Mathieu Bock-Côté propose un décryptage de l’actualité des deux côtés de l’Atlantique dans #FaceABockCote
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00:00 Quasiment 19h sur CNews, merci d'être avec nous pour Face à Mathieu, beau côté, cher Mathieu, bonsoir.
00:06 Arthur De Vatrigan est présent et également comme chaque samedi soir, l'incorrect, faites le taire.
00:13 Qui es-tu, Jordan Bardella, qui répond donc à l'incorrect, disponible dans les kiosques dès demain matin, j'imagine ?
00:22 Déjà dans les kiosques.
00:23 Déjà dans les kiosques depuis cette semaine. Le point sur l'information, c'est avec Michael Dos Santos.
00:28 Michael, bonsoir.
00:30 Bonsoir, Elliot, bonsoir à tous.
00:31 Mobilisation sous haute surveillance contre les méga-bassines dans le Puy-de-Dôme.
00:35 Environ 4000 personnes sont réunies pour s'opposer à la construction des deux plus grandes retenues d'eau de France,
00:40 l'équivalent de plus de 40 terrains de football.
00:43 Selon les organisateurs, comme Extinction Rebellion ou encore les soulèvements de la terre,
00:46 cette randonnée se veut pédagogique, festive et artistique.
00:51 A 1775 personnes évacuées dans l'est de l'Ukraine suite à une offensive russe.
00:56 Selon Kiev, Moscou a profité du manque de soldats et d'armes pour prendre le contrôle de six villages dans la région de Kharkiv.
01:02 Volodymyr Zelensky appelle à interrompre ces opérations et à reprendre l'initiative.
01:06 Une enveloppe de 400 millions de dollars a également été débloquée hier par Washington.
01:12 Enfin, le concours Lépine, qui élit les meilleures inventions, a récompensé les créateurs d'un système d'aide aux déficients visuels.
01:19 La paire de lunettes équipée d'une caméra transmet des impulsions dans une ceinture lombaire.
01:24 Cela permet aux malvoyants ou non-voyants d'avoir une perception plus précise de leur environnement.
01:30 A la une de face à Mathieu Boquete, les universités et les grandes écoles deviennent-elles les nouveaux bastions de l'islamo-gauchisme ?
01:38 Blocus, tensions, appels aux soulèvements, certains rêvent d'un nouveau mai 68 sur fond de conflits israélo-palestiniens.
01:45 Cette vague de contestation inonde l'Europe, s'invite même à l'Eurovision.
01:50 On en parlera dans un instant avec vous, cher Mathieu Boquete.
01:52 A la une également, Gabriel Attal, Premier ministre en première ligne lors des cérémonies de commémoration de l'abolition de l'esclavage.
01:59 Il a salué vendredi l'esprit de résistance et annonce une exposition nationale en 2026.
02:05 Il faut regarder l'histoire en face, dit le chef du gouvernement.
02:08 Comment décodez-vous ces déclarations ? Mathieu Boquete, réponse dans un instant.
02:13 Enfin, cher Mathieu, vous recevez ce samedi Alexandre Devecchio, journaliste bien connu de notre maison,
02:19 puisqu'il est journaliste au Figaro et écrivain pour son livre "Les nouveaux enfants du siècle",
02:24 en quête sur une génération fracturée.
02:26 Il est l'un des premiers à avoir rencontré la nouvelle génération patriote, dirons-nous, de Jordane Bardella,
02:31 en passant par François-Pierre-Xavier Bellamy, Sarah Knafo ou encore Marion Maréchal.
02:36 Voilà le programme face à Mathieu Boquete. C'est parti.
02:40 [Générique]
02:52 Mathieu Boquete, le mouvement d'occupation des campus des deux côtés de l'Atlantique ne s'essouffle pas,
02:58 mais suscite enfin, pour ceux qui s'en inquiètent, des résistances.
03:02 Et c'est sur l'une de ces résistances que vous souhaitez revenir pour commencer votre premier édito.
03:07 - Oui, une scène en fait qui était assez marquante en début de semaine et sur laquelle il faut revenir
03:12 parce qu'elle conjugue tout à la fois le courage physique et le courage intellectuel.
03:18 Et je précise que les deux ne vont pas toujours ensemble.
03:21 Je dirais ça, c'est une conviction profonde que j'ai.
03:24 Le courage physique, on ne sait jamais d'avance si on l'a, mis à part les matamores qui rêvent de castagne.
03:30 Tout au fond des choses, pour la plupart d'entre nous, qui aura le courage d'aller quelquefois sentir
03:35 qu'on peut le frapper, on peut le tabasser, risquer la violence pour aller dire sa vérité en certaines circonstances.
03:42 Et c'est ce qu'on a vu à Sciences Po, dis-je, lorsque François-Xavier Bélami, tête de liste des républicains
03:48 dans les présentes européennes, s'est présenté devant une foule que l'on dira poliment hostile.
03:54 Une foule, et là il faut s'entendre, il faut quelquefois tenir compte du physique des hommes.
03:58 François-Xavier Bélami, ce n'est pas un modèle de viking scandinave.
04:03 C'est un garçon tout à fait, c'est un homme élégant, c'est un homme mince, il ne fait pas la tête d'un Allemand qui ferait 3 mètres.
04:11 Donc c'est quelqu'un qui, en tant que tel, on pourrait se dire, est-ce qu'il va vraiment aller se risquer,
04:15 est-ce qu'il porte en lui cet instinct de bagarre, disons-le comme ça.
04:18 C'est un professeur brillant, c'est un conférencier brillant. Est-ce quelqu'un qui peut avoir le courage physique?
04:23 Franchement, il nous a tous surpris. Ceux qui se seraient posé la question, il va rejoindre la meute.
04:28 Soyons sérieux, pas les manifestants légitimes, il va rejoindre la meute, les hurleurs de slogans,
04:34 ceux qui pratiquent l'intimidation depuis quelque temps déjà et qui espèrent moins convaincre qu'ils espèrent intimider ceux qui ne pensent pas comme eux.
04:45 Donc il s'y présente sous le signe du courage physique.
04:49 Et ensuite, je vais en faire un dernier mot sur le courage physique parce que franchement ça m'impressionne.
04:53 On est dans une époque où on ne sait plus exactement ce que ça peut vouloir dire.
04:56 Et là, on a vu un politique qui a décidé de mouiller sa chemise et dit « je vais aller vous dire au visage mes vérités ».
05:01 Et le deuxième élément dans cette séquence, c'est qu'on voit ce qui se passe lorsqu'il y a un choc entre quelqu'un qui a des arguments et un autre qui n'en a pas.
05:10 Et notamment Louis Boyard. Alors Louis Boyard qui est probablement dans la vie privée, j'en sais rien, c'est peut-être quelqu'un de charmant, j'en sais rien.
05:16 Mais politiquement, dans la séquence que nous avons vue, on a vu tout l'écart qu'il y a entre quelqu'un qui a une philosophie politique construite.
05:23 Je devine qu'on pourrait dire la même chose de M. Glucksmann soit dit en passant. Heureusement, le courage n'est pas réservé à un camp.
05:29 Mais dans les circonstances, on a François-Xavier Bélamy qui a une philosophie politique construite.
05:34 Et de l'autre côté, on a un Louis Boyard qui était davantage sur le registre de l'aboyeur de slogan plutôt que de celui qui avance des arguments.
05:43 Et il y avait un tel déséquilibre, peut-être est-il intellectuel simplement, un tel déséquilibre des arguments, un tel déséquilibre des cultures politiques,
05:52 un tel déséquilibre de l'envergure intellectuelle, disons-le comme ça, entre les deux, que ça nous a rappelé une chose,
05:58 c'est que beaucoup de ces progressistes, tendances peut-être islamo-gauchistes aujourd'hui,
06:03 mais beaucoup de ces progressistes de la jeune génération font très rarement l'expérience de l'altérité politique.
06:09 L'expérience de l'altérité politique, qu'est-ce que c'est? C'est rencontrer quelqu'un qui ne pense pas comme nous et être obligé de lui répondre.
06:16 Normalement, à gauche, comment ça fonctionne? Il y a différentes nuances de gauche. Il y a un dogme révélé et ensuite à l'intérieur de la gauche,
06:23 on débat sur le type de gauche qu'on adoptera. Belle amie, les forces à sortir de ça, les forces à sortir de ce logiciel,
06:32 et qu'est-ce qu'on voit? On a donc un choc, en fait, entre, je ne dirais même pas deux registres d'arguments,
06:37 entre l'argument et celui qui n'a pas l'habitude d'argumenter et ça lui explose au visage.
