La moitié de sa vie, Sarah l’a passée dans la nature. Passionnée dès son plus jeune âge par les éléments naturels et grâce à ses nombreuses expéditions en solitaire qu’elle mène depuis 25 ans, elle sait désormais détecter de l’eau grâce à ses sens, chasser des animaux sauvages pour survivre et réagir face à un grizzly.
À travers ce qu’elle appelle sa mission de vie, ce sont ses propres limites physiques et mentales qu’elle repousse un peu plus à chaque expédition. Bout à bout, c’est l’équivalent d’un tour du monde à pied qu’elle a parcouru, elle est venue nous parler de son métier d’exploratrice et de ses convictions.
Merci à @Sarahmarquis pour sa confiance et pour ce partage d'expérience.
Son livre : 15 histoires d'expéditions inédites qui ont changé ma vie (Michel Lafon) est disponible partout.
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À travers ce qu’elle appelle sa mission de vie, ce sont ses propres limites physiques et mentales qu’elle repousse un peu plus à chaque expédition. Bout à bout, c’est l’équivalent d’un tour du monde à pied qu’elle a parcouru, elle est venue nous parler de son métier d’exploratrice et de ses convictions.
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VoyagesTranscription
00:00 je remarque qu'il y a un chien
00:01 et je remarque qu'il a un fusil pour tuer ce chien.
00:03 Et là, je ne réfléchis pas,
00:05 je vole le chien et je cours.
00:06 Et il a marché 10 000 kilomètres avec moi,
00:08 il m'a souvent avertie du danger,
00:10 il m'a souvent montré où chasser,
00:12 parce que j'ai dû chasser pendant cette période-là
00:14 pour me nourrir.
00:15 J'ai mangé des varans,
00:17 j'ai mangé du perroquet,
00:19 j'ai mangé du serpent.
00:20 Je dis toujours que je suis née exploratrice,
00:22 parce qu'en fait, nous, on n'allait pas en vacances,
00:24 on n'avait pas l'argent pour aller en vacances,
00:26 donc ce qu'on faisait, on vivait vraiment proche de la Terre.
00:28 Donc on avait des animaux, bien sûr.
00:30 Ma maman, qui est juste une personne incroyable,
00:34 elle nous a amenées dans la forêt,
00:35 elle nous a amenées dans la nature
00:36 et puis elle nous a appris à reconnaître les plantes.
00:39 Et en fait, on a passé beaucoup de temps dans la nature
00:41 et moi, une fois l'école terminée,
00:43 on partait dans la forêt avec mes deux frères
00:46 et puis on greppait aux arbres,
00:47 on faisait des cabanes.
00:48 En fait, j'ai passé ma vie dans la nature
00:50 et avec mes animaux.
00:51 À 7 ans, j'ai pris mon chien,
00:54 un petit sac à dos et je suis partie de la maison.
00:55 Et j'ai passé une nuit dans une grotte,
00:58 le Jura, c'est plein de grottes,
00:59 j'ai rien dit à personne.
01:00 Et je me souviens toujours,
01:01 il y avait des immenses chauves-souris
01:03 qui pendaient au plafond
01:04 et c'était la plus belle expédition
01:06 que j'ai pu faire de ma vie.
01:07 C'était exaltant, j'avais de l'adrénaline,
01:10 enfin j'avais un truc, je réalisais quelque chose.
01:13 Et c'était comme dans les livres.
01:15 Et c'était le début en fait.
01:16 Après ça, pendant 10 ans,
01:18 j'ai marché, j'ai voyagé,
01:19 j'ai fait énormément de choses de par le monde
01:21 avec quasiment aucun argent dans ma poche.
01:25 J'ai fait des petits boulots à gauche, à droite,
01:26 dans tous les coins.
01:27 Et puis pendant 10 ans,
01:28 j'étais un peu bizarre,
01:29 je voulais juste marcher.
01:30 Alors que la voisine, elle était biologiste,
01:33 celle du dessous, elle faisait médecine.
01:35 Et elle fait quoi ta fille ?
01:37 Ben elle marche.
01:38 Voilà, donc en fait,
01:39 je n'ai pas écouté l'écho de la société
01:41 pour m'identifier.
01:42 Puis après, un jour,
01:43 j'ai fait ma première expédition.
