Anne Fulda reçoit Paul Saint Bris pour son livre «L’allègement des vernis» dans #HDLivres
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00:00 Bonjour Paul Saint-Brice.
00:01 Bonjour Anne.
00:02 Vous êtes directeur artistique, vous êtes photographe, vous êtes réalisateur et vous venez de publier votre premier roman qui s'appelle "L'allègement des Vernis".
00:10 C'est publié chez Philippe Rey.
00:12 Alors c'est un livre délicieux, parfois poétique, qui vous a valu déjà quelques prix, dont le prix Orange, le prix Imerys, le prix de la Ponche.
00:20 Alors au cœur de l'intrigue, la restauration d'un tableau que tout le monde connaît, c'est "La Joconde", l'un des joyaux du Louvre.
00:26 Et le héros du livre Aurélien se trouve face à une tâche gigantesque.
00:31 On lui demande de se charger de la restauration de ce tableau pour en fait faire augmenter les entrées.
00:39 Alors comment vous est venue cette idée de vous consacrer à ce sujet ?
00:45 Alors je pense que l'idée m'est venue par mon métier de directeur artistique, de réalisateur et de photographe.
00:51 C'est-à-dire que moi-même, je contribue à la frénésie visuelle de notre époque et c'est quelque chose qui m'interroge beaucoup.
00:57 Et je voulais savoir, voilà, je m'interroge sur le temps qu'on passe sur une image, sur notre capacité à s'arrêter sur une image.
01:04 Et puis j'ai un autre sujet qui m'intéresse, qui est celui de notre rapport au changement.
01:10 On est dans une époque qui nous demande beaucoup de changements, des changements nécessaires, mais qui sont parfois durs à accepter.
01:17 Et cette histoire de la restauration de "La Joconde", c'est une métaphore.
01:20 Il y a dans ce sujet de la restauration l'idée que la Joconde représente l'immuable
01:25 et que qu'est-ce qui l'advient si on précipite un conservateur dans la tornade du changement ?
01:30 Oui, parce qu'en filigrane, il y a effectivement cette un peu une lutte entre l'Ancien et le Nouveau Monde.
01:35 Le Nouveau Monde étant symbolisé par la directrice, la nouvelle directrice, Daphné,
01:41 qui veut faire du chiffre, de l'image, des clics, qui s'oppose à un Aurélien plus conservateur.
01:49 Est-ce que vous croyez justement que la résistance au changement, et il est important de vous l'évoquer à ce moment,
01:54 c'est quelque chose... parce qu'on n'a pas l'impression, on est submergé par les images aujourd'hui.
01:59 Moi, ce qui m'intéresse beaucoup, c'est la question du regard.
02:02 C'est en fait, où est-ce qu'est la beauté ?
02:05 Mon personnage principal, Aurélien, il est conservateur par son métier, il est aussi conservateur par ses valeurs.
02:11 Et il a hérité de la beauté un peu comme un fardeau,
02:15 c'est-à-dire qu'il trouve que le monde n'est pas assez beau pour lui,
02:20 parce que le monde actuel préférit l'efficacité, la rentabilité,
02:24 des valeurs qui ne sont pas aussi importantes pour lui que des valeurs esthétiques.
02:28 Et du coup, il souffre un petit peu.
02:31 Et tout l'objet de tout son trajet dans le roman,
02:34 ça va être d'alléger son regard sur le monde pour arriver à aimer le monde présent.
02:40 Avec de temps en temps, des figures assez poétiques qui surviennent.
02:43 Il y a une galerie de portraits comme ça, et notamment cet agent de nettoyage
02:48 qui écoute de la musique en faisant le ménage sur une voiture,
02:54 enfin une voiture de nettoyage.
02:55 Et ça donne une image absolument...
02:57 On voit la scène, on voit que vous êtes quelqu'un de l'image.
03:02 C'est assez beau et poétique, cette image-là.
03:05 Alors, la question qu'on peut se poser aussi, c'est
03:08 est-ce qu'évoquer le tableau le plus célèbre de Léonard de Vinci,
03:12 ça a un lien avec le fait que votre père est le directeur du Clos Lucé ?
03:18 Alors, pour tout vous dire, moi j'aurais préféré ne pas travailler sur un tableau de Léonard de Vinci,
03:24 mais ça s'est imposé à moi.
03:25 Parce que, pour plusieurs raisons, d'abord, si on peut parler de l'immuabilité,
03:29 je pense que l'âge au comte, c'est vraiment le symbole ultime de l'art occidental.
03:32 Et y toucher, c'est évidemment, quelque part iconoclaste.
03:37 Et ensuite, donc ça servait très bien à mon propos.
03:40 Et la deuxième chose, c'est que l'âge au comte nécessite un véritable besoin,
03:44 a un véritable besoin de restauration.
03:45 Les vernis qui la recouvrent sont oxydés, sont sombres.
03:49 Et donc, c'est tout à fait, c'est une réalité aujourd'hui.
03:53 Alors, vous nous entraînez dans les arcades du Louvre aussi,
03:55 dans l'univers des restaurateurs de tableaux.
03:58 Je suis Aurélien, mais comment avez-vous travaillé ?
04:00 C'est un univers que vous connaissez, que vous avez découvert ?
04:03 Non, je ne connaissais pas cet univers.
04:05 C'est beaucoup de recherche, de documentation.
04:08 Et c'était aussi une plongée très intéressante dans cette discipline
04:12 très spécifique du métier de restaurateur,
04:14 qui a toujours, en fait, où la frontière est très poreuse entre l'artiste et l'artisan.
04:19 Et en remontant aux sources de la restauration, dans l'histoire,
04:22 je suis tombé sur le premier restaurateur, Robert Pico,
04:25 qui m'a tout de suite intéressé parce qu'il avait cette prétention,
04:29 en tout cas, de signer ses toiles, au revers de ses toiles,
04:31 il signait "peint par Raphaël Durbin, restauré par Robert Pico, artiste".
04:37 Et donc, c'est un métier qui vient vraiment,
04:40 qui a été au départ confié aux peintres, aux artistes,
04:42 et aujourd'hui qui est très cadré par une dentologie.
04:44 Mais on peut se poser la question de ce qui ressort d'une confrontation
04:47 entre un artiste et la personne qui est en charge de sa restauration,
04:52 souvent pendant une durée assez longue.
04:53 Qu'est-ce qui se passe dans ce jeu, dans ce tête à tête qui dure plusieurs mois ?
04:58 Est-ce qu'on se l'approprie ?
04:59 Est-ce qu'on s'approprie ?
05:00 Et à quel point on se l'approprie ?
05:02 En tout cas, c'est un très joli roman,
05:05 ça s'appelle donc "L'allégement des vernis",
05:06 c'est publié aux éditions Philippe Ray.
05:09 Merci Paul Saint-Brich.
05:10 Je vous en prie, merci à vous.
05:11 [Musique]
05:14 [Sous-titres réalisés para la communauté d'Amara.org]