SMART BOURSE - L'invité de la mi-journée : Frederik Ducrozet (Pictet Wealth Management)

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Jeudi 13 juillet 2023, SMART BOURSE reçoit Frederik Ducrozet (Responsable de la recherche macro, Pictet Wealth Management)
Transcript
00:00 [Musique]
00:10 Mais revenons quand même sur ce rapport mensuel sur l'inflation aux Etats-Unis
00:13 avec une inflation globale qui tombe à 3% sur un an au mois de juin
00:17 et une mécanique de désinflation qui semble se confirmer dans la partie cœur des services
00:23 qui reste la partie la plus serrée aujourd'hui pour la réserve fédérale américaine.
00:27 Frédéric Ducrozet avec nous en visioconférence, le responsable de la recherche macro de PICTE, Wealth Management.
00:32 Bonjour et bienvenue Frédéric.
00:34 Oui, 24 heures après, je crois qu'on a le droit encore peut-être de se réjouir de ce rapport mensuel sur l'inflation aux Etats-Unis
00:41 qui marque quand même une étape importante, un an après le pic d'inflation à plus de 9% en juin 2022
00:47 et on va dire deux ans après que l'inflation ait véritablement pris son envol aux Etats-Unis.
00:53 Effectivement, il faut toujours se méfier des analyses qui extrapolent peut-être la tendance sur un seul mois.
00:59 Ça reste des chiffres qui sont globalement volatiles, difficiles à prévoir entre le prix des voitures, des services.
01:06 Bref, cette volatilité qu'on a connue depuis deux ans sur l'inflation nous force à l'humilité quelque part
01:13 mais néanmoins on peut se réjouir sans crier victoire encore du point de vue de la Banque Centrale
01:17 pour sa cible d'inflation bien sûr, on est à 3% encore sur le headline.
01:22 L'inflation sous-jacente est plus élevée que ça aux Etats-Unis mais c'est justement ce point-là,
01:26 ce sont les détails qui comptent dans la direction qui nous indiquent aussi peut-être le momentum
01:31 dans les mois qui viennent, septembre, quatrième trimestre, qui sont plus encourageants.
01:35 Le super corps comme l'appelle la Fed, c'est vraiment cette mesure de l'inflation la plus domestique
01:40 qui écarte tout le bruit, qui écarte également les biais liés à l'immobilier
01:44 parce que les prix de l'immobilier et des loyers sont retardés, ont un effet retardé sur l'inflation.
01:49 Bref, si on se concentre vraiment sur le cœur du cœur du noyau dur, alors là c'est très encourageant,
01:54 on est en fait à 0%, donc un niveau stable de cet indice super corps sur le mois de juin
01:59 et c'est effectivement à la marge probablement meilleure qu'attendue du point de vue de la Fed.
02:04 Donc maintenant on va avoir tout un débat et on va en discuter pas seulement aujourd'hui
02:07 mais dans les semaines qui viennent jusqu'en septembre je pense, la décision de la Fed pour juillet me semble actée,
02:12 il y aura hausse de taux malgré tout, on va discuter de niveau d'inflation versus momentum.
02:18 Qu'est-ce qui compte ? Est-ce qu'on regarde encore dans le rétroviseur avec ces niveaux d'inflation
02:22 qui sont encore trop élevés au-dessus de la cible ou est-ce qu'on est encouragé
02:25 et peut-être on revoit un peu les perspectives aussi de politique monétaire parce que la direction, elle, elle s'améliore ?
02:31 De ce point de vue-là, Frédéric, quel est votre sentiment, votre perception à ce stade ?
02:37 Sachant qu'effectivement le traumatisme pour la réserve fédérale américaine, c'est le syndrome Arthur Burns,
02:43 Jérôme Powell l'a souvent évoqué, est-ce que ça reste un risque pour la réserve fédérale américaine
02:49 partant des niveaux d'inflation ou de désinflation qui ont été atteints en juin aux États-Unis,
02:53 de voir à un certain stade l'inflation, la dynamique d'inflation se réveiller à nouveau ?
