32 puisqu'il faut faire vivre les retraités.
01:05:35 Et en France, on a choisi de les faire vivre
01:05:37 essentiellement avec des pensions publiques.
01:05:39 On est un des seuls pays au monde où les retraites complémentaires,
01:05:41 qui existent partout ailleurs, mais on les compte
01:05:43 dans la dépense publique parce qu'elles sont obligatoires,
01:05:45 elles sont gérées en répartition, mais ça existe
01:05:47 dans les autres pays au monde. Et donc, quand on additionne
01:05:49 aux Etats-Unis les prestations sociales publiques
01:05:52 et les prestations sociales privées,
01:05:54 eh bien, on arrive à 30% du PIB.
01:05:57 On est exactement au même chiffre qu'en France.
01:05:59 Et donc, la question qui se pose, c'est quel est le système
01:06:02 le plus juste ? Je pense, et je supporte,
01:06:05 je supporte que le privé existe, je vous rassure,
01:06:07 sur ce plateau, je pense que le privé a du bon, d'accord ?
01:06:10 Mais il faut accepter que nous vivons dans des sociétés
01:06:13 où il y a de l'intérêt général à prendre en considération,
01:06:16 et de toute évidence, quand les retraites sont prises en charge
01:06:18 par le public, ça fonctionne mieux.
01:06:20 C'est moins coûteux, c'est moins inégalitaire.
01:06:22 Quand la santé est prise en charge par le public,
01:06:25 c'est moins coûteux, c'est moins inégalitaire.
01:06:27 Aux Etats-Unis, ils consacrent 18% de leur PIB pour la santé.
01:06:31 On est à 50% moins, on est à 12-13%, d'accord ?
01:06:34 Leur espérance de vie est inférieure de 3 ans à celle de la France.
01:06:38 Donc, il faut être, il faut être, comme dire,
01:06:41 quand on parle de dépenses publiques,
01:06:42 je termine sur un point très important,
01:06:44 les trois quarts de la dépense publique,
01:06:46 en fait, ça alimente le privé.
01:06:48 C'est les sommes qui sont, ça ne sert pas à faire vite des fonctionnaires,
01:06:50 c'est immédiatement reversé aux ménages ou aux autres entreprises.
01:06:52 Et vous savez quoi ? Il faut s'enlever de la tête
01:06:55 l'idée que parce que la dépense publique, c'est 56% du PIB,
01:06:58 la dépense privée, ce ne serait que 44%.
01:07:00 C'est faux. Quand on calcule la dépense privée,
01:07:02 comme on calcule la dépense publique,
01:07:04 vous savez à combien on arrive ?
01:07:06 À 250% du PIB, rien pour la dépense privée.
01:07:08 Ça n'a pas de sens, ces chiffres. D'accord ?
01:07:10 Donc, nous vivons dans des économies mixtes.
01:07:12 Il faut accepter que tout n'aille pas au privé.
01:07:15 Et je rectifie un peu ce que vous avez dit tout au début en disant
01:07:18 nous ne vivons pas dans le néolibéralisme,
01:07:20 parce que, mais si, monsieur le député,
01:07:22 il y a eu la finance libéralisée,
01:07:24 il y a eu le libre-échange, il y a eu l'austérité salariale,
01:07:27 il y a eu la contre-révolution fiscale,
01:07:29 on a réduit les impôts sur les plus riches
01:07:31 et tout ça a eu des effets négatifs.
01:07:33 - Les impôts sur la production payée par les entreprises,
01:07:37 sur les salaires et sur le foncier,
01:07:39 sont les plus élevés de la zone euro.
01:07:41 Ça veut pas dire qu'on est dans un pays néolibéral.
01:07:44 Le poids de la TVA est supérieur de 0,3%.
01:07:47 Les taxes sur l'essentiel alcool sont supérieures de 1,1%.
01:07:51 Les produits de l'impôt direct et des CSG
01:07:53 représentent 9,9% du PIB, soit 0,2%.
01:07:57 - Mais l'essentiel, c'est les cotisations sociales.
01:08:01 Si vous voulez me faire dire que le néolibéralisme n'a pas tout emporté,
01:08:05 alors là, par rapport à un discours catastrophiste,
01:08:07 je serais d'accord avec vous.
01:08:09 Le néolibéralisme n'a pas tout emporté.
01:08:11 Ceci étant, je pense que la raison pour laquelle nous souffrons,
01:08:14 sincèrement, dans notre pays, et ailleurs d'ailleurs,
01:08:16 c'est parce que nous n'acceptons pas, nous n'assumons pas,
01:08:18 nous mesurons mal, y compris ce critère de dépense publique,
01:08:20 le fait que nous vivons dans des économies mixtes.
01:08:22 Une économie républicaine, j'appelle pas ça, qui existe déjà.
01:08:25 - Pas socialiste, comme aurait dit Vladimir Poulikin.
01:08:27 - Mais il y a une part de socialisme, tout à fait,
01:08:29 qui est bienvenue, quelque part.
01:08:31 Il faut pas tout socialiser, mais à mon avis,
01:08:33 qui est bienvenue pour le bien-être social.
01:08:35 Et je pense que nous souffrons de ne pas l'assumer en tant que tel.
01:08:37 Un dernier petit point, quand même.
01:08:39 - On va poser la question à Mathieu Lefebvre.
01:08:41 - Sous Macron, il y a eu près de 65 milliards de baisses
01:08:44 de prélèvements obligatoires, d'accord, au fil des mesures,
01:08:47 65 milliards par an, qui ont bénéficié principalement
01:08:50 aux plus riches et aux entreprises.
01:08:52 - Comment ça, la baisse de la portion des sociétés,
01:08:54 la baisse de la taxe d'habitation qui bénéficie d'abord aux 20% ?
01:08:57 - Ah, la taxe d'habitation, pardon, mais ce ne sont pas des ultra-riches, monsieur.
01:09:00 - Mais la moitié de la taxe d'habitation
01:09:02 était payée par les 20% des plus riches.
01:09:04 D'accord ? Vous allez prendre de la commission de finance
01:09:06 pour reconnaître ce chiffre.
01:09:07 - Mathieu Lefebvre, depuis le temps qu'on vous accuse
01:09:09 d'être le parti des plus riches qui a favorisé les plus riches,
01:09:13 pourquoi vous ne sortez pas ces chiffres-là,
01:09:16 disant "Regardez, 48% de prélèvements obligatoires,
01:09:19 nous sommes socialistes, nous sommes de gauche."
01:09:22 - Écoutez, je vous rejoins, monsieur, c'est le président de la République,
01:09:25 vous avez beaucoup cité le président Giscard d'Estaing,
01:09:27 mais c'est le président Macron qui a le plus baissé les impôts
01:09:29 sous la Ve République, environ 50 milliards d'euros,
01:09:32 pour moitié les ménages et pour moitié les emplois.
01:09:34 - Là, vous parlez en chiffres absolus,
01:09:36 mais c'est lui qui a fait passer la barre des 45% puis des 48%.
01:09:40 - Mais parce qu'il faut distinguer les prélèvements obligatoires
01:09:42 de la pression fiscale.
01:09:44 La vérité aujourd'hui, c'est que quand on baisse les taux,
01:09:46 quand on baisse les impôts pour les Français,
01:09:48 on obtient plus de recettes, parce qu'on croit
01:09:51 dans le dynamisme du marché, on croit dans l'activité.
01:09:53 Par exemple, les recettes de l'impôt sur les sociétés,
01:09:55 elles étaient d'environ 35 milliards d'euros
01:09:57 quand le taux était à 33%,
01:09:59 elles sont aujourd'hui à 60 milliards d'euros
01:10:01 alors que le taux est à 25%.
01:10:03 L'impôt sur le revenu a été considérablement baissé,
01:10:05 il est passé de 70 milliards d'euros à 90 milliards d'euros.
01:10:08 Donc, pour avoir plus de recettes, il faut baisser les taxes.
01:10:10 Nous, on croit fondamentalement qu'il faut libérer l'activité
01:10:13 et quand on libère l'activité, on obtient plus de recettes.
01:10:16 Ce qui explique que la pression fiscale est diminuée
01:10:19 mais que les prélèvements obligatoires n'ont plus augmenté.
01:10:21 De la même manière, quand vous avez un taux d'emploi
01:10:23 qui est beaucoup plus important qu'en 2017,
01:10:25 quand vous avez un plus grand nombre de personnes
01:10:27 qui sont en emploi, il est après tout assez logique
01:10:29 que les recettes fiscales et sociales qui en découlent
01:10:32 pour le pays soient plus importantes.
