Face à l'Info Été (Émission du 11/07/2023)

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Tous les soirs et pendant tout l'été, les chroniqueurs de #FacealinfoEte débattent de l'actualité du jour de 19h à 20h

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00:00 Il est 19h01, bonsoir à tous, voici l'essentiel de l'actualité avec Mathieu Devese.
00:06 "Aucun indice ne permet pour l'heure d'expliquer la disparition du petit Émile, ce sont les mots du procureur de Digne-les-Bains.
00:15 Malgré un travail colossal de ratissage du hameau des Alpes de Haute-Provence, le garçon de 2 ans et demi n'a toujours pas été retrouvé.
00:22 L'enquête va maintenant passer dans une deuxième phase d'analyse et d'examen des éléments récoltés.
00:27 Cinq départements de l'Est du pays ont été placés en vigilance rouge aux orages.
00:31 Il s'agit du plus haut degré d'alerte, synonyme d'appel à la population à rester chez elle ou s'abriter sans délai dans un bâtiment.
00:38 Les départements concernés sont la Haute-Saône, le Doubs, le Jura, le territoire de Belfort et le Haut-Rhin.
00:43 Enfin, dans l'actualité internationale, la France a livré des missiles longues portées à Kiev.
00:48 Ils permettent notamment des frappes d'une grande précision.
00:51 Au premier jour du sommet de l'OTAN en Lituanie, Emmanuel Macron souhaite ainsi montrer l'unité de l'organisation et envoyer un message de soutien à l'Ukraine.
01:00 Au sommaire de Face à l'Info ce soir donc, qui sont ces Français qui déménagent et quittent les centres-villes à cause de l'insécurité ?
01:08 Sont-ils si nombreux que cela ou est-ce un phénomène marginal ?
01:11 Alexandre de Vecchio a souhaité ce soir s'arrêter sur l'exemple nantais.
01:15 La semaine dernière, Emmanuel Macron déclarait que les réseaux sociaux avaient joué un rôle important dans les récentes émeutes.
01:21 Le président qui estime que les jeunes sont également parfois intoxiqués par les jeux vidéo.
01:26 Est-ce vraiment le cas ? Jean-Sébastien Ferjou nous répondra.
01:30 Céline Pina nous expliquera que la géographie des émeutes de 2023 est bien différente de celle de 2005.
01:36 Cette année, beaucoup de villes de provinces ont été touchées.
01:39 Il y a une explication à cela, vous saurez tout dans un instant, puisque nous analyserons le cas de Laval, 50 000 habitants dans le département de la Mayenne.
01:47 L'ONU appelle la communauté internationale à soutenir la police haïtienne face aux gangs armés qui gagnent du terrain partout dans le pays.
01:55 Haïti, devenu le pays le plus pauvre du monde, les conditions de vie ne sont plus que survie pour la plupart des habitants.
02:01 Et pourtant, Marc Menand, vous nous raconterez que cette île fut pour la France une source d'enrichissement.
02:07 Enfin, nous reviendrons sur cette députée de la majorité, députée Renaissance, qui refuse d'appeler le jeûne Naël par son prénom et préfère l'appeler le délinquant,
02:15 des propos qualifiés d'incendiaire par la France Insoumise. Est-ce le cas et sont-ils factuellement exacts ?
02:22 Alexandre Devecchio décrypte tout ça pour nous dans Face à l'Info.
02:26 Et avant d'entendre vos chroniques respectives, d'abord, revenons sur Papendia.
02:47 Une nouvelle fois, le ministre de l'Éducation nationale a attaqué ces news et cette fois-ci, au sein même de l'Assemblée nationale,
02:53 dans le cœur de l'Assemblée nationale, dans l'hémicycle. Papendia, qui, une nouvelle fois, utilise des mots très choquants et diffamatoires.
03:02 Je vous laisse juger et on en parle juste après.
03:06 Permettez-moi simplement de vous répondre par cette citation du président Jacques Chirac en 2007,
03:13 qui me semble être d'actualité ô combien "Ne composez jamais avec l'extrémisme, le racisme, l'antisémitisme, le rejet de l'autre.
03:21 Tout dans l'âme de la France dit non à l'extrémisme."
03:25 Voilà, le ministre de l'Éducation nationale qui était interrogé une nouvelle fois sur ces news,
03:30 quand il prononce ces mots "racisme", "antisémitisme", il parle de ces news.
03:35 On l'a entendu ensemble, Marc Monant, le ministre de l'Éducation nationale.
03:38 C'était lors des questions au gouvernement cet après-midi. On était ensemble. On a tous les deux évidemment été scandalisés.
03:45 Oui, c'est plus que cela. Il y a quelque chose qui monte, une sorte de souffle. Ce n'est plus de l'indignation.
03:53 C'est l'envie d'hurler à ce monsieur que quand on est le ministre de la Culture et que l'on prend une position,
04:00 en exemple pour les élèves...
04:02 Les ministres de l'Éducation nationale, oui.
04:04 Oui, mais bon, quand je dis la culture, c'est... le ministre de l'Éducation nationale représente la culture.
04:10 Naturellement.
04:11 Et on a pour principe de montrer aux élèves qu'il n'est pas question de jeter des propos.
04:18 On n'est pas dans l'allégation que tout doit être argumenté.
04:22 Donc on prend un élément et puis on développe point par point. Là, c'est l'insulte la plus vile.
04:29 Vous vous rendez compte que nous sommes tous dans cette maison, les invités également,
04:35 sans connaître nos origines ni sociales ni nos positions politiques.
04:41 Je ne sais pas pour qui vous votez. Je ne sais pas pour qui Alexandre vote, Jean-Sébastien, Céline.
04:47 Bref, nous sommes nous, des gens qui avons le désir de dialoguer,
04:52 de pouvoir faire en sorte que les uns et les autres aient matière à réflexion.
04:57 Et ce monsieur nous traite d'antisémites.
05:00 Alors je l'ai déjà dit ici une première fois quand madame Tondollier nous avait traité de néo-nazis.
05:06 Mon père a été déporté. Mon père a été dans les camps de concentration.
05:10 Il est sorti véritable squelette et ensuite a été dans la résistance.
05:14 Et ce monsieur vient me dire que je suis antisémiste.
05:17 Il y a des gens ici qui sont juifs et on serait antisémite.
05:22 On est dans l'ordurier la plus primaire.
05:24 Et je trouve que quand on est un ministre qui a un tel poste, c'est non seulement indigne,
05:31 mais on devrait lui demander au niveau de la présidence de la République de démissionner.
05:35 Oui, ces mots sont au-delà de l'indignité, Jean-Sébastien Ferjour.
05:38 Racisme, antisémitisme, il n'y a rien de plus choquant, de plus abject de prononcer ces mots-là
05:44 contre 120 journalistes qui travaillent honnêtement et en toute indépendance au sein de cette rédaction, sincèrement.
05:50 Oui, ce sont des accusations tellement absurdes.
05:52 D'ailleurs, je ne sais même pas si elle mérite vraiment qu'on s'y arrête.
05:54 Tout était faible dans la rédaction.
05:56 C'est difficile de passer autre, parce que c'est tellement ignoble ce qui a été dit cet après-midi.
06:00 Je vais juste commenter dans le détail ce que dit Papendia.
06:02 Il ne me paraît même pas tellement intéressant tant son argumentaire est faible.
06:06 Il n'y a même pas d'argumentaire.
06:07 Oui, il n'y a pas d'argument.
06:09 Et il y a quelque chose d'autre qui m'a frappé dans ce qu'il a dit cet après-midi à l'Assemblée nationale.
06:12 Il a dit finalement, j'ai fait un constat banal sur l'évolution banale d'une chaîne de télévision.
06:17 Et vous voyez bien, soit deux choses.
06:19 Soit il s'en fiche éperdument de la démocratie.
06:21 Quand on a un ministre qui dit la veille qu'il y a des médias puissants qui seraient mauvais pour la démocratie,
06:28 derrière il dit que c'est banal.
06:30 Donc on a un ministre qui considère qu'il y aurait dans ce pays-là des médias dangereux pour la démocratie.
06:34 Et c'est banal. C'est un constat banal.
06:36 De toute façon, je pense qu'il n'a rien essayé à comprendre, ni sur le fond, ni sur la rhétorique de M. Mdiaï.
06:41 Il n'est pas à sa place comme ministre de la République.
06:43 Et comme le disait très bien Céline hier, je trouve que son argument était excellent.
06:46 Tous ces gens qui appellent au respect de la diversité, au respect de la dignité humaine,
06:50 sont incapables de ne pas dépersonnaliser ceux qui ne pensent pas comme eux.
06:54 Non, mais les mots racisme, antisémitisme, il faut rappeler que ce sont des délits.
06:58 À mon sens, CNews n'a jamais été condamné pour cela.
