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Laure Verdeau, directrice de L’Agence Bio était l'invitée éco de franceinfo, mardi 19 décembre, pour évoquer les difficultés de la filière bio.

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00:00 L'invité éco, Isabelle Raymond.
00:04 Bonsoir à toutes et à tous, les agriculteurs français certifiés bio vont bénéficier d'aide publique
00:10 faute de clients suffisants. Bonjour Laure Verdot.
00:13 Bonjour.
00:14 Vous êtes la directrice de l'agence bio, agence française pour le développement et la promotion de l'agriculture biologique.
00:21 Les agriculteurs bio vont donc obtenir une enveloppe supplémentaire, allonge de 34 millions d'euros,
00:28 qui vient d'être validée par la commission européenne. Est-ce suffisant à votre avis, à court terme, pour passer la crise ?
00:33 Cette aide, qui va au total être de 94 millions d'euros, est nécessaire pour la trésorerie, pour pouvoir passer la crise.
00:43 En revanche, ce dont le bio a crucialement besoin, c'est que la demande redémarre.
00:47 Et la demande, ce n'est pas que les achats des Français à domicile, c'est aussi les achats de bio dans la restauration hors domicile,
00:53 que ce soit les cantines ou les restaurants.
00:54 Puisque le problème aujourd'hui, c'est que la demande est en berne, le marché est tombé à 12 milliards l'an dernier,
00:59 soit un recul de 5%. Est-ce qu'aujourd'hui, les gens achètent moins de bio dans le supermarché ?
01:06 Alors, on est passé de l'an dernier, on achetait 6,5% de bio à 6%, ça s'est replié, ça nous met au niveau des Etats-Unis, en matière de consommation de bio.
01:14 Donc, dans le panier, il y a 6% de nos dépenses sont allouées au bio.
01:18 C'est absolument pas assez, parce qu'on sait qu'on a nos voisins européens, que ce soit les Danois, les Autrichiens, les Suédois,
01:23 qui mangent entre 10 et 12% de bio. Donc, si demain, on mangeait comme nos voisins, déjà, on aurait résolu la crise.
01:29 On est champion d'Europe de production bio en France, donc Cocorico Bio.
01:33 Donc, le problème, c'est pas la production ?
01:35 Non, le problème, c'est qu'il faut accueillir ces agriculteurs qui veulent produire en bio,
01:38 et à nous de nous débrouiller pour leur trouver des débouchés.
01:40 Les débouchés, c'est pas que à la maison, c'est dans toutes les occasions de la vie.
01:45 Mais à la maison, quand même, on a vu que la consommation a baissé, et notamment à cause de l'inflation.
01:50 L'inflation alimentaire, elle est toujours au-dessus de 7%.
01:53 Alors, l'inflation est...
01:54 Et ça, c'est pas pour le bio ?
01:55 Non, en général. Et effectivement, on a vu qu'il y a un report massif des produits de premier prix.
02:00 Mais la souffrance du bio, elle vient pas que de l'inflation, elle vient d'un désamour.
02:06 Parce qu'inflation, on parle...
02:07 Nous, on pense quand même que le bio est plus cher.
02:09 Alors, on le pense.
02:10 Mais en venant d'ici, j'ai regardé justement tout ce qu'on va acheter pour le réveillon,
02:14 que ce soit le saumon, les coquilles singes actes...
02:17 Alors, évidemment, pas le foie gras, parce qu'il peut pas y avoir de foie gras en bio.
02:20 C'est pas possible, ça n'existe pas.
02:22 Pour respecter le bien-être animal, en bio, on ne gave pas ni les oies ni les canards.
02:25 Donc, voilà, je salue les amateurs de bien-être animal.
02:27 Mais il y a de la truite, il y a des super fromages, il y a même de la truffe en bio.
02:32 Tous ces produits bio.
02:33 Le décalage, actuellement, moi j'ai été surprise, j'ai trouvé du saumon bio à 50€ le kilo,
02:39 là où il était 6€ plus cher en pas bio.
