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Anne Fulda reçoit William Lafleur pour son livre «L'ex plus beau métier du monde» dans #HDLivres

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Transcription
00:00 - Bienvenue, bienvenue à l'heure des livres, William Lafleur.
00:02 Alors vous... - Bonjour.
00:03 - Bonjour. Vous êtes professeur, enfin vous êtes...
00:07 Vous restez professeur même si vous avez démissionné,
00:09 vous avez enseigné l'anglais pendant 12 ans,
00:11 vous êtes connu sur les réseaux sociaux sous le nom de "Monsieur le Prof",
00:15 notamment avec un compte sur Twitter qui a eu de 100 000 abonnés.
00:18 Et vous venez de publier "L'ex-plus beau métier du monde" chez Flammarion.
00:22 Alors un livre dans lequel vous racontez votre expérience,
00:25 mais pas seulement, et c'est ça qui est original,
00:26 c'est que vous avez recueilli 2 000 témoignages grâce aux réseaux sociaux.
00:33 Et le constat, c'est qu'en fait les professeurs sont à bout.
00:37 C'est un constat assez inquiétant.
00:39 Et vous donnez une anecdote assez révélatrice,
00:42 vous dites que dans le temps, lorsque vous alliez dans la salle de prof,
00:45 on parlait des élèves, d'anecdotes,
00:47 et que maintenant on parle du malaise des professeurs.
00:50 - C'est ça, un des grands sujets de conversation entre enseignants,
00:53 c'est la démission ou la reconversion.
00:55 C'est pas quelque chose que j'entendais en salle des profs
00:57 quand j'ai commencé en 2011, mais là, oui, ça revient à chaque fois.
01:02 Les collègues se tournent vers la porte de sortie,
01:05 ce qui est assez inquiétant parce que, donc,
01:08 on a vu en cette rentrée qu'il manquait plus de 3 000 profs à l'appel,
01:11 contrairement aux déclarations de Gabriel Attal
01:13 qui affirmait qu'il y aurait un professeur devant chaque élève.
01:16 C'est totalement faux.
01:17 Et donc, ce métier, qui est censé être le plus beau métier du monde,
01:21 n'attire plus. Non seulement les professeurs comme moi
01:24 commencent à démissionner en masse,
01:26 et en plus, on a du mal à recruter des nouveaux candidats.
01:29 - Alors, prenons votre cas.
01:30 Alors, qu'est-ce qui s'est passé entre ce mois de juillet 2011,
01:33 où vous êtes pion et vous apprenez que vous avez votre capesse d'anglais,
01:37 pour vous, c'est la joie, le bonheur, la fierté.
01:40 C'est le plus beau métier du monde.
01:42 Et ce mois de juillet 2022,
01:44 vous prenez cette décision lourde de démissionner.
01:49 - Ce qui s'est passé, c'est que j'étais enseignant.
01:51 J'ai vécu pendant 12 années la casse du système éducatif.
01:57 Je l'ai vu dans un premier temps avec la réforme du collège en 2016,
02:00 puis celle du lycée en 2019.
02:01 Et j'ai vu que d'année en année,
02:03 les conditions de travail de mes collègues et de moi-même
02:07 étaient rendues plus difficiles.
02:09 C'est-à-dire, on augmente le nombre d'élèves par classe,
02:12 on diminue le nombre d'heures,
02:14 on nous fait changer de programme tous les 4-5 ans,
02:16 alors que ce n'est pas nécessaire.
02:18 On nous met des bâtons dans les roues,
02:19 on nous empêche de bien travailler.
02:22 Donc, au fur et à mesure,
02:24 ce métier pour lequel je me suis beaucoup impliqué,
02:28 j'ai beaucoup donné,
02:30 je me disais, mais en fait, il est en train de bousiller ma santé.
02:35 Donc, il y a un moment où il faut savoir s'arrêter,
02:37 lever le pied.
02:38 Et pour moi, c'était le moment de partir.
02:40 - Alors, vous évoquez plusieurs problèmes.
02:41 Enfin, vous venez d'en évoquer certains.
02:44 Il y a aussi des réformes successives.
02:46 Il y a des problèmes de difficiles relations avec les parents
02:50 que vous évoquez aussi,
02:51 des parents qui deviennent de plus en plus difficiles.
02:54 Il y a des problèmes de violence aussi que vous évoquez
02:57 et devant lesquels les professeurs sont assez désarmés
02:59 et très souvent peu appuyés par la hiérarchie.
