• il y a 4 jours

Tous les vendredis, samedis et dimanches soirs, Pascale de la Tour du Pin reçoit deux invités pour des débats d'actualités. Avis tranchés et arguments incisifs sont au programme.
Retrouvez "Ça fait débat" sur : http://www.europe1.fr/emissions/les-grandes-voix-du-weekend

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Transcription
00:00Europe 1 Soir Week-end, 19h21, Pascal Delatour-Dupin.
00:05Il est à 20h15, Mohamed Sifawi, journaliste et politologue, auteur de l'ouvrage
00:10Hamas plongé au cœur du groupe terroriste qui est sorti en août dernier, est avec nous.
00:15Bonsoir Mohamed Sifawi.
00:17Bonsoir.
00:18Merci d'être avec nous évidemment, on voulait vous entendre.
00:21On voulait vous entendre parce qu'il s'est passé des choses très importantes.
00:25La mort du chef du Hamas est un tournant.
00:30Je vais vous poser la question.
00:32Yahya Sinouar, tué par l'armée israélienne dans la bande de Gaza.
00:36Est-ce que, selon vous, c'est un coup fatal porté au mouvement terroriste
00:41qui reconnaît que son chef est mort, mais qui a répondu en disant qu'il ne laisserait pas tomber les armes ?
00:46Quel est votre regard ? Est-ce que c'est un coup fatal selon vous ?
00:50Alors, soyons très clairs, c'est une bataille perdue, une bataille importante qui est perdue,
00:56mais ce type d'organisation terroriste a toujours su résister à la disparition de ses leaders.
01:04Il faut rappeler qu'en 2004, en l'espace d'un mois, l'aviation israélienne avait liquidé à la fois
01:13le fondateur de l'organisation terroriste, en l'occurrence le chef Ahmad Yassine,
01:19et un mois plus tard, ils avaient réussi à tuer son successeur, le chef El Rantissi.
01:25Donc, malgré tout, le Hamas a continué d'exister, sa toxicité a continué d'exister,
01:32et même a monté en puissance.
01:34En vérité, ce que beaucoup de commentateurs, et je le regrette,
01:37y compris parfois des responsables politiques, ne comprennent pas,
01:41c'est qu'il est erroné de lier la vie d'une organisation terroriste comme le Hamas
01:48à la vie de certains de ses dirigeants.
01:51En vérité, la force du Hamas est liée au territoire qui est contrôlé par cette organisation terroriste,
01:58et de mon point de vue, l'objectif militaire ne sera atteint par les Israéliens
02:03que lorsque l'appareil militaire sera totalement détruit,
02:07que lorsque les tudèles seront en grande partie détruits,
02:11et enfin, lorsque le Hamas ne sera plus en mesure de jouer un quelconque rôle politique
02:17dans l'échiquier palestinien.
02:19Ce n'est qu'à cette condition qu'on dira qu'Israël a véritablement gagné la guerre
02:24et que le Hamas a perdu.
02:25Parce que si on fait l'erreur de considérer qu'à travers l'élimination de Yasser Noir,
02:31qui était un élément important évidemment dans l'organisation,
02:35ce serait le synonyme de fin de guerre,
02:38on fait une erreur qui profitera à la fois au Hamas,
02:42mais aussi surtout à son principal sponsor, en l'occurrence la République islamique d'Iran.
02:47Mais expliquez-nous, Mohamed Sifawi,
02:49pourquoi alors le Premier ministre israélien annonce que c'est le début de la fin de la guerre à Gaza ?
02:54Alors, les mots ont un sens, c'est le début de la fin,
02:58parce que le Hamas vient de perdre un leader important,
03:01mais encore faut-il comprendre que la fin de cette guerre n'interviendra,
03:08comme je vous l'ai dit, que lorsque tout l'appareil militaire sera détruit.
03:11Mais ça va prendre combien de temps, Mohamed Sifawi ?
03:13Écoutez, je ne vais pas rentrer dans les...
03:15Ce n'est pas quantifiable ?
03:17Je ne vais pas rentrer, mais objectivement,
03:19si l'objectif militaire est porté jusqu'au bout,
03:22on n'aura pas une situation stabilisée dans toute la région avant 2026 ou 2027.
03:27C'est ce que les Occidentaux ne veulent pas entendre.
