Alors que Pékin montre de plus en plus ses ambitions hégémoniques, comment les experts analysent-ils la situation à Taïwan ? Une désescalade du conflit est-elle encore possible ?
Taïwan vit sous la menace constante de son puissant voisin chinois. Car Pékin voit l’île de 24 millions d’habitants, État de facto doté d’un gouvernement et de ses propres institutions, comme une province dissidente à reprendre par tous les moyens. En annexant Taïwan, leader des semi-conducteurs et acteur central de l’économie mondialisée, Xi Jinping mettrait la main sur un marché hautement stratégique et ébranlerait les alliances américaines dans la région. Une attaque chinoise pourrait dès lors déboucher sur un conflit armé avec les États-Unis. Dans ce contexte de tensions, la visite à Taïwan de Nancy Pelosi, la présidente de la Chambre des représentants, en août 2022, a été vécue comme une provocation par la Chine – qui a répondu en organisant des manœuvres militaires – et a engendré des critiques jusque dans le camp occidental. Le risque de guerre entre les deux superpuissances est-il avéré ? Quelles conséquences ce conflit aurait-il sur les populations locales et le reste du monde ?
Un an après l’invasion de l’Ukraine, l’escalade entre Taïwan et la Chine suscite une impression de déjà-vu qui laisse présager le pire. Analysant la situation politique, économique et militaire des deux pays, ce documentaire décrypte les relations qu’entretiennent aujourd’hui Taipei et Pékin, et évalue la menace de guerre entre la Chine et les États-Unis.
Taïwan vit sous la menace constante de son puissant voisin chinois. Car Pékin voit l’île de 24 millions d’habitants, État de facto doté d’un gouvernement et de ses propres institutions, comme une province dissidente à reprendre par tous les moyens. En annexant Taïwan, leader des semi-conducteurs et acteur central de l’économie mondialisée, Xi Jinping mettrait la main sur un marché hautement stratégique et ébranlerait les alliances américaines dans la région. Une attaque chinoise pourrait dès lors déboucher sur un conflit armé avec les États-Unis. Dans ce contexte de tensions, la visite à Taïwan de Nancy Pelosi, la présidente de la Chambre des représentants, en août 2022, a été vécue comme une provocation par la Chine – qui a répondu en organisant des manœuvres militaires – et a engendré des critiques jusque dans le camp occidental. Le risque de guerre entre les deux superpuissances est-il avéré ? Quelles conséquences ce conflit aurait-il sur les populations locales et le reste du monde ?
Un an après l’invasion de l’Ukraine, l’escalade entre Taïwan et la Chine suscite une impression de déjà-vu qui laisse présager le pire. Analysant la situation politique, économique et militaire des deux pays, ce documentaire décrypte les relations qu’entretiennent aujourd’hui Taipei et Pékin, et évalue la menace de guerre entre la Chine et les États-Unis.
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00:00 La résolution de la question taïwanaise est l'affaire des Chinois.
00:15 La région la plus à risque du monde.
00:21 C'est ainsi que l'on surnomme la petite île de Taïwan, qui vit en permanence sous
00:26 la menace de son imposant voisin chinois.
00:30 Cependant, jamais nous ne nous interdirons de recourir à la force.
00:35 La Chine voit en Taïwan une province dissidente à reprendre, par tous les moyens.
00:44 Le 20e congrès du parti communiste chinois en octobre 2022 marque un tournant.
01:13 Xi Jinping, élu pour un troisième mandat à la tête du parti, confirme ses ambitions
01:18 autocratiques.
01:19 Le congrès vire même à la démonstration de force lorsque Xi Jinping fait expulser
01:29 de la salle son prédécesseur, Hu Jintao.
01:33 « Tout d'abord, on constate que le chef du parti semble nourrir une ambition personnelle.
01:39 Quand on relit ses déclarations publiques, entre le 2 janvier 2019 jusqu'au tout dernier
01:47 document de travail publié à l'occasion du 20e congrès du parti, on constate que
01:54 comme tout le système est à sa botte, Taïwan fait effectivement partie intégrante du
01:59 rêve chinois.
02:00 Et ça peut donc devenir dangereux.
02:03 La question taïwanaise est l'affaire des Chinois et doit être résolue par eux seuls.
02:10 Nous continuerons à œuvrer en toute bonne foi et avec détermination à une unification
02:19 pacifique.
02:20 »
02:21 Le géant chinois considère qu'il est de son devoir de procéder à cette unification
02:27 avec la minuscule île de Taïwan.
02:29 Le président Xi Jinping réitère une nouvelle fois ses menaces à l'encontre de celles
02:34 qu'il qualifie de « provinces sécessionnistes ».
02:37 « Cependant, jamais nous ne nous interdirons de recourir à la force.
02:46 C'est dire sans apprendre au sérieux.
02:52 Comme on l'a vu avec Poutine, si l'on se soucie vraiment de sa propre sécurité,
03:02 les propos belliqueux des dictateurs ne sont pas à prendre à la légère.
03:07 Et ce, même quand ils détonnent un peu.
03:12 Et je pense qu'il en va de même pour les propos belliqueux tenus par Xi Jinping.
03:17 »
03:22 Aucun dirigeant chinois n'a jamais exclu de recourir à la force contre Taïwan.
03:29 Bien sûr, ils prônent une unification pacifique.
03:33 Mais il faut bien comprendre que pour eux, le terme « pacifique » recouvre des mesures
03:38 coercitives, d'ordre politique, économique et militaire.
03:43 De mon point de vue, tout ça n'est pas pacifique.
03:46 Alors que pour les Chinois, ça l'est.
03:48 En novembre 2022, le Parti démocrate progressiste au pouvoir à Taipei
03:55 tient un meeting pour les élections municipales.
03:57 « Chui Shizhong ! Chui Shizhong ! Chui Shizhong ! »
04:06 Même s'il s'agit d'un simple scrutin local, 30 000 personnes sont venues écouter
04:10 la présidente Tsai Ing-wen.
04:12 La campagne électorale a été marquée par l'escalade du conflit avec le voisin chinois
04:17 qui se montre menaçant et hostile.
04:19 « Le plus important, c'est la paix.
04:26 Pas de savoir qui est le plus fort ou le plus tenace.
04:28 Qu'ils s'occupent de leur Chine et nous laissent nous occuper de notre Taïwan.
04:31 C'est le meilleur moyen de préserver la paix.
04:34 »
04:35 « Je pense qu'il faut se battre pour son pays.
04:38 Bien sûr, j'espère qu'on n'en arrivera pas là.