01:45 En 2000, je pars et je dis à tout le monde,
01:49 moi je vais traverser les États-Unis
01:50 sur le Pacific Crest Trail.
01:52 Selon les histoires que j'ai pu lire
01:54 des autres personnes qui ont fait ce trek,
01:57 c'était la bonne période pour partir.
01:58 Sauf que chaque année, ça change.
02:00 Et donc la neige,
02:01 il y avait trop d'agglomérations,
02:02 il y a fait trop chaud trop rapidement.
02:04 Et la neige était en fait prête
02:06 à partir en avalanche.
02:09 Je me suis engagée.
02:10 Puis jusqu'au moment où j'ai compris
02:11 que c'était trop dangereux,
02:13 c'était déjà trop tard.
02:14 J'ai fait une traversée sur une face nord
02:17 avec mes piolets et mes crampons.
02:19 Tout d'un coup, j'ai senti,
02:20 ça commençait à trembler.
02:21 Et j'ai eu un réflexe incroyable,
02:23 c'est de me projeter en avant.
02:25 Et juste en haut,
02:26 il y avait un promontoire rocheux
02:27 où j'ai pu me protéger.
02:28 Je me suis dit à un moment donné,
02:29 il va faire froid
02:30 et la neige sera assez solide
02:31 pour pouvoir partir.
02:33 Et ça a duré six jours quand même.
02:34 Donc c'est long.
02:35 C'est pour ça que j'ai été brûlée
02:36 au deuxième degré.
02:37 J'avais le visage qui pelait comme ça.
02:40 Et pendant ce trek-là,
02:42 en fait, j'ai été confrontée au grizzly.
02:44 En haut du lac Tahoe,
02:47 j'étais sur une zone dégagée.
02:49 J'ai décidé de dormir à la belle étoile
02:50 parce que c'était la pleine lune,
02:51 justement.
02:52 Et c'était magnifique, j'étais fatiguée.
02:54 Je mets ma tente par terre
02:55 sans la monter.
02:56 Je me dis, je jette mon sac de couchage,
02:57 je suis fatiguée
02:58 et je rentre dans mon sac de couchage
02:59 tout cosy et je dors.
03:01 Et là, tout d'un coup,
03:03 pendant la nuit, je me retourne,
03:04 je bouge mes pieds comme ça.
03:05 J'ai l'impression qu'il y a quelque chose
03:06 qui gêne mes pieds, mes jambes.
03:09 Et puis tout d'un coup,
03:10 j'ai une petite voix à l'intérieur
03:11 qui dit "C'est rien,
03:11 il y a quelque chose qui joue pas".
03:12 Et là, je me lève avec mes bras arrière
03:15 et je m'assieds.
03:16 Je suis un peu glauque comme ça
03:18 et je cligne des yeux pour faire focus.
03:20 Et en face de moi, j'ai un ours.
03:22 L'ours, on se réveille en même temps
03:24 et là, je jure,
03:26 l'ours a tellement peur.
03:29 Il a eu la même appréhension que moi.
03:30 On était comme dans un cartoon.
03:32 Et puis il est parti en courant
03:33 et on s'est fait peur aussi.
03:34 Mais en fait, il a dormi là
03:36 un petit moment sous mes jambes.
03:37 C'était cosy, il faisait chaud.
03:38 C'était bien.
03:39 Je survis à cette première aventure.
03:43 4 260 kilomètres en quatre mois et six jours.
03:45 Et je rentre à la maison.
03:46 J'ai vu mon petit frère
03:47 qui est mon complice de toutes les aventures
03:52 et je lui ai dit écoute,
03:52 c'était complètement fou.
03:54 Je lui ai dit regarde, j'ai envie.
03:55 Il y a une carte de l'Australie
03:57 sur ma petite table basse.
03:58 Ça fait environ 15 000 kilomètres.
04:00 Je commence au centre,
04:01 je fais tout le tour
04:02 et toi, tu t'occupes des ravitaillements,
04:03 tu t'occupes de la logistique.
04:05 Donc c'est une expédition
04:06 où je vais commencer au centre de l'Australie.
04:08 Je vais vers tous les déserts,
04:09 toutes les zones isolées
04:10 et retourner au centre de l'Australie,
04:11 seule, en suivant aucun trec,
04:13 aucun chemin, aucune route.
