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Tous les soirs et pendant tout l'été, les chroniqueurs de #FacealinfoEte débattent de l'actualité du jour de 19h à 20h

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00:00 Bonsoir à tous, bienvenue dans votre rendez-vous de Face à l'Info avec moi pendant 7 heures pour m'accompagner Gabriel Cluzel.
00:06 Bonsoir Nathan Devers, Raphaël Stainville et Céline Pinard.
00:10 A vous quatre, évidemment on commence les discussions dans un instant mais tout de suite le point sur l'actu avec Adrien Fontenot.
00:16 Un peu plus de 7 ans après l'attentat de Nice où 86 personnes avaient perdu la vie, l'enquête prend une autre tournure.
00:24 Le procureur de la République de Nice point de défat et dans la sécurité.
00:27 Il parle même de négligence et veut requalifier les faits en homicide et blessures involontaires.
00:32 Le procès en appel de cet attentat se tiendra à Paris du 22 avril au 14 juin 2024.
00:37 Deux hommes avaient été condamnés en première instance à 18 ans de réclusion criminelle.
00:41 C'est une véritable fête de quartier qui s'est tenue ce 14 juillet à Cavaillon dans le Vaucluse.
00:46 Sauf que les organisateurs ne seraient autre que des dealers du quartier.
00:49 Barbecue, jeux gonflables et même piscine ont été mis en place dans la cité du Docteur M.
00:54 La mairie n'était évidemment pas au courant de ce rassemblement et a déposé plainte pour vol d'eau et d'électricité.
00:59 Les Jeux Olympiques de Paris, c'est dans un peu plus d'un an maintenant.
01:03 Et ce mercredi, Emmanuel Macron réunissait la plupart des membres de son gouvernement pour un comité olympique.
01:08 Étaient également présents la maire de Paris, Anne Hidalgo, ou encore la présidente de la région Île-de-France, Valérie Pécresse.
01:14 Parmi les sujets abordés, les transports, l'hébergement, mais aussi la sécurité.
01:18 Des points sur lesquels le président de la République attend des propositions concrètes de la part de ses ministres.
01:24 Au sommaire de l'émission "Aujourd'hui avec vous", Céline Pina, on reviendra sur une enquête de l'IFOP qui s'est penchée sur le profil des émeutiers.
01:33 Une étude qui démontre que la sociologie de ces derniers est bien différente de celle des Gilets jaunes et que ce sont bien les quartiers qui se sont révoltés.
01:41 On verra aussi si le nombre de ces délinquants n'a pas été sous-estimé.
01:45 Et puis, on s'intéressera aussi à la manière dont ils se sont organisés.
01:48 Autre sujet d'En face à l'info, interrogée ce matin sur CNews, Linda Kebab, la déléguée nationale unité SGP Police, a évoqué, je cite,
01:56 "une rupture de confiance entre Emmanuel Macron et les policiers. Qu'en est-il vraiment et d'où vient ce malaise de la police ?"
02:02 On posera la question à Raphaël Stainville.
02:05 Avec vous, Gabrielle Cluzel, on reviendra sur cette annonce de hausse de 10% de l'électricité au 1er août.
02:10 Alors, on décryptera d'abord le timing de l'annonce, la stratégie du gouvernement qui se cache derrière.
02:15 Et on se demandera si, sur ce sujet, le gouvernement a menti.
02:19 Le fameux remaniement qu'on attend, on en parlera avec Nathan Devers.
02:23 On se demandera ce que veut dire le couple exécutif par ajustement, ce qu'on doit comprendre du maintien d'Elisabeth Borne.
02:29 Et vous nous expliquerez aussi quels sont les critères pour être un bon ministre.
02:33 Et puis, dernier sujet, on parlera souplesse avec vous, Céline Pinard.
02:37 Or, non, on ne parlera pas de sport ou de gym, mais de relations diplomatiques entre les États-Unis et Israël.
02:42 [Musique]
02:56 Céline Pinard, je le disais à l'instant, vous avez décortiqué pour nous l'enquête de l'IFOP qui revient sur les émeutes et qui pose déjà un premier diagnostic.
03:04 Eh oui, parce que finalement, après les émeutes, on a continué à se battre.
03:08 C'était une bataille beaucoup plus à fleur et moucheté.
03:11 C'était une bataille de plateau pour savoir ce qui s'était réellement passé et qui étaient les émeutiers.
03:16 Et en fait, on avait finalement deux équipes.
03:19 On avait la team gilet jaune qui disait finalement que ces émeutes sont des émeutes de la misère, de l'ostracisation.
03:27 Et elles ressemblent énormément à ce qui s'est passé au moment des gilets jaunes.
03:32 Et ce qu'on utilisait pour argumenter là-dessus était le fait qu'un certain nombre de villes moyennes s'étaient révoltées.
03:39 Et puis, on avait aussi ceux qui expliquaient que pas du tout que ces émeutes ressemblaient énormément à celles de 2005,
03:45 sauf qu'elles avaient mobilisé plus de monde et plus vite.
03:48 Et qu'en fait, c'était un signe de rupture à l'intérieur de la société et que c'était la France des quartiers qui s'était mobilisée.
03:56 Et est-ce que justement, cette note de l'IFOP, elle départage les positions ?
04:00 Oui, tout à fait. Cette note de l'IFOP, elle montre qu'effectivement, que ce soit en termes de géographie ou de sociologie,
04:07 la France des ronds-points n'est pas celle des cités et que celle qui s'est révoltée au moment de la mort du jeune automobiliste
04:14 était la France des cités et pas du tout la France des ronds-points.
04:18 Alors, cette France des cités, où est-ce qu'on la trouve ? Quelle est sa cartographie ?
04:23 En fait, elle est finalement reliée aux zones extrêmement denses, notamment aux agglomérations.
04:29 Mais ce qu'on va constater, c'est qu'il y a un effet, j'allais dire, d'extension à partir des zones classiques.
04:35 Autrement dit, la région parisienne, le bassin parisien, est un endroit classique où on va retrouver toute la population des quartiers sensibles.
04:43 Sauf qu'aujourd'hui, ça a tendance à se diffuser, par exemple en Seine-et-Marne, dans l'Oise, etc.
04:50 Donc, on voit dans Lyon, tous les départements périphériques commencent à être touchés.
04:55 Et quand on s'est penché, enfin en tout cas quand l'IFOP s'est penché de plus près sur la cartographie des petites villes ou des villes moyennes qui avaient explosé,
05:03 ils se sont rendus compte que les incidents et les violences, pour le coup, avaient eu lieu dans des quartiers extrêmement définis,
05:09 qui sont des quartiers de relégation sociale, qui ressemblent aux quartiers de la région parisienne.
05:15 En fait, ce qui s'est passé finalement, c'est qu'un certain nombre d'émetiers se sont identifiés complètement aux jeunes hommes
05:24 qui ont refusé d'obtempérer et qui ont perdu la vie.
05:28 Et sur cette note, il y a d'autres hypothèses, notamment sur le niveau exceptionnel des violences et des dégradations.
05:35 Malheureusement, on l'a vu pendant plusieurs jours ici.
05:37 Oui, tout à fait. En fait, en cinq jours, les émetiers ont fait bien plus de dégâts qu'en 20 jours en 2005.
05:44 Mais les rations sont très importantes.
05:47 C'est-à-dire qu'en 2023, on a eu plus de 12 000 voitures qui ont été incendiées.
05:52 C'était 9 000 en 2005.
05:54 Bon, là, en 2005, ils avaient assuré, mais ils avaient aussi eu 20 jours pour le faire.
05:58 En revanche, ce qui est impressionnant, c'est la différence sur les bâtiments publics ou privés.
06:03 En 2023, 2 500 bâtiments ont été incendiés ou attaqués.
06:08 C'était simplement 233 en 2005.
06:12 Donc, les cibles ont changé.
06:13 De la même manière, en termes de mobilisation policière, c'était 12 000 hommes qui avaient lutté sur le terrain pendant ces 20 jours.
06:21 Là, on a eu au pic des émeutes 45 000 hommes mobilisés.
06:25 Donc, on voit bien qu'on a quand même clairement changé de dimension.
06:28 Et est-ce que ça explique aussi l'entrée de certaines villes moyennes qui ne s'étaient pas révoltées en 2005,
06:33 comme vous le rappeliez, dans ce qu'on appelle la banlieue d'hysartion de certains territoires ?
06:37 Tout à fait. En fait, on va revenir sur notre histoire des moyennes villes et des départements limitrophes,
06:43 au bassin parisien, à l'agglomération lyonnaise ou lilloise, etc.
06:47 Ce qu'on voit, en fait, c'est que du fait de la hausse du coût du logement,
06:52 le logement pèse très très cher sur les budgets français,
06:55 mais aussi de la saturation du parc social dans les zones extrêmement denses et dans les agglomérations,
07:01 de nouveaux ménages très modestes sont en train de s'installer en périphérie de ces zones extrêmement dynamiques.
