SMART BOURSE - Les taux longs toujours plus haut ?

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Jeudi 19 octobre 2023, SMART BOURSE reçoit Paul Jackson (Responsable mondial de la recherche en allocation d'actifs, Invesco) , Mabrouk Chetouane (Head of Global Market Strategy, Solutions, International, Natixis IM) et Alain du Brusle (Directeur de la gestion, Claresco)
Transcript
00:00 (Générique)
00:10 Trois invités avec nous chaque soir en plateau pour décrypter les mouvements de la planète marché.
00:14 Paul Jackson est avec nous ce soir, le responsable mondial de la recherche en allocation d'actifs d'Invesco.
00:19 Bonsoir Paul.
00:20 Bonsoir.
00:21 Merci d'être là. Merci à Alain Dubruil d'être avec nous également ce soir.
00:24 Bonsoir Alain.
00:25 Bonsoir Grégoire.
00:26 Et avec nous, la direction de Claresco, à nos côtés également, Mabrouk Chetouane, le responsable de la stratégie marché global de Natixis-IM.
00:31 Bonsoir Mabrouk.
00:32 Bonsoir.
00:33 5% sur le 10 ans américain, ça semble l'objectif du moment.
00:37 Est-ce que c'est une limite ou est-ce que c'est une simple étape sur une route ascensionnelle que l'on observe sur les tôlons depuis des semaines et des mois maintenant Mabrouk ?
00:48 Alors cette route ascensionnelle, effectivement, elle est assez, comment dire, spectaculaire puisque c'est un runway.
00:54 C'est une tendance, effectivement, assez forte et sans aucune, avec assez peu finalement de perturbations.
01:00 Il n'y a rien qui est venu, finalement, chahuter cette tendance, effectivement, haussière.
01:05 Et comme vous le disiez en introduction, c'est une question de temps avant de franchir le 5%.
01:09 On voit encore, effectivement, les publications du jour.
01:11 On va juste citer les demandes d'Abbe de Benherd d'allocation de chômage, certes en retrait, effectivement.
01:16 Donc bon, c'est globalement...
01:18 Plus bas de l'année, moins de 200 000 inscriptions au chômage aux Etats-Unis.
01:21 Il y a encore 3-4 mois, on se demandait si on n'avait pas envie de voir des chiffres à 300 000.
01:25 On est revenu au plus bas de l'année à moins de 200 000 inscriptions au chômage.
01:28 Voilà, donc effectivement, c'est un niveau assez fort et qui, tout simplement, fait écho au rapport sur l'emploi qu'on a eu, qui était extrêmement fort.
01:36 Bon, ça a été abondamment commenté.
01:37 Et puis les chiffres, là encore, mais là, ce qui est assez surprenant, quand on regarde les détails des enquêtes, effectivement, d'activité par région,
01:44 donc on a eu une Fed régionale qui a publié.
01:46 Et ce qui m'a frappé, c'est la partie, encore une fois, investissement.
01:49 La partie CapEx est encore, effectivement, est repassée, enfin, est encore en train d'augmenter, est encore en train d'accélérer.
01:55 Preuve, effectivement, qu'on a une économie américaine qui n'est pas, en fait, sous perfusion budgétaire, alimentée, tout simplement,
02:02 qui alimente la consommation, c'est-à-dire, un espèce de one-shot, une espèce de piqûre en quelque sorte d'adrénaline qui viendrait booster temporairement la croissance.
02:09 C'est une autre histoire qui est en train de se dessiner.
02:11 Et donc, globalement, quand on met tout ça bout à bout, enfin, surtout quand on parle de l'investissement, qui, comme on le sait, effectivement, a la croissance future,
02:17 eh bien, il n'y a aucune raison, effectivement, pour que les taux, premièrement, reviennent à des niveaux qu'on a connus par le passé.
02:22 Donc, ça, si on pense, effectivement, que le paradigme de croissance a changé aux États-Unis, ou en tout cas qu'il est,
02:27 qui restera fort pendant une période de temps assez longue, eh bien, il n'y a pas de raison pour qu'on baisse.
02:30 Et surtout, c'est qu'on n'a peut-être pas vu, effectivement, le bout du tunnel, si je puis dire, sur les taux américains.
