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Clique, c'est présenté par Mouloud Achour, tous les jours à 19h45 en clair sur CANAL+ !
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00:00Bonsoir Thomas Langmann, vous êtes réalisateur, scénariste et surtout l'un des plus grands producteurs français.
00:06En 2009, en recevant son César du meilleur acteur pour Mestrine, Vincent Cassel a dit ça.
00:12Bon, mais je vais faire comme tout le monde, je vais commencer par remercier Monsieur Claude Berry.
00:18Il n'est pas pour les mêmes raisons que les autres.
00:21Parce que grâce à lui, il y a Thomas Langmann.
00:30Et il faut dire ce qu'il y a, il n'y en a pas beaucoup comme lui.
00:33Il n'y a plus Claude.
00:36Maintenant, il y a toi.
00:38J'espère qu'on a encore plein de trucs à faire ensemble.
00:40En tout cas, sur ce coup-là, tu as été assez incroyable.
00:45On va se reprendre chez Mestrine quand même, merde !
00:48Il n'y en a pas beaucoup comme Thomas Langmann et je suis très fier de t'accueillir ce soir dans Clique.
00:54Toute l'année, on a fait des torrents de dédicaces parce qu'il n'y en a pas beaucoup des producteurs comme ça.
00:59Et c'est important qu'on ait un Thomas Langmann en France.
01:02On voulait te recevoir parce qu'il y a un mois, je suis tranquille chez moi, je reçois un coup de fil.
01:07Thomas Langmann, qu'est-ce qui se passe ?
01:09Salut, tu veux faire une interview avec Francis Ford Coppola ?
01:12Oui.
01:13Ok.
01:14Et en fait, je voulais que tu viennes commenter cette interview parce que la parole de Coppola, elle est très, très rare.
01:19C'est son retour à Cannes avec Mégalopolis.
01:22Et surtout, l'histoire entre ta famille et la famille Coppola, elle est liée.
01:27Ces deux familles qui sont très, très liées.
01:29Comment est-ce que tu as rencontré Francis Ford Coppola ?
01:32Alors, écoute, j'étais enfant et je crois que...
01:37Enfin, je crois, je suis sûr, j'ai assisté à une projection d'Apocalypse Now.
01:42Donc, ça devait être en 77 ou 76.
01:46Donc, j'avais 5-6 ans, peut-être.
01:48Et je me souviens que j'étais allongé par terre dans une salle de projection.
01:51Et j'ai entendu...
01:53Enfin, en plus, je crois que ça devait être une version très, très longue, bref.
01:56Non, mes parents et mon oncle étaient très proches de lui.
02:01Et ça a dû démarrer vers 75, quand ils essayaient de monter Apocalypse Now.
02:07Et quand, paraît-il, Steve McQueen, qui était malade, n'a pas joué le rôle de Martin Sheen.
02:14Et du coup, ils ont dû...
02:16Tous les gens qui avaient financé le film étaient partis.
02:19Et ils ont cherché des investisseurs et ils ont rencontré mon oncle, mon père, ma mère et Jean-Pierre.
02:25La famille Rassam Berry et la famille Coppola sont très, très liées.
02:29C'est deux grandes familles de cinéma.
02:31Ce soir, on va parler avec les parrains du cinéma français et américain.
02:35Et Thomas Langman, c'est le premier producteur français sacré à Hollywood.
02:39Avec 10 artistes, nombreuses récompenses, 5 Oscars, dont celui du meilleur film en 2012.
02:56Je veux dire merci, du fond de mon cœur, à vous, membres de l'Académie.
03:03Pas seulement parce que nous avons reçu ce soir l'award que n'importe quel réalisateur rêverait d'obtenir,
03:09mais parce que vous m'offrez ce soir l'opportunité de payer tribute à un membre de l'Académie que j'ai tellement manqué.
03:18Le gagnant de l'Oscar, Claude Berry.
