L'économiste, co-fondateur de l’Observatoire société et consommation et Professeur d’économie à l’Université Paris-Cité, était l'invité du 8h30 franceinfo, mardi 26 décembre 2023.
Category
🗞
NewsTranscription
00:00 - Bonjour Philippe Moity. - Bonjour.
00:02 - Merci d'être avec nous.
00:03 Des centaines de milliers d'annonces déjà déposées sur les sites spécialisés.
00:07 Le phénomène de la revente des cadeaux, il n'est pas nouveau.
00:10 Est-ce qu'il prend aujourd'hui d'ampleur inédite ?
00:12 - Oui, très clairement.
00:14 On mesure souvent les intentions avant et on oublie de mesurer ce qui s'est fait après.
00:19 Enfin, dans une de nos enquêtes à l'Obsoco, on a mesuré que 10% des Français
00:24 affirment avoir revendu un cadeau acquis lors des précédentes fêtes.
00:29 Et il y a un sondage qui vient de sortir sur les intentions
00:32 et qui nous dit que 23% des Français anticipent l'idée de revendre des cadeaux.
00:38 Ce qui est intéressant, plus que la valeur absolue,
00:40 parce qu'entre les intentions et la réalisation il peut y avoir un écart,
00:42 c'est que la même question a été posée dans les années précédentes
00:45 et c'est en forte progression.
00:46 On a pris 10 points en 10 ans.
00:48 10 points en 10 ans, c'est dire que les normes sociales,
00:50 qui quelque part créent un interdit, revendent quelque chose qui a été offert,
00:54 c'est quand même, sur le plan éthique, ça peut questionner.
00:57 Cet obstacle est en train d'être levé pour beaucoup de nos concitoyens.
01:01 - Et on compte aussi sur la revente des cadeaux aujourd'hui
01:03 pour se remettre à flot, finalement ?
01:05 - Oui, effectivement, la même enquête interroge les gens
01:08 de ce qu'ils comptent faire de l'argent qu'ils vont récupérer.
01:10 Et pour beaucoup, c'est une occasion de se remettre à flot.
01:13 C'est aussi pour d'autres une opportunité de se débarrasser d'un cadeau qui ne sert à rien.
01:17 Dans l'enquête que nous avions réalisée, d'abord on apprenait que,
01:21 en moyenne, on offre 6,5 cadeaux, ce qui fait, quand on extrapole,
01:25 300 millions de cadeaux offerts.
01:27 Donc vous imaginez la masse de matériel que ça constitue.
01:30 Et 29% des Français nous disaient qu'ils avaient reçu un cadeau
01:33 dont ils ne savaient pas quoi faire, et donc qui va être gardé
01:37 d'une manière inutile, éventuellement revendu, donné, jeté.
01:41 Donc quelque part, il y a une forme de gaspillage lié à tout ça.
01:43 Et le fait de revendre un produit qui ne sert à rien,
01:45 finalement, ce n'est pas idiot.
01:48 - Philippe Moity, vous diriez que les dépenses de cadeaux,
01:52 parce qu'il est question du pouvoir d'achat des Français qui est en baisse,
01:54 ça n'a échappé à personne, que ces dépenses ont augmenté
01:58 ou est-ce qu'il y a un effet récession ?
02:01 - Alors c'est difficile parce que ce n'est pas terminé,
02:03 donc on n'a pas encore d'enquête.
02:05 Il y a des enquêtes avant, encore une fois, sur les intentions.
02:07 Toutes nous donnent des montants de dépenses à anticiper
02:11 qui sont très différentes, mais elles convergent autour du constat
02:14 que les Français annonçaient a priori des montants moins élevés
02:17 que les années précédentes.
02:18 Donc manifestement, la conjoncture du pouvoir d'achat
02:21 est quelque chose qui ralentit les Français dans leur enthousiasme
02:25 dans l'achat de cadeaux, dans la préparation des fêtes,
02:27 la décoration, les repas, etc.
02:28 Tout ça est impacté.
02:29 D'ailleurs, dans le monde de la grande distribution,
02:31 on l'a bien constaté, les ventes de champagne,
02:34 en tout cas jusqu'à les tout derniers jours,
02:37 avaient du mal à décoller.
02:38 Pareil pour le foie gras.
