SMART BOURSE - Inflation US : the last mile(s) ?

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Mardi 12 décembre 2023, SMART BOURSE reçoit Benoit Vesco (Président, Delubac Asset Management) , Nourane Charraire (Directeur de la gestion, Mansartis) et Hervé Goulletquer (Senior Economic Advisor, Accuracy)
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00:00 *Musique*
00:10 Trois invités avec nous chaque soir pour décrypter les mouvements de la planète marché.
00:13 Nouran Charrer est à nos côtés, directeur de la gestion de Mansartis.
00:16 Bonsoir Nouran. - Bonsoir Grégoire.
00:17 Merci d'être là, merci à Hervé Goulette-Kerr d'être avec nous également.
00:20 Bonsoir Hervé. - Bonsoir Guillaume.
00:22 Vous êtes senior economic advisor chez Accuracy.
00:24 Et Benoît Vesco est à nos côtés enfin. Bonsoir Benoît.
00:27 Bonsoir Grégoire. - Merci d'être là, ravi de vous retrouver.
00:29 Vous êtes président de Delubac Asset Management.
00:32 Le chiffre macro du jour, Hervé je me tourne vers vous.
00:35 Le dernier rapport mensuel sur l'inflation aux Etats-Unis.
00:38 J'ai derrière les chiffres globaux qui donnent l'idée qu'on a peut-être un peu calé sur le phénomène des inflations.
00:44 Beaucoup d'analystes ou d'économistes qui regardent les détails nous disent qu'on reste quand même sur une bonne trajectoire.
00:50 C'est-à-dire une trajectoire baissière qui pourra coïncider à un moment avec un retour à une inflation normalisée
00:56 à 2, quelque chose aux Etats-Unis au cours de l'année 2024.
01:01 - La trajectoire baissière quand on regarde derrière, il n'y a aucun doute, on l'a.
01:05 En regardant devant, si on extrapole, on a envie de dire qu'il y a une trajectoire qui reste baissière.
01:12 Mais ça tient un peu de l'extrapolation.
01:14 Moi je pense qu'en regardant devant, si on veut être honnête, on fait le pari que ça va continuer de ralentir.
01:23 Mais à quel rythme et surtout jusqu'à quel niveau, ça en fait personne n'en sait rien.
01:28 Dans les choses à suivre, la bizarrerie qu'on a dans les prix, mais ça vaut du côté américain, ça vaut du côté européen,
01:36 c'est que si... alors on enlève énergie, aliments, pourtant ce sont de vraies questions, mais enlevons-les pour faire simple.
01:45 Du côté des marchandises, eh bien on est revenu sur la tendance d'avant 2019, zéro. Très simple.
01:52 Par contre du côté des services, aux États-Unis on doit être à 6 à peu près, et on a beaucoup beaucoup de mal à ralentir.
01:59 Donc en fait, rien qu'en faisant ce constat-là, on en arrive à la conclusion que ça n'a pas l'air vraiment de marcher comme avant.
02:06 Ce qui fait que sur nos questions de rythme de ralentissement, de plancher, on se dit faisons attention.
02:13 Et puis la vraie question de fond derrière, c'est que vont devenir les coûts salariaux par unité produite,
02:19 donc l'évolution des salaires, moins l'évolution de la productivité.
02:23 Alors aux États-Unis sur la productivité, les derniers chiffres sont plutôt bons, et donc c'est rassurant.
02:29 Ils sont même tellement bons qu'on se dit qu'ils ne sont pas extrapolables.
02:32 Je crois qu'on a dû faire au troisième trimestre du 6% en rythme manuel.
02:37 - J'ai vu je crois 5,2% peut-être pour la croissance de la productivité, non-farm productivité au Q3,
02:44 qui est un chiffre qui a été révisé à la hausse encore.
02:47 C'est trop beau pour être honnête, pour dire le vrai.
02:49 Mais donc il y a une question sur la productivité.
02:52 Elle avait beaucoup baissé, elle corrige, quelle est la tendance demain en en ce qui a rien, et sur les salaires,
02:58 alors ça ralentit un peu, mais ça reste tout de même significativement plus haut qu'avant,
03:03 c'est-à-dire qu'avant toutes les crises qu'on a eues,
03:05 et on a envie de se dire il y a de bonnes raisons pour que ça soit plus haut,
03:08 même si le plus haut de combien, on ne sait pas le dire vraiment.
03:13 Donc il me semble que si on met tout ça bout à bout, il y a quand même beaucoup d'incertitudes,
03:19 et en fait la question c'est que, imaginons qu'on ralentisse,
03:23 mais que finalement les noyaux durs aux Etats-Unis sont à 4, qu'on stabilise à 3.
03:29 Mais 3 ce n'est pas 2.
03:30 Et dans ce cas-là, la question à se poser, au-delà de l'inflation,
03:34 c'est que s'il y a ce 3 qui est aussi collant que le sparadrap du capitaine Dock,
03:38 qu'est-ce qu'on fait ? Qu'est-ce que la Fed fait ? Qu'est-ce que la BCE fait ?
03:43 Aujourd'hui on dit que tout ça se normalise,
03:45 mais en fait c'est une réponse un peu courte à une question
03:48 qui hélas reste une question essentielle,
03:51 mais dont les éléments de réponse aujourd'hui sont encore fragiles.
03:54 Oui, on trouve dans le détail du rapport, chacun y trouve son compte.
03:58 Ceux qui effectivement font le pari que ça va continuer de baisser et rejoindre les 2%,
04:02 et ceux qui estiment qu'il y a peut-être des facteurs de rebond ou de stickiness encore
04:06 dans cette inflation, coeur, la plus coeur possible d'ailleurs aux Etats-Unis.
04:11 Qu'est-ce que ce rapport-là implique pour la communication de la Fed demain soir, O.R.G ?
04:16 Je pense que du côté de la Fed, en fait, c'est pas une question de fond.
04:21 Sur le fond, ils ne veulent pas bouger aujourd'hui, parce qu'ils ont beaucoup bougé,
04:25 et qu'ils sont dans la même incertitude que nous sur ce qui va se passer demain.
04:30 En fait, c'est une question de communication et de crédibilité.
04:35 On voit bien quelles sont les anticipations du marché aujourd'hui.
04:40 Le plafond des taux directeurs est atteint, ça va baisser très vite.
04:45 En fait, ils sont obligés de se ranger sur cette trajectoire pour accompagner le marché,
04:51 mais ce qu'ils veulent faire dans l'accompagnement, c'est le freiner.
04:54 Et donc, toute leur communication va être de dire "oui, c'est vrai,
04:59 mais nous sommes sans doute avec un ralentissement pérenne de l'inflation,
05:03 c'est une excellente nouvelle, et c'est pour ça d'ailleurs que nous ne bougeons plus.