01:10:34 C'est tant mieux pour aider à faire fonctionner
01:10:36 nos services publics.
01:10:37 Moi, je m'inscris totalement en faux quand on dit
01:10:39 que le président de la République est le président des riches.
01:10:41 La taxe d'habitation, pardon, c'est un gain de 750 euros
01:10:44 en moyenne par Français.
01:10:46 750 euros, on peut penser que c'est rien.
01:10:48 Moi, je considère que c'est très important.
01:10:50 La suppression de la contribution à l'audiovisuel public,
01:10:52 c'était 140 euros par Français.
01:10:54 C'était environ 10 euros par mois.
01:10:56 Mais tous les Français la payaient.
01:10:58 Quand on a baissé l'impôt sur le revenu,
01:11:00 l'impôt sur les premières tranches, ce n'était pas des ultra-riches,
01:11:02 c'était des tranches à 10 ou 15 000 euros.
01:11:04 A moins que vous ne considériez, comme un ancien président de la République,
01:11:07 qu'on était riches à partir de 4 000 euros
01:11:09 quand on a supprimé les cotisations fiscales et sociales
01:11:12 sur les heures supplémentaires.
01:11:13 Ce n'est pas des ultra-riches qui font des heures supplémentaires,
01:11:16 ce sont des ouvriers qui sont dans le textile,
01:11:18 dans la sidérurgie, qui gagnent parfois 500 euros de plus
01:11:21 grâce à cela par an.
01:11:22 Je pense que c'est utile de le faire.
01:11:24 On fait référence à d'autres mesures
01:11:26 qui sont le prélèvement forfaitaire unique
01:11:29 et la suppression de l'impôt sur la fortune.
01:11:31 Ces mesures, on les assume.
01:11:33 On les assume pourquoi ?
01:11:34 Parce que personne d'autre au monde ne le faisait.
01:11:36 Il n'y avait aucun autre pays au monde,
01:11:38 peut-être la Corée du Nord,
01:11:39 qui imposait le stock du capital
01:11:41 considérant qu'on devait taxer une entreprise
01:11:44 pour ce qu'elle était
01:11:45 et non pas pour les revenus qu'elle apportait.
01:11:47 Nous, on considère qu'il faut avoir une fiscalité
01:11:49 qui est relative aux revenus du capital
01:11:51 mais qui ne pèse pas sur le capital lui-même.
01:11:53 Et ça, ça nous a quand même permis
01:11:55 d'être le pays le plus attractif ces quatre dernières années
01:11:58 au niveau de l'Union européenne.
01:11:59 Ça nous a permis de rapatrier des emplois
01:12:01 sur le territoire national.
01:12:02 De la même manière, quand on baisse le coût du travail,
01:12:04 quand on baisse les impôts de production,
01:12:06 la CVE, c'est un gros mot pour la gauche et l'extrême gauche,
01:12:10 il ne faut pas la baisser.
01:12:11 Mais une fois qu'on aura supprimé la contribution
01:12:13 sur la valeur ajoutée des entreprises,
01:12:15 ce qui frappe le chiffre d'affaires des entreprises
01:12:17 avant même qu'elle n'ait fait un euro de bénéfice,
01:12:19 on aura quand même des impôts sur la production
01:12:21 qui seront cinq fois plus élevés qu'en Allemagne.
01:12:23 Je pense que même si on se dit
01:12:25 qu'on est un pays singulier et différent,
01:12:30 il faut quand même regarder ce que font nos voisins européens.
01:12:33 Vous avez évoqué le taux de prélèvement obligatoire
01:12:35 aux Etats-Unis, il est de 33%, mais en Allemagne il est de 40%.
01:12:38 Mais quand on prend en compte le privé,
01:12:40 c'est beaucoup plus élevé.
01:12:41 On voit bien à quel point on doit se rapprocher
01:12:43 des moyennes européennes pour trouver un peu plus de marge de valeur.
01:12:45 À la fin de chaque mois, vous le savez,
01:12:46 les entreprises américaines payent moins de prélèvement obligatoire,
01:12:48 mais elles payent beaucoup plus de prélèvement privé.
01:12:50 C'est de facto obligatoire, c'est un contrat social
01:12:52 qui est fait pour les fonds de pension
01:12:54 et pour les assurances privées.
01:12:56 La parole était à Olivier Babau.
01:12:58 Vous voyez comme est la France,
01:12:59 on parle du niveau des impôts et on finit par avoir un débat
01:13:02 sur si finalement on ne se concentre pas trop bas.
01:13:04 C'est complètement dingue.
01:13:05 Je pense que les gens qui nous écoutent sont en train de se dire
01:13:07 qu'on est fou ici, c'est complètement dingue.
01:13:09 Ces impôts sont à un niveau qui fait que
01:13:11 quand vous êtes un chef d'entreprise,
01:13:13 quand vous êtes un ménage,
01:13:14 quand vous faites partie de ceux qui payent des impôts,
01:13:15 vous avez l'impression que vous n'arrêtez pas d'en payer,
01:13:17 qu'il y a une bonne moitié de toute la richesse
01:13:19 que vous produisez qui part.
01:13:21 Et le plus problématique, c'est qu'à la limite,
01:13:23 si vous aviez derrière réellement
01:13:25 une solidarité qui marchait très bien,
01:13:27 des services publics dont vous voyez la qualité augmenter
01:13:30 en éducation, en santé, en justice, en sécurité,
01:13:33 vous seriez sans doute assez enthousiaste.
01:13:35 Et moi, le premier problème, c'est qu'on a l'impression,
01:13:37 et on a l'impression assez fondée,
01:13:39 que plus on paye d'impôts, plus la qualité
01:13:41 de ce qui nous est fourni en échange...
01:13:43 - Non, vous ne pouvez pas dire ça,
01:13:45 puisque comme l'a fait remarquer,
01:13:47 ce n'est pas en échange, puisque la part
01:13:49 des dépenses publiques consacrées
01:13:51 aux services publics a baissé depuis 40 ans.
01:13:55 - Bien sûr.
01:13:56 - C'est la part des transferts qui a augmenté.
01:13:58 - Oui, c'est ça.
01:13:59 - Et les retraites, le taux de remplacement
01:14:01 n'arrête pas de baisser, le corps prévoit
01:14:03 que ça va continuer à baisser.
01:14:05 C'est tout le débat qu'on a eu sur les retraites
01:14:07 avec ce système par répartition dans lequel on est enfermé
01:14:09 et qui nous enferme collectivement et va nous appauvrir.
01:14:11 - Vous préjourez la capitalisation.
01:14:13 - Oui, absolument, la capitalisation,
01:14:15 que font déjà les riches, mais je ne sais pas
01:14:17 pourquoi on ne veut pas la permettre aux pauvres.
01:14:19 Vous avez tout à fait raison, M. le député,
01:14:21 de signaler que, par exemple, le prélèvement
01:14:23 forfaitaire unique sur les dividendes,
01:14:25 il a montré qu'on était dans la courbe de l'affaire,
01:14:27 on a augmenté la recette et finalement tout le monde
01:14:29 y gagne, ça peut être assez intelligent.
01:14:31 Il est probable, et certains économistes montrent
01:14:33 qu'on est probablement sur beaucoup d'impôts en France,
01:14:35 au-delà de la courbe de l'affaire.
01:14:37 Ça veut dire que c'est une perte collective,
01:14:39 c'est-à-dire qu'on a des recettes qui sont moins fortes
01:14:41 et on gagnerait à baisser le taux pour augmenter
01:14:43 les recettes. Donc vous voyez, je suis même là pour militer.
01:14:45 La dernière chose, c'est que l'augmentation
01:14:47 du prélèvement obligatoire, il est aussi un petit peu
01:14:49 lié à l'effet inflation, puisque TVA,
01:14:51 le pourcentage des prix, quand les prix augmentent,
01:14:53 vous avez plus de recettes de TVA.
01:14:55 C'est pas un problème moral, mais c'est comme ça que ça se passe.
01:14:57 - Mais ça, c'est vrai pour tout le monde.
01:14:59 - Oui, enfin c'est vrai pour les recettes fiscales en tout cas.
01:15:01 - Mais je veux dire, pour tous les pays.
01:15:03 - Oui, oui, absolument.
01:15:05 - Mais comment dire, depuis 40 ans, il ne nous a pas échappé
01:15:07 qu'on a baissé considérablement dans tous les pays du monde
01:15:09 l'impôt sur les sociétés.
01:15:11 On était à une moyenne de 50%,
01:15:13 on est passé à peu près à la moitié moins.
01:15:15 D'ailleurs, on est à la moyenne, on est à 25%.
