Lorsque l’on parcourt de nombreux pays et que l’on découvre chaque jour un peu plus une culture qui n’est pas la nôtre, ce qu’on perçoit comme des aventures peuvent se transformer en mises en danger sans que nous en ayons conscience.
Léo a voyagé à travers l’Amérique du Sud et s’est retrouvé dans des situations qui auraient fait perdre leur sang froid à de nombreuses personnes. Pourtant, il ne garde que de bons souvenirs de ces expériences qui auraient parfois pu lui coûter cher. Il est venu nous parler des moments qui l’ont le plus marqué.
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00:00 Et ce soir, du coup, j'entends...
00:02 Je crois que c'est des effets d'artifice au début.
00:03 Il y a souvent des effets d'artifice en Amérique du Sud.
00:05 Et c'est des coups de feu, en fait.
00:06 Là, je commence à avoir peur.
00:07 Je laisse tout derrière moi, je perds tout.
00:09 T'as cette fusillade, t'es en train de briller.
00:11 On se dit, peu importe, fusillade ou pas, c'est férié,
00:14 c'est le week-end, c'est le dimanche.
00:15 Il se passe rien pour toi.
00:16 Là, tu comprends, va falloir que tu te débrouilles tout seul.
00:18 Je suis parti jusqu'au Brésil,
00:19 et donc au Paraguay.
00:22 Au Paraguay, on a décidé,
00:23 puisque c'était possible d'ailleurs d'acheter un permis sous le manteau,
00:26 tu vas à deux heures de la ville d'Ascension,
00:29 tu glisses 15 ou 20 euros dans ton portefeuille,
00:32 dans ton passeport, et hop, t'as un permis pour conduire tout.
00:34 Tu dis tout, tu dis moto, mais c'est tout.
00:36 Donc on se prend deux petites motos.
00:37 Ça, je précise bien, c'est deux petites 125 en se disant,
00:39 on ira jusqu'en Colombie, qui est à 6000 kilomètres, tout le temps.
00:43 Et on part, mon pote n'avait jamais conduit de sa vie,
00:45 donc il se retrouve à Ascension à faire ça,
00:46 et on va rouler, du coup, dans Chaco,
00:48 qui est 1500 kilomètres de ligne droite, donc c'est que du désert.
00:50 Et on rêvait, arriver du coup, jusque la frontière,
00:54 donc Rujuy, entre l'Argentine et le Chili.
00:56 Là, on arrive dans des endroits où l'altitude fait déjà que ta moto n'a plus d'air.
00:59 Et il fait entre -4, -5, -6 degrés.
01:03 Donc forcément, on n'est pas équipé.
01:04 Forcément, on n'a rien à part notre petite jaquette Décathlon
01:06 qu'on avait achetée avant de partir.
01:07 Et du coup, on se retrouve avec nos deux motos à mettre des heures,
01:10 et des jours, et des jours, juste pour monter ces petites rues sinueuses,
01:13 dormir chez l'habitant à chaque fois,
01:14 et arriver à cette frontière entre l'Argentine et le Chili.
01:16 Et arrivé à cette frontière, il y a vraiment,
01:18 il y a une des deux motos où la dame fait "non, vous ne passez pas".
01:21 Et cette moto ne passe pas, donc il faut la renvoyer au Paraguay.
01:23 Elle ne fait jamais.
01:24 Donc on fait 5 kilomètres, enfin juste demi-tour,
01:26 on voit la première station essence, qui veut une moto ?
01:28 On vend la moto, on met l'Argentin, les contents, on récupère.
01:31 Et le lendemain, on repart directement à la frontière.
01:34 On arrive à la frontière et on a mis tout sur la petite moto.
01:38 Il y avait en gros 240 kg entre moi, mes affaires et mon pote
01:41 sur cette toute petite moto 125.
01:43 Et on revient à la frontière et puis la dame, elle dit "non, mais non,
01:45 enfin non, mais je ne peux pas vous laisser passer en fait".
01:47 Ma moto est en règle, j'y vais.