05:07 Néanmoins, demain, ce n'est pas très précis. Bref, je vous ai compris marché,
05:12 ce n'est pas pour ça que je vais aller aussi vite que vous.
05:15 Bon, qu'est-ce que cette histoire d'inflation, de désinflation,
05:19 qui est quand même la grande histoire de 2023,
05:21 on arrive à un moment clé peut-être pour les banques centrales,
05:24 puisque le marché a en tout cas bien en tête cette fois l'idée du pivot.
05:28 Alors, je sais qu'il y a eu plein de faux départs sur le pivot des banques centrales,
05:32 mais cette fois, tout le monde semble d'accord sur l'idée que 2024 sera une année
05:37 qui pourrait voir des baisses de taux directeurs des banques centrales.
05:40 Benoît, comment vous regardez ce moment, et qu'est-ce que ça implique,
05:44 alors pour les banques centrales, mais pour les investisseurs ?
05:46 Oui, clairement, sur les banques centrales, on ne voit pas de hausse de taux directeurs,
05:49 c'est derrière nous tout ça.
05:51 Maintenant, je rejoins Hervé sur son analyse de la baisse de l'inflation,
05:54 plus elle baisse, moins elle baisse vite.
05:57 Et donc, ça amènera de toute façon les banques centrales à la prudence.
06:02 Et donc, on a... Mais en fait, on n'a pas arrêté sur les marchés d'anticiper les baisses de taux
06:06 tout au long de l'année, et à chaque fois être déjoué.
06:10 Et donc, on est encore dans ce phénomène-là,
06:12 où on attend vite vite vite la baisse des taux directeurs de la Fed demain, quasiment.
06:17 Et donc, et quand on regarde les statistiques, il n'y a aucune raison pour les banques centrales
06:22 de commencer dès maintenant une baisse des taux directeurs.
06:24 Donc, on va probablement devoir reporter ces anticipations au cours de l'année.
06:29 Et on les voit plutôt au deuxième semestre qu'au premier semestre.
06:32 Ce qui nous semble être un indicateur quand même de fébrilité pour les marchés à court terme.
06:37 C'est-à-dire qu'à un moment donné, on rentre un petit peu à nouveau dans le dur, dans la réalité,
06:42 avec des économies qui sont fragiles, mais pas très fragiles,
06:47 dans des récessions qui sont très légères malgré tout,
06:50 mais qui sont quand même dans des récessions en zone euro,
06:53 proche d'une récession aux États-Unis.
06:55 Donc, un environnement qui, à court terme, va peut-être un tout petit peu calmer le jeu des marchés.
06:59 Alors là, on est dans la période de fin d'année, je pense que ça fait plaisir à tout le monde
07:02 d'avoir un beau bilan et on en est ravi parce que ce n'était pas forcément gagné il y a encore quelques mois.
07:07 Et je pense que les banques centrales n'ont pas envie, dans leur communication prochaine,
07:11 de trop se mettre doute.
07:13 - Perturber ça, oui !
07:15 - Ça n'a pas d'intérêt.
07:17 Et c'est pour ça que ça ne sera pas simple.
07:19 C'est la dernière réunion de fin d'année.
07:21 Il faut refroidir, mais pas trop.
07:23 Mais voilà, après ce 31/12 qui sera passé,
07:27 qui pour le moment donne l'impression de pouvoir afficher un beau bilan,
07:31 on va revenir à la réalité avec des marchés actions
07:35 qui vont devoir quand même acter d'une économie fragile,
07:39 pas très fragile, mais fragile quand même,
07:42 des déceptions sur les résultats à court terme,
07:45 qui feront qu'on calera un peu et en fait c'est un scénario idéal.
07:49 - Mais c'est ça, oui.
07:51 Vous dites que quand on anticipe un scénario aussi idéal que celui qui est anticipé par les marchés,
07:56 on aura le meilleur des deux mondes, les baisses de taux rapides, la croissance qui tient, etc.
08:00 Vous dites qu'il y a de la place pour se faire peur par rapport à ce scénario
08:04 tel qu'il est anticipé par les marchés aujourd'hui.
08:07 - À court terme, il y a de la place pour se faire peur en début d'année,
08:10 mais on a quand même un parachute fantastique.
08:12 Il y a encore quelques temps, encore quelques années,
08:15 on était très inquiet de ces taux à zéro en se disant
08:18 "mais les banques centrales n'ont plus aucune marge de manœuvre".
08:21 Là on va être inquiet du ralentissement économique tout en se disant
08:24 "tout va bien, les banques centrales vont baisser leurs taux directeurs".
08:27 Donc on aura peut-être un phénomène quand même,
08:30 d'où cette inquiétude à court terme sur les marchés actions,
08:33 qui n'est pas très forte parce qu'on a retrouvé ce parachute
08:37 qu'on avait pu déjà depuis quelques années.
08:40 - Nourane, comment vous abordez 2024, puisque c'est le sujet,
08:44 partant de l'idée du pivot des banques centrales,
08:47 comment vous intégrez ça dans vos réflexions d'investissement,
08:51 dans les stratégies d'investissement que vous pouvez proposer à vos clients ?
08:55 Est-ce qu'on mise tout sur le pivot,
08:58 ou est-ce qu'il faut quand même regarder un peu autre chose
09:01 que simplement les mouvements de taux ?
09:03 - Alors nous, chez Monsartis, on est globalement assez positif,
09:06 comme on l'a été tout au long de l'année 2023,
09:08 sur un scénario qui, globalement, est assez positif pour 2024,
09:11 notamment sur les actions et les taux, j'y reviendrai tout à l'heure.
09:14 Mais il est basé sur un scénario économique central
09:17 qui semble être assez consensuel, et on va voir s'il y a des zones
09:20 de risque ou de fragilité sur ce scénario central.
09:23 Le scénario central, pourquoi il est à peu près consensuel ?
09:26 Parce qu'en fait, c'est la poursuite des tendances
09:29 qui ont commencé en 2023.
09:32 Donc au niveau de la croissance économique, qu'est-ce qu'on a ?
09:35 On a globalement un soft landing, on n'est pas en récession,
09:38 on a une croissance économique mondiale
09:41 qui passera de 3% à 2,4% à peu près.
09:44 Donc ralentissement économique, pas de récession.
09:47 Au niveau de l'inflation, on a une désinflation
09:50 qui a été effectivement impulsée, enfin forte, en 2023
09:53 et qui devrait se poursuivre en 2024.
09:56 Si on regarde maintenant les chiffres,
09:59 qu'est-ce qu'on a au niveau de l'inflation
10:02 que vont attendre les banquiers centraux ?
10:05 Aux Etats-Unis, les chiffres, les objectifs des banquiers centraux,
10:08 c'est l'inflation core, donc l'inflation en dehors
10:11 des éléments volatiles. Aujourd'hui, le core PCE,
10:14 on est plutôt à 3,4% et en anticipation
10:17 fin 2024, on est plutôt à 2,5%.
