• il y a 12 heures
Dans C'est Excellent, Judith Beller reçoit Yann Moix, auteur de "Apnée" - Ed. Grasset / Francis Bussière, président de la Chambre de Métiers et de l'Artisanat d'Ile-de-France

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##C_EST_EXCELLENT-2025-02-02##

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Transcription
00:00Bonsoir, bonsoir, c'est excellent, c'est votre rendez-vous du dimanche soir, votre
00:07moment de détente à l'écoute de ceux qui excellent dans leur chemin sur Sud Radio.
00:11Il est connu pour sa plume incisive qui dépeint notre société avec ses mots sans complexe,
00:16ce qu'il réitère à nouveau dans son dernier roman, Yann Moix, vous nous revenez ce soir
00:19avec Apnée, tout juste sorti chez Grasset.
00:22Un livre, ou plutôt une performance littéraire, j'ai envie de dire, en alexandrin, qui nous
00:26raconte le XXe siècle d'un point de vue subaquatique, c'est-à-dire sous l'eau, une
00:29société hallucinée où l'histoire devient un théâtre liquide, et un texte impertinent,
00:33comme vous savez si bien les faire Yann Moix, bienvenue.
00:35Merci de votre invitation, chère Juliette.
00:37Avec plaisir.
00:38Très heureux de vous revoir.
00:39Pareillement.
00:40Il est passé de la finance à l'artisanat pour devenir homme de terrain, plus précisément
00:44un maçon, puis il s'est remis au service de celles, il s'est mis tout simplement au
00:48service de celles et ceux qui façonnent notre quotidien de leur main, Francis Bussière
00:52est président de la chambre des métiers et de l'artisanat d'Ile-de-France.
00:55Francis, en cette semaine de l'apprentissage, nous allons notamment parler de son avenir,
00:59mais aussi bien entendu de votre engagement pour la valorisation des savoir-faire français.
01:03Bienvenue sur Sud Radio.
01:04Merci pour cette invitation.
01:05Avec grand plaisir.
01:06Alors le lien ne sera pas difficile, chers auditeurs, à créer entre mes deux invités
01:09ce soir, puisque j'ai a priori entendu qu'ils venaient tous les deux de Nevers, en Bourgogne.
01:13Je n'ai pas fini d'entendre parler.
01:14Vous avez ça en commun.
01:15Vous savez, c'est marrant les êtres humains, parce que je connais Francis depuis quelques
01:19minutes et je suis assez sauvage, étant donné que je suis TDH Asperger, je suis très heureux
01:23d'avoir rencontré Francis, parce qu'en quelques minutes, mon cerveau a immédiatement
01:28sécrété l'idée selon laquelle c'était quelqu'un de bien.
01:30Je sens les gens, et c'est vrai que je suis sûr que c'est un individu exceptionnel et
01:36surtout extrêmement gentil.
01:37Je sens que chez Francis, on aurait pu être amis si on s'était croisé à Nevers en
01:451974.
01:46Peut-être que vous allez être amis maintenant.
01:47Allez, chers auditeurs du Sud Radio, c'est excellent, bienvenue chez vous.
01:50Alors Yann Moix, vous venez de sortir ce roman apnée chez Grasset.
01:57Tout en alexandrin, je le précise.
02:00Très joli livre.
02:01Déjà, en apnée, on suffoque, clairement.
02:03Vous faites plonger le lecteur dans une odyssée sous-marine, il y a l'histoire, la poésie
02:07qui se mêle.
02:08Et puis ce titre, je le redis, il évoque l'étouffement, une espèce de respiration
02:12suspendue comme ça.
02:13C'est quoi ? C'est face au poids du passé ? C'est face au fait de le raconter ?
02:17Le XXe siècle est un siècle irrespirable, on a maintenant suffisamment de recul pour
02:20s'en apercevoir, et donc j'ai imaginé que le XXe siècle serait itéré à l'infini
02:25sous l'eau.
02:26Tous les épisodes de ce siècle-là, Hiroshima, Auschwitz, la guerre 14-18, la guerre d'Algérie,
02:33la guerre d'Indochine, tous ces événements macroscopiques et d'autres événements
02:37microscopiques passent leur vie à se réitérer sous l'eau.
02:41Alors évidemment, avec les exigences que comporte le monde subaquatique, c'est-à-dire
02:47beaucoup de poissons, et aussi le ralentissement, le freinage des balles et des obus par la
02:52pression de l'eau.
02:54Ça redonne un monde totalement ralenti, un siècle ralenti qui passe sa vie à se recommencer
03:01sans cesse.
03:02Et je suis spectateur avec une compagne de ce siècle, il y a Mohamed Ali, il y a Sacha
03:06Guitry, il y a beaucoup d'écrivains que j'aime, il y a aussi des événements terribles
03:09de ce siècle qui maintenant appartient aux historiens.
03:12Et cet éternel recommencement finalement, c'est celui dont nous parle Lévi-Strauss,
03:15c'est ça aussi que vous aviez envie de mettre en exergue, de l'humanité qui se répète
03:19en permanent ?
03:20Oui, le paradis ou l'enfer était vraiment sous nos pieds, et non pas au ciel mais sous
03:24l'eau.
03:25C'est comme une histoire sous l'eau, je ne sais pas pourquoi j'imaginais ça, sans
03:27doute parce que j'adore nager, mais je trouvais littérairement passionnant de décrire la
03:33difficulté d'un siècle rapide à s'exercer de nouveau, freiné par l'eau en fait, c'est
03:38ça qui m'intéresse.
03:39Et alors cette asphyxie justement, elle est aussi la vôtre face à ce siècle, le XXe
03:45siècle, la nôtre aussi, et puis celle de notre mémoire collective finalement, parce
03:48qu'on est dans une période de cancel culture, où on veut oublier les choses, ou les effacer
03:52en tout cas.
03:53Je ne pensais pas pouvoir dire que le XXe siècle était presque plus vivable que le
03:57XXIe, qui me semble totalement vicié de toutes parts, et je ne pensais pas surtout que l'autoritarisme,
04:04le fascisme, aussi le puritanisme allaient revenir de manière voilée, déguisée, sous
04:09d'autres formes, c'est-à-dire empruntant le costume de la liberté et de la démocratie,
04:14et on arrive à l'absurdité même du processus démocratique poussé jusqu'à ses dernières
04:18limites et qui se transforme lui-même en régime autocratique, où l'espionnite et la dénonciation
04:24sont de règle 24h sur 24, je considère que nous vivons dans un état de fascisme soft,
04:30en Europe, pas tous les pays, mais en France notamment, on vit dans un pays où il est
04:34impossible que la liberté d'expression puisse aller jusqu'où elle le souhaiterait.
04:38Je me souviens d'une époque, quand j'étais enfant ou adolescent, où lorsque vous disiez
04:42une énormité, il y avait un contradicteur en face, qui plutôt que de vous faire mourir
04:47immédiatement et socialement, vous remettait tranquillement à votre place parce qu'il
04:50était plus cultivé, plus intelligent que vous.
04:52Maintenant c'est la bêtise qui règne, les réseaux sociaux sont une barbarie, et surtout,
04:56si vous avez l'impudence de dire quelque chose que les autres ne disent pas, même
05:00si vous avez raison, vous êtes socialement mort pour une petite dizaine d'années.
05:04Oui, bien sûr.
05:06Alors, ce livre il raconte, comme on vient de le dire, nos batailles du siècle dernier,
05:11celui aussi que nombre d'entre nous ont connu, parce qu'on est quand même à cheval
05:14sur deux siècles cette génération.
05:15C'est un récit en alexandrin qui rappelle aussi l'ambition des grandes épopées, comme
05:20celle de Dante et de Béatrice dans La Divine Comédie, sauf que vous, c'est avec Emmanuel
05:24que vous plongez en eaux troubles.
05:25Pourquoi c'était important aussi d'avoir cette présence féminine qui vous accompagne
05:28comme ça ?
05:29Parce qu'à l'époque j'étais avec une jeune femme qui s'appelait et qui s'appelle
05:32toujours Emmanuel, que mon actuelle compagne était un peu désolée que je ne puisse pas
05:39modifier le prénom, puisque comme c'est en alexandrin, je n'allais pas refaire tout
05:42de mon livre avec une jeune femme qui s'appelle Laura, par exemple.
05:46Ça tombait mal.
05:47Il y a vraiment un prénom qu'on ne peut pas changer, c'est quand en alexandrin...
05:50En A, ça aurait été plus facile, Henri-Emmanuel, je l'ai dit.
05:53Vous savez, ma chère Judith, en alexandrin, tout était vissé, boulonné, vous touchez
05:57à quelque chose, tout dégringole, c'est comme au Mikado, donc je ne pouvais rien faire.
