Frédéric Taddeï et ses invités débattent des grandes questions du XXIe siècle dans les #VisiteursDuSoir
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00:00:00 L'émission va commencer juste après le rappel des titres.
00:00:06 Mes invités sont déjà là.
00:00:08 A tout de suite.
00:00:09 Au lendemain du séisme dans l'ouest de la France, l'heure est au recensement des dégâts.
00:00:20 Églises endommagées, murs fissurés, encharrentes maritimes, des dizaines de maisons ont été
00:00:25 décrétées inhabitables par les pompiers.
00:00:28 38 personnes ont dû être relogées dans le secteur du sud des Deux-Sèvres.
00:00:32 La première ministre a indiqué que l'Etat allait s'assurer que tout le monde ait accès
00:00:36 à un relogement si nécessaire.
00:00:38 A Paris, les Républicains ont lancé leurs états généraux, synonyme de refondation
00:00:44 d'après le président du parti.
00:00:45 Pour rebondir d'ici 2027, Eric Ciotti a appelé à l'avènement d'une droite forte, courageuse
00:00:52 et conquérante.
00:00:53 Près de 1600 personnes se sont réunies au cercle d'hiver.
00:00:57 Le parti, tombé à moins de 5% à la dernière présidentielle, regarde avec inquiétude
00:01:02 l'échéance des européennes en juin.
00:01:04 Et puis à Londres, un peu plus d'un mois après son couronnement, le roi Charles III
00:01:09 a célébré publiquement son anniversaire, le premier en tant que souverain.
00:01:13 La traditionnelle parade militaire s'est achevée avec l'apparition de la famille
00:01:17 royale au balcon de Bellingham, suivie d'une parade aérienne.
00:01:21 Le roi aura 75 ans le 14 novembre prochain et fêtera alors l'événement en privé.
00:01:27 (Générique)
00:01:43 - Bonsoir, bienvenue sur le plateau des visiteurs du soir, il est 22h, c'est la fin de la semaine,
00:01:48 on peut tout se dire.
00:01:49 À 23h30, Jean-Pierre Fillu nous racontera l'histoire du Moyen-Orient, la lumière de
00:01:55 la production et de la consommation de drogue.
00:01:57 C'est le sujet de son livre stupéfiant Moyen-Orient.
00:02:01 À 23h, on débattra de la reconnaissance faciale instantanée dans l'espace public.
00:02:06 Le Sénat veut l'autoriser dans certains cas, tandis que le Parlement européen veut l'interdire.
00:02:11 L'avocat Jean-Baptiste Souffron nous rejoindra à ce moment-là.
00:02:14 À 22h20, il sera question de l'avenir des Républicains qui organisent ce week-end
00:02:19 leurs états généraux au cirque d'hiver à Paris.
00:02:21 Faut-il qu'ils s'allient avec les macronistes, avec le Rassemblement National ou qu'ils continuent
00:02:26 seuls leur chemin ? Henri Guaino, l'auteur de De Gaulle, le nom de tout ce qui nous manque
00:02:32 est avec nous, ainsi qu'Alexandre de Vecchio, le rédacteur en chef des pages débat du
00:02:37 Figaro.
00:02:38 Et il y aura Christophe Boutin, mais d'abord Laurent-Alexandre qui sort La guerre des intelligences
00:02:44 à l'heure de Chats de GPT, une version actualisée de La guerre des intelligences parue en 2017.
00:02:49 L'intelligence, c'est ce qui a permis à l'espèce humaine de survivre dans une nature
00:02:54 hostile et de finir par dominer le monde.
00:02:57 Alors Chats de GPT peut-il vraiment rivaliser ?
00:02:59 Chats de GPT progresse très vite.
00:03:02 Chats de GPT en médecine est en train de dépasser les médecins.
00:03:07 Ce qui ne veut pas dire que les médecins vont disparaître.
00:03:08 Mais Chats de GPT est capable de faire des associations, de comprendre des dossiers extrêmement
00:03:13 compliqués en quelques secondes, là où il faut des heures, voire des jours à des
00:03:17 grands spécialistes pour faire un diagnostic.
00:03:20 Donc on est dans une période où il va falloir gérer, réguler cette tornade technologique.
00:03:24 On n'y est pas prêts parce qu'on n'avait pas vu arriver l'accélération liée à
00:03:28 Chats de GPT.
00:03:29 Si il y a un an, on avait demandé aux mille plus grands experts en informatique dans le
00:03:33 monde qu'est-ce qu'il faut surveiller, qu'est-ce qui est important en matière informatique,
00:03:36 il n'y en a pas plus de cinq ou dix qui auraient dit Chats de GPT et cette génération d'intelligence
00:03:42 artificielle va exploser et va se développer.
00:03:44 On n'y croyait pas.
00:03:45 Donc la surprise technologique est très forte et donc on est dans un certain brouillard
00:03:49 politique, un brouillard numérique parce qu'on n'a pas vu arriver le déploiement
00:03:54 de cette technologie qui est extrêmement rapide et qui, dans beaucoup de domaines,
00:03:59 est en train de dépasser le cerveau humain.
00:04:00 Ce qui ne veut pas dire que la machine va dépasser globalement l'homme à court terme.
00:04:04 Mais qu'est-ce que ça a changé dans votre livre à vous qui était paru il y a très
00:04:10 peu de temps et vous, vous étiez à l'affût.
00:04:12 Oui, ce qui a changé comme tout le monde.
00:04:14 J'ai été stupéfait des performances des réseaux de neurones artificiels de la génération
00:04:19 Chats de GPT.
00:04:20 Je n'imaginais pas avant 2040, 2050 qu'une intelligence artificielle puisse faire de
00:04:26 la médecine spécialisée.
00:04:27 Je n'imaginais pas avant plusieurs décennies que l'intelligence artificielle puisse réussir
00:04:33 le board de neurochirurgie pour être qualifiée en neurochirurgie aux États-Unis et qui est
00:04:38 extrêmement compétitif.
00:04:39 Je n'imaginais pas ça possible à cet horizon-là.
00:04:41 Donc effectivement, l'accélération de l'histoire technologique pose des problèmes politiques,
00:04:46 éducatifs, géopolitiques qu'on n'imaginait pas parce qu'on pensait que la révolution
00:04:50 de l'IA serait une révolution douce, relativement progressive.
00:04:54 Or elle ne l'est pas.
00:04:55 Nous sommes là face à une véritable accélération et beaucoup de métiers vont être secoués,
00:05:00 vont devoir se réorganiser, se réinventer.
00:05:02 Mais ça, vous le dites depuis longtemps, Laurent Alexandre.
00:05:04 Mais vous dites aussi.
00:05:05 Ça va plus vite que prévu.
00:05:06 Vous dites aussi depuis longtemps qu'il faut distinguer l'intelligence artificielle faible
00:05:12 et l'intelligence artificielle forte.
00:05:14 C'est encore de l'intelligence artificielle faible.
00:05:16 Faible, mais on se rend compte qu'on n'a pas besoin de conscience artificielle pour
00:05:19 dépasser l'homme.
00:05:20 Vous voyez, on arrive à faire réfléchir chaque GPT sur des choses extrêmement subtiles.
00:05:25 J'ai, avec mon ami Luc Ferry, débattu avec chaque GPT sur la conscience de chaque GPT.
00:05:32 Et on lui a demandé de démontrer qu'il n'avait pas de conscience.
00:05:37 Prouve-nous que tu n'as pas de conscience.
00:05:38 Le raisonnement philosophique et intellectuel de la démonstration de chaque GPT pour affirmer
00:05:45 qu'il n'a pas de conscience et que ça n'est pas en contradiction avec « je pense,
00:05:49 je suis cartésien » est extrêmement brillante et extrêmement troublante.
00:05:54 Donc cette capacité de l'intelligence artificielle de dire des choses très intelligentes sans
00:06:00 avoir de conscience est révolutionnaire.
00:06:03 On imaginait que pour faire de la médecine spécialisée, pour prendre mon métier, il
00:06:07 fallait une conscience artificielle à l'intelligence artificielle.
00:06:10 On se rend compte que ce n'est pas le cas.
00:06:12 Une intelligence artificielle sans conscience artificielle est capable de dépasser le cerveau
00:06:17 humain et ça, c'est la surprise qu'on a eue à partir du 30 novembre dernier quand
00:06:22 chaque GPT version 3 a été rendue publique.
00:06:25 Néanmoins, chaque GPT ne comprend pas ce qu'il fait, ni ne comprend pas ce qu'il
00:06:28 dit.
00:06:29 Alors il y a un débat là-dessus.
00:06:31 Il y a deux écoles, l'école du MIT et l'école de Stanford.
00:06:34 Est-ce qu'il y a des propriétés émergentes cachées dans chaque GPT ou pas ? C'est
00:06:39 très débattu.
00:06:40 Microsoft, qui est l'actionnaire de référence de chaque GPT, a sorti un papier de recherche
00:06:45 de 120 pages il y a quelques semaines sur ces propriétés émergentes et sur le fait
00:06:50 que chaque GPT est beaucoup plus intelligent qu'il devrait l'être.
00:06:54 Car le modèle sous-jacent est un modèle assez frustre, assez réducteur.
00:06:58 Et chaque GPT arrive à faire des choses que l'on n'imaginait pas possibles.
00:07:01 Si l'on prend tous les chercheurs de Microsoft et les chercheurs qui ont créé chaque GPT,
00:07:06 aucun n'imaginait que chaque GPT pourrait faire de la médecine spécialisée au niveau
00:07:10 où est GPT4 aujourd'hui.
00:07:12 Donc il y a un débat sur le fait de savoir s'il y a, oui ou non, des propriétés émergentes
00:07:17 à l'intérieur de chaque GPT.
00:07:19 Et il n'y a pas d'accord au moment où nous parlons entre les experts, notamment
00:07:23 entre l'école du MIT et l'école de Stanford.
00:07:26 Face à l'intelligence artificielle, écrivez-vous, nous ne pèserons rien.
00:07:30 Pourquoi ?
00:07:32 Quantitativement, l'immense majorité de l'intelligence sur Terre va être de l'intelligence artificielle.
00:07:37 Ça ne veut pas dire que nous allons forcément être écrasés.
00:07:40 Mais il est clair qu'on va produire des quantités illimitées d'intelligence, puisque produire
00:07:45 de l'intelligence ne coûte quasiment rien, de l'intelligence artificielle, qu'on peut
00:07:48 en produire en quantité très, très, très importante et qu'elle est quasi gratuite.
00:07:53 Donc oui, ce que dit Sam Altman, le fondateur de chaque GPT, c'est que la part de l'intelligence
00:07:59 artificielle dans l'intelligence totale sur Terre va être très largement majoritaire
00:08:04 et très probable.
00:08:05 Le patron d'NVIDIA, qui fabrique les puces électroniques qui alimentent toutes les intelligences
00:08:11 artificielles sur Terre, qu'on appelle les puces GPU, a affirmé il y a le mois dernier
00:08:15 que en 2032, l'intelligence artificielle sera un million de fois plus intelligente
00:08:21 que GPT-4.
00:08:22 Nous rentrons probablement dans une période où l'intelligence va être ce qu'on appelle
00:08:27 une commodité en économie, va être quelque chose de banal, qu'on va produire en extrêmement
00:08:32 grande quantité.
00:08:33 Et ça, c'est une révolution, parce que jusqu'à maintenant, produire de l'intelligence
00:08:37 est long.
00:08:38 Quand nous faisons des bébés, entre la position du missionnaire et le MBA du bébé ou le
00:08:43 PhD du bébé ou le doctorat en radiologie de notre gamin, on met 30 ans pour fabriquer
00:08:51 des cerveaux, avec l'intelligence artificielle, il suffit de quelques secondes.
00:08:54 Donc nous sommes dans des rythmes, dans des tempos extrêmement différents.
00:08:58 Nous allons devoir nous réinventer, nous allons devoir réinventer notre société.
00:09:04 Et aujourd'hui, il y a un consensus de grosse majorité des spécialistes en informatique
00:09:10 et en intelligence artificielle pour dire que ce qu'on appelle l'HGI, l'intelligence
00:09:14 artificielle générale, est là entre 1 000 et 2 000 jours d'aujourd'hui, c'est-à-dire
00:09:18 demain matin, c'est-à-dire une intelligence artificielle gratuite dépassant l'homme
00:09:23 dans toutes les dimensions cognitives.
00:09:25 C'est une révolution, c'est un changement civilisationnel.
00:09:28 Et le fondateur de chaque GPT, Sam Al-Jman, a écrit il y a 15 jours qu'à son sens, il
00:09:34 était évident que nous aurons derrière l'intelligence artificielle générale de
00:09:39 la super intelligence artificielle dans moins de 10 ans.
00:09:42 Et cette fois-ci, ce n'est pas un changement civilisationnel, c'est un changement anthropologique
00:09:47 d'avoir des intelligences des millions de fois supérieures à l'ensemble des cerveaux
00:09:51 humains.
00:09:52 Donc oui, nous sommes dans une révolution dont on ne maîtrise pas encore tous les contours.
00:09:57 Nous sommes, comme je disais tout à l'heure, dans un vrai brouillard parce que les choses
00:10:01 se sont brutalement accélérées le 30 novembre dernier, c'est-à-dire il y a seulement six
00:10:05 mois.
00:10:06 Piloter cette révolution va être le rôle des politiques.
00:10:09 C'est pour ça qu'il y a une responsabilité très grande des élites et notamment des
00:10:13 élites politiques de comprendre ces technologies-là, d'avoir GPT-4 sur leur téléphone portable
00:10:19 pour mesurer la puissance de la tornade technologique et de mettre en place les mesures nécessaires,
00:10:24 notamment une réorganisation complète de l'hôpital, une réorganisation complète
00:10:29 de l'éducation qui va s'imposer dans les prochaines années.
00:10:31 On ne peut pas continuer à former nos gamins, et je suis père de famille nombreuse donc
00:10:36 le sujet m'intéresse, on ne peut pas continuer à former nos gamins au monde d'Avance@GPT.
00:10:41 Vous ne dites plus besoin d'aller à l'école dans votre livre ?
00:10:45 Ce n'est pas ce que j'ai dit, j'ai dit qu'à terme l'école va être révolutionnaire,
00:10:48 mais des gens comme Bill Gates ont déclaré il y a quinze jours, Bill Gates a déclaré
00:10:54 dans 18 mois, ce ne sont plus les instituteurs et les institutrices qui apprendront à lire
00:10:59 à nos enfants et à nos petits-enfants, ce sera les successeurs de GPT-4.
00:11:03 Et il a ajouté, Bill Gates, qui contrôle indirectement chez le GPT via le fait qu'il
00:11:09 est le principal actionnaire de Microsoft, il a dit les parents seront stupéfaits de
00:11:14 la vitesse à laquelle les successeurs de GPT-4 auront remplacé l'instituteur et l'institutrice
00:11:19 pour apprendre à nos enfants à lire.
00:11:21 Donc oui, l'école va être profondément transformée, même s'il est encore difficile
00:11:25 de dire dans quelles mesures et de savoir quel type de réformes il faut y mettre pour
00:11:32 permettre à nos enfants de résister aux tsunamis et de permettre à nos enfants d'être
00:11:36 complémentaires de l'intelligence artificielle et non pas écrabouillés.
00:11:40 Il ne vous a pas échappé que la plupart des spécialistes mondiaux de l'intelligence
00:11:45 artificielle ont fait une déclaration de 22 mots il y a dix jours.
00:11:49 Réduire, limiter le risque d'extermination de l'humanité par l'intelligence artificielle
00:11:56 exige un effort mondial de même nature que la lutte contre la guerre nucléaire ou contre
00:12:02 les épidémies.
00:12:03 Il ne faut pas sous-estimer l'accélération de l'histoire qui est en cours aujourd'hui.
00:12:08 En même temps, si on devient complémentaire de l'intelligence artificielle, exactement
00:12:12 comme les GPS sont venus compléter les automobilistes, sans pour autant prendre le volant, ils sont
00:12:19 juste complémentaires, tout pourrait bien se passer.
00:12:22 À moins que ça ne produise une idiocratie, c'est-à-dire que tout à coup on laisse
00:12:28 à chaque GPT à peu près prendre toutes les décisions, un peu comme quand on a pris
00:12:32 l'habitude du GPS, à force quand il ne marche plus, on ne sait plus où se repérer dans
00:12:36 l'espace.
00:12:37 On a plein de dangers sur le plan cognitif.
00:12:39 D'abord, on a le danger d'une société à la métropolis.
00:12:43 Si nous sommes dans un monde où la haute bourgeoisie ou la bourgeoisie poussent les
00:12:48 enfants à mort pour être complémentaires de chaque GPT et pour résister à la tornade
00:12:55 en développant les métiers qui ne vont pas être impactés par l'intelligence artificielle,
00:12:59 pendant que des classes moins bourgeoises poussent moins leurs enfants, les mettent
00:13:06 moins dans les bonnes filières, leur donnent moins les savoirs indispensables de main et
00:13:11 surtout ne sont pas informés des savoirs indispensables.
00:13:14 Parce que beaucoup de parents pensent qu'il faut faire de nos enfants des techniciens.
