L’invité éco du 3 mars 2023 : Delphine Guey, Présidente de l'UNIFA

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00:00 L'invité éco, Olivier Delagarde.
00:04 Et à l'occasion du Salon de l'agriculture, nous allons parler ce soir d'un produit controversé.
00:10 On va parler des engrais avec vous Delphine Gay. Bonsoir.
00:13 Bonsoir.
00:14 Vous êtes présidente de l'UNIFA. L'UNIFA c'est l'Union des industries de la fertilisation.
00:18 Vous regroupez 36 producteurs d'engrais qui réalisent 2 milliards d'euros de chiffre d'affaires en France.
00:24 Alors la grande question qu'on se pose, elle est finalement assez simple et compliquée.
00:28 Est-ce qu'on a encore besoin d'engrais dans une société où on aspire à consommer une alimentation meilleure et donc une agriculture plus naturelle ?
00:38 Alors je vais essayer de vous faire une réponse courte.
00:40 Mais les engrais aujourd'hui représentent plus de 50% de la production mondiale.
00:46 C'est-à-dire que si du jour au lendemain, vous décidez pour des raisons X ou Y d'arrêter les engrais minéraux azotés,
00:52 les engrais organiques bien évidemment, les biostimulants, les amendements,
00:56 toutes ces solutions qui aujourd'hui fournissent le bol alimentaire de nos plantes, vous avez plus de 50, voire quasiment...
01:02 On divise par deux la production mondiale.
01:04 En une fois. Tout à fait. C'est la plus grande innovation.
01:07 Cette innovation a permis de sauver plus de 3 milliards d'êtres humains sur Terre.
01:12 On la considère comme étant la plus belle invention qui a permis de sécuriser notre alimentation.
01:17 En fait on parle de nutrition des plantes et de santé des sols aujourd'hui.
01:21 Oui mais tout le monde n'est pas d'accord avec vous. Les producteurs bio se passent très bien de vos engrais.
01:25 Ah non, les producteurs bio utilisent aussi nos engrais.
01:27 Nous représentons la nutrition des plantes pour l'ensemble des agriculteurs.
01:31 Ils n'utilisent pas d'engrais chimiques en tout cas.
01:32 Ils utilisent des engrais organiques, ils peuvent demain utiliser de nouveaux moyens comme les biostimulants.
01:39 En fait l'objectif des agriculteurs biologiques c'est d'utiliser les ressources naturelles.
01:44 Et aujourd'hui nos producteurs, une partie de nos producteurs étudient justement
01:48 toute la vie qui permet de faire un lien entre le sol et la plante.
01:51 Vous savez qu'en fait autour des racines vous avez une couche de bactéries
01:55 comme nous avons une couche de bactéries dans notre tube digestif
01:58 qui permettent de faire le lien entre l'extérieur et la plante.
02:01 Et c'est ces études qui aujourd'hui vont nous permettre aussi d'avoir de belles innovations
02:05 pour répondre notamment aux besoins de l'agriculture biologique.
02:08 Mais pas seulement, l'agriculture conventionnelle utilise aussi ces nouvelles innovations.
02:13 Delphine, je vous entends bien, mais il y a des études, il y en a dans tous les sens.
02:16 Certains spécialistes mettent en garde contre la perturbation des cycles de l'azote et du phosphore sur les plantes.
02:22 Vous comprenez que vous soyez le diable pour certains écologistes ?
02:26 Alors le diable, non pas...
02:28 Ah bah attendez, si c'est comme ça qu'ils vous considèrent.
02:30 Alors vous parlez du salon d'agriculture, figurez-vous qu'ils sont venus nous voir.
02:33 On a eu de très beaux échanges, on est présent au salon d'agriculture.
02:36 On a de nombreux échanges, il y a des questions, il est vrai.
02:40 C'est-à-dire que notre secteur est resté, on va dire, sous terre trop longtemps.
02:44 On a décidé de reprendre la parole, d'ouvrir nos sites, de faire des visites,
02:49 de vraiment d'avoir une communication plus forte pour rappeler l'importance de la nutrition des plantes.
02:55 Les agriculteurs utilisent la nutrition des plantes pour avoir des blés de qualité, par exemple,
03:02 riches en protéines, pour avoir des productions saines et de qualité.
03:06 Mais nous avons oublié de communiquer sur ce moyen de production indispensable
03:10 qui s'est révélé il y a un an, lors de la guerre en Ukraine,
03:14 où là on a commencé à comprendre que certains pays possédaient un commerce mondial,
03:20 notamment la Biélorussie et la Russie, sur des éléments nutritifs.
03:24 Donc je pense qu'il y a une prise de conscience qui est qu'on redécouvre ce secteur,
03:29 ce secteur extrêmement innovant et qui aujourd'hui, on a un maillage du territoire
03:35 qui fait que nous sommes au contact de toutes les agricultures et de tous les agriculteurs
03:39 et qu'il faut justement répondre à leurs questions.