01:15:17 On a baissé les taux d'imposition sur les plus riches.
01:15:19 Aux Etats-Unis, vous allez en parler après,
01:15:21 aux Etats-Unis,
01:15:23 on est passé, durant les Troncs Glorieuses,
01:15:25 on est passé à un certain montant de revenus.
01:15:27 Le taux d'imposition montait jusqu'à 85%.
01:15:29 Vous m'entendez bien.
01:15:31 - Sur la dernière tranche.
01:15:33 - Sur la dernière tranche, au-delà d'un certain montant de revenus.
01:15:35 On les a baissés.
01:15:37 - À l'époque, il y avait l'URSS, il y avait des syndicats communistes.
01:15:39 - Oui, mais enfin, on les a baissés considérablement.
01:15:41 Les effets en matière de croissance, d'emploi, etc.
01:15:43 ne sont pas forcément au rendez-vous partout dans le monde,
01:15:45 c'est le meilleur qu'on puisse dire.
01:15:47 Vous avez cité, et je vous remercie d'avoir cité,
01:15:49 parce que je pense que c'est une excellente étude,
01:15:51 une étude de l'INSEE sur la redistribution.
01:15:53 L'intérêt de cette étude,
01:15:55 c'est un travail très difficile,
01:15:57 parce que souvent, dans les études sur la redistribution,
01:15:59 on ne prend pas tout en compte.
01:16:01 Là, on essaie de prendre tout en compte.
01:16:03 Tout ce qu'on verse, en termes d'abord de cotisation sociale,
01:16:05 ou de CSG, et puis d'impôts,
01:16:07 et puis tout ce qu'on reçoit,
01:16:09 en termes de prestations sociales, en espèces,
01:16:11 les retraites, les allocations au chômage,
01:16:13 c'est d'abord les retraites, le RSA c'est 13 milliards,
01:16:15 les retraites c'est 350 milliards.
01:16:17 La redistribution, ce n'est pas d'abord pour les plus pauvres,
01:16:19 vous voyez ce que je veux dire.
01:16:21 Ça ne coûte pas très cher, finalement, les plus pauvres, modulo.
01:16:23 Et donc, nous aussi, les services publics.
01:16:25 Et vous savez quoi, ce que montre cette étude ?
01:16:27 57% des Français y gagnent.
01:16:29 C'est-à-dire, au final,
01:16:31 reçoivent plus
01:16:33 que ce qu'ils payent.
01:16:35 C'est beau, non ?
01:16:37 C'est plutôt très joli, comme système.
01:16:39 Ça veut dire quoi ? Qui est-ce qui gagne ?
01:16:41 Les retraités, bien sûr.
01:16:43 Les familles avec leurs enfants,
01:16:45 les services publics, l'école, les prestations familiales.
01:16:47 Les plus pauvres, bien entendu,
01:16:49 ils gagnent.
01:16:51 Ça ne veut pas dire qu'ils roulent sur l'or.
01:16:53 Vous voyez ce que je veux dire.
01:16:55 C'est cela, à mon avis, qu'il faut inscrire dans les têtes.
01:16:57 Il n'y a rien qui se perd.
01:16:59 Il n'y a rien qui se perd.
01:17:01 - Non seulement, il n'y a rien qui se perd,
01:17:03 mais rien n'est suffisant, puisque les impôts,
01:17:05 ça rapporte 300 milliards à l'État.
01:17:07 Or, l'État en dépense bien plus,
01:17:09 puisqu'il va en chercher.
01:17:11 Il va chercher l'année prochaine,
01:17:13 à peu près 450 milliards en plus.
01:17:15 - Un petit mot sur la dette, Frédéric Taillac.
01:17:17 Il faut savoir que grâce à la dette,
01:17:19 il y a plus d'argent qui rentre dans les caisses publiques
01:17:21 depuis des années qu'il n'en sort.
01:17:23 Parce que qu'est-ce que fait l'État ?
01:17:25 - C'est magique.
01:17:27 - Non, ce n'est pas magique, mais c'est baba.
01:17:29 Qu'est-ce que fait l'État ? Il emprunte,
01:17:31 il fait rouler sa dette.
01:17:33 Aujourd'hui, les taux d'intérêt augmentent,
01:17:35 mais en fait, on a une inflation très forte.
01:17:37 Vous savez que la dette, elle ne s'est jamais autant réduite
01:17:39 en % du PIB que ces 4 dernières années.
01:17:41 Pourquoi ? Parce qu'il y a de l'inflation
01:17:43 et on la rapporte au PIB.
01:17:45 Donc qu'est-ce que fait l'État chaque année ?
01:17:47 Il emprunte, et puis il y a plein d'argent.
01:17:49 Les marchés financiers sont demandeurs
01:17:51 de cette dette, elle est sûre.
01:17:53 Il emprunte pour rembourser,
01:17:55 non seulement les intérêts, pour rembourser le capital,
01:17:57 mais en plus, pour rembourser une partie
01:17:59 de déficit primaire. Donc il y a plus d'argent.
01:18:01 Donc il ne faut pas dire...
01:18:03 Je termine sur un point pour ne pas apparaître comme un exalté.
01:18:05 Vous savez, moi, je suis pour réduire
01:18:07 certaines prestations sociales.
01:18:09 Je considère qu'il y a plein de besoins insatisfaits.
01:18:11 Donc je serais pour qu'il y ait moins de chômeurs,
01:18:13 qu'il y ait moins d'allocations chômage, qu'il y ait moins de pauvres dans ce pays.
01:18:15 Je suis pour réduire toutes ces prestations.
01:18:17 Mais il faut d'abord s'attaquer à la racine des problèmes.
01:18:19 Même chose pour la dette. La dette, vous savez,
01:18:21 elle était à 25 % du PIB
01:18:23 en 82. La dernière grande relance
01:18:25 keynésienne, c'est le néolibéralisme
01:18:27 qui, partout dans le monde, a creusé
01:18:29 les dettes privées d'abord. On n'en parle jamais
01:18:31 des dettes privées. C'est beaucoup plus de 100%,
01:18:33 de 150% du PIB, et les dettes publiques.
01:18:35 Donc c'est le néolibéralisme qui a aussi...
01:18:37 Et je suis pour, bien entendu, réduire les dettes, mais réduire
01:18:39 les dettes, de mon point de vue, ça ne passe
01:18:41 surtout pas par réduire des dépenses publiques
01:18:43 qui sont particulièrement utiles, sans parler
01:18:45 dans les dépenses publiques. Il faudrait réduire quand même...
01:18:47 Il y a quand même pas mal d'aides aux entreprises,
01:18:49 aveugles, de l'ordre de 150 milliards.
01:18:51 Quand même, là, on pourrait...
01:18:53 - Les méchantes entreprises ? - Mais non, pas les méchantes entreprises !
01:18:55 Mais enfin, on pourrait évaluer tout ça, quand même.
01:18:57 - Sur la dette, vous pouvez pas nous dire...
01:18:59 D'un côté, on va avoir
01:19:01 le premier poste de dépense du budget de l'État,
01:19:03 ça va être l'endettement, et de l'autre,
01:19:05 dire que c'est pas très grave. - Mais qu'est-ce qu'il y a d'autre ? - Moi, je me satisfais pas
01:19:07 personnellement d'une situation dans laquelle
01:19:09 le premier poste budgétaire, ça n'est pas l'éducation nationale.
01:19:11 Je préfère investir pour l'avenir
01:19:13 de nos enfants, ou pour l'écologie, plutôt que
01:19:15 d'enrichir nos créanciers. La dette,
01:19:17 c'est un mal, et un mal en soi. Et pardon,
01:19:19 mais c'est de pire en pire avec... - Mais dites ça pour le privé aussi,
01:19:21 pour la dette privée ? - Avec l'inflation ! - Pour la dette privée aussi ?
01:19:23 - Mais une chose... Pardon, c'est différent quand on est un État
01:19:25 et quand on est un privé. Quand on est un État,
01:19:27 on peut s'endetter, par exemple, pour financer des TER,
01:19:29 pour financer des infrastructures qui vont durer
01:19:31 pendant des générations. Oui, enfin, c'est autre
01:19:33 chose que de s'endetter pour du fonctionnement.
01:19:35 C'est autre chose que de s'endetter pour des dépenses
01:19:37 qui sont tout à fait contraintes. Et de ce
01:19:39 point de vue, on doit évidemment pouvoir réfléchir
01:19:41 à la qualité de la dépense publique. Et je vous rejoins
01:19:43 dans ce que vous avez dit. Il faut évidemment
01:19:45 revenir et rationaliser
01:19:47 notre dépense publique dans notre pays.