04:43 J'espère qu'on pourra régler ce conflit de façon pacifique.
04:46 »
04:47 Chers amis, cette élection est la première depuis la tenue du 20e congrès du Parti communiste
04:54 en Chine.
04:55 Le monde entier a les yeux rivés sur Taïwan.
04:59 Notre île, bastion de la liberté et de la démocratie, occupe une position clé au
05:04 sein de la chaîne d'approvisionnement mondiale.
05:06 Chacun de nos actes, chacune de nos décisions, influence la façon dont le monde perçoit
05:12 notre pays.
05:13 Warkaï Si est l'un des plus célèbres dissidents chinois.
05:30 D'origine ouïgoure, il a fait partie des leaders étudiants des manifestations de la
05:35 place Tienanmen en 1989.
05:37 Depuis, il défend la cause taïwanaise.
05:41 « Je ne crois pas que la Chine ait intérêt à reprendre Taïwan.
05:48 Mais qu'elle ait intérêt à le dire, ça oui.
05:53 Un régime communiste totalitaire ne se soucie que d'une chose, asseoir sa position, s'assurer
06:02 de sa puissance.
06:03 »
06:04 Warkaï Si est aujourd'hui secrétaire général de la Commission des droits de l'homme
06:08 du Parlement taïwanais.
06:10 Il est aussi l'un des opposants au régime chinois les plus en vue.
06:13 « Le principe de la Chine unique, selon lequel Taïwan ferait partie de la Chine, est mensonger.
06:23 Taïwan n'a jamais fait partie de la République populaire de Chine.
06:28 C'est le Parti communiste qui a scindé la République de Chine en deux.
06:33 Il s'est emparé de la Chine continentale, mais a délaissé Taïwan.
06:37 Donc dire que Taïwan a toujours été chinoise relève du mensonge.
06:42 »
06:43 Dans la politique de la Chine unique prônée par Pékin, l'unité présumée de la Chine
06:49 est donc un mensonge pour la plupart des Taïwanais, mais un fait historique pour les dirigeants
06:54 chinois.
06:55 Le conflit sur le statut de Taïwan couvre depuis plus de 70 ans.
06:59 Depuis 1949 et la victoire des communistes lors de la guerre civile, la Chine n'a jamais
07:05 reconnu la souveraineté de l'île.
07:06 Taipei en octobre 2022.
07:15 Plus de 200 000 personnes fêtent la Gay Pride sous la pluie.
07:18 Il s'agit de la plus grosse manifestation LGBTQ+ d'Asie.
07:23 Et cette édition, la première après deux ans d'interruption due à la pandémie, prend
07:28 un tournant politique.
07:29 « J'ai passé un peu de temps en Chine.
07:36 C'est le jour et la nuit.
07:38 Il ne fait pas bon vivre en Chine quand on appartient à la communauté LGBTQ+.
07:44 Quand on se bat pour l'égalité des droits là-bas, on se fait tout de suite remarquer.
07:52 Et puis il y a des caméras partout.
07:56 Ça vous attire vite des ennuis.
07:58 Sur ce plan, Taïwan est bien plus en avance.
08:01 Je suis ravi d'être de retour ici.
08:03 »
08:04 La Gay Pride de Taïwan célèbre la tolérance et la liberté.
08:10 Il n'a pas échappé à ses participants que Taïwan était au centre de l'attention
08:15 mondiale.
08:16 Et ceci en profite pour faire passer des messages.
08:18 « On a beaucoup de chance à Taïwan.
08:29 On vit dans une société libre et ouverte d'esprit, où on est bien accepté.
08:33 Aujourd'hui, des gens de toute génération viennent à la parade ou tolèrent au moins
08:39 son existence.
08:40 Même ceux que ça rebute ne cherchent pas à s'y opposer.
08:43 On ne ressent pas de haine.
08:46 La société taïwanaise a fait de gros progrès, alors que ce n'est pas du tout le cas en
08:49 Chine.
08:50 »
08:51 La Gay Pride témoigne de la nature foncièrement tolérante et démocratique de la société
08:57 taïwanaise.
08:58 Sur 24 millions d'habitants, seul 1% est favorable au rattachement à la Chine.
09:04 La grande majorité des Taïwanais est favorable au maintien du statut quo et à l'autonomie
09:09 du pays.
09:10 Emily Wu est une des figures montantes de la jeunesse taïwanaise.
09:15 Cette influenceuse, présentatrice et podcasteuse de 37 ans, représente cette génération
09:20 hostile à toute réunification.
09:22 « Il ne s'agirait pas d'une réunification, mais d'une unification.
09:29 Taïwan n'a jamais fait partie de la République populaire de Chine.
09:33 Le gouvernement chinois parle de réunification dans le but de nous faire croire que, jadis,
09:38 nous étions unis, qu'il y a eu scission et que nous avons élu notre propre président
09:43 et qu'il s'agit désormais de réintégrer le giron chinois.
09:46 De notre côté, il ne faut surtout pas les laisser dire, parce que les laisser dire,
09:51 c'est légitimer leurs propos.
09:52 Et si on les légitime, un jour, ils deviendront réalité.
09:55 Et ça, ça fait très peur.
09:57 »
09:58 Les émissions en anglais d'Emily Wu trouvent un public au-delà des frontières de Taïwan.
10:05 Et c'est justement le but qu'elle s'est donné qui est de sensibiliser le reste du
10:09 monde à la problématique taïwanaise.
10:11 « Si on fait nos émissions en anglais, en langue étrangère, c'est pour faire entendre
10:19 la voix de Taïwan sur la scène internationale.
10:21 On aborde des questions qui ont toute une portée mondiale.
10:26 À une époque, dès qu'on s'efforçait d'évoquer la question taïwanaise, on nous
10:32 rétorquait « oui, c'est super, mais la Chine quand même ». Mais ça a totalement
10:40 changé.
10:41 Ces dernières années, on se préoccupe beaucoup plus de Taïwan.
10:45 »
10:46 Emily Wu a vécu à Hong Kong et à Pékin.
10:48 Du fait de la pandémie et des tensions entre les deux pays, les voyages entre Taïwan
10:53 et la Chine sont désormais quasiment impossibles.
10:55 « J'ai vu ce que c'était d'être une Taïwanaise vivant en Chine du temps de l'ascension
10:59 de Xi Jinping.
11:00 Et déjà à l'époque, on sentait que les choses changeaient, qu'on allait vers un
11:05 durcissement, mais sans savoir jusqu'où ça irait.
11:07 Maintenant, on sait.
11:09 Et je pense que ça a surpris tout le monde.