02:36 Avec, et là, vous parlez du discours, effectivement, de Jerome Powell, qui a une tâche extrêmement complexe,
02:42 puisque, finalement, il y a toujours cet épée d'amoklès, effectivement, sur l'économie américaine, qui sont les commercial real estate,
02:49 qui est ce secteur-là, effectivement, qui est en souffrance, il faut le dire, et qui est, globalement, là aussi, qui contraste avec, donc,
02:56 le secteur immobilier américain, qui se porte plutôt bien, côté résidentiel.
02:59 Et donc, monter trop vite, trop fort les taux, effectivement, ce serait envoyer un message, entre guillemets, qui serait compliqué pour ce secteur,
03:08 avec, en toile de fond, on se souvient, l'exposition des banques régionales, et donc, l'exposition du secteur bancaire, qui a été concentré.
03:13 Donc, compliqué pour Powell de dire "je vais continuer de monter les taux", alors même, finalement, que la situation économique le justifie,
03:19 de l'inflation, effectivement, qui reste, on va dire, assez présente, mais, non plus en accélération, mais pour un effet, issu d'un effet énergétique,
03:25 et surtout, une économie qui crée de l'emploi, qui investit, et qui continue de croître.
03:30 - Bon. Toute chose est gale, par ailleurs, vous dites, il n'y a pas de raison que les taux longs, le 10 ans américain, s'arrêtent, là, à 5%, comme par magie, quoi.
03:37 - Ben, on le voit sur le taux court, par exemple. On voit, effectivement, que le taux à 2 ans, finalement, qui ne bougeait pas,
03:43 durant toute cette phase, durant toute cette phase, finalement, d'augmentation des taux d'intérêt, il est resté complètement inert, assez insensible,
03:49 à ce qui se passait sur la partie longue. Alors, tout le monde, effectivement, avait son explication, les investisseurs qui refusaient d'avoir de la duration dans leur portefeuille,
03:56 donc, on vend le long, on achète du court, très bien, mais, là, maintenant, effectivement, le court se met de nouveau à bouger.
04:00 C'est-à-dire qu'en gros, là, on est à 5,25, donc, on a pris, quand même, une dizaine, une vingtaine de points de base, en l'espace de quelques jours,
04:07 signent, fondamentalement, que le marché est peut-être en train de se dire, ben, en fait, la fête n'est pas encore, n'a peut-être pas encore terminée.
04:13 Et donc, du coup, là, ça rebat les cartes, dans un contexte où, finalement, ben, où est-ce qu'on va aller investir son argent, si ce n'est dans la seule zone
04:21 qui génère de la croissance, de manière un peu plus structurelle, que ce qu'on voit, par ailleurs, c'est-à-dire en Chine et en zone euro, aux États-Unis.
04:27 Est-ce que ça peut continuer, Paul ? Ce qu'on observe sur la macroéconomie américaine, cet exceptionnalisme américain,
04:35 le fait que l'économie américaine se soit montrée aussi résiliente jusqu'à aujourd'hui, et on aura, la semaine prochaine,
04:41 la première estimation de croissance du troisième trimestre aux États-Unis, qui risque d'être spectaculaire, quand même.
04:47 Est-ce que ces chiffres-là garantissent encore quelques mois, quelques trimestres de croissance aux États-Unis ?
04:55 Ou est-ce que la question de la récession continue de se poser à ce stade ?
05:00 – Je crois que ça se pose toujours, mais il est clair que l'économie américaine a été plus résiliente qu'attendue.
05:10 Mais je dois dire aussi que l'économie européenne a été plus résiliente. L'économie chinoise est en train de s'accélérer aussi,
05:18 en lisant les chiffres chinois. Donc ce n'est pas simplement aux US, mais il y a quelque chose de particulier aux US,
05:26 et ça, c'est les programmes de dépense du gouvernement. Et je crois que quelque part, c'est ça qui est derrière la croissance d'investissement.
05:35 Ce n'est pas parce que les bénéfices sont en train de grimper. Je crois qu'il y a un coup de pouce assez important venant du gouvernement.