01:19:49 Ça ne veut pas dire sabrer des budgets,
01:19:51 ça ne veut pas dire couper les politiques publiques.
01:19:53 Ça veut dire concentrer les moyens là où on en a
01:19:55 le plus besoin et puis revoir là où c'est
01:19:57 moins nécessaire. Prendre un exemple,
01:19:59 au début du quinquennat, on a entendu
01:20:01 des colibés sur la suppression
01:20:03 des emplois aidés. Parce que les emplois aidés,
01:20:05 c'était une politique publique, on jugeait
01:20:07 qu'ils ne fonctionnaient pas. Et en lieu et place,
01:20:09 on a mis le paquet sur la formation professionnelle.
01:20:11 Aujourd'hui, plus personne ne voudrait revenir
01:20:13 à des emplois aidés, qui étaient là pour le coup une forme
01:20:15 de socialisation de l'économie. - Mais vous avez fait de l'apprentissage, ça coûte
01:20:17 un pognon de dingue, l'apprentissage c'est très bien, mais enfin, vous avez fait
01:20:19 un pognon de dingue sur l'apprentissage, c'est des contrats aidés de facto, l'apprentissage.
01:20:21 - Je ne vous dis pas qu'il ne faut pas dépenser,
01:20:23 je pense qu'il faut dépenser là où c'est utile.
01:20:25 Dans le secteur du logement, on mettait
01:20:27 2 milliards d'euros par an pour le dispositif
01:20:29 Pinel, une dépense fiscale qui contribue
01:20:31 à construire 30 000 logements par an.
01:20:33 Autant les construire nous-mêmes, plutôt
01:20:35 qu'avec 2 milliards d'euros d'argent public.
01:20:37 Je pense qu'il faut accepter de mettre plus d'argent
01:20:39 là où on en a besoin et moins d'argent là où
01:20:41 c'est tout à fait inefficace. Mais enfin,
01:20:43 personne ne peut se satisfaire d'une situation
01:20:45 dans laquelle notre souveraineté est menacée, parce que je rappelle
01:20:47 que plus d'un créancier sur deux
01:20:49 est un créancier étranger. Je rappelle que
01:20:51 notre pays est le premier émetteur de la zone euro
01:20:53 et que ça nous place dans une situation de grande
01:20:55 vulnérabilité par rapport à nos voisins européens.
01:20:57 - Olivier Babaud.
01:20:59 - On trouve beaucoup, à Foison en France,
01:21:01 d'économistes qui nous expliquent qu'il faut encore augmenter les impôts
01:21:03 et que ça sera vraiment le paradis, parce que jusque-là,
01:21:05 en fait, ils sont encore un peu plus bas, donc il fallait les augmenter
01:21:07 sur plein de gens, parce qu'il y a plein de gens qui ne payent pas assez,
01:21:09 notamment les entreprises. On trouvera des gens qui
01:21:11 disent plus visiblement qu'il faut continuer
01:21:13 d'augmenter la dette, et embrassons nos folles villes, parce que
01:21:15 vraiment, ce n'est pas assez. Moi, je suis de ceux qui
01:21:17 pensent que nous sommes dans une spirale folle
01:21:19 d'appauvrissement qui est en train de se voir
01:21:21 et les marges de manœuvre
01:21:23 budgétaire aujourd'hui du gouvernement sont
01:21:25 totalement nulles. Bruno Le Maire
01:21:27 montre bien qu'aujourd'hui, nous ne pouvons pas
01:21:29 réellement baisser les dépenses, parce que
01:21:31 ça fait longtemps qu'on essaie, on n'y arrive pas vraiment.
01:21:33 On ne peut pas augmenter les impôts réellement
01:21:35 et aujourd'hui, il n'est plus possible d'augmenter le déficit
01:21:37 non plus, parce que vraiment, nos partenaires,
01:21:39 les gens qui nous prêtent, les gens
01:21:41 qui ont besoin d'avoir confiance en nous, c'est pourquoi ils nous prêtent.
01:21:43 Parce qu'ils ont confiance dans la capacité de Bercy
01:21:45 d'aller chercher les impôts auprès des Français.
01:21:47 Sauf qu'il y a un moment donné où ça ne sera plus possible.
01:21:49 Le problème de ces impôts très forts, c'est qu'au bout d'un moment,
01:21:51 ils chargent la mule à qui on demande de courir de plus en plus vite
01:21:53 pour générer justement la croissance
01:21:55 dont a besoin l'ensemble du système. C'est ça qui est mortifère.
01:21:57 D'ailleurs, l'autre dette qu'on ne voit pas,
01:21:59 c'est la situation nette extérieure de la France,
01:22:01 les paiements courants, qui est difficilitaire.
01:22:03 En fait, on se vend petit à petit parce que nous vivons
01:22:05 au-dessus de nos moyens. En réalité, ça va très mal finir.
01:22:07 - Et vous vous faites allusion
01:22:09 au déficit de la balance du commerce extérieur.
01:22:11 C'est qu'on achète beaucoup plus à l'étranger
01:22:13 qu'on ne vend à l'étranger.
01:22:15 A quoi faites-vous allusion ?
01:22:17 - C'est la balance courante. On a de plus en plus de gens
01:22:19 qui possèdent des choses en France à l'extérieur
01:22:21 plutôt que la France qui possède des choses ailleurs qu'en France.
01:22:23 Ça veut dire qu'on se vend par petits bouts
01:22:25 sans que ça se voit nécessairement.
01:22:27 - Comment dire ?
01:22:29 Sur le poids du public,
01:22:31 je pense que vraiment,
01:22:33 il faut que le public soit bien géré.
01:22:35 C'est toujours un défi à relever.
01:22:37 Ça ne va pas de soi, bien sûr.
01:22:39 Il faut savoir nettoyer devant sa porte, bien entendu.
01:22:41 Mais je pense qu'on souffrirait moins
01:22:43 dans notre société si on arrêtait...
01:22:45 D'abord, si on prenait en compte
01:22:47 que dans tous les pays du monde,
01:22:49 on considère qu'un fonctionnaire,
01:22:51 ce n'est pas un improductif.
01:22:53 Ça contribue au PIB. Ça augmente le PIB.
01:22:55 C'est de l'ordre de 20% du PIB.
01:22:57 Et ça n'a pas bougé depuis 40 ans.
01:22:59 Ça n'a pas augmenté. À tort, d'ailleurs.
01:23:01 Là, c'est là qu'on voit quand même
01:23:03 qu'il y a une inflexion néolibérale.
01:23:05 Tout est affaire d'inflexion, en un sens.
01:23:07 Normalement, plus un pays est riche,
01:23:09 plus il devrait consacrer l'argent.
01:23:11 Pour l'éducation, pour la santé, pour la culture aussi.
01:23:13 Et là, comme ça n'a pas été fait,
01:23:15 on voit les dégâts.
01:23:17 On voit les dégâts sur l'école,
01:23:19 les difficultés de recruter des enseignants...
01:23:21 - Sur la santé, sur l'éducation,
01:23:23 sur la police, sur les journalistes,
01:23:25 sur la défense...
01:23:27 - Il n'y avait pas assez de dépenses.
01:23:29 - Encore tant, les impôts.
01:23:31 - Je vous répète, Olivier Babaud,
01:23:33 que depuis 40 ans, ça n'a pas augmenté.
01:23:35 Donc arrêtez de dire que ça a augmenté.
01:23:37 Ce qui a augmenté, ce sont des sommes
01:23:39 qui vont aux ménages et aux entreprises.
01:23:41 - Un million de fonctionnaires de plus depuis 1970.
01:23:43 - Mais parce qu'on est beaucoup plus nombreux,
01:23:45 ça a augmenté plus vite que la population.
01:23:47 - Ces sommes, elles permettent de faire vivre le privé.
01:23:49 Il faut savoir que, dans notre pays,
01:23:51 vous avez à peu près un cinquième de la population,
01:23:53 c'est de la consommation de services publics.
01:23:55 Mais la moitié de la consommation,
01:23:57 c'est que la moitié de la consommation globale
01:23:59 est socialisée, au vilan des économies mixtes.
01:24:01 Il y a 20 %, c'est de la consommation
01:24:03 de services publics, très bien,
01:24:05 je pense que c'est insuffisant,
01:24:07 on pourrait l'augmenter un peu,
01:24:09 on ne s'en porterait pas plus mal,
01:24:11 ce qu'on n'a pas fait depuis 40 ans.
01:24:13 Et l'autre part, c'est de la consommation
01:24:15 auprès du privé, qui est permis par...
