Aujourd'hui dans "Punchline", Thierry Cabannes et ses invités débattent de l'affaire du lycéen interpellé pour des menaces de mort en Loire-Atlantique.
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00:00Sandra Buisson, notre spécialiste police-justice, est avec nous.
00:03On va revenir sur cette histoire qui s'est passée à Rosé, dans un banlieue de Nantes.
00:07Un lycéen qui a été interpellé par des menaces de mort sur une enseignante.
00:11Sandra, vous nous racontez ce qui s'est passé et surtout ce qu'on reproche à ce lycéen.
00:15Alors ça a commencé mercredi dans la journée, en plein cours.
00:19Il est surpris par son enseignante en train de mimer un tir avec une arme à feu.
00:23Alors on ne sait pas si c'est une arme réelle, une arme factice ou s'il a mimé ce geste avec ses mains.
00:29L'enseignante l'a réprimandée immédiatement et cet élève lui a présenté ses excuses.
00:33Une source policière nous indique que c'est ensuite sur Télégramme, le soir même,
00:37qu'il a proféré des menaces de mort à l'encontre de cette même professeure,
00:41disant vouloir la poignarder.
00:43De même source, on nous indique que sur ce réseau,
00:46il était enregistré sous un pseudonyme à connotation islamique,
00:50des informations qui nous ont été données de source policière,
00:53mais qui n'ont pas encore été confirmées par une seconde source.
00:56Ce garçon, il était jusque-là inconnu de la police et des renseignements,
00:59mais les enquêteurs, selon cette source policière toujours, ont trouvé chez lui en perquisition
01:04deux couteaux et un drapeau de l'État islamique.
01:07Alors en l'état, le parquet national antiterroriste ne s'est pas saisi et reste en observation.
01:12C'est donc le parquet de Nantes qui coordonne les investigations.
01:15Alors Sandra, on ne sait pas si encore il est...
01:19si ce jeune homme s'est radicalisé,
01:21mais on sait que c'est à cet âge-là où on est le plus fragile, en fait.
01:25Oui, la propagande à laquelle les mineurs sont très exposés,
01:28elle déferle en ce moment, notamment parce que l'État islamique se reconfigure en Afghanistan
01:33et déploie beaucoup de force au développement de cette propagande.
01:37Et les élèves, les étudiants, les jeunes sont très exposés
01:41via leur utilisation des réseaux sociaux, des jeux vidéo.
01:43Les autorités constatent qu'il y a de plus en plus de mineurs et de très jeunes majeurs
01:47qui sont impliqués dans des projets d'action violente.
01:50Selon nos informations, 20 % des individus suivis par l'ADGSI ont moins de 20 ans.
01:55Trois attentats ont été déjoués l'an dernier concernant des moins de 20 ans.
01:59Le plus jeune avait 13 ans.
02:01Et sur l'année 2023, 12 mineurs ont été mis en examen
02:04pour des projets d'attentats déjà assez avancés,
02:06alors qu'avant, il y en avait deux ou trois par an.
02:09Mais vous le disiez, pour cet individu, cet élève du lycéen de Reusé,
02:14on ne sait pas s'il correspond à cette description,
02:16puisqu'à part sa possession d'un rapport de l'État islamique,
02:19on ne sait pas s'il y a d'autres éléments qui permettraient de savoir s'il est radicalisé.
02:22Merci pour toutes ces précisions, Sandra.
02:25Et nous sommes avec Guylain Chevrier, spécialiste des questions de laïcité.
02:28Bonsoir, Guylain Chevrier.
02:29Merci d'avoir accepté l'invitation de Punchline ce soir.
02:32Que vous inspire cette nouvelle affaire ?
02:35Écoutez, je crois que malheureusement, c'est une affaire qui fait écho à bien d'autres,
02:40puisqu'on a un certain nombre de faits qui sont régulièrement relevés.
02:45De même nature, on a régulièrement des menaces de mort
02:49qui sont proférées contre des enseignants.
02:52On avait d'ailleurs, lors d'un sondage pour le Grand Suède et Grande Veille avec l'IFOP,
02:58début mars 2023, souligné qu'un enseignant sur cinq, dans sa carrière,
03:02avait déjà été confronté à une menace ou une agression
03:05liée à une tension de nature religieuse ou identitaire.
03:09Il va nous falloir vivre avec ce type de menace ?
03:14Écoutez, oui, d'autant plus qu'effectivement, on tente de mettre des mesures en place,
03:19puisque notre ministre de l'Éducation, Nicole Béluet,
03:24avait dévoilé en février dernier des chiffres sur les élèves radicalisés,
03:30où on en comptait à peu près 500, avec 160 qui étaient sur le haut du spectre.