07:09 Donc, on va parler de l'Oise, du Loiret, de la Seine-et-Marne, etc.
07:13 L'arrivée de cette population va se traduire, en fait, par l'éclosion d'un certain nombre de marqueurs de l'appartenance banlieusarde.
07:20 Quels sont-ils ? Eh bien, ce sont, par exemple, les kebabs qui vont fleurir.
07:24 Ça va être aussi les barbiers, les bar à chicha, l'arrivée de voitures de grosses cylindrées
07:32 et d'occupations tapageuses de l'espace public, par exemple.
07:36 Mais il y a aussi les codes vestimentaires qui s'exportent,
07:39 autrement dit le duo classique sur vêtements casquette, mais aussi camis, abaya, voile, etc.
07:48 Et de la même manière, on constate, quand ces quartiers-là se développent,
07:52 une augmentation des violences et une augmentation massive du trafic de drogue,
07:58 qui devient vraiment un recours.
08:01 Et de la même manière, on va retrouver une culture du caillassage, de la haine du policier
08:07 et, en règle générale, de l'affrontement avec la puissance publique.
08:11 Effectivement, dans cette note, ils expliquent que la cause, il n'y en a pas qu'une pour les émeutes,
08:16 mais cette carte des émeutes se superpose assez bien avec celle de l'immigration.
08:21 Oui, ce que dit textuellement la note de l'IFOP, c'est que, bien entendu,
08:26 la dimension en termes de pauvreté, de misère sociale, voire de difficultés sociétales, est réelle.
08:34 Elle fait partie des éléments qui vont expliquer cette explosion.
08:38 Cependant, ce qui va faire monter cette poussée de violence,
08:41 c'est essentiellement le décès du jeune homme qui avait refusé d'obtempérer.
08:48 Et pourquoi ? Parce qu'une partie des quartiers va immédiatement s'identifier à ce jeune homme.
08:55 Elle va s'identifier dans une relation, j'allais dire, de reconnaissance et de proximité.
09:00 En fait, cette identification se fait sur la base de caractéristiques partagées,
09:05 qui sont l'âge, les origines, le lieu d'habitation et le rapport avec la police également.
09:12 Donc, comment est-ce que l'IFOP réussit à nous donner toutes ces informations ?
09:18 En fait, elle a utilisé le pourcentage de prénoms arabo-musulmans chez les nouveau-nés.
09:23 Et à partir de cette carte, elle a collé par-dessus la carte des émeutes.
09:28 Et là où on constate un taux très élevé de prénoms arabo-musulmans donnés depuis un certain nombre d'années,
09:35 par exemple en région parisienne, on atteint les plus de 50 %,
09:39 là sont les points où la violence a été la plus grande.
09:43 Et à contrario, dans certaines zones où les taux sont extrêmement bas,
09:48 c'est là où finalement ça n'a pas beaucoup bougé, on est plutôt dans le centre de la France, dans l'Est, etc.
09:53 Autre point intéressant dans cette note, c'est ce qui concerne le nombre des émeutiers.
09:57 Oui, alors il faut dire que M. Darmanin a l'habitude de nous mener en bateau,
10:03 mais il le fait bien puisqu'on le croit.
10:05 Donc, on nous a expliqué que le nombre d'émeutiers devait être entre 8 et 12 000.
10:10 En fait, ce que nous dit l'IFOP, c'est que c'est absolument pas crédible,
10:13 tout simplement parce que ça signifie qu'on aurait à peu près arrêté 40 % des émeutiers,
10:17 si on regarde le ratio.
10:19 Et ce ratio n'a jamais été atteint.
10:22 Donc l'IFOP va essayer de l'autre côté.
10:25 On a M. Brochon, qui est un ancien de la DGSE, qui nous dit que lui évalue le nombre d'émeutiers à 100 à 200 000,
10:32 ce qui est un nombre quand même assez impressionnant.
10:34 La note de l'IFOP, elle, va évaluer ça à à peu près 50 000 émeutiers,
10:40 en disant que ça correspondrait à 7 % d'arrestations, ce qui leur semble beaucoup plus crédible.
10:46 La question, en fait, c'est que 50 000 est un nombre assez impressionnant
10:51 et que ce chiffre peut être considéré tout à fait comme inquiétant.
10:57 Alors, il n'est pas désespérant non plus.
11:00 En fait, la manière dont l'IFOP qualifie le nombre de personnes, il appelle ça une masse de manœuvre.
11:07 Une masse de manœuvre, en langage militaire, ce sont des troupes qu'on met en réserve dans le but d'atteindre un objectif.
11:13 Ce qu'il nous dit, c'est que finalement, même si cette masse a fait des dégâts considérables,
11:19 il faut aussi la rapprocher des millions de personnes qui vivent dans ces quartiers sensibles
11:25 et que l'on a vu le lendemain des émeutes n'y avaient pas participé prendre leur voiture.
11:30 Ces lieux de vie sont aussi les lieux de vie des premiers de Corvée.
11:34 Mais c'est aussi là que se développe l'économie de la drogue et la culture du Caïda.
11:39 Oui, en fait, ce qu'on voit également au moment de ces émeutes, c'est l'installation des barons de la drogue locaux
11:47 et l'emprise qu'ils ont sur le territoire.
11:50 En fait, ce sont probablement eux qui expliquent comment s'est organisée la distribution et le stockage des mortiers.
11:59 À quoi servent ces mortiers ? En fait, ils rééquilibrent le rapport de force avec les policiers
12:03 parce que du coup, vous pouvez vous aligner et créer de la distance et bombarder des gens à distance
12:10 qui est un petit peu moins, j'allais dire, contraignant que le corps à corps.
12:14 Et ces projectiles sont très souvent utilisés dans les guet-apens contre les pompiers et contre les forces de l'ordre.
12:20 Et donc, de nombreux policiers ont dit avoir été ramassés, c'est-à-dire ce qu'ils disent,
12:24 c'est qu'ils ont subi la pression du feu et une pression qui a été organisée.
12:29 Et qu'est-ce que nous dit justement cette utilisation massive ?
12:32 Alors, le fait que ces munitions aient été utilisées en nombre extrêmement abondant dit qu'il y a des stocks.
12:41 Que ces stocks sont reconstitués, ça immobilise un certain nombre d'argent
12:45 parce qu'on a vu que les stocks ne sont pas minces.
12:47 Donc, il faut des moyens, des financements, une organisation, une logistique pour assurer tout ça.
12:53 Et ce que les services d'investigation ont dit, c'est qu'ils ont carrément intercepté des camionnettes entières
13:00 bourrées de produits destinés à exploser.
13:05 Donc, tout ce matériel pyrotechnique a été utilisé sous la supervision de ceux qui gèrent le trafic de drogue sur le terrain.
13:14 Mais on nous a dit justement que la fin des émeutes était liée au fait que les trafiquants de drogue
13:19 avaient signé la fin de la récréation, c'est bien ce qui nous a été dit ?
13:23 Tout à fait, et ça n'est pas entièrement faux.
13:25 En fait, les trafiquants de drogue ont leur propre agenda et ils avaient un certain nombre de messages à faire passer.
13:31 À partir du moment où vous attaquez des commissariats, des maires, ou vous menacez la famille même de certains maires,
13:38 vous faites passer des messages extrêmement clairs.
13:40 Le but du jeu, c'est que l'ordre républicain recule pour que vous installiez votre propre ordre criminel.
13:47 Et à ce niveau-là, certains messages sont passés et certains territoires ont été très clairement revendiqués.
13:54 Mais pour autant, une fois qu'on a fait sentir aux maires et au pouvoir public le vent du boulet
13:59 et qu'on a repris les territoires que l'on voulait, le désordre, ce n'est pas bon pour le business.
14:03 Et une journée de perdue en trafic de drogue, c'est énormément d'argent.
14:08 Donc il fallait faire rentrer tout le monde à la maison.
14:10 Il n'y a pas eu que ça.
14:12 Il faut quand même reconnaître que quand vous avez 45 000 policiers sur le territoire
14:16 et que vous arrêtez plus de 3500 personnes en quelques jours, ça calme aussi les ardeurs.
14:21 Et ceux qui voient dans ces émeutes une pré-guerre civile, est-ce qu'ils ont raison ou est-ce qu'ils sont dans le faux ?
14:27 D'après Pierre Brochand, dont on peut supposer qu'il est à peu près au courant de ce qu'il dit, nous en sommes loin.
14:34 Pourquoi ? Parce qu'en fait, il n'y a aucune organisation encadrée et structurée qui s'occupe de ces jeunes.
14:43 Et la convergence des luttes portées par l'extrême-gauche ne s'est absolument pas réalisée.
14:48 D'ailleurs, quand la LFI a essayé d'intervenir, elle s'est fait jeter dans les grandes largeurs.
14:53 Est-ce qu'on peut donc retourner tranquillement à nos occupations et préparer nos vacances sereinement, Céline ?
