Anne Fulda reçoit Jean-Michel Guenassia pour son livre «A Dieu vat» dans #HDLivres
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00:00 - Bonjour Jean-Michel Ganasia. - Bonjour Anne.
00:03 - Alors vous êtes écrivain, on vous connaît beaucoup, on lue notamment le Club des incorrigibles optimistes.
00:09 Et là vous publiez un nouveau livre, un petit peu dans la même veine, qui s'appelle "Adieu va" et c'est paru chez Alban Michel.
00:17 C'est un livre qui court sur 40 années, qui croque en fait la vie, moi je dirais amoureuse, amicale, professionnelle aussi, même sociétale, de 4 jeunes gens.
00:27 Alors ça commence sur les bords de la Marne, dans une guinguette, une rencontre entre Irène et Georges.
00:35 Lui donc est menuisier, il travaille dans le cinéma, dans les studios de Joinville.
00:41 Elle, qu'est-ce qu'elle fait, j'ai oublié, elle est couturière, voilà.
00:47 - Elle est serveuse déjà. - Elle est serveuse, oui, dans cette guinguette.
00:50 Alors ça commence par cette histoire d'amour, ils ont une fille, et je commence par elle parce que il me semble que c'est l'un des personnages qui a le plus de...
00:59 - C'est le personnage central du roman. - Voilà, les autres, c'est quand même une bande de 4, mais c'est le fil rouge, voilà.
01:04 Alors je vous laisse parler de cette fille justement, et nous expliquer ce qu'elle a de singulier par rapport à ses...
01:12 - C'est Arlène, qui est la fille d'Irène, qui est couturière de cinéma, et de Georges, qui est menuisier de cinéma, qui va disparaître pendant la guerre.
01:23 Et elle a une caractéristique, elle est très bonne à l'école, elle est surdouée en mathématiques, à une époque où c'est inhabituel.
01:35 En 1945, il y a 5% de reçus au bac, il faut se rendre compte qu'on a quand même changé d'échelle.
01:42 Et surtout, c'est inhabituel qu'une fille, surtout à cette époque, soit si bonne en maths, elle a des 20 partout, tout le temps.
01:54 Elle réussit brillamment le certificat d'études et se pose la question "qu'est-ce qu'elle va faire après ?"
02:00 Et donc son histoire, c'est aussi l'histoire de la manière dont les femmes ont mis le pied dans la porte pour les ouvrir, parce qu'il n'y a rien de prévu.
02:11 L'école normale supérieure de la Rue du Nîmes n'est pas autorisée aux femmes, elle sera ouverte qu'en 1974, c'est très récent.
02:19 Elle va arriver à l'école normale de Sèvres, qui a en partie été détruite pendant la guerre.
02:27 Et après, elle rêve d'être ingénieure aéronautique, sauf que toutes les écoles d'ingénieurs sont fermées aux femmes.
02:37 Impossible de devenir ingénieure, puisqu'on ne peut pas.
02:41 Pourquoi ? Tout simplement parce qu'on dit que les femmes ne se font pas jamais respecter par des ouvriers dans une usine,
02:48 elles ne se feront jamais obéir, c'est déjà difficile pour les hommes.
02:53 C'est son histoire à elle, mais c'est aussi l'histoire de notre pays pendant les 40 dernières années.
03:00 Oui, surtout qu'elle se retrouve dans une niche, enfin si je puis dire, une spécialité dans laquelle elle peut aller,
03:06 elle se retrouve au CEA.
03:09 Alors, le CEA, d'abord il y a le CNRS qui se crée en 1939, qui va s'arrêter avec la guerre, redémarrer en 1945,
03:17 mais ce n'est pas du tout la priorité. La priorité c'est la reconstruction du pays.
03:21 Le CEA a des moyens ridicules dans les années 40 et au début des années 50.
03:26 En 1945 se crée le CEA, le commissariat à l'énergie atomique, et il démarre, ils sont 12, avec des moyens ridicules,
03:34 sauf que de Gaulle a décidé "je veux une bombe atomique pour la France".
03:40 Mais comment on fabrique une bombe atomique, personne ne sait.
03:43 On est amis avec les Américains si on reste dans le giron de l'OTAN.
03:50 Et donc c'est aussi l'histoire de 1945 à 1962, où la France va fabriquer cette bombe atomique,
03:59 dans des conditions souvent rocambolesques, et elle va réussir, comme elle est vraiment la meilleure de sa promotion,
04:08 à obtenir un stage dans un laboratoire de mathématiques physiques à Châtillon,
04:14 où il y a la première pile atomique française, et elle va rentrer au CEA, puis à la direction des applications militaires,
04:21 et on va assister à la fabrication de la bombe atomique française, et à son explosion en Algérie en 1961 et 1962.
04:28 Ce qui est intéressant, et d'ailleurs j'aimerais savoir, et ce sera la dernière question, comment vous travaillez,
04:33 parce qu'il y a les relations, la vie de cette femme, de ses amis, et il y a tout un fond de tableau, je dirais,
04:42 sur ce qu'est la France de cette époque, c'est-à-dire économiquement, socialement, vous faites beaucoup de recherches ?
04:47 Énormément, énormément.
04:49 C'est comme une fresque sociologique d'une certaine façon, à travers...
04:52 Oui, bien sûr, mais parce que je voulais restituer cette époque qu'on connaît très très mal aujourd'hui,
04:58 dont on se souvient très très peu. Par exemple, on parlait du CEA,
05:04 pourquoi il y a autant de femmes qui rentrent au CNRS et au CEA dans les années 40 et 50 ?
05:11 C'est parce que les hommes ne veulent pas y aller.
05:13 C'est la seule voie possible pour les femmes.
05:16 Les hommes préfèrent rentrer dans l'industrie où ils seront beaucoup mieux payés
05:20 et auront des carrières bien plus importantes, et ils ne veulent pas rentrer dans ce qu'ils considèrent être une administration.
05:26 Alors bon, évidemment, il n'est pas question que d'énergie atomique, c'est un roman, c'est un vrai roman, et on est emporté.
05:33 Et ça s'appelle donc "Adieu va", très joli titre, c'est paru chez Albain Michel. Merci beaucoup.
05:38 Merci Anne, merci à vous.
05:40 [Musique]
05:43 [Sous-titres réalisés para la communauté d'Amara.org]