00:13:18 C'est une erreur fondamentale.
00:13:20 Nous sommes en 1934 quand de Gaulle, vers la métier, disait que l'école du commandement
00:13:27 c'était la culture générale.
00:13:28 Face à l'intelligence artificielle, il ne faut pas que nos gamins soient des techniciens
00:13:32 étroits.
00:13:33 La culture générale est essentielle.
00:13:35 Nous devons former nos enfants à la culture générale.
00:13:38 Nous devons aussi leur donner une culture technologique et nous devons les former à
00:13:42 ces outils.
00:13:43 Personnellement, j'exige que mes enfants passent au minimum une heure par jour sur
00:13:48 chaque GPT version 4 pour comprendre et pour apprendre à manipuler ces outils, ce qu'on
00:13:53 appelle le prompting, c'est-à-dire l'utilisation intelligente de ces systèmes de réseaux
00:14:00 de neurones artificiels.
00:14:01 Laurent Alexandre, l'homme sans limite est un concept qui vous a toujours mobilisé,
00:14:05 mais c'est un concept qui a de plus en plus de mal à se faire entendre.
00:14:09 Vous l'avez remarqué.
00:14:10 Depuis que le changement climatique monopolise les esprits, l'homme est censé s'incliner
00:14:17 devant la nature et ne pas s'affranchir des limites qu'elle lui impose.
00:14:21 Oui, vous savez que je pense le contraire.
00:14:23 Le monde que propose la NUPES, le monde écologique, décroissant, anti-science, anti-technologie,
00:14:31 avec une bonne partie des mers issues de la NUPES qui ont bloqué la 5G pendant de nombreux
00:14:36 mois, ce n'est pas le monde vers lequel on se dirige.
00:14:39 Chaque GPT est en train d'inaugurer un monde hyper technologique, hyper scientifique, hyper
00:14:44 complexe et de croissance forte.
00:14:47 L'hyper croissance transhumaniste est devant nous, qu'on s'en félicite ou qu'on en
00:14:52 soit catastrophé, c'est un autre sujet.
00:14:54 Nous rentrons dans une civilisation très technologique parce que l'intelligence artificielle
00:14:58 nous donne les outils d'Homo Deus, nous donne les outils d'hémurgique pour contrôler
00:15:03 le monde.
00:15:04 Alors, ce ne sera pas un long flof tranquille, bien sûr, mais ce changement civilisationnel,
00:15:11 il doit être pensé, il doit être organisé.
00:15:13 Homo Deus est bien évidemment immature, c'est un enfant, il ne connaît pas ses limites,
00:15:20 son hubris n'est pas bien géré, il va falloir que nous apprenions à gérer avec un hubris
00:15:26 raisonnable les outils extraordinaires que l'intelligence artificielle va nous donner
00:15:31 dans les décennies qui viennent.
00:15:32 Est-ce que vous n'êtes pas trop technophile, trop optimiste aussi ? Dans La Mort de la
00:15:36 Mort, le livre qui vous a fait connaître en 2014, vous disiez que l'homme qui allait
00:15:40 vivre 1000 ans était déjà né, vous le pensez encore ?
00:15:44 J'en ai la conviction.
00:15:45 Toujours, il est déjà né.
00:15:48 Le vice-président de Google, Ray Kurzweil, a déclaré il y a quelques semaines que si
00:15:55 l'accélération technologique que l'on voit avec GPT-4 se poursuit, il n'est pas impossible
00:16:00 qu'on puisse commencer à tuer la mort en 2029, c'est-à-dire dans peu d'années.
00:16:04 Je suis absolument convaincu que les progrès technologiques vont être absolument foudroyants
00:16:09 dans les décennies qui viennent.
00:16:10 Juste un exemple, l'intelligence artificielle de Google, AlphaFold, a réussi en quelques
00:16:16 semaines à trouver la forme en trois dimensions de 200 millions de protéines.
00:16:21 Il aurait fallu à toute la communauté des chercheurs mondiaux, 5000 ans pour faire la
00:16:27 même chose.
00:16:28 L'intelligence artificielle l'a fait en 15 jours.
00:16:31 Oui, dans le domaine des biotechnologies, il va y avoir une extraordinaire accélération
00:16:35 technologique grâce à l'intelligence artificielle.
00:16:38 Nous sommes à l'aube d'une vraie révolution.
00:16:41 Il va falloir que la NUPES change et revienne aux premiers amours de Mélenchon, la science
00:16:47 et la technologie.
00:16:48 Car il ne faut pas l'oublier, à l'époque, il y a 10 ans, Mélenchon, la gauche, était
00:16:53 pro-technologie, massivement anti-voile.
00:16:57 Mélenchon était l'adversaire numéro un du voile islamique et pro-science.
00:17:02 Aujourd'hui, la NUPES est devenue islamo-gauchiste et anti-science.
00:17:06 Je pense qu'il va falloir que la gauche revienne à l'amour de la science, à l'amour de la
00:17:13 technologie qu'avait la gauche française au début du XXe siècle, à l'époque où
00:17:17 la France était la Californie du monde et était reine de toutes les grandes technologies,
00:17:21 la télévision, le téléphone, le cinéma, l'avion, etc.
00:17:25 La gauche doit se ressaisir et doit cesser de tomber dans les sirènes des ayatollahs
00:17:31 verts.
00:17:32 - Emmanuel Macron a dit cette semaine qu'il voulait faire de la France une championne
00:17:37 de l'intelligence artificielle.
00:17:39 Vous pensez que ce n'est pas trop tard ?
00:17:40 - Alors, il y a beaucoup de boulot.
00:17:42 Cela dit, il y a des équipes remarquables.
00:17:44 Une start-up d'IA qui s'appelle Mistral vient de lever 110 millions d'euros il y a quelques
00:17:50 jours.
00:17:51 Elle est gérée par un type absolument extraordinaire qui est un des meilleurs chercheurs mondiaux,
00:17:55 Arthur Munch, un jeune polytechnicien fantastique que vos auditeurs doivent suivre d'ailleurs
00:18:01 parce que ce garçon a un potentiel formidable.
00:18:03 Il y a en France, si l'on dépense plus pour la recherche, si l'on ne reste pas à 2,2%
00:18:09 de la richesse nationale en recherche mais qu'on monte entre 3 et 5% comme tous les
00:18:13 grands pays développés, il y a un potentiel de rattrapage et la France doit cesser d'être
00:18:19 technophobe et d'écouter les technophobes et elle doit se lancer dans le combat pour
00:18:23 être effectivement une grande puissance technologique et notamment une grande puissance de l'IA
00:18:27 demain.
00:18:28 On continuera de parler d'intelligence artificielle notamment quand on va aborder la reconnaissance
00:18:34 faciale tout à l'heure mais d'abord une pause et on s'intéresse aux Républicains
00:18:39 et à leur avenir.
00:18:40 Les Républicains tiennent ce week-end leurs états généraux au Cirque d'hiver à Paris.
00:18:50 Ils se réclament d'une famille politique qui a gouverné la France pendant 38 ans,
00:18:55 entre 1958 et 2012, mais qui a perdu successivement 3 élections présidentielles.
00:19:00 Valérie Pécresse a fait moins de 5% des voix la dernière et aux législatives, les
00:19:05 Républicains n'ont recueilli qu'un peu plus de 10% des suffrages exprimés au premier
00:19:08 tour.
00:19:09 Aujourd'hui, 3 possibilités s'offrent à eux, s'allier avec les macronistes
00:19:13 comme a l'air de le souhaiter le président de la République, s'allier avec l'extrême
00:19:17 droite qui a séduit deux fois plus d'électeurs qu'eux aux dernières législatives ou continuer
00:19:21 seuls leur chemin en espérant retrouver leur poids d'antan sur l'échiquier politique.
00:19:26 Pour en débattre, Henri Guénaud, l'auteur de De Gaulle, le nom de tout ce qui nous manque,
00:19:31 qui a participé activement à l'élection des deux derniers présidents en date, issus
00:19:36 de cette famille politique, Jacques Chirac et Nicolas Sarkozy.
00:19:39 Je rappelle qu'en 2007, quand vous êtes devenu conseiller spécial de Nicolas Sarkozy
00:19:43 à l'Élysée, l'UMP, l'ancêtre des Républicains, avait la majorité absolue à l'Assemblée
00:19:47 nationale et le Front National était tombé à 4,29% des voix.
00:19:52 Alexandre Devecchio, vous êtes rédacteur en chef des pages débat du Figaro, vous êtes
00:19:57 l'auteur de Recomposition.
00:19:58 Christophe Boutin a dû nous rejoindre, il est en duplex, il est professeur de droit
00:20:05 public à l'université de Caen.
00:20:07 Vous venez de publier avec Frédéric Rouvillois le référendum ou comment redonner le pouvoir
00:20:13 au peuple.
00:20:14 Est-ce que vous êtes là ? Christophe Boutin.
00:20:15 On vous entend, on ne vous voit pas, mais ça y est, on vous voit et ça nous fait plaisir.
00:20:22 Première question, quelles sont les différences aujourd'hui sur le plan idéologique entre
00:20:26 les Républicains et Renaissance, le parti d'Emmanuel Macron et entre les Républicains
00:20:30 et le Rassemblement National, le parti de Marine Le Pen ? Alexandre Devecchio.
00:20:35 Entre les Républicains et le parti de Marine Le Pen, je pense qu'il y a une différence
00:20:39 sociologique.
00:20:40 Les Républicains ont totalement abandonné les classes populaires qui désormais votent
00:20:45 Marine Le Pen et il n'y a pas du tout de dimension sociale aujourd'hui dans leur politique,
00:20:50 ce qui était une composante réelle du RPR.
00:20:53 La différence avec Emmanuel Macron, c'est qu'ils peuvent apparaître un peu plus fermes
00:20:57 sur les questions régaliennes, identitaires d'immigration, mais je crois qu'en réalité
00:21:02 s'ils étaient au pouvoir, étant donné leur logiciel, ils appliqueraient peu ou
00:21:05 prou la même politique puisqu'ils refusent de remettre en cause l'Union européenne
00:21:10 telle qu'elle fonctionne et ils refusent d'aborder la question ou pas de la préférence
00:21:15 nationale.
00:21:16 Donc je crois qu'ils seraient contraints d'appliquer à peu près les mêmes solutions
00:21:22 qu'Emmanuel Macron.
00:21:23 Je pense que les deux différences et peut-être des convictions parce que finalement Marine
00:21:28 Le Pen trace une ligne claire depuis assez longtemps qui est celle d'un parti populaire,
00:21:35 souverainiste, ferme sur les questions d'immigration.
00:21:38 Emmanuel Macron aussi, malgré le "en même temps", est un Européen revendiqué, quelqu'un
00:21:44 qui croit au modèle technocratique actuel et qui le dit assez clairement alors que les
00:21:49 Républicains, ils sont un peu entre les deux, on ne comprend pas toujours quelle est leur
00:21:53 ligne politique et quelle est leur vision du monde.
00:21:55 Henri Guaino, même question.
00:21:57 Moi je crois que pour comprendre où en sont arrivés les Républicains, il faut refaire
00:22:07 un peu d'histoire.
00:22:08 L'histoire, elle commence dans les années 80 quand au RPR se dessinent deux tendances
00:22:17 très différentes qui étaient restées soudées par la force des choses jusque-là.
00:22:26 Jusque-là, il y avait une tendance dominante qu'on pourrait appeler gaulliste, colbertiste,
00:22:32 il y avait le général de Gaulle, Pompidou, il y avait le premier Chirac, Chirac qui va
00:22:39 même jusqu'à prôner un travaillisme à la française avec le ton, avec une certaine
00:22:46 distance vis-à-vis de la construction européenne parce qu'il y a encore, et qui pèse très
00:22:52 lourde au sein du RPR, tout l'héritage du gaullisme à travers Michel Debray, Pierre
00:23:01 Mesmer et bien d'autres.
00:23:03 Et puis dans les années 80 commence à apparaître, à se distancier à l'intérieur du RPR une
00:23:13 tendance qu'on va appeler, pour faire simple, jupéiste ou jupéo-balédurienne qui elle
00:23:20 est en fait, si on devait chercher dans les classifications des politologues leur héritage,
00:23:28 notamment pour ce qui est d'Alain Juppé, elle n'est pas du tout dans le gaullisme,
00:23:32 elle est dans ce qu'on a appelé l'orléanisme, c'est-à-dire une espèce de libéralisme
00:23:37 qui met l'argent en premier, enfin la performance et la réussite sanctionnées par l'argent,
00:23:44 qui est déjà très libéral ou néolibéral et qui va petit à petit imposer son point
00:23:54 de vue.
00:23:55 Ceux-là veulent d'ailleurs que le RPR cesse, Alexandre l'a très bien dit, cesse d'être
00:24:02 un parti avec une base populaire très large et très diversifiée.
00:24:06 Ils rêvent d'une chose, c'est que la vie politique s'organise entre deux grands partis,
00:24:13 un grand parti de centre-gauche et un grand parti de centre-droite qui alternerait au
00:24:18 pouvoir, comme disait-il dans toutes les grandes démocraties modernes, qui serait des partis
00:24:25 qui s'inscriraient dans ce qu'on a appelé à une époque, je crois que la formule était
00:24:29 d'Alain Menck, le cercle de la raison, nous sommes raisonnables, nous sommes sérieux
00:24:33 avec des nuances entre le centre-gauche et le centre-droite et ils ont atteint leur objectif,
00:24:39 ils l'ont atteint avec la création de l'UMP.
00:24:41 Monsieur Blizet, je vous interromps parce qu'on n'en est qu'à la création de l'UMP
00:24:46 et là il y a le rappel des titres et je vous redonnerai la parole après, mais il faudra
00:24:50 juste accélérer.
00:24:51 Le rappel des titres, Isabelle Piboulot.
00:24:58 Retour au calme après les tensions autour du projet de la ligne ferroviaire Lyon-Turin.
00:25:04 Malgré l'interdiction de la préfecture, environ 4000 manifestants se sont réunis
00:25:09 dans la vallée de la Maurienne, en présence de 300 éléments radicaux.
00:25:12 Les échoueries ont éclaté en milieu d'après-midi.
00:25:15 Sur Twitter, Gérald Darmanin a témoigné son soutien aux 12 gendarmes blessés.
00:25:20 Vladimir Poutine se dit prêt à un dialogue constructif avec ceux qui souhaitent la paix.
00:25:25 C'est ce qu'il a déclaré lors d'une rencontre avec les médiateurs africains sur l'Ukraine,
00:25:30 organisée à Saint-Pétersbourg.
00:25:31 "Nous souhaitons que cette guerre prenne fin", a affirmé le président sud-africain
00:25:36 devant le dirigeant russe.
00:25:37 Vladimir Poutine a salué une approche équilibrée de la délégation.
00:25:41 Au Soudan, l'armée et les paramilitaires en guerre se sont accordés sur un nouveau
00:25:46 cessez-le-feu de 72 heures à partir de demain.
00:25:49 Aujourd'hui, des frappes aériennes et des explosions ont secoué Khartoum, faisant au
00:25:53 moins 17 morts parmi les civils.
00:25:56 En deux mois de guerre, plus de 2000 personnes ont été tuées dans le pays.
00:26:00 Une conférence internationale sur l'aide au Soudan, parrainée par l'Arabie saoudite,
00:26:04 est prévue lundi à Genève.
00:26:06 Quelle est la différence entre les Républicains, qui organisent leurs états généraux au
00:26:16 cirque d'hiver à Paris ce week-end, et les macronistes d'un côté, et le Rassemblement
00:26:21 national de l'autre ?
00:26:22 Henri Guaino va nous donner la réponse, il va accélérer un tout petit peu pour que
00:26:25 je puisse ensuite poser la même question à Christophe Boutin.
00:26:28 – Ce n'est pas comme "Chasse GPT", l'histoire ne s'accélère pas si facilement,
00:26:35 en tout cas l'histoire qui est déjà arrivée.
00:26:37 Donc ça va déboucher sur, d'abord, ce qui est extraordinaire, c'est la position
00:26:45 à Maastricht, où cette famille se divise en deux, puis l'élection de 1995, où par
00:26:53 la force des choses, Jacques Chirac se retrouve du côté du vieux courant RPR héritier,
00:26:59 en tout cas pendant la campagne de l'histoire gaullienne, et puis Edouard Balladur qui
00:27:05 se situe dans l'autre camp, dans le cercle de la raison, comme on disait à l'époque.
00:27:10 Et ce qui est extraordinaire, c'est qu'après la victoire de Jacques Chirac, c'est-à-dire
00:27:16 du vieux courant, Jacques Chirac nomme Alain Juppé à Matignon, et qu'à partir de ce
00:27:21 moment-là, c'est cette tendance-là qui va l'emporter et qui va déboucher sur l'UMP.
00:27:26 Mais l'UMP, c'est l'ancêtre d'En Marche et de Renaissance en réalité, c'est-à-dire
00:27:31 que, je ne veux pas qu'on reproche à certains d'être parti rejoindre Emmanuel Macron
00:27:37 en 2017, alors ça a toujours été leur conviction et leurs idées, au-delà du choix des hommes,
00:27:44 que ce soit Edouard Philippe ou Bruno Le Maire par exemple.