02:39 Tous les aliments festifs un peu chers avaient du mal à décoller.
02:42 - Quelque chose est en train de changer, vous diriez, Philippe Moity.
02:45 Il y a aussi l'aspect empreinte carbone.
02:48 Ce n'est pas négligeable, ça doit être rabat-joie.
02:50 - Oui, l'avions estimé avec le cabinet Goodwill
02:54 qui nous expliquait qu'en gros, les fêtes de Noël,
02:58 tout confondu, les déplacements vers la famille, le repas,
03:02 surtout les cadeaux, le gros de l'impact carbone, c'est le cadeau.
03:06 Ça ferait une masse de carbone qui correspondrait
03:10 à 800 fois le tour de la Terre en avion.
03:13 L'image est un peu spectaculaire,
03:15 mais c'est dire que ce n'est pas totalement neutre.
03:17 À mesure des enquêtes, on observe que les Français
03:21 nous disent de plus en plus souvent avoir réduit les quantités de cadeaux.
03:24 - C'est de l'intention, ça ?
03:26 - C'était même avant la poussée inflationniste.
03:27 - Ça, c'est de l'intention ?
03:28 - C'est ce qu'ils disent après coup.
03:30 Ils achètent moins de cadeaux qu'avant.
03:32 À chaque fois qu'on leur pose la question, ce pourcentage augmente.
03:35 On a vraiment l'impression qu'il se passe quelque chose sur les cadeaux.
03:38 Conjoncturellement, c'est la question du pouvoir d'achat.
03:41 Incontestablement, on va peut-être en reparler,
03:43 mais il y a une fraction de la population
03:45 qui est quand même assez durement touchée par la conjoncture.
03:48 Donc, clairement, ce qui marque cette période de Noël 2023,
03:51 c'est la question du pouvoir d'achat.
03:53 Mais il y a une petite musique de fond qui monte.
03:55 C'est la prise de conscience de l'impact écologique de tout ça
03:58 et encore plus profondément, une sorte de prise de distance
04:01 pour une partie de la population par rapport aux excès de l'hyperconsommation
04:04 et qui fait qu'on commence à ralentir parce qu'on constate
04:08 que c'est un non-sens quelque part dans l'excès.
04:11 - Mais est-ce que le pouvoir d'achat prime alors
04:13 sur les considérations écologiques aujourd'hui ?
04:15 - Aujourd'hui, incontestablement.
04:17 - Quand vous dites une fraction de la population, cela représente combien ?
04:21 - C'est très difficile à chiffrer, mais on a quand même un vrai paradoxe aujourd'hui.
04:25 L'INSEE vient de livrer ses prévisions pour l'année 2023.
04:29 C'est quasiment plus une prévision puisqu'on est au bout de l'année.
04:31 Le pouvoir d'achat des ménages va augmenter,
04:34 aura augmenté cette année de 0,3%.
04:37 Donc on a de l'inflation, on a des comportements de consommation
04:41 qui témoignent de restrictions très importantes,
04:44 et pour autant, on est dans un contexte de croissance du pouvoir d'achat.
04:47 Alors très limité, 0,3%, c'est vraiment trois fois rien.
04:51 Mais l'année dernière, on était à -0,4%.
04:54 C'était en baisse, mais ce n'était pas non plus énorme.
04:57 Alors qu'en 2021, on était à +2,1%.
05:00 Donc depuis la crise sanitaire, en gros, on est en croissance positive.
05:03 – Vous évoquez, Philippe Moitier, les comportements des consommateurs,
05:06 des Français, qui font leur achat à prix réduit lors des fameux Black Friday.
05:13 Est-ce que ça a changé quelque chose ?
05:15 Est-ce que ça tue les soldes qui suivent les fêtes de fête ?
05:18 – Oui, disons que les opportunités d'acheter à prix cassé sont multipliées.
05:21 Et effectivement, dans ces périodes de lancement sur le pouvoir d'achat,
05:24 c'est tout à fait rationnel d'essayer d'acheter au moment où les prix sont barrés.
05:29 Et en réalité, ce que dissimulent les chiffres globaux,
05:32 c'est qu'il y a des grosses inégalités.
05:35 Et c'est très fâcheux, mais en gros, les fractions de la population
05:38 les plus touchées par la conjoncture actuelle sont les plus pauvres.