04:15 Et j'ai des cartes topographiques en papier.
04:17 Et donc ces cartes topographiques
04:18 me donnent un sens où sera ma prochaine eau.
04:21 Et dans ces régions désertiques,
04:23 les points qui sont marqués sur la carte
04:24 ne sont en réalité pas marqués.
04:27 C'est plus valable dans la nature, c'est sec.
04:29 C'est très sec, c'est des zones semi-désertiques.
04:32 Et donc la plupart du temps,
04:33 j'ai bu l'eau des vaches.
04:35 On appelle ça, c'est des réserves d'eau
04:37 qui est faite par l'humain
04:38 où ils mettent des tracs
04:40 et puis ils collectent l'eau
04:42 dès la saison des pluies.
04:43 Puis l'eau reste stagnante
04:45 avec la moitié des excréments de vaches
04:47 et tout le monde survit.
04:49 En fait, les kangourous du coin,
04:50 les oiseaux du coin, les perroquets du coin
04:52 et tout le bétail
04:54 survit grâce à ces eaux-là.
04:55 Et donc moi aussi.
04:56 Alors je vais faire 14 000 kilomètres
04:58 pendant ces 17 mois.
05:00 Un événement très, très, très précis
05:02 et très important qui se passe
05:03 pendant cette expédition-là.
05:04 Au bout de trois mois, en fait,
05:06 je suis sur une crête
05:07 qui s'appelle la Great Dividing Range
05:09 et je n'ai pas d'eau.
05:10 Et je n'en trouve pas.
05:10 C'est l'été, c'est sec.
05:12 Je descends dans le bouche australien,
05:13 dans la forêt.
05:14 Je vois une espèce de vieille ferme
05:17 avec des tracteurs rouillés.
05:18 Il y a des tas de ferraille partout.
05:21 Elle paraît inhabitée,
05:22 mais quand même, à l'arrière de cette ferme,
05:24 il y a quelques vaches.
05:25 Qui dit bétail dit eau.
05:27 Donc je me dis, c'est bon,
05:28 je vais trouver de l'eau.
05:29 Je vais prendre l'eau des vaches.
05:31 Et en descendant, un gars est là,
05:33 avec des tatouages partout,
05:34 un fusil de chasse à la main.
05:35 Et je suis prise de court.
05:37 Et puis il me dit, qu'est-ce que tu fais là ?
05:38 Et je bredouille.
05:40 Mais je cherche de l'eau.
05:42 Il dit, tu vas derrière le tank là-bas.
05:44 Tu passes le tank
05:45 et tu prends de l'eau là.
05:46 Il y a de l'eau et tu te casses.
05:48 Il était super clair.
05:49 Et donc je pose mon sac,
05:50 je prends mes réservoirs,
05:51 je vais derrière,
05:51 je remplis mes réservoirs.
05:52 Et en revenant,
05:53 je remarque qu'il y a un chien
05:55 et je remarque qu'il y a un fusil
05:56 pour tuer ce chien.
05:57 Et là, je ne réfléchis pas.
05:59 Je comprends, je mets mes réservoirs,
06:01 je vole le chien et je cours.
06:02 Alors j'ai un sac de 30 kilos sur le dos,
06:03 quand même, je cours comme ça.
06:05 Il me hurle, tu n'auras que des problèmes
06:07 avec ce chien.
06:08 Et je me retrouve au milieu de la forêt
06:10 avec un chien.
06:11 Et c'est le début de l'histoire de Joe,
06:13 qui est devenu mon compagnon de route.
06:15 Et il a marché 10 000 kilomètres avec moi.
06:17 Et à la fin, je l'ai ramené en Suisse.
06:19 Et il a vécu sa petite retraite
06:21 dans les Alpes suisses,
06:23 à faire des conférences avec moi,
06:24 aller voir...
06:25 J'ai pris partout ce chien.
06:26 Et c'était en fait un chien sauvage.
06:28 Moitié dingo, moitié...
06:29 On appelle ça un "red heeler".
06:31 Notre relation était incroyable tout le long.
06:33 Il m'a souvent protégée.
06:35 Il m'a souvent avertie du danger.