11:11 »
11:12 Les manifestations, appelées « mouvement des parapluies » qui éclatent à Hong Kong
11:17 en 2014, visent à envoyer un signal fort au système autoritaire chinois.
11:22 Elles sont violemment réprimées.
11:23 « Ce qu'il faut retenir de cet épisode, c'est que si nous laissons le gouvernement
11:36 chinois imposer son régime autoritaire à Hong Kong, il n'hésitera pas à l'étendre
11:42 à d'autres pays.
11:43 Il ne s'arrêtera pas en si bon chemin.
11:46 Et Taïwan sera la prochaine sur sa liste.
11:49 Beaucoup de gens en parlaient déjà l'an passé.
11:52 Et le fait est que la Chine met désormais la pression sur Taïwan.
11:56 Si vous leur demandiez, la majorité des Taïwanais vous dirait qu'on ne peut pas se fier aux
12:07 promesses chinoises, qu'on ne fait pas confiance aux Chinois.
12:12 « Je pense qu'avant, quand la Chine déclarait « un pays, deux systèmes », certains se
12:17 disaient « ok, essayons ça ». Mais c'est fini ça.
12:20 Il n'y a qu'à voir ce que ça a donné ailleurs.
12:22 Il aura fallu la répression à Hong Kong pour que beaucoup de Taïwanais ouvrent les
12:27 yeux.
12:28 C'est là qu'on a compris qu'on ne pouvait pas se fier aux promesses chinoises.
12:31 On pourrait connaître le même sort.
12:34 Voilà à quoi mènent leurs mensonges.
12:37 Au moins maintenant, on sait ce que ça veut dire d'être sous tutelle chinoise.
12:42 Un autre élément est la stratégie « zéro Covid » brutale menée par Xi Jinping, qui
12:49 lève le voile sur le type d'ordre que Pékin entend faire régner.
12:53 Et ses répercussions sur le plan domestique sont tout aussi révélatrices.
12:57 C'est le début du ralentissement et de très graves problèmes en Chine.
13:10 Au point qu'on peut se demander si le régime chinois tiendra encore longtemps.
13:14 Je crois qu'avant, le sort de Taïwan n'intéressait pas beaucoup la communauté internationale.
13:21 On se sentait isolés.
13:22 Aujourd'hui, en 2022, les choses sont bien différentes.
13:26 Il y a une plus forte mobilisation de la communauté internationale contre l'autoritarisme et
13:31 les gens voient bien qu'il y a un problème.
13:33 La visite de Nancy Pelosi en août 2022.
13:37 Elle est alors numéro 3 du gouvernement américain.
13:40 Augmente d'un cran la crispation autour de Taïwan sur la scène internationale.
13:44 Pékin a toujours considéré la venue de gouvernants étrangers à Taïwan comme une provocation
13:51 et une ingérence dans ses affaires intérieures.
13:53 En quoi le fait qu'une démocratie reçoive Nancy Pelosi, ou tout autre chef de parlement,
14:02 constitue-t-il une provocation ?
14:03 Dire ça, c'est adhérer au discours, aux affabulations chinoises selon lesquelles
14:13 ce serait synonyme de provocation.
14:15 Si nous voulons témoigner de notre solidarité avec la démocratie taïwanaise de façon
14:24 crédible, nous ne pouvons pas nous interdire, en tant que parlementaires, de l'exprimer
14:31 par des actes concrets.
14:33 Mais cette visite a été vue d'un mauvais œil ailleurs en Occident aussi.
14:40 Elle aurait envoyé le mauvais message au mauvais moment.
14:43 De mon point de vue, la question qu'il aurait fallu se poser, c'est si cette visite va
14:49 renforcer la sécurité de Taïwan ou, au contraire, la compromettre.
14:54 Selon moi, ça a créé un déséquilibre.
14:59 Cette visite a mis en péril la sécurité de Taïwan en menant à une intensification
15:04 durable de l'activité militaire autour de Taïwan.
15:09 Les Chinois sont bien décidés à revenir sur le statu quo dans le détroit de Taïwan,
15:15 ce qui aura des effets délétères pour Taïwan.
15:19 Pékin répond en organisant des manœuvres militaires d'une ampleur sans précédent.
15:24 Des missiles, avions et navires de combat sont déployés à proximité immédiate des
15:30 côtes taïwanaises.
15:31 Une démonstration de force qui constitue de fait un blocus de l'île.
15:35 Pour le ministre des Affaires étrangères taïwanais, l'objectif est clair.
15:39 Le gouvernement chinois se sert de la venue de Nancy Pelosi à Taïwan comme prétexte
15:45 pour nous faire la guerre.
15:47 Il n'y a qu'à voir leurs manœuvres, qui semblent avoir été longuement préparées.
15:51 Ils n'ont pas pu lancer un exercice militaire d'une telle ampleur à la va-vite.
15:56 De telles manœuvres demandent une intense et longue préparation en amont.
16:00 C'était l'occasion pour eux de faire une répétition grandeur nature, de façon à
16:06 peaufiner leur offensive.
16:07 Seul un détroit de plus ou moins 150 kilomètres de large et une frontière imaginaire séparent
16:14 la Chine de l'île et du peuple dont elle revendique la propriété.
16:18 Dans les faits, la Chine a démontré qu'elle pouvait imposer un blocus à Taïwan sans
16:25 même avoir à le décréter en bonne et due forme.
16:28 Elle s'est contentée de lancer des exercices militaires si dangereux que plus aucun avion
16:34 ou navire civil n'a osé quitter ou chercher à relier Taïwan.
16:39 Si les manœuvres avaient duré, combien de temps les Américains auraient mis pour réagir
16:45 avec plus de fermeté ?
16:46 Difficile à dire.
16:48 Et par ailleurs, quelles auraient été leurs réactions ?
16:52 Un blocus de Taïwan aurait un impact mondial.
16:56 Les géants du secteur des semi-conducteurs sont implantés à une heure au sud de Taipé.
17:03 TSMC, UMC, PSMC ou Macronix sont autant de fabricants incontournables sur le marché
17:12 mondial.
17:13 Macronix fabrique des puces et des dispositifs de stockage pour l'électronique grand public
17:18 et l'automobile.
17:19 Son PDG, Hu Min, connaît l'importance de ces produits.
17:23 Aujourd'hui, toute l'industrie s'appuie sur les semi-conducteurs.
17:31 Tous les produits qui arrivent sur le marché en sont équipés.
17:36 Ce qui signifie que la demande est énorme.
17:42 Si l'économie repart, la demande repartira à la hausse.