06:00Et puis je trouve qu'une plongée en couple, c'est plus intéressant qu'une plongée tout
06:04seul.
06:05Oui, bien sûr.
06:06Il me fallait un peu de compagnie face au XXe siècle.
06:08Et puis, je trouve que le XXe siècle a été, malgré tout, malgré ses horreurs, un siècle
06:14où l'art, notamment, ne s'excusait pas d'en être et où l'art avait cette particularité
06:19ni d'être moral, ni d'être immoral, mais d'être amoral.
06:22L'art était coupé de la morale et aujourd'hui, on veut que l'art redevienne d'une certaine
06:28manière emprunt de morale, qu'il dénonce tout et son contraire toute la journée à
06:34condition que ça aille dans la doxa et dans le mouvement décrété par quelques-uns.
06:39Et lorsque je vois que certaines œuvres du XXe siècle sont mises au pilori à cause
06:43de leurs excès, de leurs injustices ou de leur folie, je me mets à regretter certaines
06:49époques d'antan.
06:50Dont celle du XXe siècle qui était si terrible, effectivement.
06:53Oui, parce que l'art au XXe siècle, pictural, architectural, cinématographique et littéraire,
07:00était un art qui n'avait pas peur des conséquences qu'il pouvait déclencher.
07:04Ce n'était pas quelque chose qui s'excusait à l'avance de dire ce qu'il avait à dire.
07:08On croirait qu'aujourd'hui, être pour la liberté, c'est être réac, en fait ?
07:12Être pour la liberté, c'est considérer qu'on se met en danger.
07:15En fait, celui qui dit vraiment ce qu'il pense aujourd'hui, en France, en 2025, il
07:19faut qu'il réfléchisse à deux fois.
07:21Parce que je ne dirais pas qu'on le considère comme réac, mais en tout cas, on va le considérer
07:25comme suicidaire.
07:26Avec une hypocrisie qui consiste à savoir exactement ce que les autres pensent, puisque
07:31ça m'est arrivé d'interroger des gens, je savais que dans la vie civile, ils exprimaient
07:36le symétrique opposé de ce qu'ils disaient dans la vie médiatique.
07:39Mais il y a une espèce d'hypocrisie latente où, comme dans les dictatures, chacun s'observe
07:44et a peur de dire un mot de plus que l'autre, puisqu'il sait très bien que c'est son camarade
07:48de promotion qui va le dénoncer à la première occasion.
07:50J'ai vécu ça, par exemple, en Corée du Nord, où vous savez qu'il y a des couples
07:53qui restent 50 ans ensemble, ils parlent de la pluie et du beau temps toute la journée.
07:56Or, aujourd'hui, on vit dans une société en France où on est condamné à parler de
07:59la pluie et du beau temps.
08:00C'est un terme générique, la pluie et le beau temps, vous avez compris ce que je voulais dire.
08:04Et vous savez très bien que toute position personnelle, quelle qu'elle soit, est considérée
08:09comme un dérapage et vous avez vivement intérêt à faire vos excuses le lendemain, si, vous
08:14voyez ce que je veux dire, pour ne pas être calciné pour une décennie au moins.
08:18Dans ce livre, vous balayez, je rappelle, Afne, c'est sorti chez Grasset, toute l'histoire
08:24du 20e Ipas vous l'avez dit, d'Hiroshima aux deux guerres mondiales, à la Shoah, l'assassinat
08:27de Kennedy, les premiers pas sur la lune, Jean-Paul Sartre, Lecce, Elvis, mais le tout
08:32est, dois-je le dire, aussi brillant dans l'écriture que sombre dans votre regard,
08:36Yann Moix, c'est sombre.
08:37La littérature n'est pas là pour faire plaisir, pour moi, les livres qui méritent
08:42la décharge publique ou la poubelle, c'est les feel-good books, toute oeuvre d'art qui
08:48est là pour faire du bien, je la méprise de toutes mes forces.
08:52Parce que ça ne vient pas déranger ?
08:53Une oeuvre d'art est là, pas pour faire du mal, pour appuyer et faire un effet zoom
08:58et ralenti sur des choses que le cerveau humain a tendance à négliger ou à reléguer
09:05ailleurs pour ne pas les voir en face.
09:06La mort, la douleur, l'inceste, le viol, tout ce que vous voulez qui est insupportable.
09:14Et donc les oeuvres d'art sont là pour nous mettre en face de notre propre horreur et
09:18notre propre monstruosité.
09:20Une oeuvre d'art qui est là pour faire plaisir, ça s'appelle ce que vous voulez,
09:25mais ce n'est pas une oeuvre d'art.
09:26Les livres qui font vous sentir bien, pour moi, ce n'est pas de la littérature, c'est
09:31autre chose.
09:32C'est des choses publiées, mais ce n'est pas des choses écrites.
09:34Francis Bussière, je rappelle que vous êtes président de la chambre de métier de l'Artisanat
09:39d'Île-de-France.
09:40Ce passé dont nous parlons et qui n'est jamais figé, puisque c'est la mémoire vivante
09:44aussi, qui se transmet à chaque génération, d'où nous parle Yann, c'est indispensable
09:49totalement à la transmission et à l'apprentissage, dont c'est la semaine et dont vous allez
09:52nous parler dans quelques instants.
09:54C'est très important, ça, justement, allez-y.
09:57C'est plus que très important, c'est le sang qui se renouvelle en permanence.
10:01Moi, j'ai l'habitude de dire, pas avec le talent de Yann évidemment, mais que l'artisanat,
10:09c'est comme un corps humain dans une société.
10:11Vous avez, je regardais effectivement, je ne sais plus où, l'homme qui a été mis
10:19de...
10:20Comment il s'appelle ? Celui qui est comme ça, là ?
10:23Léonard de Vinci.
10:24Léonard de Vinci.
10:25Merci.
10:26Eh bien, l'artisanat, c'est ça dans notre société.
10:28C'est-à-dire que vous avez à la fois, bien sûr, c'est obligatoirement quelque chose
10:33qui est nécessaire à tout être humain, sans manger, sans pain, sans boucherie, sans
10:40aliments, mais aussi sans réparation, sans maison.
10:43C'est nécessaire.
10:44Et c'est aussi, bien sûr, ces mains qui fabriquent, mais pas uniquement elles fabriquent comment
10:49tout cet artisanat.
10:50Elles fabriquent avec la tête, elles fabriquent aussi avec le cœur.
10:53Et puis aussi avec des techniques.
10:55Et aussi avec des techniques, bien sûr.
10:57Et les techniques, elles sont, bien sûr, ancestrales.
10:59Bien évidemment, elles sont millénaires, mais elles évoluent aussi.
11:03L'artisanat, c'est de la tradition, bien sûr, mais c'est de l'innovation incroyable.
11:07Vous savez, par exemple, j'étais ce matin à Matignon pour la galette des boulangers
11:13du Grand Paris.
11:14Très bien, monsieur.
11:15Donc, nous avions Franck Thomas, qui est le président des boulangers du Grand Paris, qui
11:20présentait la galette en premier ministre à monsieur Bayrou, qui n'a pas non plus été.
11:25Je le voyais assez fatigué, d'ailleurs.
11:26Mais bon, le pauvre, je pense que, effectivement, ça ne doit pas être simple pour lui.
11:31Oui, il le voulait, le poste.
11:32Pardon.
11:33Il le voulait.
11:34Enfin, moi, je ne vais pas, ce n'est pas mon propos.
11:35Passons.
11:37On expliquait qu'on avait fait, Franck Thomas expliquait qu'ils avaient fait au Grand Paris
11:43une baguette qui faisait, qui avait remporté le record du monde de la longueur de 140 mètres.
11:48Alors, 140 mètres, une baguette, ce n'est pas possible à faire.
11:52Il n'y a pas de four qui existe.
11:53Alors, comment ils ont fait, les boulangers ? Mais c'est valable pour toutes les professions.
11:56L'artisanat, ils ont fait un four mobile.
11:59Donc, ils ont créé un four pour l'occasion.
12:02Absolument.
12:03Et c'est ça, l'artisanat.
12:04C'est vraiment le lien entre ces savoir-faire ancestraux et cette innovation permanente.
12:08Cette modernité permanente.
12:10Parce que vous savez, les artisans, s'ils n'innovent pas, s'ils ne sont pas au goût
12:13du jour, s'ils ne sont pas en avance, et bien, premièrement, ils ne vendent pas.
12:17Ce n'est pas beau.
12:18Yann, je le rejoins complètement dans ce qu'il disait.
12:20Il faut être disruptif aussi.