10:20 Les objectifs sont à 2.
10:23 En Europe, on regarde, les objectifs,
10:26 c'est plutôt l'inflation headline, là on y est,
10:29 on est à 2,6% et globalement, on a des objectifs à 2%.
10:32 Donc, au niveau du scénario croissance
10:35 et désinflation, on devrait, et je vais y revenir tout à l'heure
10:38 sur les éléments de risque, on devrait poursuivre la tendance.
10:41 Dans cet environnement-là, les investisseurs anticipent
10:44 des baisses de taux assez importantes, puisque c'est des baisses de taux
10:47 anticipées globalement de 100 points de base aux Etats-Unis
10:50 ou en Europe. Par rapport à ce scénario central,
10:53 quelles sont les zones de risque ?
10:56 Est-ce qu'il y a des zones de risque ? Oui, nous, on considère
10:59 que ce ne sont pas, ce sont plutôt des zones de fragilité
11:02 auxquelles il faut être attentif, mais ça ne remet pas en question
11:05 les tendances et ce scénario de base.
11:08 Quels sont les points d'attention
11:11 qu'il faut avoir ? Le premier point d'attention, on l'a un petit peu évoqué,
11:14 c'est la croissance économique. Est-ce que le consommateur
11:17 américain ne va pas s'arrêter d'un seul coup
11:20 de consommer en 2024, parce qu'il a été soutenu
11:23 en 2023 par deux facteurs qui n'ont plus
11:26 lieu d'être en 2024, c'est-à-dire un taux d'épargne
11:29 excédentaire et un taux de chômage relativement bas ?
11:32 Aujourd'hui, le taux d'épargne excédentaire, on est revenu sur les tendances
11:35 et sur les niveaux pré-Covid, donc il n'y a plus d'épargne excédentaire.
11:38 Et sur le taux de chômage, on voit qu'en fait,
11:41 on va avoir un taux de chômage qui va remonter graduellement.
11:44 Donc, face à ces deux facteurs de soutien
11:47 qui ne sont plus, est-ce que le consommateur américain va arrêter
11:50 de consommer et donc précipiter la croissance américaine
11:53 avec un coût d'arrêt plus important qu'anticipé ?
11:56 Ça, c'est sans compter finalement les effets
11:59 positifs du salaire réel et de la hausse
12:02 des salaires réels qui va être quand même présente en 2024
12:05 grâce notamment à l'inflation qui baisse.
12:08 Les prêts à la pompe aux Etats-Unis se sont plus bas depuis deux ans. Tout à fait, donc le pouvoir d'achat
12:11 tout à fait qui remonte. Si c'est une mesure du sentiment et de la confiance
12:14 du consommateur américain, inversé. Voilà, donc ça
12:17 au niveau de la croissance, bon, somme toute
12:20 on considère que le consommateur américain va suffisamment tenir
12:23 pour ne pas amener une récession ou en tout cas un arrêt
12:26 trop important aux Etats-Unis. Le deuxième
12:29 point d'attention qui est important, c'est
12:32 l'inflation, la désinflation. Et là, ce qu'on entend
12:35 c'est que, et d'ailleurs on l'a dit, c'est que la désinflation
12:38 a été très rapide en 2023, notamment
12:41 grâce aux effets de base. On ne les aura plus les effets de base
12:44 en 2024. Donc oui, de la désinflation.
12:47 Et ça encore, c'est peut-être sans compter que
12:50 la croissance américaine ralentit, ralentit
12:53 en dessous de ce potentiel de croissance. Le potentiel de croissance aux Etats-Unis
12:56 c'est 1,7. L'année prochaine, on sera globalement
12:59 à 1,3% et on vient de...
13:02 - On sera à plus de 2% cette année sur la croissance américaine.
13:05 - Voilà, globalement à 2,5% sur la croissance américaine. Donc en fait
13:08 on a un ralentissement qui est très net et
13:11 on ne peut pas avoir, quand on a une croissance
13:14 économique américaine inférieure à son potentiel,
13:17 on ne peut pas continuer à avoir,
13:20 enfin à résister au niveau de l'inflation. Donc nous on considère qu'on peut avoir
13:23 une désinflation qui s'accélère. Et enfin, quand même
13:26 le dernier point d'incertitude, mais encore une fois, nous on nuance
13:29 tous ces points-là, c'est pour ça d'ailleurs qu'on est relativement positif,
13:32 mais le dernier point c'est les anticipations des investisseurs.
13:35 Effectivement, est-ce qu'elle n'est pas trop forte, trop élevée, une anticipation
13:38 sur la baisse des taux des investisseurs 2024 ? Est-ce que
13:41 les investisseurs ne vont pas être un peu échaudés avec un discours
13:44 des banquiers centraux qui resterait sur un discours
13:47 très restrictif ? Alors là,
13:50 on considère honnêtement que si
13:53 on a raison sur le scénario de la croissance économique
13:56 et sur les niveaux d'inflation, on devrait avoir
13:59 une baisse des taux de l'ordre de 100 points de base,
14:02 sachant que
14:05 si on regarde sur le plan théorique, alors ça marche
14:08 ou ça marche pas, peu importe, mais si vous regardez la règle de Taylor,
14:11 avec les chiffres de l'inflation et les chiffres du chômage, les banquiers
14:14 centraux devraient baisser la fin prochaine les taux de 200 points de base.
14:17 Donc aujourd'hui, la baisse des taux de 100 points de base,
14:20 elle est, je dirais, somme toute cohérente si on
14:23 anticipe une désinflation et un ralentissement de la croissance
14:26 économique. - Bon, Hervé, quand même sur ces considérations,
14:29 on parlera actions et taux, donc ça c'est
14:32 le scénario qui sous-tend une vision positive,
14:35 de retour positif pour le 60/40,
14:38 pour dire les choses. Ce sera une belle année encore pour le 60/40,
14:41 l'an prochain, sur la base de ce scénario-là. Hervé, moi
14:44 ce qui m'intéresse, c'est quand même la diversité des avis,
14:47 c'est-à-dire que, on regarde, je regardais un sondage
14:50 fait auprès des économistes sur la trajectoire future des taux
14:53 de la Banque Centrale Européenne, alors évidemment jusqu'à décembre, là,
14:56 tout le monde est d'accord, ça va pas bouger, mais alors après, c'est une dispersion
14:59 totale. On retrouvera sans doute la même chose dans les dots
15:02 de la Fed demain soir. Quand on voit les prévisions
15:05 des stratégistes, l'exercice traditionnel, certains
15:08 nous disent "deux baisses de taux, pas plus". Si c'est
15:11 soft lending, si c'est soft no lending pour l'économie
15:14 américaine, deux baisses de taux, pas plus, n'en attendez pas plus.