17:46 Avec des parts de marché allant jusqu'à 70%, l'île est le principal fournisseur
17:52 de semi-conducteurs et de puces informatiques.
17:54 Ces derniers mois, les pays industrialisés occidentaux ont pris douloureusement conscience
18:00 de leur dépendance vis-à-vis de Taïwan.
18:03 L'interruption de la production de puces informatiques à Taïwan aurait de graves
18:09 répercussions.
18:10 Et la Chine elle-même ne serait pas épargnée.
18:13 On ne cesse de le répéter.
18:15 Maintenant, on s'efforce de maintenir la paix dans le monde.
18:21 Avant, personne ne s'en serait soucié.
18:23 Mais depuis, on a fait de l'Asie et de Taïwan le grand pôle de fabrication de semi-conducteurs,
18:30 et ce, sous l'impulsion du monde occidental.
18:32 L'économiste Leroy Chun, chercheur à l'Université internationale de Taïwan,
18:38 estime lui aussi que la dépendance de la Chine vis-à-vis de Taïwan constitue un facteur
18:42 déterminant.
18:43 Les échanges commerciaux entre Taïwan et la Chine tournent tous, pour ainsi dire,
18:52 autour des semi-conducteurs.
18:53 Les semi-conducteurs et les dispositifs d'affichage numérique représentent 60% de nos exportations
19:01 vers la Chine.
19:04 Les entreprises continuent de confier la majeure partie de leur production à Taïwan.
19:10 Pour Chun, c'est ce métaphorique bouclier en silicium, ou "silicon shield", qui protège
19:16 Taïwan de la guerre et de la destruction.
19:18 TSMC fabrique plus de 85% de ses puces à Taïwan, tout niveau technologique confondu.
19:27 C'est pour ça qu'on dit que l'île est protégée par un bouclier en silicium.
19:35 C'est aussi valable pour la Chine.
19:39 Si Taïwan perdait sa place de premier producteur de semi-conducteurs, les atouts économiques
19:46 chinois seraient eux aussi menacés.
19:48 Penchons-nous sur le cas de la Chine.
19:54 Que peut-elle faire ?
19:56 En cas de conflit, elle subira une pénurie d'équipements de pointe.
20:01 Sans ces équipements de pointe, elle ne pourra pas rivaliser, ne serait-ce qu'avec nous,
20:08 Taïwanais, parce que nous avons accès aux meilleurs équipements.
20:11 Xi Jinping a donc lancé le programme "Made in China 2025" afin que son pays devienne
20:18 la première puissance économique mondiale et indépendante en matière de semi-conducteurs.
20:23 À ce jour, les résultats sont mitigés.
20:28 Au lancement de ce plan "Made in China" en 2015, les semi-conducteurs faisaient partie
20:39 des dix secteurs dans lesquels Xi Jinping voulait voir la Chine occuper un rôle de
20:44 premier plan.
20:45 Le succès n'a pas été au rendez-vous.
20:50 Pékin a investi des milliards de dollars dans des centaines de start-up chinoises pour
20:58 tenter de rivaliser avec des entreprises comme TSMC à Taïwan.
21:05 Quelles sont leurs possibilités ? Les Chinois ont d'énormes moyens financiers et humains.
21:12 Ils peuvent donc faire cavalier seuls.
21:14 Mais ça prendra du temps.
21:16 À mon avis, il leur faudra 20 ans pour atteindre l'indépendance.
21:22 Xi Jinping, qui aura alors 90 ans, ne peut pas se permettre d'attendre aussi longtemps.
21:29 Mais l'Occident aussi consente de gros efforts afin d'accroître son autonomie en matière
21:34 de fabrication de puces, ne serait-ce que pour assurer sa propre subsistance.
21:40 Les usines situées en Europe et en Arizona servent uniquement à garantir la sécurité
21:49 nationale.
21:50 Au besoin, elles peuvent produire des pièces très sophistiquées.
21:54 Qu'importe le prix de revient.
21:58 C'est pour la sécurité nationale, pas pour le grand public.
22:02 Les quelques usines que les entreprises taïwanaises ont accepté de construire, notamment en
22:09 Arizona, et peut-être en Lituanie, au Japon et ailleurs en Europe, auront une capacité
22:15 de production dérisoire.
22:22 Ça ne changera rien à la dépendance du monde vis-à-vis de Taïwan.
22:31 Yoncre est un quartier traditionnel de Taipé, habité depuis toujours par des ouvriers
22:36 et des travailleurs aux revenus modestes.
22:39 C'est ici qu'habite Juanmei Ying, assistante sociale, qui vit dans la crainte de l'invasion.
22:50 Cette année, je me suis fait encore plus de soucis, à cause du 20e congrès du Parti
22:59 communiste qui s'est tenu en Chine.
23:01 Je suis d'assez près la politique.
23:04 Et en 2018 et 2020, je n'étais pas tranquille non plus en raison des élections à Taïwan.
23:12 J'ai même envisagé d'émigrer.
23:14 Je me suis encore posé la question cette année lors des manœuvres militaires chinoises.
23:19 Finalement, je me suis dit que ça allait encore.
23:22 À Yoncre aussi, les élections régionales sont omniprésentes.
23:26 Des affiches ont été placardées à chaque intersection, à chaque carrefour.
23:31 Le rapport aux élections varie en fonction des générations.
23:35 Pour les plus jeunes, Pékin est loin et la Chine n'est plus leur patrie.
23:41 Je crois que les jeunes, les gens de ma génération sont inquiets.
23:47 Moi, je le suis.
23:49 Si jamais un gouvernement pro-chinois était élu, notre avenir deviendrait très incertain.
23:59 Une incertitude sciemment entretenue par Pékin, qui envoie des messages contradictoires à la population taïwanaise,
24:06 alternant constamment entre séduction et menace de violence.
24:10 Il n'arrête pas de dire qu'ils veulent nous attaquer.
24:14 Que si Taïwan ne veut pas de l'unification, ils nous attaqueront.
24:19 Ils nous menacent.
24:22 Pour le moment, ils ne peuvent pas nous attaquer.
24:24 Mais qui sait ? Peut-être que ça va venir.
24:28 C'est ce qui risque d'arriver. La Chine est si grande.
24:32 Pour elle, Taïwan n'est qu'une province parmi d'autres.
24:36 C'est certainement ce qui attend nos enfants et nos petits-enfants.
24:41 En attendant, la plupart des Taïwanais essaient de vivre le plus normalement possible.
24:46 Mais le climat se fait de plus en plus anxiogène.
24:51 C'est un peu exagéré.
24:54 Au quotidien, on ne perçoit pas particulièrement de tensions.
