Tous les soirs et pendant tout l'été, les chroniqueurs de #FacealinfoEte débattent de l'actualité du jour de 19h à 20h
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00:00 Il est bientôt 19h sur CNews, très heureux d'être avec vous pour 2h, 1h de Face à l'Info et 1h dehors des pros et autour de la table pour m'accompagner pour cette première heure.
00:10 Raphaël Stainville, bonsoir Raphaël.
00:11 Bonsoir Gauthier.
00:12 Nathan Devers, bonsoir Nathan.
00:13 Bonsoir.
00:14 Et Jonathan Sixsou, bonsoir Nathan.
00:15 Bonsoir Gauthier.
00:16 Paul Melun doit nous rejoindre mais le peloton du Tour de France l'empêche d'accéder jusqu'à nos studios.
00:21 On verra s'il arrive avant la fin de l'émission.
00:23 Tout de suite, c'est le CNews Info.
00:29 Un adolescent de 15 ans a été tué d'un coup de couteau.
00:32 Les faits se sont déroulés hier soir à la Heim à l'Herbe.
00:35 Une dispute verbale entre la victime et deux garçons âgés de 16 ans est survenue sur la voie publique.
00:40 Le coup de couteau aurait été asséné au thorax devant des passants.
00:43 La victime est décédée malgré l'intervention des secours.
00:46 Les deux mises en cause ont été interpellées et placées en garde à vue.
00:50 Une enquête pour homicide volontaire a été ouverte.
00:53 Ce soir, l'Espagne attend fébrilement le résultat des élections législatives
00:57 dans laquelle l'opposition de droite est la grande favorite
01:00 mais qui pourrait parallèlement amener au pouvoir l'extrême droite.
01:04 Le Parti populaire pourrait en effet succéder au Parti socialiste, si les sondages voient juste.
01:09 Un scrutin qui suscite un intérêt inhabituel dans le monde entier.
01:13 Les Bleus tenus en échec par la Jamaïque.
01:16 L'équipe de France d'Hervé Renard a manqué son début de Coupe du Monde ce midi à Sydney
01:20 en concédant le nul. Un faux départ qui freine les ambitions de premiers titres internationales.
01:25 Les joueuses sont attendues samedi à Brisbane pour un prochain match contre le Brésil.
01:30 Et au sommaire de Face à l'Info ce soir.
01:35 Deuxième nuit de fronte des policiers marseillais
01:38 après le placement en détention provisoire d'un membre de la BAC mise en examen pour violences en réunion.
01:43 La très grande majorité d'entre eux a cessé le travail.
01:46 Deux voitures seulement de police secours auraient circulé la nuit dernière dans les rues de la cité phocéenne.
01:53 Cette colère va-t-elle se répandre tel une tache d'huile dans tout le pays ?
01:57 Pour le moment, Gérald Darmanin reste bien silencieux.
02:01 L'analyse de Raphaël Stainville.
02:03 Une union des droites va-t-elle voir le jour en Espagne ?
02:06 C'est aujourd'hui les élections législatives. On attend dans la soirée les résultats.
02:10 En cas de victoire, le parti populaire, l'équivalent de nos républicains, pourrait s'allier à Vox.
02:16 Plus proche idéologiquement de reconquête que du Rassemblement national.
02:20 Le regard de Nathan Devers.
02:22 On parle souvent de la culture de l'excuse.
02:25 Vous savez ces petits prétextes qu'on utilise pour minimiser les délits commis par des jeunes.
02:29 Il faut les comprendre, ils ne savent pas ce qu'ils font.
02:32 Jonathan Cixous a trouvé une nouvelle affaire qui illustre parfaitement ce phénomène.
02:36 Et puis, sauvons nos églises, nos cathédrales, nos châteaux, nos vieilles pierres,
02:41 trop souvent négligées par le passé.
02:43 C'est la déclaration d'amour, non pas de Stéphane Bern, mais de Paul Melun, au patrimoine français.
02:47 Paul Melun qui est arrivé sur ce plateau.
02:49 Ça y est, c'est aujourd'hui la fin du Tour de France qui a empêché Paul Melun d'arriver jusqu'ici.
02:54 Alors au moment où Libération se demande, je cite, pourquoi le peloton français est-il si blanc,
02:59 Raphaël Stainville s'époumonera pour nous dire pourquoi le mois de juillet ne serait pas tout à fait le mois de juillet.
03:05 Sans la grande boucle.
03:07 Voilà le programme, face à l'info, c'est parti.
03:10 Bonsoir Paul Melun.
03:23 Bonsoir Gauthier Lebret.
03:24 Vous êtes arrivé à bon port finalement ?
03:26 Mais oui, je cours vite.
03:27 Les cyclistes vous ont empêché d'arriver jusqu'ici ?
03:29 Oui, c'est un blocus des cyclistes.
03:31 Ce n'est pas très sympa parce que je suis très client du Tour de France, donc j'attends le billet de Raphaël avec beaucoup de plaisir.
03:36 Et bien voilà, on part justement avec Raphaël.
03:39 Raphaël Stainville, la police, notamment à Marseille, est en crise.
03:42 On le voit depuis 48 heures.
03:44 Et Gérald Darmanin, le ministre de l'Intérieur, est désespérément silencieux.
03:47 Il faut le dire qu'il est en déplacement avec le président de la République.
03:50 Il est silencieux et c'est une vraie surprise, une même incongruité politique, voire une faute politique.
03:58 Vous le savez, Gérald Darmanin est toujours prompt à se saisir du moindre fait divers.
04:02 Il est toujours prompt à se déplacer à la moindre alerte, à communiquer, à faire l'actualité,
04:07 un petit peu à la manière de celui qui fut son maître en la matière, Nicolas Sarkozy.
04:12 Aussi est-il particulièrement surprenant aujourd'hui que le ministre de l'Intérieur soit aux abonnés absents,
04:18 alors que la police, notamment à Marseille, vous l'avez dit, exprime sa colère, son incompréhension,
04:22 face à la mise en détention provisoire de l'un des leurs.
04:25 Et cette colère, cette grève déguisée de la police à Marseille concerne tous les services,
04:31 et pas seulement là-bas, que ce sont plus de 600 personnes, 600 policiers qui sont aujourd'hui,
04:35 à peu près en tout cas selon les chiffres et les sources policières que nous avons eues,
04:40 qui sont aujourd'hui en arrêt maladie.
04:41 Alors jusqu'à présent, Gérald Darmanin, il échappait à la colère de ses troupes.
04:45 Le 4 mai, dans la missive, c'est presque célèbre aujourd'hui, qui s'appelait "La maison police brûle",
04:51 les syndicats qui écrivaient au président épargnaient leur ministre de tutelle, Gérald Darmanin.
04:58 Le soutien de notre ministre de tutelle n'est plus à démontrer.
05:01 Il n'en avait pas été de même pour son prédécesseur Placebovo, Christophe Castaner,
05:05 qui lui avait subi plusieurs fois les foudres de ses hommes.
05:10 Et donc Darmanin, il faut bien comprendre, il s'est construit en opposition à Christophe Castaner.
05:17 C'est lui qui, sur RTL en 2020, expliquait "je serai celui qui protège ceux qui nous protègent".
05:24 Alors pourquoi ce silence ?
05:26 Hier, c'est Frédéric Vaud qui est allé pendant deux heures rencontrer presque en catimini
05:31 et sans recevoir tout le monde, les syndicats de police à Marseille qui avaient bien voulu leur livrer leur doléance.
05:39 Mais ce qu'ils attendent, les policiers, c'est vraiment leur ministre de tutelle, c'est Gérald Darmanin.
05:44 Le problème, il y en a plusieurs.
05:46 Le premier, c'est que Gérald Darmanin ne peut pas grand-chose pour apaiser la colère des policiers.
05:52 Les revendications de la police ne sont pas d'ordre catégoriel.
05:55 Ils demandent juste à être considérés comme des justiciables, comme les autres.
05:59 Donc la réponse ne relève pas tant du ministère de l'Intérieur que celui de la justice.
06:02 Et la deuxième chose, et vous l'avez dit, c'est qu'il a embarqué avec le président pour l'Osegne.
06:06 Gérald Darmanin n'est pas seulement ministre de l'Intérieur, mais ministre des Outre-mer.
06:09 Et à ce titre, il était légitime, normal qu'il l'accompagne.
06:13 Alors, Raphaël, est-ce que Gérald Darmanin se tait ?