05:41 Parce que la croissance du pouvoir d'achat qu'on aura en 2023,
05:44 c'est imputable en réalité aux revenus du patrimoine.
05:49 Pour avoir des revenus du patrimoine, pour toucher des dividendes,
05:52 pour toucher des intérêts, encore faut-il avoir un patrimoine.
05:55 Si on regarde le pouvoir d'achat des salaires, par exemple, il est en baisse.
05:58 Donc en réalité, ce qui se produit actuellement,
06:00 c'est qu'on a un accroissement des inégalités.
06:03 Les plus pauvres subissent de plein fouet cette crise conjoncturelle.
06:07 Les plus riches s'en sortent bien, la traversent honorablement.
06:11 Et d'autant qu'ils ont du gras.
06:12 Donc même si à la limite, ils perdaient un peu,
06:14 ça ne serait pas un drame pour eux.
06:16 Et ça vient après une crise sanitaire qui avait eu le même effet antisocial.
06:21 En gros, la crise sanitaire a réduit globalement la richesse des plus pauvres
06:24 et a augmenté la richesse des plus riches parce qu'ils ont beaucoup moins consommé.
06:27 Ils ne sont pas partis en vacances, ils ne sont pas partis au sport d'hiver.
06:29 Ils ne sont pas sortis au théâtre et à l'opéra.
06:31 Donc ils ont fait des économies sur la consommation.
06:33 Donc ils ont un stock d'épargne qui s'est constitué à ce moment-là,
06:35 qui n'a pas été dépensé d'ailleurs, qui leur donne donc un matelas de sécurité.
06:39 Et par ailleurs, ils sont relativement peu touchés par la vague inflationniste.
06:42 Donc on a un vrai problème.
06:43 Une fraction de la population qui décroche.
06:45 Dans nos enquêtes, on voit que 15% des Français nous disent ne pas manger
06:48 comme ils aimeraient pouvoir le faire pour des raisons financières.
06:51 - Le fossé se creuse au moment où on se parle.
06:53 - Exactement.
06:54 - Philippe Moiti, on poursuit cette discussion, bien sûr, dans quelques secondes.
06:58 On continue à parler de pouvoir d'achat et d'inflation.
07:00 Après le Fil info de 8h40, c'est avec Elia Bergel.
07:03 - Israël fixe ses objectifs.
07:06 Le Hamas doit être détruit.
07:08 Gaza doit être démilitarisée et déradicalisée, affirme Benjamin Netanyahou.
07:14 Dans une tribune, le Premier ministre israélien promet d'intensifier l'offensive contre le Hamas.
07:20 Ce conflit menace d'embraser la région.
07:22 L'Iran veut faire payer Israël et accuse l'État hébreu d'avoir tué hier en Syrie
07:27 un des chefs des gardiens de la révolution.
07:30 Un père de famille activement recherché pour homicide volontaire avec préméditation.
07:34 La police a découvert le corps d'une mère et ses quatre enfants âgés de 9 mois à 10 ans
07:39 dans un appartement à Meaux, hier soir en Seine-et-Marne.
07:42 Aucune trace d'effraction retrouvée au démicile des victimes.
07:44 L'enquête est confiée à la police judiciaire de Versailles.
07:47 N'effacez pas Gérard Depardieu, le titre d'une tribune de soutien à l'acteur.
07:52 Une cinquantaine de personnalités s'opposent dans le Figaro au lynchage du quotidien.
07:57 Pierre Richard ou encore Carla Bruni, entre autres.
07:59 Gérard Depardieu est mis en examen pour viol depuis 2020.
08:02 Au total, une quinzaine de femmes la mettent en cause pour des violences sexuelles.
08:06 Raphaël Rémy Leleu, militante féministe et conseillère de Paris, dénonce un déni de réalité sur France Info.
08:12 [Générique]
08:22 Nous sommes en compagnie de Philippe Moaty, économiste co-fondateur de l'Observatoire Société et Consommation.
08:28 Vous enseignez l'économie à l'Université Paris Cité.
08:31 Philippe Moaty, la crise inflationniste est derrière nous, je vous le confirme.
08:36 Ce n'est pas moi qui l'ai dit, c'était Bruno Le Maire début novembre.
