SMART BOURSE - Planète marché(s) du jeudi 29 juin 2023

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Jeudi 29 juin 2023, SMART BOURSE reçoit Céline Piquemal-Prade (Présidente, Piquemal Houghton Investments) , Didier Borowski (Responsable Recherche Politiques Macroéconomiques, Amundi Institute) et Nicolas Brault (Directeur Associé, Hottinguer banque privée)

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00:00 [Générique]
00:10 Et c'est parti pour Planète Marché, une quarantaine de minutes ensemble pour décrypter l'actualité politique, économique et surtout financière.
00:17 Donc dans Smart Bourse, ce soir nous avons le plaisir d'être accompagné tout d'abord par Nicolas Braud. Bonsoir Nicolas Braud.
00:22 Bonsoir Nicolas.
00:23 Vous êtes directeur associé chez Autungre, banque privée.
00:26 A vos côtés nous avons le plaisir d'accueillir également Céline Pickmal-Prade. Bonsoir Céline Pickmal-Prade.
00:30 Bonsoir Nicolas.
00:31 Vous êtes présidente de Pickmal Autun Investment et nous avons le plaisir d'accueillir également Didier Borowski.
00:35 Bonsoir Didier Borowski.
00:36 Bonjour Nicolas.
00:37 Vous êtes responsable recherche politique macroéconomique chez Amundi Institute.
00:40 On va commencer avec vous Didier Borowski avec ce chiffre, celui de l'inflation allemande, publié donc en début d'après-midi.
00:46 Après un chiffre d'inflation en Espagne qu'on a découvert ce matin et avant les chiffres pour la zone euro que nous aurons demain.
00:52 Un chiffre plus élevé que prévu avec notamment une inflation toujours présente dans le secteur des services en Allemagne, +5,3%.
01:01 Est-ce que c'est une surprise déjà dans un premier temps et est-ce que ça peut venir remettre en cause des scénarios économiques
01:06 sachant qu'évidemment on aura beaucoup plus d'informations demain sur l'inflation globale en zone euro ?
01:10 Oui, enfin même si ça surprend un petit peu, il y a un effet de base qui a été noté par tous les observateurs.
01:15 Parce qu'on compare au mois dernier où il y avait des effets de remise sur les prix des transports.
01:22 Donc mécaniquement ça gonfle le glissement annuel. Par-delà cet effet de base, on vous l'avait noté, il y a un glissement mensuel sur le mois, c'est un peu plus élevé.
01:30 Et ça remet évidemment sur le devant de la scène le débat sur l'inflation en zone euro.
01:34 Après la forte baisse des prix de l'énergie qu'on a connu depuis le début de l'année, on voit que l'inflation sous-jacente reste élevée, très élevée.
01:43 Elle va probablement ralentir lentement, elle est particulièrement marquée dans les services.
01:47 On continue de penser que les salaires peuvent encore réagir, même si ce n'est pas une vraie boucle prix-salaires à l'échelle de la zone euro.
01:53 Il y a bien des effets de rattrapage qui peuvent se matérialiser parce que le marché du travail reste assez solide.
01:58 On n'a pas de productivité, donc on a des coûts salariaux unitaires qui risquent de pousser l'inflation sous-jacente à la hausse.
02:05 Et donc on peut se retrouver piégé dans une trappe stagflationniste.
02:08 On peut très bien connaître le ralentissement économique attendu lié au durcissement des conditions de crédit et parallèlement voir une inflation évoluer à des niveaux qui sont très au-dessus de la cible de la banque centrale.
02:21 C'est vrai aux États-Unis comme du côté de la banque centrale européenne.
02:24 C'est ça qui préoccupe aujourd'hui les banquiers centraux.
02:28 C'était l'un des sujets qui a été abordé à Sintra.
02:32 À mon sens, le message des banquiers centraux qui est en train de passer, c'est de dire attention de ne pas tabler sur une désinflation très rapide l'an prochain.
02:40 D'une certaine façon, on est hors modèle.
02:43 On utilise des modèles qui sont calibrés sur des situations normales.
02:46 La situation n'est pas normale.
02:47 On n'a toujours pas digéré d'un point de vue macroéconomique les deux grands chocs qu'on a connus au cours des trois dernières années.
02:52 Le choc Covid puis le choc de la crise énergétique.
02:55 Donc il y a encore des choses qu'on ne comprend pas très bien.
02:57 L'année dernière, on n'avait pas vu venir ce comportement de marge effréné de certaines entreprises qui a poussé l'inflation à la hausse.
03:02 Donc il y a des choses qui ne sont pas encore très nettes sur la dynamique de l'inflation.
03:06 Cela s'ajoute le fait aussi, et c'est l'un des sujets qui a été abordé notamment par Gopina lors du FMI, lors de Sintra,
03:18 c'est qu'il va falloir se préparer aussi à un régime dans la décennie qui vient où les chocs d'offres risquent d'être beaucoup plus persistants que par le passé.
03:26 Alors les chocs d'offres peuvent venir de la transition énergétique, du commerce mondial, et ça aussi c'est notre sentiment.
03:32 C'est-à-dire que l'avertissement que lancent les banques centrales n'est pas sur l'inflation d'aujourd'hui.
03:37 L'inflation peut un peu surprendre, mais elle va finir par ralentir.
03:40 Mais c'est simplement qu'elle risque de s'ancrer l'an prochain à un niveau qui est bien plus élevé que celui des anticipations et bien au-delà de la cible de la banque centrale.
03:47 Donc 2% c'est illusoire ?
03:48 2% c'est illusoire l'an prochain, ça paraît clair pour tout le monde.
03:52 Mais est-ce que fin d'année, début d'année 2025 c'est possible ?
03:55 Oui c'est possible, mais il y a encore des points d'interrogation sur ce ralentissement.
03:58 Et ce que les banques centrales ne feront pas, c'est qu'elles n'accommoderont pas l'an prochain la politique monétaire rapidement.
04:03 Il leur faudra voir une détente sur l'inflation très marquée.
04:06 Et on en est encore loin.
04:08 Et donc l'avertissement il est moins pour l'année 2023, parce que j'ai envie de dire 2023, vous avez déjà deux, bien sûr, qui sont déjà pleinement anticipés par les marchés.
04:15 L'avertissement il est pour les anticipations 2024 qui sont trop d'anticipations de baisse des taux d'intérêt.
