FOCUS_200324_Xerfi_Inde

  • il y a 6 mois

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00:00 [Générique]
00:09 Bonjour, bienvenue sur Alistair TV. Focus sur l'Inde aujourd'hui. J'ai pour cela invité Alexandre Demier-Lecourtois,
00:18 le directeur de la Conjoncture et Prévisions chez Xerfi, qui est une société d'intelligence stratégique. Alexandre, bonjour.
00:27 Bonjour. Alors vous êtes un habitué de la chaîne. Aujourd'hui, je vous invite pour répondre à une question.
00:32 Est-ce que l'Inde est-elle en train de devenir la nouvelle Chine comme locomotive de l'économie mondiale ?
00:38 On pourrait le penser. Quand on regarde un petit peu les chiffres, l'Inde a reçu plus d'investissements directs étrangers que la Chine.
00:46 C'est la première fois que ça arrive, en 2023. L'Inde également, en termes de croissance économique, c'est mieux que la Chine depuis 2014.
00:54 Alors, parenthèse faite quand même de la période Covid, mais qui est tellement particulière qu'il est difficile à analyser.
00:59 Et puis l'Inde, tout simplement, a surpassé la Chine en termes de population en 2023. Donc c'est devenu le pays le plus peuplé.
01:07 Alors justement, elle a deux atouts essentiels. D'abord, sa démographie, des dynamiques par rapport à celle de la Chine, qui est plutôt vieillissante.
01:13 Totalement. L'Inde, c'est une population qui croît, et notamment d'une population jeune. Donc cette population jeune, c'est la force du travail.
01:20 Quand on regarde un petit peu le potentiel de croissance d'une économie, généralement, on regarde quand même cette dynamique de sa population active,
01:27 capable de générer des richesses. Et là, il n'y a pas photo. Il n'y a pas photo entre la Chine qui va en perdre et l'Inde qui continue de croire.
01:34 Donc c'est un premier facteur, bien entendu, de la croissance indienne.
01:39 Et puis pour développer les économies, il y a besoin d'infrastructures. Et justement, ils ont bénéficié d'investissements massifs, en cours et à venir, sur les infrastructures.
01:46 Ah, ben tout à fait. C'est ça le grand décalage aussi avec la Chine. La Chine a démarré il y a 20 ans. L'Inde, c'est beaucoup plus récent.
01:52 Donc il y a un effort massif, à peu près 5% du PIB. Donc ça va générer... Ça génère de l'activité, mais ça va générer également, comme vous l'avez dit, de la productivité future.
02:00 Donc comme je commence à voir d'un côté une population en âge de travailler qui continue de croire, et une productivité qui augmente, que voulez-vous,
02:06 évidemment que c'est un boulevard de croissance qui se dessine pour l'Inde.
02:09 Alors il faut quand même relativiser.
02:11 Oui. Alors il faut relativiser sur la puissance du moteur. La puissance d'un moteur, c'est à la fois le couple moteur.
02:18 Le couple moteur, on va dire que c'est la taille de l'économie indienne. Mais ça reste un nain.
02:22 Ça reste un nain. C'est à peine 10% de l'économie asiatique. Quant à la Chine, on fait 5 fois plus. Donc ça reste un petit moteur.
02:30 Son rythme de croissance, certes, est fort. Mais quand on regarde entre le couple et le régime, ça reste une petite cylindrée quand même de la région.
02:38 Il y a quand même une surchauffe en termes de crédits au ménage aux entreprises, une flambée des cours de bourse, une flambée des prix de l'immobilier.
02:45 C'est vrai qu'à court terme, on peut avoir quelques inquiétudes. On a toujours cet espoir de tirer la croissance.
02:52 On l'avait fait pour la Chine, qui devait rattraper les États-Unis assez rapidement. On a vu ce qu'il en était.
02:55 Donc on fait ce même type de raisonnement pour l'Inde, qui devrait avoir un rythme de croissance continu et très solide.
03:02 Mais même à court terme, on regarde, en effet, sur les crédits au ménage, sur les prix de l'immobilier, sur la bourse,
03:06 on se dit qu'un incident est toujours possible, même à court terme.
03:10 Qui mettra un petit peu un frein à l'économie indienne.