06:37 Il m'a souvent montré où chasser,
06:39 parce que j'ai dû chasser
06:40 pendant cette période-là pour me nourrir.
06:42 J'ai mangé des varans.
06:44 J'ai mangé du perroquet.
06:46 J'ai mangé du serpent.
06:47 Et donc, c'est mes premiers pas en Australie.
06:49 Donc, je ne connais pas cette biodiversité.
06:51 Je ne connais pas ces animaux,
06:54 et encore moins les animaux
06:55 qui peuvent me poser un problème,
06:56 comme il y a plein de serpents mortels
06:58 dans ces régions-là.
06:59 Et donc, moi, j'approche cette nature
07:02 de la même manière
07:03 que j'ai approché les grizzlies,
07:04 que je vais approcher plus tard les loups
07:07 dans le désert du Gobi,
07:08 ou je vais approcher plus tard les pumas
07:11 en Amérique du Sud.
07:12 C'est-à-dire que moi,
07:13 je ne vois pas ça comme un problème.
07:14 Je me suis toujours laissée approcher
07:16 cette nature avec mon cœur.
07:18 Et j'en parle dans le dernier livre,
07:20 cette communication cœur à cœur, c'est ça.
07:22 C'est-à-dire que quand on a de l'amour
07:23 et on n'a pas peur,
07:24 l'animal ne va jamais vous agresser.
07:27 Jamais.
07:27 Avec le temps, j'ai remarqué,
07:29 eh bien, ma boussole intérieure fonctionne.
07:31 C'est-à-dire que je n'ai plus besoin de boussole.
07:32 Je sais exactement où je vais,
07:34 ce que je fais, la direction à prendre,
07:35 continuellement,
07:37 en dormant proche de la Terre
07:38 sur des longues périodes.
07:39 Ce qu'il faut comprendre,
07:40 en vivant proche de la Terre avec l'effort,
07:42 on devient plus solide.
07:43 On devient très fort.
07:44 Parce qu'il y a tous nos sens qui sont décuplés.
07:46 On a une perception des bruits proches,
07:48 des bruits lointains
07:49 et des bruits très, très lointains.
07:51 Et moi, j'arrive avec mon ouïe
07:52 à rapprocher tous ces...
07:54 Il n'y a plus de distance entre ces bruits.
07:57 J'arrive à sentir.
07:59 J'arrive à percevoir les choses.
08:00 J'arrive à...
08:01 Au niveau de l'odorat,
08:02 maintenant, à l'heure actuelle,
08:03 j'arrive, s'il y a de l'eau
08:04 à 5 km à la ronde,
08:06 j'arrive à la sentir dans l'air.
08:07 Donc, j'ai développé ces sensations
08:09 et ces outils qu'on a tous et toutes.
08:11 Moi, je suis Madame Tout-le-Monde,
08:12 sauf que j'ai passé beaucoup de temps dans la nature,
08:15 ce qui me permet d'avoir cette perception des choses.
08:17 Et c'est ça que j'ai envie de dire aujourd'hui.
08:19 J'ai envie de dire qu'on a tous ces capacités.
08:21 C'est que, simplement,
08:22 quand on est hors de sa zone de confort,
08:23 on est dans un nouvel environnement.
08:25 On absorbe, on regarde,
08:27 on essaie de comprendre.
08:28 On regarde les traces au sol,
08:29 on regarde les oiseaux.
08:31 Pourquoi ils partent, les oiseaux ?
08:32 Il y a un danger.
08:33 Ça vient d'où ?
08:33 Qu'est-ce qu'il y a ?
08:34 Maintenant, en voyant un type d'herbe,
08:37 je sais que sur cette herbe-là, il y a ce type d'oiseau.
08:39 Et je sais que ce type d'oiseau ne va pas plus loin
08:41 que 5 km à la ronde pour trouver de l'eau.
08:44 Et donc, je sais que si je trouve cet arbre,
08:46 je sais qu'il y a de l'eau.
08:47 Il n'y a pas de limite entre nous et le règne animal.
08:51 Cette première expédition, en fait,
08:53 elle a révélé ma mission de vie.
08:54 J'ai compris que ces passations de vie entre ma vie,
08:59 c'est pour ça que je dis que ma mission de vie,
09:00 elle est très claire.