07:03 Donc on voit bien qu'il est dans le mensonge, tout simplement, en pas peine d'y aller.
07:07 Et c'est un mensonge qui est grave, je trouve, pour la société française.
07:10 Surtout quand il est prononcé par un ministre de l'Éducation nationale.
07:13 Et après le moment où nous venons de vivre.
07:15 On a eu un moment, ces émeutes des banlieues, c'est toute une partie des jeunes de banlieue
07:20 qui font sécession de la République, de la France, parce qu'ils sont persuadés justement
07:24 que la France est raciste, qu'il y a des violences policières systémiques,
07:28 qu'on leur en veut, qu'on les déteste.
07:30 Et lui, Pap Mdiaï, il vient alimenter cette détestation.
07:33 Et les convaincre de ce qu'ils sont déjà convaincus.
07:36 Donc c'est un incendiaire en fait, Pap Mdiaï.
07:39 Ça montre qu'il n'a rien compris à ce qui se passait aujourd'hui dans ce pays.
07:44 Et c'est aujourd'hui quelqu'un qui participe, je trouve,
07:47 de la partition et de la fragmentation de la société française.
07:50 Céline Pinard.
07:51 Moi je crois qu'en fait, il se tend un miroir à lui-même.
07:54 Parce que celui qui est proche, effectivement, de thèses racialistes,
07:58 qui sont des thèses antisémites, racistes, qui enferment les gens dans la couleur de peau.
08:03 Il faut quand même rappeler que la légérie du Parti des Indigènes de la République
08:07 a écrit un livre qui s'appelle "Les Blancs, les Juifs et Nous"
08:10 dans lequel elle appelle à une forme de haine raciale.
08:14 Et que tous ces gens-là trouvent cela très bien.
08:16 Ces gens-là trouvent que LFI, qui est aussi sombre dans le racisme, l'antisémitisme, etc.,
08:22 a tout à fait sa place, à la fois au sein de l'Assemblée nationale, au sein des médias.
08:27 Donc ce que l'on ne comprend pas, c'est leur obsession,
08:32 une obsession morale, mais qui s'arrête à leurs amis.
08:35 Leurs amis, en revanche, ont le droit d'être tout ce qu'ils ne supportent pas.
08:39 Et juste d'un mot, Johan, moi ce que je trouve particulièrement choquant,
08:42 c'est que le ministre de l'Éducation nationale perde autant de temps à s'arrêter là-dessus.
08:45 Aujourd'hui on a appris deux autres choses.
08:47 Un monsieur qui a été battu à mort en bas de chez lui, dans le Nord, dans un village,
08:51 pas dans un quartier difficile, parce qu'il était juste sorti demander à des jeunes d'arrêter de faire du bruit.
08:56 Un autre jeune homme, qui s'appelle Miloud, dans un quartier populaire, comme on dit, à Toulouse,
09:00 qui est allé rendre service à quelqu'un dont la voiture avait été vandalisée,
09:03 qui a été battu à mort par des voyous.
09:05 Nous en parlerons ce soir dans ce soir info.
09:07 Et on va demander pourquoi ce deux poids deux mesures,
09:09 pourquoi lorsqu'il s'agit de quelqu'un qui est tué par la police,
09:12 tout le pays s'en préoccupe, et à juste titre, pour le coup il ne s'agit pas de contester ça,
09:15 mais pourquoi on ne s'en préoccupe pas dans l'autre cas ?
09:17 Parce que ce racisme-là, ce deux poids deux mesures-là, il existe aussi,
09:20 mais monsieur MDI s'en fiche, c'est perdu.
09:22 Ce sera l'objet effectivement d'un débat ce soir dans ce soir info.
09:25 À partir de 21h, on peut simplement dire que le ministre, il devrait avoir honte, en réalité,
09:29 d'avoir tenu ce genre de propos.
09:32 Et partir, et partir.
09:34 Effectivement, peut-être partir, alors ce n'est pas à nous de le dire,
09:37 ce n'est pas à moi de le dire, mais en tout cas, sincèrement, j'ai honte pour lui.
09:42 Et rappelons quand même qu'il a été démenti par ses collègues au sein du gouvernement,
09:46 qui, comme monsieur Guirini, Stanislas Guirini, qui est ministre de la fonction publique,
09:50 qui a dit qu'il ne partageait pas du tout les propos de Papandiaï.
09:54 Voilà, vos chroniques à présent, parce que c'est bien ça le plus intéressant,
09:57 finalement, on va commencer avec vous, Alexandre Devecchio.
10:00 Vous avez souhaité attirer l'attention sur un article du Figaro de Lorraine Triard
10:05 qui est intitulé "Ces non-tés qui déménagent à cause de l'insécurité".
10:10 Alors dites-nous tout, qui sont-ils et où partent-ils s'installer ?
10:14 Alors, ils s'appellent Marie, Victoire, Emmanuel, et ont pour point commun de ne plus supporter
10:19 de vivre dans la violence, dans l'insécurité, d'avoir choisi de migrer vers des horizons plus sûrs.
10:26 Comme les deux religieux, souvenez-vous, en début d'année, qui avaient justement quitté leur paroisse à Nantes
10:32 pour les mêmes raisons et parce qu'elles ne se sentaient pas le courage des franciscains du Bronx,
10:38 avait-elle dit. Alors Marie, par exemple, le témoignage très intéressant dans cet article du Figaro,
10:44 qui a 29 ans, qui est née à Nantes, qui est maman de deux enfants.
10:48 "J'ai pris la décision de partir car j'ai été victime de plusieurs agressions", explique-t-elle.
10:53 "J'ai eu le téléphone dérobé, une tentative de vol à l'arraché de son sac, du harcèlement de rue,
10:59 mais le coup de grâce a été lorsqu'un homme est venu lui donner un coup de pied dans les jambes
11:03 pendant qu'elle attendait son tram pour aller au travail.
11:06 Marie est partie dans le Nord, dans une commune de 1000 habitants, en pleine campagne.
11:10 Je n'y imaginais pas mes enfants grandir dans cet environnement insécure et devoir réfléchir à tous mes trajets,
11:16 toutes mes sorties, pour éviter de me faire agresser avec mes petits."
11:19 C'est un des témoignages. Il y a aussi Victoire Nantes, depuis 18 ans.
11:23 Elle a aussi choisi de s'en aller, elle habite en plein centre.
11:27 "Il y a quatre ans, il y avait quelques dealers", nous explique-t-elle,
11:30 "mais pas dans ces proportions-là. Je ne vois plus qu'eux, c'est pour ça que je me sauve", explique-t-elle.
11:36 Elle a essayé de se sauver, puisque comme elle habite dans un quartier difficile,
11:44 effectivement, elle n'arrive pas à vendre son appartement.
11:48 Il y a aussi Emmanuel, qui a 29 ans, qui est arrivé à Nantes il y a un peu plus d'un an,
11:54 et qui habite, elle, en plein centre. Au début, elle a trouvé que ça allait.
12:01 Et puis, il a commencé à y avoir des incidents dans son immeuble,
12:08 une porte ouverte qu'on n'a jamais réparée,
12:12 des gens qui viennent squatter, fumer dans son hall d'entrée,
12:18 des drogués qui se rassemblent, et une mairie ou un État qui semble impuissant à résoudre la situation.
12:26 Elle explique qu'elle doit s'adapter, je trouve le mot assez fort,
12:29 comme si elle était finalement elle-même étrangère,
12:34 et qu'elle devait s'adapter au code d'un autre pays.
12:37 On a donc des Nantais qui, comme une partie des Français,
12:41 se sentent comme des exilés de l'intérieur, en quête d'une ville ou d'un quartier un peu plus sûr,
12:46 où ils pourraient trouver asile.
12:48 Quelques chiffres pour aller à l'appui de ces témoignages.
12:51 La population nantaise comptait 320 000 personnes en 2020,
12:55 contre 298 000 en 2014 et 282 000 en 2009.
13:00 Ça a un peu progressé, mais dans un constat de chute importante.
13:05 Vous dites que Nantes semble avoir suivi une sorte de descente aux enfers depuis dix ans.
13:10 Et c'est vrai que sur nos plateaux, on parle souvent de Nantes pour des problèmes liés à la délinquance.
13:15 Comment est-ce que, selon vous, Nantes a sombré dans cette violence ces dernières années ?
13:20 Il y a dix ans, il faut se souvenir que Nantes était encore présentée
13:25 comme la ville la plus agréable de France.
13:28 Elle trottait tous les classements.
13:31 La descente aux enfers a été progressive.
13:35 En 2014, Nantes devient le QG de la contestation des anti-aéroports Notre-Dame-des-Landes.
13:42 Les socialistes sont alors alliés, ils le sont toujours aux écolos,
13:47 qu'il ne faut pas froisser.
13:49 Finalement, on laisse cette contestation, cette extrême gauche, installée au cœur de la ville.