05:47 Quand même, l'augmentation des taux, il y a un impact. Et on l'a vu récemment avec les taux sur les prêts immobiliers
05:58 qui ont atteint les plus hauts niveaux depuis le début du siècle.
06:04 – 8% c'est ça sur un mortgage à 30 ans aux États-Unis.
06:08 – Oui, et on voit bien qu'il y a un impact immédiat sur la demande pour les prêts immobiliers.
06:17 Il y a un impact sur la demande pour les maisons. Donc maintenant, il y a moins d'investissements dans ce secteur.
06:28 Et ça, c'était assez faible. Il y avait un rebond, et je crois que ça, c'est en train de se replier.
06:35 Donc il n'y a pas de... Oui, il est clair que les chiffres sont pas mal en ce moment aux US,
06:43 mais quand même avec les taux courts et longs qui commencent à grimper, finalement, il y aura un impact.
06:52 Et le secteur corporate, les bénéfices, ils ont été à la baisse.
07:01 Ce sont peut-être stabilisés, mais on ne peut pas dire qu'il y a un investissement qui est mené par les bénéfices.
07:08 En ce moment, ils sont menés, à mon avis, par le gouvernement.
07:11 – Oui, c'est ça. Les politiques, le "by the numbers" pour dire les choses.
07:15 – Et pour revenir aux 5%, on ne peut pas dire que... Oui, on ne va pas dépasser les 5%.
07:23 On ne peut jamais dire jamais, il est clair.
07:26 Mais en regardant historiquement, les périodes où les taux sur 10 ans sont durablement au-delà de 5%,
07:37 c'est la période entre, je dirais, 1970 et 2000,
07:44 donc une période où il y avait une inflation qui était beaucoup plus importante qu'aujourd'hui,
07:50 aussi avec une croissance tendancielle qui était beaucoup plus élevée qu'aujourd'hui.
07:57 Au-delà de ça, il faut aller à 1870.
08:06 – Oui, d'accord, pour retrouver des périodes de taux à plus de 5%.
08:10 – Oui, je comprends. – Et dans cette période ?
08:12 – Durablement. – Durablement.
08:15 Et dans cette période-là, la croissance tendancielle était énorme comparée à aujourd'hui.
08:21 Donc c'était compréhensible que les taux étaient souvent 6%, 7%.
08:26 Mais je dirais, avec une croissance tendancielle depuis la crise financière de moins de 2%,
08:34 à mon avis, il est difficile à imaginer un taux sur 10 ans entre 5 et 6% pour la durée.
08:45 – Plus on sera au-dessus de 5%, plus il y a de chances que ça ne dure pas longtemps.
08:50 C'est ça que je comprends, Paul.
08:52 – À mon avis, sauf si vraiment l'intelligence artificielle nous donne un boost de productivité.
09:00 Mais ça c'est quelque chose à voir.
09:02 Peut-être que le boost de productivité de l'IA, on le verra un peu plus tard que les 5% sur 10 ans américains, pour dire les choses.
09:09 Alain, cette question des taux et l'impact que ça peut avoir sur les marchés actions,
09:15 qui sont sous pression, on a vu le CAC revenir sur les plus bas du mois de mars après le choc SVB.
09:23 Bon, on reste autour des 6900 points sur le CAC 40 pour autant.
09:27 On reste quand même bien au-delà des points bas qu'on a connus en septembre 2022 par exemple.
09:33 – Sur les taux, effectivement, je rejoins un peu votre point de vue.
09:36 Pour l'instant, l'économie américaine tient très bien, ça surprend vraiment un peu tout le monde.
09:41 Objectivement, on a aussi des banques centrales qui achètent moins de papiers,
09:45 il y a des effets techniques aussi, plus d'offres, moins de demandes.
09:48 Mais pour autant, on garde quand même l'idée que quand des taux élevés vont finir par ralentir la machine.
09:55 On le voit en Europe, je pense qu'en Europe on est déjà en train de ralentir,
09:58 ça se voit un peu plus sur les petits témoignages de valeur qu'ils publient plus tôt.
10:01 Mais je ne pense pas que les grosses soient aussi immunes que ça,
10:05 donc à suivre pour les prochaines semaines.