03:35Mais on voit bien que là, pour l'élève en question,
03:38qui était inconnue de ce point de vue,
03:42on voit qu'il y a aussi une radicalisation à bas bruit
03:45et que ça peut concerner beaucoup plus d'individus,
03:49parce que ça se passe sur les réseaux sociaux,
03:52il y a aussi une sorte d'atmosphère favorable
03:58avec les contradictions qu'on a pu relever autour du débat sur l'interdiction de la maïa,
04:04qui correspondait finalement à l'application de la loi du 15 mars 2004
04:07d'interdiction des signes religieux dans l'école publique, tout simplement,
04:10mais qui a donné lieu à pas mal de polémiques,
04:12y compris de la part de représentants de l'islam de France,
04:17qui étaient en désaccord et qui jugeaient que c'était plutôt discriminatoire.
04:21Donc on a cette problématique, mais qui est aussi liée à la difficulté
04:26à être dans une certaine cohérence aussi du message républicain
04:29avec l'ensemble des acteurs de la société, par-delà l'État, de la société civile, vous voyez.
04:35Merci Guylain Cheroui, spécialiste des questions de laïcité.
04:38Oui, Ragnel, vous êtes d'accord avec l'analyse effectuée par Guylain Chevrier ?
04:42Oui, je pense qu'en fait, on n'a pas terminé d'explorer cette question.
04:47C'est un peu ce que disait aussi Sandra Buisson sur ce phénomène des mineurs
04:51qui sont quand même de plus en plus représentés,
04:53à la fois dans les actes de délinquance, la petite et moyenne délinquance,
04:56mais aussi dans la radicalisation en France.
05:00C'est toujours très difficile pour les policiers de bien expertiser,
05:06de savoir si un jeune est vraiment radicalisé et il s'apprête à passer à l'acte,
05:11ou alors il est dans un phénomène un peu de rébellion, de contestation de l'autorité,
05:16et c'est quelque chose qui passe assez rapidement.
05:18Toujours utile que là, quand même, dans le cas qui nous intéresse,
05:22il y a quand même des choses matérialisées, le drapeau de Daesh, le geste.
05:28Pour l'instant, le parquet antiterroriste ne s'est pas saisi,
05:30mais ça ne veut pas dire qu'il ne le fera pas.
05:32Pour l'instant, c'est simplement qu'il manque encore des éléments
05:35pour éventuellement dire qu'il y a une possibilité de volonté de passer à un acte terroriste.
05:41Élodie ?
05:42Oui, c'est vrai qu'on l'a dit tout à l'heure,
05:44mais le fait que les jeunes soient aussi très sensibles à cette dimension-là,
05:47c'est parce que quand on est adolescent,
05:49c'est vrai qu'on est très sensibles aux questions et à la dimension émotionnelle,
05:54parce que notre cerveau n'est pas fini encore tout à fait.
05:57Il y a plein de zones, notamment la zone préfrontale,
05:59qui prend le relais après, qui n'est pas encore arrivée à maturité.
06:02Et si on s'intéresse à cette question de la propagande
06:05et la manière dont sont constituées les clips que vous évoquiez,
06:09qui sont échangés via les réseaux sociaux,
06:12on se rend compte de la capacité à pouvoir à la fois porter une attention,
06:20c'est-à-dire qu'ils utilisent tous les codes cinématographiques à leur disposition.
06:25On a l'impression d'avoir, si j'exagère, de véritables clips Netflix.
06:29La musique est très forte, l'image est belle, esthétiquement parlant.
06:34Il y a, on en parlait tout à l'heure, petit clin d'œil pour ceux qui nous ont suivis,
06:37mais sur la question de la virilité,
06:39il y a une certaine mise en avant de ce qu'est un homme.
06:43Il est dans l'action et puis il est entouré par ses pairs, il est accepté.
06:46Donc, effectivement, sur cette question de la raison d'être,
06:49finalement, je ne sais pas quoi faire de ma vie,
06:51et bien là, j'ai un prêt-à-penser, j'ai une réponse qui est toute faite
06:55et qui est mise en image, qui est mise en son avec moi.
06:58Et ça, je crois qu'on a beaucoup de mal à lutter aussi contre ça.
07:01Nathan Dauvert et Véronique Jacquet. Nathan.