09:01 C'est d'être ce petit pont entre les humains et la nature.
09:04 Alors, des fois, je suis chez les humains.
09:05 Comme ça.
09:06 Et des fois, je suis dans la nature
09:08 où je ne me lève pas pendant deux mois.
09:09 Et je suis un animal au milieu d'un monde animal et sauvage.
09:14 Et je respire avec la terre.
09:16 Après ces 17 mois d'expédition, à la fin,
09:18 eh bien, il y a mon frère qui est là.
09:21 J'ai un petit comité d'accueil.
09:24 Et on pourrait penser qu'il y a une espèce de joie incroyable.
09:29 Et en fait, ce n'est pas le cas.
09:30 Il n'y a pas de sensation d'accomplissement.
09:32 Il n'y a pas ça.
09:33 Il y a en fait un deuil qui se passe,
09:35 une espèce de mélancolie.
09:36 Je dois laisser derrière moi cette vie magique
09:40 que je vis tous les jours, proche de la terre.
09:42 Je dois réintégrer ma vie de tous les jours.
09:45 C'est très compliqué.
09:46 Il m'a fallu du temps pour réintroduire ma vie
09:47 parce que je ne pouvais pas aller, par exemple,
09:49 boire des cafés avec mes copines
09:50 parce que j'entendais les chaises racler sur le sol.
09:53 Tous les bruits, je les absorbais au maximum,
09:55 comme dans la nature.
09:56 En fait, j'ai dû remettre des couches
09:57 que j'avais enlevées pour survivre dans la nature.
09:59 J'ai appris à les remettre avec les années.
10:01 Et puis surtout, j'ai compris qu'il fallait
10:02 du temps entre la fin d'une expédition
10:04 et le retour à la vie normale.
10:06 Maintenant, je prends du temps sur place.
10:07 Je ne rentre pas tout de suite
10:08 pour pouvoir un petit peu me remettre tout doucement.
10:10 Puis surtout, le corps ne peut pas s'arrêter
10:12 de marcher comme ça.
10:13 Donc, il faut continuer à marcher.
10:15 Il y a une période de récupération
10:16 qui est très longue après une expédition comme ça.
10:18 Ça demande énormément d'efforts au corps quand même.
10:21 Et donc, le corps, c'est mon outil.
10:23 Donc, je le soigne.
10:24 Et après coup, les expéditions se sont enchaînées.
10:27 J'ai repris le petit frère, Joël,
10:29 et je lui ai dit, écoute, tu sais quoi ?
10:31 Je vois une ligne qui part du Chili,
10:34 Santiago du Chili,
10:35 qui remonte toute la cordillère des Andes,
10:37 qui passe par la Bolivie
10:39 et qui s'arrête au Machu Picchu.
10:40 Et puis lui, il me dit,
10:41 "Mais tu es complètement folle, bien fait."
10:43 Et là, a commencé une expédition incroyable
10:45 où lui a eu une position très importante
10:48 puisque lui va me laisser, en fait,
10:51 de l'eau et de la nourriture tous les 30 km.
10:54 Parce qu'en haut de la cordillère,
10:55 il n'y a pas d'eau, il n'y a pas de nourriture.
10:57 C'est sec, c'est désolé, il y a un vent fou.
11:00 Et donc, il faut absolument que je trouve
11:02 tous les soirs de l'eau.
11:03 Donc, il va faire des trous sur toute la cordillère.
11:06 Il va partir en avant,
11:07 et du premier trou au dernier trou, il y a six mois.
11:09 Puis moi, je suis six mois derrière
11:11 et j'espère que je vais trouver le trou.
11:12 Et si je ne trouve pas le trou,
11:13 je peux tenir encore un jour, sinon c'est fini.
11:15 Et il y a cette connexion entre lui et moi
11:17 qui a fait que j'ai trouvé tous les trous,
11:20 sauf un où il y a les souris
11:21 qui avaient mangé l'intérieur du trou.
11:23 Et c'est comme ça qu'a continué
11:25 notre collaboration ensemble.
11:26 Et puis après cette expédition-là,
11:28 il y a un truc complètement crazy qui est arrivé.
11:30 C'est que j'ai attendu deux ans.