06:43 Je note, soit dit en passant, avec cette occupation des campus des deux côtés de l'Atlantique, que la politique redevient territoriale,
06:50 au sens où des groupes, et là ça dépasse largement, soit dit en passant, la question des campus,
06:55 des groupes cherchent à occuper l'espace, à occuper le territoire, à s'emparer des lieux et à chasser de ces lieux ceux qui ne se soumettent pas à leurs lois.
07:04 C'est vrai dans certains campus, mais c'est vrai dans certains quartiers, c'est vrai dans certains transports en commun.
07:09 La politique contemporaine redevient une politique beaucoup plus, je vais dire, tribale en quelque sorte,
07:15 c'est-à-dire des groupes s'emparent des lieux et n'hésitent pas à faire appel à la possibilité de la violence,
07:20 ou même à la violence pour sanctionner ceux qui s'aventureraient sur leur terrain.
07:24 Alors, vous n'êtes pas les bienvenus ici. On le voit à Londres, quelquefois sur le grand portrait, c'est, comme disent les Anglais, "big picture",
07:31 on le voit en Allemagne, on le voit à Londres, on le voit ailleurs dans ces manifestations islamistes,
07:35 où les manifestations islamistes ne sont pas des lieux de témoignage de l'authenticité de la foi des uns et des autres,
07:41 c'est des manifestations d'occupation territoriale.
07:43 Et de ce point de vue, ce qu'on a vu en début de semaine, c'est la décomposition sous les yeux de la démocratie libérale.
07:50 La démocratie libérale présuppose une culture de l'argument, une culture de l'argument où je dois chercher à convaincre pour vaincre.
07:57 Là, on voit qu'il y a des gens qui ne veulent plus convaincre, ils ne veulent plus argumenter, ils ne veulent plus théoriser,
08:01 ils ne veulent plus réfléchir, ils ne veulent plus rationaliser, ils veulent s'imposer.
08:05 Mais quand ils tombent finalement devant un député, professeur, philosophe, qui leur tient tête, qu'on soit d'accord avec lui,
08:12 c'est une autre question. Ensuite, on peut penser ce qu'on veut.
08:15 Mais il a fait preuve d'un courage et d'une vraie vaillance intellectuelle.
08:18 Je pense que ça méritait d'être noté pour commencer cet éditorial.
08:23 À travers cette mobilisation, Mathieu, de l'autre côté, on voit une nouvelle génération prendre forme.
08:29 Comment se présente-t-elle?
08:30 Je reviens de ce point de vue sur ceux qui occupent les campus et qui occupent l'espace public en ce moment.
08:35 Ce sont deux tendances qui se rencontrent. D'un côté, on dit souvent « islamo-gauchiste ».
08:40 On a beaucoup abusé de cette formule-là, mais cette fois-là, elle est vraie.
08:44 Et c'est « islamo-gauchiste », on voit que les deux éléments n'ont pas la même fonction, l'élément islamo et l'élément gauchiste.
08:52 Prenez par exemple la part « islamo » de l'islamo-gauchisme, lorsqu'on voit dans ses occupations
08:59 qu'il y a certaines figures politiques pour les porter.
09:03 Mme Rima Hassan, qui porte le drapeau palestinien dans le cadre de cette campagne européenne,
09:08 en fait, elle s'est emparée de la liste de la France insoumise.
09:12 Elle s'est emparée de la liste, elle a déclassé Mme Aubry, elle a presque déclassé M. Mélenchon.
09:18 Et c'est elle, aujourd'hui, qui, brandissant le drapeau palestinien,
09:22 espère mobiliser une partie de la jeunesse ou une partie d'un électorat issu de l'immigration
09:28 qui, pour l'instant, ne s'inscrivait pas dans la vie politique française.
09:32 On lui dit « non, non, tu peux t'y inscrire à condition de suivre ce drapeau, qui n'est pas le drapeau français, c'est quand même un problème. »
09:38 Donc, il y a chez Mme Hassan, au talent indéniable, on peut la critiquer,
09:43 mais elle tient tête, elle est courageuse politiquement, elle impose son point de vue,
09:48 et encore une fois, on peut avoir de vrais, vrais, vrais désaccords, l'enjeu n'est pas là.
09:51 Elle est sur le mode conquérant, et je pense que c'est l'élément qu'on doit garder à l'esprit.
09:55 Elle est sur le mode conquérant et n'a aucune gratitude.
09:58 Elle se présente comme une réfugiée palestinienne, ou une descendante de réfugiée palestinienne,
10:01 elle n'a aucune gratitude à l'endroit de la France.
10:04 C'est intéressant de noter son commentaire sur Israël et Gaza et la France et l'Algérie,
10:09 c'est quand même, si c'est pas le sommet de la gratitude, je ne sais pas ce que c'est.
10:13 Donc, une perspective conquérante, véritablement, qu'on doit noter.
10:17 Et de l'autre côté, l'aspect strictement gauchiste de la chose,
10:20 ce sont ces étudiants, progressistes, ceux-là, qui se veulent de gauche,
10:26 et qui, pas toujours, mais souvent,
10:28 semblent véritablement dans une logique d'effondrement psychique et d'effondrement mental.
10:32 Il est temps de retraiter la politique dans ses sous-bassements psychologiques.
10:35 Quand vous avez, comme on en a vu cette semaine, des queers for Palestine,
10:39 les queers ou les trans pour la Palestine, et ainsi de suite,
10:42 que les gens et leur identité sexuelle, on en reparlera un autre jour,
10:45 mais est-ce qu'ils se rendent compte de ce que ça veut dire,
10:47 le sort qui serait réservé à ces jeunes qui se revendiquent une identité sexuelle assez transgressive?
10:53 S'ils mettaient un pas à Gaza, quel sort leur serait réservé?
10:58 C'est quand même fascinant!
10:59 Donc là, on se retrouve avec une jeunesse qui répète des slogans,
11:03 une jeunesse qui n'est plus en contact avec la réalité,
11:06 qui est dans une forme d'incandescence anti-occidentale,
11:09 et qui, dans cette mouvance islamo-gauchiste,
11:13 représente le ventre mou de notre civilisation.
11:16 Autant l'islamo est conquérant, autant le gauchiste,
11:19 c'est l'autre nom de l'Occident, qui s'effondre et qui fait de la place aux islamistes,
11:22 ou sinon, si ce n'est pas aux islamistes, à ceux qui veulent prendre la place de l'Occident.
11:27 Et je note une chose, et là je me déplace vers une autre manifestation,
11:30 j'aurai par politesse et par pudeur, je ne nommerai pas les gens,
11:33 mais il y a aussi chez une partie des antifas,
11:35 parce qu'on a vu des antifas se manifester cette semaine aussi,
11:37 non seulement ceux-là sont particulièrement violents,
11:40 et ont emprunté quelques fois à leurs ennemis revendiqués la violence qui était la leur,
11:44 ils ont connu la violence des fascistes souvent,
11:46 mais il y a chez eux aussi une esthétique de la laideur que nous devons nommer.
11:50 Il y a une esthétique de la laideur chez la frange radicale des antifas,
11:53 qui, c'est assez fascinant, en fait, rejetant toute notre civilisation,
11:57 en vient de rejeter l'idée même de la beauté, de l'esthétique,
12:00 et cherche physiquement, je le note parce que c'est un phénomène sociologique,
12:04 je ne parle pas des traits de naissance des uns et des autres,
12:06 mais qui cherche objectivement à se transformer pour donner l'usage d'un rejet de la civilisation.
12:11 Puis on en voit quelques fois, ils ont l'air de zombies,
12:14 ils ont l'air de zombies, mais des zombies volontaires,
12:17 non pas des zombies au terme de je ne sais quelle expérience de vie traumatique,
12:20 mais ils s'abîment eux-mêmes physiquement pour dire non à la civilisation.
12:24 C'est une esthétique du débraillé, c'est une esthétique de la laideur,
12:27 c'est une esthétique de l'horreur revendiquée pour soi.
12:29 Donc voyez ces deux éléments ensemble, islamo-conquérant,
12:33 gauchiste effondré mentalement, effondré physiquement,
12:37 et à travers ça, les fils de la bourgeoisie, où sont-ils?