12:22Il faut être accompagné, bien sûr, des innovations, mais être aussi, vous savez,
12:28le beau, c'est nécessaire à nos sociétés.
12:31Je suis bien d'accord.
12:32Allez, parlons vrai sur Sud Radio.
12:34C'est le cas avec l'écrivain Yann Moix et Apne, son dernier roman tout en alexandrin
12:38qui est sorti chez Grasset.
12:39Et Francis Bussière, président de la Chambre de métiers et d'artisanat de l'Île-de-France,
12:43vous restez là surtout.
12:44A tout de suite.
12:45Sud Radio, c'est excellent.
12:48Judith Beller.
12:49Merci d'être avec nous sur Sud Radio, chers auditrices, chers auditeurs.
12:52C'est un bon choix.
12:53C'est excellent ce soir.
12:54Comme tous les dimanches.
12:55On est avec l'écrivain Yann Moix et son tout nouveau roman tout en alexandrin, Apne, sorti
13:00chez Grasset.
13:01Et puis, le président de la Chambre de métiers et de l'artisanat de l'Île-de-France, Francis
13:04Bussière.
13:05Alors, Francis Bussière, c'est la semaine de l'apprentissage, on l'a dit tout à l'heure.
13:09On va faire un petit focus dessus quand même.
13:10La CMA, donc, pour la Chambre de métiers et de l'artisanat de l'Île-de-France, comment
13:17est-ce que vous mettez en place l'accompagnement des jeunes talents en Île-de-France en ce
13:21moment ? Comment ça se passe ?
13:22Déjà, en leur disant, rencontrons-nous ! Voilà, c'est tout simplement comme toute
13:28rencontre.
13:30Donc, nous avons des journées portes ouvertes, alors là, évidemment, j'engage.
13:33On peut s'inscrire sur votre site, je précise.
13:35Absolument, c'est exactement, c'est emma-diayefe.fr.
13:38Voilà, c'est bien de ça dont il s'agit.
13:41C'est-à-dire que nous avons à proposer à nos jeunes, des jeunes qui vont de 16 ans
13:48à 30 ans.
13:49Donc, c'est aussi l'apprentissage, c'est toute cette durée.
13:52Parce qu'on est encore jeunes à 30 ans.
13:53Et on est encore jeunes à 30 ans.
13:55Enfin, un tout petit peu moins, c'est la limite pour l'apprentissage.
13:59Donc, c'est vraiment ça.
14:00On leur propose, sur 11 sites, 11 centres de formation en Ile-de-France, nous leur proposons
14:0650 métiers à apprendre.
14:08Par exemple ?
14:09Par exemple, ça va être de mécanicien automobile, c'est la semaine prochaine, c'est la semaine
14:15de l'automobile.
14:16Ça va être boulanger, j'en ai parlé, ça va être boucher, ça va être esthéticien,
14:21esthéticienne, parce qu'il y a aussi des hommes, coiffeur, coiffeuse, etc., etc.
14:27Taxi ?
14:28D'accord.
14:29C'est vrai qu'on n'y pense pas, au taxi.
14:30Taxi, alors, on n'est pas en tant qu'organisme de formation, il y a d'autres organismes,
14:36mais nous sommes en tant...
14:37On peut être apprenti taxi, quoi.
14:39Alors, on ne va pas se focaliser sur les taxis, même si je les adore.
14:43Mais ce que je veux dire, c'est que nous faisons passer les examens taxi.
14:47C'est donc ça où on a cette grosse responsabilité, parce que ce n'est pas rien.
14:54Mais nous avons du bâtiment, nous avons les 50 métiers.
14:57Et alors, c'est un secteur qui reste résilient aussi, parce qu'il se renouvelle en permanence
15:01finalement, aussi, avec cette jeunesse, avec cette fraîcheur et cette volonté de faire
15:05aussi, parce qu'il y a aussi la volonté dans votre métier, parce que c'est un métier
15:09entrepreneuriel qui n'est pas toujours simple.
15:10Vous savez, un apprenti sur deux a envie de créer sa propre entreprise et ça tombe
15:18bien.
15:19Je vais vous dire pourquoi.
15:20Allez-y.
15:21Parce qu'il y a les 300, 348 000 entreprises artisanales, quand même.
15:27Ce n'est pas rien.
15:28Nous en avons, et sur Paris plus exactement, nous avons 65 000 entreprises artisanales.
15:34Nous avons 10 000 entrepreneurs, chefs d'entreprise qui ont plus de 60 ans.
15:38Il va bien falloir faire reprendre ces boîtes.
15:40Et puis l'artisanat, arrêtez-moi si je me trompe, c'est quand même le premier employeur
15:43de France.
15:44C'est le premier employeur de France.
15:45Absolument.
15:46Il y a plusieurs millions de gens qui sont employés par des artisans.
15:48Absolument.
15:50Nous avons 2,4 millions d'entreprises artisanales en France et nous avons, je vais reprendre
15:56mes chiffres parce qu'il bouge tout le temps, 3,1 millions d'actifs qui dépendent de l'entreprise
16:02artisanale.
16:03Ça représente, vous savez combien ça représente de chiffre d'affaires ?
16:06Allez-y.
16:07Dites-moi un chiffre.
16:08Je ne sais pas, 2 milliards ?
16:09Vous savez combien est le déficit de la France actuellement ?
16:113 000 milliards.
16:12Très bien.
16:13Donc nous avons 300 milliards d'euros qui sont produits par l'artisanat en France.
16:20300 milliards d'euros de chiffre d'affaires.
16:22Arrêtez, ça va leur donner des mauvaises idées après, ils vont vouloir taxer.
16:24Vous savez, on est assez habitués malheureusement, les artisans, à voir Monsieur le Percepteur
16:30venir nous voir parce qu'effectivement, nous sommes créateurs de richesses incroyables.
16:34Nous sommes créateurs d'emplois non délocalisables et nous sommes créateurs de richesses.
16:39Et vous savez, des créateurs de richesses, mais de culture aussi.
16:42Les métiers d'art, on n'y pense pas.
16:44Mais c'est des métiers merveilleux.
16:47Alors, les défis à relever pour continuer à préserver cet apprentissage qui est florissant
16:51finalement, qu'est-ce qu'il faudrait rendre pérenne de manière à ce qu'il n'y ait
16:55plus de remise en question possible à l'avenir ?
16:57Alors, je voudrais peut-être vous parler de florissant, je pensais aux arts florissants.
17:03Vous savez, cette époque baroque, mais bénie je trouve en tout cas, avec Rameau, etc.
17:10Parce que Rameau, c'est le 18ème, parce que Rameau, c'est aussi les périodes bénies
17:14de l'artisanat.
17:15On peut oublier un truc quand même qui est tout bête, mais le maire de Paris, à l'époque,
17:20c'était donc Étienne Marcel, c'était un artisan, un commerçant.
17:24Ça serait pas mal, ça, qu'on ait des gens, des commerçants, des artisans qui reprennent
17:28un peu les places du peuple ?
17:29Écoutez, je ne fais pas là-dessus.
17:31Ça ferait plaisir à Yann Moix peut-être, non ?
17:35On parlait, vous savez, de la Nièvre, on parlait de Clamsy, on parlait du Duchêne Nevers
17:43tout à l'heure.
17:44C'est un artisan, c'est des artisans avec les villes franches qui étaient organisés
17:47au Moyen-Âge pour résister aux grands duchés de Bourgogne, aux grands duchés de Nevers aussi.
17:54C'est quoi les métiers les plus demandés ?
17:56Aujourd'hui, on va dire que l'alimentation est demandée, bien évidemment.
18:02Aujourd'hui, on va dire que...
18:04Tout ce qui est chef, cuisine, tout ça ?
18:06Oui, on va surfer sur la mode.
18:09Et quoi d'autre ?
18:11Moi, j'ai envie de vous dire, par exemple, c'est incroyable, mais les mécaniciens,
18:14on a tout d'un coup des remontées.
18:19Et est-ce qu'il y a des filles qui font mécanique ?
18:21Mais oui, il y a des filles.
18:23Mais il y a des filles partout.
18:25C'est incroyable.
18:27Il y a des filles partout.
18:29Venez dans nos centres de formation et vous allez voir, il y en a 11 dans l'Île-de-France.
18:33Les centres de formation d'apprentissage, ça s'appelle les CFA, il y en a pas mal
18:36en Île-de-France, il y en a un peu partout sur le territoire, justement.
18:39Il faut une synergie. Est-ce qu'il y a une synergie déjà entre les écoles elles-mêmes,
18:42les écoles publiques, ou les autres, d'ailleurs, et les autres acteurs de l'éducation ?
18:47Est-ce que tout ça fonctionne bien ou pas ?
18:49Ou pas comme vous voudriez ?
