• l’année dernière
Abigail a été diagnostiquée avec un trouble de la personnalité borderline. Représentant parfois un trop grand danger pour elle-même, elle a du être hospitalisée plusieurs fois pour sa propre sécurité. Entre deux hospitalisations, elle décide un jour de partir en voyage afin de se retrouver elle-même et de se prouver que son trouble ne définit pas qui elle est. Ce voyage lui permettra de faire des rencontres qui la marqueront à vie et il lui permettra également de faire un bon gigantesque dans son développement personnel et l'apprivoisement de son trouble. Aujourd'hui engagée pour combattre les clichés qui entourent la santé mentale, elle est venue nous raconter son voyage et son histoire.

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Voyages
Transcription
00:00 J'ai été diagnostiquée du trouble de la personnalité borderline à mes 24 ans.
00:03 Le trouble tel qu'il se traduit chez moi,
00:06 ça va passer par une hypersensibilité, une hyperémotivité.
00:10 Je vais porter une attention particulière au fait d'être incluse dans un groupe
00:14 ou validée par les autres.
00:16 Ça va passer par une accumulation
00:18 qui va soit créer une explosion dans une situation totalement lambda.
00:22 L'explosion, j'entends par là crise d'anxiété ou crise de panique.
00:26 Soit une implosion et là ça va donner des comportements d'autosabotage et d'autodestruction.
00:32 Et alors moi ça va passer par l'escarification, l'automutilation.
00:36 Donc voilà, c'est un condensé de plein de choses.
00:39 Moi au tout début, on a d'abord commencé par me diagnostiquer bipolaire
00:43 avant de tomber sur du borderline.
00:44 Mais parce que c'est tellement proche, l'erreur se fait vite,
00:48 ce qui est 100% normal parce que
00:50 je pense que pour avoir un diagnostic défini et qui soit vraiment "véridique",
00:55 il faut avoir un suivi qui soit rapproché sur un temps qui permet quand même d'avoir un diagnostic.
01:01 Donc c'est vrai que moi, mes signes du trou borderline se sont manifestés quand j'étais quand même assez jeune.
01:07 Et je pense que ma première psychologue/psychiatre,
01:12 je l'ai vue dans ces eaux-là quand j'avais 14 ans.
01:14 Et je pense d'ailleurs qu'il y a aussi quelque chose de l'ordre du
01:18 "autant la bipolarité s'est connue depuis pas mal de temps, autant le borderline".
01:23 J'ai l'impression que même au sein du corps psychiatrique, on découvre encore ce que c'est.
01:27 L'acceptation du diagnostic, pour moi, il s'est passé en deux temps.
01:30 Premier temps, c'était "je ne comprends pas ce qu'on est en train de m'annoncer,
01:32 leur taf c'est de donner des diagnostics, mais en vrai, moi je suis sûre que j'ai rien".
01:35 Et ensuite, il y a eu la seconde étape, et là, ça s'est arrivé bien plus tard.
01:40 Ça s'est arrivé quand j'ai fait une thérapie de groupe
01:43 ciblée sur le trouble de la personnalité borderline.
01:45 Donc je suis arrivée dans ce groupe de parole avec que des personnes borderline.
01:49 J'écoute les autres parler de leur souffrance,
01:52 de pourquoi ils sont là, etc.
01:54 Et là, ça a vraiment été, je me suis sentie, je ne sais pas, d'un coup,
01:58 toutes les souffrances depuis des années
02:01 viennent d'être dites à travers la bouche d'autres personnes.
02:04 Moi, j'ai écouté les autres parler, je me suis dit "oh mais mon Dieu,
02:07 c'est exactement ce que je suis en train de vivre depuis des années".
02:10 Et je n'ai jamais été aussi sûre de moi sur le fait que
02:14 "waouh, là je suis à la bonne place, au bon endroit, avec les bonnes personnes, au bon moment".