12:40 On en a entendu quelques-uns cette semaine nous dire que
12:43 quelle est l'identité de l'Europe? C'est le fait de ne pas avoir d'identité.
12:47 La fierté de l'Europe, c'est d'être un espace vide, comme disait Edgar Morin,
12:53 qui disait que c'est une identité vide, un lieu vide.
12:55 Ce que nous disait aussi Habermas, qui disait que l'Europe finalement,
12:58 ce n'est rien d'autre que la raison qui se déploie à détacher de tout substrat civilisationnel.
13:01 Donc il y a une jeune bourgeoisie qui, quant à elle,
13:05 est absolument fière d'être désincarnée, décharnée,
13:08 qui est absolument fière d'être d'un progressisme absolument coupé de l'histoire,
13:12 alors que l'histoire et le tragique reviennent un peu partout.
13:14 C'est un portrait assez étonnant.
13:16 On parle beaucoup aujourd'hui de l'Eurovision.
13:18 Mathieu Bocotte, n'est-il pas le symbole dans un autre domaine
13:22 des tendances que vous venez de décrire?
13:24 En matière de folie, c'est quand même pas mal.
13:26 Je le dis avec consternation, vous avez vu ces Irlandais satanistes.
13:30 C'est quand même bizarre.
13:32 Je peux comprendre qu'il existe dans les marges de la société
13:35 toute forme de religiosité étrange,
13:37 mais quand on parle au cœur d'un moment qui est censé produire la chanson européenne,
13:41 on n'élise même pas du kitsch.
13:43 L'argument qu'on dit souvent sur l'Eurovision, c'est que c'est du kitsch.
13:45 Du kitsch à un point tel qu'on ne pourrait qu'en rire.
13:48 Dans les circonstances, ce n'est pas ça.
13:50 C'est l'occasion aussi de la construction d'une esthétique, encore une fois, de la laideur,
13:54 je me permets de le dire.
13:55 Une esthétique du kitsch, mais une esthétique du lait.
13:57 Une esthétique de la régression.
13:59 Une esthétique de la destruction.
14:01 Quand vous avez des gens, j'y reviens, qui décident d'être sur le mode
14:03 "nous nous revendiquons satanistes" avec des pentagrammes et tout ça,
14:06 où vivez-vous, chers amis?
14:08 Il faut vraiment avoir le cerveau complètement brûlé pour cela.
14:11 Et par ailleurs, l'Eurovision, c'est aussi le lieu de la mise en scène
14:14 d'une esthétique de la destruction des sexes.
14:16 Ne l'oublions pas, au fil du temps, avec Bilal Hassani, Conchita Wurst, et ainsi de suite,
14:20 des figures qui sont là pour faire tomber
14:23 les repères anthropologiques traditionnels qui sont les nôtres.
14:26 Je note que de ce point de vue, l'Eurovision a la même fonction que les JO.
14:28 J'en ai parlé un peu cette semaine,
14:30 mais c'est aussi des figures qui servent en fait de réinitialisation culturelle de la France
14:33 dans les circonstances.
14:35 Qu'est-ce qu'on voit dans cet effondrement mis en scène à l'Eurovision?
14:37 La confusion des sexes, le désir de s'anéantir,
14:40 l'obsession de l'autre, l'imaginaire éco-apocalyptique de Mme Thunberg
14:43 qui s'en est mêlé, la volonté de refaire ressurgir le mal,
14:46 donc l'espèce de fascination satanique dont on a parlé plus tôt.
14:50 Et évidemment, dans tout ça, la question d'Israël qui est centrale,
14:53 absolument centrale.
14:55 On n'est pas devant des gens qui critiquent Israël.
14:57 On est devant des gens qui ne sont plus capables de contenir,
15:00 ils n'ont même plus la décence de contenir leur antisémitisme souvent.
15:03 Je ne parle pas de tout le monde, je parle de certains qui sont passés
15:06 de la critique d'Israël à la détestation de l'israélienne
15:09 parce qu'elle est israélienne et parce qu'elle est juive.
15:11 Et il y a à travers cela, ça nous rappelle une chose en fait,
15:13 c'est que l'antisionisme dont on parle beaucoup aujourd'hui,
15:16 c'est à la fois un antisémitisme et c'est aussi un anti-occidentalisme.
15:19 Et à travers cela, dans cette orgie de laideur qui est au cœur de l'Eurovision,
15:23 et à la volonté d'anéantir l'israélienne parce qu'on considère qu'elle est de trop
15:26 et qu'on ne veut pas entendre parler d'elle, qu'est-ce qu'on voit à travers tout ça
15:29 si ce n'est pas une civilisation qui se rejette elle-même,
15:32 une civilisation qui n'est plus capable de produire autre chose que du lait.
15:35 Arthur de Matrigand, vous ne souhaitez pas revenir sur l'Eurovision,
15:38 mais sur l'échange entre Louis Boyard et François-Xavier Bellamy.
15:45 C'était lundi au pied de Sciences Po au moment du blocus.
15:48 Oui, parce qu'il faut reconnaître que seule la démocratie nous a des séquences
15:52 aussi surprenantes comme celle de voir un philosophe parler d'égal à égal
15:55 avec l'élève du Cobus, ce qui est assez étonnant.
15:58 Mais François-Xavier Bellamy a eu mille fois raison de venir à Sciences Po,
16:01 déjà parce que ni la rue ni l'université n'appartiennent aux gauchistes,
16:04 même s'ils se croient propriétaires tels des vulgaires squatteurs,
16:07 mais surtout François-Xavier Bellamy a rappelé que causer combat culturel,
16:10 c'est bien, mais ça se révèle bien inutile si on déserte le terrain.
16:14 Et le terrain, le combat, on ne choisit pas forcément le terrain,
16:17 c'est souvent l'ennemi intellectuel qui impose le terrain,
16:20 il faut y aller, or la droite le déserte trop souvent.
16:23 On passera rapidement sur les lycéens et leur porte-parole au caractère de flageolet
16:27 qui use de la mort de dizaines, de milliers de Gaza pour sécher l'école.
16:34 Donc en termes d'ignominies, on est quand même pas mal,
16:36 il titoue les anges comme disait l'autre.
16:38 Mais revenons à l'université, parce qu'il y a quand même un truc
16:40 qui m'agace prodigieusement depuis quelques semaines,
16:42 c'est cette petite musique qu'on entend de dire
16:44 "ils ne sont qu'une minorité, ils prennent en otage les autres".
16:47 Alors, vous avez deux options, soit en effet ils ne sont qu'une minorité,
16:51 alors c'est-à-dire que les autres, la majorité qui ont déserté les bancs et la rue,
16:55 ont déjà sauté dans le toboggan, l'a jeté de leurs aînés,
16:58 et ces futurs étudiants qu'on nomme comme la prochaine élite,
17:02 celle qui est appelée à gouverner, commencent déjà par baisser son falzer
17:06 dès qu'il y a un conflit politique, ce qui est assez rassurant pour l'avenir.
17:10 Soit on nous prend pour des dindes, et ça c'est plutôt ma version,
17:13 parce que je pense qu'en effet la majorité des étudiants
17:16 ne sont pas en désaccord avec les rebelles en Keffier-Berbery,
17:20 vous regardez juste les sondages en 2022,
17:23 55% des étudiants de sciences politiques ont voté Jean-Luc Mélenchon.
17:26 Or en 2022, Jean-Luc Mélenchon avait fini sa MUD-Islamo-Collabo.
17:30 Mais finalement, si on regarde sur un passé un peu plus long,
17:33 il n'y a rien d'étonnant, parce que la trajectoire de l'université française
17:36 est assez rectiligne, parce que déjà pendant des décennies,
17:39 la droite a abandonné largement le combat intellectuel,
17:42 fascinée ou tétanisée par la prétendue légitimité de la gauche.
17:45 Rappelez-vous, le penseur de gauche on disait que c'était un intellectuel,
17:48 le droite c'était un biologue, et puis c'est vrai que les grands mots
17:51 que promettait la gauche étaient plutôt séduisants, l'émancipation,
17:54 la fin de la domination, les lendemains qui chantent,
17:57 sauf que les lendemains, ils n'ont pas chanté,
17:59 et la promesse du paradis sur Terre n'a pas été tenue.