06:16 Parce que comme l'a rapporté Le Parisien, il fait la tête, disons-le.
06:19 Il est vexé de ne pas avoir été nommé à Matignon.
06:22 Oui, c'est ça. C'est ce qu'affirme Le Parisien, une contrariété.
06:26 Gérald Darmanin, frustré de ne pas avoir obtenu Matignon après une intense copagne de lobbying
06:31 auprès du président ces dernières semaines, hibernerait selon les mots de son entourage.
06:36 Il soignerait son vague à l'âme après avoir eu le sentiment d'être trahi par le président.
06:42 Mais s'il n'est pas content, s'il est dégoûté, comme le disent encore des membres de son entourage,
06:48 s'il est en désaccord avec Elisabeth Borne, la première ministre,
06:52 qui, il est vrai, a tout fait pour faire en sorte que sa loi sur l'immigration,
06:57 sa grande loi sur l'immigration qu'il nous promet depuis un an, soit à chaque fois différée,
07:01 et tout fait aussi pour préserver son poste contre l'ambition de Gérald Darmanin,
07:07 s'il n'était pas content, il avait une solution toute simple,
07:10 c'est de démissionner, de quitter le gouvernement.
07:12 Un ministre, ça ferme sa gueule, ou si ça veut l'ouvrir, ça démissionne,
07:16 selon l'adage cher à Jean-Pierre Chevènement.
07:19 Il ne l'a pas fait, alors il boude, il rumine, il enrage.
07:22 Mais si c'est ça vraiment la vérité, si c'est une contrariété, une frustration,
07:27 alors c'est vraiment une faute politique, parce que les Français,
07:31 et plus encore, je dirais, les catégories populaires,
07:33 ceux que le ministre de l'Intérieur se plaît à chérir, à se reconnaître,
07:38 à chaque fois, dès qu'il le peut, il insiste sur sa dimension sociale,
07:42 ces Français qui souffrent, ils n'ont que faire des États-dames du ministre de l'Intérieur.
07:48 Tout ça parce que ses espérances auraient été déçues.
07:52 C'est une sorte de règle d'airain en politique,
07:54 et encore plus lorsque les Français souffrent, et en ce moment, les Français souffrent.
07:58 On ne donne pas en spectacle sa souffrance ou ses États-dames,
08:01 l'exhibitionnisme de ces souffrances horripile l'électorat populaire,
08:05 qui a des problèmes autrement plus importants.
08:07 En plus, les ambitions de Gérald Darmanin vont bien au-delà de Matignon,
08:11 puisqu'elles vont jusqu'à l'Élysée pour 2027.
08:13 Bien sûr, Gérald Darmanin fait partie de ces politiques qui cachent avec peine
08:17 leur ambition, et que leur ambition est d'accéder un jour à l'Élysée.
08:21 Alors certes, aujourd'hui, son ambition est contrarié, il n'a pas obtenu Matignon,
08:26 mais après tout, Nicolas Sarkozy, son modèle, n'a pas eu besoin de passer par cette case
08:32 pour parvenir à se faire élire.
08:34 Nicolas Sarkozy, rappelons-le, a même construit sa victoire de 2007
08:39 en rompant de l'intérieur avec le chiracisme.
08:42 Il s'est fait élire sur un programme de rupture.
08:45 C'est en partie la carte que joue aujourd'hui Édouard Philippe.
08:48 On le voit ces derniers temps lorsqu'il vient sur les terrains sécuritaires,
08:53 qu'il vient adhérir son discours sur l'immigration.
08:56 Depuis qu'il a quitté Matignon, dans une sorte de rupture douce avec Emmanuel Macron,
09:01 on l'entend se différencier de plus en plus.
09:03 C'est aussi pourquoi il a refusé de réintégrer le gouvernement d'Elisabeth Borne
09:07 alors que certains, et notamment le président, le poussaient à accepter de remplacer Papendiaïe à l'éducation.
09:13 En faisant ce choix de rester dans le gouvernement, Gérald Darmanin,
09:16 s'il ne veut pas ruiner ses chances de pouvoir un jour prétendre lutter pour la course à l'Élysée,
09:21 doit avoir un bilan solide, incontestable.
09:24 Et c'est bien là le problème.
09:25 Aujourd'hui, les Français se souviennent de lui pour le fiasco du Stade de France,
09:30 ils se souviennent de lui pour les Kevin et les Matteo qu'il a pointé du doigt pendant l'Erasia,
09:35 mais ils ne se souviennent pas de lui pour cette grande loi, cette fameuse loi sur l'immigration.
09:39 On attend toujours.
09:40 On attend toujours.
09:41 Ce que les Français attendent, et toutes les enquêtes le montrent,
09:43 ce sont des résultats, et notamment encore une fois sur l'immigration.
09:45 C'est à cette aune et à cette aune seule que Gérald Darmanin pourra sérieusement penser à l'Élysée.
09:50 Paul Mellun, est-ce que le silence de Gérald Darmanin est une erreur face à la fronte des policiers ?
09:55 Bien sûr, bien sûr.
09:57 Écoutez, il serait dans ses responsabilités et dans ses prérogatives de son portefeuille
10:02 de prendre langue le plus possible avec les représentants de la police.
10:06 Pour ce qui est de ses ambitions présidentielles, puisque Raphaël terminait là-dessus,
10:11 moi je pense que Gérald Darmanin a à la fois une chance importante et cette chance est aussi une malchance.
10:16 Vous allez comprendre où je veux en venir.
10:18 Sa chance, c'est qu'on sait l'identifier politiquement dans le spectre de la majorité.
10:22 Moi, le premier, je reproche souvent au macronisme de ne pas avoir d'axiome idéologique.
10:26 Celui de Gérald Darmanin, il y a tout de même une fermeté sur l'orégalien,
10:29 on sait à peu près le situer dans le spectre du macronisme.
10:32 Mais c'est aussi son défaut, c'est qu'il aura des difficultés à embarquer la gauche de la macronie.
10:37 Ces anciens strotskaniens qui effectivement sont aussi parmi les proches du président de la République
10:41 et qui ne se reconnaîtront pas dans ce que eux qualifieront d'outrance de la part du ministre,
10:45 notamment lorsqu'il nous parle d'ensauvagement de liens entre l'immigration et la délinquance.
10:49 Donc il ne sera jamais l'homme de la synthèse du macronisme.
10:52 Pour cette raison-là, je pense qu'il aura des difficultés à occuper ce rôle
10:56 et qu'il sera plus dévolu à Édouard Philippe ou à Bruno Le Maire.
10:58 Jonathan Sixsou, c'est vrai ce que disait Raphaël Sterville.
11:00 On nous avait promis une dernière fois la loi immigration présentée en Conseil des ministres
11:04 avant la trêve estivale.
11:06 Il reste un seul Conseil des ministres la semaine prochaine avant les vacances des ministres.
11:10 On voit bien qu'on ne va pas avoir une nouvelle fois cette fameuse loi immigration.
11:13 Non, mais on nous avait un peu déjà prévenu que cette loi immigration,
11:15 elle serait de toute façon édulcorée, qu'elle avait peu de chances de passer en l'état devant les députés.
11:21 On voit très clairement que le gouvernement et le président de la République
11:25 ont très peur de la passer devant les élus.
11:29 Parce qu'ils n'ont pas de majorité.
11:31 Ils n'ont pas de majorité et on sait comment pourrait se comporter la NUPES en la matière.
11:36 Ils sont d'une frilosité qui est assez alarmante, je trouve.
11:41 Et les LR menacent de déposer une motion de censure.
11:43 Si leurs mesures ne sont pas reprises dans cette fameuse loi immigration.
11:47 C'est la menace, mais ils ne sont pas très sûrs d'eux-mêmes.
11:49 Nathan, ils ont beaucoup à perdre aussi les LR.
11:51 Nathan, comment vous jugez l'absence de réaction de Gérald Darmanin après ce qui se passe à Marseille ?
11:56 Oui, je pense tout aussi que c'est une erreur.
12:00 Et on voit bien que les policiers, en particulier à Marseille,
12:02 quand on étudie l'affaire qui avait inspiré le film Bac Nord,
12:05 non pas le film, mais l'affaire en elle-même,
12:07 on avait bien vu qu'il y avait dans la police, à Marseille,
12:10 il y avait une pression, une pression managériale,
12:13 avec des ordres contradictoires, parce qu'à la fois il faut respecter une procédure
12:16 dans le cadre de l'état de droit, et en même temps une pression,
12:18 une absence de moyens, qui faisait qu'il y avait toutes les conditions
12:21 qui étaient pour un travail dans des conditions en tout cas dégradées.