02:41 Donc, c'est vraiment... Il y a des grands paradoxes.
02:43 Statistiquement, le bio n'est pas plus cher que le non-bio.
02:46 Alors, il n'y a pas qu'un prix du bio. Il y a des prix du bio.
02:48 Ça dépend du circuit de distribution.
02:49 Si vous achetez votre bio en direct, il est ultra compétitif.
02:51 En revanche, les seuls relevés prix qu'on a en grande distribution, ça peut aussi y être.
02:55 Mais pas toujours entre 10 à 30% de plus.
03:00 C'est beaucoup 10 à 30% de plus quand même.
03:02 Mais ce qu'on... Alors, ça n'a pas forcément de sens de comparer un panier en bio avec un panier identique pas bio.
03:08 Parce que plus on mange du bio, plus on change, un, sa façon de consommer,
03:12 sa façon de gaspiller, par exemple.
03:13 On change son circuit de course et puis on change son menu.
03:16 Donc, ça change l'équation économique.
03:17 Donc, ça n'a pas vraiment de sens. On ne fait pas "Ctrl+C", "Ctrl+V" de sa liste de courses en bio.
03:21 D'accord.
03:22 Alors, donc, vous dites, il faut que le consommateur achète davantage bio.
03:27 Ça passe notamment par un changement de l'alimentation.
03:32 Il ne faut pas comparer juste les prix. L'inflation ne fait pas tout.
03:35 Il faut aussi que les collectivités achètent davantage bio.
03:39 Les cantines, les entreprises.
03:41 Alors, on a en France une loi Egalim qui dit qu'il faut 20% de bio dans les cantines.
03:45 Actuellement, on n'en est qu'à 7% sur l'échelle nationale.
03:48 Comment vous l'expliquez cette loi Egalim ? Elle date de 2021, c'est ça ?
03:51 Eh bien, il y a plusieurs facteurs qui sont souvent liés à une absence de volonté politique
03:56 ou un report sur du local.
03:57 Et ça, c'est vraiment dommage parce que nous, à l'agence bio,
03:59 on est en permanence sur le terrain et on voit des cantines qui sont à 30, 50, 60% de bio
04:04 pour le même prix que celles qui n'en ont pas du bio.
04:06 Pour 1,80€ de coût matière, j'étais à Angers il n'y a pas longtemps,
04:09 ils ont 32% de bio local.
04:12 Donc, c'est possible.
04:13 Et en fait, ce dont on a besoin, c'est de pouvoir essaimer ces bons exemples
04:16 parce qu'il n'y a pas mieux qu'un chef, un chef cuisinier, pour recommander à un autre cuisinier,
04:19 pour lui donner les astuces, pour lui mettre plus de bio à budget constant.
04:22 Parce qu'on sait que c'est possible.
04:23 Alors, comment est-ce que vous expliquez qu'on n'y soit pas du tout à ces 20% aujourd'hui ?
04:27 Parce que ça nécessite d'avoir à la fois une anticipation,
04:32 ça nécessite un peu plus de jus de cerveau et d'huile de coude.
04:35 C'est-à-dire qu'il faut organiser différemment son gaspillage.
04:39 Les cantines qui ont beaucoup plus de bio, elles gaspillent considérablement moins.
04:42 Ça veut dire qu'on se met en partenariat avec la batoire du coin, l'éleveur du coin.
04:45 On va embaucher un boucher qui va découper les morceaux,
04:47 qui va pouvoir permettre de rentabiliser toute la bête.
04:51 On va jouer beaucoup sur les saisons, sur l'achat en direct.
04:54 On va rentabiliser un poulet.
04:57 Il va servir, sa carcasse va servir à faire un bouillon pour un risotto végétarien.
05:00 Les blancs vont être dans une salade.
05:02 Les cuisses vont être dans un éfiloché.
05:04 Il y a toutes sortes de pratiques qui ne s'apprennent pas forcément en CAP cuisine.
