SMART JOB - Le cercle RH du mardi 29 août 2023

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Mardi 29 août 2023, SMART JOB reçoit Daniel Guillerm (Président, Fédération Nationale des Infirmiers) et Delphine Colin (Animatrice espace revendicatif, CGT)
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00:00 [Musique]
00:12 Le cercle est rache, on parle d'un secteur plus largement, on parle des métiers, mais on parle du secteur de la santé et du soin qui connaît une crise.
00:20 Malgré le grenelle de la santé, malgré des efforts, il faut le reconnaître, qui ont été consentis par le gouvernement,
00:26 on voit que ce secteur est traversé par une forme de grande démission et aussi une grande déception sur le montant des salaires,
00:32 sur la précarisation, sur la difficulté de faire ce métier parce que c'est un métier difficile, ce sont des métiers difficiles,
00:38 on en parle avec mes invités, Delphine Collin, merci d'avoir répondu à notre invitation, vous êtes animatrice espace revendicatif à la CGT,
00:45 spécialiste du sujet des métiers du soin et vous allez plus loin parce que c'est du soin et du lien, parce que c'est l'aide à la personne,
00:52 ce n'est pas que le secteur de la santé, on parlera de votre étude qui parle à la fois des conditions de travail et du niveau des rémunérations
01:00 parce que c'est un enjeu très fort et c'est une revendication côté CGT. Daniel Guillerm, merci d'avoir répondu à notre invitation.
01:06 Bonjour, président de la Fédération nationale des infirmiers, vice-président de l'UNPS.
01:12 L'Union Nationale des Professions de Santé.
01:14 Donc plus largement.
01:16 Toutes les professions de santé libérales en fait.
01:18 On y voit clair, Daniel, avant de poser ma première question, les infirmiers dont vous parlez, ce sont les infirmiers libéraux.
01:24 Absolument.
01:25 Ceux qui vont aller faire les piqûres matin, midi et soir, ce ne sont pas les infirmiers hospitaliers.
01:31 Voilà, ils travaillent en fait en secteur libéral au sein de cabinets infirmiers, donc dans les villages, les villes, les quartiers, etc.
01:39 Un mot, Delphine Collin, surgirait le paysage général en cette rentrée.
01:44 Il y a eu une grenelle, il y a eu des augmentations de salaires et quand on regarde les chiffres, on voit qu'il y a des départs d'infirmières, d'infirmiers, d'aides-soignants, que le recrutement ne se fait pas.
01:54 Qu'est-ce qui se passe concrètement ?
01:56 Il y a une grosse difficulté sur les conditions de travail.
01:59 C'est vrai que pendant le Covid, on a applaudi tous ces métiers du soin, du lien aux autres.
02:06 On s'est rendu compte de leur utilité sociale au quotidien.
02:10 Mais la réalité, elle est très très différente et effectivement, il y a vraiment une difficulté en termes de revalorisation salariale, de conditions de travail, de pénibilité qui peut expliquer aujourd'hui les difficultés qu'on rencontre.
02:25 Il y a la difficulté de faire ce métier, on l'a vu d'ailleurs pendant le Covid, porter, transporter, parfois même souffrir.
02:32 Et puis il y a la réalité, je dirais plus macroéconomique, qui est le nombre de postes à créer.
02:36 Vous les évaluez à combien, les créations de postes, si on voulait avoir un système de soins correct ?
02:42 Donc en fait, l'étude qu'on a pu mener avec l'Institut de Recherche et l'IRES, au niveau de la CGT,
02:51 s'est appuyée sur une méthodologie qui a permis d'évaluer les emplois en fonction pour, finalement, qu'il y ait moins d'inégalités territoriales,
03:03 que ça réponde aux besoins en fonction du nombre d'enfants, par exemple de moins de 5 ans, de personnes de plus de 70 ans, enfin voilà, de personnes en vulnérabilité.
03:12 Et on évalue effectivement à plus d'un million trois les créations d'emplois nécessaires pour vraiment des services de qualité.
03:24 Pour un service de soins qualitatifs, partout sur le territoire, que ce soit pas que les grandes métropoles,
03:29 et évidemment que des zones se voient désertifiées, d'hôpitals, de secteurs.
03:34 Comment ça se passe du côté... Parce qu'on parle des infirmières du service public et privé, donc des cliniques et des hôpitaux, on va en parler,
03:41 mais là on parle des infirmières et infirmiers libéraux, principalement des infirmières quand même, c'est féminin.