00:27:48 La logique c'était l'absorption finalement dans le macronisme de cette tendance.
00:27:55 Ceux qui n'étaient pas d'accord avec cette tendance se sont réfugiés dans l'abstention
00:27:59 ou sont partis pour certains électeurs au Rassemblement National, d'autres finiront
00:28:03 par aller chez Éric Zemmour, et ce qui en est resté très peu.
00:28:09 Le problème c'est qu'aujourd'hui cette famille, elle est indéfinissable.
00:28:13 D'abord ce n'est plus une famille politique, mais ce n'est pas la seule.
00:28:16 Il n'y a pratiquement plus un parti sur l'échiquier politique qui soit ancré dans une famille
00:28:20 politique.
00:28:21 Laurent Alexandre parlait tout à l'heure de l'évolution de Mélenchon et de Alephi,
00:28:29 c'est typique.
00:28:30 Il a un parti d'une tradition républicaine appuyée sur le dossier au progrès scientifique,
00:28:37 d'une gauche qui avait une histoire très prendre et on aboutit là où on est aujourd'hui
00:28:42 qui n'a plus rien à voir.
00:28:44 Le parti socialiste n'est plus enraciné dans une famille politique et les républicains
00:28:53 non plus.
00:28:54 – Il y a le Rassemblement National.
00:28:55 – Le Rassemblement National est ancré dans une famille, bon, je ne sais pas.
00:28:58 Non mais c'est pareil, vous ne trouverez pas.
00:28:59 Ça n'est plus ce qu'était le Rassemblement, le Front National créé par Jean-Marie Le Pen
00:29:05 au début était effectivement ancré dans une famille politique, mais qui en grande
00:29:12 partie n'est plus ou ne représente plus grand-chose au Rassemblement National, ni
00:29:17 dans le parti, ni dans l'électorat.
00:29:19 L'électorat, il est en grande partie aujourd'hui un électorat populaire, d'une sociologie
00:29:24 qui n'a rien à voir avec ce qu'ont devenu les républicains.
00:29:29 Moi, dans ma bonne ville d'Arles où je suis né, ce sont les électeurs du Parti Communiste
00:29:35 qui sont les premiers partis d'abord votés pour le Front National puis ensuite pour le
00:29:39 Rassemblement National.
00:29:40 Donc le problème des républicains, il est existentiel, c'est-à-dire, c'est qui
00:29:45 sommes-nous ? Voilà la question qu'il devrait se poser.
00:29:48 Mais on n'y répond pas avec des États généraux.
00:29:51 On va poser la question à Christophe Boutin.
00:29:54 Quelle est la différence pour vous entre les républicains et les macronistes et entre
00:29:58 les républicains et le Rassemblement National aujourd'hui ?
00:30:01 Écoutez, je crois qu'aujourd'hui, il y a à peu près trois familles de droite qu'on
00:30:05 peut quand même arriver à différencier.
00:30:06 Première famille de droite, nous avons une droite populiste qui est représentée par
00:30:11 le Rassemblement National.
00:30:12 Deuxième famille de droite qui est notamment représentée par Reconquête actuellement,
00:30:17 mais qui comporte aussi une partie des républicains, c'est une droite cette fois conservatrice.
00:30:22 Et troisième famille de droite, nous avons une droite libérale.
00:30:26 Le problème qu'a très bien décrit Henri Guaino ici, c'est effectivement l'historique
00:30:30 de l'UMP d'abord et maintenant des républicains.
00:30:34 Un historique qui a mêlé des conservateurs et des libéraux, qui a mêlé des souverainistes
00:30:40 et des européistes.
00:30:41 Bref, qui a mêlé des gens qui n'allaient pas forcément ensemble.
00:30:44 Il était donc assez logique au moment où Emmanuel Macron a percuté la vie politique
00:30:49 française et a conduit à une reposition, il était assez logique de voir le parti se
00:30:53 fractionner, de voir effectivement, très bien comme a dit Henri Guaino, de voir des
00:30:59 gens suivre cette logique qui était déjà la leur et d'accompagner la démarche d'Emmanuel
00:31:04 Macron, ce qui se retrouve avec Édouard Philippe autour d'horizon, tandis que d'autres, au
00:31:09 contraire, restaient sur une position qui n'arrive d'ailleurs toujours pas à définir.
00:31:15 Leur problème c'est ça, c'est qu'ils n'arrivent pas à se redéfinir comme étant soit des
00:31:19 conservateurs, soit des libéraux, qu'ils se veulent quelque part entre les deux, que
00:31:24 l'argument, ce que disait M.
00:31:25 Lebecquiaud très justement, qui est de dire qu'ils sont peut-être un peu plus présents
00:31:29 que les macronistes sur le régalien, certes, mais un peu plus présents, ça ne fait pas
00:31:33 une pensée politique, ça ne fait pas une doctrine, ça ne fait même pas un programme,
00:31:38 il faut bien le dire.
00:31:39 Alors, est-ce qu'il faut qu'il s'allie avec les macronistes, c'est ce qu'a l'air de souhaiter
00:31:44 le président de la République ?
00:31:46 Il y a une remarque, il n'y a pas de politique sans héritage.
00:31:49 Il n'y a pas de politique sans héritage.
00:31:51 Quel est l'héritage des Républicains ? Quel est l'héritage du Parti Socialiste ? La crise
00:31:58 de notre démocratie, elle se noue dans cette absence d'héritage.
00:32:01 On ne s'inscrit plus dans une histoire, dans un imaginaire politique, chaque pays a son
00:32:06 imaginaire politique, quel est l'imaginaire politique des différents partis ?
00:32:11 On pourrait imaginer que l'imaginaire, ce soit l'avenir.
00:32:14 L'avenir, il ne se fait pas contre l'histoire, contre le passé, contre la mémoire, contre
00:32:21 les héritages.
00:32:22 Ce n'est pas vrai, on ne recommence pas à zéro, à tout moment, dans l'histoire d'un
00:32:29 peuple, ce n'est pas vrai.
00:32:30 Emmanuel Macron a l'air de commencer à zéro, même si vous l'avez dit, il reprend.
00:32:35 En fait, il ne commence pas du tout à zéro, et il nous avait promis le nouveau monde,
00:32:39 et on a du moins sur le plan politique, le plus ancien monde qu'on puisse imaginer en
00:32:43 politique.
00:32:44 Regardez, c'est le nouveau monde qui était d'ailleurs, quand on parle de nouveau monde,
00:32:50 il faut avoir très peur en général.
00:32:53 C'est comme l'homme nouveau.
00:32:54 Alors donc, d'après vous, Alexandre de Vécu, les Républicains n'auraient rien à gagner
00:32:59 à s'allier avec les macronistes, comme a l'air de le souhaiter le président de la
00:33:03 République, et comme le préconisait, encore il y a peu, Nicolas Sarkozy, qui est le dernier
00:33:07 de cette famille à avoir remporté la présidentielle.
00:33:10 Alors, il y aurait peut-être une logique politique, effectivement, puisque beaucoup,
00:33:14 chez les Républicains, de ce qu'il en reste, sont finalement assez proches d'Emmanuel
00:33:17 Macron, comme on l'a dit tous les trois.
00:33:19 Je crois qu'ils ont une autre stratégie, qui est de dire, on ne monte pas dans le Titanic,
00:33:24 qui est en train de casser la figure, mais par contre, on récupérera une partie du
00:33:28 bloc central d'Emmanuel Macron, puisque Emmanuel Macron ne peut pas se présenter.
00:33:32 C'est une stratégie qui, sur le papier, peut-être peut fonctionner.
00:33:36 Moi, ensuite, je crois qu'effectivement, on arrive au bout de 40 ans de jupéisme.
00:33:40 Alain Juppé n'a jamais gagné, c'est ce qui est paradoxal, mais je pense qu'il gouverne
00:33:45 depuis 40 ans.
00:33:46 Je ne suis même pas sûr que ce soit un libéral, comme l'a dit Christophe Boutin, je pense
00:33:49 que c'est un technocratique.
00:33:50 On est un technocrate, c'est le régime des hauts fonctionnaires, déconnectés du peuple,
00:33:57 en réalité, et je crois que c'est quand même un régime qui agonise.
00:34:01 Je ne suis pas sûr que ce soit une stratégie si efficace que ça.
00:34:05 On voit bien qu'on est en crise de régime et qu'Emmanuel Macron lui-même ne peut pas
00:34:09 gouverner.
00:34:10 Peut-être qu'ils reprendront le pouvoir, mais est-ce qu'ils redresseront le pays ? Je
00:34:13 ne crois pas.
00:34:14 Je ne crois pas qu'on puisse redresser le pays aujourd'hui sans avoir avec soi une
00:34:18 partie de la classe moyenne, notamment des actifs.
00:34:20 On a vu que les Républicains ont soutenu la réforme des retraites sans se poser de
00:34:24 questions.
00:34:25 15% des actifs qui ne sont pas très bien payés en France étaient contre cette réforme-là.
00:34:32 Est-ce que vraiment on gouverne un pays contre ceux qui incarnent le travail, contre les
00:34:37 classes moyennes, populaires, qui étaient la colonne vertébrale du pays ? Je ne crois
00:34:41 pas.
00:34:42 Donc je crois que si on veut gouverner le pays, le redresser, il faut s'adresser à
00:34:46 ces gens-là.
00:34:47 Marine Le Pen le fait.
00:34:48 Est-ce qu'elle est en capacité de redresser le pays ? Je ne crois pas non plus.
00:34:53 Donc en conclusion, on est dans une situation assez dramatique.
00:34:56 Christophe Boutin, est-ce que les Républicains auraient quelque chose à gagner d'après
00:35:01 vous en se remettant sur les rails du pouvoir, comme le disait Nicolas Sarkozy, c'est-à-dire
00:35:06 en s'alliant avec les macronistes, en formant une majorité, en ayant pourquoi pas un Premier
00:35:14 ministre dans les semaines ou les mois qui viennent ?
00:35:17 Ecoutez, ça c'est la théorie de Nicolas Sarkozy, dont on sait qu'elle est parfois
00:35:21 assez hésitante.
00:35:22 Nicolas Sarkozy effectivement considère que pour être un parti de gouvernement, il faut
00:35:27 quand même gouverner.
00:35:28 Et c'est vrai qu'en 2027, les Républicains ne seront plus au pouvoir depuis une bonne
00:35:33 quinzaine d'années.
00:35:34 Maintenant, le choix qui est fait aujourd'hui est un choix qui ne concerne pas demain.
00:35:37 C'est un choix qui est fait pour 2027, exactement comme à gauche le choix qui est fait par
00:35:42 Bernard Cazeneuve.
00:35:43 L'idée, ce qu'a évoqué David Kio à l'instant, l'idée c'est bien de considérer que la
00:35:48 Macronie va s'effondrer en 2027, la disparition d'Emmanuel Macron fera qu'il n'y aura pas
00:35:53 de possibilité de structurer les pôles de droite et de gauche, qu'il n'y aura pas de
00:35:57 nouveaux dirigeants pour cette alliance centriste.
00:36:00 Et à ce moment-là, l'espoir est de voir se refaire une droite et une gauche intermédiaires
00:36:08 entre ce qui sont devenus les extrêmes, c'est-à-dire d'un côté le Rassemblement
00:36:11 national et Reconquête, et de l'autre la nupes.
00:36:14 Et il y aurait peut-être à ce moment-là un retour, espèrent les plus fous, un retour
00:36:19 des électeurs qui étaient partis vers les extrêmes, qui estimeraient qu'il faut finalement
00:36:25 mieux faire confiance à des gens qui étaient auparavant aux affaires.
00:36:28 C'est un choix qui est sans doute assez risqué, c'est un choix qui présuppose le fait qu'il
00:36:34 y a une crédibilité de la part de l'équipe dirigeante de ces nouvelles équipes, du PS,
00:36:39 de Bernard Cazeneuve, de la fédération de Bernard Cazeneuve d'un côté et des Républicains
00:36:43 de l'autre, ce qui n'est pas quelque chose d'évident.
00:36:46 Mais en tout cas, c'est un choix certainement plus sûr que de s'allier tardivement et trop
00:36:51 tardivement à un macronisme qui n'en a plus que pour quelques années.
00:36:55 Jean-Alexandre, j'avais envie d'entendre votre avis sur cette question.
00:36:59 L'euthanasie des Républicains a été une immense surprise pour moi, comme l'euthanasie
00:37:09 du PS.
00:37:10 Je n'imaginais pas que Macron pouvait les aiguiller aussi rapidement il y a six ans.
00:37:15 Je pensais que c'était effectivement des formations qui étaient inscrites dans une
00:37:20 longue histoire, qu'il s'agisse de la vision des trois droites dont on parlait Guénaud
00:37:26 tout à l'heure ou de tout l'héritage du PS.
00:37:28 Et je n'imaginais pas que Macron pouvait réussir à les aiguiller aussi rapidement.
00:37:34 Alors à la question qu'est-ce que peut faire LR aujourd'hui, on voit bien que LR est tombé
00:37:39 dans un piège, LR c'est un parti de gens pas très jeunes, alors que le Rassemblement
00:37:44 National est plus jeune, c'est un mouvement qui n'est pas très populaire, alors que
00:37:48 le RN est très populaire et sait parler aux classes populaires et sait structurer dans
00:37:52 les régions autour de barbecue populaire, autour d'apéro populaire, sait structurer
00:37:58 les classes populaires comme le Parti Communiste le faisait en 1950 ou en 1960.
00:38:04 D'autre part, LR s'est enfermé dans un positionnement conservateur, très conservateur
00:38:09 en matière de mœurs, a été l'épicentre de la lutte contre le mariage pour tous en
00:38:13 réalité et quelques années plus tôt contre le Pax, alors que le RN considère que c'est
00:38:18 un acquis social.
00:38:19 C'est Bardella, le patron du RN, qui a dit "nous ne toucherons pas au mariage gay, le
00:38:23 mariage gay est un acquis social, c'est un acquis social de la République".
00:38:27 Il y a là un piège, c'est que LR s'est enfermé dans un tout petit ghetto à quelques
00:38:34 pourcents d'électeurs avec des gens brillants, comme Bellamy par exemple, mais sur des positionnements
00:38:41 très conservateurs.
00:38:42 Le RN n'est pas tombé dans ce piège, le RN n'a pas cherché à courir après la
00:38:47 manif pour tous, n'a pas cherché à courir après les ultra conservateurs, alors que
00:38:53 l'opinion populaire n'est pas conservatrice en matière de mœurs.
00:38:56 Et donc le LR s'est retrouvé sur un petit potentiel électoral, on le voit bien aujourd'hui,
00:39:01 l'électorat de Bellamy c'est nettement moins de 10% de la population, donc ce libéralisme
00:39:07 économique plus ce retour aux mœurs des années 60, et bien finalement c'est un piège
00:39:15 politique pour LR et LR a été déshabillé, les libéraux sont partis chez les macronistes
00:39:20 et puis les classes plus populaires sont parties, issues du gaullisme, sont parties
00:39:24 au RN.
00:39:25 Est-ce que LR peut être sauvé ? C'est relativement peu probable car on ne sort
00:39:29 pas d'un piège aussi énorme, surtout quand on a un électorat qui vieillit beaucoup,
00:39:35 et l'électorat le plus vieux en France c'est l'électorat LR, il n'est pas du
00:39:38 tout certain qu'il y ait un ressort idéologique pour rajeunir ce parti et donc pour éviter
00:39:44 sa mort.
00:39:45 - Jean-Pierre Filliou ?
00:39:46 - Moi je serai très bref, mais venant de Sciences Po j'invoquerai mon maître défunt
00:39:53 René Rémond, parce que c'est quand même lui qui a vraiment enfanté cette triade
00:40:02 entre la droite bonapartiste populiste, la droite légitimiste conservatrice et la droite
00:40:10 orléaniste libérale, et on voit à quel point, comme l'a rappelé Henri Guaino, ces
00:40:15 familles politiques perdurent.
00:40:17 Donc ce que je vois comme citoyen, c'est un double décrochage, le décrochage en effet
00:40:22 comme ça a été rappelé entre une certaine technocratie, un certain entre-soi et les
00:40:27 classes populaires, et le décrochage entre ces nouveaux politiques toujours branchés
00:40:33 sur leurs tweets et obsédés par les réseaux sociaux et la réalité sociale de nos compatriotes.
00:40:39 Effectivement, il y a un léger problème d'ajustement.
00:40:42 - Vous diriez vraiment que les LR c'est la Pologne en 1939, entre d'un côté l'Allemagne
00:40:48 nazie et de l'autre côté l'URSS, les deux ayant l'intention de n'en faire qu'une
00:40:57 bouchée ?
00:40:58 - Il reste à espérer qu'il n'y aura pas de cathine.
00:40:59 - Enfin, si je peux me permettre en 1938, quand les français ont demandé aux polonais s'ils
00:41:07 étaient prêts à accepter que l'armée rouge traverse la Pologne pour aller défendre
00:41:12 la Tchécoslovaquie, puisque la France avait non seulement signé un traité avec les polonais
00:41:19 mais aussi avec la Russie soviétique, le gouvernement a répondu à l'ambassadeur de France, "écoutez,
00:41:28 notre principal ennemi, nous, ce sont les russes.
