• l’année dernière
Suite à un accident en Australie, Pierre-Antoine s'est retrouvé immobilisé pendant plusieurs mois. Loin de se laisser abattre, il s'est promis de tout plaquer à son retour en France pour explorer l'Arctique et découvrir l'Islande. Il nous raconte sa préparation et son long périple mêlé de nombreuses galères, de moments de solitude et de belles surprises.

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Voyages
Transcription
00:00 la folie, elle était vraiment plutôt présente.
00:01 Évidemment, je me parlais à moi-même en permanence.
00:03 Je parlais à mon bré-chaud souvent le soir.
00:06 Et en fait, toutes les parties de mon matériel qui était sur la tente devenaient des individus
00:09 à part entière.
00:10 Et la solitude, je pense que c'est ça.
00:11 Ça a été le vecteur de plusieurs comportements un peu bizarrois, de faire ses besoins dehors.
00:15 C'est pas possible.
00:16 Lorsqu'il fait -32°, du coup, je creusais un trou à l'intérieur de la tente.
00:20 Je faisais pipi dans une bouteille pour que ça me confère de la chaleur.
00:23 J'ai eu un accident qui a précipité ma vie.
00:26 J'étais à Sydney à l'époque.
00:28 Je grimpais pas mal.
00:29 Et j'ai chuté d'une falaise de 5-6 mètres directement sur les rochers.
00:32 J'ai toute la partie droite de mon corps qui était fracturée.
00:35 Et j'ai été hospitalisé, du coup, à Sydney pendant plusieurs jours.
00:38 Et les médecins m'ont dit « On est vraiment désolé, mais on va devoir vous mettre dans
00:40 un fauteuil roulant et vous immobiliser pendant plusieurs mois ».
00:43 C'est vraiment ce moment-là de ma vie qui a été crucial parce que durant ces mois-là
00:47 d'immobilisation forcée, mes journées, c'était de rouler sur le trottoir de Sydney, lire
00:52 de manière presque compulsive.
00:54 Progressivement, j'ai pris conscience de cette fragilité de l'existence et surtout
00:58 du fait qu'il fallait arrêter de subir sa vie, de se soumettre à des impératifs qui
01:02 n'étaient pas les nôtres.
01:03 Je me suis fait une promesse, c'était quand je rentrerai en France, c'est d'arrêter
01:06 l'économie et de me jeter dans cette grande quête de mon rêve d'enfant qui était de
01:11 partir explorer l'Arctique.
01:12 Et c'est de là qu'est née cette expédition en Islande.
01:15 Sur cet accident-là, il y a eu deux grandes phases.
01:17 La première avait été très compliquée parce que le mouvement, pour moi, c'est quelque
01:20 chose de fondamental, c'est même essentiel.
01:22 J'ai toujours un peu cette soif de l'ailleurs.
01:24 Et l'immobilisation en soi, lorsqu'elle est choisie, c'est pas vraiment un problème,
01:28 mais lorsqu'elle est subie et forcée par le corps médical, ça a été très très
01:33 compliqué pour moi.
01:34 C'était surtout le fait de devoir s'arrêter en fait dans cette chaise, le corps un peu
01:38 en angle droit.
01:39 Ça, ça a été très compliqué les premières semaines.
01:41 L'accident est devenu quelque chose de profondément positif et aujourd'hui, je ne le regrette
01:46 vraiment pas.
01:47 Il a fallu tomber de 6 mètres de hauteur pour pouvoir se rendre compte de ça.
01:50 J'aurais préféré me rendre compte de manière beaucoup plus simple.
01:52 Sincèrement, je ne le regrette pas du tout.
01:54 J'ai une attirance vraiment profonde pour cette région du monde qui est l'Arctique.
01:59 Pour quelqu'un qui rêve d'aventure, l'Islande, c'est un terrain de jeu vraiment vraiment
02:02 parfait.
02:03 Donc du coup, il a fallu se préparer.
02:04 Moi, je me suis préparé en devenant ostréiculteur.
02:07 C'est un métier qui est extrêmement physique, aussi qui est difficile mentalement, puisque
02:10 on a les mains dans une eau qui fait 7 degrés.
02:12 Ça forge quand même quelque chose.