02:18 Ma première hospitalisation, en fait, c'est né parce que
02:22 j'avais un état dépressif qui était très profond.
02:25 Ce sentiment de vide quasi constant, il a toujours été là.
02:27 J'ai toujours été très dépressive.
02:29 J'ai toujours eu des pensées très sombres et très noires.
02:32 Sauf que quand j'étais petite, j'étais trop enfant pour que ça se traduise vraiment.
02:38 Quand j'étais adolescente, là c'était beaucoup d'auto-destruction.
02:41 Et on avait mis ça un peu en mode "bon ben je suis une crise d'ado un peu hardcore".
02:45 Mais c'est une crise d'ado.
02:47 Là, arrivée à l'âge adulte, j'étais beaucoup plus consciente des moyens de me faire du mal.
02:53 Et donc cet état dépressif a pris de plus en plus d'espace dans ma tête.
02:57 Et le souci, c'est que j'ai beaucoup tardé avant de demander de l'aide.
03:02 Le problème, c'est que ça a empiré de plus en plus.
03:04 Jusqu'au soir de novembre où j'ai eu un geste ce soir-là qui m'a conduit aux urgences psychiatriques.
03:12 Et en fait, quand je suis arrivée aux urgences psychiatriques, j'étais dans un état...
03:16 Et en fait, les psychiatres à ce moment-là, ils ont pris la meilleure décision me concernant.
03:20 C'est-à-dire l'hospitalisation parce que j'étais plus du tout apte
03:24 et plus du tout en capacité de prendre soin de ma santé et de ma sécurité.
03:28 Vraiment, à ce moment-là, j'avais juste envie d'en finir.
03:33 Vraiment, je ne pouvais plus.
03:35 C'était trop.
03:36 Et j'avais atteint un niveau de désespoir très intense que j'ai rarement vécu dans ma vie.
03:44 Après ça, je suis retournée en hôpital psychiatrique, mais cette fois-ci en hôpital de jour.
03:49 Donc, c'est-à-dire que tous les soirs, je rentrais chez moi.
03:51 Et parce que c'était une thérapie de groupe, donc on allait être plein de borderline face à une ou deux blouses blanches.
03:58 Et ça m'a permis de reprendre le lien avec l'hôpital.
04:00 Ça, c'est très important pour un peu cicatriser du truc.
04:04 Je pense que c'était vraiment la bonne décision parce que si j'étais restée là-dessus, ce n'était pas une bonne image.
04:08 Donc, je suis retournée au TAF.
04:10 Donc, entre la fin de mon contrat de travail et le début de l'hospitalisation, j'avais un mois de totale liberté.
04:18 Et j'avais vraiment besoin de me redéfinir moi en tant que personne.
04:21 Genre, couper tout ce qui me rattachait à la psychiatrie.
04:23 Ne plus rien avoir à faire avec ça et puis de voir, du coup, qu'est-ce qui en sort.
04:28 Donc, le but du jeu, c'était d'aller voir des aurores boréales.
04:30 Donc, c'est vrai que là, le plan, c'était de se mettre au bord de la route et de commencer à faire de l'autostop
04:36 pour aller voir des aurores boréales jusqu'en Laponie.
04:40 Donc, voilà, j'ai pris mon sac à dos.
04:41 J'ai pris une pancarte.
04:42 Bon, sur ma pancarte, j'ai écrit une phrase qui me tient très à cœur, qui est
04:46 "Be the change you want to see in the world".
04:48 Donc, soit le changement que tu veux voir dans le monde.
04:50 Et cette phrase, c'est une phrase qui m'a permis de sortir d'hôpital psychiatrique la première fois où j'étais hospitalisée.
04:55 Parce que je me souviens que je scrollais sur Instagram et à un moment, je ne sais pas qui a posté cette citation.
05:01 Je ne sais pas, moi, ça a tout débloqué dans ma tête.
05:03 Je me suis dit, mais en fait, la solution à ce problème, c'est ça.