01:49 "Non, mais vous allez mourir, je ne veux pas vous laisser passer".
01:51 J'ai dit "mais non, on ira quand même, pourquoi ?
01:52 On fait peut-être 2 000, on ira".
01:53 Et on part en moto, on continue la route qui monte vers 4 000 et quelques.
01:57 Et on sait qu'on ne fera pas.
01:58 Et on se met à faire du stop en moto du coup,
01:59 en espérant qu'un camion nous arrête et charge la moto dedans.
02:02 Et ce qui arrive, je ne sais pas, 2-3 heures plus tard,
02:05 il y a un mec qui s'arrête avec son grand camion qui cherche des voitures.
02:07 Et il a reconnu la moto du Paraguay, lui aussi avec un camion du Paraguay.
02:10 Donc il s'est dit "mais vous êtes complètement fou ou complètement con, je ne sais pas".
02:14 Et du coup, il nous a pris avec lui dans le camion.
02:16 Et après sur tout le trajet, on est arrivé jusqu'au désert d'Atacama.
02:18 On a remarqué, enfin oui, c'était tout enneigé.
02:21 Rien que le camion, déjà bougé avec le vent, on n'aurait jamais réussi.
02:24 Il n'y avait aucun village, aucun endroit.
02:26 Donc ouais, s'il n'y avait pas ce camion, je ne sais pas,
02:28 je pense que la petite dame aurait raison à la frontière quoi.
02:30 Donc il nous a déposé à Atacama, dans le désert le plus aride du monde.
02:33 Où, changement de pression, on s'est retrouvé le pneu éclaté du coup,
02:36 à devoir pousser la moto en plein milieu dans 40 degrés, toutes nos affaires.
02:40 Et ensuite du coup, on est remonté à travers tout le désert de Bolivie.
02:44 Même principe, trop haut, pas d'air.
02:46 Jusqu'au lac.
02:48 De là du coup, moi j'ai laissé ma moto et je suis parti du coup en Équateur.
02:51 Je prends ce bus de 48 heures, un petit bus quoi, qui traverse tout le Pérou.
02:56 Et arrivé là-bas, comme d'hab, j'arrive à Guayaquil,
02:59 donc dans une ville où je ne sais pas où je vais.
03:01 Je cherche un hôtel, donc dans mes petits moyens, je n'en trouve pas.
03:03 Et puis on me dit, bah, dans le quartier chinois là-bas,
03:06 t'auras des hôtels pas chers.
03:07 Moi je me retrouve là le soir avec toutes mes affaires, il est 11h30.
03:10 D'ailleurs, ne jamais être tout seul dans les mauvais quartiers.
03:13 En général, la nuit, dans n'importe quelle ville du monde.
03:15 Et j'arrive et puis je croise du coup, quelqu'un qui est en SDF.
03:18 Je le regarde et puis je lui fais un sourire, je tourne à tout le monde.
03:21 Et puis il me regarde et puis il me fait un petit signe de la main, comme ça.
03:24 Bon, je ne sais pas plus ce que ça, je marche.
03:26 Et puis là, je sens qu'il se lève derrière moi.
03:27 Et du coup, je me retourne et je vois sa lame en fait.
03:30 Je vois qu'il avance et moi avec un couteau.
03:31 Donc, un petit stress arrive quand même,
03:33 ce n'est pas une situation qu'on est habitué à gérer.
03:35 Et moi du Népal, j'avais toujours dans mon sac un manche qui dépassait comme ça.
03:40 Donc au début, c'était mon couteau népalais,
03:42 donc un couteau qui était grand comme ça.
03:43 C'était plus un couteau de décoration au final.
03:46 Mais qui était fait exprès de m'être toujours à dépasser de mon sac.
03:48 Je me suis toujours dit avec mon pote, on est deux barbus,
03:50 tu as un couteau qui dépasse.
03:51 Si tu veux agresser quelqu'un, ce n'est pas vers moi qu'on va aller.