18:50C'est une question piège.
18:52Je vois pas du tout ce que vous voulez dire.
18:54Non, je vais dire très clairement, vous savez, l'éducation nationale,
18:59c'est pas pour refaire un vieux poncif, etc.
19:01Mais globalement, elle a toujours été prudente.
19:04Je vais prendre ce mot-là.
19:06On va aussi parler vrai, puisque j'ai Yann en face de moi,
19:09donc il m'a appris à être un peu plus incisif.
19:11Mais c'est vrai que l'artisanat a toujours véhiculé par l'éducation nationale,
19:16souvent, si tu rates tes études, tu iras garagiste ou tu feras plombier.
19:21Je peux vous assurer qu'il y a certaines personnes qui ont fait des brillantes études,
19:25qui aimeraient bien être plombier et avoir le salaire d'un plombier à la fin du mois.
19:29Ouais, c'est sûr.
19:30Et alors justement, les métiers artisanaux et ces maîtres d'art dont on parlait à l'instant,
19:35ce savoir-faire, cette excellence à la française qui est quand même peu commune,
19:38elle joue, c'est de la culture, comme vous disiez,
19:41et c'est très important pour la préservation, pour la mémoire aussi,
19:44et pour la préservation de notre patrimoine culturel et vivant.
19:48C'est essentiel, enfin, surtout par exemple à Paris,
19:51où vous avez 6000 entrepreneurs métiers d'art,
19:56donc vous avez 6000 personnes qui vivent des fois un peu chichement,
20:00il faut être très clair.
20:02Vous ne faites pas fortune en étant sculpteur sur bois, en étant ébéniste, etc.
20:07Ou alors une très petite minorité.
20:09Donc oui, ce sont des métiers passion avant tout.
20:12C'est-à-dire que quand vous lancez dans l'artisanat,
20:14si vous n'avez pas la passion chevillée au cœur, vous restez là où vous êtes.
20:18Moi j'ai fait cette transformation, de vous rappeler au début de l'émission,
20:23j'étais dans la banque, même dans la finance à un moment donné,
20:26j'ai eu envie de me colter au réel, c'est-à-dire à la matière aussi.
20:32Voilà, c'est important.
20:34On va mettre les mains dedans un peu.
20:35Alors Yann Moix, quand on écoute parler Francis Bussière,
20:38on se dit qu'à l'instar des grands événements historiques
20:40que vous nous décrivez dans Apnée,
20:42les métiers artisanaux ont une place prépondérante dans cette préservation de la mémoire.
20:46C'est-à-dire qu'il n'y a pas que les grands événements,
20:48il y a aussi les objets qui ont été créés,
20:50il y a aussi toute cette culture à la française.
20:52Il y a une très grande différence entre l'histoire et la mémoire,
20:54c'est que l'histoire, ça ne se transmet pas.
20:56L'histoire, c'est un catalogue d'événements qui est très difficile de transmettre.
21:00Qu'est-ce qui se transmet, Judith ?
21:01Les gestes, la danse se transmet, la littérature se transmet,
21:06la poésie se transmet, l'humour à travers une blague se transmet.
21:10Ce qui ne se transmet pas, c'est la peinture, c'est les images.
21:13C'est pour ça d'ailleurs qu'il y a eu beaucoup d'iconoclastes chez les grands écrivains,
21:17puisque tout ça, il y a quelque chose de juif dans la transmission.
21:21Ce que j'aime dans le milieu de l'artisanat,
21:24ce n'est pas la transmission d'un savoir-faire,
21:28enfin si, mais c'est la transmission d'un geste et d'une gestuelle.
21:31Et cette gestuelle, elle peut remonter à 5000 ans avant Jésus-Christ,
21:34elle peut bouger exactement comme on transmet une langue,
21:37comme on transmet une chanson,
21:39comme on transmet un rite,
21:41comme on transmet peut-être parfois une tradition.
21:44C'est pour ça que pour moi, ce n'est pas un héritage,
21:47c'est une transmission.
21:49Or, comme le disait Malraux, un héritage, c'est précisément ce qui ne se transmet pas.
21:53Un héritage, c'est massif.
21:55Un héritage, c'est une thésaurisation.
21:57Un héritage, c'est des pierres.
21:59C'est quelque chose qui a été, d'une certaine manière, récolté et amassé.
22:03Et dans ce qui est de la transmission, on s'allège,
22:06on ne transmet rien de matériel.
22:08On transmet une gestuelle,
22:10une façon de jouer de la guitare, du piano,
22:12une façon de raboter du bois,
22:14une façon de savoir comment on esquisse un geste.
22:18Savoir comment on râcle une pomme de terre.
22:21Et quels que soient les métiers dont parlait notre ami Francis,
22:26il est clair qu'il y a une noblesse du métier artistique
22:30et que la cuistrerie franco-française,
22:33qui aime tant rabaisser les manuels au prétexte que les intellectuels font tout,
22:38quand on voit le niveau de l'intelligence française des intellectuels,
22:41heureusement qu'il y a les artisans pour nous rappeler
22:44qu'au sommet du savoir-faire, il y a des gens qui ne font rien dans l'à-peu-près,
22:47qui ne font rien sans savoir ce qu'ils font
22:50et qui ont aussi une obsession du travail bien fait.
22:53Ce sont les artisans. Pourquoi ?
22:55Parce que s'ils se trompent, contrairement au milieu intellectuel,
22:58ça se voit immédiatement.
23:00Et donc eux, c'est la matière qui leur résiste.
23:02Et ils sont seuls avec eux-mêmes.
23:04Il n'y a pas quelqu'un qui vient les décorer de quoi que ce soit.
23:06C'est la matière qui leur résiste.
23:08Et ils savent très bien que si le geste n'est pas exécuté comme il l'était il y a 255 ans,
23:14alors ils ont raté quelque chose.
23:16Et donc c'est de eux à eux que se dresse l'obstacle.
23:20Et si vous voulez, c'est la grande différence entre les honneurs et les récompenses.
23:24Là, la récompense, c'est le travail.
23:26Et les honneurs, c'est pour les cuistres.
23:28Et c'est pour ça que j'aime les artisans,
23:30parce que je fais le même travail qu'eux.
23:32Le matin, je me mets à mon établi, je me lève très tôt
23:34et j'ai les phrases devant moi comme une sorte de...
23:37Un écrivain, c'est un artisan ?
23:39Oui, il suffit d'un stylo et une feuille de papier.
23:41C'est de l'artisanat.
23:43Je n'ai besoin de rien d'autre.
23:44Je me considère tout seul avec moi-même devant un établi.
23:47Et si vous voulez, je n'ai aucun concurrent, je n'ai que moi.
23:53Et je suis en compétition avec moi-même.
23:56C'est pourquoi beaucoup d'artisans qui ont du génie
23:59deviennent aussi des artistes à leur manière.
24:01Et ce que j'aime chez l'artisan, c'est que je sais que dans une même matière,
24:05un artisan et un autre ne sont pas interchangeables.
24:08Aucun d'entre eux, à partir de la même matière et du même geste,
24:11ils n'auront pas la même signature.
24:13Alors que dans la société actuelle,
24:15vous changez une personne, vous mettez une autre personne à sa place,
24:18ils sont interchangeables les gens.
24:20L'autre viendra faire à la virgule près la même tâche que vous.
24:23Chez les artisans, sur un même savoir-faire ou une même gestuelle,
24:26vous n'obtiendrez jamais le même résultat deux fois.
24:28Et c'est ce qui, pour moi, met les milieux artisanaux
24:31et les professions artisanales au sommet de la pyramide.
24:33Je n'aurais pas mieux dit.
24:35On va revenir sur cette unité du geste dans un instant.
24:39Avec Yann Moix et son nouveau roman « Apnée » qui est sorti chez Grasset.
24:42Président de la CMA Île-de-France.
24:44Francis Bussière, Sud Radio, c'est excellent, vous l'aurez compris.
24:51Vous avez choisi Sud Radio et vous avez bien raison, c'est excellent.
24:54Ce soir, comme tous les dimanches à 19h, on est avec Yann Moix
24:57et son nouveau roman « Apnée », sa prouesse en alexandrin sorti chez Grasset.
25:01Et puis Francis Bussière qui est le président engagé de la CMA,
25:04Chambre de métiers et de l'artisanat Île-de-France.
25:07Justement, pour continuer sur ce que Yann disait à l'instant,
25:10Francis Bussière, sur cette unicité, sur ce geste finalement
25:14qui se transmet d'un maître à son apprenti, mais pas entre maîtres.
25:17Parce que chaque savoir-faire a sa particularité.
25:20C'est ça qu'on cultive quand on est artisan.
25:23Et ça nous ramène à l'apprentissage.