05:07 C'est pour ça qu'on espère que le CAP cuisine va être refondu
05:09 de façon à faire une la part belle à l'alimentation bio et durable.
05:13 Parce que juste mettre du bio, ça ne suffit pas si on ne joue pas sur son gaspillage,
05:17 sur son énergie, sa facture d'énergie.
05:19 Si par exemple, on ne programme pas les cuissons d'avance,
05:22 il y a des fours maintenant que vous pouvez programmer.
05:24 Vous prenez les morceaux, par exemple le pâle rond de bœuf,
05:26 et vous le mettez à cuire pendant longtemps, pendant les heures creuses.
05:29 - Et donc, ça passe notamment par l'éducation.
05:31 - Exactement. Et puis par la formation professionnelle.
05:33 C'est-à-dire qu'on est tous un peu analfabètes des casseroles.
05:36 Donc, on a tous besoin d'apprendre comment cuisiner plus de bio au budget.
05:39 C'est un point constant. Mais surtout, les CAP cuisine actuellement
05:42 ne donnent pas les clés pour pouvoir mettre plus de bio au menu.
05:45 Et puis aussi l'expliquer.
05:46 Parce que quand vous êtes restaurateur, vous mettez plus de bio au menu,
05:49 il faut aussi le valoriser auprès de votre convive.
05:51 - Et donc, ce sont les collectivités locales qui doivent s'y mettre,
05:54 la commande publique et aussi les entreprises.
05:56 - Alors, les entreprises, si on entend par exemple les 170 000 restaurants de France,
06:00 que ce soit les kebabs, les étoilés, les bistrots,
06:02 ils n'achètent qu'un pour cent de bio.
06:03 Ce n'est pas du tout assez.
06:04 Ça pourrait être beaucoup plus. On sait qu'il y a quand même...
06:07 - Pourtant, on entend beaucoup parler de bistronomie, de cuisine responsable.
06:11 - Mais ce qui... - Responsable, ça ne veut pas dire bio.
06:13 - Ah, pas forcément. Parce que si vous avez un chef qui dit "Moi, ce qui compte, c'est le goût avant tout",
06:18 ça ne suffit pas pour savoir si l'ingrédient qu'il va acheter,
06:22 ça va être une bête qui aurait vécu dans le respect du bien-être animal,
06:25 qui aurait été nourrie en bio et qui aurait été au pire auprès.
06:27 Ça ne suffit pas, par exemple, une fraise, ça ne suffit pas de savoir qu'elle a bon goût.
06:31 Il faut savoir si on a utilisé des pesticides, des fongicides,
06:35 si ça a abîmé la nappe phréatique en face, en bas ou pas.
06:38 Donc, il y a un cran de plus à aller chercher pour les chefs.
06:42 Nous, on commence à avoir des chefs qui sont très proches des agriculteurs qui les fournissent
06:47 et qui sont très sensibles à la labellisation parce que c'est ça qui garantit.
06:51 On est sûr qu'au moins, il n'y a pas de pesticides de synthèse.
06:55 C'est le seul label bio qui le garantit et que ça a un impact sur l'air, le sol, l'eau et nos biens communs.
07:02 Est-ce que vous vous êtes fixé des objectifs ?
07:04 On a compris que ce n'était pas le problème de la production,
07:06 mais en termes de consommation dans les années à venir, Laure Verdot.
07:09 Ce sera ma dernière question.
07:11 À l'Agence Bio, on est à pied d'œuvre pour constituer l'équipe de France du Bio.
07:15 L'équipe de France du Bio, ce n'est pas que les foyers qui mettent plus de bio dans leur panier.
07:19 C'est aussi les chefs de cantine.
07:21 On rencontre des cuisiniers qui sont extraordinaires.
07:23 Et puis aussi, c'est tous les patrons de restaurants
07:25 qui ont un rôle à jouer dans la transition alimentaire et pour soutenir les agriculteurs bio.
07:29 Merci beaucoup Laure Verdot, directrice de l'Agence Bio, à inviter Echo de France Info ce soir.
07:33 Merci !

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