05:06 C'est chacun, chacune, d'incarner dans la vie de tous les jours ce changement-là.
05:10 En gros, dans ce voyage, pour faire un peu une synthèse, j'ai fait 12 pays différents.
05:13 Dans ces 12 pays, j'en ai fait 7 en autostop.
05:16 Et donc, ça a été France, Belgique, Pays-Bas, Allemagne, Danemark, Suède, Finlande, Finlande, Laponie.
05:23 Puis ensuite, la redescente sur Estonie, Lettonie, Pologne, Autriche, République tchèque.
05:29 Les échanges que j'ai eus dans ces voitures avec ces personnes-là,
05:32 c'est des échanges que je n'aurais jamais ailleurs, tout simplement,
05:36 parce qu'on est dans un contexte où je suis une totale inconnue
05:39 et on sait qu'on va partager une heure de route ensemble et qu'on ne se reverra plus jamais après.
05:44 Et donc, ça donne des conversations de personnes qui vont se confier à cœur ouvert sur leur vécu vraiment.
05:51 Et ça donne une richesse des conversations absolument extraordinaire.
05:56 Toutes les personnes qui se sont arrêtées, absolument toutes les personnes qui m'ont prise,
06:00 elles m'ont toutes dit exactement la même chose.
06:02 C'est "Oh mon Dieu, vous êtes toute seule, mais vous n'avez pas peur".
06:05 Ça, mais tout le monde, vraiment.
06:08 C'est-à-dire que... Alors, bien évidemment qu'il y a un risque.
06:10 Mais je veux dire, le risque, quand on a une femme seule, il est partout. Vraiment.
06:15 C'est-à-dire que moi, quand je rentre le soir et que je prends le métro toute seule, je peux me faire agresser.
06:21 Moi, je m'impose quand même à moi-même des règles de sécurité
06:25 qui me permettent de faire de l'auto-stop de façon totalement sereine et totalement...
06:30 Bon alors, pas totalement sécurisée, mais en tout cas, moi, de mon côté, je suis 100% sereine.
06:34 Par exemple, au début, ça va être ne pas faire de l'auto-stop sur de très longues distances.
06:39 Le faire sur, par exemple, une heure.
06:40 Ne jamais faire de l'auto-stop la nuit. Toujours le faire le matin, en journée.
06:44 Ça aussi, c'est important. Être toujours à l'écoute de soi et de son instinct.
06:49 Ça, c'est un vrai problème.
06:51 Je trouve, quand on a une femme, on est trop éduquée et élevée à...
06:55 "Mais si, tu peux faire plaisir. Mais oui, allez, dis oui, etc."
06:59 Sauf que ça, c'est pas nous rendre service.
07:01 C'est vraiment pas nous rendre service parce que justement, quand on est seule, livrée à nous-mêmes,
07:05 on doit se faire confiance et écouter notre instinct.
07:08 Et ça, c'est quelque chose qui est super important.
07:09 C'est-à-dire que même si la personne, c'est la plus accueillante possible,
07:14 si moi, à l'intérieur, je le sens pas, c'est mort.
07:17 Je ne vais pas y aller.
07:18 Si vous voulez faire de l'auto-stop, l'Allemagne, c'est le meilleur pays du monde pour faire de l'auto-stop.
07:23 Les Allemands, ils s'arrêtent hyper facilement.
07:25 Ils sont tous hyper open, hyper délire et tout, vraiment.
07:28 Parce qu'il y a aussi ce truc-là de l'auto-stop, c'est pas forcément culturel pour tous les pays.
07:33 Donc, il y a des pays dans lesquels ça marche pas parce qu'ils sont pas auto-stop,
07:37 et il y a des pays dans lesquels ça marche trop bien et c'est trop génial.
07:39 L'Allemagne et le Danemark, c'est les deux pays qui ont le mieux fonctionné pour moi, me concernant.
07:44 Alors, petite anecdote d'auto-stop.