24:57 On ne vit pas dans la peur.
25:00 Ce sont tous ces reportages dans les médias qui distillent la peur.
25:04 Et puis, les prix n'arrêtent pas d'augmenter.
25:06 Du coup, ça peut laisser penser qu'une guerre se prépare.
25:09 Et ça, oui, c'est assez angoissant.
25:13 Juanmei ne se laisse pas atteindre par l'intense propagande chinoise.
25:16 Et s'efforce le plus souvent de l'ignorer.
25:19 Comme presque tous ici.
25:24 On ne ressent pas de tensions particulières.
25:27 Il faut dire que ça fait plusieurs années déjà qu'on entend ce type d'informations.
25:33 C'est vrai qu'aujourd'hui, la situation est un peu différente.
25:36 Mais globalement, au quotidien, par exemple au marché,
25:40 les gens ne parlent pas beaucoup des tensions avec la Chine.
25:46 Liu Deqin, lieutenant général à la retraite,
25:52 était il y a encore quelques mois inspecteur général des armées au ministère de la Défense de Taïwan.
25:58 Lui qui a passé sa vie à étudier les rapports sino-taïwanais n'a aucun doute sur les intentions de Xi Jinping.
26:06 La question n'est pas de savoir s'il viendra, mais quand il viendra.
26:12 Et j'espère que nous y sommes pleinement préparés.
26:17 Un des signes les plus significatifs, selon moi,
26:20 c'est l'ordre que Xi Jinping a donné à son armée avant le 20e congrès du Parti communiste chinois.
26:28 Il a demandé que sa modernisation soit achevée non plus à l'horizon 2035, mais d'ici 2027.
26:37 Toute invasion de l'île de Taïwan suivra certainement un plan précis.
26:43 La majorité des 24 millions de Taïwanais vivent dans les mégapoles de la très peuplée côte ouest.
26:49 La côte est de l'île, très montagneuse, se prête mal à une invasion.
26:55 Les postes les plus avancés de Taïwan se trouvent à seulement quelques kilomètres de la Chine continentale.
27:01 Le scénario du pire, c'est une invasion militaire de grande envergure.
27:10 Nous avons des îles avancées sur lesquelles nous avons posté des troupes.
27:14 Il est probable que l'armée chinoise commence par organiser un blocus.
27:24 Puis, elle pourrait s'emparer de certaines de ces îles avancées,
27:28 afin de forcer l'exécutif taïwanais à entamer des négociations.
27:33 Et en dernier lieu, il lancerait une attaque coordonnée contre Taïwan.
27:39 Taïwan, qui dispose de 2,6 millions de réservistes et de systèmes de défense modernes fournis par les États-Unis, n'a qu'une carte à jouer, la dissuasion.
27:53 Une stratégie de dissuasion efficace repose sur trois grands piliers.
27:58 Premièrement, la force de persuasion, à savoir être parfaitement capable d'exercer des représailles.
28:05 Deuxièmement, la crédibilité.
28:08 Comme vous en avez les capacités, vous vous engagez à riposter en cas d'attaque.
28:13 Troisièmement, et c'est le plus important, la compréhension.
28:17 Si vous avez les capacités, si vous avez la crédibilité, mais aucun canal de communication, c'est peine perdue.
28:24 Taïwan fait son possible pour asseoir sa puissance aux yeux du monde, et surtout de la Chine.
28:31 Tous les ans, elle effectue des manœuvres militaires pour se préparer à une éventuelle invasion.
28:42 Tseng Yisuo, chercheur au sein de l'Institut pour les études de défense et sécurité nationale,
28:47 est un des grands spécialistes de la stratégie d'escalade chinoise et des mesures de défense taïwanaise.
28:53 Comme nous ne recourons pas à l'arme nucléaire, nos moyens de renforcer notre armée,
29:04 nous avons d'abord besoin d'un système de défense qui soit efficace.
29:09 Nos moyens de renforcer notre capacité de dissuasion sont limités.
29:16 Pour l'armée chinoise, la phase critique sera l'après-débarquement,
29:28 avec les combats en zone urbaine,
29:32 ce que nous, nous appelons la défense du territoire national.
29:39 Quels que soient les termes employés, il s'agit ni plus ni moins de mener la guérilla urbaine dans les mégapoles taïwanaises.
29:48 Un scénario qui relève de l'impensable.
29:52 On envoie un signal clair à l'armée et au parti communiste chinois.
29:59 S'ils osent débarquer à Taïwan, nous leur infligerons d'énormes pertes.
30:06 L'influenceuse Emily Wu, qui s'efforce d'élargir son public, notamment à l'étranger,
30:17 enregistre un épisode pilote pour la chaîne étrangère anglophone Taïwan Plus.
30:22 Il s'agit d'une émission d'entretien avec de jeunes Taïwanaises et Taïwanais,
30:28 les "game changers" comme elle les appelle, et ils sont nombreux à Taïwan.
30:33 Je suis optimiste parce que je rencontre des gens géniaux qui font des choses formidables,
30:39 qui jettent des ponts entre Taïwan et le monde et ne se préoccupent pas de la Chine.
30:45 Ces jeunes sont à la pointe dans leur domaine.
30:48 Ils appartiennent à cette génération taïwanaise montante.
30:51 Ça me donne de l'espoir.
30:53 Taïwan a beaucoup d'atouts, donc oui, je suis optimiste.
30:58 En offrant une plateforme à cette jeune génération d'entrepreneurs et de créatifs,
31:02 Emily Wu veut donner envie à d'autres de vivre et d'entreprendre à Taïwan.
31:07 C'est ce qui m'a poussée à revenir vivre ici.
31:11 A chaque fois que je revenais à Taïwan, je rencontrais des gens incroyables qui faisaient des choses passionnantes.
31:16 Certains travaillent dans des branches qui sortent de l'ordinaire.
31:19 Ils ne bossent pas dans les semi-conducteurs, la sécurité ou la politique,
31:23 mais dans le design, les nouvelles technologies.
31:26 Et c'est ce que je voulais mettre en avant.
31:28 Dans cette nouvelle émission, je vais m'entretenir avec les leaders taïwanais de demain.
31:32 Taïwan, le pays où je suis née et dont je suis fière.
31:39 J'ai interviewé ces forces vives, certaines mondialement reconnues.
31:43 Je m'intéresse à ces gens de ma génération qui font bouger le pays.
31:46 Ils sont jeunes, ils sont créatifs et ils osent briser le statut quo.
31:55 À 27 ans, Vivian Chun a déjà représenté Taïwan au sein de divers organes des Nations Unies et de l'APEC,
32:01 la Coopération économique pour l'Asie-Pacifique.