13:54 Et si vous voulez, chaque week-end, les manifestations sont de plus en plus violentes.
13:59 On s'y habitue, les commerçants ferment leurs portes, voire se barricadent chaque week-end.
14:05 Deuxième point de bascule, c'est 2015, c'est la crise des migrants.
14:10 Johanna Roland, la maire de Nantes, prône un discours d'accueil inconditionnel.
14:17 Elle a entendu que des centaines de migrants traversent la France pour venir s'installer à Nantes,
14:23 mais rien n'a été anticipé.
14:25 Il y a eu des tentes en plein centre-ville et là, il y a une corrélation,
14:29 que même des élus ont reconnue, entre l'explosion des agressions,
14:34 notamment des violences contre les femmes, et l'arrivée des migrants.
14:40 Et enfin, c'est sans doute aussi le résultat d'une politique.
14:44 Je parlais des écolos à Nantes, c'est vrai qu'ils ont voulu piétonniser le centre-ville,
14:50 ils ont voulu diminuer les éclairages,
14:56 et ça a favorisé l'installation des trafics au cœur du centre-ville.
15:01 Donc on est là, si vous voulez, dans un cas particulier lié à une mauvaise gestion locale.
15:10 Une dernière question rapidement, est-ce que vous diriez que Nantes est un cas isolé,
15:14 ou est-ce que c'est quelque chose qui existe et c'est un phénomène qui s'étend à d'autres villes ?
15:19 J'ai dit que c'était un cas particulier lié à des circonstances locales,
15:23 mais c'est vrai que ça s'étend évidemment à d'autres villes.
15:26 120 000 personnes à Paris en moins en 10 ans.
15:32 On pourrait avoir des cas de violences comme ça, comme je les ai décrits au début, à Bordeaux.
15:38 En réalité, c'était d'abord dans des villes de banlieue, je pense à Sarcelles, à Saint-Denis, à la Courneuve par exemple,
15:45 où on a assisté à la montée de ces violences dans des quartiers qui étaient mélangés.
15:49 Il y avait des gens de toutes les origines et où une partie des habitants sont partis silencieusement
15:55 parce qu'ils ne supportaient plus les violences.
15:57 Je pense notamment aux Juifs du 93, ça c'est pour Papendia qui parle d'antisémitisme,
16:03 et il ferait bien de s'intéresser au fait qu'il n'y a plus d'enfants juifs dans les écoles du 93
16:08 et que le nombre de Juifs a été divisé par deux dans le 93.
16:13 Donc si vous voulez, cet exil intérieur a commencé effectivement avec des petites villes de banlieue
16:18 et aujourd'hui on voit que ça gagne également les métropoles.
16:22 Et sans doute Céline Pina nous parlera tout à l'heure des villes de province.
16:25 Je crois que c'est le symptôme d'un véritable phénomène de partition sur fond de basculement démographique,
16:31 partition dont les émeutes de banlieue ont été également, je crois, le grand symptôme.
16:36 Il y est aussi sans doute au prix de l'immobilier dans les grandes villes, ça explique une partie de l'exode.
16:40 Mais pas dans les villes de banlieue où les gens se sont retrouvés dans la fameuse France périphérique,
16:47 bien décrite par Christophe Guilloui.
16:50 Parfois on achetait dans cette France-là, les usines ont fermé,
16:54 et ils se retrouvent piégés, sans travail, à ne pas pouvoir vendre.
16:58 Donc ça c'est quand même un phénomène qui est très important,
17:01 et moi je crois que c'est quand même lié à l'insécurité.
17:04 Bien sûr il faudrait faire d'autres études,
17:07 mais en tout cas les témoignages qui sont des témoignages forts,
17:10 que je vous invite à lire dans cet article,
17:12 montrent que les gens ne partent pas du tout à cause des prix de l'immobilier,
17:17 mais parce qu'ils ont plutôt tendance à baisser maintenant justement à cause de l'insécurité,
17:21 mais parce qu'ils ne se sentent plus finalement en sécurité,
17:24 aussi bien sur le plan cultural que tout simplement sur le plan physique.
17:27 Merci beaucoup Alexandre.
17:29 Jean-Sébastien Ferjou à présent, on va revenir avec vous sur les émeutes
17:32 qui ont touché la France ces derniers jours.
17:35 Depuis le 27 juin en tout cas, et qui ont duré une semaine.
17:38 Et on va revenir sur ce que déclarait Emmanuel Macron la semaine dernière.
17:42 Le président de la République qui estimait que les plateformes et les réseaux sociaux
17:45 avaient joué, je cite, "un rôle considérable dans les mouvements".
17:49 Et il ajoutait "Nous avons vu sur plusieurs d'entre elles, Snapchat, TikTok ou plusieurs autres,
17:56 à la fois l'organisation de rassemblements violents se faire,
17:59 mais une forme de mimétisme de la violence,
18:02 ce qui chez les plus jeunes conduit à une forme de sortie du réel".
18:06 Le président qui conclut de cette manière,
18:09 "On a le sentiment parfois que certains d'entre eux vivent dans les rues
18:13 les jeux vidéo qui les ont intoxiqués".
18:16 Et Jean-Sébastien, c'est cette dernière phrase qui a retenu votre attention.
18:20 Expliquez-nous pourquoi.
18:21 Oui, parce que les réseaux sociaux, il y aurait effectivement certainement beaucoup à dire.
18:25 Déjà sur l'illusion qui consistera à imaginer qu'on pourrait,
18:28 sans en tout cas passer à des mesures énormes de restriction des libertés publiques,
18:32 les couper ou les modérer tel que l'imagine Emmanuel Macron.
18:36 Enfin, comme je vous le disais, c'est une illusion.
18:38 Mais surtout, les réseaux sociaux, c'est difficile en réalité de commenter véritablement leurs effets
18:42 parce qu'il n'y a pas encore eu beaucoup d'études.
18:44 Vous savez, c'est très compliqué sur des mécanismes aussi compliqués
18:47 parce qu'il faut regarder l'ensemble des autres usages sociaux
18:50 qui se sont installés à un moment donné.
18:52 Le smartphone, il faudrait comparer ça avec, bref, tout ce qui fait qu'une société évolue.
18:56 Il n'y a pas encore ces résultats-là sur les réseaux sociaux,
18:58 même s'il semble que sur les réseaux sociaux, il y a un impact sur la santé mentale
19:02 et notamment la santé mentale des adolescents.
19:04 Mais donc les jeux vidéo, pour le coup, là, il y a de la littérature
19:07 parce que c'est un vieux serpent de mer, ça commence à faire un moment que ça existe.
19:11 Et ça fait longtemps qu'on en parle d'ailleurs.
19:14 La première fois où ce sujet-là a vraiment été abordé, c'était 1976,
19:17 un jeu qui s'appelait Death Race, donc la course de la mort,
19:20 à l'époque où Marc était en costume lamé tous les soirs au Macumba.
19:25 Et donc, à faire John Travolta, je savais que vous vous en souveniez.
19:29 Et donc ce jeu vidéo, c'était la première fois où on voyait un jeu
19:31 où finalement vous étiez au volant d'une voiture
19:33 et vous aviez à renverser des figures humaines.
19:35 Alors c'était un graphisme qui n'était pas très évolué.
19:37 Ça avait commencé à lancer un premier débat.
19:39 Ce débat-là est revenu ensuite dans les années 90
19:41 parce que là, le graphisme a fait d'énormes progrès.
19:43 Et là, vraiment, les joueurs se trouvaient en situation d'être tireurs d'élite,
19:46 d'être tueurs, bref, dans des configurations diverses et variées.
19:50 Donc beaucoup de gens s'en sont émus.
19:52 Et Emmanuel Macron n'est pas le premier.
19:53 Donald Trump, on était déjà ému, par exemple, en 2019,
19:56 après une tuerie de masse au Texas.
19:58 Lula, il y a encore trois mois, s'en est la montée aussi au Brésil
20:02 en disant qu'on apprenait aux enfants à tuer,
20:04 ce qui lui a valu une réponse de son propre fils en disant
20:06 "Papa, mes frères et moi, on a tous grandi en jouant aux jeux vidéo
20:09 et nous ne sommes pas devenus des assassins pour autant."
20:12 Donc je vous disais, c'est un vieux serpent de mer.
20:14 Mais pourquoi c'est compliqué d'y voir clair en réalité ?
20:16 C'est compliqué d'y voir clair parce que, comme je vous le disais,
20:18 il faut beaucoup de méthodes pour arriver à analyser
20:21 l'impact de mécanismes de cet ordre-là.
20:24 Pour vous prendre une image, d'abord, ce qu'on constate,
20:26 c'est qu'effectivement, les études en laboratoire,
20:27 elles ont tendance à dire qu'il y a un lien, un petit lien
20:30 entre jeux vidéo et violence.
20:33 Sauf que ce qui existe en laboratoire,
20:35 ça n'existe pas forcément dans la réalité.