08:40 L'inflation, vous diriez qu'elle impacte la consommation toujours aujourd'hui ?
08:46 Est-ce que les choses sont en train de s'apaiser ?
08:48 Incontestablement. Là, c'est mesuré.
08:51 Le dernier chiffre de l'INSEE pour le mois de novembre nous dit que l'inflation est retombée à 3,5%.
08:56 On était monté au-delà de 6%.
08:58 Et donc de mois en mois, ça diminue lentement mais sûrement.
09:02 Et là, vous savez quand on dit 3,5%, c'est en glissement annuel.
09:06 Ça veut dire qu'on compare le mois de novembre 2023 au mois de novembre 2022.
09:10 Une autre manière de voir l'inflation, c'est d'un mois sur l'autre.
09:13 Et là, on a perdu par rapport au mois d'octobre, les prix ont baissé de 0,2%.
09:18 C'est vraiment un pouillème, mais on est sur la bonne trajectoire, disons.
09:22 Et la Banque de France, qui est quand même un organisme sérieux, qui fait des prévisions,
09:25 nous dit que ça va continuer, ça va continuer, que fin 2024, on aura atteint le fameux seuil de 2%.
09:32 On considère qu'il n'y a plus d'inflation lorsqu'on est à 2%.
09:34 Donc s'il n'y a pas de catastrophe d'ici là, il peut s'en produire, notamment dans le contexte géopolitique.
09:40 Je crois que Bruno Le Maire a raison, on est en train de sortir de cette crise inflationniste
09:45 qui a eu des répercussions très fortes sur les consommateurs.
09:48 Parce qu'au-delà d'ailleurs de la réalité des chiffres, parce qu'on a beaucoup parlé d'inflation galopante,
09:52 il faut garder la raison, l'inflation galopante, c'est pas ça.
09:54 Allez voir en Argentine ce que c'est.
09:56 Chez nous, c'était comme une petite inflation.
09:58 Et en fait, surtout une inflation provoquée par des déséquilibres entre l'offre et la demande
10:01 sur un certain nombre de marchés de matières premières en particulier.
10:04 Mais il se trouve que le secteur le plus impacté a été l'alimentaire.
10:08 Et donc sur 2 ans, les prix dans l'alimentaire ont augmenté de plus de 20%.
10:12 Et ça, ça a frappé les consommateurs.
10:15 Parce que c'est des produits du quotidien, c'est extrêmement visible.
10:17 Et par une sorte d'effet de halo, on a eu tendance à généraliser que tous les prix avaient flambé.
10:22 L'essence aussi avait beaucoup augmenté, c'est très visible l'essence.
10:25 Et puis c'est des postes budgétaires qui pèsent lourd dans le budget des plus modestes.
10:28 – Mais la France, Philippe Moiti, moins touchée que ses voisins européens,
10:32 ça a été souligné par notamment Bercy, est-ce à dire que c'est parce qu'il a fallu financer
10:38 des boucliers, des chèques et autres, que nous allons retrouver derrière,
10:42 parce que ça ne fait qu'augmenter la dette tout ça quand même ?
10:45 – Oui, vous avez parfaitement raison.
10:47 On a eu moins d'inflation que certains de nos voisins,
10:50 parce que le gouvernement a pris les dispositions nécessaires pour nous protéger,
10:55 notamment concernant l'énergie.
10:59 L'État n'a plus les moyens de mener ce type de politique.
11:01 – Ça se paye à la sortie ça ?
11:02 – Ça se paye par de la dette, ça va se payer par le fait qu'on va sortir plus lentement,
11:06 peut-être que certains de nos voisins de cette dynamique inflationniste,
11:09 le bouclier sur l'électricité par exemple va être levé progressivement.
11:12 On sait déjà qu'en février on aura une augmentation de 10% du prix de l'électricité.
11:17 La prime sur l'essence c'est terminé, etc.
11:19 Donc là l'État se retire, le quoi qu'il en coûte est derrière nous.
11:23 Donc ça veut dire qu'on va sortir peut-être plus lentement de cette vague inflationniste.
11:29 Mais enfin la trajectoire est bonne, je crois qu'on a assez peu de bonnes nouvelles à mettre sur la table.
11:33 Il y en a une bonne, c'est que ça sera bientôt derrière nous,
11:35 si il ne se produit pas de nouvelles catastrophes.
