• il y a 10 mois
Plus de deux tiers des travailleurs français sont confrontés, au moins occasionnellement, au phénomène religieux en entreprise. Quand la foi personnelle, le droit du travail et les enjeux de l’entreprise coexistent, que doivent faire les dirigeants, DRH et managers ? On en parle dans le Cercle RH.

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Transcription
00:00 *Générique*
00:12 Dans le cercle RH aujourd'hui, la religion au travail, le droit dit que les salariés de votre entreprise peuvent librement manifester leur religion.
00:19 Et dans la grande majorité des cas, elle poserait peu de problèmes.
00:22 C'est en tout cas le point de vue de l'observatoire du fait religieux en entreprise.
00:25 Le 9ème baromètre annuel du fait religieux en entreprise publié par l'institut Montaigne, lui ne nous dit pas exactement la même chose.
00:32 Il révèle une augmentation des cas où une demande liée à la religion créerait des tensions dans l'organisation.
00:38 Je vous propose aujourd'hui de faire le point avec nos deux invités.
00:40 Marc Landré nous accompagne, associé chez CIA Partners. Bonjour Marc Landré.
00:44 Bonjour.
00:44 Merci beaucoup d'être avec nous. Lionel Honoré nous accompagne également, professeur des universités,
00:49 directeur de l'observatoire du fait religieux en entreprise dont je parlais et auteur du livre "Manager la religion au travail". Bonjour.
00:55 Bonjour.
00:56 Merci beaucoup à tous les deux d'être là aujourd'hui. Lionel Honoré, religion au travail, que dit exactement le droit ?
01:02 Je crois que c'est assez simple, c'est assez clair finalement.
01:05 Oui, c'est assez clair. Tant qu'on est dans le privé, dans les entreprises privées, en dehors du service public,
01:12 il y a une liberté religieuse, il y a aussi la liberté de manifester ses convictions religieuses.
01:17 Et donc c'est le principe qui prime. Ce n'est pas la laïcité, la clé d'entrée au sens de neutralité religieuse.
01:23 C'est la liberté d'exprimer ses convictions, y compris religieuses, mais aussi politiques et philosophiques.
01:29 Alors ça peut être limité par l'entreprise et l'entreprise a la possibilité, notamment depuis la loi de 2016, de fixer des limites à cela.
01:36 Mais encore une fois, le point d'entrée c'est celui de la liberté.
01:40 Et c'est ce qui peut poser problème selon vous justement, cette liberté de manifester ?
01:45 C'est-à-dire que derrière, difficile pour les managers, pour les entreprises de trouver ces limites ?
01:50 Ce qui peut poser problème c'est ça. C'est-à-dire que jusqu'où on autorise la présence du fait religieux dans l'entreprise ?
01:59 Et quels faits religieux on autorise ? Est-ce que tout peut être autorisé ?
02:03 Et sachant que dans les faits religieux, il y en a qui sont relativement simples,
02:07 comme simplement la manifestation de ses convictions par la présence d'un objet religieux ou d'un vêtement religieux.
02:11 Et d'autres qui sont plus problématiques, comme par exemple le refus de réaliser des tâches,
02:16 ou le refus de travailler avec une femme ou avec des gens qui ne sont pas de la même religion.
02:20 Et donc ça, bien évidemment, ce sont des faits qui a priori n'ont pas leur place au travail, ni ailleurs d'ailleurs.
02:26 Alors que les premiers types de faits, le port de vêtements ou simplement des demandes d'absence,
02:32 qui sont les faits les plus courants quand même, eux posent peu de problèmes.
02:36 Je le disais en préambule de cette émission, vous vous défendez quand même que dans la majorité des cas,
02:40 la religion ne pose pas tellement de problèmes finalement en entreprise aujourd'hui en France.
02:44 Marc Landré, je ne sais pas, est-ce qu'on a une idée de la proportion d'entreprises en France
02:49 qui est concernée aujourd'hui par ce phénomène religieux ?
02:51 Et pour lesquelles aujourd'hui ça peut donc éventuellement poser peut-être un problème ?
02:56 Je parle sous le contrôle de Lionel, qui est le grand spécialiste de la question
02:59 et qui a toutes les statistiques du fait du baromètre qu'il édite depuis maintenant plus de 10 ans.
03:04 C'est une minorité d'entreprises qui est confrontée à des faits religieux,
03:07 même si on note que cette minorité est en augmentation régulière depuis une dizaine d'années.