20:37 Tenez, pour prendre un exemple qui, j'espère, sera clair.
20:39 Si vous prenez en exemple les pesticides,
20:41 il n'y a pas une étude dans le monde qui va vous dire
20:44 que les pesticides font réduire les taux de cancer.
20:47 Et pourtant, dans la vraie vie, qu'est-ce qui se passe ?
20:49 Les pesticides permettent à l'alimentation,
20:51 au prix de l'alimentation, de baisser.
20:52 Et quand les prix de l'alimentation baissent,
20:54 les gens peuvent mieux se nourrir.
20:55 Et donc, cet effet-là finit par contrebalancer
20:58 le premier effet de la dangerosité des pesticides.
21:01 C'est un peu pareil sur les jeux vidéo.
21:03 Il peut y avoir différents effets qui se contrebalancent.
21:06 Et il y en a trois, notamment, qui ont été analysés
21:08 par les chercheurs.
21:09 D'abord, l'effet catharsis.
21:10 L'effet catharsis, c'est le fait, tout simplement,
21:13 que, par exemple, si Marc est furieux contre les gens
21:16 qui écrivent en écriture inclusive,
21:18 s'il joue chez lui au jeu vidéo, il se défoulera là-dessus
21:21 et il ne se défoulera pas sur un professeur
21:24 qui voudrait enseigner l'écriture inclusive.
21:26 Après, il y a l'effet d'incapacité.
21:28 Forcément, si vous êtes chez vous en train de jouer
21:30 à un jeu vidéo, vous n'êtes pas dans la rue
21:32 en train d'agresser quelqu'un ou en train de voler.
21:35 Après, il y a l'effet de substitution.
21:37 Là encore, si, par exemple, je ne sais pas,
21:39 Céline va dans un cocktail ce soir,
21:40 elle boit, elle croise Papandia, elle est furieuse,
21:42 elle se jette dessus, elle le frappe.
21:44 Si elle avait été chez elle en train de jouer
21:45 à un jeu vidéo, elle n'aurait pas été
21:47 en train d'entrer dans un effet de violence réelle.
21:50 Donc, il y a tous ces effets-là
21:51 qui entrent en ligne de compte.
21:52 Et la conclusion qu'en tirent plutôt
21:54 les chercheurs en psychologie comme en sociologie,
21:57 c'est qu'à l'arrivée, ces effets-là ont tendance
21:59 à contrebalancer les effets constatés en laboratoire
22:02 sur l'impact sur l'agressivité.
22:04 - Alors, on comprend bien que pour vous,
22:06 il est difficile d'y voir clair.
22:07 Mais si vous avez fait une chronique,
22:09 c'est pour en tirer une conclusion.
22:12 Donc, quelle est votre conclusion ?
22:13 Vous n'allez pas nous dire...
22:14 - Non, je vais vous dire que
22:15 dans un coup, il peut être bien que non.
22:17 - Dites-nous.
22:19 - Non, pas du tout.
22:20 Une fois qu'on a mis de côté
22:23 ces effets de méthodologie-là à part,
22:25 quand on regarde quand même ce que montre,
22:27 il y a eu plusieurs études.
22:28 Une étude qui a été faite notamment en France,
22:30 on appelle ça des études quasi-expérimentales.
22:32 C'est-à-dire pas en laboratoire,
22:33 les études quasi-expérimentales,
22:35 c'est quand vous le faites avec des groupes témoins.
22:37 C'est très difficile sur une population comme ça
22:39 de faire des vrais groupes témoins
22:40 comme vous le feriez pour tester des vaccins, par exemple.
22:42 Bref, on le fait quand même comme ça
22:44 sur des centaines, voire des milliers de personnes.
22:46 Donc, une étude agronome
22:47 de l'université Pierre-Mendès-France en 2012
22:49 qui dit qu'il y a un petit lien sur l'agressivité.
22:53 Mais une autre très grande étude américaine,
22:55 2016, par un économiste qui s'appelle Michael Ward,
22:58 qui lui constate un lien très faible sur le crime
23:02 et même à tout prendre,
23:03 ça contribuerait plutôt à faire diminuer le crime.
23:07 Les mêmes chercheurs, dans une autre étude,
23:09 se sont posés la question de la personnalité.
23:11 Est-ce que ça a à voir avec votre personnalité ?
23:12 Parce que si vous avez une personnalité
23:14 qui a déjà une propension à la violence,
23:15 le fait que vous jouiez ou que vous ne jouiez pas
23:17 peut avoir un impact.
23:19 On s'est rendu compte, figurez-vous,
23:20 que là-dessus, les jeux vidéo
23:22 avaient moins d'impact que le sport et que le cinéma.
23:26 Après, je pourrais vous citer des tas d'autres études,
23:28 parce qu'il y en a qui ont été faites
23:29 pour dire, en suivant l'évolution des taux de violence,
23:32 par exemple, après la sortie de jeux particulièrement violents,
23:35 certains ont constaté des petits impacts, d'autres pas.
23:37 Globalement, ce qu'on peut en déduire,
23:39 c'est que précisément, même s'il y a impact,
23:41 ce sont des impacts limités.
23:43 Et globalement, quand vous regardez l'évolution
23:45 de la violence aux États-Unis,
23:46 entre 1993 et l'an 2000,
23:48 la violence était en chute aux États-Unis,
23:50 le taux de homicide était en chute.
23:51 C'est pourtant la période où les jeux vidéo ont explosé.
23:53 Autre point, Japon, Corée du Sud, Pays-Bas,
23:56 ce sont les pays où on joue le plus aux jeux vidéo,
23:58 ce sont des pays où il y a très, très peu de violence.
24:00 Et enfin, pour finir, rappelez qu'à l'époque,
24:02 le gouvernement avait voulu interdire les trois mousquetaires
24:05 en pensant que ça éviterait aux jeunes.
24:07 Les choses sont claires pour vous,
24:09 vous donnez tort au président de la République, Jean-Sébastien.
24:11 En tout cas, c'est beaucoup plus compliqué que ça, la violence.
24:13 Ce sont plutôt des phénomènes psychiatriques, sociaux, familiaux.
24:16 On marque une très courte pause
24:17 et on se retrouve dans la deuxième partie de Face à l'info.
24:20 On tentera de vous expliquer la géographie
24:22 des violences urbaines de ces derniers jours
24:24 et vous verrez que cette géographie,
24:26 elle est très, très différente des émeutes de 2005.
24:28 À tout de suite.
24:29 19h31, soyez les bienvenus
24:35 dans la deuxième partie de Face à l'info.
24:38 Nous allons continuer à aborder les émeutes
24:40 qui ont frappé la France depuis le 27 juin,
24:42 durant une semaine,
24:43 après le 27 juin et la mort de Naël,
24:45 avec vous, Céline Pina,
24:47 puisque vous allez nous dire que la géographie
24:49 des émeutes de 2023
24:51 est très différente de celle des émeutes de 2005.
24:55 Beaucoup d'observateurs ont souligné que des villes de province,
24:58 que tout le monde voyait jusqu'à présent
25:00 comme des villes à peu près tranquilles,
25:02 ont vécu des nuits de violence
25:04 et que rien n'a envié à celle de la banlieue parisienne.
25:07 Tout à fait.
25:09 On sait par Marianne et Le Figaro
25:11 qu'ils sont notamment rendus à Laval.
25:14 Laval, c'est une ville de 50 000 habitants,
25:17 en Mayenne, département plutôt rural.
25:20 Et Laval a été à la proie de jeunes émeutiers
25:23 pendant trois jours
25:25 et dès le soir de la mort du jeune automobiliste.
25:30 Qu'est-ce qui s'est passé ?
25:32 En fait, devant les yeux absolument ébahis des habitants,
25:36 sont partis enfumer le centre de loisirs,
25:39 une association pour handicapés,
25:41 des locaux d'assurance,
25:43 le McDonald's du quartier.
25:45 Dans le même temps, ont été pillés le Conforama du coin,
25:48 au moins deux bureaux de tabac.
25:50 Et les policiers ont empêché l'incendie
25:53 de plusieurs écoles, de la piscine
25:55 et du grand supermarché.
25:57 L'article va surtout parler de la surprise des pouvoirs publics
26:00 face à cette explosion de violence
26:02 qui n'était pas forcément attendue,
26:04 en tout cas pas dans ces petites villes-là.
26:07 À Laval, ce qui a surtout choqué le maire,
26:09 lui parle de la volonté de détruire des émeutiers,
26:12 bien plus que de voler,
26:14 comme si le pillage avait été incident finalement.
26:17 Ça correspond aux premières infos
26:19 qui tendent à montrer qu'il y aurait en fait
26:22 deux sortes d'émeutiers,
26:24 ceux qui sont animés par une forme de rage,
26:27 de rejet de la France
26:29 et qui ciblent particulièrement les institutions,
26:32 qui sont dans une logique de destruction,
26:34 et une logique qui serait plus celle du black bloc,
26:37 qui serait celle des pilleurs.