07:46 J'étais en Allemagne et donc, il y a un couple qui m'arrête à une station essence.
07:51 Et mon objectif, c'était d'aller au Danemark.
07:54 Et donc, il y a une voiture immatriculée Danemark.
07:57 Je sais même pas qui il y a dans la voiture.
07:59 Je fonce et je leur dis bonjour et tout.
08:04 J'essaye d'aller au Danemark.
08:06 Est-ce que je peux venir avec vous ?
08:08 Et il s'avère que c'était un petit papy, une petite mamie danoise.
08:11 Et donc, ils papotent entre eux et tout.
08:14 Et puis après, ils vont aller rentrer.
08:15 Sauf qu'au début, ils étaient quand même assez réticents dans le sens où ils m'ont pris.
08:19 Mais ils m'ont dit par contre, on vous dépose à la frontière entre l'Allemagne et le Danemark.
08:26 Parce que ce qu'il faut comprendre, c'est qu'en auto-stop,
08:28 ce qui est le plus difficile, c'est le passage des frontières.
08:31 Je sais pas pourquoi.
08:32 Donc au début, c'était vraiment une toute petite distance.
08:35 Et en fait, on papote, on papote, on papote.
08:37 Et en fait, on se met à déconner, à rire et tout.
08:40 Et ça se passe super bien.
08:41 De 10 minutes de voiture, on passe une heure ensemble.
08:43 Au bout de une heure ensemble, donc on franchit la frontière du Danemark.
08:47 On continue à papoter, etc.
08:49 Et finalement, 4 heures de voiture après,
08:51 je suis toujours avec eux en train de papoter, en train de nanana, etc.
08:54 Donc de 10 minutes, on est passé à une heure.
08:56 De une heure, on est passé à 4 heures.
08:57 Et en fait, au bout de 4 heures, ils disent
08:59 "Mais vous voulez pas rester dormir à la maison et tout ?"
09:02 Donc moi, je suis trop contente.
09:03 Je fais "Bah ouais, carrément !"
09:05 Donc au final, ils me ramènent chez eux.
09:08 Je dors chez eux.
09:09 Et en fait, ils se sont tellement pris d'affection pour moi
09:13 qu'ils voulaient plus me laisser partir.
09:16 Le lendemain matin, ils m'ont dit
09:17 "Mais vous êtes sûre que vous voulez retourner sur la route, etc."
09:20 Donc ils m'emmènent sur le point d'autostop.
09:22 Et là, ce petit papy et cette petite mamie du Danemark,
09:26 ils sont restés dans la voiture
09:29 jusqu'à attendre qu'une voiture me prenne.
09:33 Enfin, ils sont d'une bienveillance, d'une gentillesse absolument extraordinaire.
09:36 Ils se sont vraiment pris d'affection pour moi.
09:39 Et ça, je ne m'y attendais pas du tout.
09:40 Ce que j'ai préféré, c'est la Finlande.
09:42 Même si bien évidemment, il y a eu des étapes hyper importantes
09:45 et j'ai eu des rencontres super fortes dans d'autres pays aussi.
09:47 Et j'ai des anecdotes pratiquement dans tous les pays.
09:50 Mon rêve le plus ultime et le plus profond,
09:52 c'était d'aller en Laponie finlandaise,
09:55 ce qui me paraissait totalement insurmontable.
09:57 En fait, c'est vrai que je faisais de l'autostop,
09:59 mais je ne me rendais pas compte que j'avançais.
10:01 Vu que chaque jour, j'avais qu'une seule préoccupation,
10:04 c'était où dormir, comment manger, comment avancer.
10:07 Enfin, moi, je ne sais pas, j'étais dans mon délire, dans mon trip,
10:09 mais à aucun moment, je me suis dit que j'allais vraiment arriver en Laponie finlandaise.
10:13 Et à un moment, je me suis retrouvée en Suède ou en Finlande.