03:12 Et comme le disait Lionel, effectivement les manifestations de ces faits religieux sont relativement limitées,
03:17 ils sont circonscrits à des pratiques qui sont très cadrées, c'est-à-dire le port, la manifestation de sa croyance.
03:26 Et puis après, il y a tout ce qui va avoir un impact sur l'organisation et la vie au travail qui peut être problématique.
03:33 Et on note effectivement que l'intervention des managers est de plus en plus demandée
03:38 pour essayer de cadrer lorsque des problèmes il y a, même si ces problèmes, je le répète,
03:43 Lionel vous me contredirez si j'ai tort, mais restent encore relativement minoritaires dans le cadre des entreprises françaises.
03:49 Parce que donc faits religieux, donc on peut porter peut-être quelque chose qui montre aujourd'hui qu'on appartient ou non à une religion,
03:58 vous parliez après derrière, combien peuvent mener potentiellement à un aménagement du travail,
04:04 à des vraies réorganisations de l'entreprise, du fonctionnement de l'entreprise. Ça, ça arrive beaucoup ?
04:12 Il y a deux entreprises sur trois à peu près qui sont concernées par les questions de faits religieux,
04:17 qui ont des situations, simplement. Et il y a à peu près 20% des situations qui sont problématiques.
04:24 C'est-à-dire 20% des situations où il y a un vrai impact sur l'organisation du travail et la réalisation du travail,
04:30 ou sur les relations professionnelles, les relations entre collègues avec le management, où il peut y avoir des tensions, des conflits, etc.
04:35 C'est pas beaucoup ? Deux sur trois, et dans ces deux sur trois, 20% ?
04:40 Voilà, ça veut dire 80%, où c'est des choses qui sont très simples, qui sont traitées par un management classique.
04:46 Il y a des demandes d'autorisation, une régulation simple du comportement, l'organisation de pratiques,
04:52 par exemple une pratique de prière qui se fait pendant les pauses et dans un lieu adapté.
04:56 Donc ça peut demander un peu d'organisation, mais ça se gère.
04:59 Et puis il y a une situation sur cinq où là, il y a des tensions, il y a des conflits, il y a des dysfonctionnements,
05:04 et là, il y a un besoin d'intervention managériale et il y a un besoin de cadrage par l'entreprise.
05:08 Parce que là, il peut y avoir un impact sur la réalisation du travail, et donc l'entreprise doit penser en amont
05:13 les règles qui vont permettre de réguler ça, justement, et de contrecarrer les comportements les plus dysfonctionnels
05:19 et les plus inacceptables, il y en a, et puis de faire en sorte que les managers aient les bons moyens
05:25 pour avoir une gestion pragmatique des situations.
05:28 Et les moyens, justement, les outils, ils les ont, Marc Landré, les managers ?
05:31 En tout cas, les outils existent. Maintenant, est-ce qu'ils les utilisent ? Ils les utilisent relativement peu.
05:35 Ça va du guide de bonne pratique jusqu'à l'intervention dans le cadre du règlement intérieur avec la fixation d'un certain nombre de règles.
05:43 Ça peut être par des plans de formation, ça peut être aussi par des groupes de discussion
05:46 ou des plans de discussion qui sont organisés au sein du collectif managériel.
05:50 En tout cas, les outils existent, se développent, mais sont encore relativement peu utilisés, peu usités, peu connus également.
05:57 Et ce que dit Lionel est très intéressant, c'est-à-dire qu'en vérité, la grande majorité des faits qui sont relevés se règlent,
06:04 se règlent via le dialogue, grâce au dialogue soit entre le manager et le salarié en question,
06:10 soit par l'intervention des syndicats parfois, puisqu'il est toujours conseillé de faire intervenir,
06:17 pas forcément les syndicats, mais des représentants du personnel lorsque c'est jouable,
06:23 et surtout lorsque vous voulez modifier les règles du règlement intérieur, toujours le faire avec avis du CSE,
06:31 puisque ça permet au moins aux représentants des salariés de se positionner par rapport à des faits
06:35 qui vont avoir un impact sur l'organisation, sur la vie au travail de l'ensemble des salariés de l'entreprise.
06:39 Oui, c'est une approche un peu pragmatique du manager, en gros c'est ça, on voit les situations, on règle les solutions,
06:45 c'est l'approche qu'ils devraient avoir.