18:01 Donc vous avez deux conséquences aujourd'hui,
18:03 c'est que les enfants de l'utopie se sont encore plus radicalisés,
18:06 mais avec cette différence qui est soit par fainéantie, soit par inculture,
18:09 soit parce qu'ils sont les enfants de personnes,
18:11 ils se sont trouvés des parents de substitution de l'autre côté de l'Atlantique.
18:14 Et ils causent donc de "tone-hole", de "mansplaining",
18:17 c'était la preuve qu'il y avait affronté Jean-François-Xavier Bellamy,
18:20 comprenant même pas qu'ils sont l'un des hologrammes des campus américains,
18:24 et répétant comme des perroquets la liste de sujets, de personnes à abattre en France.
18:28 Et l'autre conséquence, qui est plus sympathique,
18:30 c'est que des idées qui auparavant se trouvaient aux marges
18:32 sont aujourd'hui acceptées de plein droit.
18:34 Alors je ne pense pas que ce soit le grand retour des idées de droite,
18:36 des intellectuels de droite, c'est plutôt le retour du réel,
18:39 à lequel on assiste, et c'est un retour qui est très violent.
18:42 – Autre sujet, on va parler de Gabriel Attal, Mathieu Bocoté,
18:45 qui hier annonçait que la France prendrait les moyens
18:48 pour mettre en avant la mémoire de l'esclavage sur son territoire.
18:53 Cet appel, on appellera plusieurs ou pas,
18:56 et c'est sur cet appel que vous souhaitez revenir lors de votre second édito.
19:00 – Oui, alors j'étais étonné, non pas parce que la commémoration
19:04 de la mémoire de l'esclavage, très bien, ça va de soi, je reviendrai,
19:08 mais d'où vient l'idée du Premier ministre
19:11 qu'on ne parlerait pas de cette question-là
19:13 et qu'il faudrait enfin en parler en France aujourd'hui.
19:16 Très honnêtement, depuis 25 ans, parler de l'histoire de France en France,
19:21 dans les années 90, c'était la réduction de l'histoire de la France
19:26 au moment de la Deuxième Guerre mondiale à la collaboration, 80-90,
19:29 on a complètement oublié la part du gaullisme,
19:32 la résistance dans ses nombreux visages, et là, aujourd'hui, depuis 25 ans,
19:35 l'enjeu, c'est la réduction, en fait, c'est la diabolisation
19:38 de l'histoire occidentale, et en France, la question de l'esclavage,
19:40 on est venu à occuper tout l'espace mémoriel,
19:43 au point où les historiens, on l'a un peu oublié,
19:46 mais Olivier Petri-Grenouillot, pour avoir parlé des traites négrières au pluriel,
19:50 eh bien, en ne se contentant pas de parler d'une seule,
19:53 eh bien, a connu des ennuis juridiques autrefois.
19:55 On est dans une période où, globalement, la mémoire de l'esclavage
19:59 a occupé tout le champ mémoriel en France,
20:02 si ce n'est pas tout le champ, tout le moins,
20:04 la très, très vaste majorité du champ mémoriel.
20:06 Donc, Gabriel Attal, j'avais l'impression que cet homme,
20:09 qui est pourtant jeune, sortait tout droit du début des années 2000
20:13 avec la volonté de fracasser apparemment ce qui serait un tabou.
20:16 Alors, en plus que ce n'était même pas un tabou à l'origine,
20:18 il faut bien l'ajouter.
20:20 Donc, qu'est-ce qu'il nous dit?
20:22 « Trop longtemps, un voile a été jeté sur ce passé.
20:24 Le reconnaître, ce n'est pas s'affaiblir, au contraire, c'est grandir. »
20:28 Et là, il nous invite à regarder l'histoire en face.
20:31 Nous continuons à mener la bataille de l'éducation,
20:33 et donc une grande, grande exposition sur ce thème-là en 2026.
20:37 Et là, j'ai envie de dire, c'est partout.
20:40 Donc, peut-être qu'aujourd'hui, les Français qui ont besoin d'histoire,
20:43 parce que tout peuple a besoin d'histoire,
20:45 tout peuple a besoin de se faire raconter son histoire pour s'inscrire,
20:48 pour savoir ne serait-ce qu'à quel moment de l'histoire sommes-nous,
20:51 on doit avoir un récit qui nous y conduit et qui nous projette dans l'avenir.
20:54 Eh bien, pour ça, si on explique, comme on l'a expliqué depuis 25 ans,
20:57 les Français, fondamentalement, la chose qu'on ne leur a pas assez dit,
21:00 c'est qu'ils ont été coupables d'esclavage,
21:02 j'ai l'impression de vivre dans un monde parallèle.
21:04 Est-ce que j'en blâme, Gabriel Attal?
21:06 Franchement, j'ai envie sur ce coup-là de désindividualiser l'explication.
21:09 C'est un discours tellement puissant, qui contrôle l'université,
21:13 qui domine les médias, qui est au cœur,
21:15 je reviendrai dans un instant, de la propagande européiste,
21:17 encore l'Europe prétend écrire l'histoire, c'est ce type d'histoire-là qu'elle écrit,
21:20 qu'on n'est plus capable de faire autrement.
21:22 Et je note, donc, autrement dit, le premier ministre a été débordé, en fait,
21:25 par une idéologie qui oblige tous ceux qui ne veulent pas se faire traiter
21:29 de complices de l'esclavage, sur le mode tardif,
21:32 il les oblige à répéter cette idée que cette histoire serait d'abord
21:34 histoire de l'esclavage, histoire de la persécution des minorités.
21:37 Je note une chose qui me semble assez étonnante, cela dit,
21:40 on nous a dit qu'on allait faire une statue, à la Rochelle, en fait,
21:42 il y a une présentation d'une statue.
21:44 Ces dernières années, vous noterez qu'on a surtout déboulonné des statues.
21:47 On nous disait, il n'y en a plus besoin des statues,
21:49 c'est plus nécessaire des statues, on n'en veut plus des statues.
21:51 Eh bien, ce qu'on constate, c'est qu'aujourd'hui, on accepte de faire des statues
21:54 sur le mode commémoratif, sur le mode militant,
21:56 l'art occidental est sur le mode de l'art déconstruit, post-moderne, bizarre,
22:00 mais quand vient le temps de célébrer l'histoire à venir,
22:02 eh bien, on accepte de sortir le statuaire,
22:04 comme on le fait aux États-Unis avec George Floyd et ainsi de suite.
22:06 Donc, il y a quelque chose d'un peu étonnant dans cette déclaration de Gabriel Attal
22:11 qui est terriblement déphasée un quart de siècle en retard.
22:13 - Rapidement, une dernière question, Mathieu Beaucotter.
22:16 Est-ce à dire qu'il ne faut plus commémorer la fin de l'esclavage?
22:19 - Bien sûr que non! D'autant, la grandeur de l'Occident,
22:22 l'Occident, ce n'est pas de l'esclavage, c'est d'avoir abonné l'esclavage.
22:24 La grandeur de notre civilisation, c'est l'abolition de l'esclavage.
22:27 Pour le reste, je note cela dit que c'est un discours qui est très dominant
22:30 au niveau de l'Union européenne.
22:31 Par exemple, la déclaration sur la conscience historique européenne
22:34 dont on a parlé il y a quelques semaines,
22:35 est une histoire fondamentalement culpabilisatrice.
22:38 L'histoire de l'Union européenne, dont on parle beaucoup ces jours-ci,
22:41 est dans une logique de manipulation symbolique
22:43 pour être capable d'arracher les peuples à leur histoire
22:45 en leur expliquant que cette histoire est fondamentalement atroce et dégueulasse.
22:49 C'est un travail de conditionnement des populations
22:51 pour les amener à rejeter l'héritage des pères,
22:54 pour les amener à rejeter l'héritage historique.
22:56 Je n'en suis pas surpris.
22:57 J'espère que Gabriel Attal, dans quelques semaines, dans quelques mois,
22:59 décidera de tenir tête à ce discours sur lequel il a trébuché cette semaine.
23:03 Arthur de Latridant, quel regard portez-vous sur ce sujet ?
23:06 Écoutez, moi j'en ai marre que notre lumineux pays soit réduit à des toilettes
23:10 pour l'incontinence décoloniale et antiraciste.
23:13 Parce que je pense qu'on n'a aucune leçon à recevoir de personne.
23:16 Que personne ne peut parler d'égal à égal avec la France.
23:20 Qu'on n'a pas, qu'on nous avons à rougir de rien.
23:22 Et surtout pas notre passé.