03:54 Et du coup, c'était la première fois où je me retrouve avec ce gars qui me suit avec son couteau.
03:58 Donc, je me retourne, je sors mon grand couteau devant lui.
04:01 Et à ce moment-là, la peur n'est pas tellement de
04:04 je vais me faire planter autre,
04:05 parce que je sais que si vraiment il avance,
04:07 je lâche mon sac et je me barre.
04:08 Je ne vais pas aller à la baston, c'est plus le côté.
04:11 Mais s'il vient, je fais quoi ?
04:12 Je le tue ?
04:13 Ou c'est plus cette peur-là de dire que je dois tuer quelqu'un.
04:16 Tu as une arme dans la main et un mec qui avance vers toi au couteau.
04:19 C'est plus cette peur-là qui est venue dans ma tête.
04:21 J'avais plus peur de devoir tuer une personne que de me faire tuer au final l'autre.
04:26 Et du coup, le fait est qu'il avançait jusqu'au bout.
04:28 Et puis, quand on a vu le couteau, il est parti, il s'est retourné.
04:31 Du coup, il est parti en vitesse jusqu'à l'hôtel.
04:34 Et ça, j'ai toujours gardé derrière après.
04:36 Si je n'avais plus ce couteau-là, j'avais toujours une machette.
04:37 J'avais toujours des choses qui ne coupent même pas.
04:38 Mais j'avais toujours des choses qui dépassaient de mon sac
04:41 où la dissuasion est suffisante.
04:44 La bêtise du manque de crainte, des fois,
04:46 c'est justement de penser qu'il ne peut jamais rien t'arriver.
04:48 Déjà au Népal, il s'est arrivé plein de choses en mon temps,
04:51 plein de situations similaires.
04:52 Mais on était à Esperanza, qui est un petit village à côté de Quito, la capitale.
04:56 Et il y avait ce volcan qui était à 4 300 m, 4 500 m.
04:59 Du coup, on dit "Ah tiens, on irait bien grimper en haut".
05:03 Enfin, comme d'hab, j'ai dit à Charlie "Ça te dirait pas on irait en haut ?"
05:04 Et puis, dans ma tête, il dit non.
05:06 "Ah ouais, carrément, genre, ok."
05:08 Et du coup, on peut y aller comme ça, je ne sais plus son nom.
05:10 "Ah ouais, t'inquiète, tu peux y aller, il n'y a pas de souci."
05:12 "Ouais, nickel."
05:13 Donc on part, à savoir que lui et moi, on a le vertige.
05:16 Charlie et moi, mon pote, on a le vertige, on n'aime pas ça à la hauteur.
05:18 Donc on part, il pleut, c'est assez beau, c'est sympa.
05:20 Et on arrive du coup, donc, à tout le chemin de terre,
05:22 et puis on commence à devoir escalader.
05:24 On a escaladé à main nue.
05:25 Et là, on se rend compte qu'il y avait quand même des gens qui étaient là,
05:27 un petit groupe où ils étaient tous avec des harnais,
05:29 avec quelqu'un, avec une corde et des casques.
05:31 On commence à escalader, il commence à pleuvoir aussi,
05:34 donc ça devient un peu plus flippant.
05:35 Et du coup, il y a beaucoup de nuages autour, et en fait, on ne voit rien.
05:38 On arrive là-haut, déjà, on escalade dans les nuages.
05:41 Puis on se dit, bon, on les perd de vue, en fait,
05:43 parce qu'on grimpe plus vite qu'eux.
05:45 En fait, eux, ils sont déjà en train de redescendre.
05:47 C'était déjà là, le sommet.
05:48 Puis nous, on pensait que la descente, c'était de l'autre côté du volcan.
05:51 Donc on fait tout le tour de la crête,
05:52 ce qui est en gros pas un petit chemin,
05:54 c'est désescalader, redescalader, désescalader, redescalader,
05:57 en se disant, c'est là-bas qu'on descend.