10:08 Mais si on regarde le niveau des taux, c'est vrai qu'un emprunt hypothécaire à 8%, à 30 ans,
10:14 ça fait réfléchir quand même en termes de demande.
10:16 – C'est pareil pour les voitures aussi, enfin, voitures, immobilier,
10:19 tout ce qui se paye à crédit, ça se paye à 8% de crédit.
10:22 – Oui, mais à la limite, si j'empruntais aujourd'hui pour acheter un bien que j'ai vraiment envie d'acheter,
10:27 si j'emprunte à 30 ans à ce taux épouvantable, je me dis peut-être que dans 3 ans je peux l'annuler,
10:32 le rembourser et le refinancer, à la rigueur ça passe.
10:35 Mais si je me dis que je vais vraiment le payer pendant 30 ans, c'est abominable.
10:38 Donc tout dépend aussi, attention, quand on emprunte à 30 ans,
10:41 notamment pour des particuliers, il y a toujours une option de repaiement anticipée,
10:45 donc peut-être que personne n'a en tête qu'il va payer 8% pendant 30 ans non plus, pour relativiser ça.
10:51 Mais en revanche, oui, je crois que des taux très élevés,
10:55 on commence à le voir sur les entreprises endettées qui se posent des questions,
10:58 elles se disent voilà, mes concurrents souffrent, je vais pouvoir faire des acquisitions,
11:02 donc je vais payer moins cher, parce que tout le monde vous dit je veux faire des acquisitions,
11:05 mais c'est trop cher, sauf si elles vont trouver des prix moins élevés, ok,
11:08 mais en même temps elles vont devoir emprunter à 5, 6, 7, 8, donc finalement, est-ce que c'est le moment ?
11:13 Les prix sont fatalement liés au taux, quand on parle de valorisation, donc ça, attention.
11:19 Et puis, l'autre point, c'est que nous on pense quand même que les taux vont finir par peser sur l'économie,
11:25 et quand on parle notamment des investissements aux Etats-Unis,
11:27 moi je serais quand même assez soucieux de ce qu'on a vu sur l'affaire Ørsted,
11:31 dont on est confronté à une équipe éolienne danoise,
11:36 et qui en fait aujourd'hui sur les projets US de fermes éoliennes,
11:41 est en train de dire, d'abord c'est pas ce que j'avais prévu,
11:46 parce que les subventions on en a promis, mais elles sont pas aussi simples que ça,
11:49 deuxièmement, le matériel coûte plus cher, parce que c'est pas aussi simple, il y a de l'inflation,
11:53 et puis surtout, dans des projets financés à 80%, 90% de dette, avec les taux actuels, ça passe plus.
11:59 Est-ce que c'est rentable ?
12:01 Non, en fait, ils veulent s'en aller, donc ils demandent aux autorités,
12:05 "Soit vous remontez vos prix, soit on s'en va", et pour l'instant ils n'ont pas envie de remonter les prix.
12:09 Donc j'en conclue, dans ces cas précis, qui n'est pas tout le marché, je suis bien d'accord,
12:13 mais les taux plus élevés, entre autres, vont détruire de la demande,
12:17 même dans cette partie investissement extrêmement subventionnée.
12:21 En rappelant aussi que l'IRA a énormément de succès,
12:23 mais quand on regarde le déficit budgétaire américain, ça pose quand même question.
12:27 Alors c'est pas une question à un ou deux trimestres,
12:29 mais c'est peut-être pas non plus soutenable éternellement, non plus,
12:32 et ce qui poserait des questions sur la notation de la dette américaine, etc.
12:36 Mais sur ces sujets, je pense qu'ils vont d'abord se poser en Europe, à court terme.
12:40 - Mais tu vois-tu que nous on regarde la vue quand même que l'économie américaine,
12:44 même l'économie américaine, va ralentir,
12:46 et donc on garde une vision plutôt constructive sur les taux,
12:49 en disant qu'on n'est pas loin du plus haut.