15:17 Et puis d'autres qui peuvent avoir des scénarios de récession
15:20 beaucoup plus durs, mettent jusqu'à 200, 250
15:23 et près de 300 points de baisse de taux. De toute façon, une fois que c'est parti
15:26 et qu'on est en récession, la Fed peut aller très vite, très loin
15:29 dans les baisses de taux. Il y a quand même... Les jeux sont très
15:32 ouverts. - Oui, il y a des dispersions
15:35 terriblement fortes qui sont simplement la marque de l'incertitude
15:38 et c'est pour ça que, moi, j'aurais envie de dire
15:41 qu'on a une vraie question de méthodologie.
15:44 C'est-à-dire qu'habituellement, on dit "il y a un scénario
15:47 central", c'est-à-dire c'est son scénario, alors il y a
15:50 des scénarii alternatifs qu'on n'évoque pas parce que
15:53 on croit tellement au scénario central. Mais en fait,
15:56 aujourd'hui, il faut avoir un scénario central,
15:59 il faut avoir l'honnêteté de lui donner
16:02 une probabilité qui ne sera que faible.
16:05 Et dans ce cas-là, on est obligé de fouiller un peu
16:08 plus les scénarii alternatifs et il y en a peut-être
16:11 deux, il y en a peut-être plus que deux, parce que l'environnement
16:14 est compliqué. Et en fait, moi je pense que
16:17 on doit être agile. Être agile, ça veut dire
16:20 fouiller les différents scénarii et être
16:23 capable à un certain moment de se dire "bon, je suis
16:26 évidemment parti sur mon scénario central, mais pour
16:29 des tas de raisons, parce que l'incertitude est vraiment épaisse,
16:32 eh bien, je suis obligé de virer de bord
16:35 et d'aller vers un de mes scénarii". Et là, il y a une période
16:38 intermédiaire qui n'est pas très facile à prendre
16:41 en compte, mais c'est une nécessité. Donc moi, je crois
16:44 qu'aujourd'hui, moi j'ai bien aimé, je veux faire de la publicité,
16:47 un petit crobat de JP Morgan
16:50 en fait, qui disait... Alors, il y a le scénario
16:53 du soft landing, donc de l'atterrissage en douceur, 40%.
16:56 Mais les 60% restants,
16:59 c'est pas une récession. Ils ont dit "ben, il y a possibilité
17:02 de récession", je sais pas, ils ont dû mettre dans les 20%,
17:05 et puis après, ils ont dit "l'inflation ralentit,
17:08 mais ralentit plus lentement que ce qu'on pense". Ils ont mis
17:11 10 ou 15%, j'en sais rien. Et après, ben l'inflation,
17:14 elle ralentit pas, ou elle ralentit jamais vers la 2%.
17:17 Et donc, qu'est-ce que ça fait après sur les taux d'intérêt ?
17:20 Moi, j'aime bien l'idée de pas être trop binaire
17:23 aujourd'hui, c'est-à-dire récession ou pas, oui/non.
17:26 En fait, il y a un monde qui va pas être
17:29 le monde d'hier, simplement parce qu'on a une régulation,
17:32 comme on dit pour faire savant, c'est-à-dire un fonctionnement
17:35 de l'économie. On était dans une vague de 30 ans
17:38 de néolibéralisme, qui plaisait bien au marché,
17:41 qui nous plaisait bien, et avec le temps, on avait appris à savoir
17:44 comment ça marchait dans ce cadre-là. On est en train de virer vers
17:47 quelque chose. Est-ce qu'on revient vers le keynésianisme
17:50 d'avant ? Vraisemblablement pas. Ça va être un truc
17:53 nouveau, et ce truc nouveau, on l'a pas bien déterminé.
17:56 Et c'est pour ça qu'il faut pas mettre tous ses oeufs
17:59 dans le même panier. Et donc, après,
18:02 quand les gens disent "3 baisses de taux", ou j'en sais
18:05 trop rien, ben il faudrait qu'ils nous disent
18:08 quelle est l'histoire derrière, et quelle est la probabilité
18:11 qu'ils accordent à cette histoire. Sinon, moi j'ai simplement envie de dire
18:14 c'est pas audible. - Ouais, je comprends. Effectivement.
18:17 La formule s'applique également
18:20 à la politique. Petite parenthèse là-dessus, Hervé,
18:23 parce que le calendrier... Je crois que 60%
18:26 du monde vote dans les 12 prochains mois. C'est à peu près
18:29 le chiffre que j'ai en tête, soit en termes de population, soit en termes de pipe.
18:32 Bref, on a un calendrier électoral mondial intense,
18:35 avec des rendez-vous plus importants que d'autres. Bien sûr, ça commence avec
18:38 Taïwan le 13 janvier, et ça se conclura au début
18:41 du mois de novembre prochain avec l'élection présidentielle
18:44 américaine. C'est vrai que quand on suivait les dernières élections,
18:47 donc on a eu le populisme
18:50 de Fico en Bulgarie,
18:53 je crois, on voit ravir Millei
18:56 en Argentine, on a tous en tête la possibilité
18:59 d'un retour de Trump 2.0 à partir de
19:02 novembre, etc. Il y a quand même une exception qui
19:05 montre qu'il ne faut pas mettre tous ses oeufs dans le même panier,
19:08 comme vous le disiez, c'est ce qui s'est passé en Pologne, Hervé. - Oui, Tusk,
19:11 donc les centristes. Alors, c'est la coalition
19:14 de tous ceux qui étaient contre
19:17 les populistes au pouvoir auparavant,
19:20 le PIS. Mais en fait, donc ça c'est une
19:23 divine surprise, on est contents de cela
19:26 et je pense que pour l'Europe c'est vraiment important, et après je dirais
19:29 qu'elle est le message pour le monde, mais pour l'Europe c'est important
19:32 parce que la Pologne c'est une grosse économie, alors
19:35 en population ça doit être la quatrième, en
19:38 PIB ça doit être la cinquième, et vu son positionnement sur
19:41 la carte, et vu ce qui se passe aujourd'hui,
19:44 que l'Europe soit forte au nord-est,
19:47 c'est quand même quelque chose qui est vraiment important.
19:50 Et puis le message un peu "ourbi et torbi",
19:53 la Pologne y est catholique, donc on doit pouvoir dire
19:56 les choses comme ça, c'est que finalement,
19:59 il ne faut pas désespérer, et moi je trouve qu'au-delà de ça,
20:02 le populisme, est-ce qu'il n'a pas évolué ?