26:39 Et aujourd'hui, un certain nombre d'analystes se demandent
26:41 si on n'aurait pas affaire à deux catégories d'émeutiers.
26:44 J'imagine que l'on en saura un petit peu plus plus tard,
26:47 au fur et à mesure.
26:49 En tout cas, ce qu'on a pu noter,
26:51 c'est la même volonté d'en découdre avec les policiers
26:54 comme avec les pompiers,
26:56 que l'on était habitué à voir plutôt en région parisienne et lyonnaise.
27:00 Ne jamais oublier que Lyon a été un berceau
27:03 de l'émeute urbaine, notamment en 1995.
27:06 Alors, les horreurs ont eu lieu à Laval,
27:09 plutôt dans les quartiers liés à la politique de la ville,
27:12 ce qui est à peu près le cas de toutes les villes
27:15 qui se sont rebellées.
27:17 Ces deux quartiers concentrent de fait
27:19 une population qui est plutôt pauvre économiquement,
27:22 mais qui est aussi majoritairement issue de l'immigration.
27:25 Et donc, dans le Figaro, on interview une jeune femme
27:28 qui est marocaine et qui s'emporte
27:31 en disant que les émeutiers appartiennent à sa communauté
27:35 et qu'elle trouve qu'une paire de claques serait bien méritée
27:38 et qui demande un petit peu plus de répression.
27:40 Mais dans le même article, dans ces mêmes quartiers,
27:43 on voit aussi ces hommes et ces femmes
27:45 qui vont descendre en pleine nuit,
27:47 alors que l'air est saturé par les gaz lacrymogènes,
27:50 pour essayer de sauver, simplement d'éteindre un feu de poubelle
27:54 et surtout de sauver leur voiture.
27:56 Parce qu'en Mayenne, pas de voiture, ça signifie pas de travail.
28:01 Et ce qu'on voit, ce sont que les émeutiers et les victimes
28:04 partagent exactement le même terrain
28:07 et parfois la même sociologie.
28:09 Et comment est-ce que les acteurs de terrain
28:12 expliquent justement le basculement de cette ville de Laval,
28:16 qui encore une fois a été jusqu'à présent une ville, disons, paisible ?
28:20 Alors les premières données vont être des données assez classiques.
28:23 On va invoquer le fait que ça se passe dans des quartiers
28:26 qui ont une majorité de logements sociaux,
28:28 qui concentrent des familles extrêmement nombreuses,
28:32 parfois voire même des situations où un homme a plusieurs femmes,
28:37 ce qui n'est jamais très évident.
28:38 Beaucoup de familles monoparentales,
28:40 des quartiers frappés par un chômage endémique.
28:44 Mais deux points émergent qui sont un petit peu différents.
28:47 Le premier, c'est le trafic de drogue en pleine croissance.
28:51 Qu'est-ce qui semble se passer ?
28:53 En fait, on pense que la production de drogue est en train d'exploser,
28:57 que ce soit cannabis ou cocaïne.
28:59 Il faut donc que les producteurs trouvent de nouveaux marchés.
29:02 Ils ont donc tendance à sortir finalement de l'environnement des grandes villes
29:06 pour essayer de trouver d'autres clientèles.
29:08 Et il se trouve que les villes moyennes, les villes en province,
29:11 finalement ça marche très bien.
29:12 Et où ils vont aller ?
29:13 Ils vont aller dans les quartiers politiques de la ville
29:16 parce que très souvent, dans certains endroits,
29:18 le trafic est notamment tenu par les Marocains.
29:21 On appelle ça la "Morocco Connection".
29:23 Et ils trouvent finalement des locaux avec qui peuvent partager certaines traditions.
29:28 Et c'est comme s'ils ouvraient des comptoirs, finalement, dans ces villes-là.
29:33 L'autre dimension, c'est une forme d'errance éducative.
29:37 Autrement dit, ce que vont nous expliquer certains sociologues,
29:40 c'est qu'aujourd'hui, les enfants sont de plus en plus jeunes laissés à la rue,
29:44 éduqués parfois par des grands frères
29:46 ou même simplement par leur environnement,
29:48 parce que les parents, notamment les pères, sont absents
29:51 et que les mères souvent travaillent, font des ménages
29:53 et rentrent extrêmement tard le soir.
29:55 De fait, je ne sais pas si vous vous souvenez, par exemple,
30:00 on a admiré un homme qui est venu, qui a attrapé son gamin,
30:03 qui l'a collé dans le coffre de sa voiture en pleine émote
30:05 et qui l'a ramené chez lui.
30:07 Ce que certaines personnes vont nous dire,
30:09 c'est que ce qu'on a salué comme un acte éducatif peut faire partie du problème.
30:13 Autrement dit, vous avez des pères absents
30:15 qui n'interviennent que dans la violence et de façon sporadique,
30:18 sans tisser un lien éducatif engagé et continu avec les enfants.
30:23 Ils sont dans l'autoritarisme, des explosions régulières d'autoritarisme,
30:27 mais absolument pas dans l'autorité.
30:29 Et donc, on a des enfants qui sont extrêmement peu cadrés
30:32 et dès qu'ils se trouvent en face d'une autorité,
30:35 explosent de frustration.
30:39 Tout cela est renforcé par un discours identitaire, racial et culturel
30:45 que la ghettoïsation de ces quartiers augmente encore.
30:49 Et c'est toute cette dimension qui expliquerait les cibles institutionnelles.
30:53 Et enfin, une dernière dimension qui demanderait à être regardée de plus près,
30:57 on parle d'un, et ce sont les policiers qui l'évoquent,
31:00 ils parlent d'un changement de population.
31:02 Ils expliquent qu'un certain nombre d'habitants de la région parisienne
31:06 ont été délocalisés par les offices HLM,
31:09 qui ne les voulaient plus dans les secteurs où ils posaient des problèmes,
31:12 ont été délocalisés en province,
31:15 important avec eux, toute une tradition de violence.
31:19 En tout cas, ce qu'on peut voir, c'est que sur le terrain,
31:21 personne ne pense que cette violence va diminuer,
31:24 puisque figurez-vous que la dernière décision des pompiers
31:27 est de se former pour faire face à la guérilla urbaine.
31:30 Et vous nous dites aussi Céline que, selon le sociologue Hugues Lagrange,
31:34 il y a d'énormes différences entre les émeutes de 2023,
31:39 celles que nous venons de vivre, et celles de 2005.
31:42 Oui, la première chose, c'est la rapidité de diffusion.
31:45 Rappelez-vous, en 2005, il va falloir une semaine
31:48 avant que la France entière ne s'embrase.
31:50 Là, il n'a fallu que quelques heures.
31:52 Pourquoi ? Parce que via les réseaux sociaux,
31:55 c'est une émotion immédiate qui est à disposition.
31:59 La vidéo de la mort du jeune Nahel a tourné en boucle
32:04 et a suscité énormément de réactions.
32:07 Ensuite, on remarque que ce ne sont pas les mêmes villes
32:10 qui sont touchées par les émeutes entre 2005 et 2023.
32:13 Par exemple, 44, seuls 44 % des villes qui avaient été touchées
32:17 par les émeutes en 2005 ont connu des émeutes en 2023.
32:21 Donc, on a un petit changement de sociologie.
32:24 La principale explication, ce serait peut-être lié à cette nature des émeutes,
32:28 au fait qu'on est de nature des meutiers, d'un côté des pilleurs,
32:31 de l'autre des gens qui seraient dans une révolte plus identitaire.
32:35 Enfin, il semblerait que la ghettoïsation se soit accentuée
32:40 et que la coupure sociale entre habitants et des gens venant
32:45 du clivage ethnique et culturel soit devenue de plus en plus profonde,
32:51 qu'il se répare de moins en moins et que surtout,
32:54 là où on pensait que l'école de la République jouait un rôle
32:57 assimilationniste, l'école a échoué, mais pire encore.
33:01 Avant, finalement, l'assimilation passait aussi par les partis et les syndicats.
33:06 Et en se battant pour l'amélioration de ces conditions,
33:09 on dépassait complètement les clivages ethniques.
33:12 Des ouvriers qui se battaient ensemble avaient une identité ouvrière
33:16 avant de mettre en avant une origine.
33:18 Et en fait, tous ces facteurs de socialisation ont disparu.
33:22 Et une des dernières choses est aussi une société qui devient
33:25 de plus en plus inégalitaire, dans laquelle il y a une sécession
33:29 entre les plus riches et les plus pauvres, et une classe moyenne
33:32 au milieu qui se projette dans l'échec et qui pense que son avenir est grévé,
33:38 qu'elle n'aura pas droit aux mêmes protections et aux mêmes solidarités
33:41 que ses parents. Et tout ça donne une coupure de génération extrêmement violente.