06:47 C'est le dialogue, c'est l'approche que majoritairement ils ont, et comme le disait Lionel, une minorité pose problème et peuvent conduire à des sanctions.
06:55 Je crois que dans le baromètre c'est à peu près 12% de sanctions qui sont édictées, c'est relativement peu,
07:00 et quand on voit que la grande majorité des faits relevés ne posent pas de problème et se règlent par un simple dialogue,
07:06 voire par un simple rappel des faits, des règles en vigueur.
07:09 Vous, qu'est-ce que vous vouliez montrer avec ce baromètre ?
07:11 L'idée du baromètre c'était de montrer que sur ce sujet qui est sensible et qui met en alerte les entreprises, les managers,
07:18 mais aussi les politiques, les médias, etc., la très grande majorité des situations, encore une fois, sont des situations apaisées, qui se règlent.
07:27 Ce qu'on observe quand même depuis quelques années, depuis 3-4 ans, c'est vraiment l'existence de deux réalités dans le monde des entreprises françaises
07:34 par rapport à cette question du fait religieux.
07:36 Donc finalement 80% des entreprises, ça se passe de mieux en mieux.
07:39 Les salariés, comme les entreprises, ont appris à gérer les situations, ce qui est faisable, ce qui n'est pas faisable, comment on peut réagir, etc.,
07:46 et c'est fait de mieux en mieux.
07:48 Et donc c'est apaisé.
07:50 Et puis il y a peut-être 20% des entreprises dans lesquelles se concentrent vraiment les situations les plus problématiques.
07:55 Ce sont des entreprises qui sont plutôt dans des secteurs où il y a une grosse main d'oeuvre peu qualifiée,
08:00 plutôt à forte main d'oeuvre peu qualifiée, dans des zones géographiques qui sont plutôt la région parisienne ou les grandes métropoles.
08:06 - Des jeunes, moins jeunes, ça on le voit aussi dans des populations plus concernées par les faits religieux, c'est ça ?
08:12 - Toutes les populations sont concernées par les faits religieux, les hommes, les femmes, les jeunes, les moins jeunes.
08:16 Néanmoins, lorsqu'on s'intéresse aux comportements qui posent problème, ce sont effectivement plutôt des hommes,
08:22 plutôt jeunes, en dessous de 35 ans.
08:24 Passés 35 ans, les comportements problématiques déclinent, vraiment.
08:28 Donc plutôt des jeunes, plutôt peu qualifiés, plutôt de religion musulmane.
08:33 Et c'est là où vraiment les problématiques vont se concentrer.
08:37 Le reste finalement de la population, c'est-à-dire les femmes, posent très peu de problèmes, sont très peu impliquées dans les conflits.
08:42 Et quelle que soit leur religion, y compris les musulmanes pour le coup,
08:46 et les hommes qualifiés, les hommes au-delà de 35 ans, on va dire,
08:51 ont des comportements qui ont tendance à se concentrer sur les comportements les plus courants et les moins problématiques.
08:59 Encore une fois, le port éventuellement de signes, ou des demandes d'absence pour assister à une cérémonie religieuse,
09:04 ou la possibilité d'utiliser sa pose pour prier, éventuellement, ce qui est tout à fait possible.
09:08 - Donc on est plus raisonnable avec l'âge.
09:10 La discrimination, elle peut arriver aussi avant, au moment du recrutement.
09:16 Comment on s'assure qu'aucune considération religieuse n'a motivé le choix de recruter ou de ne pas recruter, Marc Landry ?
09:24 On peut se dire, on évite tout problème au final en ne pas recrutant finalement.
09:30 - Non, on évite tout problème en n'évoquant pas la question de la religion,
09:33 mais on peut évoquer les conséquences non pas d'une religion, mais sur l'organisation du travail.
09:39 Un exemple très concret. Un demandeur d'emploi ou quelqu'un qui répond à une offre d'emploi dans une entreprise
09:47 n'a pas à faire état de sa confession religieuse.
09:50 Par exemple, quelqu'un de confession juive n'a pas à dire "je suis juif et donc je fais shabbat le vendredi soir".
09:54 Et le DRH ou le responsable du recrutement n'a pas à lui demander s'il fait shabbat le vendredi soir.
10:00 En revanche, il peut lui demander si les conditions de travail telles qu'elles lui sont proposées lui posent problème,
10:05 sans aucune connotation, sans aucun lien avec la religion.