05:58 Et à l'autre côté, on se rend compte que ce n'est pas du tout là-bas qu'on descend,
06:01 et que les gens qu'on avait vus, en fait, étaient déjà au top du volcan.
06:04 On se retrouve du coup à faire demi-tour,
06:06 sauf que là, désescalader,
06:08 quand c'est mouillé, dans les nuages,
06:10 on se retrouve très vite où tu ne vois rien, en plus.
06:13 Tu ne sais pas, tu es dans le nuage, tu ne vois rien,
06:16 tu es agrippé, tu es pas loin de la paralysie de...
06:19 Merde, là, en plus, j'ai vertige.
06:21 Limite, c'est aussi bien que tu n'es pas dans les nuages,
06:23 parce que je ne vois pas le bas.
06:24 Mais là, il ne faut vraiment pas que je reste bloqué.
06:26 Mon pote Charlie, qui commence à paniquer, à se filmer,
06:29 du coup, en mode, papa, maman, je vous aime.
06:31 Il faut retrouver ce téléphone, etc.
06:33 Je ne sais pas pourquoi Charlie ne commence pas à faire un message comme ça,
06:35 c'est pas grave, ça va le faire.
06:37 Et du coup, un truc qui met deux, trois heures dans la journée,
06:39 on a mis neuf heures à monter et descendre.
06:41 On a fini par réussir à tout désescalader,
06:44 puis redescendre tout sur les fesses dans la boue,
06:46 et arriver dans un état ultra fatigué.
06:49 L'auberge, où il nous dit,
06:50 d'ailleurs, dans l'auberge, on voit un petit prix posé
06:53 par le ministère de la France.
06:54 Ce mec-là, on lui dit, c'est quoi, ça d'ailleurs ?
06:56 Ah, ça, c'est quand j'ai retrouvé le corps d'un Français
06:59 qui était parti escalader le volcan.
07:00 On m'avait filé en France, du coup, après,
07:02 ils étaient venus, mais moi, comme je cours souvent là-haut,
07:04 j'ai retrouvé le corps.
07:05 Ça ne nous a pas dit qu'à la base, on pouvait y aller tranquillement.
07:07 C'est ce genre de truc où tu te retrouves dans des situations
07:10 que tu as choisis toi-même, clairement,
07:13 par manque de crainte de "ouais, mais ça va le faire, ça se fait,
07:16 on a déjà été au Népal, tu pourras faire ça".
07:17 Et puis, plus tu fais des choses comme ça, en plus,
07:19 et plus tu viens un peu stupide dans le sens de "ah, il m'est déjà arrivé ça,
07:22 ça va, j'ai déjà traversé ça en moto,
07:23 j'ai déjà... au Népal, on était à 6000 mètres,
07:25 on avait escaladé ça, bah oui, ça, c'est pas plus".
07:28 Du coup, après l'Équateur, je me suis retrouvé à faire une quinzaine d'autres pays
07:32 pendant les deux années qu'on suivit, plus ou moins,
07:34 jusqu'à me retrouver, du coup, à Malaga.
07:37 Et du coup, on est arrivé à Malaga,
07:38 où on a embarqué sur un voilier sur lequel on a resté pendant un mois et demi.
07:42 On voulait embarquer sur ce petit voilier, en plus,
07:44 parce que c'était un petit bateau de 9 mètres
07:46 et qu'on avait le rêve de faire le tour du monde en voilier.
07:48 On tombe sur Régis.
07:49 Régis, du coup, avait un bateau de 9 mètres en assez piteux état,
07:53 mais nous, on était contents, on s'en foutait.
07:54 On avait quelqu'un qui voulait bien nous prendre en voilier,
07:56 on allait apprendre, c'était super.
07:58 Un petit bateau de 9 mètres, c'est pas très grand, mais génial.
08:00 "Et tu vas jusqu'en Amérique du Sud ?"
08:01 "Ouais, on va jusqu'aux Antilles."
08:03 Top.
08:03 Nous, on était contents, on avait trouvé notre bateau.
08:05 Du coup, on a découvert la voile.