12:51 L'autre point aussi, c'est que ce qui, d'un point de vue macroéconomique,
12:54 fait que les taux d'aujourd'hui sont plus désagréables,
12:57 c'est non seulement qu'ils sont à 5 plutôt que 4,
12:59 mais comme on est dans une inflation qui ralentit tendanciellement malgré tout,
13:04 et assez sensiblement depuis 6-9 mois,
13:06 les 3,5-4 d'il y a 9 mois, quand l'inflation était à 5,
13:10 c'était pas vraiment restrictif, alors qu'aujourd'hui,
13:13 non seulement les taux montent, mais l'inflation baisse.
13:15 - Oui, on est à 2,5 taux réels aujourd'hui quasiment.
13:17 - Donc les taux réels, eux, ne cessent d'augmenter, peut-être encore plus que l'augmentation faciale.
13:20 - C'est ça le mouvement de 2023.
13:22 - Donc l'effet ralentissant, il va devenir de plus en plus important.
13:25 La seule chose qu'on redoute, c'est que les banques centrales,
13:27 qui ont mis du temps à monter les taux,
13:30 aujourd'hui ne veulent pas les baisser trop tôt, évidemment,
13:32 parce que, voilà, mais le risque, c'est que si elles tardent trop,
13:35 et que si l'économie commence tout d'un coup à brutalement juter,
13:38 voilà, c'est l'épisode qu'on aimerait éviter.
13:40 - Le discours de la fête, je vous laisse réagir bien sûr,
13:42 mais le discours de la fête, ou en tout cas d'une partie importante de la fête,
13:45 c'est de dire, ben, à la bonne heure,
13:48 l'envolée de ces taux longs,
13:50 et l'augmentation des taux réels de long terme aux Etats-Unis,
13:53 c'est du job en moins pour nous.
13:55 - Ça fait pire.
13:56 - Et donc, plus le marché ira dans ce sens-là,
13:58 moins on en aura à faire, et peut-être que,
14:01 à la fin de la journée, ils seront peut-être beaucoup plus réactifs
14:04 pour des baisses de taux, si c'était nécessaire à un moment.
14:08 Je pose la question.
14:09 - Ce que l'on constate, c'est que quand la récession se manifeste,
14:12 quand elle est datée, on va dire par le NBER, notamment aux Etats-Unis,
14:15 la Fed réagit toujours un petit peu après.
14:17 En gros, elle lag toujours un tout petit peu.
14:19 - Je rappelle, la dernière récession commence en décembre 2007, je crois,
14:23 selon les mesures du NBER, c'est ça.
14:25 - Et donc, in fine, on voit que la Fed...
14:28 Pendant toute une partie de 2008, on ne voyait pas la récession.
14:31 Personne ne voyait la récession.
14:32 - Et la Fed non plus.
14:33 - Et la Fed non plus.
14:34 - Et Jean-Claude Trichet, non ?
14:35 - Oui.
14:36 (Rires)
14:37 - Et donc, du coup...
14:38 Non, mais en fait, il y a plusieurs paramètres,
14:40 parce que c'est vrai qu'il y a une partie du boulot qui est faite,
14:42 en quelque sorte, par le marché,
14:43 qui est en train, effectivement, de durcir les conditions monétaires
14:46 et financières à travers la partie longue de la courbe,
14:49 et même maintenant à travers la partie courte,
14:51 donc là aussi, tous les segments sont concernés.
14:54 Et donc, on se dit, bon, la Fed va peut-être, effectivement, se dire,
14:57 peut-être qu'il a peine de rajouter.
14:59 Le problème, c'est qu'on a devant nous de possibles tensions,
15:03 de nouvelles tensions qui vont se manifester,
15:05 notamment sur la partie nominale, sur la partie inflation,
15:08 parce qu'on a de nouveau des prix d'énergie qui montent.
15:11 On a connu cet épisode, effectivement, de prix d'énergie qui montent,
15:14 du coût des intrants qui montent, et ça, on le voit, c'est immédiat.
15:17 Ça rentre, effectivement, partout, dans tous les secteurs de l'économie,
15:20 et on voit qu'il y a encore certains secteurs
15:22 qui disposent de pricing power.
15:24 Et donc, il y a des prix, de nouveau,
15:26 il y a un espèce de bouclage qui va, de nouveau, se mettre en place.