11:37 – Si la crise inflationniste est effectivement derrière nous,
11:39 le comportement des consommateurs y suit tout de suite ?
11:43 – Il risque de mettre un petit peu de temps.
11:45 D'ailleurs il faudra bien préciser que si on revient à un niveau normal d'inflation,
11:48 ça ne veut pas dire que les prix vont diminuer,
11:50 ça veut dire qu'ils vont cesser d'augmenter ou vont augmenter beaucoup moins vite.
11:54 Or ce qu'attendent un peu les consommateurs, notamment dans l'alimentaire, c'est une baisse des prix.
11:58 Et là on est dans l'incertitude, là on est clairement dans l'incertitude.
12:01 Vous savez sans doute que le gouvernement a précipité les négociations
12:04 entre industriels et distributeurs pour espérer avoir des baisses de prix plus rapidement dans les magasins.
12:10 Ce que l'on sait actuellement des négociations qui sont en cours,
12:12 qui vont se terminer à la fin du mois de janvier,
12:14 c'est que certains industriels sont arrivés avec des demandes d'augmentation de tarifs.
12:19 Là où le ministère de l'économie espérait une baisse des prix,
12:23 on a l'impression que dans le monde de l'industrie agroalimentaire, on traîne un peu des pieds.
12:27 C'est d'autant plus dommageable qu'en amont de l'industrie, du côté de l'agriculture,
12:32 pour beaucoup de matières premières agricoles,
12:34 ça fait déjà un moment que les prix sont orientés, les coûts sont orientés à la baisse.
12:38 Donc ce qui est assez frappant quand on regarde les courbes,
12:40 c'est qu'on a l'impression que dans l'industrie agroalimentaire,
12:42 on a été très promptes à transférer dans ses propres prix l'augmentation du coût des matières premières,
12:48 mais on traîne un peu les pieds pour répercuter les baisses.
12:51 Donc ces négociations en cours vont être très importantes pour savoir si on aura,
12:55 à partir de janvier ou février disons, une baisse des prix dans les magasins.
13:00 C'est entre les mains des industriels très clairement aujourd'hui ?
13:02 Du dialogue entre industriels et distributeurs, il faut être tout à fait juste.
13:06 À certaines matières, on continue d'augmenter.
13:08 Le sucre, le lait, le cacao, tout ça continue d'augmenter,
13:13 donc il ne serait pas improbable qu'on ait encore des augmentations de prix.
13:16 Le blé par exemple a vraiment chuté, donc on devrait quand même voir,
13:19 et les consommateurs devraient constater dans les magasins,
13:21 de plus en plus de produits avec des prix orientés à la baisse,
13:25 ce qui devrait améliorer la confiance des ménages, le moral des ménages.
13:29 Vous savez, l'économie de la consommation, c'est beaucoup de psychologie.
13:32 Donc là, si ça devient perceptible dans les magasins, ça devrait améliorer le moral des ménages,
13:37 et c'est une condition pour qu'ils ouvrent leur porte-bonnet et qu'ils dépensent davantage.
13:40 Donc des nouvelles positives pour 2024.
13:43 – S'il n'y a pas, vous dites, de nouvelles catastrophes,
13:45 nous pensions notamment, il y a eu cet événement qui était la guerre en Ukraine,
13:48 qui a évidemment précipité la chose.
13:50 Nous parlons de consommation, Philippe Moiti, une scène qui va mal,
13:54 le groupe Casino, qui va changer demain en mars.
13:57 Deux enfants ont écrit au président de la République pour sauver l'emploi de leurs parents,
14:01 c'est un sujet d'émotion également, pas seulement de consommation.
14:04 Qu'est-ce qu'ils vont faire ?
14:05 Qu'est-ce qu'il va faire Jean-Charles Nauri, le patron de Casino, le PDG ?
14:08 Vendre ses grandes surfaces en sortie de ville, c'est ça ?
14:10 – Il va vendre son groupe, surtout, il va perdre le contrôle de son groupe.
14:13 – Ce qui n'était pas prévu dans l'accord, c'était de précipiter les ventes des grandes surfaces.
14:18 – C'est-à-dire que chaque jour qui passe creuse la dette du groupe,
14:21 donc il est urgent d'opérer le malade en quelque sorte.