04:22 Oui bien sûr, des marchés qui ne croient pas forcément à cet environnement de taux élevés.
04:26 Mais qui repose sur un modèle très simple, qui consiste à dire que ça va ralentir quand même assez nettement sur le plan économique.
04:31 L'inflation énergétique est derrière nous, et donc on va voir bon an mal an des modèles traditionnels vous disent que l'inflation sous-jacente ralentit.
04:38 Mais ce n'est pas garanti, on peut très bien se retrouver avec des pressions stagflationnistes plus durables, et des nouveaux chocs.
04:43 Et donc ça, ça préoccupe bien sûr les banquiers centraux.
04:45 Ça veut dire en fait que ça va être plus haut plus longtemps, ça ne veut pas dire qu'ils ne vont pas avoir un plateau.
04:49 On est tous d'accord qu'on n'est pas loin à une ou deux hausses de taux près du taux terminal.
04:53 Au jour d'aujourd'hui, enfin je veux dire que les banquiers centraux vont vouloir faire une pause.
04:56 Mais ensuite, la vraie question qu'on doit se poser sur les marchés obligataires, c'est à quelle vitesse les banquiers centraux sont susceptibles de baisser les taux d'intérêt l'an prochain.
05:04 Et en filigrane de ce que les banquiers centraux ont dit à Centra, je pense qu'il faut avoir en tête c'est qu'ils ne vont pas les baisser rapidement.
05:10 Ils vont attendre.
05:12 - Mais c'est quand même un message, c'est qu'à partir du moment où on fait une pause sur les hausses de taux, ça veut dire qu'on laisse anticiper au marché que la prochaine étape, c'est la baisse à venir.
05:19 - Non mais ça c'est une erreur. Je pense qu'ils ont répété depuis de nombreux mois que c'est très data-dépendant.
05:26 Comme on dit, ça dépend des données économiques. Ils ne vont pas dire qu'ils ont atteint une pause n'est pas incompatible avec le fait que plusieurs mois après, ils ont l'intérêt.
05:35 Donc je crois qu'aussi c'est le message qu'ils veulent faire passer.
05:37 Il peut y avoir une pause monétaire qui peut être un "wait and see". On attend pour voir ce que donne la salve de hausse de taux d'intérêt à laquelle on a procédé.
05:45 Parce qu'on sait qu'il y a des délais de transmission de la politique monétaire.
05:47 Donc il peut être sage à un certain moment de faire une pause monétaire.
05:50 Ça ne signifie pas nécessairement que l'étape d'après, c'est de baisser les taux.
05:54 Si la résilience persiste et si l'inflation sous-jacente ralentit trop lentement, on peut très bien imaginer qu'après une pause, l'étape d'après soit une nouvelle hausse des taux d'intérêt.
06:03 Je rebondis sur ce que vous nous avez dit. Vous nous avez dit qu'effectivement c'est un scénario stagflationniste qui pourrait également arriver aux États-Unis.
06:09 Alors peut-être dans une moindre mesure, mais c'est vrai qu'on a évoqué un scénario de "self-lending", un scénario "goldilocks", un scénario récessif.
06:17 Et maintenant le risque, c'est un risque de stagflation.
06:21 C'est un risque de pression stagflationniste, je vais être clair. C'est-à-dire que c'est un risque de ralentissement économique potentiellement prononcé.
06:28 On s'attend quand même à une petite récession l'an prochain aux États-Unis, d'ici la fin de l'année, qui ne s'accompagne pas de pression des inflationnistes comme à l'habitude.
06:36 Ou pas de même ampleur. Et qui met les banquiers centraux dans un corner.
06:41 Et de notre point de vue, les banquiers centraux l'an prochain ne réagiront pas à l'évolution de la croissance, puisque un ralentissement de la croissance est attendu.
06:48 Ils attendront de voir le ralentissement de l'inflation. Et ça veut dire qu'ils ne vont sûrement pas être proactifs, ils vont être très réactifs.
06:54 Et il y a probablement trop d'anticipation de baisse des taux directeurs l'an prochain dans les anticipations de marché.
06:59 Et c'est ça à mon sens, c'est le message que les banquiers centraux cherchent à faire passer au jour d'aujourd'hui.
07:05 Donc tant que les marchés n'y croient pas, ils continuent, jusqu'à ce que les marchés y croient. Globalement c'est ce qu'il faut comprendre.
07:09 Oui, je crois qu'ils essayent de faire de la pédagogie sur l'univers compliqué qu'on va connaître. La décennie qui vient va être compliquée à mains égards.
07:15 Et je pense que cette problématique de nouvelle mondialisation, de transition énergétique, va revenir très vite sur le devant de la scène, du côté de l'impact induit sur la dynamique des prix.
07:25 On peut peut-être continuer avec vous Nicolas Braud. Effectivement, les banquiers centraux s'expriment tous les jours ou presque pour marteler le même message.
07:34 Comment expliquer que les marchés aient du mal à intégrer un message martelé, remartelé par les grands banques centrales ?
07:41 Si vous permettez, je vais essayer de ne pas rentrer dans une justification de "est-ce qu'on ne comprend pas le message qui est donné depuis des mois ?"
07:50 Je constate que le message des banquiers centraux est clair. Il n'y a aucune ambiguïté. C'est martelé avec une insistance un peu sans précédent.
08:01 Vous ne voulez pas nous croire, donc on va vous le redire et autrement. J'observe.
08:06 Le scénario principal depuis que l'inflation est sortie du chapeau à l'occasion de la guerre en Ukraine, il y a deux scénarios qui dominent.
08:20 Il y a une baisse de l'inflation en 2023 qui va être progressive. C'est en gros ce que disent les banquiers centraux. Les taux vont rester élevés pendant longtemps.
08:37 On a eu "lower for longer", maintenant on a "higher for longer". Et puis il y a le scénario "ça baisse, mais attention, ça va réaccélérer".
08:46 Il y a beaucoup d'acteurs, notamment sur les marchés obligataires, qui disent "oui, c'est bien, mais ça ne va pas durer".
08:54 C'est vrai que je n'arrive pas à me ranger dans ce camp-là d'une façon générale.
08:59 Après, ce que j'observe en tant qu'investisseur action, même si c'est un marché alternatif par rapport aux marchés obligataires,
09:08 tant que les banques centrales nous disent "on n'a pas fini le job et qu'il n'y a pas de baisse des taux prévisibles à un horizon court",
09:17 les taux longs, je ne suis pas économiste de formation, donc je crois beaucoup à ce que disent les marchés obligataires, sont très stables.