01:24:17 Qu'est-ce que font les retraités
01:24:19 avec leur pension de retraite ?
01:24:21 Ils font leur course auprès du privé.
01:24:23 Un petit chiffre, quand même.
01:24:25 Au Japon, où le taux d'emploi
01:24:27 des 65-70 ans
01:24:29 est un des plus faibles.
01:24:31 Au Japon, où les retraites publiques
01:24:33 sont beaucoup plus faibles,
01:24:35 il est à 30 %.
01:24:37 On pourrait en être fiers, non ?
01:24:39 - C'est vrai que quand on voyage,
01:24:41 on voit beaucoup plus de gens
01:24:43 avec des cheveux blancs qui travaillent qu'en France.
01:24:45 - On devrait être fiers d'être un pays au monde
01:24:47 où on a transformé la retraite en un véritable gros bonheur.
01:24:49 - Dernier mot, Mathieu Lefebvre.
01:24:51 - Oui, on revient sur ce débat,
01:24:53 sur la question philosophique.
01:24:55 Est-ce qu'on est plus heureux parce qu'on est plus en emploi ?
01:24:57 Est-ce qu'on est inutile à la société
01:24:59 quand on a plus de 65 ans ? Je ne le crois pas.
01:25:01 - Vous ne voulez pas faire travailler jusqu'à 75 ans ?
01:25:03 - On s'arrête là.
01:25:05 On va s'intéresser maintenant
01:25:07 à la mafia et à la Maison-Blanche,
01:25:09 et particulièrement à l'assassinat
01:25:11 du président Kennedy.
01:25:13 Mais d'abord, le rappel des titres.
01:25:15 Maureen Vidal.
01:25:17 - Les efforts de médiation du Qatar
01:25:19 en vue d'une trêve se poursuivent,
01:25:21 des bombardements israéliens incessants
01:25:23 qui réduisent les possibilités,
01:25:25 a affirmé le Premier ministre du Qatar.
01:25:27 "Nous n'abandonnerons pas et nous sommes déterminés
01:25:29 à faire libérer les otages", a-t-il déclaré.
01:25:31 De son côté, le secrétaire général
01:25:33 de l'ONU, Antonio Guterres,
01:25:35 a déploré la paralysie des Nations Unies
01:25:37 face à la guerre, disant regretter
01:25:39 que le Conseil de sécurité n'ait pas voté
01:25:41 en faveur d'un cessez-le-feu.
01:25:43 Selon lui, des divisions géostratégiques
01:25:45 compromettent à trouver des solutions à la guerre.
01:25:47 Enfin, en Argentine, le candidat
01:25:49 à la présidentielle générale, Javier Meley,
01:25:51 est officiellement devenu président du pays.
01:25:53 Prétentiairement trois semaines après
01:25:55 sa retentissante victoire électorale,
01:25:57 il a annoncé que s'ouvre une nouvelle ère
01:25:59 pour l'Argentine, tout en mettant en garde
01:26:01 qu'il n'y a pas d'alternative à un choc budgétaire
01:26:03 et que les choses vont empirer à court terme.
01:26:05 ...
01:26:17 - Jean-François Guéraud,
01:26:19 vous êtes commissaire de police,
01:26:21 spécialiste du crime organisé,
01:26:23 auquel vous avez déjà consacré deux livres.
01:26:25 Le troisième vient de sortir,
01:26:27 il s'intitule "La mafia et la Maison Blanche".
01:26:29 Il vous a demandé dix ans de travail,
01:26:31 il fourmille de révélations
01:26:33 sur les accointances entre la mafia
01:26:35 et les différents présidents des États-Unis
01:26:37 depuis Franklin Roosevelt.
01:26:39 Pourquoi ça commence avec Franklin Roosevelt ?
01:26:41 Parce que la mafia s'est considérablement
01:26:43 renforcée en tant que puissance criminelle
01:26:45 grâce à la prohibition
01:26:47 qui a eu lieu juste avant l'élection de Roosevelt ?
01:26:49 - C'est ça.
01:26:51 En réalité, entre la fin des années 1920
01:26:53 et le début des années 1930,
01:26:55 il se produit deux phénomènes.
01:26:57 Premièrement, il y a une réorganisation
01:26:59 de type managériale au sein de la mafia étalo-américaine.
01:27:01 Un certain nombre de personnages très connus
01:27:03 comme Maranzano et Luqui Luciano
01:27:05 vont décider de transformer
01:27:07 la vieille entité traditionnelle
01:27:09 d'origine sicilienne
01:27:11 en une entreprise multinationale
01:27:13 avec un éthos de société secrète
01:27:15 extrêmement profond.
01:27:17 L'idée, c'est que cette organisation doit passer
01:27:19 définitivement sous les radars de la tension médiatique
01:27:21 et judiciaire pour s'enfouir profondément
01:27:23 et pour qu'elle ait un éthos
01:27:25 de multinational et de business.
01:27:27 Donc, il y a une transformation managériale
01:27:29 très profonde. Et puis, le second phénomène,
01:27:31 c'est ce que vous avez décrit, c'est la prohibition
01:27:33 subitement grâce à cause
01:27:35 de cette loi un peu puritaine et idiote
01:27:37 votée en 1919.
01:27:39 La mafia devient une superpuissance financière.
01:27:41 Elle s'est retrouvée à la tête
01:27:43 d'un capital, d'une accumulation de capital
01:27:45 qu'on aurait dit Marx, absolument gigantesque.
01:27:47 Et on peut même rajouter d'ailleurs
01:27:49 un troisième phénomène qui est très peu connu.
01:27:51 C'est qu'on voit plusieurs centaines
01:27:53 de mafieux siciliens fuir
01:27:55 la Sicile entre
01:27:57 1922 et 1927, tout simplement
01:27:59 parce que le fascisme
01:28:01 pendant une très courte période à cause du
01:28:03 préfet César et Maury va organiser une répression
01:28:05 très forte de la mafia. Et donc,
01:28:07 des centaines de mafieux vont partir vers les Etats-Unis,
01:28:09 vers New York et Chicago, et donc
01:28:11 vont redonner un petit peu de sang neuf
01:28:13 à la mafia américaine
01:28:15 qui était en train tout simplement de s'américaniser.
01:28:17 Alors, ce qu'on comprend en lisant
01:28:19 votre livre, c'est que la mafia n'a pas
01:28:21 de préférence politique, elle n'a pas de préférence
01:28:23 idéologique, mais elle a plus de facilité
01:28:25 à influencer le système
01:28:27 électoral démocrate que le système
01:28:29 électoral républicain.
01:28:31 Donc, elle a plus de poids
01:28:33 du côté des démocrates que des républicains
01:28:35 pour des raisons
01:28:37 strictement sociologiques.
01:28:39 À la fois, il y a des ghettos
01:28:41 encore italo-américains à l'époque,
01:28:43 et puis les syndicats
01:28:45 sont tenus par la mafia.
01:28:47 Voilà, exactement. Il faut faire tout simplement un tout petit
01:28:49 peu de sociologie électorale. On peut dire que
01:28:51 des années 20-30 jusqu'aux années 60,
01:28:53 les italo-américains vont voter
01:28:55 démocrate, et la mafia
01:28:57 italo-américaine, dans une logique clientéliste,
01:28:59 gère une partie de ces voix.
01:29:01 Et donc, elle est dans un rapport de négociation
01:29:03 avec les candidats démocrates,
01:29:05 mais elle le sera par la suite avec les candidats
01:29:07 républicains, quand les italo-américains
01:29:09 se mettront à voter un tout petit peu plus
01:29:11 républicain. – Alors, venons-en au cas
01:29:13 de John Kennedy, parce que c'est évidemment
01:29:15 celui qui nous intéresse le plus.
01:29:17 Il se retrouve, dites-vous,
01:29:19 coincé dans un étau que vous qualifiez
01:29:21 de diabolique. Vous pouvez nous expliquer pourquoi ?
01:29:23 – Oui, ce qui se produit
01:29:25 entre la mafia italo-américaine et la famille
01:29:27 Kennedy, c'est une espèce de tragédie
01:29:29 grecque à trois personnages.
01:29:31 On a le père de la dynastie, Joseph Patrick
01:29:33 Kennedy, qui, depuis les années 20-30,
01:29:35 fait des affaires avec la mafia
01:29:37 italo-américaine et qui, donc, passe un pacte
01:29:39 avec le diable. – Il s'est enrichi pendant la prohibition.
01:29:41 – Il s'est enrichi, entre autres, pendant la prohibition.