32:05 Elle souhaite désormais monter une entreprise basée sur la blockchain,
32:09 qui aiderait des personnes moins favorisées à se lancer dans la vie active.
32:13 On ne peut pas rester les bras croisés.
32:19 Il y a toujours quelque chose à faire.
32:23 Imaginons que je monte ma société à Taïwan
32:26 et qu'elle finisse par acquérir une certaine valeur à l'échelle mondiale.
32:30 Quel est un retentissement international ?
32:33 Ça prouverait la valeur de Taïwan et justifierait son existence.
32:38 Ces jeunes game changers taïwanais sont tournés vers l'Occident.
32:42 Ils en soivent d'épanouissement et d'accomplissement,
32:45 mais ils se montrent prudents et ont parfois peur.
32:48 Une peur peut-être salutaire.
32:52 Des tas de gens ont peur, clairement, mais c'est bon signe.
32:56 Ça veut dire qu'ils sont conscients des risques.
33:00 Et un homme averti en vaut deux.
33:05 Finalement, cette peur a peut-être du bon.
33:12 Ça peut même être sain.
33:15 La peur nous incite à rester sur nos gardes.
33:19 Si ces jeunes entendent rester sur leurs gardes,
33:22 ils ne se laissent pas décourager pour autant
33:25 et veulent croire que leur avenir est ici.
33:28 Il faut continuer à parler des grandes questions du moment, de sécurité.
33:32 C'est une nécessité.
33:34 Mais il se passe plein d'autres choses tout aussi dignes d'intérêt à Taïwan.
33:38 C'est ce que j'ai envie de montrer au reste du monde.
33:42 Taïwan parviendra-t-elle à préserver ce qui fait sa richesse dans les années à venir ?
33:48 La réponse est simple.
33:50 La Chine a fortement accru ses capacités militaires.
33:53 Là encore, Xi Jinping entend hisser l'armée chinoise au pouvoir.
33:57 Mais il n'a pas encore été en mesure de le faire.
34:00 Il est en train de le faire.
34:02 Il est en train de le faire.
34:04 Il est en train de le faire.
34:06 Il est en train de le faire.
34:08 Il est en train de le faire.
34:10 Il est en train de le faire.
34:12 Il est en train de le faire.
34:14 Il est en train de le faire.
34:16 Xi Jinping entend hisser l'armée chinoise au premier rang mondial.
34:20 Sans appui extérieur, Taïwan ne fait pas le poids.
34:24 Dans tous les scénarios que j'ai passés en revue,
34:29 qu'ils soient tirés de jeux de guerre ou d'exercices de simulation,
34:34 dont certains sont même classés secret défense,
34:37 on ne bénéficie jamais du concours de forces étrangères.
34:42 On se défend chaque fois seul.
34:45 On se défend chaque fois seul.
34:47 Les démonstrations de force de Taïwan,
34:50 desquelles se dégage une sorte d'énergie du désespoir,
34:53 ne seraient pas possibles sans un solide appui militaire du monde occidental.
34:57 Et notamment de son plus gros soutien, les États-Unis.
35:01 Mais jusqu'où ces derniers iront-ils ?
35:04 La défense de Taïwan relève de notre seule responsabilité.
35:10 On ne peut pas dire aux États-Unis ou à d'autres
35:13 « Vous devez nous aider et sacrifier vos enfants pour défendre Taïwan ».
35:17 On s'efforce donc d'acheter suffisamment d'armes,
35:21 de former suffisamment de soldats,
35:23 d'établir suffisamment de partenariats de sécurité avec les États-Unis
35:27 et tout autre pays prêt à nous épauler,
35:30 afin que Taïwan soit pleinement préparé.
35:33 Du fait du « Taïwan Relations Act » voté en 1979,
35:39 les États-Unis sont dans l'obligation de fournir des équipements de défense à Taïwan,
35:44 afin qu'elle puisse assurer sa protection.
35:46 La vente de certains équipements s'accompagne d'une formation.
35:52 Les États-Unis apprennent notamment aux pilotes taïwanais
35:55 à manœuvrer les F-16 vendus à Taïwan.
35:58 Taïwan a commandé 66 autres chasseurs F-16 aux États-Unis,
36:03 qui ont augmenté leur livraison d'armes ces dernières années,
36:06 et ce malgré les protestations chinoises.
36:09 Stratégiquement, les États-Unis ont tout intérêt
36:15 à ce que Taïwan dispose d'une capacité de dissuasion crédible.
36:19 Tout ce qu'on attend des États-Unis,
36:22 c'est qu'ils continuent de nous livrer des armes de défense.
36:26 Et je peux vous assurer qu'ils font tout ce qui est en leur pouvoir
36:30 pour que Taïwan soit mieux préparé en cas d'intervention militaire.
36:36 À la question "Les États-Unis défendront-ils Taïwan en cas d'invasion ?"
36:40 le président américain Joe Biden répond...
36:43 Oui.
36:44 Vraiment ?
36:45 C'est l'engagement que nous avons pris.
36:48 Le message envoyé par le président américain
36:52 a été répété au moins quatre fois depuis.
36:55 Je ne suis pas dans les arcanes du pouvoir aux États-Unis,
37:02 mais il me semble qu'ils sont passés de l'ambiguïté stratégique
37:06 à la clarté stratégique,
37:09 en faisant le choix de la dissuasion.
37:12 La déclaration sans équivoque du président Biden
37:21 a étonné les observateurs occidentaux.
37:23 Le département d'État, les affaires étrangères,
37:26 et le département de la défense se sont empressés
37:29 de relativiser les déclarations présidentielles.
37:32 Et ce faisant, comme Xi Jinping avant lui,
37:34 Joe Biden clarifie sa position.
37:36 C'est la crédibilité des États-Unis qui est en jeu.
37:44 S'il ne réplique pas à une attaque chinoise,
37:48 d'autres pays pourraient douter des engagements
37:50 pris par les États-Unis.
37:52 Une stratégie de dissuasion efficace
37:56 dépasse le seul aspect militaire
37:58 et touche aussi aux domaines politiques et économiques.
38:01 Prenons le cas de la guerre en Ukraine.
38:05 Nous, Européens, ne nous sommes pas contentés
38:07 de lui envoyer des armes.
38:09 Nous l'avons aussi soutenu
38:11 sur les plans économiques et politiques.
38:13 Qu'est-ce que l'invasion de l'Ukraine,
38:20 qui a changé beaucoup de choses, représente pour Xi Jinping ?