09:27 Pour nous, investisseurs action, qu'est-ce qui compte ? Le taux court ou le taux long ?
09:31 On regarde le taux long. En tout cas, je regarde le taux long. On fabrique un investissement à 3-5 ans,
09:38 et les taux longs, le caractère "forward-looking" des marchés est quelque chose qui nous retient dans ce métier depuis quelques décennies.
09:45 Et le marché obligataire est encore plus "forward-looking", en tout cas plus souvent juste, que n'est le marché action qui peut s'emballer positivement ou négativement.
09:54 Mais donc en tant qu'investisseur action, on va plutôt regarder et analyser ce que va nous dire le marché obligataire
10:01 que ce qu'on va entendre dans les discours des banquiers centraux quand on veut construire une stratégie sur le long terme
10:05 et éventuellement anticiper peut-être les rapports de France de demain ?
10:09 On va se nourrir des deux, mais c'est vrai que le discours martelé de "on va encore monter les taux et ne vous attendez pas avant fin 2024",
10:21 pour l'instant, ça n'empêche pas les marchés dits de classe d'actifs à risque de bien se comporter.
10:29 Il y a d'autres raisons. On parlera de saison de publication de résultats, on parlera de la demande.
10:36 Sur l'inflation, n'étant pas un expert prudemment, je dirais que le chemin qui reste à parcourir est peut-être plus dépendant de la demande finale.
10:48 Dès lors que la demande s'érode, il faut comprendre que le niveau de l'emploi se dégrade, le chômage augmente,
10:59 ce scénario-là est écrit et réécrit, et à juste titre, on observe tous ça, peut-être que la réactivité des banquiers centraux derrière sera plus rapide.
11:10 — Mais ce n'est pas le scénario d'aujourd'hui. — Ce n'est pas le scénario d'aujourd'hui. Et puis évidemment, c'est un scénario qu'on peut qualifier de vieux pieux par certains.
11:18 — Ça finira par arriver. S'ils continuent de monter les taux d'intérêt, puisqu'il y a comme un durcissement des conditions de crédit,
11:23 on finira par voir ce ralentissement de la demande qui produit ces effets. Ça fait partie du...
11:26 — Parce que Jérôme Powell met clairement ce sujet-là depuis Jackson Hole.
11:31 — Mais il y a un risque, en fait, de surréaction des banques centrales. Parce que ce qu'elles attendent vraiment, l'inflexion du côté de l'inflation sous-jacente,
11:39 c'est qu'elles seront peut-être allées trop loin du côté des taux d'intérêt. Et on peut avoir en fait, au même moment, un durcissement monétaire,
11:45 un durcissement budgétaire qui produit ces effets l'an prochain. Donc il va falloir être très vigilant aussi sur les risques que prennent les banques centrales.
11:51 — Parce que Jérôme Powell l'a dit. Pour l'instant, le risque, c'est d'en faire trop peu. C'est pas d'en faire trop.
11:54 — Oui. Pour l'instant, c'est la thèse des banquiers centraux. Donc il y a ce qu'on pense et il y a ce que pensent les banquiers centraux.
11:58 Les banquiers centraux sont aujourd'hui... Le message est clair. Le risque est d'en faire trop peu. Voilà. Maintenant, ce que pensent les investisseurs,
12:04 pour beaucoup, c'est que le risque, c'est peut-être d'en avoir fait trop et que plus ils tireront fort dans un premier temps, plus ils s'exposent à un ralentissement
12:11 marqué de la demande l'an prochain. Et donc c'est deux thèses aujourd'hui qui sont contradictoires, qui s'opposent.
12:19 — Céline Picmal-Prade. Alors effectivement, je posais la question à Nicolas Braud. Comment peut-on expliquer effectivement que ces marchés ne croient pas
12:25 les banquiers centraux ? Alors peut-être qu'on ne peut pas l'expliquer et qu'il faut surtout naviguer avec aujourd'hui. Mais quelle est votre analyse,
12:31 votre compréhension finalement de ce contexte ? — Il y a beaucoup de choses qui ont déjà été dites. Mais peut-être pour compléter ce qui a été dit par Didier et Nicolas
12:38 à l'instant, j'ajouterais un point. C'est la psychologie des investisseurs. Elle n'évolue pas au fil des ans. Et nous avons tendance en tant qu'investisseurs
12:47 à nous raccrocher à ce que nous avons connu dans un passé proche. Et c'est ce qui s'est passé – souvenez-vous – en 2000, c'est ce qui s'est passé en 1913,
13:00 c'est ce qui s'est passé lors du krach japonais en 1989. Lorsqu'on est confronté à un monde qui change, on a tendance à vouloir revenir dans le monde d'avant.
13:10 Et aujourd'hui, comme le disait Didier, on n'a qu'une seule aspiration. C'est quand est-ce qu'on va revenir au monde d'avant la crise de 2022.
13:18 — Sur des indicateurs qu'on connaît, quoi. — Quand est-ce qu'on va revenir dans un monde où les taux d'intérêt sont bas, où l'inflation est maîtrisée ?
13:23 Quand est-ce qu'on va revenir dans un monde où la géopolitique n'est pas importante, dans un monde où les prix de l'énergie sont stables, un monde que nous connaissions ?
13:34 — Alors même que quand les taux d'intérêt étaient bas, on disait « Ça n'est pas normal, ça n'est pas le monde qu'on connaissait avant ».
13:39 — Mais on s'y est habitué entre 2008 et 2022. On s'est habitué à ce monde-là. On a eu un choc de taux et de réalité.
13:50 On a réalisé que le monde changeait l'année dernière. Et depuis octobre, il y a une petite musique qui est revenue, qui est « Ça y est, on va revenir au monde d'avant ».
13:59 Et quand on regarde les différents marchés baissiers au fil des années, vous avez toujours ce mouvement-là. C'est-à-dire qu'on a d'abord un choc de marché,
14:08 ce qu'on a connu en 2022, puis une petite musique. Et on se dit « Tiens, ça va aller mieux ». Donc c'est ce qu'on appelle un bear trap.
14:16 Et puis derrière arrive la réalité à laquelle... Enfin que, effectivement, le monde a changé. L'environnement est différent.