33:47 Voilà le problème, c'est qu'en fait, nous, on fait société
33:50 parce que nous partageons à la fois un leg national, des idéaux, un projet.
33:56 Et qu'aujourd'hui, c'est exactement ce dont les jeunes émeutiers
33:59 semblent dépourvus. Ils n'ont ni héritage, ni avenir.
34:03 Et peut-être que l'hystérie sur leur identité prouve qu'en fait,
34:06 elle n'est pas si profonde que cela.
34:08 Jean-Sébastien Ferjou, c'est vrai que la violence des émeutes de cette année
34:14 a été plus importante encore que la violence de 2005.
34:17 Mais est-ce que le plus inquiétant, finalement, ça n'est pas que ces émeutes
34:21 aient gagné l'ensemble de la France, y compris des villes de province,
34:25 des villes moyennes qui jusqu'ici étaient des villes plutôt calmes ?
34:30 Si, bien sûr. Et il y a aussi le fait que ces émeutes-là aient réussi
34:34 à causer énormément de dégâts alors même que les armes n'ont pas été sorties.
34:38 Et on sait qu'il y a de plus en plus d'armes en circulation dans le pays.
34:43 Donc oui, bien sûr, parce que ça touche. Là où c'est inquiétant,
34:46 c'est au-delà des émeutes elles-mêmes, c'est dans l'impact politique
34:49 que ça peut avoir. Parce que jusqu'à présent, il y avait une France
34:52 qui était préservée. Regardez ce dont on parlait tout à l'heure, Nantes.
34:55 Mais ce n'est pas seulement Nantes. D'ailleurs, si on caricature,
34:58 il y a des grandes villes où les Parisiens arrivent, ils votent pour des partis
35:01 de gauche radicale. Et puis finalement, les partis de gauche radicale
35:04 mettent une politique de sécurité en place qui finit par pourrir la ville.
35:08 Et finalement, ils sont amenés à quitter la ville.
35:10 Mais ça peut avoir beaucoup plus d'impact politique justement
35:13 parce que là, c'est le pays entier qui est déstabilisé, qui est confronté.
35:17 C'est la logique de cette partition que l'on ne cesse d'attiser.
35:21 Et on a maintenant le ministre de l'Éducation nationale
35:26 qui est dans ce registre. Les gamins, on ne leur dit pas
35:29 "Vous êtes des petits républicains, vous avez la chance d'être dans un pays
35:34 qui va vous offrir une possibilité d'expression". Non, on leur dit
35:37 "Vous n'êtes pas véritablement français, il y a des groupes d'influence
35:42 qui leur créent une fausse identité en les ramarrant à la religion
35:47 et ils doivent vivre en religieux et non pas en citoyens".
35:50 Après à l'école, on ne leur dit pas les mots "C'est fabuleux, regardez l'écriture".
35:54 Non, prise d'écriture, on crée cette écriture inclusive.
35:58 Donc on n'aide pas à ce qu'ils soient structurés.
36:01 Et puis un gamin, ça a envie de bouger, ça a soif d'aventure.
36:05 Or on les laisse là, pendant les vacances, rien pour les structurer.
36:09 Et n'oublions pas ce qu'avait créé Tapie il y a quelques années,
36:12 ce principe de l'été, de réunir ces gamins et de leur dire
36:17 "Maintenant, vous allez découvrir ce qu'il y a en vous,
36:20 essayez de vous affronter à vous-même à travers les difficultés de la nature".
36:24 C'est le sens de l'aventure.
36:26 Marc Menand, il est 19h43. Vous gardez la parole parce que c'est votre heure maintenant.
36:31 Voici venu l'heure du dernier mousquetaire.
36:34 Et vous allez aujourd'hui nous parler, cher Marc, d'Haïti.
36:38 Puisque l'ONU appelle la communauté internationale à soutenir la police haïtienne
36:43 face aux gangs armés qui gagnent du terrain à peu près partout dans le pays.
36:48 Haïti qui est devenu le pays le plus pauvre du monde,
36:51 des conditions de vie qui ne sont plus que des conditions de survie
36:54 pour la plupart des habitants.
36:56 Et pourtant, Marc, vous nous racontez que cette île fut autrefois,
37:00 pour la France, une véritable source d'enrichissement.
37:03 On l'appelait la perle des Antilles.
37:06 C'est un véritable paradis qui avait été découvert par Christophe Colomb.
37:13 Alors vous allez dire, on n'est pas espagnol, on n'a rien à voir avec Christophe Colomb.
37:18 Non, mais Dédié Poix, aventurier des mers,
37:22 qui prenait leur bateau et tentait de trouver lieu
37:27 où on pouvait faire fortune sans trop d'efforts,
37:30 avait repéré très rapidement, lorsque les Espagnols avaient gagné
37:34 l'Amérique du Sud ainsi que les Portugais,
37:37 qu'il y avait des gallions qui revenaient les cales pleines d'or
37:42 et qu'il suffisait de les attaquer.
37:44 Et Nodier Poix avait trouvé refuge dans cette Hispaniolia,
37:49 dans la partie ouest, et il régnait en maître de là.
37:52 Au fil du temps, on est dans les années 1635, on s'installe,
37:57 certains commencent à être dans l'esprit colonisateur
38:02 et les Français vont s'enraciner.
38:05 C'est sous Louis XIV que véritablement on entre dans la prospérité.
38:10 C'est quoi la prospérité ? C'est le café, c'est le sucre, c'est le cacao.
38:14 Et il y a là une matière forcément à renflouer les trésors du royaume.
38:22 Et ça c'est formidable, un dynamisme incroyable,
38:26 tant et si bien que non seulement on encourage la traite des Noirs,
38:30 mais pour cela on donne des subventions aux armateurs,
38:34 parce que les armateurs trouvent que c'est un peu trop risqué
38:37 et que par conséquent il leur faut des subsides pour aller dans ce pari,
38:43 ce défi de la colonisation.
38:46 On ne va pas tout installer là.
38:48 Sachez qu'il y avait des Noirs marrons très tôt,
38:51 qui créaient des sortes de micro-cellules de liberté
38:56 se trouvant à l'écart au sein de cette partie de l'île.
39:01 Et puis il y a le traité qui est signé après la guerre d'Espagne,
39:07 traité qui permet à la France de devenir officiellement détentrice de la partie ouest.
39:13 C'est là que naît donc ce qui sera la future Haïti.
39:20 La révolte a lieu en 1791 avec non pas Toussaint Louverture,
39:26 mais Buchmann, avec également Dessalines, avec Christophe,
39:32 et ce sont ces gens-là qui arracheront à Napoléon,
39:36 ils arracheront cette liberté.
39:38 Un temps, notre Toussaint Louverture, qui était d'ailleurs non pas un esclave,
39:44 mais un libre, il avait sa petite exploitation,
39:47 il exploitait lui-même des esclaves.
39:50 Il s'est rallié à la révolution parce qu'il avait la chance de posséder l'écriture
39:55 et également les capacités de lecture.
39:58 Et ces gens-là n'avaient pas envie d'être contre le roi.
40:00 Oh non, non, non, non.
40:01 Ils voulaient simplement obtenir des petits droits
40:04 et c'est pour ça qu'il fallait quelqu'un pour négocier
40:07 qui soit capable de rédiger les traités.
40:09 La révolution passant, en 1804,
40:13 il y a la proclamation de cet Haïti libre.
40:18 C'est d'abord Dessalines qui est le premier à se mettre en place,
40:22 mais l'obsession de ces gens, c'est être digne de cet affrontement au blanc.
40:28 On a fait tomber ceux qui nous gouvernaient,
40:32 ceux qui nous imposaient la férule,
40:34 ils avaient la prospérité, nous serons capables d'être comme eux.
40:39 Mais pour ce faire, ceux qui s'étaient agités,
40:43 ceux qui avaient été jusqu'au bout de la folie pour faire tomber les exploiteurs,
40:49 se retrouvent à être à nouveau exploités, mais par le nouveau pouvoir.
40:53 Et ça prend une plus grande ampleur encore quand Dessalines est assassiné
40:58 et que l'on a Henri qui se proclame roi
41:01 et qui va tresser la fière citadelle avec en dessous le château du Sans-Souci.
41:08 Il est dans une prospérité incroyable, Haïti est dans la dignité.
41:12 Reste qu'en 1825, alors déjà lui, il va avoir le peuple qui se lève
41:17 forcément pour faire tomber son pouvoir,
41:19 il se supprime avant de tomber sous la menace des émeutiers
41:24 qui sont venus jusqu'au Sans-Souci.
41:27 Mais alors ce qui est extraordinaire, c'est qu'en 1825,
41:30 Charles X reconnaît enfin l'indépendance
41:34 à une condition que Haïti verse 125 millions de francs or.