00:41:31 Les russes ce sont des sauvages asiatiques, tandis que les allemands, ce sont des européens
00:41:36 civilisés".
00:41:38 Et puis d'ailleurs en 1938, quand Hitler s'est emparé de la totalité de la Tchécoslovaquie,
00:41:45 les polonais ont pris leur morceau, la Silesie orientale, qui avait toujours appartenu à
00:41:49 la Bohème.
00:41:50 - Et donc l'analogie c'est quoi ?
00:41:51 - Et ensuite ils se sont retrouvés partagés en deux.
00:41:55 Je crois qu'on fait un peu, enfin, si on se placait dans la situation de la Pologne
00:42:05 en 1938 ou 1939, c'est courir au suicide.
00:42:10 En vérité, aucun des partis ne se sortira, puisqu'ils ne sont plus enracinés dans des
00:42:16 familles politiques qui ne représentent en réalité tous, y compris Renaissance, qui
00:42:21 ne représentent plus rien en eux-mêmes en tant que famille politique, en tant que tradition
00:42:24 politique.
00:42:25 Ils ne peuvent s'en sortir qu'au moment de la présidentielle, parce qu'à un moment
00:42:31 donné, quelqu'un incarnera, réussira la synthèse d'un certain nombre d'idées, de
00:42:35 valeurs, d'aspirations, et incarnera à nouveau quelque chose.
00:42:40 M.
00:42:41 Macron a incarné, en tout cas, pour incarner Français, à un moment donné quelque chose.
00:42:45 - Et ce serait une coquille vide à votre avis ?
00:42:47 - Mais regardez, tout comme ça, LFI, vous enlevez Mélenchon, il n'y a plus rien.
00:42:53 Alors, il y aura peut-être quelqu'un qui va émerger, mais enfin, c'est unipersonnel.
00:42:57 Le Parti communiste est redevenu unipersonnel aussi, parce que, bon, le PS, il n'y a personne,
00:43:04 mais il n'est rien.
00:43:05 Il fait 1,5 % ou 1,7 % à l'élection présidentielle.
00:43:10 Le macronisme n'existe que par Macron.
00:43:12 Le Rassemblement national n'existe que par Mme Le Pen.
00:43:16 Et puis, le zémourisme n'existe, enfin, on conquête que par zémour.
00:43:20 Et LR qui n'a personne est quand même participiste.
00:43:24 - Je veux dire, je vous trouve quand même très très pessimiste en ce qui concerne les Républicains,
00:43:28 parce qu'ils sont quand même là à la charnière.
00:43:31 Ils ont véritablement un rôle à jouer.
00:43:33 Ils ont du poids aujourd'hui dans cette Assemblée, en dépit du fait qu'ils n'ont que 70 députés.
00:43:37 - Ils permettent à Emmanuel Macron de rester en vie jusqu'à la fin de son mandat.
00:43:42 - Oui, mais enfin, il pourrait partager le pouvoir demain, s'il le voulait.
00:43:46 - Ça ne fait pas un avenir. Ça ne fait pas un avenir. Ça fait un avenir politique.
00:43:50 - Ça, c'est une combinaison de circonstances. Très bien.
00:43:53 - Je suis d'accord, mais il se dit que demain, il y a un Premier ministre issu des Républicains
00:43:58 qui puisse prendre une envergure présidentielle et à ce moment-là,
00:44:02 prendre l'héritage d'Emmanuel Macron en 2027.
00:44:05 - Ça suppose que la partie gauche de Renaissance soit tout à fait d'accord
00:44:11 avec le choix du Premier ministre et avec sa politique.
00:44:14 Parce que sinon, on revient à la case départ, c'est-à-dire qu'ils n'ont toujours pas de majorité.
00:44:18 - Oui, je pense que c'est d'ailleurs pour ça qu'Élisabeth Borne est toujours là.
00:44:22 C'est très compliqué pour Emmanuel Macron.
00:44:24 - Que ferait le Premier ministre Heller avec un gouvernement qui n'aurait toujours pas de majorité ?
00:44:31 Ces solutions peuvent être des combinaisons de circonstances adaptées aux circonstances
00:44:39 et qui permettent de survivre, mais ça ne fait pas un avenir politique.
00:44:43 Ça ne dit rien sur la suite de l'histoire.
00:44:46 - Sur le plan électorat, je pense que Heller, s'il se donnait la peine de penser,
00:44:50 d'avoir des convictions, d'avoir une vision, pourrait avoir un vrai rôle à jouer pour le pays.
00:44:55 J'ai dit tout à l'heure qu'Emmanuel Macron incarnait un peu la classe technocratique coupée du peuple
00:45:03 et un espèce de bloc central qui est perçu comme très élitiste.
00:45:07 Et enfin, Marine Le Pen, le bloc populaire, mais avec un discours quasiment de classe.
00:45:12 On a quasiment un affrontement classe contre classe qui a quelque chose,
00:45:15 je trouve, qui peut être mortifère et stérile à la fin.
00:45:20 Et c'est vrai que Heller pourrait avoir un rôle, justement,
00:45:23 d'essayer de s'adresser aux classes populaires, de représenter leurs intérêts
00:45:29 et en même temps d'essayer de représenter, pourquoi pas, l'intérêt des Français qui vivent dans les métropoles,
00:45:34 de réaliser une synthèse qui est très compliquée dans ce pays.
00:45:36 Mais je pense que pour qu'on n'ait pas un pays totalement coupé en deux,
00:45:40 il faudrait réaliser cette synthèse pour réconcilier le pays.
00:45:43 Mais je ne vois personne chez Heller qui pense vraiment ça.
00:45:46 Je ne dis pas que j'ai les solutions, mais ils n'ont même pas ce diagnostic-là,
00:45:51 alors que je crois que le pays aurait besoin de ça,
00:45:54 de transcender cet affrontement stérile entre ce que David Goodhart,
00:46:00 un politologue britannique au moment du Brexit,
00:46:02 appelait l'affrontement entre les "anywhere" et les "somewhere",
00:46:05 ceux qui sont de quelque part et ceux qui sont de n'importe où.
00:46:09 Je pense que ça fait un pays totalement coupé en deux.
00:46:13 Idem, c'est ce qui se passe également aux États-Unis avec les trumpistes et les anti-trumpistes.
00:46:17 On pourrait essayer de sortir de là avec une vision qui dépasse tout cela.
00:46:21 Mais on n'a pas le début d'un homme politique chez Heller qui essaierait de penser une solution.
00:46:27 Christophe Boutin, et je vous donne la parole en guéno.
00:46:29 Christophe Boutin ?
00:46:31 Oui, on est effectivement sur une coupure, qui est une coupure que tout le monde reconnaît,
00:46:34 entre un bloc populaire et un bloc élitaire, entre "anywhere" et "somewhere",
00:46:38 entre métropole et France périphérique.
00:46:41 Plusieurs auteurs l'ont étudié et décrit de manière tout à fait pertinente.
00:46:45 Ce que je voudrais noter ici, c'est que si les LR ont quand même réussi à sauver la mise,
00:46:50 partiellement et très partiellement, au délire législatif,
00:46:53 c'est qu'ils ont disposé, et uniquement pour cela d'ailleurs,
00:46:56 qu'ils ont disposé d'élus locaux, enracinés, qui faisaient un travail dans leur circonscription.
00:47:03 Les élus LR à l'Assemblée nationale, les députés LR à l'Assemblée nationale,
00:47:07 n'ont pas été élus sur un programme, on se demandera d'ailleurs bien lequel,
00:47:11 certainement pas celui de Valérie Pécresse en tout cas,
00:47:13 ils ont été élus sur leur enracinement local.
00:47:15 C'est encore une force de LR qui existe encore un petit peu,
00:47:18 qui existe avec quelques parlementaires,
00:47:20 qui existe aussi avec des élus locaux au sein des municipalités,
00:47:24 et c'est peut-être là une base de départ pour, comme le disait M. Levecchio à l'instant,
00:47:29 pour rebâtir, pour reconstruire et pour dépasser qu'un certain clivage.
00:47:33 Henri Guaino, d'abord transcender cette structure sexuelle,
00:47:37 en France ça s'appelait le gaullisme ou ça s'est appelé le...
00:47:39 – On est d'accord.
00:47:41 – C'est tout simple, LR sera gaulliste ou gaullien ou ne sera pas.
00:47:47 C'est son seul positionnement possible sur l'échiquier politique français,
00:47:53 c'est le seul aussi qui correspond,
00:47:55 même si les gens ne mettent pas toujours ce mot ou ce nom de gaulliste sur leurs aspirations,
00:48:02 c'est le seul qui soit au centre aujourd'hui de gravité de l'aspiration
00:48:05 du plus grand nombre des Français.
00:48:08 Ça c'est la première remarque que je ferai,
00:48:13 la deuxième c'est que le problème n'est pas de faire un programme,
00:48:19 le problème n'est pas même une synthèse,
00:48:21 le problème aujourd'hui ce n'est pas la vision, c'est la conviction,
00:48:26 c'est pourquoi je fais de la politique
00:48:30 et qu'est-ce qui m'anime dans l'envie de faire de la politique.
00:48:34 Les gens ne se posaient pas la question,
00:48:37 il y a 40-50 ans parce que ça allait de soi,
00:48:41 pour ceux qui étaient au Parti socialiste ou pour ceux qui étaient au RPR,
00:48:44 ça allait pour ceux qui étaient au Parti communiste, ça allait de soi,
00:48:47 ça ne va plus de soi, ça ne va plus nulle part d'ailleurs.
00:48:50 Que voulez-vous être ?
00:48:55 Que voulez-vous pour ?
00:48:57 C'est d'ailleurs, les Français aussi ont se posé la question, que voulons-nous ?
00:48:59 Mais les partis politiques puisqu'ils ne sont plus rien encore une fois,
00:49:06 quand vous votez pour un parti politique, vous ne savez plus pourquoi vous votez,
00:49:09 éventuellement vous pouvez savoir pour qui s'il y a une figure de proue,
00:49:12 mais vous ne savez pas pourquoi.
00:49:14 Donc tout est à refaire et la question fondamentale pour le Parti socialiste,
00:49:20 il sera socialiste ou il ne sera pas,
00:49:22 parce que c'est un courant profond qui existe dans la société,
00:49:25 je parle du socialisme humaniste, à la Léon Blum ou à la Jaurès,
00:49:29 ça a une réalité profonde politique,
00:49:35 même si les gens ne mettent pas les mots de Jaurès et de Blum sur l'étiquette socialiste,
00:49:40 mais il en va de même pour Heller,
00:49:45 ou bien il sera gaulliste ou bien il ne sera pas ce parti,
00:49:48 ou bien il se reformera en famille politique,
00:49:51 il y a des gens qui partiront, il y a des gens qui viendront.
00:49:54 Donc l'idée de s'allier, alors si ce n'est pas avec Renaissance,
00:49:57 c'est de s'allier avec plus à droite que les Républicains,
00:50:00 il y a du monde plus à droite que les Républicains,
00:50:02 c'est pas une solution ?
00:50:05 Je ne crois pas, on n'est pas dans un système parlementaire en plus,
00:50:08 c'est ce que je veux dire,
00:50:09 parlementaire mais pas proportionnel, excusez-moi,
00:50:12 mais c'est l'union des droites que veut Eric Zemmour,
00:50:17 mais on l'a bien vu, on est assez incapable de définir aujourd'hui ce qu'est Heller,
00:50:22 donc pour faire une union des droites,
00:50:24 faudrait-il qu'il y ait une droite avec un corpus idéologique cohérent,
00:50:28 donc je n'y crois pas tellement non plus,
00:50:30 d'autant plus je pense qu'il y a une réalité quand même dans le clivage Macron-Le Pen,
00:50:34 j'ai dit qu'il y avait un côté mortifère,
00:50:36 mais il y a la réalité qu'il y a quand même des perdantes de la mondialisation d'un côté,
00:50:40 et de l'autre côté des gagnants si vous voulez,
00:50:44 donc au moins Emmanuel Macron et Marine Le Pen
00:50:47 savent à qui ils s'adressent, ont un projet pour ces gens-là,
00:50:50 moi je suis pour transcender ce clivage de classe,
00:50:55 mais il existe dans la mondialisation,
00:50:57 je pense qu'on n'est plus dans la droite et dans la gauche,
00:51:00 on est dans l'idée que certains sont pour aller toujours plus loin,
00:51:03 dans l'ouverture en quelque sorte,
00:51:05 et d'autres pour plus de protection,
00:51:08 comment se situe Heller là-dedans,
00:51:11 j'en ai aucune idée,
00:51:12 j'ai ma petite idée mais ce n'est pas clair du tout.
00:51:15 Christophe Boutin, une alliance avec plus à droite que les Heller,
00:51:21 ça n'est pas possible d'après vous ?
00:51:25 Ça aurait été possible il y a longtemps,
00:51:26 ça aurait été possible en position de force,
00:51:28 on fait toujours une alliance quand on est en position de force,
00:51:30 on ne fait jamais une alliance quand on est dans une position de faiblesse grande,
00:51:35 là une alliance ça serait quasiment disparaître, point final.
00:51:40 Laurent Alexandre.
00:51:42 LR est trop petit pour peser dans une alliance,
00:51:45 et puis il ne faut pas sous-estimer les différences idéologiques
00:51:48 entre LR et puis l'URN,
00:51:52 l'URN a été économiquement formatée par l'air Philippot,
00:51:56 avec un positionnement extrêmement à gauche en économie,
00:51:59 à l'opposé de ce qu'est le Front National de Jean-Marie Le Pen,
00:52:02 donc le Rassemblement National est à l'opposé économiquement
00:52:05 des positions de l'électorat de LR,
00:52:07 qui est plutôt un électorat libéral,
00:52:10 qui est plutôt un électorat qui veut faire baisser les impôts,
00:52:12 qui est contre l'impôt sur le capital,
00:52:14 alors que l'URN veut remettre un impôt par exemple sur les transactions financières
00:52:19 et sur les actions comme était l'ISF
00:52:23 avant sa transformation en IFI par Macron.
00:52:26 Donc les différences idéologiques entre l'URN et puis LR
00:52:30 sont considérables en réalité,
00:52:34 ce qui reste de LR est très très proche du macronisme,
00:52:37 sauf en matière de mœurs,
00:52:38 effectivement l'LBMI n'est pas macroniste à cause de la problématique sociétale,
00:52:44 mais sinon entre LR et le macronisme il n'y a aujourd'hui aucune différence,
00:52:48 et donc la réalité c'est qu'il n'y a pas de différence avec le macronisme,
00:52:53 il y a une énorme différence avec l'URN aujourd'hui pour LR,
00:52:57 donc une stratégie d'alliance n'a aucun sens.
00:53:00 - Pierre Fillu ?
00:53:02 - Là j'avoue que je reste sans voix,
00:53:03 parce qu'effectivement plus le débat progresse,
00:53:05 plus on a l'impression qu'LR s'enfonce.
00:53:09 - Henri Hainaut a dernier mot.
00:53:10 - Il ne va pas très bien.
00:53:11 - Il nous reste une minute.
00:53:12 - Ce n'est pas qu'LR s'enfonce, c'est que si LR reste ce qu'il est,
00:53:17 c'est fini, c'est terminé, ça fait 4,5%,
00:53:21 après on verra si on fait aussi bien que Mme Hidalgo,
00:53:24 mais c'est fini, il faut autre chose,
00:53:29 si LR veut survivre, il doit avoir un avenir,
00:53:32 il faut qu'elle soit capable de faire revenir les gens qui constituaient,
00:53:40 enfin les couches sociologiques ou psychosociologiques,
00:53:43 qui constituaient son cœur bâtant du temps de LR, de L'UNR, du RPR, etc.
00:53:51 Il n'y a pas d'autre choix, donc l'alliance ne résout rien,
00:53:55 l'alliance prend un petit morceau, qui est un petit morceau orléaniste,
00:54:00 il est petit, il est tout petit,
00:54:03 soit elles le font dans le macronisme,
00:54:05 ce qui est assez logique par rapport à ce qu'est aujourd'hui ce petit morceau,
00:54:09 soit il disparaît, mais je n'y crois pas, dans le RN,
00:54:13 parce que vous dites plus à droite, mais ça ne veut rien dire,
00:54:17 c'est quoi la droite ?
00:54:19 C'était déjà LR et moi envoyer trois, mais ces trois droites,
00:54:23 deux d'entre elles peuvent parfois s'allier,
00:54:28 parfois, pour gouverner, ce qu'on a fait UDF, RPR pendant très longtemps,
00:54:32 mais se fondre l'une dans l'autre, ça n'est pas possible.
00:54:36 – Je vous arrête là, parce que c'est le rappel des titres,
00:54:38 je vais remercier Alexandre Devecchio qui nous quitte,
00:54:41 et Jean-Baptiste Souffron va nous rejoindre,
00:54:44 on va parler de la reconnaissance faciale,
00:54:46 c'est en débat en ce moment même, d'abord Isabelle Piboulot.