03:22Il a réalisé des films comme « The Two of Us » et a réalisé et travaillé avec des directeurs comme Francis Ford Coppola,
03:32Miloš Forman, Pedro Almodovar, Roman Polanski.
03:36Et je me demande toujours si je pourrais un jour travailler avec un directeur comme lui.
03:52C'était fort, évidemment. C'est un très beau souvenir.
03:56Autre très beau souvenir, Francis Ford Coppola qui remet à Thomas Langmann le prix des critiques new-yorkais.
04:22C'est quand même fou.
04:24Oui, c'est fou parce que Harvey Weinstein, je me souviens, avant qu'il devienne ce qu'il est devenu,
04:29m'avait dit qu'il ne viendrait jamais, qu'il ne se déplace pas pour remettre des prix Francis Ford Coppola.
04:35Et donc il l'a, par amitié j'imagine pour ma famille, il est venu et c'est un moment très fort pour moi.
04:42L'histoire de famille entre les Rassam Berry et la famille Coppola continue de génération en génération.
04:48Ta fille Lou Langmann a travaillé aux côtés de Francis Ford Coppola sur ce nouveau film « Megalopolis ».
04:55C'est un des films dont on a le plus parlé depuis sa présentation à Cannes.
04:59C'était le retour de Francis Ford Coppola.
05:01Budget du film 120 millions de dollars.
05:03Il a investi de sa propre poche.
05:05Il a pris du risque.
05:06Est-ce que prendre des risques, c'est une condition sine qua non si on veut faire du cinéma ?
05:10En tout cas, ça ne fait pas de balle et c'est même plutôt recommandé.
05:14Maintenant, il ne faut pas prendre des risques quand on n'a pas besoin d'en prendre.
05:17Mais c'est vrai que mon père me disait souvent, un film c'est des convictions.
05:21Il vaut mieux se tromper avec ses convictions qu'avec celles des autres.
05:24Et c'est vrai que parfois, ce n'est pas grave d'avoir raison avant l'heure ou pas avec les autres.
05:31Et c'est la question qu'on a posée à Francis Ford Coppola.
05:33C'est un film qui mûrit depuis des années et c'est un film qui crée plusieurs types de réactions.
05:38Et on lui a simplement demandé combien de temps il faudra aux gens pour le comprendre.
05:42Regarde.
05:44Megalopolis a pris 40 ans pour exister.
05:47Et l'amazing thing about that movie is that every time I think about it,
05:53I think about new things, new things, new things, new things.
05:56So for a movie that took 40 years to make and to exist, how long will it take to understand it fully ?
06:03Well, you know, first of all, there are a lot of things said about the film and about me that are not really true.
06:09It's not true that I was writing it for 40 years.
06:14What it was, as you know, I made a number of different films in my career.
06:21And what's interesting about them is that they were always in a different style.
06:27The Godfather film, which I'm most known for, was very classic style.
06:32And then I went to do Apocalypse Now, which was a very free kind of a style.
06:38And then I made One from the Heart, which was a very theatrical style.
06:42So I always tried to make the movie in the style of its theme.
06:47And then I thought, gee, someday when I'm older, I wonder if I will know what is my style.
06:53So I began to keep notebooks and scrapbooks and clippings from newspapers
07:00and also notes and excerpts of things I was reading.
07:06And I thought it was more like a scrapbook.
07:09And every year I would contribute to this.
07:12And I knew that someday it would be maybe the basis of some movie I would make.
07:17But only, I don't know, maybe 15 or 18 years ago did I really start to try to choose one of the subjects,
07:26which was in fact a Roman epic.
07:29I thought it would be fun to make a Roman epic.
07:32And then it would be even more interesting to make a Roman epic set in modern America,
07:37which had been made in the vision of Rome.
07:40So it is an interesting history of how I came to do it.
07:44But it wasn't something I was writing for 40 years.
07:48Also, I've heard it referred to as a passion project.
07:51And I find that the strangest phrase because all art is passion.