11:32 J'ai dû me récupérer physiquement
11:33 parce que c'était très compliqué.
11:34 C'était très dur physiquement.
11:35 Il y a eu...
11:36 Il fait très froid, énormément de vent.
11:38 Et puis deux ans plus tard,
11:40 une expédition qui va me prendre trois ans
11:43 où je vais marcher depuis la Sibérie à l'Australie
11:46 en descendant le lac Baïkal,
11:49 passer en Mongolie,
11:50 traverser tout le désert du Gobi,
11:51 traverser la Chine, le Laos, la Thaïlande,
11:54 sauter dans un cargo,
11:56 arriver en Australie et traverser l'Australie à pied.
11:58 Puis après cette expédition-là,
11:59 je suis partie en Tasmanie.
12:01 Alors là, une expédition challenging
12:03 puisque la Tasmanie,
12:05 c'est une petite île au sud de l'Australie.
12:07 C'est la terre la plus proche de l'Antarctique.
12:09 La moitié de l'île est habitée.
12:11 La partie ouest de l'île
12:12 est tapissée de forêts premières.
12:14 Une forêt première,
12:15 c'est une forêt qui n'a pas été touchée par l'homme,
12:16 donc qui est intacte depuis des centaines de milliers d'années.
12:19 Et donc, avec l'idée de retrouver le tigre de Tasmanie,
12:23 qui est un tigre qui est extrêmement,
12:25 qui est en extinction depuis 1936,
12:28 je suis partie à pied,
12:30 avec le...
12:31 en faisant des prélèvements.
12:33 Donc chaque expédition a un petit côté scientifique,
12:35 toujours.
12:36 Donc, les scientifiques utilisent ma démarche.
12:39 Et là, pour cette expédition-là,
12:40 c'est le CSIRO en Australie,
12:42 qui est l'Organisme scientifique australien
12:44 de la protection de la biodiversité.
12:45 J'ai fait des prélèvements tout le long de mon expédition.
12:48 Et je suis partie pendant trois mois
12:49 dans cette forêt première.
12:50 Je suis sortie en vie,
12:51 mais j'ai eu une petite misaventure.
12:53 La première misaventure
12:54 qui a eu des conséquences.
12:56 C'est-à-dire que je suis...
12:57 J'étais sur une crête.
12:58 Ici, forêt première,
13:00 il fait nuit dessous.
13:00 Tout est...
13:01 C'est rempli d'humus.
13:03 C'est...
13:03 Tout est en décomposition.
13:05 Il n'y a pas d'animal au sol.
13:06 Il y a des champignons de toutes les couleurs.
13:08 C'est sauvage.
13:09 J'étais sur cette crête et je pestais
13:11 parce qu'il y a des murs végétaux devant moi.
13:14 Et pour traverser ces murs végétaux,
13:16 eh bien, il faut grimper dessus,
13:17 il faut descendre de l'autre côté.
13:18 Donc c'est souvent très dangereux,
13:19 très compliqué.
13:20 Et puis, j'arrive devant un précipice.
13:23 Et au fond, il y a un petit ruisseau.
13:25 Je vais devoir descendre jusqu'en bas
13:27 pour remonter de l'autre côté,
13:28 alors que je pourrais presque toucher
13:30 l'autre côté de la gorge.
13:32 Et donc, je descends, je peste,
13:34 je veux faire un rappel.
13:35 Je me dis, je fais un rappel,
13:36 ce sera beaucoup plus rapide.
13:37 Je n'arrive pas.
13:38 Il n'y a rien qui tient vraiment.
13:40 Et je suis presque en bas
13:41 quand tout d'un coup, tout s'effondre.
13:43 Les arbres partent en avalanche.
13:44 Le sol, l'humus, les arbres,
13:47 ça remarquille.
13:48 Le sac à dos sur la tête.
13:50 Tout part en boule et en mélange végétal
13:53 de pierres, de tout.
13:55 Et je finis au fond de la gorge.
13:56 Et là, je perds connaissance.
13:57 Je ne sais pas combien de temps.
13:58 Je me suis relevé.
14:00 Je suis au milieu de l'eau.
14:01 J'ai la face contre l'eau.
14:02 Je me relève.
14:03 Là, je me dis, Sarah, un pas après l'autre.