02:13 Ça a été une période qui a été vraiment très importante pour la préparation physique
02:18 et mentale de ce projet-là.
02:19 Ensuite, il y a eu toute une phase de lecture aussi sur la connaissance du milieu.
02:23 Cette expédition-là en Islande, pour moi, elle revêtait aussi une forme de quête intérieure.
02:28 J'avais besoin de m'apaiser, j'avais besoin de me reconnecter avec le réel.
02:31 Il m'est arrivé quelques vérifications, quelques problèmes que, évidemment, je n'avais
02:34 pas anticipé et qui m'ont un peu remis à ma place.
02:36 Je pense notamment à une traversée d'un glacier dans le centre de l'Islande.
02:40 J'ai eu un message d'alerte de mon GPS qui m'annonçait une tempête.
02:44 Cette tempête-là était censée s'abattre sur ma position dans 3-4 jours.
02:47 Sauf qu'en fait, ta tempête était beaucoup plus précoce que ce que mon GPS me disait.
02:52 Et en fait, elle est arrivée sur moi dès le lendemain matin.
02:54 J'étais en train de marcher et j'étais pris dans des vents qui dépassaient les 80-90 km/h.
02:59 Et cette tempête-là s'est intensifiée, intensifiée, intensifiée jusqu'au moment
03:02 où est venu le moment de monter sa tente.
03:04 La nuit commençait à tomber et j'ai sorti la tente du coup de son sac.
03:08 J'ai l'arceau principal de la tente qui me casse dans les mains.
03:11 90 km/h de vent ou 100 km/h de vent, les températures extérieures dépassent les
03:16 -25°, -27° et qu'on doit faire une réparation de sa tente avec des gros smoufles d'expédition.
03:21 Ce n'est pas toujours quelque chose de très facile.
03:23 Donc à ce moment-là, c'est un peu l'instinct de survie qui prend le dessus.
03:26 Et j'ai raisonné de manière très instinctive.
03:29 J'ai essayé d'imiter certains animaux de l'Arctique.
03:32 Quand l'ours polaire ou quand l'angoinard polaire est pris dans une tempête,
03:35 pour éviter de s'exposer trop au vent,
03:37 en général, il creuse un trou dans la neige et il se roule en boule.
03:40 C'est exactement ce que j'ai fait.
03:41 J'ai sorti mon piolet, j'ai creusé un trou dans le glacier.
03:44 Et là, j'ai pu bricoler une petite réparation.
03:46 Et une heure plus tard, la tente était montée.
03:48 À 4h du matin, l'arceau en question a re-explosé.
03:53 La toile de tente s'est déchirée.
03:54 Et là, j'ai eu une tonne de neige qui est rentrée dans ma tente.
03:57 Je me suis dit, l'expédition, elle est forcément terminée.
03:59 Parce que ma tente est détruite, que je suis au lieu de nulle part.
04:02 Et qu'il n'y a personne qui peut venir m'aider.
04:03 Et en fait, au moment où je me suis dit ça, au loin,
04:06 j'ai vu un point rouge qui zigzaguait dans la moraine du glacier.
04:10 Et en fait, c'était un 4x4 d'Islandais.
04:12 Cette famille-là d'Islandais m'a dit, écoute,
04:14 on va t'emmener dans le prochain village.
04:16 Tu vas récupérer du matos pour réparer ta tente.
04:19 T'es bien chez nous, parlons le temps qu'il faudra.
04:21 Et finalement, j'ai passé 4 jours chez eux.
04:23 J'ai pu réparer ma tente et j'ai pu repartir à l'aventure
04:26 dans le centre contre toute attente en fait.
04:28 Ils m'ont littéralement ouvert la porte alors que je ne ressemblais à rien.
04:31 J'avais une énorme barbe, j'étais mangé par le froid, etc.
04:35 Les treks au long cours ou les grandes traversées,
04:37 il faut se préparer justement à ces longues périodes de solitude.
04:40 La solitude pour moi, ce n'est pas un problème en soi
04:43 parce que je m'entends plutôt bien avec moi-même.
04:45 Elle s'est traduite dans des comportements
04:46 qui étaient un peu étranges de temps en temps,
04:48 notamment en termes de folie.
04:49 J'ai eu des moments où la folie était vraiment plutôt présente.