14:58 De toute façon, il le faut, parce que sur les choses sur lesquelles on n'a aucun poids, autant les laisser passer.
15:03 En revanche, il y a quand même des choses qui sont intéressantes.
15:06 Un certain nombre d'analystes avaient parlé de septième Willaya en parlant de ce qui s'était passé.
15:12 La septième Willaya, c'était en 58, au moment de la guerre d'Algérie,
15:18 l'idée d'avoir des militants algériens qui étaient extrêmement structurés, qui tenaient leur population
15:24 et qui ont commis un certain nombre d'attentats.
15:26 Là, ce n'est pas du tout le cas. On n'a aucune trace de ce type d'organisation.
15:30 Et même les frères musulmans n'en sont pas encore à ce degré d'emprise.
15:35 Néanmoins, ce qu'on a pu voir, c'est que ces événements ont donné une poussée des prévisions du vote à droite
15:42 et un effondrement du vote à gauche.
15:44 Le calcul a été très mauvais de soutenir les émeutiers contre une France qui était inquiète
15:49 et qui ne comprenait pas pourquoi elle brûlait tout d'un coup.
15:52 Merci beaucoup Céline Pina. On va parler maintenant d'une déclaration de Linda Kebab
15:56 qui était ce matin sur notre antenne.
15:58 La déléguée nationale unité SGP police a évoqué, je la cite,
16:01 "une rupture de confiance entre Emmanuel Macron et les policiers".
16:04 Raphaël Stainville, qu'en est-il vraiment et d'où vient ce malaise de la police ?
16:08 Ce malaise, il vient de loin et nous y reviendrons.
16:11 Mais ce qui est certain, c'est que dans la séquence, ce sont vraiment les propos du chef de l'État
16:16 au lendemain de la mort de Nahel, alors qu'il était en déplacement à Marseille,
16:21 qui ont été le catalyseur de l'expression de ce malaise de la police
16:25 exprimé ce matin par Linda Kebab sur votre antenne.
16:28 Alors il faut entendre, parce qu'on a entendu beaucoup de policiers ces derniers jours
16:33 qui ont pu s'exprimer sur ces news et ailleurs,
16:37 mais il faut entendre tous ces policiers qui aussi dans le secret, en off comme on dit,
16:42 viennent exprimer leur malaise, leur exaspération, leur colère à l'égard des propos du chef de l'État.
16:47 Alors ces propos du chef de l'État, quels sont-ils ?
16:50 Il faut se souvenir que le chef de l'État, pour caractériser l'acte qui a présidé à la mort de Nahel,
17:01 a parlé d'un acte inexcusable et inacceptable.
17:04 Alors la légitime défense, la présomption d'innocence,
17:08 balayée par le chef de l'État lui-même,
17:11 avant même que l'enquête ne soit allée jusqu'à son terme et que la justice ne soit passée.
17:16 La police en la matière se sent, et c'est bien légitime,
17:20 totalement désavouée, méprisée par le chef de l'État.
17:25 Et avec des propos plus ou moins clairs, avec plus ou moins de force,
17:28 et c'est ce qu'a essayé d'exprimer ce matin Linda Kebab
17:31 à le sentiment d'être lâché par le pouvoir politique.
17:36 Il l'aurait d'autant plus insupportable d'être la cible,
17:40 il l'aurait déjà largement insupportable d'être la cible des voyous, des caïds, des black blocs,
17:45 et jusqu'à la France Insoumise, avec Jean-Luc Mélenchon en tête,
17:49 qui se plaît régulièrement à dire que la police tue,
17:53 que de voir dans les propos même du chef de l'État quasiment une accréditation de ce discours,
17:59 comme si effectivement la police tuait.
18:02 Pour eux, c'est insupportable.
18:04 Il y a quelques jours encore, Emmanuel Macron a aggravé son cas en l'occurrence,
18:10 évoquant une nouvelle fois Nanterre, le chef de l'État a expliqué que c'était une connerie.
18:16 Une nouvelle fois, il aggrave son cas, quid des circonstances, quid de l'enquête,
18:21 quid de la justice, dont il est pourtant le garant.
18:24 Ajoutez à cela que le policier mis en cause et mis en examen pour homicide volontaire
18:30 est en détention provisoire aujourd'hui à la Santé, qu'il est à l'isolement,
18:35 qu'il n'a pas pu recevoir aucune visite pendant trois semaines.
18:38 Tout cela fait que pour la police, c'est les collègues de ce policier, c'est insupportable.
18:44 Mais vous le disiez, Raphaël, au début, ce malaise n'est pas nouveau.
18:48 Non, ce malaise n'est pas nouveau.
18:50 Le 4 mai déjà, souvenez-vous, les syndicats de police dans une missive
18:53 adressée au chef de l'État, alertés dans un communiqué qui s'intitulait
18:58 "La maison police brûle".
19:00 Pour mémoire, on était le 4 mai, quatre jours auparavant,
19:04 il y avait eu les manifestations du 1er mai,
19:07 et 400 policiers et gendarmes avaient été blessés lors de la seule manifestation,
19:12 dont 259 à Paris.
19:14 Donc la police brûle, oui, effectivement.
19:16 Et les images qu'on a pu voir dans différentes chaînes de télévision l'attestaient.
19:22 Des policiers et des gendarmes blessés par milliers depuis le début du mouvement
19:25 de contestation contre la réforme des retraites ont été victimes de cette colère.
19:32 Et ils exprimaient par là la peur que l'un des leurs meurt dans l'indifférence presque générale.
19:39 Que disait-il ? Nous ne pouvons nous résoudre à être spectateurs,
19:42 et en cela nous avons décidé de signer la fin de ce cheminement antirépublicain,
19:46 insurrectionnel et chaotique.
19:48 C'est pourquoi nous demandons à agir pour ne pas subir.
19:51 Ils imploraient le chef de l'État à l'époque.
19:54 Ils demandaient un geste fort de la part d'Emmanuel Macron,
19:57 et en l'absence d'une réponse du président, c'était pour eux comme un blanc-seing
20:02 accordé pour tous les criminels, tous les casseurs et tous les idéologues
20:06 qui piétinent en permanence, disait-il, les valeurs républicaines et appellent à l'insurrection.
20:10 Ils demandaient à minima d'être reçus par le chef de l'État.
20:13 Vous le savez, il n'en sera rien.
20:15 Quelques semaines plus tard, un simple conseiller de l'Élysée recevra les syndicats de police.
20:20 Donc, une nouvelle fois, le mépris.
20:22 Et si dans leur missive du 4 mai, les syndicats de police épargnaient leur ministre de tutelle, Gérald Darmanin,
20:27 ils disaient "le soutien de notre ministre de tutelle n'est plus à démontrer",
20:31 la donne a depuis changé.
20:33 Et quand je vais citer les propos de Gérald Darmanin ces derniers jours,
20:39 c'est peu dire qu'ils n'ont pas goûté la sortie du ministre de l'Intérieur
20:43 lorsque interrogé par la commission des lois au Sénat,
20:46 interrogé sur le recrutement de la police,
20:51 Gérald Darmanin répondant à une question de Marie-Pierre de Lagontry
20:54 a eu cette réponse qui est pour l'ensemble de la police une nouvelle gifle qui leur est infligée.
21:02 Il leur a dit "je suis à la tête d'un ministère où à part les commissaires de police,
21:06 ceux que nous recrutons, ce sont souvent des enfants pour reprendre au moment de 18, 19, 20 ans
21:11 qui n'ont pas fait de très grandes études".
21:13 Immédiatement on l'a vu, cette vidéo, ces propos de Gérald Darmanin ont été postés sur les réseaux
21:19 et le hashtag #touscrétinsdeDarmanin a fleuri et cette vidéo a été vue des millions de fois
21:27 notamment par les familles de ces policiers qui une nouvelle fois se sont sentis méprisés, humiliés.
21:34 Mais pourtant on ne peut pas dire que rien n'a été fait pour la police ces dernières années.
21:38 Non, vous avez raison. D'ailleurs le vote de la loi d'orientation et de programmation du ministère de l'Intérieur,
21:44 la fameuse LUPNI qui a été votée au début de l'année, a permis d'allouer à la police des moyens supplémentaires.
21:51 Ce sont sur les cinq prochaines années 15 milliards d'euros en plus pour la police,
21:57 dont 7 milliards pour recruter 8500 policiers et gendarmes
22:00 et qui serviront à acheter aussi des nouvelles voitures, des équipements, construire et refaire des commissariats.
22:07 Mais c'est un minimum et il faut bien le comprendre.
22:10 Un journaliste ne va pas sauter de joie si tout d'un coup on lui accorde un ordinateur pour travailler,
22:16 pas plus qu'un jardinier si on lui offre un râteau pour pouvoir faire les jardins.
22:21 C'est juste le strict minimum.
22:23 En réalité, mais c'est quand même à mettre au crédit de Gérald Darmanin,
22:26 il ne fait que refaire ce qui a été défait dans les quinquennats précédents.