25:25Vous savez, c'est incroyable quand même quand vous avez un apprenti.
25:28Et Dieu sait si je croise des artisans en permanence qui ont des apprentis.
25:32Et vous vous rendez compte, ils me disent « Mais tu sais Francis,
25:35il faut avoir la passion, parce qu'il y a quand même des sacrés loulous. »
25:38Et c'est vrai. Et ce sont en plus des éducateurs, mais formidables.
25:42Mais ils ont la passion de leur métier, la passion du geste dont parlait Yann.
25:47Évidemment, ils ont aussi la passion de l'être humain.
25:50Et c'est ça qu'on retrouve dans l'artisanat.
25:52C'est cette incroyable, infinie passion de l'être humain
25:57dans la capacité à faire ce geste-là,
26:00qui est souvent centenaire, millénaire, etc.
26:03Et le souci de la perfection.
26:06C'est ça l'excellence en fait, c'est le souci de la perfection.
26:09C'est vouloir faire bien.
26:11Pour une raison simple, l'artisan veut évoluer non pas en extension, mais en compréhension.
26:17C'est-à-dire que maintenant que le geste est circonscrit et que la matière est connue,
26:21il ne va pas essayer de faire autre chose, de varier les effets.
26:25Il va essayer de dompter le savoir-faire microscopique qu'il a,
26:30pour l'approfondir sans arrêt.
26:32J'ai pensé à mon professeur de guitare qui fait de la guitare depuis 45 ans
26:35et qui, par rapport à B.B. King, se trouve encore un débutant.
26:38Et on parle là de neuf accords de blues.
26:40Mais cette manière de tout...
26:42Parce que les guitaristes sont aussi des artisans.
26:44C'est une histoire de style finalement.
26:46Mais oui, parce que faire vibrer la corde comme B.B. King, ça demande une vie.
26:49Et pourtant, la théorie, c'est bon, tout le monde l'a, la théorie.
26:53Tout se joue dans le geste, il faut approfondir à l'infini,
26:55parce que la matière rend humble.
26:58C'est l'humilité, la modestie, c'est un truc d'imbécile.
27:01J'ai l'impression que vous enlevez les mots.
27:03La modestie, c'est envers les autres.
27:05L'humilité, c'est envers soi et envers la matière.
27:08Et la matière nous renvoie toujours à notre insignifiance, à notre ignorance.
27:12La matière et la gestuelle nous disent, mon ami,
27:15merci de t'intéresser à moi, mais tu n'es toujours qu'un élève.
27:19Tu n'es pas grand-chose, tu as encore du chemin à faire.
27:22Je vais rebondir sur Yann, parce que c'est incroyable ce qu'il dit.
27:26Parce que c'est vrai, c'est tellement vrai.
27:28Il a les mots aussi, c'est son job.
27:30C'est quand même incroyable.
27:32Une meilleure ouvrière de France.
27:34C'est quelqu'un qui est au top du top du top.
27:37Le concours, c'est les pères qui disent,
27:40toi, t'es bonne ou t'es bon.
27:43Elle me dit, tu sais Francis, moi, ce geste-là,
27:46elle me montre le geste, mais ça, je l'ai répété des centaines
27:50et des centaines et des centaines de fois.
27:53C'est comme les instrumentistes.
27:55Avant que je me dise, ça va, c'est pas trop mal.
27:59Ça veut dire qu'on est encore loin du bien.
28:02On est encore pour 20 ans.
28:04L'humilité, moi, je ne parle même pas.
28:06Moi, je suis un rigolo.
28:08Ils m'ont élu président peut-être parce que c'est comme ça.
28:12C'est une histoire de style.
28:14C'est ce que disait Yann aussi.
28:16Moi, ce que j'ai, c'est la passion de défendre les artisans
28:19qui se lèvent tôt, qui bossent dur
28:21et qui gagnent des fois pas grand-chose
28:23et qui transmettent des choses.
28:25C'est ça qui est incroyable.
28:28Il y a des jeunes, on leur dit, venez regarder.
28:31Vous en parlez avec le sourire, je le dis pour les auditeurs qui n'ont pas l'image.
28:34Avec cette particularité, ils sont souvent méprisés de leur vivant.
28:37Une fois qu'ils sont morts, les bourgeois,
28:39qui leur auraient craché au visage
28:41en les rencontrant en vrai de leur vivant,
28:43collectionnent les œuvres.
28:45Une fois que la postérité est passée,
28:48le temps est passé sur ces artisans-là,
28:50on se met à faire collection de choses
28:52qu'on aurait méprisées si on les avait connues
28:54de manière contemporaine.
28:55Ça, c'est un grand classique aussi.
28:57Allez-y, Francis.
28:59Pardon, excusez-moi.
29:00Allez-y, faites-vous plaisir.
29:02Ça me passionne, évidemment.
29:03J'ai chez moi, bien précieusement,
29:05j'ai le chef-d'œuvre de mon arrière-grand-père.
29:08Enfin, mon grand-père, pardon,
29:10si je m'en bafouille.
29:11Mon grand-père qui a tout simplement fait son tour de France
29:14et qui a fait un petit escalier.
29:16Donc, il faut le chef-d'œuvre,
29:18on le fait à pop-up en fonction des déplacements.
29:21Évidemment, on ne fait pas un grand escalier.
29:24Eh bien, je l'ai toujours,
29:26mais c'est d'une précision.
29:27À un moment donné, l'escalier qui fait haut comme ça,
29:30un petit escalier en collimaison,
29:32et tout d'un coup, il était un petit peu...
29:35Il était fatigué.
29:37Je l'amène à un ami ébéniste,
29:39puis je lui dis, tiens, au fait,
29:41tu ne pourrais pas me le remettre un peu en forme ?
29:43Il me regarde et me dit,
29:44oh là là !
29:45Mais t'es sûr, Francis ?
29:46Attends, je vais voir ce que je peux faire.
29:48Mais dis-donc, c'est quand même...
29:49C'est du beau boulot !
29:51Mais c'est qui qui a fait ça ?
29:52Je lui raconte cette histoire.
29:54C'est une histoire de passion, il l'a fait.
29:56Je lui ai dit, après, je te dois combien ?
29:58Il me dit, tu rigoles ?
29:59Moi, j'ai pris un plaisir immense
30:01à simplement faire ce qu'avait fait déjà quelqu'un
30:04et qui était un maître.
30:05La phrase l'ennemi de l'artisan
30:08est la phrase suivante,
30:09c'est ça ira bien comme ça.
30:11Ah oui, non, ça c'est compliqué.
30:13C'est la phrase insupportable à tout artisan.
30:15Un artisan sait que le travail est infini,
30:18mais à un moment donné,
30:19il sait que l'œuvre est achevée.
30:22Quand je vous écoute, tous les deux,
30:24on est quand même dans une époque
30:25où l'immédiateté domine, clairement.
30:27Le respect du temps long, il s'efface.
30:30Vos métiers respectifs,
30:32que ce soit l'artisanat ou l'écriture,
30:34ils contribuent à maintenir ce lien
30:36avec des valeurs fondamentales,
30:37avec les valeurs fondales de l'humanité, presque,
30:40j'ai envie de dire, Francis Le Bussière.
30:41Vous avez foulaillé un mot
30:43qui, moi, me fait toujours peur
30:44et dans lequel je suis très prudent,
30:47ça s'appelle le temps.
30:48Vous savez, le temps, c'est une vraie dictature.
30:51Le temps, c'est une vraie dictature.
30:53Je vois avec l'horloge que vous avez...
30:55Ah oui, mais là, on est à la radio, c'est normal.
30:57Mais un artisan, lui, bien sûr,
31:00il faut qu'il vive,
31:01donc il sait bien que le temps égale de l'argent
31:03et qu'il doit bien nourrir sa famille.
31:05Évidemment, un maçon comme moi,
31:07on sait bien aussi calculer
31:08que pour faire ça, il faut tant de temps, etc.
31:11On est toujours dans cette bagarre
31:13entre la matière...
31:14Ce qui n'est pas forcément le cas des maîtres d'art.
31:16Ils peuvent passer six mois sur une commode.
31:18Il faut aussi vivre, il faut manger.
31:20C'est-à-dire, un maître d'art, c'est bien,
31:22c'est super, mais il faut manger.
31:24Il faut avoir un client qui...
31:26Et donc, le temps et l'argent sont étroitement liés,
31:28c'est ça que vous dites ?
31:29Absolument.
31:30Qu'est-ce que vous en pensez
31:31de cette histoire de valeur fondamentale ?
31:33Quand vous parlez de matière,
31:34on se rend en retour à un truc logique.