14:06 Là, l'expérience de vie
14:09 de toutes ces années,
14:10 dans la gestion de l'effort,
14:11 de la gestion de la douleur,
14:12 la gestion de mon corps et de mon esprit.
14:15 Toutes ces années m'ont rendu service
14:17 à ce moment-là.
14:17 C'est-à-dire qu'à ce moment-là,
14:18 je me dis, Sarah, tu sors de là
14:19 un pas après l'autre,
14:20 parce que je lève la tête
14:21 et je vois un tout petit triangle
14:22 de lumière en haut.
14:23 Et je me dis, mon tracker
14:25 et mon téléphone satellite,
14:26 le signal ne va pas sortir.
14:27 Je ne peux pas apprécier
14:28 ce bouton rouge.
14:29 Je ne vais pas pouvoir appeler à l'aide.
14:31 Je dois m'en sortir toute seule.
14:32 Et je me lève.
14:33 J'ai mon sac de 30 kilos sur le dos
14:35 et je remarque que tout le côté gauche,
14:36 en fait, ne fonctionne pas.
14:38 Tout le côté gauche de mon corps
14:39 ne réagit plus.
14:39 Et là, je me dis, j'ai l'épaule disloquée.
14:42 Ça fait tellement mal.
14:43 Je me dis, j'ai l'épaule disloquée.
14:45 Il n'y a plus rien qui...
14:47 Tellement la douleur envahit tout.
14:49 Et c'est comme ça règle.
14:50 Et je vais devoir rempli
14:52 pour pouvoir sortir de là.
14:53 Et ce que je ne savais pas
14:54 encore à ce moment là,
14:54 je vais devoir le faire
14:55 pendant trois jours.
14:56 C'est avéré, je m'en sors.
14:58 C'est avéré que j'ai l'épaule cassée.
15:00 J'ai l'humérus ici qui s'est cassé net.
15:02 Et j'ai un bout d'os qui traîne par là.
15:04 J'ai fini après trois jours
15:06 à être suffisamment haut
15:08 pour pouvoir appeler
15:09 ma chef d'expédition qui était en Suisse.
15:11 Et je l'avais rassuré avant de partir.
15:13 Je lui ai dit, mais ne t'inquiète pas,
15:14 je n'ai jamais pressé ce bouton rouge.
15:15 Je n'ai jamais déclenché les secours.
15:16 Ça ne va jamais arriver.
15:18 Et à deux heures du matin,
15:19 elle me dit, qu'est-ce qui se passe ?
15:20 Je lui ai dit, t'es assise ?
15:22 Elle me dit, ouais.
15:23 Ben écoute, voilà, je suis tombée.
15:24 Mais ça va, ça va.
15:26 Mais il va falloir appeler un hélicoptère.
15:28 C'est avéré que
15:29 comme j'étais sous la canopie
15:31 et qu'il n'y a plus pendant trois mois,
15:32 on n'a pas déclenché les secours officiels.
15:34 On a contacté un propriétaire d'hélicoptère
15:36 qui était tout proche.
15:37 Mais le problème, il ne pouvait pas atterrir.
15:39 Parce qu'il faut un endroit qui est plat et dégagé pour atterrir.
15:41 On ne peut pas atterrir sur une canopie d'arbres denses.
15:44 Donc il m'a fallu encore trois jours
15:46 pour pouvoir atteindre un endroit qui était dégagé.
15:49 Et c'est là où c'est important.
15:50 C'est qu'il faut qu'on comprenne,
15:52 en tant qu'être humain,
15:53 qu'on est des superwoman et superman.
15:55 On peut tout faire.
15:55 C'est juste une histoire
15:57 de qui est le capitaine du bateau.
15:59 C'est ça qui est important.
16:00 La force qu'on a à l'intérieur,
16:02 elle est incommensurable.
16:04 Elle n'a pas de limite.
16:05 Donc moi, je me suis dit que je me sortais de là.
16:08 Je n'abandonne jamais.
16:09 Et je ne vais jamais le faire.
16:11 Et c'est ça mon état d'esprit.
16:13 Moi, je me sortais de là.
16:15 Peu importe ce qui allait arriver.
16:16 Et c'est avéré que je suis arrivée.