14:24 Et donc là, à ce moment-là, on a la peur qui s'installe, puis la capitulation, puis... Voilà. Et là, à ce moment-là, effectivement, tout le monde est en panique.
14:32 Mais nous n'avons pas connu en 2022 de panique. Et aujourd'hui, on est en train de se dire que tout va bien et qu'il faut qu'on reprenne massivement du risque.
14:41 Alors qu'effectivement, quand on regarde froidement la réalité à laquelle on est confronté, on voit qu'on a du côté de l'économie...
14:48 Même si c'était mieux qu'attendu, on est plutôt confronté à un ralentissement économique par rapport à ce qu'on avait connu auparavant.
14:56 Du côté de la liquidité, on l'a évoqué à l'instant, on est dans un environnement où la liquidité se resserre.
15:02 Du côté de la croissance des bénéfices d'entreprise, on attend pour 2023 une croissance autour de zéro. Donc c'est quand même pas énorme.
15:10 Du côté des valorisations, on est revenu à des points extrêmement élevés. On doit être à 19 fois les bénéfices pour le S&P 500.
15:17 Et ce qui est plus important et ce qui est plus inquiétant à mon sens, et ce qui sera probablement pour ça que je fais un parallèle avec 99,
15:22 c'est qu'on a une concentration du marché que j'ai rarement vue. Donc la dernière fois que j'ai vu ça, effectivement, c'était en 99, en tant qu'analyste financier à l'époque.
15:31 Et quand on compare 99 et 2023, on a vu en 99 six valeurs, dont Intel, Cisco, Lucent, IBM, qui représentaient plus de 100% de la hausse du marché en 99.
15:47 Donc ça veut dire que le reste du marché baissait. Il y avait six valeurs qui montaient toutes seules.
15:51 Si vous regardez ce qui se passe en 2023, vous avez cette valeur qui monte et qui représente 123% de la hausse du S&P 500 en 2023.
15:59 Et ça comment on l'analyse ?
16:01 Ce qui veut dire que les autres, vous avez 493 sociétés qui globalement baissent. Donc c'est un marché qui est ultra concentré.
16:07 Et quand on a un marché qui est ultra concentré, c'est extrêmement dangereux.
16:11 Et donc si je fais la comparaison encore une fois, en 99, vous aviez le top 10 américain qui représentait 30% du S&P 500. Aujourd'hui, c'est 33%.
16:21 Mais alors de tout ça, qu'est-ce que ça nous dit ?
16:23 Donc là, il faut faire à mon avis très attention.
16:25 Oui, qu'est-ce que ça nous dit et comment on avise ?
16:27 C'est juste qu'il faut vraiment faire attention parce que compte tenu de l'environnement actuel et compte tenu du fait qu'on a une volatilité qui a baissé, on est dans une espèce d'insouciance.
16:39 Donc quand on regarde les indicateurs du côté des investisseurs, ils sont assez sereins.
16:43 Cette sérénité, à mon sens, est assez factice.
16:47 Donc il faut vraiment faire attention à nos investissements.
16:51 Mais ça ne veut pas dire, à mon sens, qu'il n'y a rien à faire.
16:53 Parce qu'on peut avoir un marché dans lequel on va se réintéresser.
16:57 Je le voyais avec les résultats de Micron et de Renault.
17:01 C'était assez intéressant.
17:03 Vous avez d'un côté les résultats de Micron qui sortent et le titre qui baisse, et les résultats de Renault qui sortent et le titre qui monte.
17:09 Alors qu'on nous a expliqué depuis deux ans que pour faire face à la récession et le ralentissement économique, il fallait absolument se mettre sur les sociétés technologiques.
17:17 Et là aussi, j'ai retrouvé les articles du 99, début janvier 2000, vous avez des gérants qui vous expliquent qu'il faut absolument se mettre sur les sociétés, les grosses sociétés technologiques comme Cisco,
17:27 parce que ce sera forcément le protecteur dans une phase de marché compliqué.
17:33 Parce que ce sont ces sociétés-là qui vont s'en sortir dans un ralentissement économique.
17:37 Alors l'histoire nous a prouvé que c'était complètement faux.
17:39 J'ai bien peur qu'on découvre à nouveau qu'investir sur Apple, Tesla, Nvidia ou je ne sais quelle société qui fait des top 7, ça ne sera pas à mon sens là qu'on aura de la croissance.
17:53 Et ces sociétés en plus nous l'ont dit. Il y a la Fed qui nous a dit qu'elle allait ralentisser, mais ces sociétés technologiques aussi.
17:57 Elles nous ont dit lors des publications de résultats "ça va mal, on a un ralentissement de la demande, on a des bases de comparaison difficiles".
18:03 Mais alors ça on l'a expliqué avant, c'est quoi ? C'est les trackers qui faussent la donne ?
18:07 C'est que vous avez un emballement sur un indice, donc on achète l'indice, quand on achète l'indice on rachète les sociétés leaders.
18:13 Mais on a eu exactement la même chose en 99.
18:15 C'est un début de bulle.
18:16 C'est une bulle.
18:17 Ah c'est un début de bulle.
18:18 Quand on a...
18:19 Un petit peu d'amour, oui.
18:20 Je vais faire des observations.
18:23 Et on va les analyser.
18:27 Pour apporter une voix un peu dissonante.
18:32 Il faut du démon.
18:33 Positive.
18:35 Il y a en matière économique des logiques, malheureusement, et je crois qu'on le voit en matière financière,
18:44 le retour vers la norme c'est bien, c'est un très beau concept, la réalité c'est que dans des tas de secteurs,
18:52 the winner takes it all.
18:54 C'était la techno dans les années 2000.
18:57 Ça a duré 20 ans, 22 ans, ça a culminé avec une consommation, on finissait même par se distraire avec le digital,
19:06 travailler, ok.
19:09 Ça c'est un pic.
19:10 Ça c'est un pic de pratique.
19:12 Pas simplement d'emballement financier.
19:15 Parce que souvent ça s'appuie quand même sur des fondamentaux.
19:19 Vous voyez aujourd'hui dans le domaine du luxe, qui est le secteur d'observation, parce que là aussi il y a une bulle en formation,
19:28 et dès que les Chinois seront arrivés, on aura cumulé tous les éléments pour faire une bulle.
19:34 En attendant, dans le luxe, tous les acteurs se battent pour faire des opérations de soutien à la marque.
19:44 Qui en a les moyens ?
19:45 Ceux qui ont des marges, ceux qui dégagent comme LVMH en une année de free cash.
