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Anne Fulda reçoit Olivier Wierviorka pour son livre «Histoire totale de la Seconde Guerre mondiale» dans #HDLivres

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Transcription
00:00 Bienvenue à l'heure des livres, Olivier Viviorka.
00:02 Vous êtes historien, vous êtes professeur
00:05 à l'École normale supérieure Paris-Saclay,
00:07 vous êtes un grand spécialiste de la Seconde Guerre mondiale
00:10 et vous publiez d'ailleurs un livre,
00:13 "Une histoire totale de la Seconde Guerre mondiale",
00:15 qui est paré chez Perrin avec le ministère des Armées.
00:18 Un livre qui est en fait une somme, un travail gigantesque,
00:22 un grand récit qui est extrêmement bien écrit,
00:24 ce qu'il faut souligner,
00:25 ce qui n'est pas toujours le cas de ces livres.
00:29 Et avant tout, on a envie de vous demander une histoire totale.
00:31 Qu'est-ce que cela signifie, totale ?
00:33 Ça semble avoir quelque chose de définitif
00:35 alors que l'histoire bouge toujours, en fait.
00:38 Moi, j'ai essayé d'incorporer, bien évidemment,
00:41 la dimension militaire, mais également l'économique,
00:44 le social, le politique, le diplomatique, le géopolitique.
00:48 C'est en ce sens que c'est une histoire totale.
00:50 Une histoire militaire, très réputée,
00:54 ne parle pas de la Shoah.
00:55 Pour moi, on ne peut pas écrire sur la Seconde Guerre mondiale
00:57 sans parler, bien évidemment, de la Shoah.
00:59 Oui, donc c'est un peu une histoire globale, en fait, on va dire.
01:02 Voilà.
01:03 Alors, la guerre totale, cela dit, c'est un terme qui a été utilisé,
01:06 vous le dites, par Goebbels en 1943.
01:09 Voulez-vous la guerre totale ?
01:11 Mais finalement, cette Seconde Guerre mondiale,
01:13 est-ce qu'elle a été vraiment totale ?
01:14 C'est-à-dire qu'elle a enflammé plusieurs continents,
01:16 mais les engagements auraient pu être encore plus importants ?
01:20 Ce que je veux dire, c'est que cette guerre mondiale
01:23 est en fait beaucoup plus, me semble-t-il,
01:24 la superposition au même moment d'un ensemble de conflits
01:29 qu'une guerre mondiale au sens strict du terme.
01:31 La guerre, elle a été mondiale pour qui ?
01:33 Un peu pour le Royaume-Uni, beaucoup pour les États-Unis.
01:36 Oui, les États-Unis se sont battus en Europe.
01:38 Oui, les États-Unis se sont battus en Afrique.
01:40 Oui, les États-Unis se sont battus en Asie.
01:42 Mais la Russie ne combat qu'en Europe,
01:44 hormis à la fin de la Seconde Guerre mondiale.
01:46 Le Japon ne combat qu'en Asie pacifique.
01:48 Donc, cette guerre mondiale, si vous voulez,
01:51 n'a pas eu ce caractère nécessairement mondial
01:54 pour l'ensemble des belligérants.
01:56 J'ajoute un autre élément, c'est que cette guerre mondiale,
01:59 on a l'impression aussi que les valeurs
02:02 ont été des valeurs universelles,
02:04 que par exemple, les Américains ou les Britanniques
02:06 combattaient pour la liberté.
02:08 En fait, ce que je crois, c'est que la dimension nationale,
02:12 la dimension nationaliste a énormément prévalu
02:15 sur toutes les autres dimensions.
02:18 Alors, il y a eu 60 à 70 millions de victimes,
02:22 en majorité des civils.
02:23 Il y a eu 6 millions de Juifs exterminés.
02:26 Vous écrivez jamais dans l'histoire du monde,
02:28 "Un conflit n'abîme à autant d'êtres humains
02:29 en un temps aussi court et par des moyens aussi barbares."
02:32 Mais finalement, d'ailleurs, c'est ça qui est intéressant,
02:34 c'est que vous relevez que les combats strictosensus militaires
02:38 ne sont pas si importants que ça.
02:40 Enfin, ils sont au début, à la fin,
02:42 mais pas tout au long de la guerre.
02:43 Alors, ce que je veux dire,
02:45 et vous avez entièrement raison de le souligner,
02:46 c'est que lorsque l'on pense Seconde Guerre mondiale,
02:48 on pense guerre.
02:50 Mais vous avez des pays entiers
02:51 qui n'ont pas connu la guerre au sens strict.