38:23 Un exemple dissuasif ?
38:26 Un enseignement pratique ?
38:28 Une occasion de mesurer la détermination de l'Occident ?
38:31 Si la Russie gagne en Ukraine,
38:37 ça encouragera Xi Jinping à passer à l'action.
38:40 Rien de plus simple pour une grande nation
38:42 que de maltraiter un voisin plus petit.
38:44 Mais si les forces russes échouent,
38:48 Xi Jinping y réfléchira à deux fois.
38:51 Sommes-nous réellement prêts ?
38:54 Et bien cela va-t-il nous coûter ?
38:56 La guerre en Ukraine s'avère bien plus coûteuse
38:59 que prévue pour Poutine.
39:01 Mais l'Occident pourra-t-il faire payer le prix fort à la Chine
39:04 en cas d'invasion de Taïwan ?
39:06 Et la communauté internationale
39:08 lui emboîtera-t-elle le pas ?
39:10 La grande différence,
39:13 c'est que l'Ukraine est un État souverain,
39:15 membre des Nations unies.
39:17 Ce qui n'est pas le cas de Taïwan.
39:23 Ce qui veut dire qu'avant toute chose,
39:25 il faudra faire en sorte que les Nations unies
39:27 inscrivent cette question à l'ordre du jour.
39:30 Jusqu'à présent, aucun des secrétaires généraux
39:33 qui se sont succédés à la tête de l'ONU
39:35 n'a accepté d'aborder la question taïwanaise.
39:38 Le partenariat Chine-Russie si souvent évoqué
39:44 pourrait aussi se déliter.
39:46 Et le sort réservé à Poutine et à la Russie
39:48 pourrait refroidir les ardeurs de Xi Jinping
39:51 et du Parti communiste chinois.
39:53 La Russie et l'Ukraine sont des pays continentaux.
39:58 Si leur opération militaire tourne mal,
40:03 leurs troupes peuvent facilement battre en retraite.
40:06 Mais un détroit de 130 km de large en moyenne
40:11 sépare la Chine de Taïwan.
40:13 Elle ne pourra pas se retirer aussi facilement.
40:16 Tout échec pourrait précipiter
40:19 la chute du Parti communiste chinois.
40:21 Pékin souhaiterait imposer un blocus à Taïwan.
40:27 Ce qui perturberait fortement la circulation des navires
40:31 et avions commerciaux dans la région.
40:33 Sans parler bien sûr des implications en matière de sécurité.
40:37 Mais les répercussions conjoncturelles
40:40 se feraient sentir partout dans le monde
40:42 et seraient extrêmement dommageables
40:44 pour l'économie mondiale et chinoise également.
40:48 Kaohsiung est une ville de 2,5 millions d'habitants
40:51 au climat tropical situé tout au sud de l'île,
40:54 à environ 4 heures de route de Taipei.
40:56 C'est aussi le plus grand port du pays.
41:01 À la fois porte ouverte sur le monde
41:03 et goulets d'étranglement par lequel transitent ses exportations.
41:06 Exportation dans lesquelles la Chine se taille encore
41:10 est toujours la part du lion.
41:12 Avec tous les avantages et les risques que ça comporte.
41:16 L'an passé, plus de 40% des exportations de Taïwan
41:20 étaient destinées à la Chine et à Hong Kong.
41:23 Et environ 20% de ces importations provenaient de Chine.
41:28 Et la Chine demeure la première destination
41:31 pour les investissements taïwanais à l'étranger.
41:34 Donc dans tous ces secteurs,
41:38 la Chine demeure le premier et le plus important exportateur.
41:42 Et dans tous ces secteurs, la Chine demeure le premier
41:45 et le plus gros partenaire commercial de Taïwan.
41:48 À Kaohsiung aussi, la campagne électorale
42:05 du conseiller municipal Lin Yu-kai
42:07 est marquée par la menace d'une invasion chinoise.
42:10 On sent plus fortement que la ville se sent particulièrement vulnérable
42:13 en voyant l'ennemi se rapprocher à grands pas ces derniers mois.
42:16 En août, la Chine a effectué des manœuvres navales
42:21 de grande ampleur autour de Taïwan.
42:23 Certains navires ont croisé à seulement 19 000 du port de Kaohsiung.
42:28 Ça montre que pour eux,
42:31 ce port est un objectif stratégique de premier plan.
42:34 Si le gouvernement ne fait rien,
42:39 nos concitoyens seront les premiers touchés.
42:41 Les habitants de Kaohsiung craignent que la Chine
42:52 simule une invasion aux portes de la ville
42:54 et projettent d'utiliser son port comme point d'entrée
42:57 au moment d'envahir l'île.
42:59 Si la Chine décide d'envahir Taïwan
43:04 et se sert de navires civils pour débarquer ses troupes,
43:07 les habitants de Kaohsiung se retrouveront en première ligne.
43:10 La plupart des forces navales taïwanaises
43:16 sont stationnées dans le port de Kaohsiung
43:18 et sont en état d'alerte permanent depuis plusieurs mois.
43:21 La Chine a pris le contrôle de deux terminaux importants
43:32 du port de Kaohsiung.
43:35 La concession d'exploitation du premier court jusqu'en 2024,
43:38 celle du second jusqu'en 2048.
43:41 Notre crainte, c'est que cette concession de longue durée
43:45 mette en péril la sécurité des habitants.
43:48 Sa situation rappelle celle du port de Hambourg,
43:52 où la mainmise chinoise pourrait compromettre
43:54 la fluidité des chaînes d'approvisionnement
43:56 et donc la sécurité nationale.
43:58 Mais ici, la menace est infiniment plus proche.
44:04 La Chine joue un rôle central
44:06 dans la chaîne d'approvisionnement mondiale.
44:08 La plupart des pays occidentaux,
44:12 dont les États-Unis et de nombreux pays européens,
44:15 s'efforcent justement de réduire le poids
44:18 et le rôle de la Chine dans cette chaîne,
44:21 par crainte pour leur sécurité nationale et économique.
44:26 [Musique]
44:42 Juan Mei vit en colocation.
44:44 Aujourd'hui, il dîne avec ses trois colocataires.
44:47 Ici aussi, le conflit sino-taïwanais s'invite dans les conversations,
44:51 avec ou sans journalistes européens.
44:53 [Musique]
45:05 « J'ai un collègue qui m'a dit qu'il voulait s'inscrire
45:07 au cours de la Kuma Academy.
45:09 Même s'il n'y a plus de place, je crois qu'on peut au moins
45:11 s'inscrire au cours de First Aid.