12:24 Et que ne pas poser ce problème-là, évidemment que c'est une erreur.
12:27 Maintenant sur la comparaison entre Gérald Darmanin et Nicolas Sarkozy
12:29 par rapport à leurs ambitions, c'est vrai que c'est intéressant.
12:32 Parce que quand Jacques Chirac donne à Nicolas Sarkozy le ministère de l'Intérieur,
12:37 il le fait en punition, et il le fait pour que ce soit un obstacle
12:40 à ses ambitions présidentielles.
12:41 Le coup de génie stratégique de Nicolas Sarkozy, ça a été de transformer
12:44 ce ministère qui est un ministère obstacle, parce que c'est pas du tout
12:47 un ministère qui permet à quelqu'un de devenir présidentiable,
12:49 bien au contraire, parce que le ministère qui est surnommé vulgairement
12:51 le ministère des emmerdes, en montrant qu'il va réinventer le politique.
12:55 Et d'ailleurs concrètement c'est ce que Nicolas Sarkozy a fait.
12:58 Je pense que Gérald Darmanin, quelle que soit la proximité idéologique
13:01 que les uns peuvent avoir ou ne pas avoir avec lui,
13:04 il ne réinvente pas une nouvelle manière de faire de la politique,
13:06 au contraire il s'enferme dans la position du ministre assez classique.
13:09 Et en cela, il n'est pas du tout héritier de Nicolas Sarkozy
13:12 sur le plan de la méthode.
13:13 Raphaël Stavide, le mot de la fin. Est-ce qu'au fond, le stade de France
13:16 n'est pas son boulet qui l'empêchera à jamais d'être président de la République ?
13:19 C'est une immense crainte, je pense, pour lui.
13:23 Je pense que tous les Français ont encore en souvenir l'humiliation
13:27 qu'ils ont connue à cette occasion.
13:30 Et le mensonge de Gérald Darmanin accusant les supporters anglais
13:34 alors que sous les yeux des Français, il apparaissait
13:37 que c'était une autre catégorie de personnes qui agissaient ainsi.
13:42 Nathan Devers, on part en Espagne avec vous,
13:44 où une union des droites est possible.
13:46 On a souvent parlé de l'union des droites
13:48 pendant la campagne présidentielle ici en France.
13:50 En Espagne, c'est peut-être en passe de se réaliser
13:52 puisqu'il y a des élections législatives aujourd'hui.
13:54 Exactement. Élections législatives anticipées.
13:56 C'est-à-dire que le 28 mai dernier, il y a eu des élections locales
13:59 et le PSEO, qui était au gouvernement, dirigé par Sanchez,
14:06 a fait des scores absolument lamentables, extrêmement mauvais.
14:10 Face à cela, le président du gouvernement,
14:12 juste après les résultats de l'élection locale,
14:15 en consultant juste une toute petite poignée de conseillers,
14:19 mais sans consulter les autres membres de l'alliance gouvernementale,
14:22 notamment Podemos, décide qu'il va faire des élections anticipées.
14:25 Les élections législatives étaient normalement prévues à l'automne 2023.
14:29 Donc il fait vraiment là une prise de risque énorme,
14:31 parce qu'au moment où il est contesté et où il est donné largement perdant,
14:35 il remet en jeu son pouvoir.
14:37 Et en même temps, il le fait, en tout cas la justification qu'il donne,
14:41 c'est qu'il dit que la situation de l'opinion publique
14:44 et de la société civile espagnole est tellement clivée,
14:46 tellement divisée, que ça a atteint des niveaux vraiment très importants,
14:49 sans doute beaucoup plus qu'en France,
14:50 que le seul moyen pour lui de réactiver cela,
14:52 c'est dans la solution démocratique.
14:55 Alors le bilan de Sánchez, qui est au pouvoir depuis 2018,
14:59 il est paradoxal.
15:01 Parce que d'un côté, il y a des réussites incontestables,
15:03 notamment sur le plan économique.
15:05 Il y a eu une hausse de la croissance,
15:06 il y a eu une baisse du chômage après un pic qui était un pic très important
15:09 ces dernières années, il y a eu une baisse du chômage
15:11 qui fait que le chômage espagnol n'a jamais été aussi bas en Espagne
15:13 depuis 6 ou 7 ans.
15:15 Et puis, dans la fameuse crise d'inflation qu'on a tous connue en Europe,
15:19 l'Espagne est un des premiers pays qui est redescendu sous les 2%,
15:22 notamment avec des différences sur la hausse des prix de l'énergie.
15:26 Alors, plusieurs problèmes face à cela quand même.
15:29 Premier problème, c'est que la limitation de l'inflation
15:37 ne concerne pas deux domaines importants,
15:39 qui sont l'alimentation et qui sont l'immobilier.
15:42 Il y a une crise qu'on connaît dans toutes les métropoles occidentales,
15:45 une crise de l'immobilier dans les grandes villes
15:47 avec le fait de venir accéder à la propriété et même à la location
15:50 dans les métropoles, ça devient de plus en plus impossible.
15:53 Mais en Espagne, particulièrement à Madrid, à Barcelone avec le tourisme,
15:56 c'est vraiment des situations où l'immobilier devient un sujet majeur
16:00 de préoccupation pour les Espagnols, plus encore qu'en France.
16:03 Deuxième raison de division, c'est que Sánchez, pour gouverner,
16:08 a fait alliance avec Podemos, qui est un parti qu'on peut comparer
16:11 à la France Insoumise, parti d'extrême-gauche.
16:13 Une sorte de nuppesse espagnole.
16:15 Une sorte de nuppesse espagnole, exactement, et qui est un parti récent.
16:18 C'est plus un mouvement qu'un parti.
16:20 Que dans ce contexte, l'alliance n'est pas si bien placée que ça
16:23 sur le plan stratégique et que Sánchez n'avait pas un leadership
16:27 qui était assez limité.
16:29 Et qu'ensuite, il y a eu une loi qui a été faite par la ministre
16:32 de l'égalité homme-femme, une ministre Podemos,
16:34 la loi contre les violences sexuelles.
16:36 Une loi qui a eu un apport juridique assez intéressant,
16:38 c'est qu'ils ont donné une nouvelle définition des critères du viol
16:41 en disant que c'est le oui qu'il faut, en inversant la chose
16:44 dans le consentement, et paradoxalement, c'est une loi
16:47 qui a contribué à baisser les peines des violences sexuelles.
16:50 Et donc, il y a eu des gens qui sont sortis de prison
16:52 ou qui ont été condamnés à moins d'années de prison
16:54 qu'ils n'auraient été condamnés avant la loi.
16:56 Donc ça, ça a déjà provoqué une division dans la société.
16:59 Il y a eu le coronavirus, inutile de faire un dessin,
17:01 tout le monde se souvient des mesures très, très, très fortes
17:03 et très violentes qui avaient été prises en Espagne.
17:05 Et puis, plus largement, il y a deux grands sujets
17:07 qui divisent en profondeur la société espagnole
17:09 et qui l'ont divisé ces dernières années.
17:11 Le premier sujet, c'est la mémoire de Franco.
17:14 Franco, parce que Sánchez a décidé de faire exhumer
17:18 Franco de los Caídos, la tombe majestueuse qui était la sienne.
17:21 Bien sûr.
17:22 On dit assez peu sur l'Espagne.
17:24 L'Espagne est un des pays au monde où il y a le plus de charniers
17:26 de la guerre civile.
17:27 Et qu'il a donc fait une loi mémorielle pour pouvoir faire en sorte
17:29 que l'État puisse financer l'exhumation des victimes
17:32 de la guerre civile.
17:33 Et qu'évidemment, en face, il y a toute une partie
17:36 de l'opinion publique qui est très, très hostile à cela.
17:38 Et le deuxième sujet, c'est le référendum qu'il y a eu en 2017
17:41 sur l'indépendance de la Catalogne, qui a suscité aussi
17:43 une nouvelle division.
17:44 Alors, on attend les résultats dans la soirée, d'ailleurs.
17:46 On attend des élections législatives.
17:48 Mais il semble, selon les sondages, que Pedro Sánchez va perdre
17:51 son fauteuil de Premier ministre.
17:53 Oui, alors selon les sondages, le grand favori de l'élection,
17:55 c'est le Parti populaire, qui est un parti qu'on pourrait comparer,
17:57 disons, à un mélange de Renaissance ou DLR.