19:52 Ils ont payé Tiffany, sur lequel ils ont eu zéro rabais, ça a été du cinéma.
19:58 Ils se battent pour les talents et ils se battent pour les meilleurs emplacements.
20:03 Les meilleurs emplacements c'est évidemment sur les réseaux sociaux, mais surtout les emplacements physiques,
20:08 qui drainent du chiffre d'affaires, mais surtout qui sont des navires amiraux qui emmènent l'image.
20:16 Et ça, vous n'avez pas beaucoup d'acteurs.
20:20 L'impression que j'en ai en 2023, ce qui a changé depuis fin 2022 dans ce secteur-là, c'est que l'écart se creuse vraiment entre...
20:29 Dans le secteur du luxe ?
20:31 Pour prendre un exemple d'un secteur sur lequel, là aussi on pourrait dire qu'il y a une bulle.
20:36 Oui, il y a une bulle, c'est too much.
20:39 Les gens, dès que ça va mal, ils achètent un sac parce que c'est aussi une épargne de précautions.
20:45 Il y a d'autres choses, mais c'est vrai que la bonne tendance du luxe peut déranger.
20:52 Est-ce que c'est la fin ? Non.
20:54 Pour l'instant, les meilleurs, les Chanel, les Hermès, les LVMH, creusent l'égard par rapport à Kering.
21:01 Ce qui je vous suis, ce n'est donc pas un emballement de bulles spéculatives, mais ce moment des small emid n'est pas prêt de venir, si c'est les gros qui récupèrent les flux.
21:10 Peut-être qu'on en parlera après des small emid.
21:13 Après, je veux bien qu'on dise que tout le monde est extrêmement serein.
21:18 Moi, je lis, comme vous tous, des papiers tous les jours où on nous raconte quand même toujours que quand ça va bien, c'est pas normal, ça va pas durer.
21:27 Et le positionnement des investisseurs, il n'y a pas eu d'énorme mouvement de capitaux vers la classe d'actifs equity.
21:37 Ça n'est pas vrai.
21:38 The bear market is climbing a wall of worry, comme on les a connus dans les années 2000.
21:44 Ça a été un rallye le plus détesté de l'histoire, celui qui a culminé avec le Covid.
21:52 Je suis plutôt dans ce camp-là où je vois beaucoup de gens qui nous disent que l'année 2023 était une année obligataire.
22:01 C'est de nouveau...
22:02 2022 ou 2023 ?
22:04 2023 se profilait comme une très grande année obligataire.
22:08 C'est vrai qu'on est payé pour prendre du risque obligataire.
22:12 Enfin, je ne dis pas que c'est faux.
22:15 Je dis que pour l'instant, après avoir pris -18, je caricature, sur des emprunts souverains en 2022,
22:25 le retour, la normalisation positive, elle n'est pas impressionnante sur les obligues.
22:33 Je ne suis pas du tout sûr, pour dire les choses très clairement, je ne suis pas du tout sûr qu'on bonne dans une euphorie débordante
22:40 et qu'on soit dans l'insouciance absolue.
22:42 Je ne crois pas du tout.
22:43 Non mais quand même dans une concentration de marché accrue.
22:45 Oui, alors la concentration.
22:47 C'est vrai que ça dérange.
22:48 Maintenant, le S&P, à fin avril, nous, on stagne depuis fin avril.
22:55 Le S&P, depuis fin avril, alors que c'était déjà que Apple, déjà Nvidia et les autres qui remontaient,
23:05 c'est le fond du marché américain qui a refranchi un cran.
23:10 Donc, je veux bien qu'on dise que c'est très concentré.
23:13 Mais alors pourquoi le Japon, le value play absolu qu'on a connu tous les trois dans les années fantastiques,
23:19 puis après 25 ou 20 ans de bear market, le Japon revient ?
23:25 En fait, il y a un élargissement, je pense, du marché.
23:29 C'est une interprétation, je peux me tromper, mais on en fait un petit peu trop, je crois,
23:35 sur cette concentration et le symptôme d'une euphorie.
23:40 Et en fait, on se rue sur Nvidia.
23:41 Mais non, on ne se rue pas sur Nvidia.
23:43 Il s'est passé quand même des choses cette année.
23:45 La surprise de cette année, ce n'est pas la faillite des...
23:49 Enfin, si, c'est une surprise pour moi, mais la faillite des banques régionales aux États-Unis.
23:54 C'est l'intelligence artificielle.
23:56 On a là quelque chose qui, en termes macroéconomiques, est porteur,
24:01 et Didier va peut-être me contredire, mais porteur d'une amélioration de la productivité,
24:06 qui est un des trucs qui nous fait le plus défaut depuis des décennies,
24:10 est porteur de rêve et de peur.
24:12 Rêve et de peur, on retient qu'une chose, ça fait monter les valeaux.
24:15 Mais attention, la peur peut revenir.
24:17 Les gagnants perçus d'aujourd'hui, ils le disent tous,
24:19 ils disent tous qu'on en fait un peu, donc on n'est pas stabilisés.
24:22 Mais les gagnants d'aujourd'hui ne seront pas les gagnants de demain.
24:26 Mais c'est un monde passionnant.
24:28 – Et Didier Borowski en réaction aux deux conceptions qu'ont été les banques.
24:33 – Oui, de notre sentiment, en revanche, c'est en effet l'hyperconcentration
24:36 du marché américain nous inquiète, nous préoccupe,
24:38 surtout dans une phase où on s'attend quand même à ce que l'économie américaine
24:41 ralentisse beaucoup plus nettement que ce qui est anticipé par le consensus
24:43 ou par la réserve fédérale, même si c'est une petite récession,
24:45 ça va se voir dans les profits agrégés.
24:48 Donc là, il y a en effet un retour sur des valeurs qui ne sont pas uniquement
24:51 les valeurs qui sont trop chères aux États-Unis,
24:55 mais ça nous semble un peu spécieux aujourd'hui de conseiller ça,
24:58 surtout en risque-rendement, parce que le grand retour de l'obligataire,
25:00 nous on l'a conseillé depuis le mois d'octobre dernier,
25:02 on reste confiant dans la classe obligataire,
25:05 parce qu'elle a des propriétés qui permettront de protéger
25:08 les portefeuilles diversifiés en cas de correction sur les bourses.