08:06 Du coup, on se retrouve assez vite à Gibraltar
08:09 et c'est à ce moment-là que notre très cher Régis décide d'essayer son SPI.
08:12 Donc, son SPI, c'est la voile avant du bateau qui, en dos, le fait avancer.
08:15 C'est puissant comme voile.
08:17 Et du coup, il savait qu'elle était un peu trop grande, on lui avait dit,
08:19 mais il a quand même voulu l'essayer.
08:20 On s'est retrouvés à cet endroit-là, qui est déjà pas facile à passer en bateau
08:24 parce qu'il y a un courant énorme qui arrive
08:25 et on galère déjà à avancer, à essayer ce SPI.
08:27 Et donc, moi, je suis à la barre.
08:29 Je sens qu'en gros, le SPI est trop grand et que ça envoie du coup le bateau vers l'avant.
08:32 Le problème d'une trop grande voile, ça peut faire couler ton bateau vers l'avant.
08:37 Du coup, tu sens cette tension énorme qui arrive dans la voile
08:39 et la voile qui explose en mille morceaux.
08:42 Vraiment, trop de vent, tout explose, t'es en panique, tu tiens la barre.
08:45 Et je vois mon pote Francis, du coup, avec la barre,
08:48 qui se retrouve avec la barre entre les mains.
08:50 C'est-à-dire, la roue, elle avait sauté, elle était entre les mains.
08:53 Il me regarde, le bateau qui va dans l'autre sens, je dis "Ah, panique, remets-le", etc.
08:57 Premièrement, la sensation de ça m'a être compliqué quand même ce voyage.
09:00 Ça, c'était au bout de 3-4 jours.
09:02 De Gibraltar au Canary, par exemple, il te faut une semaine pour y aller, maximum.
09:06 Ça m'a mis 12 ou 13 jours.
09:08 Donc, autant dire que vraiment mon père, qui est marin, il pensait qu'on était mort.
09:11 Parce que 7 jours, personne fait si peu.
09:13 Et nous, on a réussi, du coup, à casser la voile avant, pas forcément vite.
09:17 Avoir le... plus d'électricité dans le bateau.
09:20 Donc, on avait plus rien d'automatique.
09:21 Tout était juste en tapant tout le moins, ça, là-bas.
09:24 Les réparations, quand il y avait des fuites dans le bateau,
09:26 on dirait qu'ils mettaient du Babybel pour fixer les fuites.
09:29 Donc, toujours trempé, quoi.
09:31 Et on arrive, du coup, autour du premier...
09:33 On est arrivé pile-poil le 31 décembre au Cap Vert,
09:36 donc je ne sais plus comment ça s'appelle, la première île, l'île de sable.
09:39 On était tout contents d'arriver là-bas, en fin de terre.
09:41 Parce que pendant un mois sans toucher terre, aussi,
09:43 ça fait quelque chose quand il arrive, quoi.
09:47 Et on repart le lendemain, je me rappelle, j'étais à la barre,
09:49 je sentais d'ailleurs toujours cette odeur des oeufs.
09:52 Les oeufs du matin qui ont les bacon, je fais "Ah, ça sent bon", et tout.
09:56 En fait, je regarde et en fait, ce n'était pas du tout les oeufs,
09:58 c'est que du coup, la poêle, il y avait une flamme qui sortait, en fait,
10:01 sous le réchaud à gaz.
10:02 Je me rappelle avoir dit à Régis,
10:03 "C'est la bonne bouteille de gaz que tu n'as pas acheté."
10:05 Parce que Régis ne voulait jamais trop dépenser ses sous.
10:08 Je ne disais pas "La promotion, c'est bien la bonne bouteille, oui, oui."
10:10 Mais non, ce n'était pas la bonne bouteille,
10:11 il avait fixé qu'une chambre à air pour relier la bouteille jusqu'au gaz.
10:15 Donc du coup, la flamme qui sort.
10:18 Moi, je ne panique pas trop, je me dis "C'est du gaz, tu coupes, prends marre,
10:21 de toute façon, tu as l'extincteur que là."