20:05 Le populisme de papa, celui des dernières années,
20:08 qui nous fait très peur d'ailleurs avec Trump
20:11 d'ici aux élections de novembre prochain,
20:14 mais quand on voit l'expérience de Melonie en Italie,
20:17 bon ben, Melonie, elle a plutôt une gestion
20:20 prudente, elle a plutôt une gestion pro-européenne,
20:23 donc elle est arrivée en criant très fort, parce que
20:26 quand on est de ce côté-là de l'échiquier,
20:29 il faut crier très fort, donc elle l'a fait, mais finalement
20:32 elle a une pratique, une pratique qui est finalement assez
20:35 consensuelle, donc moi je dirais,
20:38 les enjeux du monde, avec
20:41 des tensions internationales très fortes,
20:44 la nécessité pour notre puzzle
20:47 de pays que nous sommes dans l'Union Européenne
20:50 de rester unis, fait que à mon avis, la lecture
20:53 du populisme demain, je ne sais pas si
20:56 c'est le cas, c'est sans doute pas la lecture qu'on avait
20:59 il y a 5 ans ou il y a 10 ans, donc là-dessus
21:02 il y a Tusk, et peut-être que Tusk nous montre que les Polonais
21:05 vont être mieux compris que les autres.
21:08 Vrai surprise, et c'est vrai que le processus se termine aujourd'hui,
21:11 puisqu'il est officiellement élu Premier Ministre,
21:14 l'élection avait lieu il y a quelques semaines en arrière déjà, mais
21:17 c'est une surprise, effectivement, en tout cas dans le paysage européen, j'ai oublié
21:20 Wilders aussi aux Pays-Bas, qui était là, une forme
21:23 d'avancée populiste encore dans un pays nordique,
21:26 tout ce qui est venu casser, on va dire, cette
21:29 dynamique. Si on en vient au marché, aux stratégies de marché,
21:32 peut-être une première question, Benoît, si on anticipe
21:35 que les banques centrales vont à un moment baisser leur taux,
21:38 dans quelle ampleur, à partir de quand les questions restent
21:41 ouvertes, il faut déjà reconsidérer la poche monétaire
21:44 peut-être, dans les allocations, ça a été quand même la poche
21:47 qui a permis d'attendre, de patienter, d'être
21:50 confortable, une bonne partie de cette année 2023 ?
21:53 Alors, je pense que la nouveauté
21:56 de ce cycle-là, et du qu'il
21:59 nait après l'année 2022, c'est que le monétaire, il a retrouvé
22:02 toute sa place, et il va continuer à la garder,
22:05 c'est ça aussi le sujet, c'est un élément très important.
22:08 Alors après, on gardera une rémunération
22:11 sur le monétaire ? C'est quand même essentiel de pouvoir se dire, on a un placement
22:14 prudent, sur lequel on est rémunéré.
22:17 Donc, il y aura une baisse des taux directeurs, on peut l'anticiper,
22:20 on pense plutôt qu'elle est dans la deuxième partie de l'année, si elle est dans la
22:23 deuxième partie de l'année, ça laisse quelques trimestres encore sympathiques pour le monétaire.
22:26 Ce qui est une carte à jouer, qui est quand même non négligeable,
22:29 puisque pas de volatilité, une rémunération très sympathique,
22:32 eu égard aussi avec la baisse de l'inflation, maintenant, on est bien rémunéré.
22:35 Donc ça, c'est le premier point, c'est que le monétaire, je pense que,
22:38 en parallèle avec les commentaires d'Hervé, comme on rentre un peu
22:41 dans un nouveau cycle, qui est encore différent de ce qu'on a vécu
22:44 les 10-15 dernières années et les 30 dernières
22:47 années précédentes, on rentre dans un nouveau cycle
22:50 avec des armes qui redeviennent plus normales et plus
22:53 classiques, afin de diversifier le portefeuille. Donc, le monétaire
22:56 gardera sa place. Là, c'est vrai que c'était le grand
22:59 gagnant, quelque part, du portefeuille. L'obligataire
23:02 est probablement à jouer en deux temps. On a anticipé
23:05 beaucoup de choses sur les marchés de taux à très court terme.
23:08 Ça va peut-être un peu vite. Quand on regarde
23:11 les niveaux d'inflation, les niveaux de taux en zone euro,
23:14 on a déjà quand même joué des baisses de taux qu'on anticipe tout de suite,
23:17 tout de suite, tout de suite, ce qui ne se passera probablement pas.
23:20 Donc là, il y a probablement, à un moment donné, il y aura probablement un point
23:23 d'entrée sur les taux longs. C'est quand même intéressant de pouvoir se dire qu'on peut
23:26 remédier sur les taux longs, ce qui est quand même quelque chose
23:29 d'une habitude qu'on avait pu depuis quelques temps. C'est quand même intéressant.
23:32 C'est aussi une autre carte à jouer en diversification.
23:35 On est un peu plus prudent sur la partie, on va dire,
23:38 obligataire la plus risquée dans un environnement
23:41 de ralentissement économique, qui ne sera peut-être pas d'une ampleur très forte.
23:44 Ce n'est pas la peine forcément d'y aller tout de suite. Il vaut peut-être mieux
23:47 passer son tour pour le moment et y revenir dans un deuxième temps.
23:50 Et puis sur les marchés à action, même raisonnement, on est en deux temps.
23:53 Prudence à court terme parce qu'on va avoir
23:56 nous semble-t-il quelques désillusions à court terme.
23:59 Mais on aura encore une fois ce fameux parachute à un moment donné
24:02 qui va vite nous rassurer sur des valeurs de croissance
24:05 dynamiques qui vont nous permettre de
24:08 repartir et de pouvoir avoir, et là je vais
24:11 rejoindre Nourane sur le bilan, une année quand même très favorable
24:14 en fin d'année. Mais probablement en deux temps.
24:17 C'est l'idée quand même que
24:20 c'est la Fed qui va venir sauver les marchés, ce que vous dites
24:23 Benoît. Le poutre de la Fed, le parachute est de retour.
24:26 Le poutre de la Fed. Et tant que ce poutre
24:29 ne se sera pas exprimé, vous dites, ce sera peut-être compliqué pour les marchés
24:32 d'actifs risqués. Il y a cette phase-là qui durera, alors c'est peut-être pas
24:35 six mois, six mois, j'en sais rien. Mais c'est l'idée quand même
24:38 que vous défendez de ce scénario en deux temps.
24:40 Il y a cette idée que les marchés vont peut-être s'impatienter un moment et être un peu déçus
24:43 par les commentaires de la Fed et de la BCE.
24:46 Parce que la BCE sera un peu obligée de se coller aux commentaires de la Fed
24:49 ce qui est une difficulté pour la zone euro.
24:52 Et il sera à un moment donné quand même, on aura quand même
24:55 cette petite idée au fond de sa tête du côté des investisseurs
24:58 des marchés actions, en se disant, mais quand même, vu les niveaux
25:01 de taux directeurs où ils sont, on sait qu'à un moment donné
25:04 si ça va mal dans l'économie, on va avoir cette marge de manœuvre.