18:02 Disons, voilà, les LR avec plus de voix, disons, ce serait ça.
18:05 Les LR en meilleure forme, oui.
18:06 Exactement, les LR en meilleure forme, pas très dure.
18:08 Et donc, le Parti populaire arriverait sans doute en tête.
18:12 Et pour gouverner, il devrait faire alliance avec Vox.
18:15 Vox est un parti qui a été fondé en 2013, sur une scission
18:19 du Parti populaire, précisément, qui est classé par les paléologues
18:22 comme un parti d'extrême droite, libéral conservateur,
18:25 ou comme un parti de droite identitaire, avec une controverse
18:28 quand même, pour savoir si c'est un parti qui est en filiation,
18:31 en continuité ou non, avec l'héritage franquiste.
18:33 Là-dessus, il y a une controverse, je ne rentre pas dans les détails,
18:35 mais voilà.
18:36 Donc, ce parti était minuscule jusqu'en 2017 à peu près,
18:39 mais vraiment absolument minuscule et il ne représentait rien.
18:41 Il y a eu deux choses qui l'ont fait monter.
18:43 Premièrement, le référendum catalan, donc pour l'indépendance
18:46 de la Catalogne.
18:47 Ce parti a imposé une vision, si vous voulez, très identitaire
18:51 de l'identité espagnole, contre les indépendantistes,
18:54 et toute une partie de l'opinion publique espagnole s'est rangée
18:56 derrière lui.
18:57 Deuxièmement, c'est un des seuls partis qui a parlé aux agriculteurs
18:59 et à la ruralité.
19:00 Et ces deux vecteurs ont fait qu'il a connu une hausse importante.
19:02 Alors, face à cela, le Parti populaire n'a pas dit clairement
19:06 comment il allait faire pour gouverner, mais enfin,
19:08 il n'y a pas besoin de faire un dessin.
19:09 Il est évident que s'ils veulent gouverner, ils vont devoir faire
19:11 cette alliance-là.
19:12 Et donc, en face, ça suscite des inquiétudes énormes de dire
19:15 que ce serait la première fois que l'extrême droite reviendrait
19:17 au gouvernement depuis la transition démocratique.
19:20 Alors, est-ce que c'est possible en France, cette fameuse
19:22 union des droites ?
19:23 Je suis sûr qu'on va débattre du terme "extrême droite"
19:25 ensuite avec Raphaël Sterville notamment.
19:26 Est-ce que c'est possible en France ?
19:28 On sait que pendant la campagne présidentielle, ça s'est mal passé.
19:30 Par contre, ça s'est déroulé en Italie ou en Suède, par exemple.
19:33 Oui, ou même, on parlait hier, avant-hier, d'Israël.
19:36 Je pense que la comparaison qu'on peut faire, c'est que ce sont
19:38 des régimes parlementaires.
19:39 Et que donc, évidemment, dans un régime parlementaire,
19:41 la configuration n'est pas la même, puisque à partir du moment
19:43 où vous avez une droite républicaine qui n'arrive pas à arriver
19:45 au pouvoir toute seule et qu'elle est obligée de faire alliance,
19:47 en tout cas, mécaniquement, elle se voit contrainte de faire alliance
19:50 avec des partis qui sont plus à droite qu'elle,
19:52 eh bien, cette situation-là n'est pas la même configuration
19:54 qu'en France.
19:55 Mais à mon avis, il y a quand même...
19:57 Le Grand Continent a fait une analyse très intéressante,
19:59 comparative de Vox avec Mélanie, en voyant qu'il y avait
20:03 quelques différences, etc.
20:04 Le point commun qu'il y a quand même, c'est la question,
20:06 me semble-t-il, de l'historicité.
20:08 Ça veut dire que l'Espagne, comme l'Italie, l'Espagne,
20:11 à la fin des années 70, quand ils sont sortis du franquisme,
20:14 ils ont voulu se jeter à fond dans l'avenir et dire
20:16 "On oublie, on oublie les vieilles querelles, on ne parle plus
20:18 de l'héritage franquiste, etc."
20:19 Et qu'en fait, ce qu'on est en train de voir depuis 4 ou 5 ans
20:21 en Espagne, c'est que ce grand sujet refait irruption
20:24 et recrée des divisions, exactement comme la phrase
20:26 de François Sagan, "On ne sait jamais ce que le passé
20:28 nous réserve."
20:29 Raphaël Stainville, est-ce que Vox est l'extrême droite ?
20:32 Je vais y répondre, mais si ce débat autour de l'héritage
20:37 de Franco refait surface, c'est d'abord parce que
20:40 Pedro Sánchez lui-même, en prenant le risque de raviver
20:44 ces braises à peine étouffées, qu'aujourd'hui,
20:51 cette question se pose.
20:52 Deuxième petite remarque, c'est que j'ai l'impression
20:55 que vous surpondérez le bilan économique de Pedro Sánchez
20:58 comme étant quelque chose qui aurait pu lui assurer
21:01 de possibles victoires, alors qu'on l'a vu et on le connaît
21:04 dans l'histoire, c'est Lionel Jospin qui, après la cohabitation,
21:08 a été persuadé de au moins se qualifier pour le second tour
21:10 sur la base de ses résultats économiques et qui a été emporté
21:14 parce qu'il avait minimisé un certain nombre de choses,
21:15 notamment la violence en France.
21:17 Après, s'agissant de cette expression d'extrême droite
21:21 que l'on accole désormais à tous les partis un petit peu
21:25 qui dérangent, qui seraient soit populistes, soit conservateurs,
21:28 je trouve que c'est une facilité et une paresse.
21:31 Parce qu'on le sait, on le dit pareil d'Éric Zemmour,
21:34 on le dit pareil de Mélanie, tous les partis qui finalement
21:37 ont un discours qui vient bousculer un petit peu
21:42 la doxa, le politiquement correct, en vient à être disqualifiés
21:46 comme s'il fallait l'exclure du champ démocratique
21:50 au motif que les mesures qu'il avance, que la base
21:55 programmatique, dogmatique sur laquelle ça repose
21:58 viendraient bousculer le cercle de la raison.
22:01 Et moi, je trouve que c'est trop facile.
22:03 Vous voulez répondre Nathan en 30 secondes ?
22:04 En 30 secondes, j'ai parlé d'extrême gauche pour Podemos aussi.
22:07 Je pense que l'extrême droite et l'extrême gauche
22:09 ce sont des concepts positionnels.
22:10 Ça veut dire qu'ils n'ont pas le même sens dans les années 20, 30, 40, 60
22:13 et que concept positionnel, ça veut dire qu'ils sont relatifs.
22:15 Et qu'à partir du moment où vous avez un parti de droite
22:18 et un autre parti qui se fonde pour dire qu'il est plus à droite
22:20 que le parti de droite, alors on peut jouer sur les mots,
22:22 appeler un parti plus à droite, un parti de droite radical, un parti...
22:25 Mais je pense que vraiment, ce serait une erreur de croire
22:28 que l'extrême gauche, l'extrême droite, le centre, la gauche et la droite
22:31 sont des blocs politiques qui ont la même identité politique
22:33 de décennie en décennie, évidemment, qui se réinventent.
22:35 Je vous arrête juste en deux secondes.
22:37 Vous réfugiez derrière les commentateurs qui utilisent
22:41 ce vocable pour l'utiliser à votre tour, en ayant des
22:45 administrations après qui tiennent la route.
22:48 Mais ça ne fait pas avancer la chose.
22:50 On n'arrive plus à qualifier ces parties autrement que par
22:54 des qualificatifs infamants qui empêchent de penser
22:57 véritablement ce qu'ils sont.
22:59 Je ne pense pas que ce soit infamant.
23:00 Je sais, mais c'est entendu de la sorte par tous ceux qui l'entendent.
23:03 Laissez-moi juste une réflexion pour vous lancer.
23:05 Est-ce que quand Elisabeth Borne dit le RN est héritier de Pétain,
23:09 quand on dit Georges et Mélanie, héritière de Mussolini,
23:12 Vox, héritier de Franco, est-ce que ce ne sont pas des arguments
23:16 moraux, pour reprendre les mots d'Emmanuel Macron,
23:18 complètement excessifs et donc qui deviennent insignifiants ?
23:21 Une fois qu'on a dit tout ça, on n'a absolument rien dit.
23:23 Est-ce que quand M. Roussel prend la parole sur un sujet,
23:25 je dis M. Roussel est l'héritier de Staline ?