10:22 Et lui commence à paniquer.
10:23 En fait, le problème, c'est que l'intérieur du bateau,
10:25 c'était des paillottes de petites paillasses de plage.
10:28 Tu mets sous les serviettes en paille, tout a pris feu directement.
10:34 Mon pote Francis qui dormait devant, du coup,
10:36 au début, on l'a réveillé en panique, Francis sort de là.
10:38 Lui, il réflexe de se mettre contre le mur avec son oreiller
10:42 au cas où il y ait une explosion de la bouteille de gaz.
10:44 Il s'est dit "Ce n'est pas mon oreiller qui va vraiment me sauver de là."
10:48 Il a traversé les flammes et pour le dire, moi, je suis à la barre,
10:50 mais tu as vraiment les flammes qui sortent entièrement de toute la cabine.
10:53 La chance qu'on a à ce moment-là, déjà, c'est qu'il n'y a pas de vent.
10:55 Donc du coup, c'est le matin.
10:56 Parce que ça arrivait en pleine nuit, on se faisait des cafés, c'est catastrophique.
10:59 Et là, du coup, moi, je lâche la barre, Francis est dehors,
11:01 et puis surtout, je dis à Régis Bessor.
11:03 Régis, il est en panique totale, genre "Sautez à l'eau, il faut sauter à l'eau."
11:06 Je lui répète "Non, on ne veut pas sauter à l'eau,
11:08 je te prends de l'eau et tu t'éteins."
11:09 On a pris...
11:10 Il faut sauter, donc on a pris des couvertures, on a pris des seaux d'eau
11:13 et pendant 20 minutes, on envoyait de l'eau dedans.
11:16 Il était derrière "Allez, vas-y, continue."
11:17 Je lui dis "Mais si tu ne coupes pas le gaz, on ne va jamais y arriver."
11:19 Je le revois encore rentrer dans les flammes,
11:21 sortir avec la bouteille de gaz en feu comme ça,
11:24 et l'acheter par le subor.
11:25 Ça a duré, je ne sais pas combien de temps ça a duré,
11:26 5, 10, 15 minutes, je ne sais rien.
11:28 Personne ne s'est blessé, tout l'intérieur du bateau était par contre complètement brûlé.
11:32 Et dans l'histoire, le seul truc qui nous restait pour naviguer,
11:35 de technologie, c'était un petit téléphone.
11:36 On n'avait plus rien, donc là pendant 3 jours,
11:38 tu te retrouves à naviguer sans...
11:40 Rien du tout.
11:40 Tu navigues à vue en fait, donc tu n'as aucune idée de où sont les rochers, etc.
11:44 Parce qu'ils sont répertoriés quand même, les rochers.
11:45 Tu ne sais pas où ils sont.
11:46 Là, tu restes 3 jours à dériver sur un bateau.
11:49 Tu ne veux plus rentrer dedans parce qu'il est...
11:51 Et puis là, du coup, là c'était...
11:52 Moi, ça m'a énervé.
11:53 Ça arrive au stade où, bon,
11:55 tu as la vie de moi et mon pote entre les mains
11:57 et tu ne dis rien du tout sur ton bateau.
11:59 Du coup, là, tu as vraiment mis ma vie en danger et là,
12:02 non, je ne suis pas content.
12:03 Et puis, on ne veut plus en rester là-dedans,
12:04 on ne veut pas rester sur ce bateau qui est
12:05 entièrement brûlé de tout l'intérieur, qui ne sent que ça en fait.
12:08 Et on veut juste pouvoir aller sur une île et puis débarquer.
12:12 Après cette épopée en mer, on se retrouve en Amérique du Sud,
12:16 on prend un vieil avion et puis on part jusqu'au Pérou.
12:19 Et j'arrive le lendemain du coup à Puno.
12:20 Et ce qui est drôle, en plus, c'est ce jour-là, du coup,
12:22 je croise Christian qui partait lui à Cusco.