25:12 Et puis le risque-rendement, quand on le voit même sur le marché monétaire,
25:15 vous avez des investisseurs américains aujourd'hui qui se disent
25:17 qu'ils sont mieux rémunérés à détenir du cash qu'à se positionner
25:20 sur un marché d'action américain hyper concentré et très cher.
25:23 Donc il y a ces thématiques-là qu'il faut quand même avoir dans un coin de l'esprit.
25:26 La récession des profits, c'est quand même quelque chose qui peut venir.
25:29 Et même s'il y a beaucoup de résilience du côté de l'économie américaine
25:32 et aussi du côté de l'économie européenne, ça nous semble faux de croire
25:34 qu'on peut rester résilient aussi longtemps, compte tenu du discours des banques centrales.
25:38 Parce qu'une fois de plus, si on est résilient pendant très longtemps,
25:40 les banques centrales pousseront plus loin le curseur, c'est ce qu'elles disent,
25:43 parce qu'elles anticiperont à ce moment-là que l'inflation restera plus nettement dans le système.
25:48 Et ça, ce n'est pas très bien vu, à mon sens, par les marchés d'action.
25:51 Donc il faut faire très attention à ça.
25:54 Ça ne signifie pas qu'il n'y a pas de la valorisation relative.
25:57 Là, je ne rentrerai pas dans ces sujets, mais c'est évident par secteur, par entreprise, etc.
26:01 Mais c'est sur les indices d'un point de vue directionnel,
26:03 une volatilité aussi faible avec des marchés hyper concentrés,
26:05 je parle du marché américain, ça nous paraît préoccupant.
26:09 Alors maintenant, l'espoir des gains de productivité générés par l'intelligence artificielle.
26:13 Oui, il y a beaucoup de rapports qui vont dans ce sens-là,
26:15 rapport de l'OCDE, rapport McKinsey, beaucoup d'enquêtes
26:17 qui semblent montrer que ça va être ce qui va se passer dans un premier temps.
26:20 Maintenant, il faut faire attention.
26:22 Ça ne va pas se passer du jour au lendemain.
26:24 C'est peut-être une histoire qui va se construire dans les trois à cinq ans.
26:27 Mais il faut attendre avant de pouvoir constituer les gains de productivité induits.
26:30 Il y a quand même un point d'interrogation derrière tout ça.
26:33 Tous les faits que je mentionne, c'est des faits, comme disait Bachelard,
26:36 c'est des faits polémiques, parce qu'il y a encore beaucoup d'incertitudes sur l'interprétation.
26:40 Tout à l'heure, on disait qu'on espère revenir au monde d'avant,
26:43 mais on ne reviendra pas au monde d'avant.
26:45 En tout cas, si le monde d'avant, c'est ce qu'on a vu depuis la grande crise financière jusqu'à 2022,
26:48 il n'y aura pas de retour sur le monde d'avant.
26:50 Quand je disais qu'on était hors modèle, on est en dehors des modèles qui répliquent le passé.
26:53 On est dans quelque chose de nouveau, du côté de la mondialisation,
26:57 du côté du changement climatique, du côté des degrés de liberté des politiques monétaires et des politiques budgétaires.
27:02 Il y aura moins de degrés de liberté pour lutter dans les chocs du futur, pour lisser les cycles.
27:06 Et ça, ce sont des éléments qui sont préoccupants et qui sont à prendre en considération au jour d'aujourd'hui.
27:11 Donc les investisseurs doivent se projeter dans le monde de demain,
27:13 pas en espérant que les taux d'intérêt vont revenir au niveau qu'ils ont connu juste avant le début du choc Covid.
27:19 Ça, ça ne nous semble pas du tout être le sens de l'histoire.
27:22 Ça fait une transition et tout de trouvé pour aborder quand même un autre sujet marché avec vous, Céline Picmal-Prade.
27:27 Il y a peut-être un autre juge de paix aussi sur les marchés, c'est quand même l'activité des entreprises.
27:30 Trimestre après trimestre, on a une saison des résultats qui va s'ouvrir.
27:34 À quoi est-ce que vous vous attendez ?
27:35 Justement, est-ce que le sujet va être dans cet environnement d'inflation plus élevé,
27:39 la capacité à conserver des marges et à toujours dégager du bénéfice ?
27:42 Donc effectivement, pour rebondir, vous disiez Nicolas à l'instant,
27:46 je pense que le juge de paix sera la publication des bénéfices comme ça avait été le juge de paix en 2000.
27:53 Et pour revenir sur ce parallèle et pourquoi est-ce que je m'inquiète pour les bénéfices des sociétés technologiques en particulier,
28:01 et pas forcément sur le luxe, c'est un autre problème, mais sur les sociétés technologiques en particulier.
28:05 Si vous regardez en début 2000, on avait deux inquiétudes qui étaient une base de comparaison compliquée
28:14 parce que vous aviez eu un pic d'investissement parce qu'on attendait le bug de l'an 2000.
28:19 Donc comme on attendait le bug de l'an 2000, il y avait eu un surinvestissement en technologie avant 2000
28:24 qui faisait qu'on avait des bases de comparaison pour les bénéfices qui étaient difficiles.
28:27 Et la deuxième problématique à laquelle on est confronté, c'est qu'on avait également à l'époque une hausse des taux d'intérêt
28:33 qui avait entraîné des contraintes au niveau des dépenses de la part des entreprises
28:39 et qui avait aussi amené à des sociétés technologiques plus en difficulté et donc moins à même de dépenser du côté de la technologie
28:48 parce qu'elles avaient des problèmes de financement.
28:50 Donc ça c'est pour ce qui s'est passé en 2000.
28:53 Et ça me fait quand même énormément penser à l'environnement actuel pour les sociétés technologiques,
28:57 pour les deux mêmes raisons, des bases de comparaison difficiles,
29:00 après des dépenses extraordinaires qui ont été liées au Covid et au confinement.
29:04 Donc on a vraiment des bases de comparaison compliquées.
29:07 On le voit, les chiffres de vente d'ordinateurs sont en baisse de 30% sur le premier trimestre.
29:12 Les chiffres de vente de téléphones portables en baisse de 15% sur le premier trimestre.
29:18 Oui parce qu'on a constaté les vagues d'équipements.
29:20 Les sociétés du Nasdaq ont eu des bénéfices en baisse de 6% sur le premier trimestre.
29:25 Donc on a là même des effets de bases de comparaison difficiles.