23:27 Je serais stupide si je disais ça.
23:29 Il a du mal à classer Staline dans la bonne colonne.
23:31 Laissons-lui un petit joker là-dessus, Gauthier,
23:34 soyons gentils ce soir.
23:35 Non, peut-être que je vais réconcilier Raphaël et Nathan.
23:38 Moi, je dirais que Vox, et d'ailleurs c'est là que je fais
23:40 aussi le parallèle avec Mme Mélanie, sont des représentants
23:43 d'une droite nationale et libérale.
23:45 C'est pour ça que je ne les mettrais pas dans le même sac
23:47 que Mme Le Pen en France, qui elle, en tout cas,
23:49 se prétend plutôt souverainiste sur certains aspects
23:52 et qui a une politique sociale qui, à mon avis,
23:54 si elle devait faire un gouvernement avec Eric Zemmour,
23:56 il y aurait beaucoup de divisions.
23:58 Donc je pense que là aussi, il faudrait faire un peu,
24:00 si vous voulez, la cartographie de ces partis.
24:02 Le grand fourre-tout de eux, c'est l'extrême droite.
24:04 Il est très utile en termes de rhétorique et il permet
24:06 d'exclure ses adversaires, mais il ne permet pas une lecture,
24:08 je crois, d'études politiques un peu classiques des sujets.
24:10 - Allez, Jonathan Cixous, promis, après la coupure pub,
24:12 il n'y a que vous qui prenez la parole.
24:14 Ce sera votre édito, à tout de suite.
24:16 Deuxième et dernière partie de Face à l'Info,
24:22 la parole à Jonathan Cixous.
24:24 Jonathan, vous allez nous parler de la fameuse culture
24:26 de l'excuse, ces petites excuses qu'on trouve
24:28 aux petits délinquants, et vous avez trouvé
24:30 une nouvelle histoire, une nouvelle affaire
24:32 qui illustre cette culture de l'excuse.
24:34 - Oui, une triste histoire qui est un peu passée
24:36 sous les radars, il faut le dire.
24:38 Ça s'est passé dans la nuit de dimanche
24:40 à lundi dernier.
24:42 Six personnes ont été interpellées.
24:44 Elles étaient en train de faire griller
24:46 des chamallows sur la flamme
24:48 du mémorial du Mont-Valérien.
24:50 On ignore leur âge, mais on pense
24:52 qu'évidemment, elles ne sont pas très vieilles.
24:54 C'est donc le Mont-Valérien, ce mémorial
24:58 inauguré en 1960 par le général De Gaulle
25:00 sur le lieu même qui a été
25:02 le lieu où il y a eu le plus d'exécutions
25:04 de résistants, d'otages
25:06 également, durant la
25:08 Seconde Guerre mondiale. C'est dire
25:10 la portée symbolique de
25:12 cet endroit. Je suis
25:14 moi-même issu d'une famille de résistants, je sais
25:16 ce que ça veut dire, mais on n'a pas besoin
25:18 de porter cette histoire-là, me semble-t-il,
25:20 pour prendre conscience de l'importance
25:22 de ce lieu, pour prendre conscience
25:24 de la gravité dont témoigne
25:26 ce mémorial. Et pourtant,
25:28 cette affaire
25:30 montre quoi ? Montre qu'on a en France
25:32 des jeunes qui bafouent,
25:34 qui insultent le souvenir,
25:36 la flamme du souvenir, et puis en plus, c'est un souvenir
25:38 bien particulier, parce que c'est
25:40 le souvenir aussi bien souvent de jeunes,
25:42 des jeunes qui ont peut-être
25:44 le même âge ou qui étaient parfois encore
25:46 plus jeunes que ces imbéciles
25:48 au Chamallow, qui ont
25:50 donné leur vie pour leur liberté, pour
25:52 notre liberté, et c'est tout cela
25:54 qu'on bafoue aujourd'hui. Ce sont
25:56 de vrais héros, c'était de vrais héros,
25:58 et on serait mieux inspirés
26:00 de donner leur exemple à cette jeunesse qui est pourtant
26:02 totalement paumée, on le voit bien. Alors que risquent ces jeunes
26:04 qui ont fait brûler des Chamallow ?
26:06 Malheureusement, pas grand-chose, c'est aussi
26:08 ça qui m'énerve un peu,
26:10 Gauthier. Elles ont été interpellées,
26:12 ces personnes, elles ont été placées
26:14 en garde à vue au commissariat,
26:16 quatre d'entre elles vont être convoquées pour
26:18 violation d'un monument dédié aux morts,
26:20 et les deux autres ont été remises
26:22 en liberté. Mais attendez,
26:24 le meilleur arrive,
26:26 le directeur des Hauts Lieux de Mémoire
26:28 en Ile-de-France, qui gère aussi le
26:30 mémorial du Mont-Valérien, a indiqué
26:32 qu'il allait porter plainte, mais qu'il promet
26:34 de retirer sa plainte si
26:36 ces jeunes
26:38 viennent visiter le site.
26:40 Le plus important est qu'ils comprennent
26:42 ce qu'ils ont fait, dit cet
26:44 homme, ce geste, leur
26:46 geste est inadmissible. Alors c'est très bien
26:48 de reconnaître la
26:50 gravité du cas, mais
26:52 exclure toute idée de sanction, et c'est sur ce
26:54 point-là que je voudrais appuyer,
26:56 c'est refuser toute idée de sanction me
26:58 paraît totalement inadmissible. Ces jeunes
27:00 ont violé un mémorial, ils doivent
27:02 être punis, une peine relative
27:04 évidemment à la nature du délit,
27:06 mais punis quand même. C'est ce
27:08 message-là que je trouve totalement terrible
27:10 de la part du directeur même
27:12 de ce mémorial, qui dit en somme,
27:14 pas besoin de sanctions, venez,
27:16 tout sera pardonné, venez visiter, tout sera pardonné.
27:18 C'est aussi ça, c'est une illustration
27:20 de la culture de l'excuse.
27:22 - Alors, autre illustration, vous avez un autre exemple, ce qui s'est
27:24 passé, on en a parlé sur la chaîne cette semaine
27:26 à Saint-Denis, avec des archéologues
27:28 insultés
27:30 en raison de leur tenue vestimentaire.
27:32 - On est en plein centre-ville de Saint-Denis,
27:34 au pied de la Basilique, il y a
27:36 un important chantier de fouilles depuis
27:38 plusieurs semaines, il y a des hommes, il y a des femmes,
27:40 ça ne vous a pas échappé que ces
27:42 derniers jours il y a eu du soleil et qu'il a fait chaud,
27:44 ces femmes elles font comme tout le monde, elles travaillent en t-shirt
27:46 et en débardeur, et par
27:48 mesure, par volonté de
27:50 pédagogie justement, l'INRAPL,
27:52 l'Institut National d'Archéologie,
27:54 n'a pas voulu que ce chantier soit
27:56 clos, soit fermé, et a laissé simplement
27:58 des grilles pour que les passants, pour que les habitants de
28:00 Saint-Denis puissent observer ces
28:02 archéologues au travail. Et bien depuis le début,
28:04 ces femmes sont la cible de violences,
28:06 de remarques sexistes, de remarques
28:08 libidineuses de la part de nombreux
28:10 hommes qui vraisemblablement n'ont jamais vu des bras
28:12 de femmes dénudées.
28:14 Quand on connaît un peu la sociologie de Saint-Denis,
28:16 on peut avoir une petite idée de qui peut proférer
28:18 de tels propos, mais surtout,
28:20 il ne faut pas en parler, surtout n'évoquer
28:22 aucune interprétation
28:24 nauséabonde. Orianne Liefold, c'est l'adjointe
28:26 au maire PS, en charge
28:28 notamment du droit des femmes,
28:30 elle dit qu'il y a eu des gestes et des propos
28:32 à caractère sexiste, mais à ses yeux, ces événements,
28:34 je la cite, sont
28:36 une marque du patriarcat qui concerne
28:38 toutes les religions et tous les territoires,
28:40 et elle ajoute, dès que quelque chose
28:42 se passe à Saint-Denis, la fachosphère
28:44 s'y intéresse. C'est peut-être une explication
28:46 pour laquelle on n'a pas entendu Sermaine Rousseau
28:48 sur cette affaire sexiste,
28:50 c'est incroyable, les fachos, ce ne sont pas ceux
28:52 qui veulent interdire les femmes dans l'espace public
28:54 en t-shirt,
28:56 mais plutôt ceux qui dénoncent leurs agressions.