00:54:51 [Musique]
00:54:54 – Deux personnes placées en garde à vue à Brest,
00:54:56 elles ont été interpellées en marge d'une manifestation
00:54:59 d'opposants à Éric Zemmour, venu dédicacer son dernier livre,
00:55:03 les deux individus ont jeté une barrière sur une vitrine de l'hôtel
00:55:06 où était organisée la séance de dédicaces.
00:55:09 Un manifestant et un sympathisant de l'écrivain ont été blessés,
00:55:12 Éric Zemmour incrimine les antifas, mais aussi la préfecture
00:55:16 qui n'a pas fait son travail, selon lui.
00:55:18 Dans l'actualité internationale, malgré la guerre,
00:55:21 l'Ukraine ne bénéficiera pas de traitement de faveur
00:55:24 pour son processus d'adhésion à l'OTAN,
00:55:26 déclaration de Joe Biden.
00:55:28 Pour le président américain, Kiev doit respecter tous les critères
00:55:32 afin de rejoindre l'Alliance atlantique.
00:55:34 Le 4 avril, l'OTAN avait accueilli la Finlande,
00:55:37 officiellement devenue son 31e membre.
00:55:40 La France condamne avec la plus grande fermeté l'attaque abominable
00:55:43 contre un lycée dans l'ouest de l'Ouganda.
00:55:46 Au moins 41 morts et de nombreux blessés sont à déplorer,
00:55:49 majoritairement des étudiants.
00:55:51 Un raid a été mené la nuit dernière par des djihadistes,
00:55:54 la pire attaque de ce type dans le pays depuis des années.
00:56:02 Et bienvenue, si vous nous rejoignez maintenant,
00:56:06 les visiteurs du soir, c'est de 22h jusqu'à minuit.
00:56:09 Laurent Alexandre est avec nous depuis le début de l'émission.
00:56:12 Il vient de ressortir La guerre des intelligences,
00:56:15 mais à l'heure de chaque GPT.
00:56:17 À 23h30, Jean-Pierre Filliux va nous raconter un stupéfiant Moyen-Orient.
00:56:22 Il va nous refaire l'histoire du Moyen-Orient à la lumière
00:56:24 de la production et de la consommation de drogue.
00:56:27 Mais tout de suite, la reconnaissance faciale.
00:56:29 Le Sénat a adopté lundi en première lecture
00:56:32 une proposition de loi autorisant la reconnaissance faciale
00:56:35 en temps réel dans l'espace public, sous certaines conditions.
00:56:39 Il s'agirait d'une expérimentation de trois ans.
00:56:42 Rien ne dit que cette proposition va aboutir.
00:56:44 Elle doit passer par l'Assemblée.
00:56:46 Et en plus, la France est soumise dans ce domaine au cadre européen.
00:56:49 Or, le Parlement européen a voté deux jours plus tard
00:56:52 en faveur d'une interdiction de la reconnaissance faciale
00:56:56 dans l'espace public en temps réel.
00:56:58 Bon, à Bruxelles non plus, ça n'est pas joué.
00:57:00 La Commission européenne et le Conseil de l'Europe vont s'en mêler.
00:57:03 Le débat reste donc ouvert.
00:57:05 Jean-Baptiste Souffron, vous êtes avocat au barreau de Paris,
00:57:10 membre de l'Association de défense des libertés constitutionnelles.
00:57:14 Pardon.
00:57:16 Oui, voilà, là-dessus, significatif.
00:57:19 Philippe Chelous, vous avez dû nous rejoindre,
00:57:21 ancien colonel de gendarmerie.
00:57:23 Vous avez été instructeur au Centre national d'entraînement
00:57:27 des forces de gendarmerie, mais aussi responsable
00:57:29 pour la gendarmerie de la coopération judiciaire internationale
00:57:33 via Interpol, Europol ou Schengen.
00:57:35 Vous êtes aujourd'hui consultant.
00:57:37 Alors, Jean-Baptiste Souffron, la proposition de loi du Sénat
00:57:40 vise à n'autoriser la reconnaissance faciale dans l'espace public
00:57:44 que pour les affaires de terrorisme, d'enlèvement d'affants
00:57:47 et dans les cas de crimes particulièrement graves.
00:57:50 En plus, il faudra demander l'autorisation
00:57:52 au juge d'instruction, au procureur ou au ministre.
00:57:56 Et elle sera valable seulement 48 heures.
00:57:58 Est-ce que ça suffit à vous rassurer ?
00:58:00 Absolument pas.
00:58:01 Absolument pas.
00:58:02 Mais il n'y a pas que moi que ça ne rassure pas,
00:58:04 puisque vous l'avez vu, aujourd'hui,
00:58:07 le Parlement européen est contre.
00:58:09 Le Sénat lui-même, un rapport de l'OPEX,
00:58:12 qui est un organisme dépendant du Sénat,
00:58:14 qui étudie les évolutions scientifiques et techniques,
00:58:17 a lui-même rendu un rapport contre il n'y a pas très longtemps.
00:58:21 Ça a été écarté fermement du projet de loi sur les JO 2024.
00:58:25 On est en réalité sur une proposition de loi provocatrice
00:58:29 et destinée visiblement à susciter le débat sur ces sujets
00:58:35 qui semblent aujourd'hui plutôt portés par un désir de satisfaire
00:58:38 peut-être aussi des industriels et des technologues
00:58:41 qui travaillent sur ces sujets plutôt que de vraiment
00:58:44 essayer de faire travailler notre imagination
00:58:46 et notre capacité à imaginer des vraies politiques publiques
00:58:50 et à chercher des solutions.
00:58:51 Au lieu de ça, on se dit on va trouver un truc technique
00:58:54 qui va faire croire que ça marche.
00:58:56 Le problème, et c'est l'un des gros problèmes de la reconnaissance faciale,
00:59:02 c'est que si les gens sont rétifs,
00:59:05 ce n'est pas tellement parce que c'est numérique, etc.
00:59:08 Personne n'est contre le progrès en 2023 au Parlement européen.
00:59:11 On ne peut pas reprocher ça si vous voulez.
00:59:14 En revanche, tout le monde constate que ça ne marche pas très bien
00:59:16 et que quand ça ne marche pas, ça marche même très très mal
00:59:20 et qu'à la fin, on risque même peut-être d'avoir finalement
00:59:25 des forces de police ou des situations,
00:59:29 des moments où on devrait gérer la sécurité
00:59:31 qui vont se retrouver moins bien gérées
00:59:33 parce qu'on aura mis de la reconnaissance faciale un peu pourrie
00:59:37 alors qu'auparavant, on aurait pu imaginer des problématiques,
00:59:40 des façons de traiter tout ça qui soient correctes et sérieuses.
00:59:42 Donc si vous voulez, on est face à quelque chose
00:59:44 qui visiblement n'est pas très informé de l'état de l'art sur le sujet,
00:59:47 qui est totalement à contre-courant de tout ce que les parlementaires
00:59:53 en France et ailleurs dans le monde aussi sont en train de faire.
00:59:57 Typiquement, actuellement à San Francisco,
01:00:00 il y a eu une interdiction de l'usage de la reconnaissance faciale.
01:00:03 Vous voyez, San Francisco, ce ne sont pas franchement des gens
01:00:05 qui sont contre le progrès technique non plus, je ne pense pas.
01:00:08 Et c'est la même chose dans pas mal de pays.
01:00:10 L'Angleterre est en train de vouloir la retester
01:00:13 après plusieurs échecs qui étaient retentissants.
01:00:15 Il y a eu aussi un petit scandale parce qu'au moment
01:00:17 du couronnement, on a accusé les forces de police anglaise
01:00:20 d'avoir utilisé la reconnaissance faciale sans le dire.
01:00:23 Donc là, ils ont dit qu'ils allaient faire un test à jour.
01:00:25 C'est aussi pour ça que les sédateurs,
01:00:27 enfin deux sédateurs, ont fait cette proposition de loi.
01:00:29 C'est que jusqu'à présent, il n'y avait pas d'encadrement.
01:00:32 Alors qu'est-ce qu'en pense Philippe Chelous ?
01:00:35 Moi, j'ai un avis assez mesuré sur ces questions.
01:00:40 J'entends ce que dit Maître Souffron et j'y souscris partiellement.
01:00:46 Je crois que c'est peut-être prématuré
01:00:49 parce que ce sont des techniques qui ne sont pas encore bien maîtrisées.
01:00:52 Alors, bien évidemment, je pense qu'à terme, ça arrivera
01:00:54 parce que ça revêt une certaine forme d'intérêt sur des cas très particuliers.
01:00:59 Je pense par exemple à une infiltration de gens de terroristes
01:01:05 ou de la coopération internationale dans ces domaines
01:01:08 ou la prévention d'arriver sur des lieux de manifestation
01:01:11 de gens identifiés comme étant ultra-violents.
01:01:15 Voilà, dans des cas très particuliers.
01:01:18 Mais je crois que cela, je suis favorable à terme sur des cas bien spécifiques.
01:01:24 Mais je crois qu'effectivement, là où je rejoins Maître Souffron,
01:01:26 c'est qu'il faudra en contrepartie un encadrement juridique d'une part
01:01:32 et technologique extrêmement expérimenté déjà et assez extrêmement détaillé.
01:01:40 Parce qu'il y a plusieurs risques, effectivement.
01:01:43 Il y a des risques sur les libertés publiques,
01:01:46 ce que j'appellerais des risques internes,
01:01:50 d'utilisation à des fins politiques de ce type de reconnaissance sociale
01:01:56 pour empêcher par exemple une opposition à des manifestations,
01:02:00 des choses comme ça.
01:02:03 Et puis, il y a aussi tout ce qui est lié à l'intelligence artificielle,
01:02:06 ne l'oublions pas, qui pourrait poser des problèmes particuliers.
01:02:10 Et enfin, je crois que tout ce qui est numérique,
01:02:13 bien sûr c'est le progrès, mais il faut bien maîtriser ces technologies.
01:02:18 Et là où ça s'arrête, c'est les réseaux.
01:02:20 Et les maîtriser, pourquoi ?
01:02:21 Parce qu'il y a aussi un risque extérieur.
01:02:24 Je crois qu'il y a un risque extérieur.
01:02:26 On sait très bien qu'on est pour partie écouté par des partenaires étrangers,
01:02:31 parfois amicaux, parfois moins.
01:02:35 Et donc, c'est aussi un danger, je crois, qu'on vient de maîtriser.
01:02:38 Donc je crois qu'à terme, oui, de manière ciblée,
01:02:41 avec un encadrement juridique et technologique robuste.
01:02:48 Et donc, dans les médias, je crois qu'il faut être très très prudent, effectivement.
01:02:53 – Alors, l'encadrement, c'est le but de cette loi, de cette proposition de loi.
01:02:57 C'est justement de dire, de toute façon, l'interdire serait totalement vain.
01:03:02 Donc encadrons-le.
01:03:05 On l'interdit, d'ailleurs c'est le début de cette loi.
01:03:07 – C'est interdit, sauf dans certains cas, en temps réel.
01:03:10 Je voulais juste poser la question à Laurent Alexandre,
01:03:12 parce que c'est un peu sa partie et qu'il est plutôt technophile.
01:03:16 Est-ce qu'elle est fiable, cette technologie ?
01:03:19 Est-ce que ça ne va pas multiplier les faux positifs ?
01:03:22 Est-ce que la reconnaissance faciale ne va pas confondre Pierre et Paul ?
01:03:27 – Alors, la reconnaissance faciale, elle n'est pas parfaite aujourd'hui,
01:03:30 mais elle va fortement progresser.
01:03:31 Je pense qu'elle va devenir non pas parfaite,
01:03:35 mais presque parfaite à l'horizon d'une décennie.
01:03:37 Donc le problème va se poser, on va pouvoir en faire.
01:03:40 Alors, est-ce qu'on va résister à la tentation ?
01:03:42 S'il y a une vague terroriste avec des dizaines de morts
01:03:46 et des infiltrations massives dans le futur,
01:03:48 est-ce que l'opinion résistera aux gens qui demanderont la légalisation
01:03:52 de la surveillance, de la reconnaissance faciale ?
01:03:56 Je ne suis pas sûr.
01:03:57 Donc je pense que ça va beaucoup dépendre de la sécurité publique.
01:04:01 Si c'est le bordel, qu'il y a des émeutes,
01:04:04 qu'on se retrouve régulièrement avec des épisodes comme 2005,
01:04:07 avec des épisodes de maintien de l'ordre très problématiques,
01:04:11 l'opinion basculera et demandera la reconnaissance faciale.
01:04:14 – Là, c'est plus tard, là, ce n'est pas prévu pour le maintien de l'ordre.
01:04:17 – J'entends bien, je dis dans le futur.
01:04:20 Je pense que l'opinion pourrait réclamer
01:04:23 et certains partis politiques pourraient soutenir la reconnaissance faciale.
01:04:26 Donc je pense que la technologie n'est pas mûre,
01:04:28 mais va le devenir et va devenir quasiment parfaite.
01:04:32 Et d'autre part, si ça va beaucoup, beaucoup dépendre,
01:04:35 enfin sa légitimation va beaucoup, beaucoup défendre de l'état de la sécurité
01:04:40 et de l'état de l'opinion et on voit bien à quel point
01:04:44 la droite nationaliste, le RN, gagne aujourd'hui.
01:04:48 Je ne suis pas sûr que le RN sera contre la reconnaissance faciale
01:04:51 pour assurer le maintien de l'ordre dans le futur.
01:04:53 – Jean-Baptiste Souffron, dans l'hypothèse où cette technologie est fiable,
01:04:58 vous pensez bien qu'en cas d'enlèvement d'enfants, de terrorisme
01:05:02 ou de cas très très graves qui mobilisent ou qui émeuvent tout le monde,
01:05:06 tout le monde s'est infavorable à ce qu'on utilise la reconnaissance faciale,
01:05:09 encore une fois en temps réel, mais pour des moments très courts.
01:05:14 – Mais le souci c'est que c'est précisément quand on aura besoin
01:05:18 dans des situations de crise qu'elle ne sera pas efficace.
01:05:22 C'est là la difficulté, c'est que quelqu'un qui souhaite y échapper
01:05:25 pourra y échapper parce qu'il y a déjà des façons de faire.
01:05:29 Par exemple, vous avez déjà la reconnaissance faciale
01:05:32 qui est utilisée dans certains aéroports.
01:05:35 Eh bien en fait, il y a des gens qui ont réussi à déjouer assez facilement
01:05:40 les technologies de reconnaissance faciale qui a été utilisées
01:05:43 en se faisant passer l'un pour l'autre, en échangeant leur passeport.
01:05:45 Ce n'est pas très difficile en fait et quelqu'un qui souhaite le faire le fera.
01:05:50 À quoi ça sert finalement la reconnaissance faciale ?
01:05:53 Ça sert à standardiser la sécurité, c'est-à-dire en réalité avoir moins de policiers,
01:05:59 à pouvoir avoir une manière de gérer le massif si vous voulez
01:06:03 et à créer un rapport de force hiérarchique avec les policiers
01:06:09 en les subordonnant dans leur activité à la machine.
01:06:12 Alors dire voilà, vous avez un outil et vous allez vous en servir,
01:06:15 c'est obligé maintenant, c'est fini maintenant d'essayer d'être un peu malin,
01:06:18 d'essayer de faire du travail précis, d'être de bon flic, de travail correct.
01:06:22 Non, maintenant vous avez une machine et vous allez suivre ce que dit la machine.
01:06:26 Mais vous savez déjà interdire la technologie, on sait très bien le faire,
01:06:30 il ne vous a pas échappé Frédéric Taddeï, que votre voiture par exemple,
01:06:33 j'imagine qu'elle ne peut pas aller à n'importe quelle vitesse
01:06:37 et pourtant vous savez bien qu'elle pourra aller beaucoup plus vite que ce qu'on vous autorise.
01:06:40 Vous vous dites qu'elle est bridée.
01:06:42 Mais bien sûr et en réalité si on ne souhaite pas utiliser quelque chose,
01:06:45 il ne faut pas avoir peur du débat moral sur la question d'utiliser ou pas
01:06:52 un outil.
01:06:53 Mais ce débat moral, ce n'est pas simplement le fait de savoir si c'est bien ou pas bien,
01:06:57 ce n'est pas une question de vie privée si vous voulez.
01:06:59 On va tout à fait au-delà de la vie privée parce que
01:07:02 comment voulez-vous échapper à la reconnaissance faciale ?
01:07:05 Vous voulez qu'on se prive de visage ?
01:07:07 C'est ça, il faut qu'on enlève son visage pour y échapper.
01:07:09 Donc ça veut bien dire qu'on met en place un système
01:07:12 qui doit couvrir l'intégralité d'une population
01:07:14 et en réalité on va structurer la société par rapport à ce système
01:07:17 et non pas apporter un système qui soit une solution face au problème de la société.
01:07:21 Il va falloir tout standardiser autour de la reconnaissance faciale.
01:07:24 Il faudra des caméras de meilleure qualité.