22:29 Donc c'est juste une remise à niveau de la police et des forces de l'ordre.
22:33 Mais il faut bien comprendre, ce n'est pas suffisant et tous les policiers le disent.
22:37 Ce qu'il faut bien comprendre, c'est que tous ces efforts, tous ces moyens supplémentaires alloués,
22:43 tous ces escadrons supplémentaires ne font rien pour changer la donne dans le pays
22:49 si dans le même temps la politique pénale n'évolue pas fortement, n'est pas infléchie.
22:55 Ça ne sert à rien de continuer à mettre du bleu dans la rue
22:59 si par ailleurs il n'y a pas un nombre de places de prison supplémentaires qui est créée.
23:06 C'était déjà le sens de la manifestation des policiers en 2001.
23:10 Ils s'étaient retrouvés devant l'Assemblée nationale.
23:13 Il y avait eu 35 000 personnes qui s'étaient pressées pour soutenir les policiers, les forces de l'ordre.
23:19 Et que disaient les policiers à l'époque ? Le problème de la police, c'est la justice.
23:25 C'était un peu leur slogan.
23:27 On s'en souvient, Gérald Darmanin d'ailleurs était présent parmi eux pour leur manifester leur soutien.
23:33 Le problème c'est que deux ans plus tard, rien n'a changé.
23:37 D'où le malaise, d'où les aspirations.
23:39 Et le risque bien sûr, et on le sent, on le pressent dans les mots de ces policiers qui s'expriment,
23:45 c'est qu'ils débrayent, que les policiers jettent leur menottes,
23:50 qu'ils arrêtent les enquêtes pour bien manifester leur ras-le-bol.
23:54 Je sais déjà que la France Insoumise, Jean-Luc Mélenchon parleront de factieux,
23:59 mais les factieux en l'occurrence, ils en ont gros sur la patate.
24:03 Ils demandent juste à être écoutés et que la politique, notamment pénale,
24:07 suive pour que leur travail ne serve pas à rien.
24:10 Aujourd'hui, il faut bien comprendre que lorsqu'ils arrêtent des mineurs isolés,
24:13 le matin, la plupart du temps, ils les réarrêtent dans l'après-midi.
24:17 Et c'est comme ça pour un certain nombre de faits.
24:19 D'où le malaise et cette demande brûlante d'un changement de braquet, notamment dans la politique pénale.
24:25 Merci beaucoup Raphaël Stainville. On va marquer une courte pause.
24:29 Et puis on reviendra avec mes invités pour parler notamment du remaniement
24:33 que nous attendons qu'il ait prévu, soit ce soir, soit demain.
24:36 Évidemment, plus le temps passe, plus on se dit que ce sera pour demain matin.
24:39 A tout de suite.
24:41 Deuxième partie de Face à l'info. Je me tourne vers vous, Gabriel Cluzel,
24:45 parce qu'on va parler justement du prix d'électricité qui augmentera de 10% aux premières routes.
24:50 Alors, ce n'était pas franchement prévu.
24:52 Évidemment, l'opposition est vent debout et accuse Bruno Le Maire de mentir.
24:56 Lui se défend. Que faut-il en penser ?
24:58 Alors, déjà, il faut dire que les hommes politiques, c'est comme les enfants.
25:01 C'est-à-dire qu'ils profitent des moments d'inattention pour annoncer les mauvaises nouvelles.
25:04 Vous savez, les enfants, ils attendent que leur mère soit au téléphone pour leur annoncer les mauvaises notes.
25:07 Eh bien, le gouvernement, il attend que les Français soient à la plage pour leur annoncer une hausse de l'électricité,
25:14 à compter du premier août.
25:16 Alors, il faut savoir que cette hausse concernera tous les ménages et les très petites entreprises.
25:21 Et en moyenne, on considère que ça fera 150 euros par an de plus sur la facture.
25:27 Alors, il faut savoir que les associations de consommateurs, elles aussi, avant l'opposition, sont vent debout.
25:33 Je peux citer François Carlier, délégué général de l'association de défense des consommateurs CLCV.
25:38 Il parle de coup de poignard dans le dos, voyez, c'est très fort, d'un gouvernement qui renie sa parole de méthode inacceptable.
25:45 D'autant qu'en février était déjà intervenue une hausse de 15% pour 20 millions de ménages.
25:53 Donc, c'est une deuxième couche.
25:56 Alors, le problème, c'est que, vous avez raison de le dire, Bruno Le Maire se défend et répond à ses accusations de mensonges.
26:03 Néanmoins, aujourd'hui, il y a les réseaux sociaux et c'est compliqué, les réseaux sociaux,
26:06 parce qu'il y a toujours des archivistes chevronnés qui retrouvent des séquences et qui exhument des pièces à conviction.
26:14 Alors, lors d'une interview en mai 2022, Bruno Le Maire avait été formel.
26:19 Il l'avait martelé, il l'avait en articulant comme une institutrice de cours préparatoire avec des élèves un peu butés.
26:25 Il avait dit "je veux être très clair avec nos compatriotes, il n'y aura aucun rattrapage sur la facture de 2023, pour une raison simple,
26:34 nous avons pris une promesse avec le président de la République et cette promesse, nous la tiendrons".
26:40 Voilà, donc fermez le banc.
26:41 Alors, évidemment, depuis que cette vidéo tourne en boucle sur les réseaux sociaux, le gouvernement essaie de trouver une parade.
26:48 Alors, il l'a trouvé et il dit "mais en fait, il ne s'agit pas d'un rattrapage, il s'agit simplement d'un recul progressif du bouclier tarifaire".
26:57 Mais pourrait-on dire, foin des querelles sémantiques, parce que pour le porte-monnaie des Français, ça revient au même,
27:04 soyons très clairs, et on pourrait même dire que c'est pire, si on y réfléchit, parce qu'un rattrapage, c'est ponctuel, c'est conjoncturel,
27:11 une fois qu'on a rattrapé, c'est terminé. Alors que là, que vient-on nous dire ?
27:16 Que, en démantelant ce bouclier tarifaire, eh bien, on asphyxie les Français.
27:22 Donc, en fait, ce respirateur artificiel qu'est le bouclier tarifaire est indispensable, sinon les Français moquent d'oxygène.
27:31 Donc, ça veut dire que le problème de fond, le problème structurel, et c'est vrai que les commentateurs sont revenus à l'envie dessus ce matin,
27:39 c'est-à-dire celui du refus de sortir de ce marché européen de l'énergie et plus profondément de se demander ce qu'on a fait du nucléaire
27:48 quand c'était un fleuron en France, eh bien, ce problème-là n'a pas disparu.
27:55 Et ce qui ne veut pas pourtant dire que certaines promesses n'ont pas été tenues, même si celle-là, si emblématique et centrale, ont échoué.
28:02 Pourquoi, selon vous, c'est si grave ?
28:05 Parce que même si le gouvernement sort les rames et les pagaies, il ne peut pas faire oublier quelque chose,
28:11 c'est que quand on a dit que c'était une promesse, vous avez raison, il y a certaines choses qui ont été faites, évidemment,
28:17 mais ces promesses-là sont très emblématiques.
28:19 Donc, quand il dit que c'est une promesse, c'est plus qu'un échec, c'est une trahison.
28:25 Vous savez, c'est comme en amour. Bruno Le Maire, qui a écrit des bouquins arlequins, il devrait savoir ça.
28:29 C'est qu'en amour, quand on est trahi, il y a deux dimensions. Il y a la souffrance et le sentiment d'avoir été pris pour un imbécile.
28:37 Et là, les Français ont vraiment l'impression d'être pris pour des imbéciles, parce qu'en plus, on les encourage,
28:42 on les exhorte à acheter des véhicules électriques dans le même temps.
28:47 Donc, comment tout cela va-t-il se terminer ?
28:51 Et puis, c'est vrai que ces derniers temps, les promesses n'ont tenu sans pile.
28:55 Alors, pour la défense de Bruno Le Maire, ce n'est pas lui le plus emblématique.
28:59 Il y a quand même de ses promesses qui a fait beaucoup parler, pas tellement tenu.
29:03 C'est la promesse de réduire illico, de mettre à genoux l'économie russe.
29:09 Il a dit ça un peu trop vite.
29:13 Mais les promesses n'ont tenu les plus visibles, parce que les plus médiatisées, c'est celles d'Emmanuel Macron.
29:19 Alors, on peut prendre trois domaines, trois domaines qui sont extrêmement importants pour les Français.
29:24 Celui de l'immigration. Vous vous souvenez, je vais faire la publicité pour le journal de mon confrère,
29:30 c'était dans Valeurs Actuelles, en 2019, il avait dit que 100%, pas 80, 100% des OQTF seraient exécutés.
29:38 Alors, vous imaginez bien qu'aujourd'hui, on aurait 50% des OQTF, on crierait « youpi », on ferait chanter un « td hom ».
29:43 Là, c'est vraiment, on est très loin du 100%.