04:52 Évidemment, je me parlais à moi-même en permanence.
04:54 Je parlais à mon bréchot souvent le soir.
04:56 Et en fait, toutes les parties de mon matériel qui était sur la tente
04:59 devenaient des individus à part entière.
05:01 Et la solitude, je pense que c'est ça.
05:02 Ça a été le vecteur de plusieurs comportements un peu bizarroïdes.
05:05 Au bout de 100 jours de marche, le poids du sac,
05:08 je crois que le max que j'ai pu porter, c'était 37 kilos.
05:10 Le plus compliqué, c'était au départ
05:12 parce que le dos n'était pas fait à ce poids-là.
05:14 Les tendons d'Achille n'étaient pas encore faits non plus.
05:17 Donc, j'ai eu beaucoup de tendinite au départ.
05:19 Mais ça, c'est juste des petits obstacles qu'il faut dépasser
05:22 qui sont nécessaires en fait,
05:23 parce que le corps est en train de se faire.
05:25 Mais après est venu le froid.
05:27 Et le froid extrême, c'est ça qui a été très compliqué
05:29 parce que le froid dévore toute notre couche de graisse
05:32 et attaque nos muscles.
05:33 Ce qui fait que même lorsqu'on dort, on perd du poids.
05:36 Et du coup, il faut manger vraiment énormément
05:38 et de manière très fréquente.
05:40 Même s'il fait -20°C ou -30°C,
05:42 le froid n'attaquait pas trop le visage
05:44 puisque j'avais mis de la...
05:46 C'est un peu sale, mais je me mouchais dans mes mains
05:47 et la morve, je la disposais partout sur mon visage.
05:50 Cette morve-là me permettait d'avoir une protection contre le froid
05:53 ou contre le blizzard.
05:54 Après, ça permettait de limiter au maximum les gelures.
05:57 Le froid change tes priorités.
05:59 Des gestes qu'on faisait avant, au début de l'expert,
06:01 on ne peut plus faire à la fin en plein hiver.
06:03 Par exemple, faire ses besoins dehors,
06:05 ce n'est pas possible.
06:06 Lorsqu'il fait -32°C,
06:08 je creusais un trou à l'intérieur de la tente.
06:10 Je faisais pipi dans une bouteille
06:11 pour que ça me confère de la chaleur.
06:13 Je la mettais au fond de mon sac de couchage
06:15 pour que ça me fasse une bouilloire.
06:16 Je devais aussi obligatoirement faire fondre de la neige pour boire.
06:21 L'expédition s'est relativement bien passée jusqu'à la fin,
06:23 même si j'ai perdu de la sensibilité sur pas mal d'orteils et de doigts.
06:27 Je suis aussi très heureux
06:28 parce que je prépare ma prochaine expédition
06:30 qui se déroulera dans l'Arctique canadien.
06:32 Le retour, déjà pour moi, il a été extrêmement compliqué.
06:34 La rupture totale entre l'expédition et le retour à une vie normale,
06:39 entourée de gens qui exigent de toi que tu leur racontes les choses, etc.
06:42 Ça, ça a été très compliqué
06:43 parce que tout à coup, il y a eu un surplus de tout.
06:45 Ma stratégie, ça a été de retrouver une nouvelle phase de solitude.
06:49 J'ai loué une chaumière proche d'une forêt
06:52 et là-bas, j'ai commencé à écrire le livre de cette expédition-là.
06:54 Ça a été ma manière de retrouver un peu une vie classique.
06:58 Après, qu'est-ce que m'a apporté cette expédition-là ?
07:00 Je pense qu'elle m'a nourri, en fait.
07:02 Elle a aiguisé mon regard.
07:03 Elle a changé mes perceptions.
07:05 Physiquement, c'était très compliqué.
07:06 Marcher pendant 144 jours, c'est quelque chose de difficile.
07:09 J'ai à la fois encore un pied en Islande
07:10 et j'ai déjà un pied dans ma prochaine expédition.
07:13 Donc oui, je me sens profondément libre.
07:17 Je suis très, très heureux aujourd'hui.
07:19 Et la prochaine expédition me tient vraiment à cœur
07:22 parce que ce sera la réalisation d'un nouveau rêve d'enfant.
07:26 Quelque chose de très, très important pour moi.

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