01:07:26 Il faudra que les gens se forcent à passer devant les caméras pour être vus.
01:07:30 Quelqu'un qui voudra s'écarter d'une caméra se sera en comportement suspect,
01:07:33 détecté bien sûr par la reconnaissance, etc.
01:07:36 Pour la loi sur les Jeux olympiques, c'est déjà le cas.
01:07:40 Il est prévu qu'il y ait des techniques qui permettent,
01:07:43 et là c'est de l'intelligence artificielle, de détecter les comportements suspects,
01:07:48 de voir quand quelqu'un rentre dans une zone interdite,
01:07:51 ça ou ça en est autorisé.
01:07:54 Ça justement, c'est quelque chose qui est testé à titre expérimental pour les JO.
01:07:59 Mais ça s'arrête bien au détectement algorithmique,
01:08:02 c'est-à-dire on va repérer, surtout dans les mouvements de foule ou ce genre de choses,
01:08:06 un comportement qui est inadéquat.
01:08:08 Et on va voir déjà si ça marche là aussi, parce que c'est toujours un peu la même chose.
01:08:11 C'est que les promesses n'engagent que ceux qui y croient.
01:08:13 Il ne faut pas oublier ça.
01:08:15 C'est que derrière, aujourd'hui, est-ce que la reconnaissance faciale,
01:08:19 qui est déjà largement mise en œuvre dans certains pays,
01:08:21 est-ce qu'elle a permis de faire des choses ?
01:08:23 Vous savez où est-ce qu'elle a permis de faire des choses, Fadi Ktadir ?
01:08:25 Elle a permis de faire des choses en Iran.
01:08:27 En Iran, par exemple, elle est utilisée pour vérifier si les femmes mettent ou pas un hijab.
01:08:32 Ça c'est facile.
01:08:33 Vous savez pourquoi ils arrivent à le faire ?
01:08:35 Même l'algorithme était capable de s'en rendre compte.
01:08:36 Non, ce n'est pas si simple.
01:08:37 Mais ça fait sept ans que les Iraniens travaillent là-dessus,
01:08:41 ça fait sept ans qu'ils ont mis en place un système
01:08:43 qui est assez différent de celui qu'on peut voir en Chine.
01:08:46 Mais petit à petit, ils ont décidé que les Iraniens
01:08:50 auraient désormais des cartes d'identité pyométriques,
01:08:52 que ces cartes d'identité auraient des photos
01:08:55 qui permettent de faciliter la reconnaissance faciale, etc.
01:08:58 Et tout a été mis en œuvre petit à petit pour créer un système
01:09:01 dans lequel on peut finalement contrôler les gens.
01:09:04 Et c'est ça la difficulté, c'est que bien sûr, ce qu'on imagine,
01:09:06 c'est de s'en servir dans des crises.
01:09:07 Mais comme je vous l'ai dit, c'est justement au moment des crises
01:09:09 que ça ne marchera pas bien.
01:09:11 En réalité, la force de la reconnaissance faciale,
01:09:14 c'est de faire du massif et donc d'imposer des comportements généraux
01:09:17 à toute une population.
01:09:19 En tout d'un coup, vous savez, c'est exactement ce qui se passe
01:09:21 par exemple à Paris, où tous les gens qui ont une voiture
01:09:24 savent bien que depuis qu'on a mis en place le mécanisme
01:09:27 qui permet de flasher avec des voitures qui passent
01:09:30 et de flasher les plaques d'immatriculation
01:09:32 pour automatiquement verbaliser les gens,
01:09:34 est-ce que ça marche, est-ce que ça ne marche pas ?
01:09:36 Mais vous avez un nombre de faux positifs qui est terrifiant.
01:09:38 Et pourtant, là, qu'est-ce qu'on flash ?
01:09:40 On flash des plaques.
01:09:41 Sauf qu'après, aller contester ces immatriculations,
01:09:44 tous les gens qui se prennent des PV à cause de ça le savent très bien.
01:09:47 Ça marche très mal et la contestation est très difficile.
01:09:49 Vous avez plein de gens qui payent juste parce qu'ils sont fatigués
01:09:52 et parce qu'ils n'ont pas envie d'aller plus loin.
01:09:53 Et là, vous n'avez même pas de la reconnaissance faciale.
01:09:56 On parle tout bêtement d'un dispositif où on va flasher
01:09:59 des plaques d'immatriculation avec de bêtes numéros.
01:10:01 Savoir si c'est finalement sur la chaussée ou sur la route.
01:10:06 Est-ce qu'on est sur une place interdite ou pas ?
01:10:10 Même ça, aujourd'hui, on le fait mal.
01:10:12 Mais par contre, ce qu'on sait très bien faire, c'est le rendre obligatoire.
01:10:15 Henri Guaino, ça, c'est un vrai problème politique.
01:10:19 Oui, tout à l'heure, Laurent Alexandre parlait de changement civilisationnel.
01:10:24 Mais ça suppose quand même qu'on passe d'une civilisation à une autre,
01:10:28 c'est-à-dire qu'on reste dans un cadre civilisé.
01:10:31 Or, la civilisation, ça consiste à se mettre des limites.
01:10:34 Des limites pour soi-même, des limites pour ce qu'on fait,
01:10:38 même à ce qu'on pense, ce qu'on fait.
01:10:43 On n'arrêtera pas la technique, on n'arrêtera pas la science.
01:10:45 On peut mettre des limites à l'usage que l'on en fait.
01:10:48 Et le jour où nous renoncerons à mettre des limites à l'usage que l'on en fait
01:10:53 ou à nos propres comportements, nous sortirons totalement de la civilisation.
01:10:57 Moi, je ne suis pas prêt à sortir de la civilisation.
01:10:59 Alors, ni aujourd'hui, ni demain, certainement pas quand ce sera encore plus parfait,
01:11:03 parce que ce sera encore pire.
01:11:05 Je ne veux pas vivre dans une société de surveillance à la chinoise
01:11:09 qui va avoir de plus en plus de moyens pour contrôler les gens, pour les surveiller.
01:11:15 Oui, c'est un combat politique.
01:11:17 Oui, il y aura à combattre les mouvements de l'opinion,
01:11:20 mais l'opinion, elle a toujours le dernier mot, hélas, mais elle n'a pas toujours raison.
01:11:25 Elle n'a pas toujours raison.
01:11:26 Je veux dire, quand l'opinion a peur, par exemple, on peut lui faire faire n'importe quoi.
01:11:30 On a beaucoup d'exemples historiques.
01:11:33 Le dernier, c'était en 1940.
01:11:35 Je veux dire, quand les gens ont peur, il y a aussi la pandémie.
01:11:38 Quand les gens ont peur, ils acceptent tout.
01:11:40 Très bien.
01:11:41 Eh bien, le combat politique, le combat moral, c'est d'essayer de lutter contre ça.
01:11:46 Et donc, de toutes ses forces.
01:11:49 Et donc, je trouve ce texte absolument inacceptable pour ce qui me concerne,
01:11:54 d'un point de vue moral, d'un point de vue civilisationnel.
01:11:57 Je ne parle même pas d'un point de vue démocratique.
01:11:59 Je trouve qu'on ouvre des brèches qui sont des brèches qu'on aura bien du mal à refermer,
01:12:04 parce que toutes les garanties qui sont exposées dans le texte
01:12:09 sont des garanties qui ne tiendront pas.
01:12:11 Et comme vous le dites, l'engrenage fera qu'on le réserve à telles affaires,
01:12:16 mais telle autre provoquera l'émotion, donc on s'en servira aussi.
01:12:19 Enfin, c'est fini, c'est terminé.
01:12:21 Et effectivement, on va organiser toute la société autour de la surveillance.
01:12:28 Mais M. Souffrand l'a très bien décrit.
01:12:31 Ce mécanisme-là, une fois qu'on l'a enclenché, il devient pratiquement inarrêtable.
01:12:38 Et il nous mène, non pas à une société paradisiaque, mais à une société de cauchemar.
01:12:44 – Philippe Chelous, vous, ce qui vous inquiète, c'est que ce n'est pas fiable.
01:12:47 Mais sur le principe, si demain c'était fiable, vous seriez pour.
01:12:53 – Je serais pour dans des cas très particuliers, oui, ciblés.
01:12:57 Je pense à une affaire par exemple comme l'affaire Kelkal, la traque des fers Kouachi.
01:13:03 On peut avoir des moments dans lesquels on a besoin de ce type d'outils.
01:13:08 Vous savez, j'entends tout ce qui est le discours politique, le discours moral,
01:13:12 auquel je souscris, je souscris à tout ce qui a été dit.
01:13:15 Je suis moi-même plutôt réactionnaire et rétif à tout ce qui est technologie.
01:13:21 Mais comme disait Albert Camus, entre la justice et la sécurité de ma grand-mère,
01:13:25 la question se pose parfois, donc de manière ciblée et ponctuelle,
01:13:28 je ne dis pas qu'il faut sortir des règles.
01:13:30 On arrive bien, on a une procédure pénale qui est extrêmement précise.
01:13:35 Il y a bien des domaines dans lesquels on arrive très très bien
01:13:38 à maîtriser les services de police, l'action de l'État,
01:13:41 je pense aux perquisitions, je pense à certains…
01:13:44 Il y a des moyens technologiques, moi j'ai vécu l'arrivée de l'ACNI
01:13:48 et la mise, au début de l'informatique il y avait des fichiers qui avaient été faits,
01:13:52 dans les brigades de gendarmerie et puis dans les commissariats de police,
01:13:55 de manière où tout ça a été très très bien cadré aujourd'hui.
01:13:57 Donc je crois qu'on y arrive.
01:14:00 Effectivement ce n'est pas facile mais on y arrivera.
01:14:03 Je crois un strict encadrement juridique et aussi de manière technologique.
01:14:07 C'est-à-dire que les systèmes doivent être prévus pour pouvoir être coupés,
01:14:16 pour pouvoir être maîtrisés, voilà.
01:14:18 Et j'en reviens, attention, ne pas oublier aussi l'intelligence artificielle
01:14:21 et les agents de l'extérieur.
01:14:23 Donc c'est une logique globale que toute cette numérisation
01:14:26 et ce principe de reconnaissance faciale.
01:14:29 Mais je crois que de manière…
01:14:30 En réaction à des événements extrêmement durs,
01:14:32 vous savez le Bataclan c'est 300 morts en une nuit,
01:14:37 peut-être qu'un jour on aura quelque chose comme Nord-Est
01:14:40 qui s'est passé à plusieurs reprises, on ne peut pas exclure ça,
01:14:44 donc je crois qu'on ne peut pas se priver de cet outil.
01:14:46 Mais effectivement je rejoins, c'est prématuré pour l'instant,
01:14:50 il faudra des expérimentations et il faudra un carcan juridique
01:14:55 et technologique qui soit robuste.
01:14:58 - Jean-Baptiste Souffron, l'anonymat, est-ce que c'est un droit ?
01:15:01 Et s'il s'en est un, est-ce qu'il le restera longtemps ?
01:15:05 Vous connaissez cette application Shazam
01:15:07 qui permet d'identifier un morceau de musique qu'on écoute.
01:15:13 Tout le monde rêverait d'avoir un système de reconnaissance faciale
01:15:17 qui permet quand on croise quelqu'un de savoir qui il est,
01:15:20 ne serait-ce que pour ceux qui n'ont pas de mémoire
01:15:21 et qui se souviennent qu'ils ont vu quelqu'un
01:15:23 mais ne se souviennent plus de son nom.
01:15:25 Est-ce qu'un jour ce sera possible ce Shazam du visage humain ?
01:15:31 Et pensez-vous qu'on y résistera ?
01:15:34 - Je vais vous dire, plutôt que de parler d'anonymat,
01:15:36 il faut prendre conscience d'une chose,
01:15:37 c'est que la vie privée, le fait aujourd'hui d'avoir une vie privée,
01:15:41 c'est quelque chose qui est relativement nouveau.
01:15:44 Autrefois, tout ce que vous faisiez,
01:15:45 vous le faisiez quasiment en public.
01:15:47 Vous voyez, dans les maisons, il n'y avait pas forcément de mur
01:15:50 entre la chambre et la cuisine, entre les différentes chambres.
01:15:52 Le fait maintenant qu'on est son chez-soi,
01:15:55 eh bien, c'est quelque chose d'important.
01:15:57 Et pourquoi est-ce qu'on le défend dans une démocratie ?
01:16:00 Parce que c'est un élément essentiel de la liberté de conscience.
01:16:04 C'est-à-dire, ce n'est pas pour protéger les gens,
01:16:07 pour permettre aux gens de...
01:16:08 Tout le monde fait des erreurs de temps en temps.
01:16:09 Si on était sanctionné à chaque fois qu'on fait une infraction
01:16:13 ou une micro-infraction,
01:16:14 vous savez, il y a un principe en droit qui est
01:16:15 qu'on ne s'occupe pas des petites choses.
01:16:17 Voilà, en fait, il y a plein de trucs, effectivement,
01:16:19 qui passent à travers les mailles du filet.
01:16:21 Et c'est normal, c'est aussi pour ça qu'on a des règles de prescription,
01:16:23 des choses de ce genre.
01:16:24 On n'est pas dans une société où on doit tout vérifier tout le temps.
01:16:28 Mais l'anonymat, c'est le droit de penser
01:16:31 ce que je veux sans être inquiété.
01:16:34 C'est important pour tout le monde.
01:16:36 Et c'est un principe absolument essentiel.
01:16:37 Ils ne vivent pas encore dans leur pensée, les algorithmes.
01:16:41 Typiquement, et Laurent-Alexandre, ça, le sait très bien,
01:16:44 c'est qu'avec la reconnaissance faciale,
01:16:46 vous pouvez d'ores et déjà, par exemple,
01:16:48 mesurer le QI de quelqu'un directement à partir de son visage.
01:16:51 Vous pouvez, et ça, beaucoup de sociétés aujourd'hui
01:16:54 travaillent sur des outils de ce type,
01:16:56 vous pouvez faire des mesures d'analyse émotionnelle très facilement.
01:17:00 Et on va savoir si vous êtes heureux, malheureux,
01:17:03 ce que vous pensez, ainsi de suite.
01:17:04 - Typiquement... - Ça, c'est pas fiable de main.
01:17:06 On peut même, ça a été démontré,
01:17:08 déterminer avec une bonne précision
01:17:10 si quelqu'un est hétérosexuel ou gay
01:17:13 à partir de la reconnaissance faciale.
01:17:15 Il y a... L'intelligence artificielle
01:17:17 arrive à reconnaître la sexualité d'un individu
01:17:20 à partir de photos de cet individu.
01:17:22 Donc, effectivement, on est dans une zone
01:17:23 où la privacy va être un combat.
01:17:26 - Regardez, tout bêtement,
01:17:27 à partir du moment où vous êtes filmé en permanence,
01:17:29 on peut aussi, tout simplement,
01:17:31 prendre les différentes données dont on dispose sur vous
01:17:34 et on les balance dans un outil TipChat GPT
01:17:39 que vous connaissez bien maintenant.
01:17:40 Vous voyez, en quelques mois,
01:17:41 on voit déjà comment ça fonctionne.
01:17:43 Et on va commencer à poser des questions
01:17:44 comme si c'était vous en face.
01:17:45 Figurez-vous, ça donnera des réponses
01:17:46 qui sont peut-être pas si éloignées
01:17:48 de ce que vous auriez vous-même répondu.
01:17:49 - Très peu éloignées.
01:17:50 - Et on va commencer à avoir un profil
01:17:53 de qui vous êtes, de ce que vous pensez,
01:17:55 de la manière dont vous fonctionnez.
01:17:56 Ça peut avoir des usages.
01:17:57 Attention, typiquement,
01:17:59 si on se met dans une logique de recherche de sécurité,
01:18:05 vous pouvez, par exemple, avoir des interrogatoires de police
01:18:07 qui soient assistés de reconnaissance faciale
01:18:10 avec un système comme ça de profilage
01:18:12 qui est construit de cette façon.
01:18:13 C'est sans doute...
01:18:14 - Pour savoir si vous mentez.
01:18:15 - Par exemple, mais c'est sans doute
01:18:16 ou pour savoir quelle est la bonne question à vous poser.
01:18:18 C'est peut-être ce genre de choses.
01:18:20 Ça, j'y crois peut-être plus
01:18:22 et ça va devoir être encadré très strictement.
01:18:24 Mais ça, techniquement,
01:18:26 ça paraît plus crédible d'ici 10 ans
01:18:28 que d'avoir un système où chaque citoyen
01:18:31 se verrait assujetti à un numéro, en réalité,
01:18:34 ou à un visage, son visage faisant office de numéro,
01:18:37 pour réussir à détecter ou plutôt pour l'orienter
01:18:41 vers les petits comportements
01:18:42 qu'on a envie de lui faire adopter.
01:18:43 Je vais vous donner un exemple tout bête.
01:18:45 Dès que vous avez un algorithme
01:18:46 en termes de politique publique,
01:18:48 dès que vous avez des algorithmes publics,
01:18:50 eh bien, immédiatement, la tentation du gouvernement,
01:18:53 la tentation des dirigeants,
01:18:55 c'est de s'en servir pour orienter les gens à faire autre chose.