23:23 Parce que je ne connais pas un seul continent, pardon,
23:27 et pas un seul pays qui a échappé à l'esclavage.
23:30 Par contre, je ne connais qu'un seul pays,
23:32 qui l'a aboli au moins trois fois dans son histoire,
23:34 et il s'appelle la France.
23:35 Mais le plus étonnant sur le sujet,
23:37 c'est que les mêmes qui font la promo de l'autoflagellation,
23:40 de la machine à repentants,
23:41 sont prêts à rouvrir le débat de la possibilité d'une légalisation
23:45 de la traite d'êtres humains en France.
23:47 Alors on n'appelle pas ça l'esclavage, on appelle ça la GPA.
23:50 Mais le principe est le même.
23:51 Mais heureusement pour vous et pour nous tous,
23:53 je suis de bonne humeur et je suis même plein d'espoir,
23:55 car je reviens depuis du fou.
23:56 Et comme beaucoup de Français, des dizaines de milliers de Français,
23:59 les bras chargés de rêve, de gloire, d'honneur et de fierté
24:02 pour au moins 2000 ans.
24:03 Donc bon courage pour nous nuire.
24:05 La publicité, on revient dans un instant.
24:07 Vous allez recevoir Alexandre Devecchio pour son ouvrage
24:10 "Les nouveaux enfants du siècle, enquête sur une génération fracturée".
24:14 Je crois qu'il est déjà dans les couloirs de ces news,
24:17 parce qu'on l'entend quasiment sur le plateau.
24:19 Donc il arrive dans un instant, la publicité
24:21 et la suite de Face à Mathieu Bocote.
24:23 La suite de Face à Mathieu Bocote.
24:30 D'abord le point sur l'information avec vous,
24:32 Michael Dos Santos. Rebonsoir, Michael.
24:34 Rebonsoir.
24:35 Des militants d'ultra-droite ont manifesté ce samedi à Paris
24:38 à l'appel du comité du 9 mai.
24:40 Environ 500 personnes se sont réunies
24:42 pour commémorer la mort de Sébastien Désieux,
24:44 décédé lors d'une manifestation après avoir chuté d'un immeuble
24:47 il y a 30 ans.
24:48 Ce nouveau rassemblement avait été interdit par la préfecture
24:51 à cause d'un risque de trouble à l'ordre public,
24:53 avant d'être finalement autorisé par le tribunal administratif.
24:57 Selon le diffuseur de l'Eurovision aux Pays-Bas,
25:00 le chanteur néerlandais aurait été exclu
25:02 à cause d'un geste inapproprié envers une caméraman.
25:04 Alors qu'il avait émis le souhait de ne pas être filmé,
25:07 Just Claim aurait esquissé un mouvement menaçant,
25:10 raison pour laquelle il a été disqualifié.
25:12 Jeudi dernier, l'artiste avait déjà fait parler de lui.
25:14 Il avait refusé de s'asseoir aux côtés de la représentante israélienne.
25:18 Enfin, environ 300 000 Palestiniens ont quitté Rafa,
25:21 selon l'armée israélienne.
25:23 Depuis lundi, les habitants se sont déplacés
25:25 vers une zone humanitaire suite aux appels lancés par Tzahal.
25:28 Israël prépare une offensive terrestre
25:30 dans cette ville du sud de l'enclave
25:32 qui compte environ 1,4 million de réfugiés.
25:35 Merci beaucoup, cher Michael, pour le point sur l'information.
25:38 On est toujours avec Mathieu et Arthur de Matrigan
25:41 et on reçoit Alexandre Devecchio.
25:43 Alexandre, bonsoir.
25:45 Heureux de vous retrouver un samedi soir et non samedi matin
25:48 pour votre ouvrage passionnant
25:50 "Enquête sur une génération fracturée,
25:52 les nouveaux enfants du siècle".
25:54 Mathieu, boc côté, pourquoi avoir invité ce soir Alexandre Devecchio?
25:58 - Parce que rares sont ceux qui ont écrit au livre il y a à peu près 10 ans
26:01 et qui globalement avaient identifié il y a 10 ans quand même
26:05 tous les acteurs politiques qui aujourd'hui émergent,
26:08 qui avaient su les décrire déjà dans leur tempérament,
26:11 dans leur vocation.
26:13 Et 10 ans plus tard, on se dit que ce livre avait pour l'essentiel
26:16 annoncé ce dont nous sommes témoins en ce moment.
26:18 Alexandre Devecchio, bonsoir.
26:20 - Bonsoir, Mathieu.
26:22 - Vous les avez rencontrés il y a 10 ans,
26:24 vous en avez fait le portrait il y a 10 ans,
26:26 Jordan Bardella, Marion Maréchal, Sarah Knafo,
26:29 François-Xavier Bélamy, quelques autres.
26:31 Est-ce que pour la plupart, est-ce que vous deviniez déjà
26:34 que ça se passerait aussi rapidement
26:36 l'arrivée de cette classe politique nouvelle en France?
26:39 - Ce que je comprenais en tout cas, c'est qu'on était
26:42 dans un changement de monde, que ces jeunes-là
26:47 incarnaient une nouvelle génération politique
26:50 tout simplement parce qu'ils avaient grandi
26:53 dans une France différente, très différente
26:56 de celle de la génération du baby-boom,
26:58 des Trente Glorieuses.
27:00 Ils naissent tous à peu près aux alentours de 1989.
27:03 C'est la chute du mur de Berlin, c'est le moment
27:05 où on crie à la mondialisation heureuse,
27:07 où on croit qu'on va avoir une Europe fondée sur le marché,
27:10 la technocratie, la fin de l'histoire,
27:13 le multiculturalisme euro.
27:14 Et il se passe exactement le contraire.
27:16 10 ans après, il y a le 11 septembre,
27:18 c'est sans doute leur premier souvenir
27:20 d'un grand événement médiatique,
27:22 puis la crise des banlieues,
27:23 puis arrive la grande vague de terrorisme de 2015.
27:27 C'est à peu près le moment où j'écris ce livre.
27:30 Et donc, ils sont les enfants de ce siècle,
27:33 de cette époque, de ces désordres
27:35 liés à la mondialisation malheureuse.
27:38 Et ce sont eux qui vont, à mon avis,
27:40 apporter une réponse politique
27:42 que ne sont pas à même d'apporter justement
27:45 une génération qui accrue justement
27:48 à une Europe post-nationale, post-démocratique,
27:52 technocratique, je crois qu'on va en parler.
27:55 Donc, je le devine.
27:56 Et ce qui est intéressant, c'est que beaucoup
27:58 ont eux-mêmes, je dirais, la préscience
28:00 de leur propre destin.
28:02 Jordan Bardella, je vous disais que
28:05 les émeutes avaient été...
28:07 C'était un enfant du siècle, de son époque.
28:09 Il faut savoir qu'il a vécu en banlieue,
28:11 qu'il a vécu les émeutes de l'intérieur.
28:13 Il habite à Saint-Denis,
28:15 mais il comprend très vite que
28:17 le Rassemblement National est son chemin
28:20 pour des raisons idéologiques,
28:22 mais aussi pour des raisons stratégiques.
28:24 Je pense que c'est un parti où il n'y a pas de cadre,
28:26 justement, alors que chez LR,
28:28 les cadres ont tous fait l'ENA,
28:30 ils se ressemblent un peu tous.
28:32 Et lui, il voit tout tracer.
28:34 Après, je pense qu'il n'imagine pas lui-même
28:36 que ça ira si vite et qu'il va devenir
28:38 dix ans après le président du parti.
28:40 À l'époque où je le rencontre,
28:42 il me l'a rappelé il y a quelque temps,
28:43 c'est la première fois qu'il prend un café
28:44 avec un journaliste politique.
28:46 C'est un militant du 93.
28:48 Il n'a aucune responsabilité dans le parti.
28:50 François-Xavier Bellamy, lui,
28:52 est professeur en banlieue,
28:54 maire adjoint de Versailles,
28:56 et il a un chemin qui est différent
28:59 de celui de Jordan Bardella,
29:01 bien qu'une idéologie très similaire.
29:03 En vérité, ils se ressemblent tous
29:05 parce qu'ils sont de la même époque,
29:07 de la même matrice idéologique.
29:09 Mais François-Xavier Bellamy pense au contraire
29:11 que pour arriver au pouvoir,
29:13 il faut changer la droite de l'intérieur.
29:15 Et il le fait à travers Sens commun.