10:09 Le salarié qui postule à une offre d'emploi est conscient des implications en matière d'organisation du travail
10:16 et c'est lui qui doit dire, pour quelque raison que ce soit, il n'a pas à les expliciter si ça lui pose problème ou pas.
10:24 Donc le but du jeu, du moins la manière de s'en sortir, c'est de ne pas évoquer la religion en tant que telle,
10:30 mais éventuellement les conséquences d'une religion en en taisant son nom sur l'organisation du travail ou les conditions de travail telles qu'elles sont présentées.
10:37 Ce que vous me dites, ça me fait penser à une question, Léonel Honoré.
10:41 C'est le salarié finalement qui va demander, qui va vers son manager pour ce genre de questions.
10:48 Le manager, dans une entreprise, n'a pas le droit d'évoquer ces questions religieuses,
10:54 il ne va pas le faire de lui-même de toute façon, ça se passe toujours dans ce sens-là.
10:58 C'est le salarié qui va faire sa demande auprès du manager sur ces questions-là ?
11:02 Oui, c'est plutôt le salarié qui va faire sa demande auprès des managers.
11:05 Ce que le manager peut faire, c'est avoir une politique et avoir des choses dans son règlement intérieur qui vont encadrer la question,
11:12 prévoir des outils pour ces managers de proximité, pour qu'ils puissent répondre de manière efficace et fonctionnelle aux cas qui se présentent.
11:20 Mais effectivement, c'est plutôt à l'initiative du salarié.
11:23 Mais ne pas attendre, ça pourrait être intéressant.
11:25 Sauf s'il y a un problème qui remonte, et là c'est le manager qui va vers le salarié.
11:29 Il y a un comportement qui est inopérant d'entre eux, par exemple vous refusez de vous discriminer telle personne parce que c'est une femme,
11:36 et vous refusez de lui serrer la main ou de répondre à ses ordres hiérarchiques,
11:39 là c'est plutôt à l'initiative du manager parce qu'il y a des remontées de la part des autres salariés.
11:44 Le temps passe vite, j'avais une question aussi, parce qu'on parle de tension dans l'entreprise.
11:47 Tout à l'heure, les résultats parlent de tension au sein de l'entreprise, là on a plutôt parlé du manager et du salarié.
11:52 Ça peut créer des tensions entre les salariés aussi, ces questions du fait religieux ?
11:57 Oui, tout à fait. D'où la nécessité de les traiter, d'où la nécessité à la fois d'être pragmatique et ouvert face aux comportements qui ne sont pas problématiques,
12:06 et d'être en même temps, il faut être ambidextre sur cette question, d'être en même temps très ferme et très résolu sur les comportements qui posent problème.
12:14 Quand un salarié refuse de travailler avec une femme, c'est inacceptable.
12:17 Lorsqu'un salarié refuse de travailler avec quelqu'un qui n'est pas de la même religion que lui, c'est inacceptable.
12:22 Et donc là, il faut que le manager soit agit et sanctionne éventuellement.
12:27 Mais on a des phénomènes qui arrivent, par exemple le fait des prescriptions médicales pour le port du voile, pour des questions d'allergie,
12:35 même si c'est contre-indiqué avec le port d'un casque ou le port d'une charlotte.
12:40 Donc il y a un moyen de contourner médicalement les règles qui sont introduites, mais comme dans toute règle, il y a ces moyens de contournement.
12:45 Donc là, il faut faire attention parce qu'on voit ces faits-là qui commencent à se développer.
12:48 Et donc, il faut y faire attention parce qu'on ne sait pas où est-ce que ça peut aller.
12:52 Merci beaucoup à tous les deux de nous avoir accompagnés aujourd'hui, d'avoir parlé de religion au travail.
12:56 Marc Landry, vous êtes associé chez CIA Partners, Lionel Honoré, professeur des universités, directeur de l'Observatoire du fait religieux en entreprise.
13:03 Merci beaucoup à tous les deux de nous avoir accompagnés.
13:05 Tout de suite, c'est fenêtre sur l'emploi.
13:07 C'est Arnaud Ardoin qui reprend la main, je vous le disais, et qui reçoit la réalisatrice du documentaire "L'usine, le bon, la brute et le truand".
13:14 L'histoire de trois représentants du personnel qui se sont battus pour la survie de leur usine.
13:18 tout de suite.

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