03:29Mais je dirais, il y a une anomalie dans l'attitude des principaux alliés d'Israël,
03:36en l'occurrence la Grande-Bretagne, les États-Unis et la France,
03:39c'est finalement qu'ils n'accordent pas à Israël la légitimité qu'ils s'accordent eux-mêmes.
03:45Lorsqu'au lendemain du 11 septembre, à juste titre et de façon légitime,
03:49les États-Unis ont lancé leur guerre contre les talibans et Al-Qaïda,
03:54personne n'a dit qu'il fallait inscrire cette guerre dans le temps.
03:58Il a fallu véritablement affaiblir considérablement l'appareil militaire des talibans
04:04et celui d'Al-Qaïda pour que cette guerre, finalement, soit arrêtée.
04:08Idem, lorsque la France a lancé sa contre-offensive contre Daesh,
04:13il a fallu que le proto-État Daesh ne puisse plus être en mesure
04:16de contrôler le territoire irako-syrien pour que la guerre prenne fin.
04:20De la même façon, Israël est totalement légitime à aller jusqu'au bout de ses objectifs,
04:28c'est-à-dire faire en sorte, et c'est totalement raisonnable et légitime,
04:32au regard à la fois de la dangerosité de cette organisation,
04:35de la dangerosité de l'agenda de son principal sponsor,
04:39comme je le disais, la République islamique d'Iran,
04:41mais aussi au regard de ce qui s'est passé le 7 octobre.
04:43On ne peut pas dénier aux Israéliens le droit que se sont accordés
04:47toutes les grandes puissances occidentales lorsqu'elles ont été visées par le terrorisme islamiste.
04:51Et ce qu'il faut savoir aussi, et peut-être rappeler aux auditeurs d'Europe 1,
04:54je vais parler sur votre contrôle, c'est que le Hamas est une branche
04:57de l'organisation des frères musulmans qui sont très actifs en Europe et en particulier en France.
05:03Alors, très précisément, le Hamas est une émanation de la pensée des frères musulmans,
05:09et si vous voulez, à mon modeste niveau, je suis extrêmement ferme sur ce sujet,
05:16c'est parce que les islamistes ont toujours utilisé des moments de victoire,
05:21même symboliques, pour créer des moments de mobilisation.
05:24La naissance de la République islamique d'Iran en 1979,
05:27ça a été un grand moment de mobilisation,
05:29l'assassinat du président Sadat en 1981,
05:32ça a été un grand moment de mobilisation islamiste,
05:34la victoire sur l'armée rouge par les moudjahidines afghans,
05:37ça a été un grand moment de mobilisation.
05:39Il ne faudrait pas que le Hamas ou le djihad islamique ou le Hezbollah
05:42puissent remporter, même pas une victoire symbolique sur Israël,
05:46parce qu'Israël, c'est l'allié de l'Occident,
05:48et une victoire de l'islamisme contre Israël,
05:51ça mobiliserait et ce serait un grand moment de mobilisation
05:54pour la mouvance islamiste internationale,
05:56et il y aurait des répercussions et des conséquences,
05:58y compris sur les pays occidentaux, il ne faut pas l'oublier.
06:02Et je le dis de façon extrêmement rationnelle et très calme.
06:05C'est la raison pour laquelle je crois que beaucoup de responsables occidentaux
06:09sont en train de plier et sont quelque part terrifiés
06:12par la réaction et les pressions des opinions publiques,
06:16souvent manipulées par le narratif du Hamas,
06:19lui-même porté par des courants,
06:21notamment d'extrême gauche et de la gauche populiste,
06:23et de tous ces courants wokistes
06:25qui tentent justement de faire pression sur les alliés d'Israël
06:29pour que cette guerre cesse.
06:31Mais posons-nous la question, si la guerre cesse demain,
06:34a priori, et nous sommes tous majoritairement pour la paix,
06:37est-ce que pour autant Israël aura la paix ?
06:39La réponse est non.
06:41Parce que une guerre qui cesserait aujourd'hui
06:43permettrait de reconstruire le Hamas,
06:45permettrait de reconstruire l'arsenal militaire du Hamas,
06:48permettrait à l'Iran de continuer de fournir le Hamas et le Hezbollah
06:52en armes et en munitions,
06:54et cela va préfigurer incontestablement
06:56la prochaine attaque que subirait le territoire israélien.