15:28 Et on n'est pas à l'abri, en fait, de nouvelles négociations salariales,
15:33 de nouveaux effets, effectivement, qui transiteront par les marges,
15:36 préservation des marges, également, augmentation des prix.
15:38 Et donc, tout ceci, finalement, cette espèce d'effet marginal
15:41 qui viendrait se rajouter, au fond, sur, déjà, une tendance désinflationniste,
15:45 mais qui, entre guillemets, n'est plus trop désinflationniste,
15:47 puisque c'est plutôt stable, ça repart même à la hausse,
15:49 et bien là, effectivement, ça embêterait, de nouveau, les banques centrales,
15:52 en sachant qu'on sait pertinemment que ce qui compte, c'est le message.
15:56 Rajouter 25 points de basse, ça ne sert à rien, on le sait tous.
15:59 Il va falloir être beaucoup plus durs.
16:01 Et donc, là, c'est une véritable équation extrêmement complexe à résoudre.
16:04 Il va falloir attendre, finalement, de voir de quelle manière
16:06 est-ce que l'économie encaisse ce choc nominal qui vient de l'énergie.
16:11 Et l'Europe est, encore une fois, bien sûr, en première ligne,
16:13 puisque exposée, de fait, à cette question énergétique.
16:17 Et, juste un mot sur l'Europe, l'Europe, le problème,
16:19 c'est qu'ils n'ont pas les moyens de préserver leur potentiel de croissance.
16:24 Ce que vous appelez, effectivement, la croissance tendancielle,
16:26 si je vous comprends bien, c'est, véritablement, ce potentiel
16:28 qui fait que, si on le garde, si on le préserve,
16:30 et bien, finalement, on a une économie qui va plutôt bien.
16:33 En Europe, on ne fait rien de tout ça.
16:34 Et donc, on attend, hypothétiquement, un plan, en 2024,
16:38 qui pourrait être une espèce de contre-attaque vis-à-vis de l'IRA,
16:40 mais ça, on y croit, pour le moment, c'est encore dans les cartons,
16:43 et on va voir ce que ça donne.
16:44 Mais si on n'a pas ça, globalement, on est, quelque part, condamné
16:47 à voir notre potentiel de croissance se déprécier de manière tendancielle,
16:50 cette fois-ci.
16:51 - Il y a de la dépense publique, quand même, en Europe.
16:52 Enfin, je veux dire, on met de l'argent, on flèche de l'argent,
16:54 des milliards, des dizaines de milliards, vers...
16:56 - Ça, c'est le...
16:57 - Ben oui, mais, "repower", etc.
16:59 - Mais ça, c'est vieux, ça, c'est déjà dans les...
17:00 - Ah ben, c'est vieux, mais bon, oui, mais l'argent,
17:02 il n'est pas déployé encore...
17:03 Oui, d'accord, c'est dans les marchés.
17:05 - C'est que, là, c'est terminé.
17:06 - Et sur le plan macroéconomique, on va dire qu'il y a encore
17:08 des enveloppes à déployer.
17:09 - Le "next-gen EU", par exemple, c'est un plan dont les enveloppes sont connues,
17:13 elles vont être distribuées, là, à un horizon qui va bientôt se terminer.
17:17 Les plans américains, c'est 1 600 milliards sur 10 ans.
17:20 On n'y est pas encore.
17:21 En gros, ils viennent tout juste de commencer.
17:22 Donc, là, globalement, on n'a pas du tout, encore une fois,
17:25 la même vision en matière de croissance.
17:28 - Non, non, ce n'est pas la même stratégie.
17:29 - Et donc, in fine...
17:30 - Exactement.
17:31 - Et puis, attendez, aussi, en Europe, il faut préciser que l'Europe,
17:34 c'est beaucoup de pays, ce n'est pas la même réactivité.
17:36 C'est-à-dire qu'on veut faire, mais on ne fait pas.
17:39 Par exemple, sur le renouvelable, il y a les budgets.
17:41 Mais là, j'ai une petite société qui m'explique que dans les ports européens,
17:44 il y a un an de panneaux solaires en stock.
17:46 - Qui attendent ?
17:47 - Ils sont là.
17:48 - D'être déployés ?
17:49 - Ils sont là.