31:36Sur le temps, je suis pas inquiet,
31:37les physiciens et les mathématiciens
31:38sont en train de s'apercevoir
31:39que le temps n'existe peut-être pas
31:40puisque dans toutes les équations de la physique,
31:42on s'est aperçu que la variableté
31:44n'était pas nécessaire pour les écrire.
31:47Au niveau quantique,
31:48le temps n'existe pas,
31:49c'est juste...
31:50Après, c'est technique.
31:51C'est tout neuf, ça vient de sortir,
31:52il n'y a pas très longtemps.
31:53Non, Alain Cohn,
31:54qui est un grand mathémétien,
31:55travaille là-dessus depuis maintenant
31:56une quarantaine d'années.
31:57Oui, mais on en entend parler en ce moment,
31:58c'est ça que je veux dire.
31:59Il faut 40 ans pour que les journalistes
32:00sachent écrire une équation de physique,
32:02une mathématique.
32:03Non, je ne vais pas dans le lot,
32:04mais les journalistes sont en général
32:05des gens totalement incultes.
32:06Je ne parle pas pour vous,
32:07je me considère pas comme un culte.
32:08Non, parce que j'ai la chance
32:09de vous connaître
32:10depuis plus de 20 ans.
32:11Quelques années, oui.
32:12Et s'il y a bien quelqu'un
32:13qui s'intéresse à tout
32:14et qui est cultivé et curieux,
32:15c'est bien vous.
32:16C'est gentil, merci Alain.
32:17Et je le pense sincèrement,
32:18sinon je ne vous aurais pas...
32:19Sinon vous ne viendriez pas
32:20dans mon émission.
32:21Et vous êtes quelqu'un
32:22que je connais un peu dans la vie
32:23et vous êtes quelqu'un d'exceptionnel.
32:24Oh, vous êtes un amour.
32:25Mais c'est la vérité.
32:26C'est gentil.
32:27Vous êtes quelqu'un de très curieux.
32:28Et ça se voit d'ailleurs
32:29dans vos émissions.
32:30Je crois effectivement
32:31que la question que vous posez
32:34est intéressante
32:35parce qu'il y a des gens
32:36qui doivent organiser la résistance
32:39et tenir la permanence.
32:40Il y a des gens
32:41qui doivent monter la garde.
32:42Et on s'aperçoit quand même
32:43que la littérature par exemple,
32:45mais l'artisanat a fortiori,
32:47dans les moments de crise,
32:48exemple Covid,
32:49ne veulent pas mourir
32:50et reprennent leur puissance clandestine.
32:52Tout d'un coup,
32:53on revient vers ce qu'on a méprisé
32:57et les gens malades
32:58et les gens qui ont des cancers,
32:59comme par hasard,
33:00ils s'enferment et ils lisent.
33:01Et les hommes politiques,
33:02quand ils traversent le désert,
33:03comme par hasard,
33:04ils font des livres.
33:05Et puis on se rapproche
33:06des objets,
33:07le savoir-faire, l'humilité.
33:08Il y a beaucoup de gens
33:09qui, aux approches de la mort,
33:10considèrent qu'une façon
33:12d'être mystique en étant athée,
33:14c'est de se rapprocher
33:15des gestes ancestraux,
33:17ou de la littérature,
33:18ou de la musique, etc.
33:19Et en fait,
33:20l'art est méprisé
33:21parce qu'il est submergé
33:22toute la journée
33:23de choses futiles,
33:24comme la politique.
33:25Personne ne se souvient
33:26de qui était président du Conseil
33:27quand Céline a sorti
33:28Voyages au bout de la nuit.
33:29Non, c'est vrai.
33:30À part vous peut-être.
33:31Et tout ça fait que
33:32c'est de l'écume, d'écume, d'écume.
33:33Moi, ce que je regrette,
33:34c'est la place qu'on donne
33:35à la politique tous les jours
33:36en France.
33:37C'est un spectacle
33:38non pas simplement sordide,
33:39ça serait vraiment démagogique
33:40que de le dire,
33:41mais c'est un spectacle
33:42totalement éphémère.
33:43Et donc, c'est très bien
33:44de se sentir méprisé
33:45par tel ou tel
33:46quand on fait des choses essentielles.
33:48Vous, ça vous plaît en tout cas.
33:49C'est simplement que je sais
33:51que sur le long terme,
33:52c'est les gens,
33:53comme les artisans,
33:54les écrivains,
33:55qui ont raison.
33:56Bien sûr.
33:57Et le reste va disparaître.
33:58Pour le meilleur et pour le pire.
34:03En fait, ça me donne
34:04des orgasmes intellectuels
34:05d'une puissance
34:06que vous ne pouvez même pas imaginer,
34:07ma chère Gisèle.
34:08Finalement, quand on écoute Yann
34:09et quand on vous écoute
34:10tous les deux,
34:11Francis Bussière,
34:12c'est que l'artisanat
34:13et la lecture,
34:14c'est des moyens de résister
34:15à l'uniformité du monde.
34:16Vous savez que les artisans
34:17sont des grands lecteurs.
34:18Vous seriez très étonné,
34:20ou tout le monde serait très étonné
34:21d'avoir la culture
34:23qu'un artisan a.
34:24D'accord.
34:25Parce que si vous voulez,
34:26vous ne pouvez pas puiser
34:27justement sur ces valeurs fondamentales
34:30de l'humanité
34:32sans avoir cet background
34:34de la culture.
34:35La culture, la matière,
34:36vous savez, c'est ça.
34:37C'est-à-dire que vous vous coltez
34:39en permanence.
34:40Lui, il se collecte,
34:41il se colte,
34:42il se colle.
34:43Il affronte les mots.
34:45Très bien.
34:46Nous, on affronte la matière,
34:47on affronte...
34:48Vous savez, c'est quand même incroyable.
34:50Lui, il signe ses bouquins.
34:51Mais les artisans,
34:52ils signent aussi.
34:53Notre-Dame, vous avez bien vu,
34:55ils signent tous.
34:56C'est incroyable.
34:57Notre-Dame, on peut le dire
34:58quand même que c'est incroyable
34:59ce qu'ils ont fait là-bas.
35:00Les mathématiciens aussi
35:01sont des artisans.
35:02Ah oui, ça, c'est sûr.
35:03Il y a une matière
35:04qui leur résiste,
35:05c'est la réalité mathématique.
35:07Je suis d'accord.
35:08Juste, Notre-Dame,
35:09un petit focus dessus
35:10sur ce travail d'exception.
35:11Pour le coup,
35:12on est dans l'exemple même
35:13du geste ancestral
35:14du XIIIe siècle, en fait,
35:15qui a été reproduit
35:16à l'exactitude
35:17par des gens
35:18qui se le sont transmis
35:19de génération en génération.
35:21Non, mais c'est impressionnant.
35:23C'est hyper impressionnant.
35:24C'est impressionnant
35:25et c'est...
35:26Pour un artisan,
35:27c'est presque rassurant.
35:28Oui, parce que si vous faites pas
35:29ce geste précis,
35:30vous n'avez pas le résultat.
35:31Oui, c'est ça.
35:32C'est le geste
35:33qui donne le résultat.
35:34C'est la gestuelle,
35:35c'est le mouvement.
35:36C'est-à-dire que
35:37si un artisan de génie,
35:38on lui demande
35:39« Tiens, fais ça »,
35:40il ne peut pas en fait
35:41parce qu'entre le résultat
35:42et lui, il y a le geste.
35:43Bien sûr.
35:44Il y a le geste précis.
35:45Et vous avez bien vu
35:46qu'un geste,
35:47c'est quand même une tête.
35:48Ça se transmet à la main.
35:51Et vous direz souvent,
35:53entendrez souvent...
35:54D'ailleurs,
35:55on parle du cœur à l'ouvrage.
35:56C'est bien parce qu'il y a
35:57la troisième composante.
35:58C'est-à-dire qu'il faut être
35:59animé d'une passion.
36:01Le cœur à l'ouvrage,
36:02effectivement.
36:03Le cœur à l'ouvrage,
36:04absolument.
36:05C'est vrai,
36:06je n'y avais jamais pensé à ça.
36:07C'est de la résistance culturelle
36:08et en même temps,
36:09c'est ce qui fait
36:10l'humanité,
36:11j'ai envie de dire.
36:12C'est ce qui crée du beau
36:13dans l'humanité.
36:14C'est aussi sa transmission.
36:15Ça peut rassurer un petit peu
36:16sur notre destin.
36:17Je suis parti de la banque
36:18et je suis allé dans l'artisanat
36:19parce que j'avais envie
36:21d'être dans un monde de beauté.
36:22De cœur battant.
36:23De cœur battant,
36:24le cœur battant.