28:58 - Et vous vous dites, Jonathan Sixsou, c'est pas comme ça qu'on va
29:00 résoudre le problème. - Pas vraiment, et si on voulait
29:02 même l'intensifier, on ne ferait pas autrement.
29:04 La mairie a collé, par exemple, des affichettes pour dire
29:06 "N'embêtez pas les dames", mais preuve que
29:08 ça a été tellement efficace, maintenant, elle a dû monter
29:10 des patrouilles de policiers municipaux,
29:12 des systèmes de vidéosurveillance,
29:14 je vous parle là, je vous rappelle, d'un chantier archéologique,
29:16 de fouilles archéologiques aux portes de Paris.
29:18 On en est là, et l'adjointe Omer
29:20 dit aussi que c'est un aveu
29:22 d'échec, elle le reconnaît, mais ça ne change en rien
29:24 son idéologisme, et ce n'est pas là en plus
29:26 le patron de l'archéologie à Saint-Denis
29:28 qui va l'aider à changer, lui
29:30 estime que ce n'est pas un problème culturel,
29:32 je le cite, "c'est une question de géométrie
29:34 et de flux, cela a pris
29:36 des proportions importantes, car le chantier
29:38 est au centre". Si vous comprenez quelque chose,
29:40 je pense que "centre", c'est "centre-ville", pour mes mots,
29:42 depuis les années 70, il y a eu
29:44 350 chantiers archéologiques
29:46 à Saint-Denis, il n'y a jamais eu de problème,
29:48 là, désormais, ils vont devoir mettre des palissades
29:50 pour occulter, pour soustraire, au regard
29:52 de ces six honnêtes gens, ces femmes
29:54 qui travaillent en bras de chemise.
29:56 Juste un mot pour conclure, Gauthier, je recommande
29:58 la lecture d'une enquête que signe Rachel Binaz
30:00 dans Marianne,
30:02 c'est chez elle que
30:04 j'ai piqué ces citations, il y a
30:06 d'autres citations que je n'ai pas osé citer, c'est celles
30:08 des habitants de Saint-Denis qui, sans langue de bois,
30:10 vous décrivent leur quotidien, c'est très
30:12 instructif, malheureusement. Raphaël Stainville,
30:14 la culture de l'excuse, elle vous agace ?
30:16 Oui, c'est insupportable
30:18 et surtout, ça ne fait pas avancer les choses,
30:20 c'est-à-dire qu'aujourd'hui,
30:22 on a besoin d'un langage de
30:24 vérité, on a besoin
30:26 de paroles fortes et surtout
30:28 de pas de déni, pas de culture de l'excuse,
30:30 alors que les problèmes auxquels
30:32 nous faisons face sont immenses,
30:34 donc oui, il faut en finir avec cette
30:36 culture de l'excuse. Nathan Devereux,
30:38 est-ce qu'il y a du déni dans les deux événements
30:40 que vient de nous rapporter Jonathan ?
30:42 Dans le deuxième, je pense que oui, il y a une forme de...
30:44 On l'a vu, certaines personnes qui ont dit
30:46 qu'il ne fallait pas en parler parce que ça...
30:48 Si on en parlait, je parle de féministes,
30:50 si on en parlait, ça allait dans le mauvais sens, ça on l'a vu.
30:52 Dans le premier cas,
30:54 j'ai un désaccord avec vous.
30:56 C'est que, au contraire,
30:58 évidemment, la mémoire de la résistance,
31:00 on voit bien qu'elle est confrontée
31:02 à deux types de menaces, la mémoire de la Seconde Guerre
31:04 mondiale plus généralement. Premièrement,
31:06 des menaces de type négationniste,
31:08 opposition nette, etc. Mais dans le fait
31:10 que vous citiez, ce n'est pas ça.
31:12 C'est la menace de l'oubli, de la dérision,
31:14 de la banalisation, de l'inculture
31:16 et du ricanement. Sans doute que les gens qui sont allés
31:18 faire leur chamallow ne savaient même pas ce qui s'était passé
31:20 sur le Mont Valérien. Alors face à cela,
31:22 quelle est la solution ? La solution consistant
31:24 à punir des gens qui ont fait ça en toute
31:26 ignorance. Je pense que ça va les braquer
31:28 encore plus dans leur bêtise et qu'ils vont s'en sortir
31:30 en se disant... Sortir de ça en se disant
31:32 "Qu'est-ce que c'est que ces histoires de résistance ?
31:34 On me casse les pieds, on me met en garde à vue
31:36 pour faire des histoires comme ça." En revanche, leur dire
31:38 "Ecoute, tu vas aller
31:40 apprendre ce qui s'est passé sur le Mont Valérien.
31:42 Tu étais bête et ignorant quand tu as fait ça.
31:44 Tu ne sais pas du tout ce qui s'est passé. Mais va voir ce qui s'est passé
31:46 tous ces jeunes qui se sont fait tuer les otages, les résistants,
31:48 leur héroïsme." Peut-être qu'il en sort
31:50 quelque chose de plus grand et que c'est une manière
31:52 d'honorer la mémoire de la résistance. Peut-être que c'est un acte
31:54 intelligent de la part du directeur du Mont Valérien.
31:56 - La sanction, c'était mon propos aussi,
31:58 doit s'accompagner de pédagogie.
32:00 C'est le propre d'une bonne sanction d'ailleurs.
32:02 C'est...
32:04 Un enfant a fait une bêtise,
32:06 vous lui expliquez pourquoi il est privé de dessert.
32:08 Il faut que la sanction soit
32:10 accompagnée de pédagogie dans tous les cas
32:12 pour que l'auteur de la sanction comprenne
32:14 son méfait et surtout ne recommence pas.
32:16 C'est là où la sanction joue.
32:18 Il ne recommencera pas s'il a compris
32:20 effectivement
32:22 le méfait qu'il a commis.
32:24 Il faut que ça s'accompagne
32:26 d'une sanction d'une façon ou d'une autre.
32:28 Pédagogie et sanctions. - Paul Melin, je ne vous laisse pas réagir
32:30 mais je vous laisse faire votre édito.
32:32 Puisqu'on passe au patrimoine.
32:34 Vous vous transformez un banc en Stéphane Bern
32:36 ce soir. Alors comment
32:38 sauver, Paul, c'est une vaste question,
32:40 un vaste programme, comment sauver notre patrimoine
32:42 en péril ? - Oui, alors je voulais vraiment
32:44 vous parler de ça ce soir. C'est un sujet qui me
32:46 tient beaucoup à cœur. Je pense que le sujet
32:48 du patrimoine est un de ces sujets, vous savez,
32:50 qui fédère. Un sujet qui rassemble.
32:52 Et donc je crois qu'il doit s'articuler autour
32:54 de messages positifs et c'est ce à quoi je vais m'employer.
32:56 D'abord, je commence par un tout petit point,
32:58 un petit point rapide d'étymologie. Le mot patrimoine
33:00 vient du latin patrimonium, patrimonium,
33:02 qui effectivement en français signifie
33:04 l'héritage du père. Donc l'idée
33:06 de patrimoine est indissociable
33:08 de celle du leg, de l'héritage
33:10 et de la transmission. C'est pour ça que selon moi,
33:12 le patrimoine va au-delà de l'idée
33:14 préconçue qu'on pourrait avoir, à savoir
33:16 un patrimoine matériel ou immatériel
33:18 tel que le décrit l'UNESCO. C'est très
33:20 basique, c'est-à-dire des choses anciennes, grosso modo.
33:22 Je pense que ça va bien au-delà. Il s'agit
33:24 bel et bien de la transmission de notre culture,
33:26 de notre histoire, de notre géographie.
33:28 Et ça fait écho avec ce qui était dit là
33:30 sur le mont Valérien, c'est-à-dire que quand on oublie
33:32 son passé, quand on oublie son histoire,
33:34 c'est là que les peuples se décivilisent
33:36 aussi et qu'ils s'en viennent faire des selfies
33:38 à Auschwitz ou faire griller des chamallows
33:40 sur une flamme dédiée aux résistants. Donc je pense que
33:42 le patrimoine est de nature à répondre à ces
33:44 défis et lorsqu'il est mis à l'honneur
33:46 à être valorisé. En France, nous avons
33:48 en plus la chance d'être dotés d'un patrimoine
33:50 absolument extraordinaire.