01:29:43 C'est un baron voleur,
01:29:45 un sale bonhomme. Et il a décidé
01:29:47 qu'un de ses fils serait élu président. Et pour ça,
01:29:49 il passe un pacte électoral, un pacte
01:29:51 avec le diable et avec la mafia italo-américaine.
01:29:53 Je t'amène des voix
01:29:55 et enfin, je
01:29:57 souhaite que mon fils soit élu. Et ce qu'on
01:29:59 espère, c'est que les voix que vous pouvez mobiliser,
01:30:01 vous, la mafia en particulier, grâce
01:30:03 au grand syndicat, les Timsters,
01:30:05 les Longshirmen, etc., on espère que vous
01:30:07 nous les donneriez. Ça, c'est le père.
01:30:09 On a John Fitzgerald, qui est le fils.
01:30:11 Lui, c'est un homme très intelligent, très capable.
01:30:13 C'est un jouisseur. Et c'est un homme
01:30:15 qui se met en très grande vulnérabilité à cause
01:30:17 de son mode de vie. Voilà. C'est un homme
01:30:19 un tout petit peu léger, donc il prend de grands risques
01:30:21 à Hollywood. – Par les femmes. – À Las Vegas.
01:30:23 Oui, avec les femmes, avec certaines
01:30:25 maîtresses. Il va partager une maîtresse avec l'un
01:30:27 des chefs de la mafia italo-américaine, Sam
01:30:29 McKenna, la fameuse Judy Teixner. Mais
01:30:31 au-delà des femmes, la manière dont
01:30:33 il entretient des relations
01:30:35 amicales avec Frank Sinatra,
01:30:37 qui était beaucoup plus qu'un grand chanteur,
01:30:39 il était un véritable associé, un véritable
01:30:41 employé de la mafia, c'est problématique.
01:30:43 Puis, il y a un troisième personnage qu'on connaît un petit peu
01:30:45 moins en France, qui est un homme assez remarquable.
01:30:47 C'est Robert Kennedy.
01:30:49 Lui, Robert Kennedy, depuis les années 50,
01:30:51 depuis qu'il a participé à une grande commission de requêtes
01:30:53 au Congrès, la commission MacLean,
01:30:55 il est tout simplement parti en guerre.
01:30:57 Il mène une croisade. C'est un homme
01:30:59 catholique pratiquant, un peu manichéen.
01:31:01 Il mène une croisade contre
01:31:03 la mafia. Pourquoi ? Il écrira
01:31:05 d'ailleurs un livre remarquable qui
01:31:07 aurait été traduit en France, qui s'appelle "L'ennemi de l'intérieur".
01:31:09 Il comprend que la mafia italo-américaine,
01:31:11 du fait de son pouvoir
01:31:13 et de son enracinement à la société américaine,
01:31:15 il comprend que cette mafia est en train
01:31:17 de tuer de l'intérieur
01:31:19 la démocratie américaine.
01:31:21 Ça, on devrait y réfléchir aujourd'hui,
01:31:23 en France et en Europe, mais c'est un autre sujet.
01:31:25 Et donc, que fait-il ?
01:31:27 Il mène une véritable guerre contre la mafia.
01:31:29 Mais malheureusement, et c'est là où il faut
01:31:31 parler de ce qui se passe en février 61,
01:31:33 une des toutes premières décisions
01:31:35 de John Fitzgerald Kennedy élu
01:31:37 consiste à nommer son frère Robert,
01:31:39 ministre de la Justice, donc chef du FBI.
01:31:41 Et là, pour la mafia, on peut résumer
01:31:43 la situation en deux mots.
01:31:45 Trahison et peur. Trahison
01:31:47 parce que subitement, on ne respecte pas
01:31:49 dans la famille Kennedy le pacte passé avec le père.
01:31:51 - Oui, parce qu'il faut comprendre que la mafia n'a pas
01:31:53 de préférence idéologique, mais elle veut
01:31:55 neutraliser l'État, que ce qui soit
01:31:57 au niveau national ou au niveau local.
01:31:59 Il faut neutraliser l'État pour qu'elle puisse
01:32:01 faire des affaires. - Exactement.
01:32:03 La mafia, c'est une grande entreprise qui n'a pas
01:32:05 de préférence politique. Elle fait du lobbying,
01:32:07 moins la ligne. Donc, elle a
01:32:09 un sentiment de trahison. Son pire ennemi
01:32:11 devient ministre de la Justice. Et puis ensuite, elle a
01:32:13 un sentiment de peur parce que Robert Kennedy est un homme
01:32:15 très intelligent, très imaginatif.
01:32:17 Et il révolutionne
01:32:19 la méthodologie d'action contre la mafia,
01:32:21 une méthodologie d'ailleurs qu'on
01:32:23 pourrait encore utiliser aujourd'hui.
01:32:25 Et puis surtout, il a une action extrêmement virile
01:32:27 qui porte des fruits immédiatement.
01:32:29 Et donc, la mafia
01:32:31 comprend que si Robert Kennedy
01:32:33 continue son œuvre de ministre de la Justice,
01:32:35 au bout de quelques années, il risque
01:32:37 d'une part de sortir
01:32:39 de leur impunité et de leur immunité historique
01:32:41 et puis peut-être d'être déraciné
01:32:43 et de disparaître. - Et puis, la mafia
01:32:45 aussi se sent trahi parce que John
01:32:47 Kennedy ne fait rien pour récupérer Cuba
01:32:49 au moment de la baie des cochons.
01:32:51 Il n'envoie pas l'aviation.
01:32:53 Or, la mafia possédait quasiment
01:32:55 Cuba. C'était un
01:32:57 État dans l'État cubain.
01:32:59 Et elle se sent dépossédée
01:33:01 et elle ne rêve que d'une chose, c'est de récupérer Cuba.
01:33:03 - Oui. La grande affaire des
01:33:05 années 60, c'est en effet Cuba,
01:33:07 Castro. Et il y a une convergence
01:33:09 d'intérêts entre la mafia qui aimerait bien
01:33:11 récupérer ses hôtels casinos
01:33:13 qu'elle a perdus depuis
01:33:15 1959 et l'arrivée de Castro,
01:33:17 qui est un filet d'Etat américain qui, lui,
01:33:19 mène une croisade, alors là, bipartisan,
01:33:21 qui avait commencé sous Eisenhower,
01:33:23 pour en effet faire chuter Fidel Castro
01:33:25 qui s'est révélé être un communiste
01:33:27 au bout de 18 mois
01:33:29 à nom de pouvoir. - Alors, ce qu'on découvre
01:33:31 en lisant votre livre, parce que tout ce qu'on a dit là,
01:33:33 on a pu le lire et l'apprendre
01:33:35 autrement, mais ce qui accuse
01:33:37 la mafia, pour vous,
01:33:39 dans l'attentat contre Kennedy, c'est le mode
01:33:41 opératoire. Vous remarquez
01:33:43 qu'il a déjà été utilisé en
01:33:45 1933 par la mafia
01:33:47 contre Franklin Roosevelt, à l'époque,
01:33:49 à Miami, et Franklin Roosevelt n'avait pas
01:33:51 été touché par les balles, mais le maire
01:33:53 de Chicago était mort,
01:33:55 et on est dans un cas très similaire.
01:33:57 Un président démocrate dans un Etat du Sud,
01:33:59 une voiture décapotable,
01:34:01 la foule,
01:34:03 un tireur avec un passé militaire
01:34:05 présenté comme
01:34:07 un solitaire et un déséquilibré,
01:34:09 avec des motivations
01:34:11 politiques un peu floues, mais anarchistes
01:34:13 du temps de Roosevelt, communistes
01:34:15 quand il s'agira de l'IRV
01:34:17 Roosevelt, du temps de Roosevelt
01:34:19 il s'appelait Senghara,
01:34:21 et puis,
01:34:23 c'est pas tout.
01:34:25 De la même façon, on trouve
01:34:27 le même mode opératoire,
01:34:29 dans deux tentatives d'assassinat
01:34:31 du président Kennedy, en novembre
01:34:33 1963, qu'on ne connaît pas,
01:34:35 c'est la première fois que j'en entends parler,
01:34:37 grâce à vous,
01:34:39 la première à Chicago, et la deuxième
01:34:41 à Tampa, deux hauts lieux
01:34:43 de la mafia,
01:34:45 et ce mode opératoire, vous êtes le premier
01:34:47 à remarquer sa répétition.