10:16 Il faisait super froid parce qu'il faisait -10 degrés.
10:18 J'étais sur le bord de la route.
10:20 J'étais là en mode "mais attends, je suis en Finlande ?
10:24 Je suis vraiment arrivée en Finlande ?"
10:26 Et en fait, à ce moment-là, je me suis vraiment dit "mais mon Dieu,
10:28 je n'ai aucune limite, je peux vraiment réaliser tout ce que je veux en fait."
10:33 Ce voyage-là, il m'a vraiment permis de redécouvrir mes capacités.
10:38 Ce n'est pas quand je me réveille, je vais à l'hôpital psychiatrique,
10:41 je vais en thérapie, je rentre chez moi.
10:42 Ce n'est pas comme ça que je vais prendre conscience de mes ressources vraiment.
10:45 Et pour moi, c'est quand on se met dans des situations de difficulté
10:48 et c'est là où vraiment on découvre qui on est,
10:51 on découvre finalement "ok, on va se sortir les doigts des fesses,
10:55 on va un peu se secouer et puis on va aller chercher des solutions."
10:59 Parce que sinon, forcément, je reste au bord de la route, je pleure.
11:02 Et comme ça, "mais mon Dieu, venez me chercher" et puis il ne se passe rien du tout.
11:05 Personnellement, j'étais sous stabilisateur d'humeur durant tout mon voyage.
11:09 J'avais mes docs qui étaient avec moi et ça, je pense que c'est important de le préciser
11:14 parce que c'est vrai que depuis que je suis sous stabilisateur d'humeur,
11:18 moi j'estime que je suis stabilisée d'une certaine façon et d'une certaine forme.
11:23 Alors après, bien évidemment, j'aurai toujours des hauts très hauts et des bas très bas.
11:27 Et ça, ça s'est vu dans mon voyage.
11:29 C'est-à-dire quand l'autostop marche, je suis la meilleure du monde, je peux tout accomplir.
11:33 Quand l'autostop ne marche pas, "mon Dieu, c'est horrible, qu'est-ce que je fais là ?
11:36 J'ai envie d'appeler ma maman, j'ai envie de rentrer en France et tout".
11:41 Donc, il y a eu des pics émotionnels, mais moi je me suis toujours connue comme ça.
11:46 Que ce soit en voyage ou pas en voyage, dans tous les cas, les pics émotionnels, ils sont là, ils sont présents.
11:51 Donc le trouble, il se traduit de cette façon-là.
11:54 Par contre, il n'y a pas eu de mise en danger volontaire, il n'y a pas eu de vraiment prise de risque, etc.
12:00 parce que je l'ai fait dans un état où j'étais stabilisée.
12:02 Mon point final et mon objectif de base, c'était d'aller voir des aurores boréales, réaliser l'un de mes plus grands rêves.
12:09 C'était ça qui m'avait motivée pendant tout mon voyage.
12:12 J'arrive en Laponie, je suis hébergée, etc.
12:15 Et là, je fais la dépense plus grosse de tout mon voyage.
12:18 Je boucle un espèce de chasseur d'aurores boréales qui connaît les spots, etc.
12:22 Mais j'étais là en mode "Allez, j'ai fait tout ça pour ce moment-là".
12:26 Et ce qu'il faut savoir, c'est qu'on a cherché des aurores boréales à -25°C jusqu'à, je crois, 1h du matin.
12:32 On n'a pas vu d'aurores boréales.
12:35 Donc en fait, le guide nous a expliqué qu'il ne faisait pas assez froid et qu'il fallait qu'il fasse -30°C
12:40 parce qu'à -30°C, il fait tellement froid que les nuages partent.
12:44 À ce moment-là, j'étais désespérée.
12:48 Mais en fait, à ce moment-là, je pense que c'est l'une des plus grandes leçons que ce voyage m'a appris.
12:53 C'est que finalement, est-ce que tous les rêves sont faits pour être réalisés ?