33:52 Quelques chiffres, je suis très court. 45 000
33:54 châteaux, ça fait plus d'un château par commune.
33:56 18 000 moulins, alors il y en avait 100 000
33:58 au 19e siècle, mais enfin on a un peu baissé.
34:00 Il y en a quand même encore beaucoup. 42 000
34:02 églises et chapelles et on sait à quel point
34:04 elles sont fragiles. J'avais entendu il y a quelque temps
34:06 Roselyne Bachelot nous dire que les chapelles du 19e
34:08 siècle n'avaient pas grande valeur. Je suis évidemment
34:10 tombé de l'armoire quand j'ai entendu ça. Bien sûr
34:12 que si, le patrimoine du 19e siècle
34:14 est aussi très beau. Alors
34:16 depuis quand est-ce que nous Français, parce que c'est une
34:18 spécificité française aussi ce goût pour le patrimoine,
34:20 depuis quand a-t-on ce goût pour le patrimoine,
34:22 y compris le patrimoine en péril ? Alors là
34:24 je vais tordre le cou à une idée reçue tout de suite.
34:26 Dès la révolution française, on
34:28 va avoir le goût du patrimoine. Et
34:30 contrairement à ce que l'on pourrait penser,
34:32 les révolutionnaires de 1789 ne sont
34:34 pas la France insoumise et la Cancel Culture,
34:36 eux décident dès le début.
34:38 Et ça se fait dès 1790,
34:40 l'Assemblée constituante crée
34:42 la commission des monuments. Et on va
34:44 charger cette commission des monuments d'un inventaire,
34:46 c'est-à-dire que des employés de l'État
34:48 vont aller répertorier,
34:50 parce qu'on considère que l'Ancien Régime fait
34:52 aussi partie de la culture française et de
34:54 l'identité nationale. Donc même si
34:56 la révolution s'impose comme une rupture
34:58 importante avec l'Ancien Régime,
35:00 qui a des stigmates, qui a des traumas rapides,
35:02 on va vouloir garder les monuments, garder
35:04 l'histoire, garder la mémoire du passé.
35:06 Donc je trouve que là aussi on a une bonne réponse
35:08 à la Cancel Culture. Et puis je fais très vite
35:10 jusqu'à aujourd'hui, le XIXe siècle
35:12 est l'âge où on commence à s'intéresser au patrimoine,
35:14 Prosper Mérimée, on le sait tous, joue un rôle
35:16 très important, il est nommé inspecteur général
35:18 des monuments historiques. Les musées
35:20 s'étoffent, on alimente de
35:22 collections, beaucoup de monuments sont ouverts
35:24 à la visite jusqu'à la fin du XIXe,
35:26 et jusqu'à nos jours. Aujourd'hui
35:28 nous avons 46 000 immeubles classés
35:30 et 300 000 objets. Donc le patrimoine
35:32 est aussi une spécificité française et
35:34 l'État l'a longtemps dit.
35:36 Cependant, et là je vais être effectivement un peu plus
35:38 négatif, pessimiste sur le
35:40 patrimoine parfois en péril, malgré ses protections,
35:42 le petit patrimoine local,
35:44 le patrimoine rural ont longtemps subi
35:46 l'érosion, la négligence, surtout
35:48 à la fin du XXe siècle, on va s'en désaisir.
35:50 C'est le mouvement vers les métropoles,
35:52 donc le petit lavoir, le puits, la
35:54 chapelle, tout ça va tomber un peu en désuétude
35:56 jusqu'à arriver, et là c'est depuis
35:58 quelques années, à un mouvement que moi je trouve
36:00 extraordinaire d'énergie. Alors je
36:02 dis souvent des choses un peu tristes, un peu négatives à ce
36:04 plateau, parce que je suis, vous le savez, assez inquiet sur
36:06 l'état de notre pays, mais là j'y vois un signal
36:08 fort, intéressant, des associations
36:10 auxquelles je rends hommage, qui se
36:12 motivent, des bénévoles qui travaillent
36:14 pour entretenir les châteaux, les églises,
36:16 les musées dans les régions, le rôle, vous le citiez,
36:18 de Stéphane Bern, que moi je trouve tout à fait
36:20 intéressant, le loto du patrimoine, la
36:22 fondation du patrimoine, donc toutes ces initiatives
36:24 sont formidables et je crois, disent
36:26 beaucoup de notre pays et de l'engouement des Français
36:28 pour leur patrimoine. Alors que cherchent ces Français ?
36:30 Vous dites qu'ils sont en quête de valeur,
36:32 de sens, de leur identité ? Tout à fait,
36:34 moi je pense qu'ils sont en quête de trois choses. D'abord,
36:36 je crois qu'il y a une volonté patriote, une fierté
36:38 pour notre identité, à l'âge de
36:40 l'individualisme, de la mondialisation,
36:42 du repli sur soi. Le patrimoine
36:44 est finalement une sorte d'aventure collective.
36:46 Quand vous voyez les jeunes, les moins jeunes,
36:48 dans une commune, qui vont aller tous porter
36:50 leur pierre à l'édifice, il y a même des châteaux
36:52 qui ont été rachetés par des milliers et des milliers de contributeurs,
36:54 parfois pour 1 euro, 10 euros, 20 euros.
36:56 Le château de la Meute-Chandonnier, par exemple,
36:58 pour ne citer que lui, où il y a des herbes
37:00 folles, des arbres à l'intérieur, on essaie
37:02 collectivement de relever le défi. Donc ça,
37:04 c'est une première chose, la fierté de l'identité,
37:06 l'aspect patriote. Je crois que
37:08 les Français, à rebours de la
37:10 culture et de la propagande qui s'associent à cela,
37:12 sont très fiers de leur histoire, qu'ils aiment
37:14 le patrimoine, que beaucoup de Français
37:16 ouvrent le journal ou Internet au week-end, partent
37:18 avec leurs enfants à la découverte du tourisme
37:20 vert, du patrimoine. C'est l'été, donc
37:22 je pense que beaucoup de Français sont, au moment où on
37:24 parle sur les routes, essaient de voir,
37:26 pour ceux qui ne nous regardent pas, et ils sont nombreux,
37:28 sont en train de chercher ce patrimoine.
37:30 - Ils nous écoutent dans ce cas-là. Ils peuvent écouter ce news aussi.
37:32 - En plus, on parle de sujets intéressants, donc c'est formidable.
37:34 Et puis je pense, dernier élément, qu'il y a une
37:36 volonté aussi de se retrouver, une volonté de lien
37:38 social. Et le patrimoine n'est pas une aventure
37:40 individuelle, c'est une aventure pour
37:42 les autres, c'est un acte d'humilité. C'est à dire qu'on se met
37:44 soi-même, entre parenthèses, pour entretenir
37:46 plus grand que soi, notre histoire de
37:48 France, fut-elle une petite
37:50 bride de cette histoire, donc je pense que c'est
37:52 non seulement un sentiment de fierté passée,
37:54 mais aussi une promesse d'avenir. - Alors, Paul,
37:56 une minute pour nous dire pourquoi c'est un choix
37:58 civilisationnel de protéger le patrimoine. - Oui, je voulais
38:00 finir là-dessus et conclure là-dessus. Pour moi,
38:02 si vous voulez, le patrimoine est une sorte d'antithèse
38:04 de la décivilisation. C'est-à-dire
38:06 que nous revenons à un lien humain
38:08 qui transcende les clivages contemporains.
38:10 Quelle que soit votre origine, quelle que soit
38:12 votre couleur de peau, quel que soit votre statut social,
38:14 vous êtes tous appelés, si vous êtes
38:16 patriote, si vous aimez votre pays, à vous saisir
38:18 du sujet du patrimoine. C'est pas un sujet
38:20 ethnique, c'est pas un sujet de
38:22 classe sociale, les châteaux sont pas
38:24 réservés aux riches, tous ces préjugés, on
38:26 doit absolument les battre en brèche, c'est un
38:28 lien. Et puis c'est une mission qui suppose
38:30 du courage et de la patience.
38:32 La houleur est souvent à l'immédiateté,
38:34 quand vous restaurez un monument,
38:36 il faut parfois des années et des années
38:38 avant d'en voir les fruits. Donc je pense que c'est une formidable
38:40 leçon. Et puis dernier élément,
38:42 je parle souvent des défis migratoires,
38:44 des défis de l'intégration, de l'assimilation,
38:46 je pense que ça peut aussi être un levier
38:48 pour assimiler des populations qui
38:50 veulent découvrir le pays, que de les emmener à cela.