29:17 On l'a un peu oublié aujourd'hui.
29:19 C'est une des figures de la Manif pour tous.
29:21 Et l'un des instigateurs de Sens commun,
29:23 il y arrive presque, puisque l'épisode Fillon
29:25 est quand même dû notamment au militantisme
29:28 de Sens commun.
29:30 L'épisode Fillon échoue.
29:32 Bellamy va tout de même se retrouver
29:34 député européen,
29:36 et peut-être a sauver ce parti
29:38 qu'il espérait transformer.
29:40 Quant à Marion Maréchal, j'écris dans le livre
29:42 quel est le point de jonction,
29:45 si vous voulez, le trait d'union
29:47 entre la France populaire du Rassemblement national
29:50 et une France plus conservatrice.
29:52 Je crois que c'est exactement ce qu'elle essaye de faire
29:54 à travers Reconquête.
29:56 Elle veut faire pivot.
29:58 D'ailleurs c'est un désaccord avec Éric Zemmour
30:00 qui est beaucoup plus dans une stratégie d'affrontement
30:02 avec le Rassemblement national.
30:04 Elle, elle veut faire la jonction
30:06 entre la bourgeoisie conservatrice
30:08 et la France populaire.
30:10 Et enfin, j'en ai oublié une, c'est Sarah Knafo.
30:12 C'est quand même le plus surprenant,
30:14 illustre, inconnu, quand je la rencontre.
30:16 Elle est à Sciences Po.
30:18 Alors elle n'est pas du côté progressiste.
30:20 Elle a beaucoup de courage
30:22 parce qu'elle fonde une association
30:24 et là elle me parle d'Éric Zemmour
30:26 sans savoir bien évidemment
30:28 qu'elle sera à la fois sa compagne
30:30 et sa conseillère. Mais je me souviens que
30:32 lors d'une autre conversation, je lui demande
30:34 ce qu'elle veut faire plus tard, comment elle imagine
30:36 justement son destin. Et elle dit
30:38 "Moi avec mes copains du CRE", c'était la critique
30:40 de la Région européenne, c'était le nom de son association,
30:42 "je veux fonder un parti nouveau
30:44 justement pour porter
30:46 nos idées et je veux être dans l'ombre"
30:48 alors maintenant elle est un peu dans la lumière
30:50 "pour aider un candidat à émerger".
30:52 Ce sera d'abord Henri Guainout,
30:54 ce sera un semi-échec, on l'a un peu oublié
30:56 et ensuite Éric Zemmour, ce qui sera quand même
30:58 plutôt un succès puisqu'elle arrive à
31:00 fonder un parti en partant de Rhin.
31:02 - Alors vous nous parlez d'une génération qui veut
31:04 congédier à certains égards les anciens clivages,
31:06 les anciens interdits,
31:08 qui veut renouveler le clivage...
31:10 À la rigueur, même si elle accepte le clivage gauche-droite,
31:12 elle n'accepte pas les interdits autour de l'union des droites,
31:14 de ce point de vue, elle arrive aujourd'hui
31:16 aux affaires, mais les vieux clivages tiennent encore.
31:18 Les vieux clivages, le vieux monde
31:20 contre lequel ils se sont révoltés, existent encore
31:22 en partie à droite, notamment les interdits
31:24 autour de ce que les médias appellent l'extrême droite
31:26 et tout ça. Donc est-ce qu'on peut dire qu'ils sont
31:28 encore dans l'attente de leur grand rôle
31:30 parce que le système pèse encore?
31:32 - Alors ça c'est un livre qu'il y a 10 ans, entre temps,
31:34 j'ai écrit un livre qui s'appelait "Recomposition".
31:36 Et je crois qu'on est pile-poil dans cette période
31:38 de recomposition, c'est-à-dire entre
31:40 deux mondes, un monde qui est en train de
31:42 disparaître et un monde qui est en train
31:44 de naître. - Mais il prend son temps pour disparaître.
31:46 - Oui, mais tout de même, rappelez-moi le score
31:48 de Nathalie Dalgot à la présidentielle,
31:50 moins de 2%, c'est quand même
31:52 des partis qui sont mourants.
31:54 - Mais je me permets de vous répondre, vous dites
31:56 moins de 2%, mais inversement, le pouvoir
31:58 des socialistes sur l'État est immense.
32:00 Donc on peut dire que ce pouvoir
32:02 n'est plus électoral, mais ce vieux
32:04 monde survit dans les institutions. - Oui, il survit
32:06 mais je crois qu'on assiste à une crise
32:08 de régime, le parti socialiste et les
32:10 républicains ont fait à le deux
32:12 moins que Éric Zemmour, qui
32:14 était le quatrième membre
32:16 qui n'était pas au second tour.
32:18 Donc vous imaginez le changement
32:20 de monde par rapport à
32:22 l'époque où Nicolas Sarkozy
32:24 était à l'Élysée,
32:26 où François Hollande était
32:28 à l'Élysée. Moi, je crois qu'il y a
32:30 une crise de régime et que d'ailleurs
32:32 Emmanuel Macron a été d'une
32:34 certaine manière le sauveur du régime.
32:36 Quand il arrive, le régime est déjà en crise
32:38 puisque
32:40 François Hollande n'est pas en
32:42 mesure de se représenter, c'est la première fois qu'on voit ça.
32:44 Et Nicolas Sarkozy, ancien
32:46 président de la République, perd une primaire.
32:48 Donc on voit que la gauche, le centre-droite
32:50 et le centre-gauche, en réalité, à eux seuls,
32:52 sont extrêmement fragilisés. Emmanuel Macron
32:54 comprend, c'est sa grande intelligence, que pour
32:56 sauver le système ou le régime,
32:58 il faut rassembler ce centre-droite et ce centre-gauche
33:00 qui sont finalement assez proches,
33:02 à mon avis,
33:04 idéologiquement.
33:06 Et aujourd'hui, on voit bien que même rassemblés,
33:08 ils sont extrêmement fragilisés. Ils sont
33:10 fragilisés parce que ce sont des forces qui sont nées,
33:12 je vous l'ai dit, au moment des Trente Glorieuses.
33:14 Le débat, c'était comment répartir la richesse.
33:16 Leur idée centrale, c'est finalement qu'on
33:18 allait en finir avec la politique
33:20 parce qu'on était dans un monde pacifié,
33:22 un monde sans histoire et qu'il fallait
33:24 laisser la place aux gestionnaires,
33:26 aux technocrates. On voit bien qu'ils ne sont plus du tout
33:28 adaptés à notre époque où l'histoire
33:30 fait son retour. Ensuite, je pense
33:32 que mécaniquement,
33:34 ils vont disparaître aussi
33:36 parce que c'était des partis
33:38 qui survivaient
33:40 grâce au poids électoral très important
33:42 de la génération du baby-boom.
33:44 Certes, elle a encore un poids électoral très important
33:46 mais pour des raisons démographiques,
33:48 son poids électoral va diminuer.
33:50 Donc, je crois que mécaniquement,
33:52 finalement,
33:54 les nouveaux enfants du siècle vont
33:56 prendre le pouvoir et d'ailleurs, ils sont soutenus
33:58 massivement par la jeunesse
34:00 qui ne se résume pas à Sciences Po
34:02 même si c'est une partie
34:04 de la jeunesse. Il y a aussi
34:06 toute cette jeunesse de la France périphérique, une jeunesse
34:08 plus conservatrice qui, aujourd'hui,
34:10 plébiscite le Rassemblement National parce que je crois
34:12 qu'aux Européennes, il est annoncé à plus de 40%
34:14 chez les jeunes.
34:16 Donc, je crois que c'est un basculement
34:18 et en phase 2, c'est ce que je racontais aussi dans le livre
34:20 on le dit moins maintenant,
34:22 j'annonçais quasiment la naissance de la génération
34:24 Vogue, le tournant communautariste
34:26 d'une gauche. J'annonçais qu'elle allait
34:28 devenir très radicale, qu'elle allait devenir identitaire,
34:30 l'islamo-gauchisme
34:32 en réalité et je crois
34:34 que ça va être vraiment l'affrontement
34:36 du XXIème siècle, la génération
34:38 réac' entre guillemets, face à la génération
34:40 Vogue. - Arthaud Lvatrigan.
34:42 - Et 10 ans plus tard, laquelle de ces figures
34:44 vous a-t-elle le plus
34:46 surpris, en bien ou en
34:48 positivement, négativement ?