03:46 Oui, alors c'est une profession qui est majoritairement féminine, même si on est dans une courbe inverse des médecins,
03:52 c'est-à-dire qu'on a une profession qui se masculinise, mais aujourd'hui majoritairement 82% de femmes en fait dans le métier.
03:59 Qui quittent l'hôpital public et privé, qui disent "moi j'en peux plus et je veux avoir ma liberté" entre guillemets, si on peut appeler ça une liberté.
04:06 Vous avez raison, on a observé un phénomène qui tend aujourd'hui à se modifier.
04:12 On avait une forte fuite du secteur établissement, que ce soit privé ou public, vers le secteur libéral.
04:19 On s'est interrogé sur les raisons de ces fuites, bien sûr il y a les conditions de travail et les conditions de rémunération à l'hôpital,
04:26 mais quand on a interrogé nous les personnes qui s'installaient en libéral, il y avait en fait une forme de détachement en tout cas,
04:34 du poids hiérarchique à l'hôpital, d'une organisation en tout cas en termes de travail, d'horaire.
04:40 Et une bureaucratie.
04:41 Et une bureaucratie, une initiative très forte. Donc une paire de sens.
04:44 C'est ça, je vois à qui est... Ce débat de l'ARS a été posé, le ministre actuel, le nouveau ministre et l'émanation de cette institution.
04:54 Il y a une forme de bureaucratie, de difficulté à exercer le métier dans les meilleures conditions.
04:58 Est-ce que c'est une des raisons, et on va parler du salaire, parce qu'on voit qu'il y a quand même des efforts à faire,
05:02 est-ce que c'est une raison importante, le sens ? Se dire "je viens soigner des gens et en fait je dois faire des bons de commande pour chaque compresse" ?
05:09 Parce que c'est ça l'histoire.
05:10 C'est vrai que le sens au travail c'est vraiment quelque chose de fondamental.
05:14 Et quand on a pu donner la parole, donc à 7000 répondants et répondantes qui ont répondu à notre consultation qui s'appelait "Mon travail le vaut bien"
05:23 sur 15 professions, on s'est rendu compte qu'effectivement ils étaient énormément confrontés à des tâches administratives,
05:32 au détriment finalement de l'accompagnement et c'était quelque chose qui était problématique.
05:38 Mais un mot quand même, on va regarder la grille des salaires qui est intéressante entre le privé, entre le public,
05:43 et voir les niveaux de salaire pour certains postes qui sont quand même, si on a ce salaire à Paris, on voit que c'est quand même très compliqué.
05:50 L'idée quand même de... il n'y a pas de télétravail quand on vient de faire une émission, une rubrique sur le télétravail.
05:57 On voit que notre société s'est un peu dérégulée et que c'est quand même des métiers où on travaille la nuit,
06:02 où on travaille en direct, où c'est dur physiquement, c'est dur psychologiquement.
06:08 C'est quoi ? Il y a un problème là ? La société est un peu en train de se déréguler, le monde du travail se dérégule
06:14 et certains disent "moi je ne veux plus faire ce métier" un peu comme on a eu le débat des cafetiers qui disaient "moi j'aimais bien ce métier
06:19 et puis là j'ai plus envie de servir le café jusqu'à 2h du matin". Il y a de ça non ?
06:23 Il y a une pénibilité en tout cas de ces métiers là qui est importante par rapport à d'autres et un manque prégnant de reconnaissance de cette pénibilité.
06:33 Ça passe par le salaire donc ?
06:34 Ça ne passe pas que par le salaire, ça passe par une amélioration des conditions de travail, ce qu'on appelle l'employabilité, c'est le maintien en emploi.
06:41 Et aujourd'hui si on a des fuites importantes c'est bien parce que des efforts ne sont pas suffisamment ciblés sur ces conditions de maintien en emploi.
06:51 Un mot Delphine, parce que c'est important cette question là ?
06:54 Oui parce que justement vraiment la majorité disent "je suis fière de mon travail, je suis vraiment fière du travail que je fais".
07:01 On dit que c'est même une vocation.
07:02 Mais je ne vois pas le faire jusqu'à la retraite et pour les moins de 30 ans c'est 70% donc ça aussi c'est en lien avec la pénibilité, la charge émotionnelle qui est très forte.
07:18 Mais aussi en fait finalement quand on voit quelles sont les revendications ou ce qui est le plus important pour elles,
07:24 parce qu'effectivement c'est des professions très fortement féminisées et pour nous il y a des gros enjeux d'égalité professionnelle,
07:30 c'est la révalorisation salariale.
07:33 Et on le découvre, ça c'est une des revendications, création de poste.