07:03Oui, tout à fait. Dans l'imagerie de l'islamisme,
07:06et c'est là que l'islamisme fait preuve d'une forme de génie stratégique,
07:10il y a quelque chose d'assez inexplicable,
07:12c'est qu'ils arrivent à faire sens avec les signes de la culture occidentale.
07:17Ça, on l'a déjà vu le 11 septembre 2001.
07:19Après le 11 septembre, Jacques Derrida, philosophe,
07:22avait écrit un livre qui s'appelait Le concept du 11 septembre,
07:25où il remarquait cette chose évidente,
07:27c'est que le 11 septembre a été conçu comme un spectacle,
07:30comme un spectacle qui reprenait toute la production d'images,
07:34notamment des médias, et de la culture américaine de l'époque.
07:37Vous savez, les hélicoptères qui filmaient la scène en direct,
07:40les télés qui, pour la première fois dans leur histoire,
07:43faisaient toute une journée autour d'un événement.
07:46Et il avait remarqué cela,
07:47que les islamistes avaient réussi, à l'époque,
07:50à invertir toute la représentation de la violence,
07:55du spectaculaire, qui était dans la culture américaine,
07:57pour la retourner vers eux.
07:59Et Daesh a réussi encore plus ce qu'a fait Al-Qaïda,
08:03parce qu'en effet, Daesh s'inspirait dans sa communication
08:06des jeux vidéo, des films violents, des films d'action,
08:10et il faisait ça avec une forme de prouesse technique,
08:12que ce soit dans la musique, que ce soit dans l'usage de drones, etc.
08:15Et donc, il y avait cette chose très paradoxale
08:17chez beaucoup de jeunes qui sont partis en Syrie
08:19ou qui ont été attirés par la propagande de Daesh,
08:21qui était que c'était presque comme s'ils étaient attirés
08:24par un jeu vidéo issu de la culture,
08:26qu'elle était la culture victime de l'islamisme.
08:28Et ça, c'est un paradoxe qui est vraiment coextensif.
08:30Vous citiez Derrida, il y a eu un autre chercheur,
08:34puisqu'on est un peu dans cette logique de la déconstruction,
08:37Baudrillard, qui avait fait son texte,
08:38mais à l'époque, qui avait fait grincer quelques dents,
08:41puisque c'était l'esprit du terrorisme,
08:43dans lequel, là, il essayait de prendre le point de vue,
08:45cette fois-ci, du terroriste.
08:47Mais effectivement, il faut avoir le cœur un petit peu accroché
08:50pour le lire.
08:51Véronique, dernier mot, juste avant de partir en pub.
08:53Il y a deux choses.
08:54L'idéologie islamiste génère quand même quelque chose
08:57de très mortifère sur les réseaux sociaux,
08:59avec exaltation de la violence, de scènes de décapitation, etc.
09:03Donc, c'est absolument tragique de voir des jeunes
09:08tomber là-dedans, être happés par ces images.
09:11Mais ce n'est pas nouveau.
09:12On pourrait quand même aussi pointer, sans doute,
09:14un écosystème familial, parce que, je suis désolée,
09:17il y a quand même bien des adolescents en France
09:18qui, heureusement, tous les jours ne sont pas abreuvés
09:22par des contenus islamistes et n'ont pas envie
09:24de passer probablement à l'acte en menaçant leurs professeurs
09:28et ne possèdent pas non plus chez eux de couteau
09:31et un drapeau de Daesh.
09:32Juste une petite chose sur le côté enseignant.
09:36Guylain Chevrier a évoqué le fait qu'il y avait
09:38quand même un enseignant sur cinq qui était confronté
09:40à des atteintes à la laïcité.
09:42On sait par ailleurs qu'il y a une explosion
09:44des atteintes à la laïcité, que c'était l'un des chantiers
09:47de Gabriel Attal que de commencer à y répondre.
09:50Et, me semble-t-il, on est en train de s'habituer,
09:52là encore, à ces explosions d'attaques à la laïcité.
09:56Et surtout, souvenez-vous, le pas de vague.
09:58Alors, c'était un professeur qui avait été agressé
10:01par un élève, et là, ce n'était pas une question
10:03de laïcité en cause, c'était vraiment une question
10:05de discipline.
10:07Souvenez-vous, il y avait eu cette vague, du pas de vague,
10:10du plus jamais ça.
10:11Et là, on se rend compte qu'en fait, tout le monde
10:13s'habitue de plus en plus, comme les refus d'obtempérer.
10:16C'est absolument insupportable.
10:18Il n'y a pas de réponse politique et on s'habitue à l'insupportable.