34:50 - Je pense en tout cas que
34:52 celle qui émerge, qui va devenir la figure
34:54 centrale et c'est pas forcément ce
34:56 que je pensais
34:58 à l'époque parce que c'était le moins connu, c'était
35:00 Jordan de Mardela, c'était le plus jeune,
35:02 le moins connu. À l'époque, j'avoue
35:04 que le chapitre le plus conséquent du livre
35:06 est consacré à Marion Maréchal, parce que
35:08 je dis justement qu'elle va faire la jonction
35:10 entre les jeunes
35:12 des classes populaires, de la France
35:14 périphérique, qui sont attachés à
35:16 l'identité, à la souveraineté
35:18 et une France conservatrice
35:20 qui est aussi beaucoup sur les questions
35:22 sociétales, à l'époque c'est une des égéries
35:24 de la manif pour tous
35:26 et qu'elle va faire le lien
35:28 entre les deux. Elle essaye de le faire
35:30 à travers Reconquête, mais
35:32 on voit bien que Reconquête ne peut être
35:34 qu'une force pivot et je crois que la force
35:36 de Mardela au sein du Rassemblement
35:38 National est justement d'être
35:40 entre le populisme et la droite classique.
35:42 Il est capable de parler
35:44 à l'électorat populaire traditionnel
35:46 de Marine Le Pen, mais on voit bien
35:48 à l'occasion de ses européennes qu'il élargit
35:50 la base électorale du Rassemblement National
35:52 en touchant d'autres catégories,
35:54 les classes moyennes notamment, les cadres
35:56 et même les retraités. Alors j'aimerais vous parler
35:58 de leur rapport à l'Europe, parce qu'il y a
36:00 une dizaine d'années encore, 20 ans
36:02 plus encore, il y avait le clivage souverainiste-fédéraliste
36:04 et cette jeune génération "patriote"
36:06 est plutôt souverainiste.
36:08 Mais leur souverainisme a évolué,
36:10 c'est-à-dire entre, par exemple, ceux qui
36:12 congédient l'Europe en tant que telle, il y en a encore,
36:14 on est plutôt devant une génération qui se réapproprie
36:16 l'Europe, mais l'Europe comme civilisation.
36:18 On le voit par exemple chez Marion Maréchal,
36:20 on le voit chez François-Xavier Bellamy, on le voit
36:22 peut-être aussi chez Jordan Bardella, un peu moins.
36:24 Donc est-ce que cette évolution
36:26 du rapport à l'Europe, vous l'avez vu évoluer
36:28 aussi depuis 10 ans ?
36:30 Oui, ce qui est intéressant et ce qu'on peut rappeler,
36:32 c'est que je dis que l'événement fondateur
36:34 de cette génération, c'est pas la manif
36:36 pour tous, parce que ça va être un moment
36:38 de formation politique intéressant,
36:40 mais c'est avant, c'est les émeutes de banlieue,
36:42 je parlais de Jordan Bardella,
36:44 et c'est effectivement le référendum.
36:46 Les deux événements ont lieu en 2005, à quelques mois
36:48 d'écart. La crise d'Ancester et la dépossession
36:50 démocratique. Exactement, le référendum
36:52 de 2005 a été tout de même
36:54 très important et je crois
36:56 que c'est toujours les deux enjeux.
36:58 La dépossession démocratique, donc la question de la
37:00 souveraineté et la question de l'identité
37:02 d'un autre côté. Maintenant,
37:04 je crois qu'au-delà de cette jeune génération,
37:06 les partis dits
37:08 populistes, les partis
37:10 du Bloc national, appelons-les
37:12 comme ça, ont appris, je dirais,
37:14 à être pragmatiques.
37:16 Et surtout, ils sont démocrates, peut-être contrairement
37:18 aux autres partis, donc ils ont su entendre
37:20 qu'une sortie
37:22 brutale de l'Europe pouvait effrayer,
37:24 notamment les retraités
37:26 qui étaient attachés au statu quo,
37:28 qui avaient peur de sortir de l'euro.
37:30 Je crois qu'un des principaux
37:32 problèmes aussi d'un souverainisme
37:34 qui serait radical, c'est que c'est très compliqué
37:36 de sortir de la zone euro. Donc ils ont su
37:38 entendre cela, donc ils sont
37:40 démocrates, en fait, ils tiennent compte
37:42 de l'opinion de la base et ils savent que pour arriver
37:44 au pouvoir, il faut quand même réunir une majorité.
37:46 Et ensuite, ils sont
37:48 pragmatiques parce qu'ils voient aussi que
37:50 ça bouge peut-être en France, lors de
37:52 la prochaine élection présidentielle, enfin ça bouge
37:54 en tout cas, lors de ces européennes
37:56 si on en croit les sondages, mais on voit que dans d'autres
37:58 pays, un certain nombre de formations
38:00 dites populistes ont arrivé au pouvoir,
38:02 que ce soit Salvini, Meloni en Italie,
38:04 que ce soit depuis longtemps Viktor Orban
38:06 en Hongrie, et ils se disent
38:08 peut-être qu'ils peuvent changer l'Europe
38:10 de l'intérieur. Donc
38:12 il y a une évolution
38:14 de leur discours,
38:16 mais je crois qu'il n'y a pas un changement de nature.
38:18 Et ensuite, peut-être aussi qu'il y a une
38:20 urgence, et que l'urgence, elle est quand même
38:22 de
38:24 sauver peut-être son identité.
38:26 La souveraineté viendra
38:28 dans un deuxième temps, c'est pas à vous,
38:30 le Québécois, que je vais
38:32 apprendre ça. Le Québec
38:34 ne fait plus de référendum
38:36 pour obtenir l'indépendance depuis longtemps,
38:38 ça va peut-être... - Ça viendra. - Ça viendra,
38:40 sans doute, mais il a essayé pour commencer
38:42 de préserver sa culture, ses racines,
38:44 ses moeurs. Et je crois qu'aussi
38:46 qu'il y a eu entre-temps la crise migratoire,
38:48 le problème
38:50 de l'insécurité, de l'islamisme s'est
38:52 amplifié, et c'est vrai que la question identitaire
38:54 a pris peut-être le dessus sur la question
38:56 de la souveraineté, mais les deux sont
38:58 mêlés, et je crois qu'on aura besoin de notre souveraineté
39:00 pour sauver notre identité.
39:02 - Alors, c'est une génération qui pousse,
39:04 vous nous dites, par le simple fait mécanique
39:06 du renouvellement des générations,
39:08 le vieux système qui tient encore, finira
39:10 peut-être par tomber, mais pour l'instant
39:12 on n'y est pas encore. Quand on regarde
39:14 ce que certains
39:16 appellent l'extrême-samble, pour reprendre la formule du président
39:18 de la République lui-même, un peu partout
39:20 il se défend devant cette espèce
39:22 de rébellion populiste, de rébellion du Bloc
39:24 national. Pour vous, ce système n'est pas
39:26 capable de contre-attaquer encore, il n'est pas capable
39:28 de mater les insurgés ?
39:30 - Cette élection européenne va être
39:32 très intéressante. On dit souvent qu'il n'y a pas
39:34 d'enjeu dans ces élections européennes, je crois
39:36 que si, puisque quant à
39:38 un régime, lorsqu'il est
39:40 fragilisé, je crois qu'un régime, effectivement
39:42 se défend et a la
39:44 tentation autoritariste
39:46 d'une certaine manière. Et on voit bien
39:48 que c'est une tentation
39:50 qu'on retrouve en Europe. Il y a un débat
39:52 dont on parle peu, qui peut
39:54 apparaître technique, mais qui est très important, c'est le vote
39:56 à la majorité qualifiée,
39:58 y compris sur des... - Le projet Bernstein.
40:00 - ...stratégiques de
40:02 défense. La
40:04 question aussi, Emmanuel Macron
40:06 l'a évoquée, du partage de
40:08 notre force de dissuasion nucléaire,
40:10 ce serait un gros ensaut fédéral,
40:12 post-national,
40:14 qui n'est pas du tout souhaité par les
40:16 Français, mais ce serait une manière
40:18 d'aller toujours plus loin
40:20 et de nous priver des
40:22 pans de souveraineté qu'il nous reste.
40:24 Donc effectivement, ce système va tenter de
40:26 se défendre. Maintenant, moi, je suis
40:28 résolument optimiste. Je trouve que
40:30 la droite souverainiste, identitaire,
40:32 nationale, appelons-la comme
40:34 on veut, a eu un défaut, c'est qu'elle
40:36 s'est souvent...