07:57Même quand vous faites un film que vous avez été engagé à faire,
08:01quand vous arrivez à le faire, vous essayez d'être passionné.
08:05Donc je trouve que c'est une très étrange phrase.
08:08Parce que je pense que tout le monde qui fait du cinéma fait un projet de passion.
08:13Au contraire, ça ne peut pas avoir de valeur.
08:17Thomas Langmann, qu'est-ce que tu as compris de Megalopolis ?
08:20Comment raconter ce film ?
08:22Comme tu dis, je l'ai compris.
08:24D'abord, je l'ai vu la première fois, ce n'était pas sous-titré.
08:26Donc la deuxième, j'ai compris beaucoup plus de choses.
08:29Mais c'est vrai que c'est une allégorie.
08:33Coppola avait cette envie de mélanger le temps, le passé, le futur,
08:37sa vision de plein de choses, de la politique, du monde d'aujourd'hui.
08:42Et donc oui, c'est un film complexe.
08:45Mais parfois, c'est bien d'avoir un peu de complexité au cinéma.
08:49Et on a l'impression que le cinéma américain,
08:52qui est quand même pris entre les franchises et les franchises,
08:58ça nous fait du bien de voir un chien dans un jeu de quilles comme Megalopolis.
09:01Et que c'est un espèce de doigt d'honneur de la part de Coppola,
09:04de dire qu'en fait, on peut encore faire de l'art.
09:07Oui, c'est vrai que c'est aussi une ode à la liberté,
09:10surtout dans le cinéma d'aujourd'hui.
09:12Déjà, dans les années 70, avec Lucas, Spielberg et d'autres, Scorsese,
09:18ils avaient un petit peu remué tout ça et amené un cinéma d'une très grande qualité.
09:24Mais aujourd'hui, c'est quand même compliqué de faire des films en étant libre.
09:28Et Coppola illustre ça avec brio.
09:32Mais je vais juste te dire une chose,
09:34c'est que quand tu le vois, là, tu lui poses des questions,
09:36donc il te répond, mais c'est quelqu'un de très curieux et qui écoute les autres,
09:40et qui adore les jeunes.
09:41C'est que tu parlais de ma fille, mais il est extrêmement tendre
09:45et à l'écoute et assoiffé de curiosité.
09:48Et ça, il est passionnant comme homme.
09:52Moi, j'ai compris quelque chose quand je l'ai rencontré,
09:56c'est qu'il en a ras-le-bol qu'on dise n'importe quoi sur lui,
09:59et surtout, il n'a pas envie de faire son dernier film.
10:02Ce n'est pas son dernier film.
10:03Ah non, il va en tourner un, là.
10:04Donc, c'est officiel, il va en tourner un.
10:06Il va en tourner un.
10:07Et tant mieux, parce qu'il est en deuil, il a perdu sa femme.
10:12Je pense qu'il n'y a rien de mieux que d'être actif.
10:15Et puis, c'est quelqu'un de...
10:17Ma mère disait qu'on met longtemps à devenir jeune,
10:20mais lui, il est de plus en plus jeune.
10:22Il est vraiment très, très curieux.
10:26Mais il est curieux pas que dans le cinéma.
10:28Il fait du vin, il a fait des hôtels, il s'occupe d'énormément de choses.
10:33C'est quelqu'un de très, très actif,
10:35et avec une vraie empathie et un vrai regard généreux
10:40sur les gens autour de lui.
10:42Et toi, qui a été adulte très jeune, qui a produit très jeune,
10:45qui a pris très jeune le flambeau de la famille Berry,
10:47est-ce que tu arrives à devenir jeune maintenant que tu vieillis ?
10:50Écoute, j'essaye.
10:51J'ai un petit peu le syndrome Peter Pan de Vincent Cassel.
10:54Pas autant, mais...
10:56On l'a tous un peu.
10:57Oui, toi, oui.
10:58Mais non, mais oui, bien sûr.