01:34:49 - Vous avez tout dit,
01:34:51 vous avez tout résumé. Un mode opératoire,
01:34:53 c'est toujours une signature. Et ce qui est tout à fait
01:34:55 étonnant, c'est que les historiens ne se sont pas intéressés
01:34:57 à la question du mode opératoire,
01:34:59 même le rapport, et évidemment le rapport
01:35:01 Warren de 1963 n'en parle pas,
01:35:03 et même le très grand rapport du Congrès
01:35:05 des Etats-Unis, le House Select Committee on Assassination,
01:35:07 dont le rapport est rendu
01:35:09 en 1979 et qui propose
01:35:11 la thèse du complot et du complot mafieux,
01:35:13 même ce rapport
01:35:15 oublie de rappeler
01:35:17 ce précédent historique.
01:35:19 - Parce que vous êtes commissaire de police, vous, que vous vous y intéressez.
01:35:21 - Disons que j'ai peut-être un oeil
01:35:23 particulier sur ces questions-là,
01:35:25 mais au-delà de ça, au-delà du mode opératoire,
01:35:27 quand on s'intéresse à l'histoire contemporaine
01:35:29 des Etats-Unis, on se rend compte que l'historiographie
01:35:31 a beaucoup progressé, et c'est pour ça
01:35:33 que dans un chapitre complet,
01:35:35 je rappelle et j'accumule et j'analyse différemment
01:35:37 l'ensemble des traces et indices
01:35:39 qui permettent aujourd'hui de conclure que
01:35:41 l'hypothèse mafieuse
01:35:43 est certainement la plus crédible,
01:35:45 en sachant qu'il faut se montrer extrêmement prudent
01:35:47 en la matière.
01:35:49 Cet assassinat, qui est un trauma national,
01:35:51 restera
01:35:53 une énigme entourée de mystères, malgré tout.
01:35:55 - Bien sûr, mais enfin,
01:35:57 dès le rapport du comité
01:35:59 HSCA,
01:36:01 1976,
01:36:03 la commission nommée par le Congrès,
01:36:05 la piste mafieuse,
01:36:07 et la plupart des grands auteurs qui ont travaillé,
01:36:09 travaillent aujourd'hui sur la piste mafieuse.
01:36:11 Au fond,
01:36:13 l'erreur des Oliver Stone,
01:36:15 qui a par ailleurs fait un très bon film,
01:36:17 JFK, qui a permis de rouvrir un certain nombre
01:36:19 de documents classifiés, pas tous,
01:36:21 c'est de vouloir absolument qu'il y ait le FBI,
01:36:23 la mafia bien sûr,
01:36:25 mais le FBI et la CIA,
01:36:27 plus les Texans, plus le complexe
01:36:29 militatoire industriel, ça fait trop de monde.
01:36:31 Ça n'aurait jamais marché, ça n'aurait fuité.
01:36:33 Dans tous les cas que vous
01:36:35 explorez, les tentatives
01:36:37 qui précèdent, en novembre 1963,
01:36:39 il y a très très peu de monde.
01:36:41 Il se trouve qu'elles sont déjouées à temps,
01:36:43 mais il y a le moins de monde possible,
01:36:45 et c'est toujours des gens en lien avec la mafia,
01:36:47 des tireurs sur des immeubles en haut,
01:36:49 qui sont un peu les pigeons,
01:36:51 et puis des tireurs un peu en bas,
01:36:53 qui sont sûrs, eux, d'avoir le président
01:36:55 au moment où la voiture ralentit,
01:36:57 et là, à chaque fois, c'est la même chose.
01:36:59 - Oui, ce qu'il faut comprendre, c'est que la mafia
01:37:01 est quelqu'un, quand on sort du folklore cinématographique,
01:37:03 il faut la considérer pour ce qu'elle est.
01:37:05 Une vraie société secrète,
01:37:07 avec un véritable étose du silence,
01:37:09 et surtout une organisation qui a une vision
01:37:11 stratégique et de long terme
01:37:13 de ses intérêts. Et c'est
01:37:15 une organisation qui sait se faire oublier.
01:37:17 Mais dans les années 60,
01:37:19 parce qu'elle était au fait de son pouvoir,
01:37:21 elle a connu un phénomène d'hubris.
01:37:23 Elle s'est crue toute puissante.
01:37:25 Et dans ce moment de peur
01:37:27 où elle a cru disparaître, à cause de
01:37:29 l'action de Robert Kennedy,
01:37:31 elle a certainement sauté un pas
01:37:33 qui aurait pu lui être fatal.
01:37:35 - Et pourquoi alors la commission
01:37:37 Warren tient absolument
01:37:39 à la thèse du tireur solitaire
01:37:41 dans laquelle plus personne ne croit
01:37:43 aujourd'hui ? Pourquoi est-ce qu'elle y tient
01:37:45 à ce point ? - C'est tout simplement le contexte
01:37:47 historique, celui de la guerre froide. Les États-Unis
01:37:49 sortent d'une crise
01:37:51 est-ouest, d'une quasi-guerre
01:37:53 nucléaire en octobre 62.
01:37:55 - À Cuba ?
01:37:57 - À Cuba, à cause de Cuba.
01:37:59 Et donc à ce moment-là, s'il n'y avait pas,
01:38:01 s'il y avait plusieurs auteurs et co-auteurs,
01:38:03 si c'était un complot, au sens technique
01:38:05 du terme, "conspirations",
01:38:07 en France on dirait une bande organisée,
01:38:09 si c'était un complot, tout le monde se dit à l'époque
01:38:11 que ça ne peut être qu'un complot communiste venant de Cuba
01:38:13 ou de l'URSS. - Et la Bafia
01:38:15 a tout fait pour qu'on le croit d'ailleurs.
01:38:17 - Évidemment, elle a tout fait en la matière.
01:38:19 Donc cette peur du complot, c'est en fait
01:38:21 une peur d'une nouvelle conflagration
01:38:23 possible et peut-être d'une guerre nucléaire.
01:38:25 Donc il y a à ce moment-là
01:38:27 ce que les Américains appellent très bien un "cover-up",
01:38:29 c'est-à-dire une convergence de tout un tas
01:38:31 d'agences fédérales américaines
01:38:33 pour masquer, pour ne pas
01:38:35 aller chercher la véritable piste
01:38:37 qui était probablement la piste mafieuse.
01:38:39 - Alors les responsables,
01:38:41 les instigateurs du complot,
01:38:43 ils ont été nommés, on les connaît,
01:38:45 même si en France on les connaît moins.
01:38:47 C'est Carlos Marcello, d'abord, on va voir sa photo,
01:38:49 le boss de la Nouvelle Orléans.
01:38:51 C'est Santo Traficante Jr.,
01:38:53 le boss de Tampa,
01:38:55 en Floride.
01:38:57 Et puis, en deuxième ligne,
01:38:59 on va dire Sam Giancana,
01:39:01 le boss de Chicago.
01:39:03 Et Jimmy Hoffa, le président du
01:39:05 syndicat des camionneurs, qui à ce moment-là
01:39:07 est dans le viseur de Robert Kennedy,
01:39:09 ministre de la Justice.
01:39:11 - Voilà, exactement. Ce sont trois chefs de famille
01:39:13 qui prennent cette responsabilité
01:39:15 et manifestement ils prennent ces décisions
01:39:17 sans en référer à l'organe de régulation
01:39:19 de la mafia hétéro-américaine qui s'appelle
01:39:21 le coupole, la commission.
01:39:23 Et ils prennent ces décisions
01:39:25 parce qu'ils ont eu ce sentiment de trahison,
01:39:27 parce qu'ils ont peur et parce qu'ils ont besoin
01:39:29 de préserver des intérêts financiers absolument gigantesques.
01:39:31 Il faut savoir qu'à l'époque,
01:39:33 ils blanchissaient
01:39:35 une grande partie de leurs activités à Las Vegas,
01:39:37 mais en même temps, c'était le fonds
01:39:39 de pension des Timsters
01:39:41 qui servait par des prêts
01:39:43 de complaisance à financer
01:39:45 ces grands hôtels-casinos qui étaient tenus
01:39:47 en sous-main par la mafia hétéro-américaine.
01:39:49 - Alors on voit bien que John Kennedy
01:39:51 il devait beaucoup à la mafia.
01:39:53 C'est très très clair
01:39:55 et en fait on s'aperçoit en lisant votre livre
01:39:57 qu'il n'est pas le seul,
01:39:59 peut-être pas autant à la mafia
01:40:01 que lui, mais
01:40:03 Franklin Roosevelt devait quelque chose à la mafia
01:40:05 et lui-même s'est montré ingrat
01:40:07 et c'est ce qui explique peut-être
01:40:09 l'attentat de Miami en 1933.
01:40:11 Il leur devait
01:40:13 son élection à la primaire démocrate.