12:24 Il me dit "Ah, moi, je suis fatigué,
12:26 j'en ai marre".
12:27 Il a 65 ans, Christian, lui, il a une vie aussi incroyable
12:30 et du coup, il voulait avoir du temps pour lui,
12:32 il était fatigué, il me dit "Je te donne la gérance du château
12:35 samedi, tu as un mois pour réfléchir".
12:37 Je reste un mois sur place et puis,
12:38 pour moi, c'était tout fait, la réflexion très vite.
12:40 Et du coup, quand il revient, bon, bah, vas-y.
12:43 En gros, j'ai créé une entreprise et je louais le château à Christian.
12:45 C'était parfait parce que c'est aussi...
12:47 C'était le cumul de tout ce que j'avais pensé, en fait.
12:50 Je voulais créer une permaculture dans le château,
12:52 interdire tous les plastiques, moins coca, l'eau,
12:55 je l'avais fait filtrer du lac, on avait mis des pots d'abois
12:57 dans chaque chambre, c'était le rendre accessible à tous
12:59 et dans ce que je pensais de ce que devait être un endroit.
13:02 J'ai passé dix mois à tout préparer, à tout faire,
13:06 à passer des journées entières à trouver, réserver pour des gens,
13:09 tout ce qu'il faut pour rendre le château public.
13:11 Et beaucoup de travail et j'en étais content.
13:13 Et c'est marrant, si on désauve cette phrase avec mon pote Armin,
13:16 là franchement, par une bombe nucléaire ou une pandémie,
13:19 il peut rien nous arriver.
13:20 Et ce jour où un matin, je me rappelle toujours,
13:22 j'ai Christian qui m'appelle en me disant
13:23 "bon bah là, ils vont fermer tout à midi,
13:26 donc soit tu rentres au château, soit tu vas là".
13:28 Déjà là, on voulait rentrer avec mon pote Armin,
13:33 mais impossible, l'ambassade française, on était trop loin,
13:36 on pouvait pas venir nous chercher,
13:37 il fallait partir de Cusco ou de Lima, débrouillez-vous.
13:40 Et ce soir, du coup, j'entends...
13:42 Je crois que c'est des feux d'artifice au début,
13:43 il y a souvent des feux d'artifice en Amérique du Sud.
13:45 Et c'est des coups de feu en fait.
13:46 Là, je laisse tout derrière moi, je perds tout.
13:49 Et à ce moment-là, j'appelle encore l'ambassade en disant
13:52 "là, j'ai une fusillade devant chez moi, venez me chercher".
13:55 On me répond "oui, mais là, c'est férié,
13:58 et puis demain, c'est le week-end".
13:59 Donc toi, t'es en train de briller quand même.
14:02 Là, je commençais à avoir peur en mode "venez me chercher".
14:05 Ça fait flipper tous les autres.
14:07 Du coup, t'as cette fusillade, et on se dit
14:09 "peu importe fusillade ou pas, c'est férié, c'est le week-end,
14:11 c'est le dimanche, il se passera rien pour toi".
14:13 Là, tu comprends, il va falloir que tu te débrouilles tout seul.
14:14 Je trouve ça injuste et je suis pas content.
14:17 Non mais attendez, moi je le fais à votre place en rapatriement,
14:19 c'est pas si compliqué.
14:21 Tu prends un bus, tu dis "il y a tel endroit de le faire".
14:22 Je me suis retrouvé à devoir moi-même organiser des bus,
14:25 et même l'ambassade me demandait à la fin
14:26 "tu peux aller voir s'il y a d'autres Français à ramener ?"
14:28 Je trouve ça une incompétence incroyable.
14:30 Ma chance que j'avais, c'est que de peintre-pôle,
14:32 j'avais un contact qui connaissait le bras droit du monsieur Le Drian,
14:36 qui était le ministre de l'Intérieur de l'époque.
14:37 Et du coup, on a un coup de fil, un dimanche,
14:39 alors que du coup, les week-ends, ça va se passer, etc.