01:18:59 Prenez l'exemple de Mme Elahiri,
01:19:01 qui vient de proposer de donner des points bonus
01:19:03 dans Parcoursup pour les élèves
01:19:05 qui signeraient pour le service national universel.
01:19:08 Vous voyez, c'est ça la difficulté.
01:19:09 C'est qu'à partir du moment où on vous tient par un bout,
01:19:12 eh bien, on va commencer à vous faire accepter d'autres choses
01:19:14 ou plutôt à vous forcer à les accepter.
01:19:16 Et quelque part, vous allez un peu y être petit à petit obligé.
01:19:21 Là, on voit bien qu'on est très en arrière,
01:19:23 qu'on a encore le temps de se retourner.
01:19:25 Et puis, il y a des barrières très fortes qui se posent.
01:19:27 Ce n'est pas pour rien, si vous voulez, que l'argument,
01:19:30 j'étais d'accord, il est très civilisationnel,
01:19:33 il est très moral.
01:19:34 On n'est pas sur un argument technique, technologique.
01:19:36 Je pense que personne autour de la table n'a peur du progrès,
01:19:38 si vous voulez, ce n'est pas ça.
01:19:40 En revanche, on peut aussi choisir quel progrès on veut
01:19:42 et la manière dont on veut l'orienter.
01:19:43 On n'est pas obligé de tout accepter.
01:19:45 En France, on n'utilise pas d'arme à feu.
01:19:47 Aux États-Unis, chaque citoyen,
01:19:49 dans pas mal d'États, peut avoir une arme à feu.
01:19:52 C'est un choix.
01:19:53 Est-ce que toutes les technologies sont bonnes à prendre et à utiliser ?
01:19:56 Eh bien, on peut penser que ce n'est pas le cas.
01:19:58 Et de toute façon, c'est notre responsabilité,
01:20:01 justement, de décider lesquelles on veut
01:20:03 et lesquelles on ne veut pas.
01:20:05 Il y a des formes de reconnaissance faciale
01:20:08 qui s'imposeront et qui seront acceptées par la société.
01:20:11 Le fait pour les patients en début d'Alzheimer,
01:20:14 grâce à la reconnaissance faciale sur leur téléphone portable,
01:20:17 de reconnaître qu'ils ont en face d'eux dans la rue,
01:20:20 ce sera accepté par la société.
01:20:22 Le fait de permettre via aux aveugles
01:20:26 de savoir où ils sont, de se diriger
01:20:29 et de savoir qui ils ont en face d'eux
01:20:31 quand ils croisent quelqu'un dans la rue,
01:20:33 la société l'acceptera, cette reconnaissance faciale,
01:20:35 pour les Alzheimer et pour les aveugles.
01:20:37 Donc, il ne faut pas imaginer qu'on va globalement bloquer
01:20:40 les intelligences artificielles de reconnaissance faciale
01:20:42 parce que vous ne trouverez pas une majorité en France
01:20:46 pour empêcher les aveugles de mieux se repérer dans une foule
01:20:49 et pour empêcher les alzheimeriens de moins se perdre.
01:20:53 Donc, il y aura des applications marginales qui seront légitimes.
01:20:57 Donc, je ne crois pas qu'on puisse prendre la reconnaissance faciale
01:21:00 comme un seul bloc.
01:21:01 Il y a en fait des morceaux qui seront légitimes,
01:21:04 même pour mettre sous front.
01:21:06 Mais bien sûr, et d'ailleurs, vous avez déjà aujourd'hui
01:21:08 des applications de reconnaissance faciale
01:21:10 ou quasi reconnaissance faciale
01:21:11 qui sont utilisées au quotidien par tout le monde.
01:21:13 Dans votre téléphone, plein de gens aujourd'hui
01:21:15 déverrouillent leur téléphone simplement
01:21:17 en mettant leur téléphone devant leur visage.
01:21:19 C'est ce genre de technologie.
01:21:20 Ce qui est préoccupant, c'est de voir que l'approche technologique
01:21:23 du gouvernement est une approche qui finalement
01:21:26 est à la fois sécuritaire, ça fait toujours...
01:21:29 C'est un manque d'imagination, un manque de travail.
01:21:31 Et deuxièmement, on a l'impression que c'est dirigé contre les gens.
01:21:35 Alors que bien sûr, si on leur propose quelque chose d'utile,
01:21:38 de sérieux et d'encadré,
01:21:39 je pense qu'il y a plein de choses qui peuvent se faire.
01:21:41 Ce n'est pas un souci.
01:21:43 - Dernier, oui, très vite.
01:21:45 - Le problème, c'est qu'il faut être très sérieux sur les encadrements.
01:21:48 Il y en a peu qui sont très efficaces.
01:21:50 Je vous conseille de regarder l'histoire des écoutes téléphoniques.
01:21:52 C'est très intéressant.
01:21:54 Puis à la fin, on finit par écouter l'avocat et son client.
01:21:56 Et puis à la fin, on vote un projet de...
01:21:59 Enfin, on en est qu'au Sénat, mais un projet de loi
01:22:01 sur lequel on va pouvoir déclencher à distance
01:22:03 le haut-parleur de votre portable.
01:22:06 Et donc, écoutez vos conversations.
01:22:09 Or, une conversation intime,
01:22:12 dans une conversation intime, on peut dire un tas de choses, n'importe quoi.
01:22:15 Et après, on vous traînera devant un tribunal pour le n'importe quoi.
01:22:18 On vous dit "c'est réservé à certaines affaires".
01:22:20 On a vu combien c'était réservé à certaines affaires
01:22:22 et combien même la garantie judiciaire était assez faible.
01:22:27 Un dernier mot et je vous remercie d'avoir été parmi nous,
01:22:30 Philippe Chelous, il nous reste 30 secondes.
01:22:33 Non, non, je crois qu'il y a un relatif consensus
01:22:37 sur ces technologies nouvelles.
01:22:40 Et évidemment, chacun, on a du mal à préciser
01:22:44 tout ce qui pourra en sortir.
01:22:45 Je crois que comme tout progrès, ça devra être digéré.
01:22:47 Je crois effectivement que l'intelligence artificielle
01:22:51 et la numérisation méritent d'être très attentifs.
01:22:55 Je reste quand même, je crois dans certains cas,
01:22:59 favorable à cette action ciblée pour des services spécialisés,
01:23:02 lorsqu'effectivement l'intérêt supérieur de nos compatriotes est engagé.
01:23:09 Merci Philippe Chelous d'avoir été parmi nous.
01:23:12 On laisse Isabelle Piboulot faire le rappel des titres
01:23:16 et après, on s'intéresse avec Jean-Pierre Filliu
01:23:19 à ce stupéfiant Moyen-Orient.
01:23:23 Au lendemain du séisme dans l'ouest de la France,
01:23:27 l'heure est tôt.
01:23:29 Recensement des dégâts, églises endommagées,
01:23:31 murs fissurés, encharrentes maritimes.
01:23:34 Des dizaines de maisons ont été décrétées
01:23:36 inhabitables par les pompiers.
01:23:37 38 personnes ont dû être relogées
01:23:39 dans le secteur du sud des Deux-Sèvres.
01:23:42 Vladimir Poutine se dit prêt à un dialogue constructif
01:23:45 avec ceux qui souhaitent la paix.
01:23:47 C'est ce qu'il a déclaré lors d'une rencontre
01:23:49 avec les médiateurs africains sur l'Ukraine,
01:23:52 organisée à Saint-Pétersbourg.
01:23:53 "Nous souhaitons que cette guerre prenne fin",
01:23:55 a affirmé le président sud-africain.
01:23:58 Vladimir Poutine a salué une approche équilibrée
01:24:01 de la délégation des médiateurs.
01:24:03 Et puis l'événement rugby de ce soir.
01:24:05 Un 22e titre pour le stade toulousain,
01:24:08 sacré champion de France.
01:24:09 Les Rougets Noirs se sont imposés 29 à 26 face à la Rochelle,
01:24:13 en finale du top 14 au stade de France.
01:24:16 Mené par les champions d'Europe jusqu'à la 77e minute,
01:24:19 Toulouse s'est rassurée après un superbécé signé Romain Tamac.
01:24:23 La Rochelle reste donc en quête de son premier titre national.
01:24:27 Jean-Pierre Filliou, vous êtes professeur en histoire
01:24:34 du Moyen-Âge, du Moyen-Orient, à Sciences Po.
01:24:37 Cette année, vous avez également donné un cours de master à Kiev,
01:24:40 à l'Académie Moïla, sur la dimension moyenne-orientale
01:24:43 de la guerre en Ukraine.
01:24:45 Et vous avez rédigé une postface sur ce sujet
01:24:47 dans votre Histoire du Moyen-Orient,
01:24:49 qui vient d'être réédité en poche.
01:24:51 Mais ça n'est pas pour parler de l'Ukraine
01:24:53 que je vous ai demandé de venir ce soir.
01:24:55 C'est pour votre nouveau livre, Stupéfiant Moyen-Orient,
01:24:58 dans lequel vous remontez la trame historique du Moyen-Orient
01:25:01 sous l'angle de la production, de la distribution
01:25:04 et de la consommation de stupéfiants.
01:25:05 Un livre d'autant plus intéressant,
01:25:08 qu'il y a beaucoup de clichés qui circulent chez nous sur ce sujet.
01:25:11 Est-ce qu'on imagine assez facilement les mille et une nuits
01:25:14 baignées par des vapeurs de hachiches ?
01:25:16 Est-ce que les drogues ont eu, dans les pays arabo-musulmans,
01:25:19 le même rôle récréatif que le vin a pu avoir chez nous ?
01:25:24 - Bien d'abord, il faut commencer beaucoup plus tard
01:25:27 et comprendre que dans le monde arabo-musulman,
01:25:29 on a d'abord beaucoup bu d'alcool
01:25:31 avant d'aller vers ces drogues plus récréatives.
01:25:35 L'alcool, évidemment, chez les Grecs et chez les Romains.
01:25:39 Pour eux, les barbares, c'était ceux qui buvaient de la bière.
01:25:42 Et puis, après l'Eucharistie, la christianisation de l'alcool,
01:25:47 l'Empire romain d'Orient a beaucoup bu.
01:25:49 Il faut attendre, en fait, le Moyen Âge.
01:25:53 Le Moyen Âge pour voir arriver le hachiche.
01:25:56 Hachiche, ça veut dire herbe en arabe.
01:25:59 Et au début, c'était littéralement ça, c'était des feuilles toastées.
01:26:02 Donc, dans les mille et une nuits, en tout cas,
01:26:05 les mille et une nuits de la Bagdad d'Arun el-Rachid,
01:26:08 on fumait pas de narguilé parce qu'on fumait pas.
01:26:11 En revanche, on pouvait éventuellement consommer du hachiche
01:26:16 en le mâchant avec ses feuilles toastées
01:26:19 ou avec l'équivalent à l'époque des space cakes,
01:26:23 des compotes dans lesquelles on faisait cuire la substance cannabinique.
01:26:28 Le hachiche, il devient populaire au XIIe siècle, dites-vous.
01:26:34 Ce sont les soufis qui l'opposent à l'alcool.
01:26:38 Le hachiche est censé élever la conscience.
01:26:41 Et en fait, ça a duré jusqu'en 1932,
01:26:43 au moment de la naissance de l'Arabie saoudite,
01:26:46 où là, on va prohiber le hachiche.
01:26:48 Au même moment, en fait, où les États-Unis prohibent l'alcool,
01:26:52 à peu près à la même période.
01:26:54 Oui, c'est assez fascinant de voir comment il y a une liberté de commerce
01:26:58 qui, elle, est généralement acceptée.
01:27:03 Et puis des débats entre les différents régimes musulmans
01:27:06 qui correspondent au débat qu'on aura au XXe siècle occidental
01:27:12 sur est-ce que c'est moral,
01:27:15 mais est-ce que surtout, ce ne serait pas très rentable pour le trésor ?
01:27:19 Et donc, ça aussi, en ouverture de mon livre,
01:27:23 j'ai une citation d'un ouléma, d'un théologien musulman du XIIIe siècle
01:27:28 qui disait "il est interdit d'interdire ce qui ne l'est pas",
01:27:30 comme on ne mentionne pas l'estupéfiant dans le Coran.
01:27:32 Donc, pourquoi s'en priver ?
01:27:34 Donc, effectivement, on va avoir des allers-retours
01:27:38 et jusqu'à aujourd'hui, il n'y a aucune doctrine précise de l'islam
01:27:42 par rapport aux stupéfiants.
01:27:43 On peut aussi bien tout interdire que pratiquement tout autoriser.
01:27:47 Et vous montrez bien qu'en fait,
01:27:49 chaque tradition nationale est reliée avec une langue.
01:27:54 Le hachiche, par exemple, en Égypte, est très présent.
01:27:57 Quand Bonaparte arrive à conquête de l'Égypte,
01:27:59 qu'est-ce qu'il découvre ? Le hachiche.
01:28:01 Et d'ailleurs, une partie des troupes qui va revenir
01:28:03 va ramener du hachiche en France.
01:28:05 Il faudra l'interdire en France en 1800, c'est ça ?
01:28:07 Oui, mais alors effectivement, il y a cette découverte.
01:28:12 Ces soldats français qui repartent.
01:28:16 Et là, il y a une différence avec le Moyen Âge musulman.
01:28:20 C'est que le tabac est arrivé d'Amérique à partir du XVIe siècle.
01:28:25 Et donc, désormais, le hachiche se fume.
01:28:28 En tout cas, les grognards le fument.
01:28:30 En revanche, à Paris, à l'hôtel des Assassins,
01:28:34 au hôtel de Lausanne, sur l'île Saint-Louis,
01:28:37 on continuait, entre Théophile Gautier,
01:28:40 Gérard de Nerval, Baudelaire...
01:28:41 Ils le mangent à l'époque.
01:28:42 Voilà, de le consommer à la cuillère.
01:28:44 Ce qui, du coup, avait des effets hallucinogènes
01:28:47 incomparablement plus forts,
01:28:49 d'où un certain nombre de productions littéraires
01:28:52 aujourd'hui étudiées dans nos écoles.
01:28:54 Donc au Yémen, il y a la tradition du khat,
01:28:58 on mastique les feuilles comme la coca en Amérique du Sud.
01:29:01 En Iran, c'est le pavot qui va donner l'opium
01:29:04 dès le XVIe siècle.
01:29:07 Et vous racontez que les étrangers qui arrivent en Iran
01:29:10 voient les Iraniens consommer plusieurs boulettes d'opium.
01:29:15 Oui, ils sont d'ailleurs assez inquiets
01:29:16 quand ils sont en égosse avec eux.
01:29:19 Et puis, au bout d'un certain temps,
01:29:20 ils comprennent que si, effectivement,
01:29:22 ces gens sous addiction
01:29:25 n'ont pas leur dose d'opium de boulettes par jour,
01:29:28 ils ne peuvent plus commercer normalement.
01:29:31 Et donc, en fait, tout ça, c'est des drogues naturelles.
01:29:34 Vous dites que ce sont les prohibitions du XXe siècle
01:29:37 qui ont fait le lit des drogues dures au Moyen-Orient.
01:29:40 Oui, en tout cas, c'est un adage.
01:29:41 Moi, comme historien, je m'incline toujours
01:29:43 devant les professionnels du sujet.
01:29:45 Et tous les professionnels convergent pour dire
01:29:48 que plus la répression est dure, plus les drogues le sont.
01:29:51 Et c'est vrai qu'au Moyen-Orient,
01:29:52 je n'ai pas trouvé un cas où cet adage était infirmé.
01:29:56 Et donc, on voit la Perse,
01:29:59 il y avait déjà un vrai problème avec l'opium.
01:30:02 Quand Rouménie arrive au pouvoir, en 1979,
01:30:07 il y a un demi-million de toxicomanes.
01:30:08 Ça paraît terrifiant.
01:30:10 Aujourd'hui, il y en a 10 à 12 fois plus
01:30:13 dans un pays qui pend, tous les ans,
01:30:18 des dizaines, voire des centaines de soi-disant trafiquants de drogue,
01:30:22 vu qu'en fait, pour éliminer les opposants,
01:30:24 souvent, on leur impute des délits liés aux stupéfiants.
01:30:28 Et donc, même la révolution islamique a été impuissante
01:30:31 à orayer la progression de la toxicomanie dans le pays.
01:30:34 Les talibans, en revanche, vous dites,
01:30:36 avaient mis fin au trafic d'opium,
01:30:38 qui donne l'héroïne en Afghanistan,
01:30:42 et revenu avec l'arrivée des Américains et des Alliés.
01:30:47 Et ce serait une des causes, dites-vous,
01:30:49 de la chute du régime de Kaboul et du retour des talibans.
01:30:54 Oui, alors effectivement, il faut voir que chaque étape
01:30:59 de la descente aux enfers de l'Afghanistan
01:31:01 s'accompagne d'une augmentation de la production d'opium
01:31:05 et donc du raffinage d'héroïne locale,
01:31:07 parce que les différents rivaux opposants
01:31:11 essayent d'avoir des ressources en devise forte
01:31:13 pour l'armement et pour leur réseau de clientèle.