16:18 Alors après toutes ces années,
16:20 ça fait plus de 25 ans que je fais ça,
16:22 on pourrait avoir une image d'une exploratrice,
16:24 d'un explorateur magnifique,
16:26 où on le voit dans la nature tout le temps,
16:28 faire des trucs incroyablement cools tout le temps.
16:30 Il ne faut pas se fier à cette image
16:33 instagrammable magnifique.
16:35 Parce que derrière cette image incroyable, magnifique,
16:39 il y a un corps d'athlète qu'il faut maintenir en santé.
16:42 Moi, je m'entraîne tout le temps.
16:43 Hors expédition, pendant l'expédition,
16:45 je ne peux pas laisser mon corps se reposer.
16:47 Donc j'ai une hygiène de vie qui est très, très stricte.
16:50 Chaque expédition, et encore là,
16:51 je suis en préparation d'expédition,
16:52 c'est toujours compliqué parce que rien n'est stable.
16:55 À chaque expédition,
16:57 c'est comme monter une entreprise quasiment.
16:59 C'est la même énergie.
17:00 Et on ne peut pas se baser sur du vécu
17:02 parce qu'on l'a vu.
17:03 L'époque d'aujourd'hui n'est pas la même qu'il y a deux ans.
17:06 Et tout change, tout bouge très vite.
17:08 Et donc, il faut être innovateur.
17:10 Il faut à chaque fois se repositionner.
17:12 Il faut à chaque fois repenser d'autres choses.
17:14 Et c'est comme ça qu'un jour,
17:15 le National Geographic m'a appelé.
17:17 C'était en 2014.
17:19 Et ils m'ont dit,
17:20 "Bah écoutez, ça fait des années qu'on vous suit."
17:21 Je revenais d'une expédition de trois ans.
17:23 J'ai marché de la Sibérie à l'Australie.
17:24 Et ils m'ont dit, "Bah écoutez,
17:26 on va vous nominer aventurière de l'année 2014."
17:29 Et puis c'est comme ça que le processus a commencé.
17:31 C'est un très long processus.
17:32 Après, il a fallu aller à Washington.
17:34 Il faut faire ses galons après.
17:36 Il faut pitcher ses expéditions.
17:38 Et que peut-être le National Geographic va choisir ou pas.
17:41 Et puis quand ils choisissent après une expédition,
17:43 eh bien, ils vous donnent un label.
17:46 Et puis, ils participent à un tout petit pourcentage de cette expédition.
17:50 Aujourd'hui, je peux dire que je fais partie de la famille
17:52 des explorateurs au National Geographic.
17:54 Ça a été un truc complètement fou.
17:56 Parce que quelque part,
17:57 c'était une validation qui me montrait
18:00 que tout ce que j'avais fait jusque-là était juste.
18:02 Parce qu'en fait, ce que je vis,
18:04 moi, je veux le partager avec les gens.
18:05 Et aujourd'hui encore,
18:07 j'ai de plus en plus de gens qui lisent mes livres.
18:10 Leur témoignage est incroyable.
18:12 Tous les jours, je reçois des mails
18:13 ou des gens qui me disent, "Mais écoute,
18:14 je rêvais de faire à ma manière
18:16 quatre jours de bivouac.
18:20 Et en fait, j'ai fini ton livre
18:21 et j'ai fait mes quatre jours de bivouac avec ma fille.
18:23 C'était incroyable.
18:24 On a vécu une expérience incroyable."
18:26 Et j'ai créé ces 15 histoires d'expéditions inédites
18:29 qui ont changé ma vie.
18:30 Et j'ai pris les moments clés
18:31 dans toute ma vie d'exploratrice
18:33 et je les ai mis dans ce livre.
18:34 Et c'est vraiment un booster.
18:36 Et je parle tout le long du livre
18:38 d'un élément,
18:39 qui est cet élément qui, en fait,
18:41 déclenche notre feu intérieur.
18:42 Il faut trouver ce qui nous nourrit.
18:45 Et du moment où le feu est attisé
18:48 et flamboyant,
18:49 on s'en fout ce que vous faites.
18:51 On s'en fout ce qu'on fait.
18:53 Si ça allume votre feu intérieur,
18:55 c'est que c'est au bon endroit.
18:56 ♪ ♪ ♪
19:01 [Musique]