02:53 Prenons la France, par exemple.
02:54 La France, oui, connaît la guerre jusqu'en juin 1940.
02:58 À partir du 6 juin 1944, date du débarquement en Normandie,
03:02 et, bien entendu, la libération de la Corse, septembre 1943,
03:06 la France est épargnée.
03:07 Donc, la Seconde Guerre mondiale, c'est bien évidemment une guerre,
03:10 mais c'est aussi une expérience de l'occupation,
03:13 et c'est également, pour beaucoup de pays,
03:15 l'expérience de l'imposition de régimes autoritaires,
03:18 dictatoriaux, totalitaires.
03:20 Et c'est ces trois dimensions
03:22 qui confèrent précisément à cette Seconde Guerre mondiale
03:24 ce caractère tout à fait barbare que vous avez relevé.
03:28 - Oui, alors, vous écriviez d'ailleurs
03:30 que cette guerre, si elle précipita l'humanité aux abîmes,
03:34 dans le même temps, c'est la petite trouée de lumière,
03:37 éleva l'humanité aux cimes,
03:39 en offrant des exemples spectaculaires d'héroïsme.
03:43 Il faut de telles conditions extrêmes pour qu'elles apparaissent ?
03:48 On a l'impression, quand même. - Oui, dans une certaine mesure.
03:50 Je crois, par exemple, pour donner l'exemple de la Résistance française,
03:53 que beaucoup de résistants ont été révélés à eux-mêmes.
03:57 Nous ne savons pas,
03:59 et c'est d'ailleurs l'une des questions que nous nous posons,
04:00 une question que l'on ne se pose pas, je pense,
04:03 pour la Première Guerre mondiale, qu'aurions-nous fait ?
04:05 Mais, en fait, nous ne savons pas ce que nous aurions fait.
04:08 Et donc, bien évidemment, l'homme s'est révélé.
04:11 C'est, par exemple, l'un des acquis d'un historien
04:13 qui s'appelle Christopher Browning,
04:15 de montrer que dans les bataillons d'extermination,
04:17 vous avez des "Monsieur tout le monde" qui y participent,
04:19 et même qui, à partir d'un certain moment, y prennent goût.
04:22 La guerre n'aurait pas éclaté,
04:24 ils auraient mené une vie paisible de policiers ou de bouchers.
04:27 - Dernière question, très vite,
04:29 cette guerre a eu des conséquences majeures,
04:30 notamment sur le plan géopolitique.
04:31 Est-ce qu'on vit encore sur les conséquences géopolitiques
04:34 de cette Seconde Guerre mondiale ?
04:36 - Alors, nous vivons sur les conséquences géopolitiques
04:38 parce que vous n'avez aucun règlement de guerre qui soit satisfaisant.
04:40 Vous avez toujours des vainqueurs, des vaincus.
04:43 Mais ce qui se passe, c'est qu'un certain nombre de dirigeants
04:47 soufflent sur les braises du ressentiment.
04:50 C'est cela qui est dangereux.
04:51 Le traité de Versailles, on peut en discuter,
04:52 mais n'était pas nécessairement un mauvais traité.
04:55 Hitler et Mussolini ont transformé ce traité de Versailles en abomination.
04:59 Là, bien évidemment, vous avez eu des peuples qui ont été lésés
05:02 et des dirigeants qui, je le répète, instrumentalisent ce souvenir.
05:06 Par ailleurs, et nous vivons encore sous ce régime, me semble-t-il,
05:09 les traumatismes vécus par les familles sont encore très profonds.
05:13 On voit que, pour les enfants, pour les petits-enfants,
05:15 avoir eu un grand-père, un père déporté,
05:18 d'avoir eu, pour les Normands, sous les bombes, des victimes proches,
05:23 c'est un traumatisme qui reste encore extrêmement vivant.
05:26 C'est ce qui explique, je crois, que cette mémoire de la Seconde Guerre mondiale
05:29 reste aussi vivante aujourd'hui.
05:30 - Vraiment, je vous conseille de lire ce livre qui est,
05:33 comme je le disais tout à l'heure, vraiment très bien écrit.
05:35 C'est une vision différente de cette Seconde Guerre mondiale
05:38 à propos de laquelle on a l'impression qu'on a tout dit.
05:40 Ça s'appelle donc "Une histoire totale de la Seconde Guerre mondiale".
05:43 C'est paru chez Perrin.
05:44 Merci beaucoup, Olivier Jourca. - C'est moi qui vous remercie.
05:47 (Générique)
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05:51 [SILENCE]

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