07:36 C'est la création de poste et donc ça fait vraiment le lien avec ce qu'on a pu identifier en termes de besoin d'emploi,
07:42 parce qu'effectivement c'est parce que je n'ai pas la possibilité de faire correctement mon travail.
07:48 - On l'a vu là Delphine, il y a aussi quand même l'idée de la reconnaissance, le lien entre salaire et donner le bon salaire par rapport au temps que j'effectue,
07:56 parce que ce sont des métiers extrêmement chronophages, le paiement du temps nécessaire à la réalisation du travail et une progression de carrière.
08:04 Juste d'un mot, vous le savez mieux que moi, mais le droit à la retraite pour ces infirmières, elles sont sous la réforme de 62 ans, on est d'accord.
08:12 Non mais je veux dire, on n'a pas pris en compte la notion de pénibilité de ce métier.
08:16 - Alors il y a une petite prise en compte quand même de la pénibilité en établissement, à l'hôpital essentiellement.
08:22 - Oui, hors infirmière libérale.
08:24 - Hors secteur libéral, nous on demande effectivement une reconnaissance et notamment la mise en place de dispositifs qui permettraient en fait d'alléger la charge de travail en fin de carrière,
08:33 parce que nous très clairement aussi les professionnels ne vont pas majoritairement jusqu'au bout de leur carrière.
08:40 - J'ai regardé le tableau dans les aides, alors il y a les métiers du soin, puis il y a les aides à domicile, le salaire CIP que vous fixez il est à 1696, le salaire réel il est à 965 euros,
08:51 et vous évoquez une revalorisation de 976, de 76%, et puis quand on regarde la différence entre le public et le privé dans votre tableau, dans votre étude, le privé, on gagne un peu mieux dans le privé, plus compliqué dans le public.
09:04 Vos revendications c'est quoi ? Plus d'efforts, de salaire dans le public ?
09:08 - Oui, en fait il faut plus d'efforts effectivement, mais effectivement il faut des services publics pour répondre aux besoins et qui est vraiment justement une réponse aux besoins égalitaires sur le territoire,
09:21 donc pour nous vraiment cette dimension de services publics, ou en tout cas de marchés non lucratifs c'est très très important, parce qu'effectivement il y a quand même la silver economy, enfin il y a vraiment...
09:31 - Une économie privée qui se développe, clairement.
09:34 - C'est un marché, même dans le travail social, et c'est vrai que pour nous c'est important qu'il y ait un investissement, cet investissement on l'a évalué à 80 milliards, c'est la moitié du zède public aux entreprises.
09:48 - Mais c'est en fait dans vos revendications, vous dites on aide parfois les entreprises d'une manière directe, sans contrepartie, parce que c'est un grand débat, mais vous dites il faut investir massivement,
09:57 d'ailleurs je me souviens de la tribune dans le monde, avec pas que des syndicalistes, mais des médecins, des professeurs qui disaient il faut 2% en moyenne du PIB, c'est bien ça.
10:08 - Donc l'étude là elle va même jusqu'à 3% du PIB.
10:12 - Gris des salaires, sages-femmes, il y en a 28 000, 2300 euros, ça c'est du mensuel moyen, on est dans le net ou dans le brut là ?
10:24 - On est en net.
10:25 - On est en net, et vous demandez 57% d'augmentation, sages-femmes c'est pas rien quand même comme métier, c'est jour et nuit, ils nous donnent la vie quand même.
10:35 - Dans l'étude on a fait un comparatif justement par rapport à cette dimension métier féminisé, puisque en fait tout ce qui est soigné, accompagné, éduqué, etc, on considère que c'est des compétences innées, qu'il n'y a pas de technicité, etc.
10:50 Les sages-femmes en termes de responsabilité sur la vie humaine c'est énorme, et on a fait un comparatif avec les ingénieurs hospitaliers et sur la progression de carrière.
10:59 - Ce qu'on appelle les ingénieurs qui sont les cadres hospitaliers qui dirigent en fait dans les progressions de carrière.
11:03 - Les infirmières libérales, parce que ce sont des libéraux, on se dit mais elles gagnent très très bien leur vie, on déchante quand on regarde les salaires des infirmières libérales.
11:12 - Oui, oui, alors pour bien gagner sa vie en secteur libéral il faut travailler beaucoup.
11:16 - Beaucoup !
11:17 - Il faut travailler beaucoup, maintenant on ne peut pas comparer en fait complètement le secteur salarié et le secteur libéral, pourquoi ? Parce qu'en fait les congés payés par exemple ça n'existe pas en secteur libéral, vous travaillez vous gagnez, vous ne travaillez pas vous ne gagnez pas, c'est aussi simple que ça.