03:00 C'est notre principale conviction, il y a plein de bruit et plein d'incertitudes sur l'inflation,
03:04 notre conviction, la mienne en tout cas, c'est vraiment que les banques centrales vont rester déterminées
03:09 dans cette lutte contre l'inflation, même lorsqu'elles auront finalement atteint leur but,
03:13 leur but étant de retourner à 2% à moyen terme, pas aujourd'hui,
03:17 donc vraiment compte tenu du niveau des taux d'intérêt aujourd'hui à 5%, à 5,25% je pense en juillet,
03:23 est-ce que c'est suffisant pour la fête pour être confortable, confiante sur le fait que l'inflation retourne à 2% ?
03:28 La réponse est oui, mais elle ne le dira pas, et vraiment ça c'est higher for longer,
03:33 cette persistance de la réponse de politique monétaire me semble être vraiment la conviction principale
03:39 qu'on peut avoir dans les marchés, ça a des conséquences importantes pour les taux d'intérêt notamment,
03:43 qu'on ne voit pas baisser tout de suite, même si on a des bonnes nouvelles sur l'inflation,
03:47 et en plus sans récession, qui plus est, donc c'est un peu le bonus.
03:51 C'est encore une fois vraiment, peut-être qu'on soit d'accord ou pas avec la banque centrale,
03:55 je pense quelque chose qui me semble difficilement discutable,
03:58 même si les anticipations d'inflation par exemple sont stables,
04:01 même si on ne croit pas au risque de salaire, de spirale entre les salaires et les prix,
04:06 peut-être d'une inflation structurellement plus élevée, qu'on soit d'accord ou pas avec elle,
04:10 c'est ce qu'elle fera je pense jusqu'en septembre, nous on ne voit pas de hausse de taux en septembre,
04:14 mais on voit un ton résolu, déterminé, au quiche, de toutes les banques centrales finalement,
04:18 dans les mois qui viennent, quoi qu'il arrive j'allais dire quasiment sur le front de l'inflation.
04:22 Il faut dire qu'il y aura quand même ce fameux ratio de sacrifice, à un moment, qu'il faudra payer,
04:29 quand je dis payer c'est notamment sur le marché du travail et sur l'emploi,
04:32 parce que jusqu'à présent l'inflation a été divisée par trois en un an,
04:35 avec un taux de chômage qui se maintient au plus bas, entre 3,5 et 3,7 selon les mois Frédéric.
04:41 Est-ce que maintenant la partie suivante c'est l'idée d'essayer de calibrer un ratio de sacrifice
04:46 qui serait acceptable pour tout le monde ?
04:50 Si on pouvait le faire on le ferait évidemment, on éviterait toute douleur,
04:55 tout dommage sur l'économie et le marché du travail en particulier,
04:58 et pour l'instant on a effectivement cette immaculée désinflation, tant mieux,
05:02 on n'a pas besoin de, je pense, resserrer les taux davantage pour la Fed,
05:07 au-delà de la hausse de taux de juillet, pour obtenir ce résultat qui me semble encourageant.
05:12 J'espère, quelque part, de ce point de vue-là, que la Fed ne continuera pas,
05:15 mais qu'elle n'aura pas besoin de remonter les taux encore en septembre ou au-delà,
05:19 et la question plus théorique de ce ratio de sacrifice, de cette courbe de Phillips qui est derrière,
05:24 qui finalement nous fait nous tromper dans nos erreurs régulièrement,
05:30 les économistes, les banquiers centraux depuis des années,
05:32 alors pendant des années c'était à la baisse, l'inflation ne redémarrait pas suffisamment vite,
05:36 maintenant on se demande si elle peut ralentir sans avoir une hausse du taux de chômage,
05:41 voilà, ce qui compte ce sont les données,
05:43 ce qui compte c'est vraiment ce qu'on va devoir, encore une fois, infliger à l'économie,
05:48 et malheureusement il est probable que au Royaume-Uni, en Europe, la situation soit un peu différente,
05:52 aux États-Unis tant mieux, tant mieux si la Fed peut se contenter de cette dernière hausse de taux en juillet,
05:57 en tout cas c'est notre scénario,
05:58 et ensuite espérer piloter de manière plus fine cet réglage de politique monétaire
06:04 pour éviter effectivement que sur l'économie réelle ensuite,
06:07 ce qui pourrait quand même arriver avec retard,
06:09 il y a un retard et des délais dans la transmission de la politique monétaire,
06:12 donc ça peut encore moins bien se passer,
06:14 mais éviter que ce soit plus grave que ça et limiter la casse quelque part.