29:47 Donc, c'est une promesse extrêmement emblématique.
29:51 Alors, évidemment, il y a les 100 jours d'apaisement.
29:54 Les Français, ils ont plutôt vu 100 jours d'embrasement.
29:57 Pourtant, le narratif continue. On nous explique qu'il y a eu 100 jours d'apaisement,
30:02 mais on ne sait pas dans quelle capsule sur la Lune vivait le gouvernement,
30:05 parce que nous, nous n'avons pas vu 100 jours d'apaisement.
30:08 Et puis, le dernier point, c'est la santé. Après la sécurité, l'immigration, la santé.
30:13 J'en avais parlé ici, dimanche, c'est la question du numerus clausus.
30:18 Vous savez, Emmanuel Macron avait promis un choc, une espèce de plan Marshall de la santé.
30:23 Il disait que c'était un grand gâchis, les études de médecine, actuellement,
30:26 avec ces jeunes qui ne devenaient pas médecins, alors qu'on avait tant besoin de médecins.
30:30 Eh bien, le magazine « Challenge », qui n'est pas réputé ni d'être d'extrême droite,
30:34 ni d'être d'extrême gauche, parle de gros mensonges.
30:37 Donc, c'est vrai que, parce que tout simplement, ça a été un petit peu revu à la hausse,
30:41 mais finalement, assez peu.
30:44 Alors, vous me disiez tout à l'heure, pourquoi est-ce si grave ?
30:48 C'est grave aussi parce que, vous savez, Emmanuel Macron et Bruno Le Maire, ce sont les sachants.
30:54 Ils ont une voix d'oct, ils ont le verbe aisé, ils font partie du cercle,
30:59 ces technocrates qui font partie du cercle de la raison décrit par Alain Minc.
31:04 Eh bien, le problème, c'est qu'ils démonétisent ce qu'ils représentent.
31:08 Vous savez, c'est un peu comme Nicolas Sarkozy, qui était un beau parleur,
31:11 enfin, qui parlait bien, et qui avait promis le Karcher,
31:16 et finalement, on a eu plutôt le pistolet à eau.
31:20 Les LR, depuis, portent une présomption d'insincérité,
31:24 parce que cette belle promesse de ce beau parleur n'a pas été réalisée.
31:30 Alors, quand des sachants comme des élites,
31:35 nos gouvernants comme Emmanuel Macron et Bruno Le Maire, ne tiennent pas leur promesse,
31:41 eh bien, c'est tout ce qu'ils représentent qu'ils décrédibilisent.
31:45 Vous savez, la citation de Jacques Chirac est connue,
31:49 les promesses n'engagent que ceux qui les reçoivent.
31:53 Et puis, on table un peu sur le fait que les Français ont une mémoire de poisson rouge,
31:58 mais en fait, au bout d'un moment, ça ne passe pas.
32:00 Et il ne faut pas s'étonner ensuite, là aussi avec un peu de dédain et de hauteur,
32:04 que les gens se mettent à croire à des théories baroques et farfelues,
32:08 s'ils ont eu le sentiment que les gardiens du Temple de la Raison les ont roulés dans la farine.
32:16 Et puis aussi, il ne faut pas s'étonner non plus que les Français ne retournent pas vers les urnes,
32:23 parce que vous comprenez bien qu'ils ont passé l'âge des contes de fées,
32:27 des fables cousues de fil blanc et des discours de Père Noël.
32:31 Donc, comme dirait le ministre Popendiaï, tout cela, ça fait mal à la démocratie.
32:36 Raphaël Stainville, est-ce que, effectivement, sur cette séquence de communication autour du prix d'électricité,
32:42 il y a eu quelques loupés, des tentatives en tout cas de rendre la nouvelle un peu moins désagréable,
32:47 mais les Français ne sont pas dupes ?
32:49 Oui, je pense que les Français sont de moins en moins dupes,
32:52 et ça a été très bien rappelé par Gabriel en citant les propos et la promesse de Bruno Le Maire.
32:57 Mais je crois que ce qui est le plus inquiétant, c'est qu'il y a une sorte de religion de l'euro, de l'Europe, de l'Union européenne,
33:05 qui interdit nos dirigeants de penser autrement, des solutions alternatives,
33:12 contrairement à un certain nombre de nos voisins, qu'on prenne l'exemple de l'Espagne ou du Portugal,
33:16 qui se sont retirés temporairement du marché unique de l'électricité.
33:21 Et cette religion de l'Europe, telle que les dirigeants la pratiquent,
33:28 fait que si seulement ils allaient à l'encontre et qu'ils prenaient des décisions autres,
33:33 pour le bien d'abord de leurs administrés, des Français,
33:37 ça serait comme, je vais citer Philippe Villain, un banquier eurosceptique depuis toujours,
33:43 qui a beaucoup écrit sur l'Europe et les failles ou les faillites parfois de l'euro,
33:49 il disait que c'est comme si le pape allait à Lourdes pour, devant les fidèles,
33:54 leur expliquer qu'il n'y a pas eu d'apparition, que la Vierge Marie n'existe pas,
33:58 il se ferait lyncher.
33:59 Et en fait, on a l'impression que nos dirigeants ont une perpleu des réactions
34:04 après avoir tenu ce credo pendant des années.
34:08 Mais la vérité, c'est que plus personne n'est dupe des faillites de l'Europe
34:12 et d'un système qui fonctionne de plus en plus mal.
34:15 On va parler maintenant du remaniement avec vous, Nathan Devers,
34:18 alors qu'on nous indique que le remaniement aura lieu probablement demain, jeudi matin.
34:24 Demain, on est quel jour ? Attendez, je ne sais plus quel jour on est.
34:28 En tout cas, vous vouliez revenir sur ces annonces de remaniement et d'ajustement, Nathan.
34:32 Oui, je voulais déjà revenir sur le mot en soi d'ajustement,
34:35 que je trouve extrêmement intéressant, parce qu'on sort d'une séquence,
34:39 pour employer un autre mot intéressant et paradigmatique de l'époque,
34:42 mais une séquence où on nous a dit qu'Elisabeth Borne,
34:46 ce n'est même pas qu'elle était en très grande difficulté,
34:48 c'est qu'elle était sur le départ, c'était une question de jours,
34:51 c'était une question d'heures et c'était évident qu'elle n'allait pas survivre à l'été.
34:55 Et donc, on nous annonçait comme l'évidence, non seulement d'un remaniement,
34:59 mais d'un remaniement explosif, si vous voulez, et même avec des hypothèses
35:03 qu'on nous faisait circuler, de dire peut-être que ça va être un tel ou un tel Nicolas Sarkozy, etc.
35:09 Donc ce que je veux dire, c'est que c'était évident que ce gouvernement-là,
35:13 on allait en faire table rase.
35:15 Et on se retrouve avec une situation absolument inverse,
35:18 où non seulement Elisabeth Borne reste, mais où manifestement,
35:22 le gouvernement va rester à peu près identique, avec cette notion d'ajustement,
35:27 ajustement qui est une notion de dire, il y a comme un équilibre à rétablir,
35:30 mais autour d'une variable qu'on ne remet pas en cause.
35:33 C'est un peu une notion homéostatique.
35:35 Donc à partir de là, il y a deux interprétations générales qu'on peut faire.
35:37 Soit on peut se dire, et c'est ces interprétations que j'aimerais un peu commenter ce soir,
35:42 soit on peut se dire qu'en fait on en a trop fait.
35:44 On en a trop fait pendant la réforme des retraites,
35:47 on en a trop fait pendant les Gilets jaunes,
35:49 on en a trop fait depuis qu'Emmanuel Macron est élu,
35:51 à croire tout le temps qu'il était en grand danger.
35:53 Peut-être, première hypothèse, on est dans une sorte d'époque de la politique spectacle,
35:57 où on a systématiquement besoin de dire que le gouvernement va s'écrouler,
36:01 qu'ils sont fragiles, qu'ils ne représentent pas le peuple, etc.
36:04 C'est vrai par exemple, il y a une chose intéressante,
36:06 c'est que si on regarde depuis Nicolas Sarkozy,
36:08 souvent, dans le commentaire politique,
36:10 il se répète systématiquement que le président actuel est le président le plus impopulaire de l'histoire de la République,
36:15 qu'on n'a jamais vu ça, et en fait ça se répète peut-être tout le temps.
36:18 Donc peut-être qu'il y a une forme de naïveté du commentaire politique
36:20 à croire qu'on est toujours dans une forme d'apocalypse,
36:22 et qu'en fait le gouvernement tient.
36:24 Deuxième hypothèse, ce serait de dire qu'au contraire,
36:27 le gouvernement est en quelque sorte aveugle à sa fragilité profonde,
36:32 et qu'en effet, comme vous le disiez tout à l'heure,
36:34 il y a une forme de rationalité politique qui les meut,
36:37 il y a une forme aussi d'efficacité stratégique,
36:40 mais que cette efficacité stratégique est profondément dangereuse,
36:43 parce qu'il ne se rende pas compte qu'elle repose sur une grande fragilité,
36:47 et même peut-être un décalage avec la population.