11:00Parce que si on aime le cinéma, forcément,
11:02ça n'empêche pas d'avoir une culture et d'aimer d'ailleurs d'autres films.
11:06Mais c'est vrai que, en tout cas, produire et jouer, d'ailleurs,
11:09c'est forcément avoir un regard sur ce qui se fait dans le temps où on vit.
11:14Même si Coppola dit « Time stops ».
11:16Le temps, c'est une des obsessions de Mégalopolis,
11:19et même dans le cinéma de Coppola.
11:21Le parrain, c'était l'histoire d'une famille à travers le temps.
11:24Dracula, c'est l'histoire d'un amoureux à travers le temps.
11:27J'adore ce Dracula.
11:28C'est mon Dracula préféré,
11:29et même c'est un de mes Coppola préférés, Dracula.
11:31Mais je comprends, je l'ai revu il n'y a pas longtemps, je l'ai trouvé extraordinaire.
11:34Gary Oldman est incroyable.
11:35Et Dracula a été samplé dans l'album d'assassin,
11:38la phrase où il dit « Je suis le dernier de mon espèce ».
11:40Et j'aimerais qu'on écoute Coppola, qui nous parle d'éternité.
12:01C'est difficile de dire,
12:06si on regarde vers l'avenir,
12:08ce que je fais,
12:11c'est difficile de dire ce que nous serons.
12:15J'aimerais bien voir le film de mes enfants,
12:18parce que je sais qu'ils feront des choses
12:21que nous ne ferons pas maintenant.
12:23J'ai des doutes sur l'avenir,
12:25et j'ai des doutes sur le passé.
12:28J'ai l'idée que vous pourriez retourner
12:31peut-être trois ou quatre centaines d'années,
12:33et qu'à chaque fois avant ça,
12:35ce serait difficile de comprendre.
12:38Quatre centaines d'années de maintenant
12:40c'est la période de Shakespeare.
12:42Et bien sûr, en allant de l'avant,
12:44vous n'avez pas besoin d'aller quatre centaines d'années,
12:46parce que une centaine d'années sera comme quatre centaines d'années.
12:50Et je ne pense pas que nous pourrions
12:52comprendre ces vies futures.
12:56Mais il y a une tradition humaine
12:58qui est passée de génération en génération,
13:01et c'est merveilleux.
13:03Et je crois que ça sera passé.
13:05Et je vois un avenir très espérant,
13:08un avenir très positif.
13:10Mais beaucoup de gens sont très découragés aujourd'hui, je pense.
13:14Et en fonction de ce qui se passe dans le monde,
13:16je comprends pourquoi.
13:18Il est intéressant son rapport au temps.
13:20Il est passionnant même.
13:22Mais d'ailleurs, pour chaque artiste,
13:24mettre en scène, il y a cette idée de...
13:26Est-ce que je suis dans l'air du temps ?
13:28Est-ce que je parle ?
13:30Mais lui, il a...
13:32Que ce soit dans la vie,
13:34il est entouré que par des jeunes, que par des gamins.
13:36C'est très important pour lui.
13:38Il aime aller dîner.
13:40Tu l'emmènes à un dîner, il y a une table de jeunes,
13:42et il préfère être...
13:44Au final, ce n'est pas surprenant, je comprends.
13:46Il aime le regard,
13:48il aime les gens qui ont de l'appétit,
13:50il aime les gens qui ont envie.
13:52Oui, puis il est...
13:54Nous, il nous a fait un truc incroyable.
13:56On finit l'interview, il dit, les gars, je suis fatigué,
13:58il faut que j'aille dormir parce que j'ai beaucoup mangé.
14:00Il arrive avec sa caméra, il me dit,
14:02pas de problème, M. Coppola.
14:04Et je vois une photo de lui en boîte à 2h du matin.
14:06Ah ben oui, on l'a emmené chez Altman, bien sûr.
14:08Il adore.
14:10Non, non, mais là-dessus, il est...
14:12Oui, bien sûr.
14:14Il est moderne.