06:18 C'est intéressant le point que vous faites Frédéric,
06:20 ce qu'on observe de la mécanique de désinflation aux États-Unis depuis plusieurs mois maintenant,
06:25 depuis le pic de juin 2022, je le rappelle, pour l'inflation globale,
06:29 il faut se garder de le transposer trop directement à l'Europe, la zone euro,
06:36 ou encore pire peut-être même le Royaume-Uni,
06:38 il faut accepter là qu'il y ait des situations qui sont en train de diverger à ce stade Frédéric ?
06:43 Oui elles divergent, alors en termes de niveau de taux d'intérêt,
06:46 on n'est pas sur des divergences historiques,
06:48 que le Royaume-Uni soit au-dessus des États-Unis, c'est finalement historiquement plutôt la norme,
06:53 que la BCE soit en dessous c'est également la norme,
06:55 mais on se rapproche peut-être de 4% en septembre sur le taux directeur,
06:58 c'est quand même déjà relativement élevé.
07:00 Moi je pense que c'est un point aussi qui ressort de Sintra et dans les données de plus en plus évident,
07:05 la transmission de la politique monétaire en Europe fonctionne probablement mieux, plus vite,
07:10 c'est une économie qui est plus désintermédiaire, qui repose plus,
07:14 sur le crédit bancaire notamment, quand vous montez les taux d'intérêt,
07:17 que ce soit sur l'immobilier ou les banques,
07:19 les taux auxquels vous faites face avec votre banque,
07:22 augmentent plus rapidement en Europe qu'aux États-Unis,
07:24 c'est un élément de réponse et donc probablement que la BCE n'aura pas besoin d'en faire beaucoup plus.
07:29 Mais face à ça il y a quand même aussi d'autres différences,
07:32 effectivement que le marché du travail est très tendu en Europe,
07:35 la situation tient bien malgré tout, l'inflation est un peu en retard,
07:40 il y a un côté sticky peut-être un peu plus important y compris sur les salaires,
07:44 on est dans une phase du cycle différent et je ne serais pas étonné que la BCE remonte les taux,
07:49 non seulement en juillet mais encore peut-être une dernière fois en septembre,
07:53 avec cette volonté aussi de s'assurer finalement, vous avez cité Arthur Burns,
07:58 on n'a pas d'exemple en Europe mais la garde n'a pas envie de, à nouveau,
08:02 rester dans les annales comme celle qui aura fait éventuellement une erreur de politique monétaire,
08:07 c'est clairement à mon avis cette idée de vraiment sécuriser ce retour de l'inflation à 2%
08:14 avec toutes ces différences que j'ai mentionnées rapidement
08:16 qui peuvent permettre à la BCE encore un dernier petit tour de vis en septembre.
08:19 Petite parenthèse d'ailleurs autour de la boîte à outils de la Banque Centrale Européenne,
08:24 il y a beaucoup d'instruments sur la table, ce qui rend d'ailleurs la lecture de la politique monétaire parfois un peu complexe,
08:29 il y a eu cette marche à la baisse sur le bilan qui a été lié au remboursement TLTRO de fin juin,
08:33 donc les opérations de liquidité à très bon marché qui ont été offertes aux banques par la BCE pendant des années,
08:39 on a eu quasiment 500 milliards de repaiements de ces TLTRO, c'était le chiffre anticipé par le marché,
08:44 mais quelques jours, quelques semaines après, est-ce qu'il y a des dommages, des dégâts particuliers à signaler
08:49 de ce phénomène qui a été là aussi historique dans l'histoire de la Banque Centrale Européenne ?
08:54 Écoutez, à part un ou deux trésoriers, je caricature, dans des banques françaises, italiennes surtout,
08:59 et probablement quelques personnes dans la salle de trading de la BCE, personne n'y prête attention.
09:05 Et c'est un énorme succès, c'est incroyable d'avoir été capable d'opérer la fin du quantitative easing,
09:10 l'accélération même du quantitative tightening, la fin des TLTRO, et j'étais le premier à être inquiet sur la fin de ces outils
09:18 qui ont énormément aidé l'économie et les PME, sans heurts, sans volatilité, sans problème majeur dans les marchés très techniques du RIPO
09:26 et des marchés monétaires européens qui sont très importants. Encore une fois, à part vraiment quelques cas isolés, c'est un grand succès.