36:49 C'était cette anecdote quand Emmanuel Macron avait été élu,
36:51 qui m'avait vraiment marqué.
36:52 Une femme qui avait travaillé à l'Élysée depuis François Mitterrand,
36:55 et qui avait un poste, je ne sais plus exactement lequel,
36:57 mais qui n'était pas un poste politique, mais vraiment d'intendance de l'Élysée,
37:00 et qui quittait l'Élysée juste après l'élection d'Emmanuel Macron,
37:03 peut-être un mois après,
37:04 qui avait fait une interview dans la presse sur toute sa carrière,
37:06 toutes ses anecdotes, et qui dit "je n'ai jamais vu des gens
37:09 qui avaient à ce point le melon", c'était le mot qu'elle avait employé,
37:12 "que les collaborateurs d'Emmanuel Macron,
37:14 qui étaient persuadés qu'en effet, ils étaient dans une rationalité absolue,
37:16 et qu'ils étaient extrêmement efficaces".
37:18 Donc ça, c'est ces deux hypothèses-là, desquelles j'aimerais partir.
37:22 Mais en tout cas, ce qui est certain,
37:24 c'est que si on met entre parenthèses toute évaluation politique
37:27 d'Emmanuel Macron et du gouvernement, tout désaccord ou tout accord,
37:31 que d'un point de vue purement stratégique, purement machiavélien,
37:34 Emmanuel Macron avait écrit un mémoire sur Machiavel,
37:36 c'est une réussite absolument incroyable.
37:38 Si vous voulez, c'est un président qui a traversé des crises énormes,
37:42 les Gilets jaunes, la crise sanitaire c'est un peu différent,
37:45 la guerre en Ukraine c'est aussi un petit peu différent,
37:47 mais des crises absolument énormes, la réforme des retraites,
37:49 et notamment, les Gilets jaunes et la réforme des retraites,
37:51 c'est deux moments où globalement, tout le monde lui dit
37:54 que sa ligne politique ne marche pas, qu'il faut la repenser totalement,
37:58 qu'il faut l'abandonner, que ça ne tiendra pas.
38:00 Et que finalement, la méthode qu'il adopte, c'est de ne pas faire
38:03 aucun changement politique, mais de faire systématiquement
38:05 des ajustements, le Grand Débat c'était un ajustement,
38:08 les aides débloquées après le Covid c'était des ajustements,
38:10 donc il ne change rien à sa politique, et ça marche.
38:13 Donc peut-être que cette méthode-là, c'est de se dire que la seule
38:16 manière de survivre aux crises, encore une fois d'un point de vue
38:19 très cynique, mais la seule manière de survivre à une crise,
38:21 c'est précisément de ne pas se remettre en question,
38:23 de ne pas réfléchir, en tout cas de ne pas réfléchir,
38:25 de ne pas faire de révolution intérieure, et de ne rien changer.
38:28 On en arrive à cette scène assez romanesque qui a eu lieu hier soir,
38:31 le dîner de fin d'année à l'Élysée, comme il y en a dans
38:34 beaucoup d'entreprises, avant les vacances,
38:38 sauf que là c'était un dîner de fin d'année un peu spécial,
38:40 parce qu'il y avait tout le gouvernement qui était venu en couple,
38:42 et que évidemment derrière l'atmosphère festive,
38:46 qui apparemment c'était le cas, il y avait des chansons à la fin,
38:48 d'Isabelle Boulet, etc., mais évidemment qu'il y avait une angoisse,
38:52 c'est que chaque invité essayait de détecter des petits codes,
38:55 de manière un peu comme, là on est dans du Saint-Simon,
38:58 comment le président m'a regardé, quel regard,
39:00 est-ce qu'il m'a serré la main comme ceci, est-ce qu'il est venu me parler,
39:02 est-ce qu'il s'est assis à ma table un moment ou pas,
39:04 et qu'est-ce que ça signifie, est-ce que je vais rester,
39:06 est-ce que je ne vais pas rester.
39:07 Et paraît-il qu'Emmanuel Macron a d'ailleurs fait un discours,
39:09 en crevant un peu l'abcès, bienveillant, en disant qu'il avait,
39:13 lui-même dans une autre vie, été à leur place,
39:15 et qu'il sait que c'est un moment difficile,
39:17 et qu'en tout cas il était fier du travail accompli.
39:19 Donc on se retrouve avec des quasi-certitudes,
39:22 probablement que Bruno Le Maire sera maintenu,
39:25 probablement qu'Éric Dupond-Moretti sera maintenu,
39:28 avec des probables départs en tout cas, c'est rien,
39:30 mais probablement que Marlène Schiappa est en difficulté,
39:33 et avec des incertitudes comme Papandieri.
39:36 Mais en tout cas, ce qui est assez intéressant,
39:38 c'est de remarquer qu'on s'attendait à une table rase,
39:40 et qu'on a juste un jeu de chaises musicales, au sens littéral,
39:43 ça veut dire il va manquer une chaise ou deux, mais pas beaucoup plus.
39:46 Comment on explique justement qu'Élisabeth Borne ait pu conserver son poste,
39:49 alors qu'au début elle en semblait bien loin,
39:51 et qu'on a eu quand même vent de vives réactions, recadrages,
39:54 parfois, et tensions entre le président et sa première ministre ?
39:57 Oui, alors à mon avis il faut revenir en arrière,
39:59 en arrière c'est-à-dire en fait à l'élection présidentielle,
40:02 qui a été un moment quand même très spécial,
40:04 toujours paradoxal, on est dans une constitution très très présidentielle,
40:07 donc on pourrait s'attendre à ce que l'élection présidentielle
40:10 soit le moment politique par excellence,
40:12 et finalement, comme le dit François Bégaudot,
40:14 la raison sur ce point c'est peut-être un des moments les moins politiques
40:16 de notre vie citoyenne, c'est-à-dire un des moments où on parle de tout,
40:19 de la réputation des candidats, de leurs vêtements, de leurs méthodes,
40:22 de leur psychologie, etc., et pas de politique.
40:24 Bon là il y a eu le contexte de la guerre en Ukraine,
40:26 qui a fait qu'on n'a pas eu une campagne qui a porté vraiment
40:29 sur des oppositions, en tout cas en politique intérieure,
40:32 mais c'était sans doute le cas en 2017 aussi.
40:34 Donc Emmanuel Macron est confirmé,
40:36 confirmé pour des raisons, disons de dynamique politique,
40:39 il n'y avait pas d'espace face à lui pour être élu,
40:42 mais sur une absence de programme extrêmement clair,
40:45 à l'exception d'un certain nombre de réformes,
40:48 disons mineures ou purement rationnelles,
40:50 comme la réforme des retraites, et que la réforme des retraites
40:52 a créé donc cette situation, comme je disais tout à l'heure,
40:55 de crise profonde, parce que le gouvernement
40:58 s'est retrouvé dans un état de fragilité institutionnelle totale.
41:01 Inutile de rappeler, parce que tout le monde s'en souvient,
41:03 mais la réforme des retraites est la première réforme
41:05 de l'histoire de la Ve République qui est votée,
41:07 avec à la fois cette procédure à l'Assemblée nationale
41:10 de le faire voter sur un budget de la Sécurité sociale,
41:13 à la fois un vote bloqué au Sénat, et à la fois un 49-3
41:16 in fine au Parlement. Ça, ça ne s'était du jamais vu
41:18 dans l'histoire de la Ve République, de combiner
41:20 ces stratégies institutionnelles-là,
41:22 et ça montrait bien qu'il y avait une faiblesse.
41:24 Face à cela, la mission qui avait été donnée
41:27 à Elisabeth Borne était une mission impossible,
41:29 c'était d'élargir une majorité, élargir une majorité
41:32 avec personne évidemment dans le paysage politique
41:34 qui voulait venir rejoindre le gouvernement
41:38 dans un moment de très grande faiblesse.
41:40 Donc premièrement, Elisabeth Borne,
41:42 première raison pour laquelle tout le monde disait
41:44 qu'elle allait partir, c'est qu'elle rate sa mission impossible
41:46 qui était une mission qui était vouée à l'échec.
41:48 Deuxième raison, c'est qu'il y a eu deux frictions
41:51 entre elle et Emmanuel Macron, deux grandes en tout cas.
41:53 La première grande friction, c'était quand Elisabeth Borne
41:55 dans une interview avait dit, de toutes les manières,
41:58 après la réforme des retraites, il faudra repenser
42:01 en profondeur le quinquennat. Et ça, ça n'avait pas du tout
42:04 plu à Emmanuel Macron, de la même manière que
42:06 quand François Fillon était Premier ministre,
42:08 il avait dit une fois "je suis à la tête d'un pays
42:10 qui a une dette importante" et Nicolas Sarkozy n'avait pas du tout aimé
42:12 qu'un Premier ministre puisse dire "je suis à la tête d'un pays"
42:14 ou "il faudra repenser le quinquennat"
42:16 parce qu'il n'est ni à la tête d'un pays, ni en situation de quinquennat.