25:07 Et ça, ça va nous protéger, je pense,
25:10 de la grande baisse dont on pourrait s'inquiéter
25:14 mais qui, à notre sens, n'est pas le risque fort.
25:17 Est-ce à dire que le momentum bénéficiaire, les bénéfices
25:20 des entreprises seront un facteur secondaire
25:23 dans ce schéma de marché que vous décrivez ?
25:26 Ça sera probablement un facteur de déception à court terme.
25:29 D'accord. Pas un facteur de soutien alors ?
25:32 On va quand même avoir à un moment donné ce retour à la réalité en début d'année
25:35 où on va se dire, en fait, ce ne sont peut-être pas exactement les niveaux
25:38 qu'on attendait et les affaires sont peut-être un peu plus difficiles
25:41 que ce qu'on pensait. Mais pour pouvoir ensuite avoir
25:44 ce phénomène d'anticipation que les marchés aiment bien avoir
25:47 c'est-à-dire qu'on n'attend pas les résultats d'aujourd'hui
25:50 et qu'on se prépare sur les bonnes nouvelles des mois à venir.
25:53 Ouais. Nourane, sur la vision que vous avez pour 2024
25:58 comment le marché peut bouger, réagir
26:02 et quelle est la stratégie effectivement qui vous paraît pertinente ?
26:06 Alors nous, on est plutôt assez, comme je disais tout à l'heure
26:10 assez positif sur les marchés actions
26:13 pour trois raisons simples. La première c'est que si on a raison
26:16 sur notre scénario central, alors là je vais répondre à Hervé
26:19 pour donner un chiffre en termes de probabilité de réalisation
26:22 de ce scénario central, je dirais qu'il est suffisamment fort
26:25 pour qu'on ait une stratégie d'investissement constructive
26:29 et pour effectivement être positif sur les actions.
26:32 On rappelle, scénario central, c'est pas de récession.
26:35 C'est pas de récession. Et des baisses de taux pour accompagner la désinflation.
26:38 Pour accompagner la désinflation. Alors quand on dit baisses de taux
26:41 directeurs, souvent, historiquement, on a tendance à assimiler ça
26:45 à une baisse des marchés actions. Parce qu'on l'a vu en 2001
26:48 on l'a vu en 2007, on l'a vu en 2020, à chaque baisse de taux
26:52 effectivement on a eu des baisses des marchés actions. Mais ça, c'était
26:55 des baisses des marchés actions qui venaient compenser des déséquilibres
26:59 des crises financières. Si on regarde les baisses de taux qu'on a eues
27:02 historiquement, il n'y en a pas eu tant que ça, qui sont là pour
27:05 accompagner le ralentissement économique, comme c'est la situation
27:08 aujourd'hui, on l'a eue en 2019, et on l'a eue, alors j'aime moins
27:12 les références très historiques parce qu'on est dans des environnements différents
27:15 on l'a eue en 1995 et en 1994. Et ça, dans ces cas là, c'est synonyme
27:19 très nettement de hausse des marchés actions.
27:21 On parle de recalibration de la politique monétaire pour accompagner
27:25 comme vous dites, le mouvement de désinflation et piloter des taux réels
27:28 qui à un moment, pourraient devenir trop restrictifs.
27:31 Oui, et c'est surtout pour accompagner un ralentissement économique
27:34 dans un environnement qui est sain, parce que, on a un taux de chômage
27:37 qui est faible, on a une inflation qui est pas loin en fait.
27:40 C'est pas la baisse de taux en urgence pour faire face à un événement
27:43 financier, ou sauver l'économie d'une récession dure.
27:48 Tout à fait. Donc ça, c'est un argument qui est assez, bon,
27:53 qui est historique, mais un réel argument qui nous pousse à être
27:57 effectivement positif sur les marchés actions. Le deuxième, c'est que
28:01 les attentes sur la croissance des IPS, elles sont relativement faibles.
28:05 En Europe, on est autour de 3-4%, donc on risque pas d'être déçus.
28:09 Là-dessus, on est pas sûr. Alors effectivement, aux Etats-Unis,
28:11 c'est un peu plus élevé, c'est à 10, mais comme tous les ans,
28:13 on commence par 10. Après, on révisera en fonction effectivement
28:16 de ce qui se passe sur l'économie. Et l'autre élément, c'est que
28:22 quand on regarde, et ça, j'aime bien le faire, c'est-à-dire
28:24 renormaliser la croissance des bénéfices des entreprises par rapport
28:29 à 2019, et voir la performance des marchés actions, en fait,
28:34 on voit qu'en Europe, on a une croissance des bénéfices
28:38 par rapport à une basse en 2019 de 43%. Si on regarde la performance
28:43 des marchés, on est à +28%. C'est ce qui explique effectivement
28:46 que les marchés actions en Europe sont moins chers, on a effectivement
28:49 une contraction des multiples. Donc on a encore de la place
28:52 pour un re-rating, parce qu'on n'a pas encore renormalisé les marchés.
28:56 Expansion de multiples sera un facteur de performance.
28:59 Peut l'être, puisqu'on est encore en retard. Aux Etats-Unis,
29:02 c'est un peu moins vrai, parce qu'effectivement, vous avez
29:05 une croissance des bénéfices de l'ordre de 35%, mais vous avez
29:09 une performance de 48%. C'est ce qui explique qu'aujourd'hui,
29:12 vous avez effectivement une légère prime de valorisation sur les actions
29:16 américaines. Mais quoi qu'il en soit, toute cette renormalisation
29:20 de taux laisse la place au retour aux fondamentaux et à l'analyse
29:25 fondamentale pour expliquer une certaine rationalité.
29:29 - Et donc, dans cette idée-là, pour une poche actions, vous avez
29:33 plutôt tendance à vouloir privilégier les actions européennes ?
29:36 - Alors, on privilégie les actions des pays développés. C'est vrai
29:39 que l'Asie, c'est compliqué. On est empêtrés quand même dans une
29:41 crise immobilière. Bon, on voit bien que le gouvernement essaye
29:45 en tout cas de tenir les règles, mais on a quand même 30% du marché
29:48 qui est à l'arrêt, le marché immobilier. Donc ça, c'est compliqué.
29:51 Le marché japonais va être en tendance complètement inverse
29:55 par rapport aux autres marchés. Donc encore une fois, ça va être
29:59 compliqué. Donc disons que le marché américain, on ne peut pas
30:02 faire trop sans le marché américain. - Ah ben non !
30:04 - Le marché américain et le marché européen sont privilégiés
30:08 dans cette remontée des marchés actions. Sur les taux, globalement,
30:12 nous, dans des poches diversifiées, ce qu'il faut retenir, c'est qu'on
30:15 a une philosophie de décorrélation des risques par classe d'actifs.