41:40 Et ça par traite et par dignité.
41:43 Ces gens, anciens esclaves, qui veulent montrer qu'ils sont dignes des Blancs
41:48 vont tout faire pour payer cette dette,
41:51 ce qui va miner la possibilité d'une économie saine.
41:56 Et puis derrière, il y a les États-Unis, les Anglais,
41:58 ils ont peur de quoi ? Qu'il y ait une contagion,
42:01 alors leurs propres esclaves se lèvent, les esclaves dans les Antilles,
42:05 pour les Anglais et puis aux États-Unis, leur population.
42:09 Donc il n'est pas question de prendre en considération ce peuple,
42:13 on le met à l'index et c'est cette lutte qui verra néanmoins
42:18 les Américains venir au début du XXe siècle,
42:22 sous prétexte d'installer le chemin de fer,
42:26 et bien prendre en contrôle, en sous-main, la logique économique de cette île.
42:32 Ressortira de cela en 1930 la crise de Wall Street,
42:38 les Américains en 1934, pris par cette incapacité à maintenir l'effort
42:45 de férule sur les lieux, s'en vont,
42:49 et là on a presque un embryon de résultat démocratique.
42:53 Mais quoi ? Il n'est pas question de leur laisser cette fortune,
42:56 et les Américains en sous-main permettront en 1950 l'élection de François Duvalier,
43:03 papadoc, oh ils sont bien fallots, on pourrait le manipuler, mais non,
43:07 il prend véritablement le pouvoir et devient un tortionnaire,
43:11 pire que ce que les pauvres bougres avaient eu à subir.
43:15 Mais dans tout cela, il n'y a pas que la politique,
43:17 c'est une île à la fois paradis parce qu'elle offre la prospérité,
43:21 mais d'un autre côté, c'est un enfer, car de temps en temps,
43:25 la terre se met à trembler, c'est le terrible drame vécu en 2010,
43:30 c'est également cette terre qui tremble qui fait tomber la fière citadelle
43:35 qui avait été dressée par Henri, et il y a les cyclones, bref,
43:41 c'est un monde où les individus s'embrayaient,
43:44 pour autant ils ont une gaieté, une fierté qui leur fait adorer la France,
43:49 ils se sentent encore, quand je suis allé en Haïti,
43:52 et les intellectuels, d'ailleurs il suffit de regarder la faire hier,
43:58 également Lionel Trouillot, ces grands écrivains, ils ont la magie de la plume,
44:03 eh bien ces gens-là attendent de nous une aide,
44:06 mais dans cet accaparement, je dirais, des influences venant d'ailleurs,
44:11 ils n'ont été incapables de faire quoi que ce soit,
44:14 Aristide est tombé sous le coup, je dirais, de la pression américaine,
44:20 qui après a cherché à le remettre en place,
44:22 et à chaque fois, eh bien les pouvoirs finissent par s'effondrer,
44:26 c'est le chaos le plus total, l'ONU après 2010, théoriquement,
44:30 devait tenir l'île, et quand on errait dans Port-au-Prince,
44:35 on avait ces forces armées qui passaient,
44:37 et les pauvres broucs d'un côté à Port-au-Prince,
44:40 vous avez les fières, immenses résidences,
44:44 et quand vous descentez à Cité-Soleil, c'est presque encore le paradis,
44:48 c'est le bidonville, mais un bidonville qui est tout à fait acceptable,
44:52 mais les plus pauvres des plus pauvres, ce sont des cahutes à côté du port,
44:56 quand je dis des cahutes, c'est des bouts de ferraille, des bouts de bois,
44:59 qui au moindre coup de vent s'envolent, et ces gens-là,
45:02 ils n'ont rien, il n'y a plus d'économie,
45:04 et comment les gangs se sont constitués, et dominent,
45:07 d'où cette intervention de l'ONU la semaine dernière,
45:10 c'est parce que Haïti est devenue une plaque tournante de la drogue,
45:14 c'est aux drogues qui nous menacent, et qui est une infiltration
45:18 qui détruit partout la jeunesse en Occident.
45:22 Donc il n'y a plus aujourd'hui de capacité,
45:25 bien qu'il y ait une volonté, il y a des gens extraordinaires là-bas en Haïti,
45:31 mais ils n'ont qu'une démarche intellectuelle, l'économie n'existe plus,
45:36 en plus le dernier président a été assassiné en 2021,
45:42 donc il y a une sorte de vacance de pouvoir,
45:45 une augmentation de 130% de l'essence,
45:48 dans un pays où vous ne faites rien si vous n'avez pas un véhicule.
45:52 Voilà le désastre d'Haïti, et comment on peut redonner à ce peuple,
45:57 qui est un peuple de gaieté, qui est un peuple motivé,
46:00 malheureusement je ne vois pas comment leur donner l'espoir aujourd'hui.
46:03 Vous avez cité plusieurs écrivains, il faut préciser que vous connaissez bien Haïti,
46:07 et vous avez vous-même écrit un livre sur Haïti.
46:10 Le petit roman d'Haïti.
46:11 Le petit roman d'Haïti, mais vous savez, cher Marc,
46:13 ce qui est passionnant quand on vous écoute,
46:15 c'est qu'en réalité on a l'impression que vous avez traversé toutes ces époques.
46:18 On a une sorte de fascination quand on vous écoute,
46:21 donc surtout ne changez rien, vous êtes parfait.
46:24 Merci.
46:25 Merci.
46:26 C'est le secret de Marc Menon qu'on retrouve demain évidemment dans Face à l'Info.
46:31 Retour à nos problèmes contemporains.
46:35 On va reparler des émeutes.
46:37 Alexandre Devecchio, puisque interrogé sur les émeutes
46:42 qui ont eu lieu dans des dizaines de villes depuis la mort de Nahel,
46:45 tuée par un policier à Nanterre,
46:47 une députée Renaissance, Anne-Laurence Pétel,
46:50 a qualifié l'adolescent de 17 ans de délinquant.
46:54 Des propos qui ont été qualifiés d'incendiaires,
46:57 notamment par le député de la France Insoumise Antoine Léaumont.
47:02 Est-ce que ces propos sont pour autant factuellement faux ?
47:07 D'abord la question du casier judiciaire qui a été beaucoup débattue.
47:14 Nahel n'avait pas de casier judiciaire,
47:16 mais notamment parce qu'il était mineur,
47:18 ça ne veut pas dire qu'il n'avait pas d'antécédent judiciaire.
47:21 Il était très défavorablement connu des services de police.
47:24 Il avait été interpellé déjà pour refus d'obtempérer en 2022,
47:31 et même trois jours avant le drame.
47:36 Donc factuellement, oui, on peut dire qu'il a commis des faits de délinquance,
47:41 et puis on peut même s'interroger là-dessus.
47:44 Effectivement, il y a sans doute une lourde responsabilité policière dans ce drame,
47:50 ce sera à la justice de le dire,
47:52 mais il y a peut-être aussi une forme de responsabilité judiciaire.
47:55 S'il avait été puni après son premier refus d'obtempérer,
47:59 peut-être serait-il encore en vie.
48:02 Enfin, il faut aussi se demander que faisait-il à 17 ans,
48:08 sans permet de conduire, au volant d'une Mercedes,
48:13 d'une grosse cylindrée avec une plaque polonaise.
48:16 Ça pose la question du trafic de voitures, de location de voitures.
48:22 Il y a un papier intéressant sur le Figaro là-dessus.
48:25 On voit bien que dans les cités, on loue des voitures immatriculées en Pologne,
48:30 souvent de très grosses cylindrées.
48:32 Celles qu'avait entre les mains Nahel pouvaient aller en quelques secondes à 100 km/h.
48:39 Ça permet à des jeunes de faire des rodéos.
48:42 On a un témoignage dans le Figaro d'un jeune habitué des rodéos sur le périphérique,
48:47 qui dit aller jusqu'à 200 km/h sur le périphérique,
48:50 avoir reçu 11 000 euros d'amende et 78 points de permis en moins,
48:55 sans conséquence, puisqu'effectivement, sa voiture est immatriculée en Pologne.
49:00 Donc on voit bien que la voiture que conduisait Nahel à l'âge qu'il la conduisait
49:05 était une arme par destination.
49:08 Dès lors, on peut mieux comprendre, pas excuser le geste du policier,
49:14 mais mieux comprendre sa peur et sa réaction.
49:18 Si vous voulez, dans le débat public, une députée,
49:21 renaissance de la majorité, en précisant par ailleurs qu'il n'aurait pas dû mourir,
49:26 mais qu'il ne devait pas refuser d'obtempérer, qu'il ne devait pas être dans cette voiture,
49:30 qu'une députée ne puisse pas dire ça, je ne vois pas pourquoi.
49:34 C'est juste sur le plan des faits.
49:36 Je vous interromps une seconde, parce qu'effectivement,
49:38 ces limpinages, je vois que ça vous fait réagir.