29:29 Et de l'autre côté, vous vous adressez à des clients qui sont sous pression
29:33 du fait justement de cette hausse des taux d'intérêt,
29:35 parce que vous avez un certain nombre de start-up aujourd'hui qui ont des problèmes de financement
29:39 et on leur demande d'être profitables.
29:41 Et pour être profitables, il faut serrer les coups et on arrête de dépenser à tout va
29:45 comme on le faisait depuis 10 ans.
29:47 Donc ça, ça a un impact sur les carrières de commande.
29:49 Et après, effectivement, en 2000 on avait Dotcom, aujourd'hui c'est Intelligence Artificielle.
29:54 Intelligence Artificielle, juste pour revenir sur l'impact que ça peut avoir sur les entreprises,
29:59 ça représente aujourd'hui 2 à 3% de la demande de semi-conducteurs
30:03 qui est attendue pour le deuxième semestre 2023.
30:05 50% de la demande de semi-conducteurs, c'est les ordinateurs et c'est les téléphones portables.
30:12 Et après une autre partie, donc pour les 50%, c'est les serveurs hors Intelligence Artificielle.
30:19 Donc tout ça, c'est sous pression.
30:21 Donc c'est, à mon sens, ça ne va pas être les 2-3% qui vont suffire à compenser,
30:26 sur le marché des semi-conducteurs, le fait qu'on a des bases de comparaison très difficiles
30:30 et de la demande sous pression sur les 50% autres.
30:34 Donc c'est ça qui reprend, c'est pour ça qu'on va être extrêmement attentifs à ce qui va se passer là,
30:39 au moment de la publication des résultats.
30:41 Les résultats c'est toujours compliqué parce que si vous mettez la barre très bas,
30:43 après on va dire finalement, on attendait -6, ils ont fait -4, c'est super.
30:47 Bon, donc c'est pas forcément sur une fois, mais je pense qu'on peut avoir quand même,
30:52 au fur et à mesure, une réalisation du fait qu'il n'y a pas de croissance.
30:56 L'année dernière, -30% pour les bénéfices du Nasdaq, sur le premier trimestre, -5,5%.
31:01 Donc à un moment, ça va devenir, à mon avis, quand même compliqué.
31:04 Et ça n'empêche pas, pour revenir sur le marché dans son ensemble,
31:07 qu'on puisse avoir des poches extrêmement intéressantes de l'autre côté.
31:10 Puisque comme on a une concentration du marché, vous avez beaucoup d'autres valeurs
31:13 qui ne sont pas du tout surdétenues et qui ne sont pas surreprésentées dans les portefeuilles.
31:18 Pas du tout. Et c'est ça qui rend notre métier intéressant pour revenir à ce qui se passe sur le Japon
31:22 ou ce qui peut se passer demain sur le marché chinois.
31:24 Donc, que personne ne détient et que personne ne veut considérer.
31:28 Donc on a un marché totalement à deux vitesses.
31:31 C'est ça qui le rend extrêmement intéressant pour revenir à ce que disait Nicolas tout à l'heure.
31:35 Nicolas, justement sur cette saison des résultats qui s'ouvre réellement dans quelques jours,
31:39 mais on a quand même déjà eu des warnings et quelques résultats.
31:42 Qu'est-ce que vous en attendez ? Qu'est-ce que vous allez analyser ?
31:45 Alors, des observations.
31:48 Il fait en gros 18 mois que la récession est préannoncée.
31:54 Et 9 à 12 que la récession des profits est annoncée.
32:00 La récession des profits ?
32:02 Oui, bien sûr.
32:04 On a été à autant de chocs, contre-chocs, des problèmes de supply chain, des coûts, les salaires.
32:10 Je n'ai plus assez de tout.
32:12 Et puis là, la musique, c'est plutôt j'ai trop. J'ai trop, trop de stock.
32:16 Donc, le premier truc qu'on regarde, pourquoi ?
32:18 Ça fait déjà depuis la fin de l'année dernière, Didier l'a dit,
32:23 on ne cesse d'avoir d'une année sur l'autre une partie des explications dans la correction du mouvement antérieur.
32:32 Il y a eu le choc Covid.
32:34 Ça a entraîné une déformation de nos habitudes de consommation, un poids de la santé.
32:40 Et donc, si on prend des exemples concrets, on voit bien qu'un grand nombre d'acteurs,
32:45 notamment des fournisseurs de l'industrie de la santé,
32:48 payent toujours en 2023 pour la deuxième année consécutive l'extraordinaire demande.
32:56 Bien sûr.
32:57 Pour la santé, produits pharmaceutiques, biotechnologiques qui a eu lieu à l'occasion du Covid.
33:02 Les effets de la crise sanitaire, ça va marquer toute la décennie.
33:06 Mais là, on est dans choc contre choc.
33:08 Donc, on voit des gens comme Sartorius Stedim,
33:11 qui est un acteur qui était une small cap, mid cap et qui est devenu une très grosse boîte
33:18 et qui là souffre, parce que c'est eux qui ont fait un warning récemment,
33:23 d'un excès d'inventaire, de stock qui est lié en fait à une demande finale qui n'est plus aussi bonne.
33:29 Et en fait, probablement des clients notamment asiatiques,
33:33 parce qu'il n'y a pas que dans les semi-conducteurs que les Chinois veulent s'intégrer dans le domaine de la santé.
33:38 Les Coréens, les Chinois dans les premiers.
33:41 Donc, il y a cette espèce de focalisation sur les effets de stock.
33:48 C'est le message de la chimie.
33:50 Alors, qu'est-ce qui fait peur ?
33:52 On aborde cette séquence de résultats, comme d'habitude, avec une inquiétude vigilante,
33:59 mais un peu de pragmatisme, pas tellement d'insouciance, mais on a un peu peur.
34:05 Là, la chimie n'a cessé d'annoncer depuis 10 jours des mauvaises nouvelles, partout.
34:11 Même des acteurs issus de la chimie comme DSM, problème d'inventaire.
34:18 Il y a une demande qui fiche le camp, qui s'écrase, et dans le même temps, trop de produits, trop d'inventaires.
34:24 Donc, avant, le problème, c'était comment je vais faire face à toute cette demande vis-à-vis d'un sujet intrant en matière première.
34:30 Et là, le sujet, c'est où est passée cette demande alors qu'il y a toujours des stocks, effectivement, chez les clients ou même chez moi ?