45:13 Comment on dit déjà ? Premier secours ? »
45:16 « On peut commencer par se former au premier secours,
45:20 apprendre à faire un massage cardiaque, des pansements. »
45:22 « Ça m'inquiète un peu, mais s'inquiéter n'y changera rien.
45:28 À ma petite échelle, je ne peux rien faire pour empêcher la guerre.
45:31 Si ça doit arriver, ça arrivera.
45:37 La question c'est plutôt, qu'est-ce que je peux faire pour m'y préparer ? »
45:40 « Ça peut être convenir du moyen de se joindre en cas d'urgence
45:47 avec ma famille ou m'inscrire aux formations de la Kuma Academy.
45:51 Comment est-ce que je peux me rendre utile en cas de conflit ?
45:57 Il faut au moins que j'apprenne à faire un massage cardiaque. »
46:01 Le fondateur du MC et multimilliardaire Robert Cao
46:09 finance divers programmes de défense nationale.
46:12 Il est convaincu que Taïwan devra se battre.
46:19 « Xi Jinping a été très explicite.
46:23 Il veut réaliser l'unification sino-taïwanaise
46:27 et refuse d'exclure le recours à la force.
46:30 Donc les choses sont claires.
46:32 Si vous ne cédez pas, on vous attaquera.
46:35 La Chine aura recours à la force, c'est certain,
46:38 à moins que Taïwan ne capitule spontanément. »
46:41 Il a récemment donné 100 millions de dollars américains
46:46 pour la recherche militaire, notamment sur les drones.
46:49 Un tiers de la somme a été versée à la Kuma Academy.
46:52 « Ces dernières années, Taïwan n'a cessé de renforcer
46:58 ses capacités de défense, notamment en faisant des stocks d'armes.
47:02 Son talon d'Achille, c'est l'attitude quelque peu ambigüe
47:08 de la population vis-à-vis de la Chine.
47:12 Certains pensent même que l'unification serait une bonne chose
47:18 et ne considèrent pas la Chine comme un pays hostile.
47:22 Pour moi, ils font preuve d'un aveuglement dangereux. »
47:27 La Kuma Academy est actuellement un des principaux instituts
47:37 de formation en matière de défense nationale et d'autodéfense.
47:41 Elle propose une formation militaire théorique
47:45 comprenant des notions de base allant des effets des armes
47:48 à la reconnaissance des uniformes.
47:51 Des savoirs qui ne seront pas d'une grande utilité
47:54 face aux missiles chinois, mais qui ont le mérite
47:57 de donner de l'assurance.
47:59 « Quand on voit ce qui s'est passé à Hong Kong,
48:07 les violations des droits de l'homme au Tibet
48:10 et récemment la guerre entre la Russie et l'Ukraine,
48:14 il y a de quoi s'inquiéter pour la sécurité de Taïwan.
48:18 Et c'est pour ça que c'est important
48:21 de suivre ce genre de formation. »
48:24 Pou Ma Chun est expert en cyberguerre au sein de Kuma.
48:30 Il veut sensibiliser ses auditeurs aux techniques subversives
48:33 des guerres psychologiques et numériques.
48:37 Les attaques pirates des cyberguerriers chinois
48:40 se sont intensifiées, surtout depuis la venue
48:43 de Nancy Pelosi à Taïwan.
48:45 Ils pénètrent les réseaux publics et diffusent
48:48 leur propagande anti-américaine et des fake news d'ordre militaire.
48:51 Ces opérations ciblent surtout les jeunes.
48:54 Pou Ma Chun fait de la sensibilisation.
48:58 « Il faut que les gens sachent identifier
49:02 les théories complotistes, comprennent qui est derrière tout ça
49:05 et comment celles-ci se répandent au sein de la société.
49:08 C'est la base. Ensuite, il faut qu'ils apprennent
49:11 à protéger leurs données personnelles,
49:14 parce que si la Chine réussit à accéder à ce type d'informations,
49:17 elle pourra procéder à des analyses sur de gros volumes de données
49:20 et identifier les groupes de population les plus vulnérables. »
49:24 Un millier de personnes sont désormais inscrites
49:29 sur les listes d'attente de la Kuma Academy.
49:32 Les ONG, entreprises et établissements scolaires
49:35 lui réclament des formations sur mesure.
49:38 La société taïwanaise est en état d'alerte.
49:41 Si l'on en croit les instructeurs de la Kuma Academy,
49:44 elle est aussi prête à se défendre et se prépare désormais à combattre.
49:48 « En cas de conflit armé, je pourrais mettre à profit
49:55 les gestes de premier secours qu'on a appris cet après-midi.
50:00 Bien sûr, s'il le faut, si le pays, si la société taïwanaise a besoin de moi,
50:04 je répondrai à l'appel. »
50:07 « La démocratie dans laquelle nous vivons a été chèrement acquise.
50:23 Nous n'y renoncerons pas.
50:26 Le peuple taïwanais est très fier de sa liberté,
50:29 de sa démocratie.
50:32 Cette liberté est notre oxygène, on le sait,
50:35 et nous la défendrons. »
50:38 « Jusqu'à aujourd'hui, le gouvernement chinois n'a pas manifesté
50:51 la moindre intention de discuter avec Taïwan.
50:54 Les responsables interrogés nous ont juste dit
50:57 que Taïwan devait accepter le principe de la Chine unique
51:00 ou du « un pays, deux systèmes »
51:03 et donc l'unification complète avec la Chine.
51:06 Ce sont là des conditions auxquelles le peuple taïwanais
51:09 ne peut souscrire. »
51:12 « La loi martiale a été levée il y a 37 ans.
51:23 Nous nous sommes battus pour vivre en démocratie.
51:26 La dernière génération de militants a lutté durement pour ça.
51:29 Et c'est ce qui me donne confiance et me fait dire
51:32 nous continuerons à nous battre, quoi qu'il arrive. »
51:35 « Comme l'Ukraine, qui protège l'Europe en se battant en première ligne,
51:47 Taïwan s'érigera en rempart entre la Chine et le reste du monde. »
51:54 Taïwan, bastion de la démocratie,
51:57 espère qu'elle pourra compter sur la solidarité de l'Occident
52:00 et que le coup d'une unification par la force
52:03 s'avérera aussi prohibitif pour la Chine.
52:07 Sous-titrage Société Radio-Canada
52:11 L'Union des Nations Unies
52:15 « La loi martiale a été levée il y a 37 ans.
52:18 Nous nous sommes battus pour vivre en démocratie.
52:21 La dernière génération de militants a lutté durement pour ça.
52:24 Et c'est ce qui me donne confiance et me fait dire