42:19 Donc là, on est dans un conflit un peu égotique,
42:21 comme c'est assez fréquent entre un Premier ministre
42:24 et une Première ministre en l'occurrence, et un Président de la République.
42:26 Deuxième friction, c'est sur la question évidemment
42:29 du Rassemblement National et de l'héritage de Pétain
42:31 où, extrêmement rare, le Président la reprend au Conseil des ministres,
42:34 il fait fuiter ça dans la presse, etc.
42:36 Ces 100 jours d'apaisement, on sait qu'ils ont à la fois marché, pas marché.
42:39 Marché parce qu'ils ont rempli leurs objectifs,
42:41 pas marché parce que ça s'est terminé sur les émeutes,
42:43 même si c'était une autre temporalité.
42:45 Et donc dans ce contexte, c'est ça qui est intéressant
42:48 et à mon avis qui est paradoxal, c'est que choisir Elisabeth Borne,
42:51 c'est à la fois choisir la continuité et la discontinuité.
42:54 La continuité parce que c'est refuser un changement de cap, comme je l'ai dit,
42:56 et la discontinuité parce que quand même, quoi qu'on dise d'Elisabeth Borne,
42:59 c'est une première ministre qui a dit "il faudra repenser le quinquennat",
43:03 ce qui n'était pas la ligne de tous les gens de l'entourage d'Emmanuel Macron.
43:06 Donc c'est quand même une première ministre qui a conscience
43:08 que la séquence des retraites a été une séquence de grande fragilité politique.
43:11 Et puis, une autre raison à ce paradoxe,
43:13 c'est que si maintenant on regarde vers l'avenir et non plus vers le passé,
43:16 c'est qu'on va vers une période où, manifestement,
43:19 après les Jeux olympiques, mais dès cet ajustement,
43:22 où tout le monde va avoir vraiment en tête les élections présidentielles.
43:25 Et que, évidemment, un vrai remaniement, ça aurait été presque choisir un héritier,
43:31 ou du moins choisir comment positionner les uns et les autres.
43:34 Si M. Darmanin ou M. Le Maire étaient allés à Matignon,
43:38 ça aurait eu un impact, il y aurait eu derrière un message politique,
43:41 même politicien, en tout cas électoral, extrêmement fort.
43:45 Et justement, quels sont les critères pour être un bon ministre ?
43:49 Si certains potentiels ministrables nous écoutent,
43:51 restez bien avec nous parce que demain vous allez être appelés, vous verrez.
43:54 Je dirais qu'il y a une tension conceptuelle,
43:56 à part de là, les questions de probité, d'honnêteté, etc.
43:59 Mais sur la question presque professionnelle,
44:01 quelle est la compétence qu'on attend d'un ministre ?
44:04 La première vision, ce serait la vision entre guillemets du sens commun,
44:07 ou la vision la plus évidente, ce serait de se dire que la politique,
44:11 au sens professionnel du terme, n'est pas universelle.
44:14 Au sens où, évidemment, quand on a un entretien d'embauche,
44:17 on nous demande si on a telle ou telle compétence,
44:19 tel ou tel diplôme, telle ou telle connaissance du domaine,
44:22 qui nous permet d'obtenir le poste en question.
44:25 Et donc cette idée-là, ce serait de se dire qu'un ministre,
44:28 ce n'est pas quelqu'un qui peut être interchangeable,
44:31 mais c'est quelqu'un qui doit avoir des compétences extrêmement précises
44:35 dans le domaine qui est le sien.
44:36 Parce que la science politique derrière ne serait pas une science
44:39 entre guillemets universelle, chaque citoyen pourrait s'en emparer totalement,
44:42 mais ce serait une science régionale, disposée par secteur,
44:47 par domaine, l'économie, les transports, etc.
44:49 Les ministres ne seraient pas interchangeables
44:51 et ils auraient une connaissance de leur dossier.
44:53 Alors quels sont les problèmes de cette vision-là ?
44:55 Il y en a deux, me semble-t-il.
44:56 Le premier, c'est que quand on a le nez dans le guidon de son domaine,
45:00 on manque de hauteur de vue.
45:01 Et le deuxième, c'est que ça veut dire quoi connaître un domaine ?
45:04 Connaître un domaine, ça veut dire que avant d'avoir été ministre,
45:07 par exemple de la santé ou de la justice,
45:09 on a travaillé dans le domaine de la justice.
45:11 Mais évidemment, quand on connaît un domaine de l'intérieur,
45:13 on ne le connaît pas en position de neutralité.
45:15 Ce n'est absolument pas la même chose de devenir ministre de la justice
45:17 si on a été professeur de droit à la Sorbonne ou si on a été avocat.
45:20 Ce n'est évidemment pas la même chose de devenir ministre de la santé
45:23 si on a été dans le libéral ou si on a été chercheur à l'hôpital public.
45:27 Et donc, c'est pourquoi il y a une deuxième vision contre-instructive,
45:31 mais qui a sa légitimité aussi d'un bon ministre,
45:33 c'est de se dire qu'au contraire, un ministre,
45:34 c'est quelqu'un qui ne doit pas avoir une compétence dans son domaine.
45:37 Alors là-dessus, il y a une anecdote qui est géniale.
45:39 Philippe de Chartres, qui était secrétaire d'État à l'équipement en 1968,
45:44 il apprend un soir que le général de Gaulle va le nommer secrétaire d'État aux équipements
45:48 et qu'il a rendez-vous à l'Élysée le lendemain matin.
45:51 Problème, il ne connaît rien aux équipements, rien.
45:53 Donc il fait une nuit blanche, il passe cette nuit à lire des choses sur les ponts, sur les voilà,
45:57 et il arrive à l'Élysée absolument épuisé, avec des cernes, pas possible,
46:00 et il est tremblant parce qu'il va voir le général de Gaulle quand même.
46:03 Et le général lui dit "alors il paraît que vous aimez bien Corneille, parlons de littérature".
46:08 Et de Chartres répond "écoutez mon général, je suis content parce que j'avais une peur bleue,
46:12 je ne connais rien aux transports, à l'équipement".
46:14 Il lui dit "mais c'est très bien, vous serez un bon ministre parce que vous n'y connaissez rien".
46:17 Donc c'est cette vision-là, au contraire de se dire "il faut de la hauteur de..."
46:20 Alors face à cela, où se situe Emmanuel Macron ?
46:22 Il a une position hybride, c'est-à-dire que dans le gouvernement,
46:25 on a tout à la fois des ministres extrêmement compétents dans leur domaine,
46:28 François Braun, Éric Dupond-Moretti, on a ensuite des ministres généralistes,
46:31 Gérald Darmanin, Gabriel Attal, et puis on a des ministres un peu hybrides,
46:35 Olivier Véran, qui initialement est un ministre compétent,
46:38 et qui ensuite est devenu un ministre généraliste.
46:40 Merci beaucoup Nathan Devers, et on verra donc demain qui sort et qui rentre dans ce gouvernement.
46:45 Céline, on va terminer avec vous, parce que décidément,
46:48 l'art des relations diplomatiques demande une sacrée souplesse,
46:51 une preuve supplémentaire nous en a été donnée,
46:53 avec la réception du président israélien par Joe Biden hier à la Maison-Blanche.
46:58 Eh oui, ce malheureux Joe Biden avait quand même un exercice assez délicat à tenir,
47:03 puisqu'il fallait à la fois envoyer un message à Israël,
47:07 donc il le fait bien sûr en recevant Isaac Herzog,
47:11 tout en indiquant bien à son électorat, un peu ouak,
47:15 que malgré tout, il combattait fermement Benyamin Netanyahou
47:20 et son projet de réforme de la justice.
47:23 Donc tout cela demandait une certaine souplesse,
47:26 et il faut quand même reconnaître qu'à un âge certain,
47:29 Joe Biden a parfaitement assuré,
47:31 puisqu'il a mis en scène la relation indestructible qui unit les USA et Israël,
47:38 et en même temps, il a su habilement ne pas laisser monter le discours ouak,
47:46 qui aujourd'hui, en fait, est lié à des positions pro-palestiniennes extrêmement fortes,
47:52 et qui parfois a du mal à distinguer entre antisionisme et antisémitisme,
47:57 sachant que souvent le second est la version socialement acceptable du premier à gauche.
48:03 Donc bonne souplesse des adducteurs du côté de Joe Biden, selon vous ?
48:06 Oui, parce qu'il est compliqué de revendiquer à la fois la proximité avec Israël
48:11 et celle avec Black Lives Matter.
48:13 On voit bien qu'il y a quelques contradictions dans les termes,
48:16 mais la politique, c'est aussi l'art des synthèses improbables,
48:19 et du moment que le peuple l'accepte, après tout, pourquoi pas ?