34:36 C'est là où il faudrait regarder. Il y a une distorsion de l'effet de demande,
34:41 parce que comme les clients ont acheté par précaution, parce qu'ils n'avaient pas les produits,
34:47 ils ont acheté par précaution parce que des hausses de prix. J'aime beaucoup Arkema.
34:53 L'année dernière, la directrice financière, en présentant les résultats en septembre, dit qu'on passe notre septième hausse des prix.
35:01 J'ai jamais vu ça. Vous êtes client. Vous n'attendez pas la huitième pour peut-être commander un peu plus que vos besoins.
35:10 Donc, on est aussi dans... Est-ce que c'est la demande qui est si faible qu'ils le disent ou c'est l'écoulement des stocks chez les clients
35:18 qui fait qu'on a une perception de la demande qui est moins forte ? C'est là où c'est subtil.
35:23 Après, qu'est-ce qu'on regarde beaucoup ? C'est les effets volume, prix. Le sujet jusqu'à présent, c'est que beaucoup de résultats ont bien tenu
35:33 grâce à un mix prix-volume qui était de qualité. Là, on va évidemment être très attentifs aux signes que le prix a fini par cannibaliser et détruire la demande.
35:48 Donc ça, c'est un grand sujet pour 2023. Et la messe ne sera probablement pas dite.
35:53 — Et ça, ça va se regarder quoi ? Par secteur, par entreprise ?
35:55 — Par secteur. Il y a le suspect classique derrière ces avertissements dans la chimie, parce que la chimie, on dit parfois que c'est l'industrie des industries.
36:04 Donc c'est un espèce d'indicateur avancé. En tout cas, c'est une belle alerte. Il y a les secteurs de la construction qui sont faibles.
36:11 Le facteur taux d'intérêt est probablement le facteur principal. Bon, il y a eu 30 ans de bonne orientation avant, de pas mal de choses.
36:18 Mais dans les capital goods, on voit déjà depuis 2, 3 trimestres des volumes qui sont négatifs. Et en fait, 120% de la croissance, c'est les prix.
36:33 Ça, probablement que... Bon, le peak pricing, c'est quelque chose qui est derrière nous depuis quelques mois.
36:42 Donc voilà. Dans les facteurs de vigilance, il y aura ça. Maintenant, on a chez nous rencontré à peu près une centaine d'entreprises depuis fin mai.
36:54 C'est pas sûr. C'est quand même pas sûr que la demande soit... Qu'il faille extrapoler ces signes annonciateurs d'une dégradation des marges.
37:04 C'est pas du tout acquis. C'est une vigilance qu'il faut avoir.
37:08 Oui, auquel cas, s'il n'y a pas de dégradation des marges, les banques centrales en font davantage, parce qu'il y a quand même beaucoup d'études qui semblent montrer
37:14 qu'une grande partie de l'inflation a été quand même tirée par les marges des entreprises. Alors là aussi, c'est un sujet assez polémique,
37:20 parce qu'on peut justifier pour partie l'augmentation des taux de marge quand il y a un excès de demande. Mais dans l'ensemble, il y a ce facteur qui est préoccupant.
37:28 Donc j'ai envie de dire deux choses. L'une pour les investisseurs actions aujourd'hui, c'est soit les économistes sont vraiment plus résilientes que ce que les économistes disent,
37:35 et qu'on repousse une fois de plus le ralentissement économique et la récession aux États-Unis. Mais à ce moment-là, les banques centrales vont faire plus que ce qui est anticipé par les marchés.
37:44 Donc on ne sait pas ce qu'il faut souhaiter.
37:46 Non, mais c'est ça qu'il faut bien comprendre. C'est que si c'est très résilient, si les entreprises continuent à avoir des marges et continuent à augmenter leurs marges,
37:53 et on continue d'avoir un qui nourrisse l'inflation d'une certaine façon, on aura des banquiers centraux qui seront probablement enclins à en faire davantage.
38:00 Et auquel cas, ça finira par créer un problème du côté de la demande globale avec un atterrissage qui pourrait être plus brutal.
38:06 Donc il faut espérer en réalité qu'on commence à avoir un ajustement du côté des profits des entreprises, qu'on ait quelque chose d'ordonné,
38:12 et pour permettre une pause du côté des banques centrales, ce qui est notre sentiment, ces petits ralentissements économiques avec pause des banques centrales.
38:18 Mais il y a quand même un risque qui est en train de monter, parce qu'il y a quand même des vulnérabilités financières qu'il faut avoir en tête.
38:23 Et les vulnérabilités financières, elles sont liées au niveau d'endettement. Et elles vont tôt ou tard se réveiller du côté des entreprises comme du côté des États.
38:29 Donc si les banques centrales continuent de monter les taux d'intérêt, la vulnérabilité financière finira par revenir sur le devant de la scène
38:35 avec des risques d'ajustement désordonnés, pour dire les choses de façon...
38:39 Si je peux compléter sur un dernier mot, justement, pour parler des banques centrales, je pense que le monde est plus large que l'Europe, les États-Unis.
38:46 Bien sûr.
38:47 Vous avez quand même une banque centrale qui risque de vouloir améliorer les choses et qui veut faire de l'injection monétaire, c'est la banque centrale chinoise.
38:54 Donc ça c'est quelque chose à mon sens auquel il va falloir être très attentif sur cette deuxième partie.
38:59 Mais qui elle aussi marche sur une ligne de crête.
39:01 Mais on peut avoir une situation qui n'a rien à voir, c'est-à-dire que j'ai d'un côté du monde un resserrement et de l'autre côté j'ai de l'augmentation
39:07 dans une partie du monde où les attentes sont au plus bas et que personne ne détient aujourd'hui en portefeuille.
39:12 Et où les valorisations sont attractives.
39:13 Voilà, tout à fait. Donc c'était juste le mot de l'affaire.
39:15 Mais ça passera peut-être plus par le budgétaire que par le monétaire. Mais ça c'est un autre débat.
39:19 Merci en tout cas à tous les trois. Merci Didier Borowski, responsable de recherche politique macroéconomique chez Amundi Institute.
39:25 Merci Céline Pickmall-Prade, présidente de Pickmall Auton Investment.
39:28 Et merci Nicolas Braud, directeur associé chez Autingre Banque Privée.
39:31 Merci à tous les trois. Merci à vous de nous avoir suivis.
39:34 Et on se retrouve tout de suite dans Marché à Thème.

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