38:52 Donc pour toutes ces raisons, le patrimoine
38:54 doit être au cœur de nos vies, contribuer à retisser
38:56 les liens d'une société en proie à cette décivilisation.
38:58 Le patrimoine, c'est précisément cela,
39:00 notre civilisation, traduite
39:02 en lieu et en chose. Alors on va
39:04 continuer à parler de patrimoine. Avec vous, Raphaël,
39:06 on va parler du Tour de France. C'est aujourd'hui la fin
39:08 du Tour, avec la fameuse arrivée
39:10 sur les Champs-Élysées. Quel bilan vous faites de ce Tour ?
39:12 Alors, une nouvelle fois,
39:14 c'est un succès. Alors c'est un succès sportif,
39:16 c'est un succès populaire
39:18 et un succès médiatique.
39:20 Et peu importe que Vingegaarde,
39:22 le vainqueur du Tour,
39:24 je crois que c'est imminent, mais c'est un secret
39:26 pour personne, n'ait écrasé le Tour.
39:28 Peu importe, même les soupçons
39:30 de dopage, ils sont récurrents.
39:32 C'est officiel. Voilà, c'est officiel.
39:34 Il est le champion. Peu importe aussi
39:36 qu'aucun Français n'ait porté une seule journée
39:38 le maillot du jaune, peu importe
39:40 qu'on ait dû
39:42 finalement se contenter
39:44 d'une seule victoire. La victoire de Victor
39:46 l'a fait lors de la deuxième étape.
39:48 Une nouvelle fois, le Tour de France a fait la démonstration
39:50 que c'est un spectacle sportif
39:52 et le plus populaire au monde.
39:54 On le sait, pendant ces trois semaines,
39:56 France Télévisions a battu des records
39:58 d'audience. C'est plus de 40%
40:00 de part de marché lors de la diffusion du Tour.
40:02 Et c'est surtout plus de 3 milliards de téléspectateurs
40:04 à travers le monde. Un Tour
40:06 qui est diffusé dans 190 pays.
40:08 Enfin, c'est un spectacle gratuit. Je pense que
40:10 ça participe beaucoup aussi de son succès.
40:12 À l'inverse de toutes les grandes compétitions
40:14 sportives, de la Coupe
40:16 du Monde de foot en passant par celle de rugby,
40:18 ou les prochains Jeux
40:20 olympiques où le moindre billet s'arrache
40:22 une fortune, là,
40:24 c'est une course que l'on peut regarder
40:26 n'importe où,
40:28 librement, sans que
40:30 on vous demande
40:32 de billet pour accéder à ce spectacle.
40:34 Mais moi, ce qui m'intéresse,
40:36 au-delà de ces chiffres et de cet engouement,
40:38 c'est l'image de la France
40:40 que le Tour donne à voir.
40:42 Une image qui est si peu commentée,
40:44 ni par les médias français,
40:46 ni par les médias étrangers
40:48 qui ont été habitués ces derniers temps à autre chose.
40:50 Vous notez, Raphaël, que cette année,
40:52 le Tour de France a commencé au moment
40:54 où les émeutes ravageaient quelque part
40:56 une partie du pays. Oui, vous avez raison,
40:58 Gauthier, il y a eu les émeutes,
41:00 les razzias, mais avant même
41:02 ces émeutes, c'était les images
41:04 qui ont fait le tour du monde, de ces
41:06 manifestations contre les retraites qui,
41:08 la plupart du temps, s'achevaient
41:10 dans la violence, avec des policiers
41:12 attaqués, des vitrines brisées,
41:14 et ça, c'était ce qui nous était
41:16 donné à commenter en France et ailleurs
41:18 dans le monde. Le Tour de France dit
41:20 autre chose, et c'est tant mieux.
41:22 Au fond, c'est la France de Jean-Pierre Pernaut,
41:24 celle qui se donne à voir dans les villages, les campagnes,
41:26 les alpages, une France souvent
41:28 provinciale, si loin des banlieues
41:30 qui s'enflamment, une France buissonnière
41:32 qui est une invitation à prendre
41:34 les routes de traverse.
41:36 Parce que si le Tour de France est une
41:38 épopée sportive, avec
41:40 ses héros, ses personnes
41:42 qui ont plus
41:44 de mal, ses survivants,
41:46 notamment tous ceux qui arrivent sur
41:48 les Champs-Élysées après trois semaines de course,
41:50 c'est aussi un livre ouvert sur l'histoire
41:52 et Paul Melun a en parlé,
41:54 et la culture patrimoniale de notre
41:56 pays, qui contribue
41:58 au rayonnement culturel de la France.
42:00 Le Tour de France a tout de même, ne vous
42:02 en déplaise, chers Raphaël, ses détracteurs, des maires
42:04 écolos qui ne veulent pas l'accueillir dans leur
42:06 ville, et même ce matin, Libération
42:08 qui se pose cette question, je cite,
42:10 "Pourquoi le peloton français est-il
42:12 si blanc ?"
42:14 Une fois de plus, Libé
42:16 ne nous
42:18 étonne même plus, mais ne comptez
42:20 pas sur moi pour leur répondre
42:22 directement, sinon qu'il ne m'a pas semblé
42:24 que Libération portait la même attention
42:26 à se demander pourquoi, dans d'autres sports,
42:28 les blancs étaient sous-représentés.
42:30 À croire que les statistiques ethniques,
42:32 pourtant interdites en France,
42:34 ne sont possibles que pour accréditer qu'il y a trop de blancs.
42:36 Cette racialisation du sport,
42:38 disons-le, sous couvert d'anti-racisme,
42:40 est insupportable.
42:42 C'est Henri Guédenot, il y a encore quelques instants
42:44 avant cette émission, qui parlait d'une faute
42:46 morale. Mais je pense que si le Tour de France
42:48 est attaqué, c'est
42:50 précisément parce qu'il incarne tout ce que les
42:52 bobos de Libé détestent.
42:54 Le Tour de France, c'est l'exaltation d'une France éternelle,
42:56 celle des petites villes et des villages, des églises,
42:58 des manoirs, des châteaux.
43:00 C'est la France des terroirs contre celle des territoires
43:02 désincarnés, administratifs et technos.
43:04 Et ce n'est pas pour rien que Libération
43:06 a cru bon consacrer une enquête à charge,
43:08 toujours dans le même journal, contre
43:10 Franck Ferrand, l'historien qui est officier sur
43:12 France Télévisions, parce que le Tour de France croise
43:14 la mémoire d'un sol et que l'épreuve met en scène
43:16 le roman national.
43:18 Cette France, surtout, il ne l'aime pas parce qu'elle
43:20 ne vote pas comme il voudrait qu'elle vote.
43:22 C'est la France qui achète et loue des
43:24 camping-cars, roule au diesel
43:26 et fume des clopes, pour reprendre
43:28 les mots de Benjamin Griveaux. C'est la France
43:30 des beaufs, qu'il méprise
43:32 et caricature. C'est celle qui chante bruyamment,
43:34 boit, déborde un peu,
43:36 mais ne casse pas. Ce n'est pas
43:38 la France des banlieues. Bref, vous l'avez
43:40 compris, c'est précisément pour ces raisons
43:42 que j'aime le Tour de France. On l'a bien compris,
43:44 c'était une jolie déclaration. En un mot, par oui
43:46 ou par non, ça vous choque, Paul Melun, l'article de Libération ?
43:48 Oui, ça me choque.
43:50 J'aimerais que Libération fasse la même étude dans
43:52 sa rédaction sur les couleurs de peau des uns et des
43:54 autres. Ça a déjà été fait, je crois, et
43:56 ils y ont répondu. Ça me choque et je réponds
43:58 par un conseil de lecture, c'est de lire les chroniques
44:00 d'Antoine Blondin sur le Tour de France, qui, même quand
44:02 on n'est pas amateur, sont passionnantes. Nathan ?
44:04 Le titre, oui. L'article, je ne l'ai pas lu.
44:06 Je ne juge pas un texte que je ne lis pas.
44:08 Très bien. Ce sera le sage mot
44:10 de la fin, Nathan. On vous reconnaît bien là
44:12 votre prudence légendaire. C'était
44:14 d'un très haut niveau, messieurs, ce soir. J'ai beaucoup
44:16 aimé l'émission. Je vais encore plus
44:18 aimer celle qui suit, je rigole,
44:20 puisque c'est l'heure des pros. À tout de suite.
44:22 [Rire]
44:24 *rire*