48:23 Ce qui est étonnant, c'est qu'en fait, les Juifs ont pourtant été des acteurs extrêmement engagés
48:29 au moment du mouvement pour les droits civiques.
48:31 Ils se sont tenus aux côtés de Martin Luther King
48:34 parce qu'il voyait dans l'oppression que subissaient les Noirs aux États-Unis
48:38 la même forme de racisme qu'ils avaient subi à l'époque en Allemagne.
48:42 Donc il y avait des liens extrêmement forts.
48:45 Mais petit à petit, les mouvements racialistes se sont radicalisés
48:49 et ont commencé à désigner le blanc comme l'ennemi.
48:52 Et du coup, l'islam devenait la référence commune au-delà des différences ethniques
48:58 qui permettaient de réunir sous la même bannière des gens extrêmement différents.
49:03 Mais à partir du moment où on prenait ces références-là,
49:06 la question juive se posait à nouveau,
49:09 et elle ne se posait pas dans le sens d'une alliance comprise et revendiquée.
49:14 Et même toute l'histoire des liens entre le mouvement des droits civiques et les Juifs
49:20 a été notamment niée.
49:23 Et BLM aujourd'hui, Black Lives Matter, développe un discours
49:27 où on parle de génocide du peuple palestinien,
49:32 où Israël est présenté comme un État pratiquant un apartheid féroce, etc.
49:38 Et finalement, la position du président américain,
49:43 c'est un peu distinguer l'artiste de l'œuvre, autrement dit.
49:46 Là, on distingue le gouvernement de Benyamin Netanyahou
49:50 du lien extrêmement durable entre Israël et les États-Unis.
49:54 Et qu'est-ce qui vous fait dire que la situation était tendue ?
49:57 Hier, il y a eu un vote symbolique au congrès, vote massif, au demeurant,
50:03 pour déclarer qu'Israël n'était pas un pays raciste.
50:07 Or, en général, quand vous avez besoin de mettre en scène
50:10 autant de protestations d'amitié, c'est que finalement,
50:13 la deuxième partie du binôme en doute un petit peu,
50:16 ou qu'il y a eu beaucoup d'eau dans le gaz dans la période qui a précédé.
50:20 Et quelle est donc cette réforme de la justice qui est voulue par le gouvernement Netanyahou,
50:23 mais qui met le feu aux poudres jusqu'aux États-Unis ?
50:26 Alors, elle met le feu aux poudres aux États-Unis,
50:28 elle a aussi mis le feu aux poudres en Israël.
50:31 En fait, cette réforme, elle vise à soumettre le pouvoir judiciaire au pouvoir politique.
50:36 Alors pourquoi ? Israël est un pays de tradition anglo-saxonne.
50:40 Il n'y a pas fondamentalement de constitution écrite,
50:43 comme nous, on a l'habitude d'avoir.
50:45 Et en fait, la Cour suprême en Israël, elle regrouperait à peu près les fonctions
50:49 de notre cour constitutionnelle, mais aussi du Conseil d'État,
50:54 mais aussi de la Cour de cassation.
50:56 Tout ça rassemblée.
50:57 Et donc, de fait, elle a la capacité de censurer les lois votées par le Parlement.
51:03 Et donc, le pouvoir politique dénonce très clairement une forme de gouvernement des juges.
51:08 Et que prévoyait du coup cette réforme qui aujourd'hui est suspendue ?
51:11 Alors, elle prévoyait que les députés pouvaient, en fait,
51:14 ne pas respecter un vote de censure émis par la Cour,
51:18 tout simplement s'ils obtenaient la majorité à la CNESET.
51:21 Donc la CNESET, c'est le Parlement européen.
51:23 Cette majorité, elle est de 61 voix.
51:26 Et une autre chose a fait scandale, c'est-à-dire que Benyamin Netanyahou
51:32 voulait aussi changer le comité de sélection qui nomme ces juges.
51:37 Et en fait, il voulait en remplacer la logique.
51:39 Autrement dit, ils sont neufs.
51:41 Et dans ce comité de sélection, il voulait qu'il y ait six politiques
51:45 contre trois personnes émanant de l'institution judiciaire.
51:48 Alors, nous, ça ne nous choque pas tellement,
51:51 parce que, en fait, notre Conseil constitutionnel n'est pas constitué
51:54 uniquement de juristes, mais dans la tradition israélienne,
52:00 le choix de Benyamin Netanyahou a profondément heurté.
52:04 Et qu'en disent alors les opposants à cette réforme ?
52:06 Alors, les opposants à cette réforme disent que si on fait ça,
52:10 en fait, il n'y a plus aucun contre-pouvoir au pouvoir politique
52:14 et que la démocratie et l'équilibre des pouvoirs demandent un jeu subtil
52:20 entre pouvoir et contre-pouvoir.
52:23 Du coup, ce qu'ils indiquent, c'est que le choix de Benyamin Netanyahou
52:27 remettrait en cause un équilibre démocratique.
52:31 Et de fait, pendant trois mois, vous avez eu des milliers
52:36 et des dizaines de milliers de personnes qui se sont rassemblées dans la rue.
52:40 Alors, il faut mettre ça en rapport avec le nombre d'habitants dans le pays,
52:43 qui est de moins de 10 millions.
52:45 Quand vous arrivez à faire sortir des centaines de milliers de personnes,
52:48 c'est qu'il y a quelque chose qui ne passe pas tellement.
52:53 Donc, Joe Biden a voulu mettre en scène sa réception du président d'Israël
52:59 pour bien indiquer qu'il ne recevait surtout pas le Premier ministre Benyamin Netanyahou.
53:04 Donc, en fait, il joue le pays dans sa continuité
53:07 et le gouvernement dans sa conjoncturalité, si on peut dire.
53:11 Et qu'est-ce qu'on peut en penser, du coup, pour l'avenir réel
53:13 des relations entre les États-Unis et Israël ?
53:16 Alors, c'est un lien qui est très pragmatique de part et d'autre.
53:20 Et les États-Unis ont intérêt de garder ce lien avec Israël,
53:24 parce que finalement, c'est l'allié le plus stable qu'ils ont dans une région
53:27 qui est quand même extrêmement instable.
53:29 D'ailleurs, on a un signe, c'est que Joe Biden n'est pas revenu
53:32 sur l'installation de l'ambassade des États-Unis à Jérusalem,
53:36 qui avait été mise en place par Donald Trump et très mal vécue à l'époque par les Palestiniens.
53:41 Mais du côté d'Israël, on est moins dépendant aujourd'hui des États-Unis.
53:46 C'est-à-dire qu'il y a un certain nombre de choses qui ont changé.
53:49 Rappelez-vous, les accords d'Abraham ont été vécus par Israël
53:53 comme l'acceptation par un certain nombre de pays arabes
53:57 de sa présence dans cette partie du Moyen-Orient.
54:00 Pourquoi c'est essentiel ? Parce que pour, notamment, les islamistes,
54:04 la présence d'Israël dans ce coin du monde est un fic.
54:08 Autrement dit, c'est une insulte à une terre sacrée.
54:12 Cette terre doit être une terre d'islam et il y a quelque chose de sacrilège
54:16 à ce qu'un État juif existe.
54:18 Donc, pendant très longtemps, Israël luttait contre une hostilité totale autour d'elle.
54:24 Là, les choses changent. Et pourquoi est-ce que l'échange change ?
54:27 Parce qu'aujourd'hui, la question palestinienne devient marginale dans la région
54:32 au profit de la question iranienne et notamment de la quête de la bombe atomique,
54:37 de la bombe atomique par l'Iran.
54:39 Pourquoi ? Parce qu'aujourd'hui, pour les pays arabes,
54:43 il est plus important de maîtriser les ambitions iraniennes
54:47 que de donner un État à la Palestine.
54:49 En tout cas, c'est le cas de pays aussi divers que le Bahreïn,
54:53 que les Émirats arabes unis, que le Soudan, que le Maroc, etc.
54:57 Et finalement, des États-Unis à la Chine, en passant par la Turquie et l'Union européenne,
55:03 personne ne veut un Iran nucléaire, tout simplement parce que ça signifiait
55:08 s'écrélérer au flambeau pour aller visiter une usine pyrotechnique.
55:11 Personne n'a confiance dans ce que pourrait en faire à terme l'Iran.
55:15 Et du côté de l'Iran, l'arme nucléaire est vue comme liée à la surgie de leur régime.
55:20 Donc, les tensions autour de la question de la réforme de la justice
55:24 par rapport à ce gros problème lié à l'acquisition de la bombe par l'Iran
55:28 ont finalement réussi à passer.
55:31 Et le lien États-Unis-Israël a été renouvelé.
55:35 Merci beaucoup Céline Pina, merci Raphaël St-Vivre, Gabriel Cusel et Nathan Devers
55:39 d'avoir été présents dans Face à l'Info.
55:41 Tout de suite, vous retrouvez Eliott Deval et ses invités pour l'heure des Pro 2.
55:44 de l'eau.

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