06:59Le territoire israélien, et par extension,
07:01peut-on dire également ici, chez nous, en Europe,
07:04où c'est décorrélé, selon vous ?
07:06Écoutez, il y a une réalité,
07:08c'est qu'aujourd'hui, on verra après la riposte israélienne contre l'Iran,
07:13qui aura vraisemblablement lieu dans quelques jours ou dans quelques semaines,
07:17il y a une réalité qu'on oublie souvent,
07:20c'est que les Iraniens sont les vrais chefs,
07:23si j'ose dire, à la fois de ces organisations terroristes,
07:26mais aussi les champions mondiaux de la guerre asymétrique et du paurisme d'État.
07:31L'Iran, on le sait, à travers ses relais,
07:34notamment ceux du Hezbollah,
07:36mais aussi avec certains relais qu'ils recrutent dans certains pays occidentaux,
07:41ils peuvent attenter ou à des intérêts israéliens
07:44ou à des intérêts de la diaspora juive en Occident,
07:47et donc qu'il y ait des conséquences à court, à moyen ou à long terme,
07:51ça ne fait aucun doute à mes yeux.
07:53Donc, si vous voulez, c'est une guerre que doivent opposer et assumer les démocraties,
07:58toutes les démocraties, contre, finalement, la mouvance islamiste.
08:02Vous savez, je vais résumer ça en quelques mots.
08:04Mais est-ce qu'on en a conscience, Mohamed Sifaoui,
08:06quand on voit la réaction, peut-être, de notre chef de l'État, Emmanuel Macron,
08:11qui appelle à beaucoup de mesures,
08:13qui a eu des mots, on y reviendra tout à l'heure,
08:16avec Véronique Jacquet et Philippe Guybert, à propos d'Israël.
08:19Est-ce que les leaders occidentaux ont conscience de ça,
08:22ou est-ce qu'ils se voilent la face ?
08:24Et pourquoi ils se voilent la face ?
08:27Si vous avez une explication,
08:29ce serait bien pour les auditeurs d'Europe.
08:33Je vais vous donner l'explication que je peux en tirer à titre personnel,
08:36avec un peu de recul.
08:38C'est de considérer, et c'est une erreur monumentale,
08:41que la guerre contre le terrorisme que mènent les Israéliens
08:44ne serait que le problème des Israéliens.
08:46En vérité, les Israéliens mènent une guerre contre le terrorisme islamiste,
08:50qui est aussi celle de tous les démocrates et de toutes les démocraties.
08:53Au même titre que l'antisémitisme n'est pas un problème pour les Juifs,
08:57la guerre contre le terrorisme islamiste,
08:59y compris lorsqu'il est incarné par le Hezbollah,
09:01par le Hamas ou par la République islamique d'Iran,
09:03ce n'est pas uniquement le problème des Israéliens.
09:06Le jour où les dirigeants occidentaux comprendront ça,
09:09et l'assumeront, parce qu'en vérité,
09:11il faut faire le distinguo entre ce qu'ils comprennent et ce qu'ils font,
09:15ils restent des alliés stratégiques d'Israël,
09:17mais ils n'assument pas ça devant leurs opinions publiques,
09:19et je pense que les opinions publiques doivent recevoir une pédagogie nécessaire
09:24quant aux enjeux qu'il y a autour de cette affaire.
09:27Les enjeux, je vais les résumer en quelques mots, si vous me le permettez.
09:30La République islamique d'Iran est en train d'encercler deux pays,
09:33qui sont deux alliés de l'Occident,
09:36d'un côté Israël, de l'autre côté l'Arabie Saoudite,
09:38en créant un arc chiite, qui est un arc de la terreur,
09:41qui est composé d'un côté des outils du Yamel,
09:44du Hezbollah au Liban,
09:47d'une cinquantaine de milices chiites armées et financées par l'Iran en Irak,
09:51d'une quinzaine de milices chiites financées et armées par l'Iran toujours en Syrie,
09:55et évidemment du Diyad islamique et du Hamas sur la bande de Gaza,
09:59et tous ces gens-là, tous ces terroristes, tous ces groupes de la terreur,
10:03ont un seul objectif,
10:05c'est de faire en sorte de porter une guerre par procuration,
10:08que mènent la République islamique d'Iran et ces mollahs,
10:10contre un certain nombre de pays,
10:12dans une optique d'hégémonie à la fois sur le territoire moyen-oriental,
10:17mais au-delà pour, je dirais, imposer un point de vue,
10:21qui est le point de vue de l'islam politique,
10:23et in fine pour essayer de gagner du temps et d'acquérir évidemment la bombe nucléaire.