30:19 Si vous avez un portefeuille diversifié, c'est pour avoir des risques
30:21 décorrélés. Donc, les obligations, c'est vraiment pour baisser le
30:25 niveau de volatilité des portefeuilles, quel que soit l'environnement
30:27 de marché. Donc, peu de risques, donc peu de durations, pas d'exposition
30:31 à yield. Donc, on baisse la volatilité sur les obligations. Et par contre,
30:35 on reprend du risque sur les actions. - Sur les actions.
30:37 - Ça, c'est la philosophie qu'on a, quel que soit l'environnement,
30:39 qu'on maintient bien évidemment pour 2024.
30:42 - Comment vous regardez, Hervé, peut-être d'un point de vue macro,
30:45 les expected returns des grandes classes d'actifs pour 2024,
30:50 l'idée d'une normalisation ? Comment vous regardez effectivement
30:55 ce qu'on attend des marchés en 2024 ?
30:58 - Moi, ce qui me gêne, c'est qu'en fait, on a une belle histoire
31:02 et puis on tire le fil de la belle histoire en se disant "mais il y en a encore".
31:06 En fait, ce "il y en a encore", moi je trouve qu'il est un peu troublant.
31:11 Sur la croissance, il y en aura moins que cette année.
31:15 Et on a déjà anticipé la croissance. Est-ce qu'on a anticipé le moins
31:20 de croissance ? Un peu, oui. Dans toute son ampleur, comme tout est incertain,
31:24 on ne sait pas très bien. Sur les prix, on a beaucoup anticipé.
31:28 Moi, mon petit doigt me dit qu'en fait, on va être déçu
31:32 et que l'inflation, il y en aura plus qu'on ne l'imagine.
31:36 Quand on prend les swaps inflation, les break-even,
31:39 je pense qu'il y a une complaisance dans ce qu'on peut dire.
31:43 Ce qui me fait dire que sur les politiques monétaires,
31:47 si elles sont coincées en se disant "flûte, on ne revient pas à 2%",
31:52 qu'est-ce qu'on fait ? Et je veux simplement dire que la lisibilité
31:56 des stratégies monétaires va être un peu compliquée
32:01 parce qu'on ne sera pas très bien. Donc, rien qu'à ce triple titre-là,
32:05 moi, je n'ai pas envie de tirer le fil de l'histoire.
32:09 Et donc, il me semble qu'à aujourd'hui, le monétaire, c'est bien.
32:13 Les obligations à durations courtes, c'est bien.
32:17 Sur les actions... - C'est la vision d'économiste, je précise.
32:21 - Non, mais c'était la... - Ça, c'est vrai.
32:23 Je ne le nierai pas, Grégoire.
32:26 Mais en fait, il me semble que sur les actions,
32:28 si on est dans des configurations de portefeuille où on doit en mettre,
32:32 il faut en mettre, ça, il n'y a pas de doute.
32:34 Mais je ferai plutôt le choix d'actions qui résistent bien
32:38 à un environnement qui n'est pas aussi bon qu'on ne le pensait.
32:42 Sachant qu'il y a un élément supplémentaire sur les profits attendus.
32:48 Moi, quand même, dans le monde dans lequel on entre,
32:51 avec des taux de chômage durablement faibles,
32:54 pour des tas de raisons que l'on connaît,
32:56 j'ai quand même l'impression que le rapport de force, il va un peu changer.
33:00 Que pendant la crise, finalement, les entreprises s'en sont plutôt assez bien sorties.
33:05 Parce que c'était incertain.
33:08 Mais on sort de tout cela, sans doute.
33:11 Et donc, moi, je ne suis pas certain que sur les profits,
33:15 ça se passe exactement comme hier.
33:18 Les salariés vont garder un pouvoir de fixation de leur salaire vis-à-vis des entreprises.
33:22 Oui, puisqu'on dit partout qu'on a du mal à trouver.
33:25 Alors, peut-être que les salariés, j'allais dire,
33:28 vont être aussi myopes que les entreprises ne l'ont été,
33:30 en disant "le rapport de force est en ma faveur, j'y vais".
33:33 Moi, je suis pour un monde dans lequel il y a plus d'entente que cela.
33:37 Ça, c'est une conception personnelle des choses.
33:39 Je referme la parenthèse tout de suite.
33:41 Mais, en fait, là aussi, il y a un questionnement.
33:45 Comment ça va se passer ?
33:46 Mais tout ça pour dire que, tirer le fil, moi, je n'y crois pas.
33:50 Je comprends.
33:53 Sur les...
33:55 Alors, je ne sais pas si c'est les optionnalités de 2024,
33:58 mais on commence à nouveau à reparler des petites capitalisations boursières,
34:02 Benoît, Nouran.
34:04 Là aussi, dans les grands axes des stratégies,
34:06 de la stratégie que vous avez pu développer, Benoît,
34:09 c'est le genre de classe d'actifs qu'on a envie de remettre un peu en avant ?
34:13 Encore un peu tôt, à notre avis, même s'il y a un rebond,
34:17 en tout cas une espèce de tentative de rattrapage.
34:20 Depuis un mois, on sent le...
34:22 Mais on part de loin.
34:23 Donc, encore un peu tôt, je pense qu'on aura vraiment ce signal-là
34:27 quand on aura des éléments plus clairs sur la politique des banques centrales.
34:31 Ça sera le moteur dont on a besoin maintenant.
34:34 Je pense qu'il y a trop de doutes sur cette classe d'actifs-là
34:37 pour qu'elle reparte d'elle-même.
34:38 Il va falloir avoir quelques éléments clés,
34:41 et notamment les deux directeurs qui seront clairement...
34:44 Voilà, ça y est, on peut s'en approcher de manière plus claire.
34:48 Donc ça, je pense que c'est encore un peu tôt pour y venir,
34:50 et ça arrivera dans un deuxième temps dans l'année,
34:53 une fois que les marchés actions se seront rassurés
34:56 et auront pu repartir en anticipation de soutien.
35:01 Donc là, on n'y est pas encore, je pense, malheureusement.
35:03 C'est vrai que c'était une vraie déception dans ces dernières années.
35:07 Oui, c'est ça. Pas que pour cette année.
35:10 La question, c'est qu'il y a un décrochage structurel,
35:14 en tout cas sur plusieurs années, de la classe d'actifs.
35:16 Donc là, c'est clair qu'il y a du potentiel,
35:18 mais maintenant, il faut qu'il y ait des éléments clairs
35:21 pour qu'ils se déclenchent.
35:22 Est-ce que votre optimisme, Nourane, vous fait aller jusqu'à dire
35:26 que oui, c'est intéressant de remettre peut-être des small caps
35:29 dans une allocation aujourd'hui ?
35:31 Beaucoup de CGP en ont plus dans leurs allocations.
35:34 Alors, nous, ils sont exclus de notre univers investissable.
35:36 Donc comme ça, c'est clair.
35:37 On est sur les moyennes et les large caps.