12:58 Est-ce que finalement, ce n'est pas justement tout le chemin qui est à savourer, etc. ?
13:04 Et en fait, je me suis dit "Mais attends, OK, tu n'as pas vu d'aurores boréales, mais est-ce que tu réalises
13:08 que tu as fait de l'autostop, que tu as voyagé dans plein de pays différents,
13:11 que tu n'avais pas une thune et que tu t'es démerdée toute seule ?
13:15 Les connexions extraordinaires que tu as eues...
13:16 Au début, j'ai eu un énorme sentiment d'échec.
13:19 Je me suis dit "Bah, j'ai échoué".
13:20 Et en fait, ça a été tout le processus dans ma tête en mode "Bah non".
13:23 C'est juste que c'était quelque chose qui me tenait à cœur et c'est ça qui m'a motivée.
13:27 Et je pense que c'est important d'avoir quelque chose qui me motive,
13:29 qui soit une vision, une grande vision, qui t'aide à te réveiller le matin et à y aller.
13:35 Mais en fait, c'est chaque petite étape qui compte.
13:37 C'est vraiment... J'ai dépassé tellement fort toutes mes limites.
13:41 Je me suis tellement investie là-dedans.
13:44 Il n'y a plus grande gratitude que je peux avoir.
13:46 C'est "Toi, meuf, badeur, quoi !"
13:49 Donc après cet échec de non-visionnage des aurores boréales,
13:53 il a fallu quand même se remotiver à faire de l'autostop pour le chemin du retour.
13:58 Je me disais "Là, je dois faire de l'autostop pour rentrer en hôpital psychiatrique".
14:02 Donc la dynamique n'est pas du tout la même, la motivation n'est pas la même.
14:06 Il y avait aussi ce risque-là où j'étais vachement stressée vers la fin.
14:10 C'est pour ça que j'ai pris des bus vers la fin et que je n'ai pas fait de l'autostop à fond.
14:13 Ça, c'est mon petit regret du voyage.
14:16 Mais parce qu'il fallait que je rentre à l'hôpital
14:20 et j'avais super peur que ma place saute parce qu'il y a des listes d'attente qui sont quand même assez longues.
14:26 Et là-dessus, ils ont été cools.
14:28 Je suis arrivée avec une semaine de retard, mais je suis arrivée et j'ai pu faire ma thérapie.
14:31 Je crois que j'ai eu un week-end, fort heureusement,
14:34 et le lundi, j'étais de retour à l'hôpital psychiatrique.
14:36 Et là, ça a été dur.
14:38 Ça a été dur et en même temps, ma mentalité avait totalement changé.
14:42 C'est-à-dire que je me suis dit
14:43 "Si j'ai réussi à découvrir des capacités que je ne connaissais pas et que je n'avais pas,
14:48 ça fait un mois et une semaine qu'il m'arrive que des galères,
14:51 j'ai que des galères, mais j'ai toujours réussi à trouver une solution.
14:55 Tout le temps, tout le temps, tout le temps, chaque galère a sa solution."
14:58 Ça, c'est bien un truc que l'autostop m'a appris,
15:00 c'est que peu importe ce qui se passe, il y a une solution.
15:03 Peut-être que ce n'est pas la solution que tu aurais souhaitée, mais il y en a une.
15:05 Et en fait, je suis arrivée en thérapie un peu comme ça, où je me suis dit
15:08 "OK, il va y avoir des problématiques,
15:11 et je sais que peu importe la problématique qui va se passer en thérapie,
15:15 j'ai les ressources et j'ai la solution."
15:17 Et c'est ça qui a totalement changé dans ma tête,
15:20 c'est que cette mentalité-là, avant je ne l'avais pas du tout.
15:23 Avant, je subissais tout mon parcours psychiatrique.
15:26 On me disait de faire ci, je le faisais, mais c'était très compliqué et tout.