09:33 Et ça met là aussi la BCE dans une position confortable, parce que vous pouvez toujours dire aux faucons, vous pouvez toujours dire aux critiques
09:39 que non seulement vous avez monté les taux d'intérêt comme jamais dans l'histoire de la Banque Centrale Européenne, aussi rapidement,
09:44 et qu'en plus votre bilan se réduit plus rapidement, pour le moment en tout cas, que celui de la Fed,
09:49 sans les problèmes que la Fed aux États-Unis rencontre dans sa gestion des petites banques, des grandes banques, des money market funds,
09:56 de toute cette plomberie qui fonctionne probablement, peut-être pas plus mal, mais en tout cas qui est plus compliquée à gérer et à piloter pour la Fed aux États-Unis,
10:02 la BCE, de ce point de vue-là, est dans une situation très favorable.
10:05 - Vous connaissez des marchés, comment vous regardez la situation à mi-parcours de cette année 2023, avec un premier semestre qui a été marqué, quand même,
10:12 il faut le dire, par des performances pour les actifs risqués, pour les marchés actions, qui ont été peut-être surprenants pour certains,
10:19 en tout cas impressionnants, on a des performances à deux chiffres pour les indices actions des pays développés,
10:25 alors avec certes un phénomène de concentration très important, quels vont être dans une allocation globale, selon vous Frédéric,
10:31 les moteurs de performance, les actifs qui vont pouvoir encore délivrer de la performance au cours des prochains mois ?
10:37 - Pour les actions, vous l'avez dit, on rentre dans la saison de résultats, on n'arrête pas de répéter que la prochaine va être la plus importante à chaque fois,
10:43 donc il ne faut pas trop en faire non plus, mais il y a quand même à mi-parcours et à mi-année, à mon avis, un tri qui va s'opérer entre les entreprises
10:50 qui sont vraiment capables de délivrer sur la guidance qu'elles ont donnée pour l'ensemble de l'année, celles qui seront peut-être amenées à faire des warnings
10:57 ou à revoir un peu cette guidance, donc je pense qu'il peut y avoir un peu de discrimination, il peut y avoir aussi une "euphorie",
11:03 enfin en tout cas un sentiment positif qui perdure suite à ce ralentissement de l'inflation, peut-être la baisse des taux d'intérêt qui peut aider,
11:11 la baisse du dollar pour certaines entreprises dont les revenus sont plus diversifiés à l'international,
11:16 et la tech bien sûr qui peut quand même continuer de délivrer de bons résultats, tout ça est tout à fait envisageable à court terme,
11:22 le positionnement me semble un peu plus équilibré, donc on peut avoir un peu d'upside peut-être pendant l'été, c'est possible,
11:28 derrière c'est quand même difficile je pense, encore une fois pour les actions en tout cas, de vraiment voir un boost supplémentaire sur les profits,
11:36 au contraire, je pense qu'ils peuvent se tasser, l'économie ralentit en Europe aux Etats-Unis, on s'attend à ce que ça se détériore encore un petit peu,
11:42 au moins même si on n'est pas dans une récession majeure, et ça d'un point de vue fondamental, j'allais dire vraiment de perspectives de profit,
11:50 de croissance des entreprises, c'est probablement moins favorable pour la seconde partie d'année,
11:54 de réfléchir à regarder encore le Japon, regarder des perspectives, même au Royaume-Uni où l'économie va pas très bien,
12:01 mais les entreprises, le marché n'est pas l'économie au Royaume-Uni, et on peut voir des opportunités, et puis toujours le crédit,
12:07 le crédit, le crédit, y compris sur des maturités plutôt courtes, parce qu'avec une bonne qualité, des bonnes entreprises, qui sont en bonne santé,
12:14 vous obtenez un rendement de 5, 6, 7% qui est quand même très attractif dans le contexte actuel.
12:19 - Ne nous privons pas des revenus fixes, effectivement, c'est quand même le grand enseignement de cette année 2023.
12:25 Merci beaucoup Frédéric. Frédéric Ducrozet, responsable de la recherche macro de PITAY Wealth Management, qui était avec nous en visioconférence.

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