03:02 - Oui, c'est ça.
03:03 En fait, quand on est face à nous, des élèves récalcitrants,
03:06 je pense que ça a été comme ça à toute époque.
03:09 Moi-même, dès ma première année,
03:10 j'ai un élève, quand je faisais l'appel,
03:12 mon premier appel, je m'en souviens,
03:13 qui me disait de baisser les yeux,
03:14 de ne surtout pas le regarder dans les yeux.
03:16 Bon, on est un peu pétrifié face à ça.
03:18 Quand moi j'avais 23 ans, je n'avais pas d'expérience.
03:22 Mais le problème, ce n'est pas tant ça,
03:23 c'est que si on va demander par un pas
03:26 que l'élève soit sanctionné,
03:27 si on va l'exclure de classe,
03:30 ce qui se passe, c'est qu'on nous le renvoie après,
03:32 cinq minutes plus tard,
03:32 parce qu'il n'y a personne pour s'en occuper.
03:34 Parce qu'il n'y a pas qu'une pénurie d'enseignants,
03:36 il y a aussi une pénurie d'AED,
03:37 on a du mal à recruter,
03:39 ils sont sous-effectifs
03:40 et donc il n'y a personne pour garder cet élève exclu.
03:42 Et en plus, parfois,
03:44 on va même nous reprocher d'avoir puni un élève
03:48 où on va nous dire,
03:48 bon là, il vous a juste dit de baisser les yeux,
03:50 il ne vous a pas insulté non plus,
03:51 donc de quoi est-ce que vous plaignez ?
03:53 - Oui, il y a comme un renversement des valeurs,
03:54 en fait, ce que vous expliquez,
03:56 c'est-à-dire qu'on prône sans cesse la bienveillance,
03:59 alors que certes, il faut de la bienveillance,
04:00 mais il faut de l'autorité.
04:01 Finalement, c'est devenu presque un mot tabou,
04:02 on a l'impression.
04:04 - Oui, oui, parce qu'en fait,
04:05 on ne nous donne pas les moyens d'avoir cette autorité.
04:08 C'est-à-dire qu'en gonflant les effectifs de classe,
04:11 en ayant des classes à 36, 37, 38 élèves,
04:15 en ayant des élèves qui ont des besoins spécifiques,
04:18 qui seraient normalement dans des classes secs,
04:19 par exemple, pour les élèves en grande difficulté scolaire,
04:22 ou en classe ULIS,
04:23 c'est-à-dire pour les élèves en situation de handicap.
04:25 On ferme ces classes et on met tout le monde dans le même panier,
04:28 dans des classes surchargées,
04:29 et on dit aux professeurs,
04:30 ayez de l'autorité, c'est comme ça que vous allez gérer.
04:32 Oui, l'autorité, on en a plus facilement
04:34 avec des effectifs plus réduits.
04:36 - Dernière question, bon, c'est le sujet du moment,
04:38 mais est-ce que le nouveau ministre de l'Éducation nationale,
04:41 en décidant d'interdire la BAIA, a fait preuve d'autorité ?
04:44 Et est-ce qu'il a eu raison de le faire ?
04:46 - Oui, il a fait certainement preuve d'autorité.
04:49 Après, la BAIA n'était pas un problème il y a un an ou il y a deux ans.
04:54 Et là, on a un nouveau ministre et hop, on a un nouveau sujet
04:57 qui permet de passer beaucoup moins de temps sur les sujets
05:01 tels que la difficulté de recruter des enseignants
05:04 ou le manque de soutien de la hiérarchie.
05:05 Donc pour moi, ça fait un petit peu diversion.
05:08 Cette action, surtout, voilà, il la présentait en grande pompe,
05:12 une nouvelle fois en prévenant les médias avant les agents.
05:15 Et qui sait qui va être face à ces élèves ?
05:18 C'est les AED, c'est-à-dire les surveillants.
05:21 Ça va être les professeurs, ça va être à eux de gérer une nouvelle mission
05:23 qui est de faire la fashion police.
05:26 - OK. Eh bien, en tout cas, si vous voulez connaître en profondeur
05:30 les problèmes que connaissent les professeurs, les enseignants,
05:34 je vous conseille donc de lire L'ex-plus beau métier du monde.
05:36 C'est paru chez Flammarion.
05:38 Merci beaucoup, William Laflamme.
05:39 - Merci de m'avoir invité.
05:41 (Générique)
05:45 [SILENCE]

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