49:40 Oui, parce qu'en fait, il y a un double effet miroir,
49:43 c'est-à-dire qu'appeler ce jeune homme Nahel, c'est aussi une façon de manipuler l'opinion.
49:48 Quand on vous donne un simple prénom, c'est comme si on vous disait
49:51 "c'est un enfant et c'est un proche".
49:54 Le but est de déclencher l'émotion et la proximité.
49:57 Le fait de dire Nahel est déjà...
50:00 Simplement, quand on est journaliste, on s'interroge.
50:03 Comment parler de ce jeune homme et dire "le jeune homme ou le jeune conducteur
50:07 est la chose la plus honnête qu'on peut avoir".
50:09 Vous voulez dire qu'il ne faut peut-être pas donner son prénom ?
50:12 Normalement, dans la presse, quand on donne le prénom, on donne le nom de famille.
50:15 C'est pour identifier la personne.
50:17 Si vous ne donnez que le prénom, c'est une relation de proximité que vous créez.
50:21 Et tous les gens le savent très bien.
50:23 Ce que dit d'ailleurs la députée, c'est pas qu'elle ne veut pas utiliser son prénom.
50:27 Je comprends ce que veut dire ces limpinages, et elle a raison.
50:30 C'est qu'elle ne veut pas utiliser le petit Nahel,
50:33 comme ça a été utilisé par beaucoup de politiques,
50:36 ou de dire que c'est un ange.
50:38 Parce que ce n'était pas, malheureusement, un ange,
50:41 comme l'a dit Kilian Mbappé, par exemple.
50:43 Si les propos de cette députée sont corroborés par les faits,
50:46 pourquoi est-ce qu'ils suscitent une si grande polémique ?
50:49 Ces limpinages donnaient, je crois, une partie de la réponse,
50:52 parce qu'ils viennent heurter le récit politico-médiatique
50:55 qui a été fait défait au départ.
50:57 C'est un récit qui a d'ailleurs été mené, je dirais,
51:00 au départ par la France insoumise,
51:02 qui s'en est tout de suite prise à la police,
51:04 et qui a voulu faire de ce jeune homme une victime,
51:08 un martyr même, des violences policières.
51:12 Donc il y a ce récit-là qui a été fait par la France insoumise.
51:15 On aurait pu se dire, c'est la France insoumise, c'est l'extrême-gauche,
51:18 mais le problème, c'est qu'il a été repris, je crois,
51:21 par une partie de la classe politique,
51:24 notamment par le gouvernement, avec cette minute de silence,
51:27 qu'on peut comprendre, mais en même temps,
51:30 on n'a pas fait de minute de silence pour des policiers tués,
51:33 on n'a pas fait de silence à l'Assemblée nationale,
51:35 on ne l'a pas fait dans d'autres affaires, comme l'affaire Sahara-Alimi.
51:38 Donc si vous voulez, le gouvernement a semblé reprendre à son compte
51:41 ce récit ultra-manichéen qui était fait par la France insoumise.
51:44 Je pense que le gouvernement ne l'a pas fait pour les mêmes raisons
51:47 que la France insoumise, pas pour des raisons idéologiques,
51:50 mais parce que le gouvernement avait le sentiment d'être assis
51:53 sur, craignait l'explosion, il a eu peur,
51:56 et il a essayé d'apaiser les choses, mais en épousant,
51:59 pour moi, un récit déformé.
52:02 Si la situation est aussi grave que vous le pensez,
52:05 est-ce qu'au contraire, contrairement à ce qu'a fait cette députée,
52:08 il ne faudrait pas modérer ses propos et avoir davantage de retenue ?
52:13 C'est une expression, une phrase qu'on emploie beaucoup,
52:16 mais elle demeure juste, c'est la phrase de Camus, d'Albert Camus,
52:21 "Mal nommer les choses ajoute au malheur du monde".
52:24 Je crois que c'est encore le cas ici, parce qu'à force de ne pas vouloir
52:29 nommer la réalité des banlieues, on est justement assis sur un baril
52:34 de poudre qui risque de s'enflammer et de s'enflammer de nouveau,
52:39 si vous voulez. Et on s'est beaucoup trompé sur cette question
52:44 des banlieues, et c'est pour ça qu'on en est encore là,
52:48 alors qu'on a déjà vécu cet épisode en 2005. En 2005, on a expliqué
52:52 que les désordres étaient liés notamment à la situation sociale
52:56 dans les banlieues. On a fait une politique de la ville.
52:58 C'était peut-être en partie vrai, il fallait faire de la rénovation urbaine,
53:01 mais ça n'expliquait pas tout. Il y avait une dimension identitaire,
53:06 culturelle, communautaire dans ces révoltes qu'il fallait voir.
53:10 Une partie de la population était en train de faire sécession
53:13 parce qu'elle ne se reconnaissait plus, si vous voulez,
53:16 dans le roman national. Elle avait l'impression que la France
53:20 n'était pas son pays, voire que la France était un pays
53:24 qu'il les détestait. Et en retour, il détestait la France
53:28 et finalement ne respectait pas la République.
53:33 Donc si on avait fait le bon diagnostic à l'époque,
53:36 on aurait pu avoir de bonnes réponses.
53:38 Quand je parlais de dimension culturelle, il faut bien voir
53:41 qu'on a une jeunesse qui a été élevée par des parents
53:45 qui viennent d'une culture où le code de l'honneur, par exemple,
53:48 est très important. Ils respectaient la force et l'autorité.
53:51 Donc en apparaissant faibles face à eux, je crois qu'on a aggravé
53:55 la fracture qu'on prétendait qu'on combattait d'eux-mêmes.
53:59 En reprenant ce récit d'une supposée maltraitance sociale de la France,
54:05 alors même qu'en France il y a plus de logements sociaux
54:07 pour les étrangers que pour les Français, il faut quand même le rappeler,
54:10 c'est un signe de générosité. Mais en accréditant ce discours,
54:14 que la France serait maltraitante aussi bien sur le plan social
54:17 aussi bien sur le plan du racisme, on a accentué le ressentiment
54:21 de ces populations-là. C'est pour ça que je crois profondément
54:25 que pour gagner la guerre des mots MAIUX, il faut commencer
54:29 par gagner la guerre des mots MOTS et qu'il faut commencer
54:32 par voir ce que l'on voit et dire ce que l'on voit.
54:35 Jean-Sébastien Ferjou, est-ce que cette députée, finalement,
54:38 ce qui ne lui est pas reproché, c'est de dire que Nahel était
54:42 un délinquant, quelque part ça revient à minimiser sa mort,
54:45 dire que sa mort n'est pas si grave que cela.
54:48 Ce n'est pas ça le problème, finalement ?
54:50 Si, effectivement, je pense que c'est ça la question.
54:53 Donc elle a tort de dire cela ?
54:55 Moi je crois à la liberté d'expression, donc je pense que Clément Mbappé
54:59 a le droit de dire ce qu'il veut, comme cette députée a le droit
55:01 de dire ce qu'elle veut, mais dans les deux cas, ça me paraît
55:03 aussi dérangeant parce que la réalité, à la limite, peu importe
55:06 la situation de Nahel, je ne parle pas de tout ce que vous disiez
55:09 Alexandre, après, sur les émeutes et sur le récit victimaire
55:12 sur les émeutes, sur la situation des immigrants en France,
55:14 ça c'est autre chose. Mais là, sur ce cas-là, la question qui se pose
55:19 et qui devra être éclairée par la justice, c'était est-ce que ce tir
55:22 était justifié ou non, avec une vidéo qui suggère qu'il ne l'était pas,
55:26 mais encore une fois, c'est à la justice de se prononcer,
55:28 et de deux, parce que moi je trouve ça profondément inquiétant,
55:30 est-ce que les policiers, oui ou non, ont menti, parce que quand on est
55:33 assermenté dans la République, et pour que précisément on ne doute pas
55:36 de la parole de la police ailleurs, il faut qu'elle ne soit jamais prise
55:40 en défaut.
55:41 Il faut lire la citation dans son contexte, parce que tout ce que vous dites,
55:44 Jean-Sébastien, elle le dit.
55:46 Oui, mais elle revient dessus quelques jours après.
55:48 Allez, merci beaucoup Jean-Sébastien Ferjou, Alexandre Devecchio,
55:51 Céline Pinard, Marc Menon, on se retrouve demain, évidemment,
55:53 tous les quatre, avec un grand plaisir, on espère également que vous serez
55:56 au rendez-vous, 19h, face à l'info, demain, un mercredi, dans un instant,
56:00 vous avez rendez-vous avec Eliott Deval pour l'heure des pros,
56:03 et quant à moi, je vous retrouve avec plaisir, toujours, à partir de 21h
56:07 dans Soir Info, à tout à l'heure, donc très belle soirée.
56:09 Bye.
56:09 ...

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