03:14 Et puis il y a aussi un énorme défi social.
03:17 Là, vous mettez le doigt dessus. C'est le principal défi de l'économie indienne.
03:25 C'est quand on regarde de façon un petit peu prosaïque quels sont les indicateurs, on voit qu'on a un pays dont la population, certes, croît,
03:35 mais il y a quand même beaucoup de chômage, il y a quand même beaucoup de personnes, il y a à peu près 450 millions de personnes sans emploi,
03:41 qui sont donc éloignées du marché du travail. C'est quand même assez énorme.
03:45 Vous l'avez dit, un des défis de l'Inde, évidemment, ça serait de faire émerger sa population, sa classe moyenne, assurer son essor.
03:52 Mais encore une fois, je viens de le dire, quand vous avez 450 millions de personnes qui sont éloignées du marché du travail, c'est compliqué.
03:58 Quand vous avez un système éducatif qui ne fonctionne pas très bien, c'est également compliqué.
04:03 Donc là, on est quand même sur les limites.
04:05 Il y a aussi une formation de main d'oeuvre, puisque 45% de la population est encore attachée à l'agriculture, alors que la Chine, c'est seulement 25%.
04:13 Totalement, quand on regarde un peu le secteur réellement, qu'est-ce qui pourrait booster, et qu'est-ce qui booste actuellement l'économie indienne ?
04:20 Il y a toujours l'agriculture. Alors, ça dépend de la motion.
04:23 Donc, c'est un petit peu problématique quand 45% d'une population travaille encore dans l'agriculture.
04:30 On regarde, vous l'avez dit tout à l'heure, évidemment, dans les secteurs en pointe, il y a l'immobilier, le bâtiment, mais ça, ça peut se retourner assez vite.
04:38 Il y a les services, notamment les services informatiques. L'Inde est quand même une puissance numérique, ça, tout le monde le sait.
04:45 Mais quand on regarde sa capacité d'entraînement, sa capacité d'entraînement sur le reste de l'économie, et même par rapport à la région Asie, elle est finalement relativement limitée.
04:53 Oui. Et ça se, comment dirais-je, percute un peu sur le pouvoir d'achat de la population.
04:58 Je crois que si on se place par rapport au PIB, c'est encore cinq fois moins que la Chine.
05:04 Que la Chine. Donc, on voit un petit peu le décalage. C'est-à-dire qu'avant que l'Inde réussisse à même simplement retrouver le niveau de vie des Chinois,
05:10 niveau de vie des Chinois qui est déjà très éloigné du niveau de vie des Américains, il va se passer du temps.
05:14 En effet, grosso modo, le PIB par habitant, c'est un cinquième du PIB par habitant chinois.
05:19 Donc, on voit tout le chemin qui reste à faire. Donc, ce chemin qui reste à faire, il est long, il est tortueux.
05:23 Il n'est pas du tout évident que l'Inde devienne la puissance régionale auquel on croit. Les investisseurs y croient beaucoup.
05:30 Je pense qu'il faudrait mettre peut-être un petit peu la pédale douce là-dessus.
05:32 Surtout que la Chine va passer ce verre.
05:35 La Chine ne se laissera jamais faire. C'est-à-dire que là, on voit très très bien les places prises par les Chinois.
05:40 Ils ne vont pas faire les mêmes bêtises que les Européens, on va dire, ou les Occidentaux.
05:43 C'est-à-dire de transférer les savoir-faire, d'aider au développement d'une industrie puissante indienne. Non.
05:48 Non, non, non. Les Chinois ne vont pas aller dans cette orientation-là.
05:53 Donc, ça reste la puissance ultra-dominante de la région.
05:57 Et il va passer du temps avant que l'Inde essaie simplement même de rivaliser avec son puissant voisin.
06:02 Alexandre, merci pour cet éclairage et avoir un petit peu relativisé l'Inde qui est effectivement aujourd'hui le pays à la mode dont tous les investisseurs parlent.
06:10 Et puis à bientôt sur Investisseur TV pour un nouveau Focus.
06:12 Merci.
06:13 Merci à tous de nous avoir suivis. Et comme je disais, un nouveau Focus prochainement sur Investisseur TV.
06:19 [Musique]
06:28 [Silence]