40:38 Elle a été souvent complaisante,
40:40 et elle a toujours eu une esthétique parfois de
40:42 perdant, de romantique.
40:44 Moi, je pense que,
40:46 justement, s'il y a une différence peut-être entre
40:48 la génération... la jeune génération souverainiste
40:50 et la précédente, c'est que cette génération
40:52 veut le pouvoir, ne veut pas
40:54 simplement figurer, avoir le
40:56 ministère de la Parole.
40:58 Et je vous disais, il y a des phénomènes
41:00 historiques, démographiques, qui font
41:02 que la victoire de ce camp-là
41:04 est possible. Donc,
41:06 je crois qu'objectivement,
41:08 ne serait-ce qu'en tant qu'analyste objectif,
41:10 il y a des raisons d'y croire.
41:12 On l'a vu dans d'autres
41:14 pays, que ce soit aux États-Unis avec
41:16 Trump, on peut trouver que l'expérience
41:18 est apageuse et pas totalement réussie,
41:20 mais en tout cas, ce qui
41:22 nous était présenté comme impossible
41:24 est devenu possible,
41:26 de même avec le Brexit, de même
41:28 avec Meloni en Italie.
41:30 Donc, je crois qu'il faut
41:32 arrêter de surestimer
41:34 les capacités de résistance
41:36 de ce régime-là.
41:38 La politique, c'est l'alternance. Il y en revient
41:40 un moment où l'alternance va venir.
41:42 - Personne ne va triquer. - Et la démocratie, surtout.
41:44 - Vous avez parlé de la naissance par des
41:46 événements de 2005, mais est-ce que ces
41:48 enfants du siècle ont un commun
41:50 intellectuellement, philosophique ?
41:52 Est-ce qu'ils se réclament ou se proclament héritiers
41:54 d'un courant de pensée, d'un courant
41:56 d'écrivain, d'un courant d'intellectuel ?
41:58 - Alors, ils ont
42:00 chacun leur culture
42:02 littéraire, leur culture
42:04 historique, mais c'est vrai que c'est
42:06 l'une des thèses
42:08 de mon livre.
42:10 Je ne les rattache pas, par exemple,
42:12 à l'extrême-droite.
42:14 Je crois que l'extrême-droite a existé. C'est un
42:16 courant idéologique,
42:18 bien précis.
42:20 On n'est pas du tout là-dedans.
42:22 Et je crois que,
42:24 même s'ils ont une culture des références,
42:26 ils réagissent surtout
42:28 à un contexte historique précis
42:30 et bien différent des contextes
42:32 qu'on a connus par le passé.
42:34 Donc, ce n'était pas votre
42:36 question, mais je réponds de manière
42:38 plus large. On n'est pas dans une
42:40 jeunesse qui se situerait dans l'affiliation
42:42 des années 30. Ça, c'est, à mon avis,
42:44 grotesque et c'est une
42:46 manière de les disqualifier.
42:48 On est dans une jeunesse, justement, qui est extrêmement
42:50 contemporaine et
42:52 qui cherche des réponses à des
42:54 problèmes contemporains. Ensuite, ils ont des
42:56 références
42:58 assez récentes. Moi, dans mon livre, j'avais
43:00 parlé de Génération Zemmour.
43:02 Justement, à l'époque, il n'était pas du tout en politique.
43:04 Il était simplement
43:06 éditorialiste. Il se trouve que tous, que ce soit
43:08 Jordan Bardella, que ce soit
43:10 Marion Maréchal, que ce soit Sarah Knafo,
43:12 on en a parlé, m'ont parlé d'Éric
43:14 Zemmour et m'ont dit qu'il
43:16 les avait aussi intéressés à la politique
43:18 au moment où on n'est pas couché, notamment,
43:20 mais il les avait aussi conduits
43:22 vers des références littéraires,
43:24 que ce soit références historiques
43:26 Jacques Bainville, Christophe
43:28 Guilloui,
43:30 Michéa, etc.
43:32 Ce sont ces penseurs contemporains-là,
43:36 à mon avis, qui les influencent le plus.
43:38 - Il nous reste un peu plus de deux minutes.
43:40 Il y a un paradoxe, peut-être, dans votre propos.
43:42 Vous nous dites, d'un côté, que c'est une génération très optimiste
43:44 politiquement, qui croit qu'elle peut gagner,
43:46 qui croit à l'alternance,
43:48 mais de l'autre côté, c'est une génération
43:50 qui a aussi une conscience potentiellement
43:52 apocalyptique, soit devant
43:54 la question climatique ou
43:56 encore très angoissée par rapport
43:58 au destin démographique de l'Europe.
44:00 Comment se conjugue cet optimisme à court terme
44:02 et ce pessimisme à moyen
44:04 et long terme ? - Je crois que c'est Gramsci,
44:06 peut-être je dis une bêtise, qui disait
44:08 qu'il avait en lui
44:10 le pessimisme de la raison et l'optimisme
44:12 de la volonté.
44:14 Si vous voulez,
44:16 elle est pessimiste sur l'état du monde,
44:18 je pense, ou réaliste, tout simplement.
44:20 Elle sait qu'il y a énormément de défis
44:22 en face de nous, mais je crois qu'elle est prête
44:24 à les relever.
44:26 Elle ne veut pas se contenter de mourir
44:28 debout, en quelque sorte,
44:30 en disant "on l'avait bien dit,
44:32 vous voyez, on a le bon diagnostic,
44:34 mais de toute manière, tout est foutu, sinon ça sert à rien
44:36 de faire de la politique". Et elle est optimiste,
44:38 je crois, à court terme. Quand je parlais d'alternance,
44:40 c'est de gagner
44:42 les élections.
44:44 Mais vous avez raison, la politique ne s'arrête pas
44:46 aux élections
44:48 et le chantier, c'est sans doute
44:50 celui d'une génération et il faut qu'elle soit
44:52 à la hauteur, justement,
44:54 pour redresser le pays, redresser
44:56 l'Europe, éviter
44:58 finalement que la civilisation,
45:00 la culture que nous aimons, disparaisse.
45:02 Il nous reste une minute. Tous ceux dont vous
45:04 nous avez parlé, Knafo,
45:06 Maréchal, Bardella, Benhamy,
45:08 ils finiront par travailler tous ensemble ?
45:10 Je fais
45:12 le pari que oui. Ils ont
45:14 déjà travaillé ensemble en quelque sorte
45:16 avant, c'est ce que je raconte
45:18 dans mon livre. Ils se croisaient, au moins, pour une
45:20 partie d'entre eux. Sarah Knafo, Jordan Bardella
45:22 se connaissaient. Je crois que
45:24 Marion Maréchal et François-Xavier Benhamy ont
45:26 de bonnes relations.
45:28 On parle beaucoup d'union des droites.
45:30 Il y a plusieurs manières
45:32 de faire l'union des droites dans un système
45:34 à la proportionnelle. Ça se fait par des accords
45:36 d'appareil. Il se trouve que la Ve République, c'est
45:38 un système d'élections à
45:40 deux tours et je crois que l'union des droites se
45:42 fera par les urnes au second
45:44 tour et une fois qu'il y aura cette union-là par
45:46 les urnes, tous ces gens-là seront
45:48 obligés de travailler. D'ailleurs, c'est
45:50 une génération qui n'aime pas trop les étiquettes
45:52 politiques, qui n'aime pas trop les appareils
45:54 politiques, les syndicats d'élus et donc
45:56 qui sera prête à
45:58 sortir justement de leur petite
46:00 boutique pour travailler ensemble. Je crois qu'il le faut
46:02 puisqu'on a dit que le défi était existentiel.
46:04 Face à un défi existentiel,
46:06 on oublie nos étiquettes politiques
46:08 et on travaille tous ensemble.
46:10 Les nouveaux enfants du siècle
46:12 d'Alexandre Devecchio enquêtent sur
46:14 une génération fracturée.
46:16 Merci à tous les trois. Dans un instant,
46:18 on revient pour l'heure des pros 2.
46:20 Cher Alexandre, c'est toujours un plaisir de vous voir
46:22 le samedi matin. Mais quand c'est le samedi soir,
46:24 c'est toujours aussi bien.
46:26 A tout de suite pour l'heure des pros.
46:28 ♪ ♪ ♪