36:25Vous en aviez marre
36:26d'exister,
36:27vous aviez envie de vivre.
36:28Il y a autre chose,
36:29c'est que dans une société
36:30où aujourd'hui,
36:31le temps de concentration
36:32des jeunes est de 7 secondes,
36:33avant c'était de 2 minutes
36:34il y a 20 ans,
36:35maintenant c'est 7 secondes.
36:36Il est clair qu'un artisan,
36:37en 7 secondes,
36:38il ne peut pas faire grand-chose.
36:40C'est clair.
36:41Il peut prendre son marteau.
36:43Il peut surtout appeler la CMA
36:45pour aller faire
36:46un peu d'apprentissage.
36:47Excusez-moi,
36:48c'est mon job.
36:50L'écrivain Yann Moix
36:51et le président de la CMA
36:52Ile-de-France, Francis Bussière,
36:53sont avec vous sur Sud Radio.
36:55Et vous, vous restez avec nous.
36:56On revient pour la fin de l'émission
36:57dans un instant.
36:58A tout de suite.
37:00Sud Radio, c'est excellent.
37:01Judith Beller.
37:02Vous êtes bien sur Sud Radio
37:03et nous aussi c'est excellent
37:04comme chaque dimanche.
37:05Alors on est encore
37:06un petit quart d'heure ensemble,
37:07un peu moins,
37:08avec l'écrivain Yann Moix
37:09et son nouveau roman
37:10Tout en Alexandrin,
37:11sorti chez Grasset.
37:12Et puis le président
37:13de la chambre de métier
37:14de l'artisanat d'Ile-de-France,
37:15Francis Bussière.
37:17Alors Yann Moix,
37:18un peu d'actu quand même,
37:19on est obligé en cette année
37:20des 80 ans de la libération
37:21du camp de Auschwitz-Birkenau.
37:23Votre chapitre sur la Shoah
37:24résonne tout particulièrement.
37:25Je vais vous citer quand même,
37:26je vais lire quelques mots.
37:46Oui, j'ai imaginé que les nazis
37:54n'avaient pas de chiens
37:55mais ils avaient des requins
37:56à la place qui sont sous l'eau.
37:57Alors, bon, ça m'a laissé
38:00un peu sans voix.
38:01Vous évoquez aussi cette idée,
38:03depuis tout à l'heure,
38:04on en a parlé
38:05de cet éternel recommencement,
38:06ainsi que le passé y ressurgit,
38:08en plus chez vous,
38:09dans une forme presque liquide,
38:11carrément d'ailleurs,
38:12à la lumière de ce qu'on vit
38:14en ce moment.
38:15Est-ce que vous croyez
38:16qu'on peut éviter
38:17que de telles événements se reproduisent ?
38:18Est-ce qu'un jour,
38:19on va prendre leçon de ce passé ?
38:21Pas du tout.
38:22D'abord, je n'ai jamais considéré
38:24que l'antisémitisme
38:25était un éternel recommencement.
38:27Je vais beaucoup plus loin,
38:28j'ai fait une série de conférences
38:29là-dessus,
38:30où j'avais essayé de montrer
38:31que l'antisémitisme
38:32était une série
38:33d'éternels commencements.
38:34Ça ne recommence jamais,
38:35ça commence sans cesse.
38:37Ça continue, quoi.
38:38C'est des commencements successifs.
38:40Et je pense qu'on ne soignera
38:42jamais l'antisémitisme
38:43pour une raison très simple.
38:44Je fais une distinction fondamentale
38:46entre le racisme
38:47et l'antisémitisme.
38:48Le racisme consiste
38:49à haïr l'autre.
38:50L'antisémitisme consiste
38:52à se haïr soi.
38:53Et comme c'est très difficile
38:54de se regarder dans le...
38:55Alors, vous allez expliquer pourquoi.
38:56Oui, alors pour une raison très simple.
38:57Ce qu'on n'aime pas
38:58chez le Noir ou chez l'Arabe,
39:01c'est la différence.
39:03Ce qu'on n'aime pas chez le Juif,
39:04c'est la ressemblance.
39:05Si vous dites, par exemple,
39:07à un raciste,
39:08il n'y aura plus de Noir
39:09ni d'Arabe en France,
39:10c'est le plus beau jour de sa vie.
39:11Si vous dites
39:12à un antisémite,
39:13il n'y aura plus de Juif en France,
39:14c'est le pire jour de sa vie
39:15puisqu'il n'y aura plus personne à haïr.
39:17Donc il faut toujours sécréter un Juif
39:19pour pouvoir se haïr soi-même.
39:21Mais le raciste,
39:22il n'y aura plus personne à haïr non plus
39:23chez les Noirs et les Arabes.
39:24Le raciste, si vous voulez,
39:25il déteste l'autre.
39:26Donc quand l'autre n'est pas là,
39:28il est heureux.
39:29Il se retrouve avec ses compères
39:31et ses pères
39:32et il se sent bien
39:33puisque génétiquement,
39:34il est entouré d'une race pure
39:35et il est aux anges.
39:37L'antisémite,
39:38il est bien embêté
39:39quand il n'y a plus de Juif
39:40parce qu'il va être obligé
39:41de se haïr soi-même.
39:42Or, comme le Juif a été inventé
39:44par l'antisémite,
39:45enfin je veux dire,
39:46le Juif n'a pas été inventé
39:47par l'antisémite,
39:48mais comme le Juif a choisi,
39:49l'antisémite a choisi le Juif
39:51pour pouvoir se haïr soi-même
39:53comme dans une sorte de court-circuit,
39:54s'il est seul avec lui-même,
39:56qu'est-ce qu'il va faire ?
39:57Il va faire par exemple
39:58comme dans la société japonaise
39:59qui est la société
40:00la plus antisémite de la planète
40:01et dans laquelle il n'y a aucun Juif.
40:03Donc l'antisémitisme sans Juif existe
40:06qui prouve bien qu'en fait
40:07c'est une manière extrêmement pratique
40:09qu'a trouvé la haine de soi
40:10pour aller chercher un bouc émissaire.
40:13Vous êtes en train de me dire
40:14qu'ils ont juste besoin d'un bon psy.
40:16Si, ma chère Judith,
40:18je vais vous donner un exemple,
40:19si on plaçait l'état d'Israël
40:22sur la planète Mars,
40:23je peux vous dire que la technologie
40:25pour aller sur la planète Mars
40:27s'accélérerait x1000
40:30et on trouverait déjà
40:31des fusées révolutionnaires
40:32pour aller sur Mars
40:33pour pouvoir anéantir la planète.
40:34On peut citer Herzl
40:35qui voulait qu'Israël soit en Ouganda
40:37dans son livre en 1920.
40:39On peut aller plus loin.
40:40Oui, allez-y.
40:41Moi j'ai la réponse
40:42parce que personnellement
40:43je suis favorable à l'existence d'Israël.
40:45Je pense qu'il est tout à fait normal
40:47que les Juifs soient normaux.
40:49Mais je discute parfois
40:50avec des amis de la communauté juive
40:51qui ne pensent pas la même chose.
40:52Ils pensent que l'existence de l'état d'Israël
40:54a donné un coup d'épée
40:55dans l'exceptionnalité juive
40:57et que la destinée juive
40:58était plutôt diasporique
41:00et que c'est un mal
41:01d'une certaine manière
41:02qu'on leur ait donné une terre.
41:03Et ils se trouvent abîmés
41:04dans leur destin
41:05dans cette normalité,
41:06dans cette normalisation géographique.
41:08Moi je ne suis pas d'accord avec ça.
41:09Moi non plus.
41:10Mais ce qui est fascinant dans la question
41:12et je sais que les premiers sionistes
41:15de Herzl à Gershom-Scholem
41:17se sont posés la question de...
41:18Où ?
41:19Où ?
41:20Parce que suivant l'endroit...
41:21Oui, parce que ce n'était pas
41:22un retour à la terre sainte au départ.
41:23Il faut quand même le dire.
41:24Non, surtout qu'ils n'étaient pas d'accord
41:25sur la sainteté de cette terre.
41:26Et en plus vous savez que le sionisme
41:28a été inventé pour éviter deux écueils.
41:32La première c'est évidemment
41:33l'assimilation généralisée
41:35et la deuxième c'est l'orthodoxie universelle.
41:38Les gens ne voulaient pas
41:39que l'UJI soit uniquement réservé aux orthodoxes.
41:43Donc en fait c'était un problème
41:45extrêmement compliqué
41:46et on peut tranquillement se poser la question
41:48de savoir si c'était le bon emplacement.
41:50Moi je pense que oui aussi.
41:51Je n'ai aucune ambiguïté là-dessus.
41:53Mais on en arrive à cette question fondamentale.