14:24 Et donc on va couper les branches les plus déficitaires,
14:29 donc en fait, notamment les hypermarchés du groupe Casino,
14:31 les hypermarchés globalement ne vont pas très bien,
14:33 mais les hypermarchés du groupe Casino, elles sont particulièrement mal.
14:36 – Et vous l'analysez comment, Philippe Moiti, sans problème de modèle ou de gestion ?
14:39 – Les deux, sur le fond, un problème structurel de long terme,
14:43 de crise de l'hypermarché, qui est un format qui nous vient tout droit des 30 Glorieuses,
14:47 qui était adapté à son époque et qui aujourd'hui est de plus en plus en porte-à-faux
14:50 avec ce qu'attendent les consommateurs.
14:52 Notamment, même sur le plan des imaginaires,
14:54 l'hypermarché c'est la surabondance, donc ça a fait rêver,
14:57 aujourd'hui ça fait plutôt fuir.
14:59 Mais pour autant, c'est un format qui régresse, mais lentement.
15:04 Et les meilleurs s'en sortent très bien, le clair,
15:07 les plus mauvais, c'était Géant en particulier, les hyper du groupe Casino,
15:11 sont les premiers à en souffrir,
15:13 en plus ils ont commis des maladresses économiques,
15:16 problèmes financiers, il fallait absolument renflouer le groupe,
15:20 donc il fallait faire de la marge, et pour faire de la marge,
15:22 on a augmenté les prix, mais dans l'hypermarché,
15:24 augmenter les prix ça fait perdre des clients.
15:27 Et donc de temps en temps, on s'est dit, il faut récupérer les clients,
15:30 on va être très agressif sur les prix.
15:32 Et donc Casino a deux reprises à lancer la guerre des prix
15:35 dans le monde de la grande distribution.
15:36 Mais une fois qu'on a perdu un client, le faire revenir,
15:39 c'est pas évident.
15:40 Donc voilà, le groupe Casino dans sa dimension très grande surface,
15:44 a pâti à la fois d'un déclin structurel lent, mais sûr, de l'hypermarché,
15:50 et d'erreurs stratégiques qui lui ont coûté très cher.
15:52 Et menace Philippe Moiti sur le siège,
15:54 Geoffroy Guichard, Saint-Etienne, 2500 salariés,
15:57 ce modèle-là qui rappelle Manufrance,
15:59 il y a une menace qui pèse dessus en 2024 ?
16:02 - Oui, probablement.
16:04 Et Casino à Saint-Etienne, c'est très important.
16:06 C'est important sur le plan économique.
16:09 Je ne sais plus combien de milliers d'emplois.
16:11 Dès qu'on sort de la gare, on voit le siège tout neuf, superbe, etc.
16:15 Et puis sur un plan symbolique, c'est une belle entreprise stéphanoise.
16:18 C'était créé au 19e siècle.
16:21 Donc il y a des promesses de ne pas toucher au siège à Saint-Etienne,
16:26 mais probablement que c'est le but d'ailleurs de ce genre de rapprochement,
16:30 de faire des économies en supprimant les doublons.
16:34 Donc il y aura certainement des pertes d'emplois.
16:36 - Et ce sera l'un des grands feuilletons industriels de cette année 2024.
16:41 - Absolument, et avec les recompositions qu'il y aura derrière,
16:43 puisque les magasins ne vont pas être fermés,
16:45 ils vont être récupérés notamment par Auchan et Intermarché.
16:48 Donc on voit que la grande distribution française est encore en train de se restructurer,
16:51 mais toujours dans l'entre-soi.
16:53 C'est ça qui est intéressant, toujours dans l'entre-soi.
16:55 Ce qui retarde probablement les ajustements structurels,
16:58 c'est-à-dire la réflexion de fond sur comment ce modèle qui nous vient d'une autre époque
17:01 doit être aujourd'hui réinventé pour s'adapter aux considérations d'aujourd'hui.
17:05 - Vous avez 4 heures.
17:06 Philippe Moiti, merci beaucoup.
17:07 Économiste, cofondateur de l'Observatoire Société et Consommation,
17:10 professeur d'économie à l'Université Paris Cité.
17:13 Merci d'avoir accepté l'invitation du 8.30 France Info ce matin.