35:39 Mais aujourd'hui, si je dois faire une réponse par rapport aux small caps,
35:42 je dirais qu'on a des convictions qui sont autres
35:45 plutôt que celles liées à la capitalisation boursière,
35:49 d'autant plus que ça va vraiment dépendre au cas par cas
35:52 des murs de dettes qui vont arriver sur certaines sociétés plus petites.
35:56 Donc ça, c'est vraiment particulier.
35:58 Et quand on voit les small caps, effectivement,
36:00 on avait des niveaux de dette, des leviers financiers
36:02 qui étaient très élevés.
36:03 C'est ce qui a expliqué notamment la contre-performance.
36:07 Et dans un marché riscone, on n'a pas vu tant que ça,
36:10 finalement, un rattrapage très fort des small caps.
36:13 Donc attention toujours aux small caps.
36:15 Plutôt les convictions sur la partie action, je dirais,
36:18 elles sont plutôt liées à quelque chose qui est assez game changer
36:23 dans le monde dans lequel on est aujourd'hui.
36:25 C'est-à-dire qu'on parle de l'analyse des éléments conjoncturels très bien.
36:28 Mais il y a quand même quelques éléments structurels
36:32 qui ont des impacts à moyen long terme.
36:34 Parfait, les grandes tendances.
36:35 On va parler de gestion thématique juste après, dans le dernier quart d'heure.
36:38 Non, mais je vais être très courte.
36:39 Non, mais si, au contraire, c'est parfait pour le teasing.
36:41 Un élément qui est central, c'est que pendant des années,
36:44 on a eu des croissances économiques qui ont été boostées
36:46 à coup de politiques monétaires accommodantes, ultra-accommodantes.
36:49 Bref, d'injection de liquidités.
36:51 Aujourd'hui, on voit bien qu'en fait, c'est un moteur
36:53 qui commence en fait à s'éteindre.
36:55 Donc aujourd'hui, le relais est pris avec des politiques budgétaires
36:59 et des politiques de relance.
37:00 Si on regarde ce qui se passe aux États-Unis,
37:02 c'est assez transformant.
37:04 C'est-à-dire que si vous prenez le plan, le Chipsack,
37:07 l'infrastructure et l'IRA, vous avez 1 900 milliards de dollars
37:10 qui est investi sur 10 ans, soit 8 % du PIB.
37:14 Alors on va dire, oui, mais on a déjà eu ça.
37:16 On a déjà eu des plans Covid, on a eu déjà les plans Reagan,
37:19 on a déjà eu des plans pendant la crise financière.
37:22 Oui, très bien, mais c'était des plans, encore une fois,
37:24 pansements qui étaient amenés dans un environnement
37:27 de chômage élevé, d'inflation forte, de croissance économique
37:32 ou récession extrêmement importante.
37:34 Aujourd'hui, on a un environnement sain et en fait,
37:36 on a une croissance économique qui est boostée.
37:38 Cette année, elle a été boostée à hauteur de 50 %
37:41 par ces plans de relance.
37:43 L'année prochaine, c'est 50 % et la croissance additionnelle,
37:46 ce sera 25 % de boost d'investissement.
37:49 Donc ça, c'est important et du coup, on a des impacts
37:52 microéconomiques forts et c'est là-dessus qu'on porte
37:55 nos convictions chez Mancertain.
37:57 Hervé, les marchés aiment les plans de relance,
38:00 les plans d'innovation, les plans de crédit d'impôt,
38:03 les plans de subvention budgétaire,
38:06 avec des stratégies qui vont à un moment diverger,
38:09 sans doute, entre les États-Unis et l'Europe,
38:11 qui est en train de se refocaliser sur ces règles budgétaires.
38:15 Cette année, il y avait quand même quelque chose
38:18 d'un petit peu étonnant.
38:19 On avait un durcissement côté monétaire,
38:22 on avait un assouplissement du côté des budgets,
38:24 au moins du côté américain.
38:27 C'est quand même un peu compliqué de suivre
38:30 l'orthodoxie de tout cela.
38:32 Moi, je pense, du côté américain, la politique budgétaire,
38:35 c'est une vraie question, surtout que, au moins pour l'IRA,
38:38 elle est financée en mettant la caisse sur la table.
38:40 C'est-à-dire, c'est les entreprises qui investissent
38:42 et qui après disent à l'État...
38:44 - Crédit d'impôt. - Paye.
38:45 - Oui. - Et c'est quelque chose qui est sans doute
38:47 un peu malsain et ça va financer des tas de choses.
38:50 - Il y a une mécanique un peu boute-neige qui peut se mettre en place
38:52 avec ce genre de schéma. - Avec une rationalité économique
38:54 qui risque de décevoir.
38:56 On est aux États-Unis. - Donc vous préférez le système
38:58 européen à base de subventions, alors ?
39:00 - Le système européen,
39:02 il a ça de bien, si on est au niveau de Bruxelles,
39:05 c'est qu'il faut montrer ce que l'on veut faire
39:08 avant de recevoir des subventions.
39:10 Et comme d'ailleurs, bien souvent, on est incapable de montrer,
39:13 il n'y a pas d'argent. - Et du coup, on se retrouve
39:15 avec des dizaines et des centaines de milliards
39:17 qui ne sont toujours pas déployés parce qu'il n'y a pas de projet.
39:19 - C'est différent, mais en fait, on va avoir un durcissement
39:21 de la politique budgétaire du côté européen.
39:23 Donc là, on va avoir une différence avec des implications
39:26 sur la croissance, mais ce qui se passe aux États-Unis,
39:28 ce n'est pas extrapolable.
39:30 Ce n'est pas extrapolable.
39:32 Et du côté des marchés, on peut suivre ça très bien
39:35 si on épluche les taux d'intérêt à long terme correctement,
39:38 c'est-à-dire en enlevant les primes de terme,
39:41 donc les anticipations sur la politique monétaire,
39:45 disons les choses comme ça,
39:47 on voit tout de même que les taux réels,
39:49 ils ont tendance à monter.
39:51 Alors voilà, il faut quand même faire attention,
39:53 tout ça, ce n'est pas gratuit, il n'y a pas de free lunch
39:55 dans cette histoire, et donc la politique budgétaire
39:57 doit être bien gérée,
39:59 et je dis aux États-Unis,
40:01 aujourd'hui, elle n'est pas très bien gérée,
40:03 et le "buy dynamics" en la matière,
40:05 sur cet aspect-là, il y a une déception.
40:08 - Il faudra apporter des garanties à un moment
40:10 sur la trajectoire de finances publiques aux États-Unis.
40:13 Merci à vous trois pour avoir été des invités
40:15 de Planète Marché ce soir, Hervé Goulet-Dekker,
40:17 à Curaci, Nourane Charrer, Mansarti,
40:19 c'est Benoît Vesco de LUBAC à cette Management.
40:21 management.

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