03:41 Et nous répondons.
03:42 Il est insuffisant ce maillage puisqu'aujourd'hui on ne fabrique plus assez d'engrais en France.
03:47 On est obligé de l'importer, notamment d'Europe de l'Est, pour quelle raison ?
03:50 Il y a 40 ans, on produisait 70% de nos engrais pour le marché français.
03:56 Aujourd'hui, nous en sommes à 30%.
03:58 Donc en effet, on importe la majorité de nos engrais.
04:02 Pourquoi ? La question se pose, j'allais dire, pour beaucoup de secteurs,
04:06 secteurs industriels, de l'industrie qui est derrière,
04:09 ces acteurs, ces entrepreneurs qui fournissent l'agriculture.
04:12 On a vu d'autres pays européens avoir des approches différentes, plurielles, combinatoires,
04:19 en utilisant à la fois la science, mais également l'industrie de la chimie, l'industrie organique.
04:25 Je pense qu'on s'est rendu compte qu'aujourd'hui, les engrais sont un facteur clé
04:30 de la souveraineté alimentaire d'un pays.
04:32 Et on voit aujourd'hui le gouvernement accompagner nos entreprises plus fortement,
04:37 parce que nos entreprises aujourd'hui sont un véritable atout pour décarboner la filière agricole.
04:43 Il ne faut pas se cacher que les engrais, en effet, étaient un point noir au niveau gaz à effet de serre.
04:47 On n'a plus voulu, finalement, produire d'engrais en France.
04:51 Écoutez, je ne sais pas ce qui s'est passé depuis 40 ans...
04:54 Vous le savez très bien, mais vous ne voulez pas me le dire.
04:57 Non, vraiment, je pense qu'il y a eu des pays européens qui ont mis plus de moyens aussi, peut-être,
05:04 dans des recherches combinées, des approches combinées, recherche publique, recherche privée.
05:09 Je pense que c'est le passé.
05:11 On a bon espoir, par l'industrialisation verte de notre pays, de voir revenir ces acteurs
05:17 qui sont vraiment au cœur de la santé des plantes, de la nutrition des plantes,
05:20 et de la santé des sols. Donc j'ai bon espoir.
05:23 - Au niveau du prix, le prix des engrais a augmenté de manière incroyable.
05:28 Ça a pu aller jusqu'à 500% d'augmentation. Pour quelle raison ?
05:33 - Là, vous parlez des engrais minéraux azotés, dont le gaz, le méthane, CH4, est le principal constituant.
05:39 C'est-à-dire que ces engrais vont capter, en fait, l'objectif, c'est on va récupérer l'azote de l'air
05:44 qu'on va associer à l'hydrogène du gaz.
05:46 Et dans ce cadre-là, le gaz représente 90% du coût de production.
05:51 - Donc c'est la hausse du prix du gaz. - Directement.
05:54 - Il n'y a pas de solution autre que passer par la chimie ?
05:58 - Si, justement, je vous ai parlé de ces petites bactéries.
06:01 Aujourd'hui, on est en train d'étudier cette flore microbienne, mais pas seulement les bactéries,
06:06 les champignons qui entourent les racines de nos plantes,
06:09 pour justement améliorer les signaux qui permettent d'attirer les bonnes bactéries
06:13 qui vont fournir des bons éléments du sol.
06:15 Mais on a vraiment une approche complète.
06:18 - Et ce sont ces engrais décarbonés ? - Alors, les engrais décarbonés,
06:21 c'est la deuxième belle innovation, ce sont des engrais minéraux azotés.
06:24 On ne va plus utiliser le gaz, mais l'eau, c'est-à-dire qu'on va récupérer l'hydrogène de l'eau.
06:29 - C'est marginal ? - Non, les premiers engrais décarbonés arrivent cette année en Europe.
06:34 On a plusieurs professionnels de notre industrie qui vont commercialiser
06:38 les premiers engrais décarbonés en Europe.
06:40 On pense que la progression va être extrêmement forte,
06:43 d'où par ce besoin d'être indépendant du gaz notamment.
06:47 Et on a une technologie, l'électrolyse de l'eau, qui permet justement de se passer du gaz,
06:52 de ne plus dégager de CO2 et d'utiliser l'hydrogène de l'eau à partir d'une énergie renouvelable.
06:57 Et on a cette chance en France d'avoir l'énergie nucléaire,
07:00 qui aujourd'hui est reconnue bas carbone.
07:02 - Merci. - Donc on peut développer en France.
07:04 - Delphine Gay, présidente de l'Unifa, l'union des industries de la fertilisation.
07:08 Merci d'avoir été l'invité de l'écho ce soir sur France Info. - Merci.
07:11 Merci.

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