14:41 Hop, j'ai eu l'autorisation, tu peux prendre une voiture, bouger.
14:44 Et c'était un jour avant le dernier vol qui partait du Pérou.
14:47 Du coup, on a réussi à le prendre, on a fait un taxi de Pouneau jusqu'à Lima,
14:51 c'est l'équivalent de la Bretagne-Croatie en taxi.
14:54 T'es le seul à passer dans toute la route, parce que tout était fermé.
14:57 Et du coup, on a réussi à rentrer sur ce moment-là,
14:58 mais on est partis, on a tout laissé jusqu'à nos chars,
15:01 enfin tout sur place, tu laisses tout, tu pars avec un petit sac, c'est parti.
15:04 Je reviens de 8 ans, le voyage, c'est brutal et c'est violent et c'est frustrant en plus.
15:08 Tu re-rentres, donc en gros, en plus, j'avais vraiment...
15:11 Enfin, on était partis avec mon pote qui avait son super restaurant,
15:15 et on avait d'autres projets le lendemain.
15:16 Et moi, ce que j'avais, j'en étais content,
15:18 et avec un avion de test qui s'annonçait beaucoup de travail, mais radieux,
15:22 patatras purien, bloqué, enfermé aussi chez toi.
15:25 Donc, tu reviens en France, mais t'as même pas accès à ta famille,
15:27 parce que tu peux pas bouger, t'es en Covid.
15:28 Ça a été un an et demi tellement long.
15:30 Donc, au bout d'un an et demi, on est reparti du coup avec mon pote à Pérou,
15:35 parce qu'on avait déjà besoin de le faire,
15:36 pour un peu, comme je disais, revenir sur le lieu du crime et digérer tout ça.
15:41 On avait une vie qui restait là-bas,
15:43 et en même temps, on avait une idée qui avait germé au Pérou,
15:47 justement, juste avant de repartir du Pérou.
15:50 Et on a eu cette idée de l'alpaga, enfin des vêtements en alpaga,
15:55 parce qu'on aimait déjà ça, on connaissait ça beaucoup.
15:57 Et tout le monde était content, en fait.
15:58 On était heureux de créer ça, ils étaient heureux de travailler avec nous.
16:01 Enfin, c'était des émotions où ma cousine Camille, qui est venue filmer,
16:04 elle a bien vu, même en montrant,
16:06 juste le travail aux gens, des gens qui pleuraient de joie, etc.
16:08 Enfin, il y avait toute une émulsion de repartir à la vie,
16:11 qui a fait qu'en cinq mois, ce projet est sorti de terre.
16:13 On a trouvé le meilleur compromis pour essayer de faire vraiment quelque chose
16:17 qui, moralement, nous plaît,
16:19 qui, du coup, doit aussi faire changer un peu les mentalités.
16:22 C'est ce qu'on veut faire, en fait.
16:23 On fait que de l'après-commande, on ne produit rien en trop.
16:26 C'est même sur-commande,
16:27 parce que comme on a un manteau ou un pull, on peut le faire tout de suite.
16:31 Et c'est du savoir-faire.
16:32 On les fait à la main.
16:33 Nos manteaux sont cousus à la main par une famille qui fait ça depuis 50 ans.
16:37 Ça a du sens pour moi,
16:38 puisque du coup, c'est redonner une vraie valeur déjà aux choses,
16:41 de ne pas être tout le temps à surconsommer, jeter, surconsommer, jeter.
16:44 Et on a surtout envie que ça marche.
16:46 On a hâte de voir tous ces sourires à chaque fois qu'il y a des commandes,
16:48 de voir ces gens heureux de travailler, d'avancer avec nous
16:51 et d'essayer de changer des mentalités aussi.
16:53 Enfin, c'est... Ouais, j'en suis fier.
16:55 Et c'est quelque chose qu'on a toujours voulu faire.
16:57 Et de toute façon, je ne me donnerais pas 100 % dans quelque chose
16:59 si j'en suis pas fier et si moralement, ça ne me va pas.
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