17:50 - Ah oui, oui, oui !
17:51 - Et les autorisations, il y en a.
17:52 - Ah ben, oui, oui !
17:53 - Bien sûr !
17:54 - Et les néo-N, ils construisent des trucs partout, sauf en France, en ce moment,
17:56 parce que en France, c'est long, c'est les délais, les autorisations, etc.
18:00 - Et on a une fragmentation, également, du cycle européen.
18:02 C'est-à-dire qu'en gros, le cycle européen, il est complètement fragmenté.
18:04 Les pays exposés au secteur manufacturier qui souffrent,
18:07 les pays les moins exposés qui s'en tirent plutôt bien, mais qui vont être rattrapés par ailleurs.
18:11 Donc, on a véritablement tout qui est réuni contre l'Europe, malheureusement.
18:15 - Bon, est-ce que vous adhérez à cette idée ou pas ?
18:18 Paul, vous disiez tout à l'heure que l'économie européenne avait réussi à se montrer résiliente, également.
18:25 - Plus résiliente que...
18:26 - Plus résiliente que ce qu'on pouvait craindre.
18:28 - Mais je dirais que voilà, on est plus ou moins en récession en Europe.
18:31 La croissance est quasiment zéro.
18:34 Donc, c'est un petit négatif, un petit positif.
18:38 C'est, je dirais, zéro croissance.
18:42 Mais aux U.S., il ne faut pas oublier qu'il y a les élections l'année prochaine.
18:47 Et j'ai vu des sondages aujourd'hui, et surtout dans les États qui sont clés,
18:53 en termes de c'idée qui sera président, où Trump est en avant que Biden.
18:59 Donc, si... ça serait un cauchemar, mais imaginons que Trump sera élu.
19:06 Qu'est-ce qu'il va faire avec l'IRA ?
19:10 - Oui, bien sûr.
19:13 - Qu'est-ce qu'il va faire avec ça ?
19:15 Je ne peux pas imaginer que lui, il va continuer à faire des dépenses sur tout un tas d'investissements pour...
19:22 - Ce qui est fascinant, c'est que l'IRA bénéficie à beaucoup d'États républicains, visiblement.
19:30 C'est-à-dire, dans le déploiement des sites industriels et des enveloppes,
19:34 beaucoup a été donné aux États républicains, qui bénéficient de l'IRA.
19:38 Il y a une forme de cornerisation, quand même, de ce point de vue-là, de la politique.
19:42 - Mais c'est un plan à peine déguisé de protectionnisme.
19:45 Et qu'est-ce que Trump sait faire de mieux, si ce n'est que "America's first", c'est du protectionnisme.
19:49 Pourquoi est-ce qu'il arrêterait l'IRA, alors même que, finalement, ça a mis les États-Unis sur une rampe de croissance,
19:54 aujourd'hui, dont on ne sait même pas où ça va s'arrêter ?
19:56 Moi, je pense que, globalement, il ne va pas arrêter l'IRA, il va le renforcer, en fait.
20:00 Et avec, quelque part, en face de nous, la Chine, en face des États-Unis et de la Chine,
20:05 là, ça va être, entre guillemets, un festival.
20:08 C'est un peu loin, hein ?
20:10 - Oui, non, moi, je veux bien qu'on parle de l'élection américaine, mais on est encore un peu...
20:14 - Mais c'est ça, un préfecteur, effectivement.
20:15 - Oui, non, mais de toute façon, on suit ça, évidemment, effectivement,
20:17 et il est en avance dans les "swing states", par rapport à Biden.
20:20 Sur les chances de l'Europe de...
20:22 [Rires]
20:24 ...de, quand même, s'en sortir...
20:25 - De la croissance ?
20:26 - Ben, oui, je ne sais pas comment vous regardez la situation.
20:28 Enfin, alors, après, évidemment, on revient très vite sur les risques traditionnels,
20:32 donc c'est le spread Italie-Allemagne, il y a plus de 200 points de base,
20:35 les programmes de financement des États l'an prochain, etc.
20:39 - Non, mais c'est...
20:41 Quelque part, c'est le même cas de figure qu'aux USA.