01:40:15 Franklin Roosevelt.
01:40:17 Et il n'a pas été...
01:40:19 Il n'a pas renvoyé l'ascenseur.
01:40:21 - Non. Alors tout est affaire de perception.
01:40:23 C'est-à-dire que les mafieuses se sont convaincus
01:40:25 que Roosevelt avait une dette, mais c'est toujours difficile
01:40:27 à dire. Ce qu'il faut voir, c'est que
01:40:29 Roosevelt et Kennedy
01:40:31 ne sont certainement pas les présidents les plus compromis.
01:40:33 Ce sont les plus connus, mais pas les plus compromis.
01:40:35 On a des présidents qui, eux, ont été
01:40:37 des présidents en partie mafieux. C'est le cas
01:40:39 de Truman, c'est le cas de Johnson,
01:40:41 de Nixon, le cas de Reagan
01:40:43 est quand même aussi très étonnant
01:40:45 et comme c'est l'histoire du temps présent,
01:40:47 il faut se montrer prudent, mais
01:40:49 on a deux présidents progressistes
01:40:51 qui incarnent
01:40:53 l'empire du bien,
01:40:55 Barack Obama et Bill Clinton,
01:40:57 qui posent question quand même.
01:40:59 - Et il y a Donald Trump, mais lui, c'est une évidence
01:41:01 puisqu'en étant dans
01:41:03 l'immobilier à New York,
01:41:05 donc dans le béton,
01:41:07 puis dans les casinos
01:41:09 à Atlantic City,
01:41:11 il a travaillé avec la mafia toute sa vie.
01:41:13 - Voilà, c'est-à-dire que dans les années
01:41:15 70-80, quand Trump
01:41:17 commence à fonder son empire,
01:41:19 c'était déjà l'empire de son papa,
01:41:21 mais lorsqu'il développe son empire
01:41:23 en années 70-80, ces deux marchés
01:41:25 économiques étaient complètement
01:41:27 tenus d'amont en aval
01:41:29 par la mafia italo-américaine.
01:41:31 Le ciment était surnommé l'or italien
01:41:33 à New York, c'est-à-dire que les cinq familles
01:41:35 contrôlaient
01:41:37 la totalité du processus économique
01:41:39 et d'ailleurs, ça n'a pas beaucoup changé aujourd'hui
01:41:41 contrairement à ce qui est dit.
01:41:43 Donc en réalité, Donald Trump
01:41:45 était obligé de faire des affaires avec la mafia,
01:41:47 mais lui est allé beaucoup plus loin, c'est-à-dire que dans une logique
01:41:49 extrêmement cynique,
01:41:51 il l'a fait en toute connaissance de cause.
01:41:53 - Et alors,
01:41:55 ce dont on s'aperçoit quand on vous lit,
01:41:57 c'est que Richard Nixon, par exemple,
01:41:59 ou Ronald Reagan, qui effectivement
01:42:01 ont eu véritablement besoin de la mafia,
01:42:03 dans le cas de Reagan, c'est une pure fabrication
01:42:05 de la mafia, en tant que président
01:42:07 du syndicat des acteurs, c'est un syndicat qui est tenu
01:42:09 par la mafia, s'il est mis là,
01:42:11 c'est par la mafia, mais on s'aperçoit
01:42:13 qu'il renvoie l'ascenseur, c'est-à-dire que
01:42:15 véritablement, ils arrêtent des enquêtes,
01:42:17 ils nomment des gens, Reagan
01:42:19 autour de lui, il y a des gens qui sont quand même,
01:42:21 qui ont des liens avec la mafia,
01:42:23 que ce soit son ministre de la Justice ou celui
01:42:25 qui nomme à la tête de la CIA,
01:42:27 ils ont véritablement des liens avec la mafia.
01:42:29 Mais on ne voit pas toujours
01:42:31 les renvois d'ascenseurs,
01:42:33 il y en a certains, on ne sait pas.
01:42:35 - Non, en effet, la question des contreparties
01:42:37 est évidemment la plus sensible,
01:42:39 elle n'a pas toujours été documentée historiquement.
01:42:41 Alors, on le voit assez bien
01:42:43 du temps de Ronald Reagan ou de Richard Nixon,
01:42:45 il y a eu de vraies contreparties,
01:42:47 c'est-à-dire que des enquêtes judiciaires
01:42:49 majeures ont été étouffées, d'une part,
01:42:51 et d'autre part, il y a eu une volonté
01:42:53 de ne pas mener une politique pénale
01:42:55 anti-mafieuse, ça c'est tout à fait évident,
01:42:57 donc on le voit de manière positive
01:42:59 ou on le voit de manière implicite.
01:43:01 Et puis sous d'autres présidences, on ne voit pas
01:43:03 explicitement la contrepartie, mais
01:43:05 ce qui n'est pas vu,
01:43:07 ce n'est pas parce qu'on ne voit pas les choses qu'elles n'existent pas.
01:43:09 - Alors, ce qu'il y a, c'est que quand on vous lit,
01:43:11 tout semble énorme.
01:43:13 Vous vous dites tout à coup "mais oui, la mafia est là,
01:43:15 c'est une évidence". Est-ce que les Américains
01:43:17 sont conscients, votre livre est absolument
01:43:19 passionnant, mais est-ce que pour les Américains
01:43:21 qui, eux, sont normalement familiers
01:43:23 de ces questions, nous c'est assez
01:43:25 lointain, mais eux, ils y sont habitués,
01:43:27 est-ce que c'est aussi énorme pour eux
01:43:29 que ça le devient quand on vous lit ?
01:43:31 - Pas vraiment, et je ferai à ce titre
01:43:33 deux remarques.
01:43:35 Tout d'abord, il y a aux États-Unis une surexposition
01:43:37 de la question mafieuse à travers, évidemment,
01:43:39 l'industrie du diversitisme. Tout le monde a
01:43:41 l'impression de connaître ce phénomène,
01:43:43 et en réalité, cette surexposition, c'est une
01:43:45 manière un petit peu d'enfouir cette réalité.
01:43:47 C'est la lettre volée d'Edgar Poe.
01:43:49 Deuxièmement, il y a toujours en fait un phénomène
01:43:53 de surexposition et d'évitement par rapport
01:43:55 à la mafia. Et puis, deuxièmement,
01:43:57 en réalité, les Américains
01:43:59 n'aiment pas parler de ces liens entre
01:44:01 leur système politique et le crime organisé.
01:44:03 Pourquoi ? Parce que le crime organisé,
01:44:05 que ce soit le crime organisé en col blanc
01:44:07 ou le crime organisé en col bleu,
01:44:09 celui des mafieux, est constitutif
01:44:11 de la formation des élites politiques
01:44:13 et économiques et politiques
01:44:15 des États-Unis depuis le XVIIIe siècle.
01:44:17 Ce qu'a très bien montré Scorsese
01:44:19 dans un très beau film
01:44:21 tiré d'un livre éponyme, "Gangs of New York".
01:44:23 Donc voilà, il y a un impensé
01:44:25 très fort sur le mode de formation
01:44:27 des élites et sur leur racinement du crime
01:44:29 organisé dans ce système politico-économique
01:44:31 qui est un système
01:44:33 sui generis. Il faut dire les choses simplement,
01:44:35 l'Amérique est une très grande démocratie
01:44:37 mais c'est aussi une plutocratie.
01:44:39 Voilà, c'est le gouvernement
01:44:41 pour les riches et par les riches.
01:44:43 - Merci Jean-François Guéraud,
01:44:45 c'est un livre tout à fait passionnant.
01:44:47 Comment vous avez réussi d'ailleurs à faire ça ?
01:44:49 Un français c'est dur d'enquêter aux États-Unis.
01:44:51 - J'ai mené
01:44:53 un travail d'historien classique, c'est-à-dire
01:44:55 que j'ai épluché des centaines d'ouvrages,
01:44:57 des dizaines de rapports, des milliers d'articles.
01:44:59 J'ai fait de l'histoire, du temps présent.
01:45:01 - Merci, merci tous les quatre
01:45:03 d'avoir participé à cette émission.
01:45:05 Merci de nous avoir suivis
01:45:07 et rendez-vous au prochain numéro,
01:45:09 dimanche,
01:45:11 22h. Les visiteurs du Soir,
01:45:13 je vous souhaite une très bonne nuit.
01:45:15 (je n'ai pas de vis, je n'ai pas de pinceau, je n'ai pas de couteau, je n'ai pas de couteau, je n'ai pas de couteau, je n'ai pas de couteau, je n'ai pas de couteau, je n'ai pas de couteau)

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