01:31:16 Et en fait, quand le Mullah Omar, en 2000,
01:31:19 proscrit la culture du pavot,
01:31:22 d'abord c'est appliqué à cause de la nature totalitaire
01:31:25 du régime taliban, c'est la seule prohibition
01:31:27 qui sera appliquée de manière aussi brutale.
01:31:30 L'héroïne disparaît du pays,
01:31:32 sauf dans les zones contrôlées par les rebelles,
01:31:35 aidées par la CIA, avec donc un vrai débat entre la CIA,
01:31:40 qui, elle, favorise les producteurs d'opium et donc d'héroïne,
01:31:44 et la DIA, l'agence anti-stupéfiants,
01:31:48 qui, elle, trouve que les talibans sont plutôt efficaces.
01:31:52 Ça ne dure qu'un an, et effectivement, les talibans pensent,
01:31:56 en tout cas, c'est leur conclusion,
01:31:58 que si ce sont effondré aussi vite après les attentats du 11 septembre 2001,
01:32:02 c'est parce que la paysannerie s'était retournée contre eux,
01:32:05 parce qu'elle avait perdu des ressources de l'opium,
01:32:07 mais il n'y avait pas beaucoup de ressources alternatives.
01:32:09 Donc, ils ont compris la leçon,
01:32:12 ils se sont remis à l'opium,
01:32:14 et comme en face, les Américains avaient ramené dans leur bagage
01:32:17 tous les barons de la drogue, tous les seigneurs de la guerre
01:32:21 qui ont amené la production d'opium et d'héroïne
01:32:23 à des niveaux proprement hallucinants,
01:32:26 eh bien, en 2021,
01:32:29 les seuls endroits en Afghanistan où on se bat,
01:32:32 on ne se bat pas pour la démocratie, on ne se bat pas pour la liberté,
01:32:35 on se bat pour les champs de pavot,
01:32:37 et on se bat pour la production d'héroïne.
01:32:40 Là, maintenant, les talibans ont complètement tourné Kazakh,
01:32:43 le seul prisonnier américain qu'ils avaient,
01:32:45 ils l'ont échangé contre le plus gros trafiquant afghan d'héroïne
01:32:48 qui était détenu à perpétuité à Brooklyn.
01:32:51 - Et c'est l'invasion américaine de 2003
01:32:54 qui a transformé, dites-vous, l'Irak en plaque tournante
01:32:56 du trafic de stupéfiants, alors que le pays sous Saddam Hussein
01:33:00 était relativement épargné.
01:33:02 - Oui, là, effectivement, Saddam Hussein,
01:33:04 encore un régime totalitaire, donc une capacité d'intrusion
01:33:08 qui permettait effectivement de limiter le trafic.
01:33:12 Et puis, c'est vrai qu'il y avait un imaginaire bassiste
01:33:15 qui était plutôt alcoolisé.
01:33:16 Donc, ça détournait de ces bonnes choses-là.
01:33:21 Mais à partir du moment où l'État s'effondre,
01:33:24 c'est pas uniquement le régime qui s'effondrait,
01:33:25 c'est l'État irakien que c'est le règne des milices
01:33:28 qui les remplace, que beaucoup de ces milices
01:33:31 sont liées à l'Iran.
01:33:32 Donc, il y a littéralement une infiltration du pays
01:33:36 par le trafic de stupéfiants.
01:33:39 Et donc, on voit maintenant, pratiquement en Irak,
01:33:41 on a toute la gamme de la toxicomanie
01:33:45 avec les drogues de culture.
01:33:46 Mais ce qui monte partout au Moyen-Orient,
01:33:47 les drogues de synthèse.
01:33:49 Le régime de Bachar el-Assad,
01:33:52 vous dites ruiné par la guerre civile,
01:33:53 il est devenu véritablement un arco-État,
01:33:59 et notamment avec le Cap Tagon.
01:34:03 Oui, alors le Cap Tagon, l'estimation basse,
01:34:06 c'est 5 milliards par an.
01:34:09 C'est plus la peine de dire dollars ou euros à ces niveaux-là.
01:34:12 Ça pourrait aller jusqu'à 10 milliards.
01:34:15 Donc, effectivement, les sanctions internationales,
01:34:17 ce sont les Syriennes et les Syriens qui en pâtissent.
01:34:20 Bachar el-Assad, ça va très bien.
01:34:21 En plus, il fait ça en famille, il a compris.
01:34:23 Il a sûrement vu le parrain, le parrain 2,
01:34:26 et peut-être le parrain 3.
01:34:28 C'est son frère, Maher el-Assad,
01:34:30 qui accessoirement est aussi le général
01:34:32 qui commande la garde présidentielle,
01:34:34 qui gère les ateliers de fabrication
01:34:36 et qui protège les convois de trafiquants
01:34:38 vers les différentes frontières du pays.
01:34:40 Donc, on a une capacité à faire émerger
01:34:43 une marge qui est considérable,
01:34:45 parce que le captagon, donc cette amphétamine,
01:34:48 elle peut être produite à très bas coût,
01:34:50 parce que la Syrie, avant la catastrophe,
01:34:53 avant tous ces massacres, toutes ces horreurs,
01:34:55 eh bien, elle avait une industrie pharmaceutique
01:34:57 assez performante.
01:34:59 Donc, on a les chimistes, donc on a tout ce qu'il faut.
01:35:01 On a le protecteur, le convoyeur et le processeur.
01:35:06 - Et l'Arabie saoudite,
01:35:08 qui est donc à l'origine des prohibitions,
01:35:10 on l'a dit, c'est l'Arabie saoudite, à sa naissance,
01:35:13 qui interdit le héchif.
01:35:15 C'est aujourd'hui, dites-vous, le plus gros consommateur
01:35:17 de drogue de synthèse de la région ?
01:35:19 - Oui, et puis sans doute de drogue en général.
01:35:21 Alors, c'est difficile, voire impossible,
01:35:24 d'avoir des statistiques précises,
01:35:26 parce qu'il y a un déni total en Arabie.
01:35:29 Ça n'existe pas, il n'y a pas de problème.
01:35:31 Il n'y a aucun programme de santé publique,
01:35:34 d'accompagnement des toxicomanes en Arabie.
01:35:38 Et puis, c'est toujours pareil,
01:35:40 comme on l'a évoqué dans l'histoire,
01:35:43 dans l'élite, on a les moyens de s'offrir de l'alcool.
01:35:47 C'est en fait la classe moyenne urbaine,
01:35:49 qui est en progression très rapide,
01:35:51 qui en demande de divertissement,
01:35:52 qui ne peut pas contourner la prohibition de l'alcool,
01:35:57 qui va se tourner vers ce captagon,
01:35:59 cette amphétamine très addictive,
01:36:02 qui est aussi une drogue qui a une image sociale.
01:36:05 C'est-à-dire qu'avec le captagon, on brille en société,
01:36:08 on croiton, on bascule vite dans le psychotique.
01:36:13 Et puis, il y a les salons de coiffure
01:36:16 qui répandent dans la population féminine
01:36:19 l'idée que le captagon, c'est amincissant.
01:36:22 C'est vrai, c'est totalement anorexique.
01:36:25 Donc, drogue sociale, drogue amincissante,
01:36:28 drogue qui permet de briller auprès des unes et des autres.
01:36:33 Et c'est une véritable épidémie,
01:36:35 mais qui est totalement niée par les autorités séoudiennes.
01:36:39 Et le Liban, qui était une grosse plaque tournante
01:36:41 du trafic d'héroïne du temps de la French Connection.
01:36:43 Voilà.
01:36:44 Alors, au Liban, on a eu pendant longtemps
01:36:47 une production qui était essentiellement à l'export.
01:36:51 Il y avait même eu un moment où le Hezbollah,
01:36:53 donc la milice chiite,
01:36:54 supervisait la production d'héroïne
01:36:57 et son trafic vers Israël.
01:37:00 Mais aujourd'hui, avec le captagon,
01:37:03 le Liban est la première destination
01:37:06 avant d'aller vers le Golfe.
01:37:08 Eh bien, une grande partie du captagon est consommée sur place.
01:37:11 Donc maintenant, le Hezbollah, donc pro-iranien,
01:37:15 a des problèmes de toxicomanie dans la population
01:37:19 sous son contrôle,
01:37:20 qui sont en train d'atteindre des niveaux iraniens.
01:37:23 Ce qui prouve que là encore, eh bien, les drogues,
01:37:28 même quand on croit qu'elles ne font que passer,
01:37:30 il en reste toujours beaucoup.
01:37:32 Et la Turquie ?
01:37:33 Alors en Turquie, on a là aussi toute une histoire
01:37:37 avec l'opium.
01:37:39 Il y a une capitale régionale en Turquie
01:37:41 qui s'appelle Afyon, c'est-à-dire opium,
01:37:43 même si son nom officiel, c'est Afyon Karaïsar,
01:37:46 la forteresse noire.
01:37:48 Et il faut savoir que la Turquie, comme la France,
01:37:51 est un producteur légal d'opium,
01:37:52 d'après les conventions internationales sur ce narcotique.
01:37:56 Parce que l'opium, on en a besoin.
01:37:58 Oui, on dit toujours que c'est pour les médicaments.
01:38:00 Non, vous savez, les producteurs d'opium,
01:38:02 généralement, ils font toujours ça pour...
01:38:04 En France, c'est pour les médicaments.
01:38:05 Et puis en France, on ne peut pas du tout le savoir,
01:38:08 vu que c'est un délit pour les producteurs,
01:38:10 pour les cultivateurs de pavot,
01:38:12 que de livrer quelque information que ce soit
01:38:15 sur les cultures qu'ils ont.
01:38:17 Donc en Turquie, très tôt,
01:38:19 même d'ailleurs du temps de l'Empire ottoman,
01:38:21 on a considéré que l'opium est une ressource stratégique
01:38:24 qui permettait de recueillir des devises fortes
01:38:27 pour la modernisation du pays.
01:38:28 Et c'est cela qu'en fait Atatürk,
01:38:30 le fondateur de la Turquie moderne il y a un siècle,
01:38:33 a négocié très durement avec les pays européens
01:38:38 et les États-Unis.
01:38:40 Et c'est ce quota de production qui est toujours...
01:38:44 Alors évidemment, il y a du coulage,
01:38:45 évidemment, il y a des mafias,
01:38:47 évidemment, il y a des guerres
01:38:49 entre les différents barons de la drogue.
01:38:52 Certains sont liés à la guérilla kurde séparatiste,
01:38:55 d'autres ont leurs entrées auprès de tel ou tel service.
01:38:59 Mais il est frappant de voir que malgré ce statut
01:39:04 de producteur d'opium,
01:39:05 malgré cette histoire multiséculaire
01:39:09 avec les stupéfiants,
01:39:11 on n'est pas arrivé à l'addiction de masse
01:39:13 que connaît la Perse voisine,
01:39:15 addiction qui a été aggravée dramatiquement
01:39:18 par la République islamique.
01:39:19 Revenons au soufi, au mystique soufi au XIIe siècle,
01:39:24 ce qui oppose le haschich,
01:39:26 censé élever la conscience à l'alcool,
01:39:29 qui lui est interdit par le Coran,
01:39:31 mais consommé par les mamelouks à l'époque.
01:39:34 Est-ce que cet aspect mystique,
01:39:37 élévation de la conscience, a perduré ?
01:39:40 Et j'ai envie de dire,
01:39:42 est-ce qu'il y a au Moyen-Orient
01:39:45 une tradition religieuse du haschich,
01:39:48 comme il y a chez nous une tradition chrétienne
01:39:51 de la consommation du vin ?
01:39:53 - Ce ne sera pas aussi central que dans l'Eucharistie,
01:39:57 mais il est certain que pour certaines confréries soufis,
01:40:00 le soufisme c'est le mysticisme musulman,
01:40:03 il y a des confréries de tous ordres,
01:40:05 certaines sont totalement opposées
01:40:07 à la consommation de stupéfiants,
01:40:09 considérant que ça obscurcit l'esprit,
01:40:11 et justement ça n'offre pas
01:40:13 une espèce de support mystique.
01:40:16 D'autres au contraire,
01:40:17 le placent au cœur de leur rite.
01:40:20 D'ailleurs le cher Haïdar,
01:40:22 qui est censé avoir trouvé le cannabis,
01:40:25 avait demandé à ses disciples
01:40:27 qu'on en plante sur sa tombe après sa mort,
01:40:30 ce qui prouvait que son lien organique
01:40:32 avec cette herbe était très fort.
01:40:35 Donc effectivement, il y a différentes tendances,
01:40:39 mais derrière tout ça,
01:40:40 au Moyen-Âge avec le haschich,
01:40:44 aujourd'hui comme on le voit avec les drogues de synthèse,
01:40:47 il y a un problème de classe,
01:40:49 il y a l'idée de toute façon
01:40:50 que l'alcool soit nous est inaccessible
01:40:53 d'un point de vue religieux,
01:40:55 soit plus simplement pour des raisons monétaires.
01:40:58 Alors que cette herbe qu'on peut littéralement
01:41:01 cultiver dans son jardin,
01:41:03 il y avait à l'époque des mamelous coquères,
01:41:05 on est au Moyen-Âge,
01:41:06 un parc central où régulièrement
01:41:08 on éradiquait tous les haschichs
01:41:11 et régulièrement évidemment le haschich repoussé,
01:41:15 eh bien l'idée qu'on peut justement
01:41:20 avoir ces drogues sous la main
01:41:22 et qu'on peut contester le pouvoir en place
01:41:25 et dire après tout, nous valons mieux que vous
01:41:28 et ce à quoi les soufis rajoutent
01:41:30 et nous sommes même de meilleurs musulmans que vous
01:41:33 parce que notre conscience,
01:41:35 elle est portée par ce haschich, par cette herbe,
01:41:38 ils appellent même ça l'herbe des pauvres
01:41:40 comme un support de l'élévation mystique.
01:41:44 - Un dernier mot Laurent Alexandre sur ce sujet ?
01:41:49 - C'est fascinant et on voit que cette histoire
01:41:52 de la drogue, elle est mal connue.
01:41:55 Les drogues de la famille du Cap Tagon,
01:41:58 qui est une amphétamine,
01:42:00 ont eu une incidence absolument majeure pour la France
01:42:03 et les historiens s'en sont rendus compte
01:42:05 très tardivement parce que les archives
01:42:06 n'ont pas été étudiées.
01:42:08 Si Hitler a gagné quand il a percé en 40
01:42:12 et qu'il est arrivé jusqu'à Dunkerque,
01:42:13 c'est parce que toute la Wehrmacht
01:42:15 était sous des doses absolument massives de pervitine,
01:42:18 qui est une amphétamine extraordinairement puissante
01:42:21 et qui a permis aux soldats d'Hitler
01:42:23 de ne pas dormir pendant 4 à 5 nuits
01:42:26 avant de s'effondrer.
01:42:27 C'est pour ça qu'Hitler s'est arrêté juste avant Dunkerque.
01:42:31 On ne comprenait pas pourquoi il s'était arrêté.
01:42:33 Il s'était arrêté parce que les amphétamines,
01:42:34 au bout de quelques jours,
01:42:35 entraînent un épuisement
01:42:36 et que les gens ont besoin de dormir
01:42:38 pendant 2 ou 3 jours
01:42:38 parce qu'ils sont nerveusement complètement morts.
01:42:42 Et on n'avait pas étudié ça,
01:42:44 on ne comprenait pas très bien ce qui s'est passé en 40
01:42:47 avant d'avoir pris les archives
01:42:48 sous l'œil de la toxicomanie
01:42:51 et du fait que le Reich avait institutionnalisé dans l'armée
01:42:54 l'utilisation des amphétamines.
01:42:57 C'est un sujet tabou,
01:42:58 c'est un sujet qui est mal étudié
01:43:00 et c'est un sujet, comme vous le montrez,
01:43:01 qui est absolument passionnant
01:43:02 pour l'histoire de France en 40,
01:43:04 pour l'histoire du Moyen-Orient aussi.
01:43:06 Et qui montre qu'aucune prohibition ne marche jamais.
01:43:10 Et généralement produit exactement l'effet contraire.
01:43:13 Et pas seulement dans les drogues,
01:43:14 l'alcool c'est pareil.
01:43:15 Les Américains, avant la prohibition,
01:43:16 buvaient de la bière.
01:43:17 Après la prohibition, buvaient du whisky.
01:43:20 – Tout à fait.
01:43:21 Et dans l'intervalle,
01:43:21 beaucoup de gens, grâce à la prohibition,
01:43:23 sont devenus très riches
01:43:25 et ont poussé à la hausse
01:43:27 à la fois les cours et le degré d'alcool.
01:43:31 – Merci Jean-Pierre Filliou.
01:43:32 Merci tous les quatre d'avoir participé à cette émission.
01:43:35 Merci de nous avoir suivis.
01:43:37 Rendez-vous demain soir à 22h pour un autre numéro
01:43:41 des Visiteurs du Soir.
01:43:42 Je vous souhaite une très bonne nuit.
01:43:44 ♪ ♪ ♪