10:28Est-ce que c'est dans l'intérêt des Occidentaux de laisser un régime aussi totalitaire,
10:33un régime voyou, un État terroriste, disposer d'une arme nucléaire ?
10:39Je ne le pense pas.
10:40Donc l'enjeu aujourd'hui, c'est d'arriver à affaiblir la République islamique d'Iran
10:45en détruisant la capacité militaire de tous les proxys qui sont les siens,
10:50et ce sont ceux que j'ai cités, en l'occurrence,
10:52les Houthis, le Hamas, le djihad islamique, le Hezbollah,
10:55et toutes les autres milices qui sont ici et là.
10:57Mais Mohamed Sifahi, une chose encore,
10:59je voudrais que vous expliquiez, selon vous, pourquoi Emmanuel Macron,
11:04quand on entend effectivement ce que vous dites,
11:06Israël est en train de faire le travail des démocraties occidentales,
11:10si l'on prend notre chef de l'État, je vous repose la question,
11:14pourquoi, selon vous, Emmanuel Macron est dans cette posture et appel à la paix ?
11:19Comment vous expliquez la réaction du chef de l'État face aux actions d'Israël ?
11:26Je pense que le président de la République est très mal à l'aise par rapport à ces sujets.
11:31Sur un plan intérieur, il a toujours été très mal à l'aise par rapport à la question de la laïcité,
11:34la lutte contre l'islam politique.
11:36On a vu qu'il y a eu des retards à l'allumage.
11:38D'abord, ce n'est pas sa fibre idéologique, il ne comprend pas énormément les choses.
11:42Il les comprend vraiment à sa manière.
11:44Et sur le plan international, il faut le reconnaître,
11:46il se vautre totalement sur plusieurs sujets.
11:48Et sur ce sujet, il a été dans une incohérence extraordinaire.
11:51C'est-à-dire qu'on est parti d'une déclaration faite quasiment le lendemain du 7 octobre 2023,
11:57où il appelait à une coalition internationale
11:59pour essayer de faire pression aujourd'hui sur les Israéliens,
12:02leur demander d'arrêter la guerre sans délai.
12:04Ça n'a pas de sens, puisqu'au moment où il annonçait une coalition
12:09qui n'avait pas de sens en réalité dans l'état actuel des choses,
12:13il montre l'étendue de l'incohérence qui est la sienne.
12:18Et en vérité, il montre rien d'autre que c'est un homme de communication,
12:22plus qu'un homme d'action et un homme d'État conscient des enjeux
12:26auxquels les Français sont aussi impliqués.
12:29Et d'ailleurs, c'est cet apéprisme, si j'ose dire,
12:33qui fait perdre à la France son influence,
12:35à la fois sur le continent africain et sur le Moyen-Orient.
12:38La voix de la France est très peu écoutée aujourd'hui, malheureusement.
12:41Il faut le regretter.
12:42Et l'un des rares pays où la France a encore de l'influence, c'est le Liban.
12:46Or, la France ne joue pas son rôle au Liban,
12:48parce que justement, son rôle, c'est d'accompagner
12:52une transformation de l'échiquier politique libanais
12:55en profitant justement de l'état d'affaiblissement
12:58dans lequel se retrouve aujourd'hui le Hezbollah.
13:00Merci infiniment, Mohamed Sifaoui.
13:02Journaliste, politologue, auteur de l'ouvrage Hamas,
13:04plongé au cœur du groupe terroriste des éditions du Rocher
13:07qui est sorti en août.
13:08Merci d'avoir été avec nous sur Europe 1,
13:11dans Europe 1 Soir Week-end.
13:13On va débriefer effectivement de cet entretien
13:15avec Philippe Guibert et Véronique Jacquin.
13:17On reparlera aussi de la colère d'Emmanuel Macron
13:19dans un tout petit instant.
13:21Grosse colère sur...
13:23Après les mots qui ont été révélés par les journalistes
13:25et les ministres du chef de l'État, on va en parler.

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