41:57Pourquoi ce caillou, ce grain de sable
42:00qui est là où il est géographiquement
42:03peut avoir une importance
42:05et émettre des radiations aussi fascinantes aujourd'hui
42:10si ce n'est que le juif individuel
42:14qui était le bouc émissaire au XXe siècle
42:16est devenu maintenant un juif mutant,
42:19un juif géant,
42:20un juif d'une certaine manière golémisé
42:23qui est celui de l'état d'Israël.
42:24Et donc chaque juif que vous croisez dans la rue
42:26est considéré comme un état d'Israël
42:29un état d'Israël miniature
42:30et c'est maintenant l'état qu'il faut éradiquer
42:33comme on a voulu éradiquer les individus au XXe siècle.
42:35On a changé d'échelle.
42:36Quand on écoute Yann Moix, Francis Bussière
42:40sur cette pensée de masse, de haine
42:43qui nous a un peu tous submergés
42:45depuis un petit temps là,
42:47on se dit aussi que finalement
42:50on peut éviter la reproduction de ces événements-là
42:55aussi par l'inscription
42:56pour en revenir à ce qu'on disait tout à l'heure
42:58dans ces valeurs fondamentales,
43:00dans la matière,
43:01dans cette transmission,
43:02auprès particulièrement de la jeunesse,
43:04je tiens à le dire,
43:05dans leur éducation
43:06qui ne soit pas qu'une éducation théorique justement
43:08mais qui soit une éducation de cœur,
43:10de sensation.
43:12Ça nous renvoie à tous nos SEMA formations
43:15ce sont le nom national maintenant
43:17que nous avons au niveau des centres de formation
43:19par apprentissage.
43:21Aujourd'hui vous allez dans les SEMA formations
43:24dans ces centres de formation
43:26et bien vous verrez une diversité absolue
43:29de jeunes, des filles, des garçons
43:32mais de toutes les couleurs, de toutes les races
43:34et puis évidemment ils sont centrés sur quoi ?
43:36Sur l'apprentissage d'un métier.
43:38Il n'y a plus de...
43:40Alors je vais peut-être faire un...
43:42C'est pas un truc bisounours
43:45mais quand même,
43:46aujourd'hui moi je n'ai pas eu...
43:47On a le droit d'être utopiste aussi
43:49et de vouloir le bien.
43:50Attendez, moi je suis un...
43:52Vous êtes un optimiste.
43:54Je suis un optimiste et je suis surtout un utopiste.
43:57D'accord, allez-y.
43:58Vraiment.
43:59Cette société, il faut évidemment l'améliorer.
44:02C'est uniquement par l'utopie.
44:04Vous savez, s'il n'y a pas d'utopie, il n'y a plus de rêve.
44:06Et s'il n'y a plus de rêve, il n'y a plus de société.
44:08C'est bien ça et dont on parle avec Yann
44:10qui nous a éclairé tout ça.
44:13Soyons utopiques, soyons optimistes
44:15et croyons en cette jeunesse.
44:16Vous savez, on parlait de nos apprentis
44:19sur deux rêves évidemment
44:20et veulent devenir un patron.
44:22Et tant mieux.
44:23On manque de patrons.
44:24On manque de jeunes qui veulent reprendre
44:26nos entreprises artisanales.
44:27Et s'il n'y en a pas, notre société va mourir.
44:31Nos centres-villes meurent quand il n'y a plus de commerce,
44:35il n'y a plus d'artisans.
44:36C'est ça.
44:37Juste par rapport à ce que vous dites,
44:39le premier employeur de France,
44:41on en a parlé, de tous ses bienfaits depuis le départ
44:43et c'est vrai que quand on va dans certains centres-villes
44:45maintenant, il y a de plus en plus de commerce qui ferme, etc.
44:47Donc c'est ce premier employeur de France
44:49qu'on vient attaquer au porte-monnaie directement
44:52C'est le serpent qui se mord la queue, j'ai envie de dire.
44:54Il faut arrêter ça.
44:56Quand aujourd'hui j'entends ce matin monsieur Bayrou
44:58qui nous dit, ah ben on a,
45:00j'ai beaucoup de respect évidemment pour le premier ministre,
45:03c'est pas un président d'établissement public
45:05qui va dire le contraire, évidemment.
45:07Mais simplement je pense que c'est une hérésie
45:09de dire on va stopper l'aide pour la prime d'apprentissage.
45:13Qu'est-ce qu'un patron qui constacre du temps
45:16mais qui compte pas à ses jeunes
45:18et on lui donne évidemment une prime
45:20pour dire on prend un apprenti chez toi,
45:22l'apprenti le paye.
45:24Ils vont carrément la supprimer ?
45:26Ils vont pas la supprimer, ils vont la réduire.
45:28Dire qu'on passe aujourd'hui de 6 000 euros
45:30et on va passer bientôt à 5 000 euros.
45:32Mais avec 5 000 euros sincèrement
45:34pour former un jeune, mais vous rigolez.
45:36Puis ça dépend de l'âge du jeune parce que je crois
45:38que les salaires évoluent entre 16 ans et 25.
45:40Évidemment parce que le jeune on le paye, vous le payez.
45:42L'employeur il le paye et heureusement.
45:44Et c'est très bien comme ça.
45:46Mais par contre, effectivement si aujourd'hui on a
45:48cette nécessité, parce que sinon le jeune
45:50s'il a pas de boulot, qu'est-ce qu'il fait ?
45:52Il va aller pointer à Pôle Emploi.
45:54Ou à France Travail pardon.
45:56Est-ce que c'est une solution ?
45:58Non, c'est pas la solution.
46:00Parce que c'est justement pour ça que Macron
46:02avait voulu lancer l'apprentissage.
46:04Tant mieux, mais qu'on s'arrête pas.
46:06Qu'on continue ce mouvement.
46:08Et puis qu'est-ce que c'est ?
46:10Le temps nous rattrape mon cher Francis.
46:12Le dernier art martial, judo, taekwondo,
46:14kendo, karaté.
46:16Le dernier c'est la gravure sur bois.
46:18Non mais ça veut tout dire.
46:20L'artisanat est un sport de combat.
46:22Ouais, c'est beau.
46:24Alors juste une petite question
46:26qui est celle que je pose à tous mes invités d'habitude
46:28parce que j'ai quand même envie d'avoir votre réponse
46:30à l'un et l'autre. On a peu de temps donc répondez rapidement.
46:32Francis Bussière,
46:34que dirait l'adulte que vous êtes
46:36à l'enfant que vous étiez ?
46:40Vous savez j'ai voulu être architecte.
46:42Architecte c'est un maître d'oeuvre.
46:44C'est celui qui a fait les cathédrales.
46:46Peut-être un rêve de grand enfant.
46:48Et puis j'ai vu un architecte
46:50et j'avais quoi ?
46:52J'avais 14, 15 ans
46:54qui me disait
46:56écoute, tu vas pas bien gagner ta vie.
46:58Fais peut-être un autre métier.
47:00Ce que je veux dire dans ça
47:02c'est qu'il ne faut pas casser les rêves d'enfant.
47:04Donc vous lui dites quoi ce petit garçon ?
47:06Croit en tes rêves, il ne te laisse pas faire ?
47:08Bien sûr, allez-y, foncez, croyez en vous.
47:10Évidemment.
47:12C'est la plus belle chose que vous ferez dans votre vie.
47:14Il se vous voit.
47:16Il se vous voit.
47:18C'est pas Alain Delon mais pas loin.
47:20Yann Moix.
47:22Je te prends quand tu veux au ping-pong.
47:24Vous étiez bon au ping-pong ?
47:26Pas mauvais.
47:28A 5 ans, à 6 ans, vous jouiez au ping-pong déjà ?
47:30On a eu des infos ce soir.
47:32Merci à tous les deux.
47:34Merci pour ce moment.
47:36On était avec Yann Moix et Francis Bussière,
47:38chers amis, vous l'aurez compris.
47:40Vous avez appris le tout dernier roman
47:42en alexandrin de Yann Moix
47:44qui s'est sorti chez Grasset.
47:46Il est disponible en librairie, je vous le recommande.
47:48Francis Bussière, pour tout savoir sur la CMA Île-de-France
47:50dont vous êtes le président,
47:52et pour s'inscrire à vos divers événements,
47:54ça se passe sur votre site.
47:56CMA-IDF.fr
47:58Merci à tous les deux.
48:00Retrouvez tous nos podcasts sur Sudradio.fr,
48:02la chaîne YouTube de Sudradio, les réseaux sociaux.
48:04Merci à Quentin qui réalise pour vous aujourd'hui
48:06aux équipes de Sudradio.
48:08Cette chaîne, c'était excellent.

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