15:30 Et en fait, finalement, ces mois de thérapie, ils ont été très durs,
15:34 mais j'avais une totale autre mentalité qui me faisait
15:37 "OK, je sais que je peux m'investir là-dedans,
15:41 je sais que j'ai les ressources pour faire ce chemin thérapeutique."
15:45 Et donc, s'en est suivie ma reprise d'études pour être sophrologue,
15:48 pour être père aidante.
15:50 La père aidance, c'est des personnes qui vivent des troubles psychiques,
15:53 qui sont stabilisés, et qui vont intervenir dans les hôpitaux psychiatriques
15:58 pour les "nouvelles personnes" qui viennent d'être diagnostiquées.
16:01 Quand on est en psychiatrie, on a les infirmiers, les adsoignants,
16:04 les psychologues, les psychiatres.
16:06 Mais je trouve qu'on manque de cette personne qui a vécu le truc,
16:10 qui sait de quoi il ou elle parle,
16:12 où on va pouvoir faire des groupes de parole sur
16:14 "OK, comment vous avez vécu le diagnostic ?
16:16 OK, les médocs, les effets secondaires, il faut qu'on en parle.
16:19 La vie de famille, comment ça se passe ?"
16:21 Enfin, toutes ces questions-là.
16:22 Disons que, eux, les psychiatres, leur boulot, c'est la stabilisation.
16:26 Donc, ils vont nous donner des traitements médicamenteux,
16:28 ils vont nous réorienter vers des thérapies.
16:30 Mais il y a cette partie qui est vraiment manquante,
16:33 qui est, en dehors de la stabilisation,
16:35 il y a autre chose qui est le rétablissement.
16:39 Donc, stabilisation, c'est tout ce qui est médical.
16:41 On stabilise la personne dans son trouble.
16:43 Et ensuite, ça commence, on se rétablit de ça dans la société.
16:46 C'est-à-dire qu'autant c'est très peu développé,
16:48 autant il y a une demande qui...
16:51 Enfin, la demande, elle est là, quoi !
16:52 Genre, je sais pas, les bipolaires, les schizophrènes,
16:55 ou même les pères aidants famille, c'est extraordinaire, ça.
16:58 Les pères aidants famille, c'est par exemple des parents
17:00 qui ont un enfant qui a un trouble psychique,
17:02 qui vont intervenir pour les autres parents
17:04 qui sont paumés, qui ne savent pas, etc.
17:07 Aujourd'hui, je pense que le Troupe Borderline,
17:09 j'ai fait la paix avec.
17:10 Je me sens vraiment bien dans mes baskets
17:12 et bien dans ma peau avec ça.
17:14 Moi, je suis très fière de ce que j'en ai fait derrière.
17:17 Si moi, je peux agir à ma petite échelle
17:20 à essayer de déstigmatiser le plus possible
17:23 toutes les idées reçues sur la santé mentale
17:25 et les personnes qui ont des troubles psychiques,
17:26 mais oh my God, bien sûr que j'y vais.
17:28 Quand je fais des conférences,
17:30 je sens que ça fait du bien
17:32 de voir quelqu'un qui en parle de façon totalement décomplexée,
17:36 de voir qu'on peut poser toutes les questions
17:38 qu'on a envie de poser,
17:39 peu importe, même si on n'a pas les bons mots,
17:42 même si on a l'impression que c'est hyper maladroit, etc.
17:45 On peut en parler et en fait, c'est ça
17:47 dont on a besoin aujourd'hui dans notre société,
17:49 c'est de parler de tous ces sujets qui sont tabous,
17:51 mais il faut qu'on fasse bouger les choses,
17:52 ce n'est plus possible.
17:53 Je ne sais pas si les gens se rendent compte
17:55 d'à quel point c'est difficile d'assumer un trouble psychique
17:58 dans sa vie de tous les jours et dans sa vie quotidienne.
18:00 Et c'est justement pour ça qu'on a besoin
18:02 d'avoir accès à un maximum de témoignages.

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