Anne Fulda reçoit Philippe Chauvin pour son livre «Rugby : Mourir fait partie du jeu» dans #HDLivres
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00:00 -Bonjour, Philippe Chauvin.
00:01 Je vous reçois parce que vous venez d'écrire un livre,
00:04 "Rudbi, mourir fait partie du jeu",
00:06 un livre qui est paru aux éditions du Rocher
00:09 et un livre dont le titre peut paraître paradoxal.
00:12 Vous l'écrivez, "Mon récit est un peu une odyssée après un naufrage
00:16 pour essayer de retrouver la raison".
00:18 Ce naufrage, c'est la mort de votre fils, Nicolas,
00:20 mort lors d'un match de rugby à Bordeaux en 2018.
00:24 Alors pourquoi ce titre qui interroge ?
00:29 -En fait, ce titre, il est un peu provocateur
00:32 et il est à dessein,
00:34 puisqu'on oppose dans une même phrase le jeu et la mort.
00:41 Et ça paraît complètement absurde de pouvoir se dire qu'un jour,
00:45 vous allez conduire vos enfants sur un terrain de sport
00:48 et qu'ils ne reviendront pas parce qu'ils auront trouvé la mort.
00:51 Mais pourtant, cette odyssée dont on parle,
00:56 ce témoignage permet à chacun de voir que, finalement,
01:00 quand vous vous posez des questions, on n'a pas de réponse.
01:02 Et qu'à ce stade, aujourd'hui,
01:04 je dois considérer que mourir fait partie du jeu.
01:07 -Est-ce qu'une passion peut impliquer de telles conséquences ?
01:15 C'est incroyable.
01:16 Et pourquoi, en quoi espérez-vous faire changer les choses ?
01:20 -La passion, ça amène souvent à l'excès.
01:24 On peut l'imaginer comme ça.
01:26 Et quand vous êtes dans une structure comme l'équipe du Stade français Paris,
01:29 vous êtes dans une structure professionnelle,
01:32 avec un cadrement, avec énormément de préparation.
01:36 Et Nicolas avait certes rejoint l'équipe du Stade français en juin 2018,
01:40 mais avait passé six mois à beaucoup s'entraîner,
01:44 à être beaucoup présent, à être remplaçant.
01:46 Et donc, cette première titularisation, pour lui,
01:48 était une forme de fête, de consécration.
01:51 Mais cette expérience, effectivement,
01:56 l'a amené à exprimer finalement cette passion.
02:00 Et il était très heureux.
02:02 Il a mis un essai, il a très bien joué pendant cinq minutes.
02:04 Et il est mort quelque part,
02:06 où à l'endroit où il aurait peut-être voulu mourir.
02:07 Mais à 18 ans, je ne suis pas sûr que c'était vraiment son projet, son dessin.
02:11 -Alors, est-ce qu'à un moment, vous avez eu conscience,
02:15 vous-même joué, du fait, du danger qu'impliquait ce sport ?
02:20 Vous pensez que ça peut être violent, brutal, le rugby ?
02:22 Mais c'est quelque chose qui, un jour, vous avez eu fleuré, avant ?
02:25 -On s'attend à des pépins physiques,
02:29 on peut s'attendre à des commotions cérébrales,
02:32 parce que c'est un sport où il y a des chocs.
02:35 Mais quand vous connaissez le rugby,
02:37 vous savez que c'est un sport aussi qui a des règles.
02:40 Et comme tout sport de contact,
02:42 et encore plus quand ces contacts sont dangereux,
02:45 les règles sont faites justement pour protéger les pratiquants.
02:49 Donc, dans un esprit sportif,
02:51 vous essayez de ne pas outrepasser ces règles,
02:54 ou alors vous trichez.
02:55 Mais quand la tricherie devient mortellement dangereuse,
02:58 ça devient insupportable.
03:01 Et c'est ça que moi, je ne savais pas.
03:03 Et ce que je ne savais pas, c'est que finalement,
03:06 les gens qui définissent ces règles ou qui sont chargés de les faire appliquer,
03:09 lorsque ça se passe, préfèrent regarder ailleurs en se disant
03:11 "Finalement, c'est très embarrassant, ce qui vous arrive."
03:14 -Alors, vous avez décidé de porter plainte contre X
03:18 pour homicide volontaire. Pourquoi ?
03:20 Et où en est la procédure ?
03:23 -Alors, j'ai décidé de porter plainte avec mon épouse Caroline,
03:26 parce que tout simplement, à un moment donné, on s'est dit
03:29 "Il faut que cette histoire, cette triste histoire,
03:31 cette triste expérience, serve à quelque chose."
03:34 Et la première chose, c'est de responsabiliser les joueurs.
03:38 On ne peut pas être sur un terrain de rugby et se dire
03:41 "C'est comme Las Vegas, ce qui se passe à Las Vegas, reste à Las Vegas."
03:44 Non. Là, il est mort. Il est parvenu, Nicolas.
03:47 On ne l'a jamais revu. Et ça, quelque part,
03:49 il faut que les personnes qui sont responsables de ces choses-là,
03:52 et ça, c'est à la justice de le déterminer,
03:54 eh bien, on soit pénalement responsables,
03:58 puisque ça porte un nom.
04:00 -Pour l'instant, il n'y a eu aucun effet, puisqu'il faut attendre
04:03 les résultats de la procédure judiciaire.
04:04 -C'est ça. Il y a une instruction.
04:05 -La Fédération française de rugby, comme le ministère des Sports,
04:09 ont été relativement inactifs.
04:12 -C'est un euphémisme, oui. Relativement inactifs.
04:15 -On va devoir, carrément, dire avec vos mots.
04:17 -Oui, oui. Non, non. Vous avez raison.
04:18 Non, on m'a beaucoup baladé, parce que tout le monde est très poli.
04:22 -Vous racontez. Vous l'avez vu, mais il ne s'est rien passé.
04:25 -Il ne s'est rien passé. Et le regret des changements
04:27 de gouvernement, des élections, etc.,
04:29 je suis très peur, par exemple, avec les fameux 100 jours,
04:31 parce que dans 100 jours, on va changer le cabinet
04:33 de la ministre des Sports, et donc, ça veut dire que je repars à zéro.
04:37 Et donc, effectivement, pour le moment,
04:39 la seule possibilité que je pense avoir obtenue,
04:42 c'est qu'on inscrive la règle 9, alinéa 11,
04:45 qui dit qu'on ne doit rien intenter,
04:47 qu'il soit dangereux ou imprudent pour autrui, sur les licences.
04:50 C'est possiblement la seule chose que j'ai obtenue.
04:52 J'attends toujours un rapport d'analyse
04:54 des circonstances de la mort de mon fils.
04:56 Je n'en ai jamais eu. Le seul qui a été fait, c'est moi.
04:59 -En tout cas, je vous conseille de lire ce livre,
05:03 parce que c'est non seulement un beau témoignage,
05:05 mais aussi une manière d'alerter, de tirer la sonnette d'alarme.
05:08 Et donc, ça s'appelle "Rudbi, mourir fait partie du jeu".
05:11 Merci beaucoup, Philippe Chauvin.
05:13 C'est paru aux éditions du Rocher. Merci.
05:15 -Merci, Anne Foulda.
05:17 ...
05:21 [SILENCE]