11:29 - Après bon les conditions de retraite ne sont pas du tout les mêmes, enfin on ne peut pas tout à fait comparer un professionnel qui a un certain revenu, donc un chiffre d'affaires, puisqu'en fait on est dans une démarche, quand on est professionnel libéral on est dans une démarche entrepreneuriale, on a un cabinet qu'il faut faire tourner, gérer, etc.
11:46 Et vous avez en fait des charges inhérentes et c'est pas un revenu net en fait, c'est le revenu net en fait, le bénéfice en fait est de l'ordre chez les infirmiers de l'ordre de 45-50% en fait du chiffre d'affaires.
12:04 Donc toute chose étant égale par ailleurs, aujourd'hui il ne faut pas venir en secteur libéral, on se dit que c'est l'eldorado parce qu'on déchante très vite et on se rend compte effectivement il y a une étude de l'adresse qui est sortie au mois de juillet, on a en fait une infirmière sur deux qui quitte l'hôpital au bout de 10 ans, une infirmière sur deux qui quitte l'hôpital au bout de 10 ans et quand on regarde en fait ce que font ces infirmières, 10% de ces infirmières sont toujours dans le secteur libéral 10 ans après.
12:33 Donc on voit quand même qu'il y a une perte sèche en termes d'activité infirmière qu'il faudrait effectivement combler.
12:45 - Avant de nous quitter, je voulais rappeler quand même que tous les travaux que vous faites, vous et vos équipes menées par la CGT aboutiront à un colloque au Conseil économique et social environnemental, je voulais le dire, peut-être que vous viendrez nous en parler, ce sera le 9 novembre, justement pour venir apporter les fameuses revendications des 80 milliards et tout ce que vous nous dites.
13:04 Est-ce qu'on a un chiffre exact de la perte de nos talents à l'hôpital depuis le Covid ? Est-ce qu'on sait exactement combien de personnes ont quitté les établissements publics et privés ? On l'a cette évaluation ? Vous l'avez ?
13:19 - On pourrait l'avoir, elle est peut-être sous embargo, mais c'est vrai que très clairement on a senti, y compris dans le secteur libéral, des arrêts d'activité avec des professionnels qui vont faire autre chose.
13:30 Il y a eu une forme de déception parce qu'il y a eu pendant la crise, il y avait une exacerbation en tout cas de l'activité.
13:40 - Et une reconnaissance là pour le coup ?
13:42 - On était en guerre, nous étions en guerre. Une fois que la crise est passée, là le système reprend son fonctionnement nominal, on voit très bien qu'il y a des déceptions qui s'insâlent.
13:53 - Avant de nous quitter, vous évoquiez quand même dans votre étude la difficulté territoriale. Vous, vous dites que c'est 80 milliards, c'est 2% du PIB, mais ça ce sont des veux pieux.
14:01 La réalité aujourd'hui c'est qu'il y a des secteurs en France, des territoires, qui n'ont plus de médecins, qui n'ont plus d'infirmiers, qui n'ont plus d'hôpitaux. C'est ça la réalité ?
14:10 - Très bien. C'est vraiment cette difficulté de répondre aux besoins et c'est pour ça qu'aussi à la CGT, plus globalement, on lance toute une campagne pour la protection tout au long de la vie, de la naissance à la mort.
14:24 - Avec une féminisation, on l'a vu, ce sont des métiers extrêmement féminisés. On n'a pas le temps de l'évoquer, mais avec des femmes aussi qui sont en famille monoparentale ces infirmières.
14:32 Et le problème de la garde des enfants, le problème du domicile, lieu de travail et domicile qui est impactant quand on est infirmière à l'hôpital à Paris.
14:43 Merci de nous avoir rendu visite. Vous reviendrez peut-être nous parler de ce colloque le 9 novembre, ça sera au CESE avec j'imagine tous les personnels de santé et tous les acteurs du monde de la santé, on est bien d'accord ?
14:54 - Bien d'accord.
14:55 - Merci Delphine Collin d'être venue animatrice espace revendicatif CGT. Cette étude, elle est très riche et elle vous donne aussi des grilles de salaire extrêmement détaillées et très précises.
15:04 Daniel Guillerm, merci d'être venu nous rendre visite, président de la Fédération nationale des infirmiers et vice-président de l'UNPS qui sont les professions de santé.
15:13 On termine notre émission avec Fenêtre sur l'emploi, on va parler CV. Un CV, vous allez voir, un peu original et vraiment dans un style beaucoup plus soft skills comme on dit.
15:22 on accueille notre invité.

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