20:44 Les taux sont plus élevés que depuis pas mal de temps,
20:48 donc ça écrase.
20:51 Il y a toujours un prix d'énergie en Europe,
20:56 surtout le gaz naturel, qui est très élevé,
20:59 donc, encore une fois, que ça squeeze les revenus réels et les bénéfices.
21:05 Les seuls points positifs, c'est un dollar qui s'est remonté,
21:11 donc un euro, livre Sterling, qui se sent reparti à la baisse,
21:17 donc ça aide quelque part les secteurs...
21:22 - Exportateurs.
21:23 - Exportateurs.
21:25 Je ne vois pas beaucoup d'autres points positifs,
21:29 peut-être le relance en Chine, qui aide plus l'Europe que les USA,
21:34 mais je ne vois pas pourquoi il y aura une relance en Europe,
21:37 mais pour dire la vérité, je ne vois pas pourquoi...
21:41 Pour moi, je ne vois pas la logique de la force de l'économie américaine en ce moment
21:51 avec une croissance de masse monétaire qui est négative.
21:56 Ça ne doit pas être le cas qu'il y ait une accélération dans l'économie,
22:03 donc je suis un peu confus par ça.
22:05 En Europe, je ne vois pas pourquoi il y aura une telle accélération,
22:08 et aux USA, je suis assez sceptique.
22:10 - Oui, oui, je comprends.
22:12 Il y a un état un peu d'apesanteur aux États-Unis,
22:14 et en Europe, vous dites qu'il y a quelque chose de beaucoup plus cohérent,
22:17 plus facile à comprendre sur le plan économique.
22:20 - Oui.
22:21 - Les entreprises, je veux bien qu'on continue d'en parler avec vous, Alain,
22:26 donc ça, c'est le début de la saison de publication.
22:29 Beaucoup de grosses qui publient, des plus petites également.
22:32 Visiblement, un secteur qui intéresse tout le monde,
22:34 et je crois que vous le connaissez bien, d'ailleurs, ce secteur, Alain,
22:37 c'est tout ce qui tourne autour du consommateur.
22:39 - Oui.
22:40 - Consumer Goods, Consumer Staples, etc.
22:42 Donc c'est Bernard Ricard, c'est Nestlé, il y a eu Procter & Gamble.
22:46 Qu'est-ce qu'on retient du message de ces entreprises
22:50 qui continuent quand même d'afficher des hausses de prix ?
22:52 Je veux dire, globalement, Procter, c'est encore 7% d'hausses de prix sur le trimestre,
22:57 et des baisses de volume, alors des volumes en baisse, mais autour de 1%.
23:03 - Alors, dans le Consumer Goods, les volumes sont en baisse depuis plusieurs trimestres,
23:06 avec une composante d'inflation qui reste importante,
23:09 et donc on sent bien qu'aujourd'hui, les sociétés sont un peu préoccupées
23:13 parce qu'elles se doutent bien que, certes, l'inflation va ralentir,
23:16 mais il faut que les volumes tiennent jusqu'à un certain moment,
23:18 parce qu'une des questions qui se posent, c'est le retour des promotions massives.
23:21 Pour l'instant, on ne l'a pas tellement vu,
23:23 mais c'est un peu ce qui reste un petit peu en ligne de mire,
23:25 parce que quand on voit les résultats de Nestlé ce matin,
23:27 les chiffres d'affaires, ils étaient plutôt assez corrects.
23:29 Ils anticipent une amélioration de la croissance organique sur les prochains trimestres.
23:33 Les catégories clés, notamment le café et les pet food,
23:39 les aliments pour animaux, se portent plutôt bien, et pourtant la bourse est déçue.
23:43 Donc, elles se disent que, peut-être,
23:45 elles se disent que probablement, les ambitions de la société vont être révisées,
23:47 parce que l'environnement concurrentiel va être plus dur.
23:50 Mais on ne peut pas dire que c'est matérialisé dans ce qu'on a vu ce matin.
23:53 Procter a été plutôt effectivement très bon.
23:55 Maintenant, quand on est dans la consommation plus discrétionnaire,
23:59 plutôt mid-cap, visiblement, on entend dire, même si ce n'est pas coté,
24:03 que dans tout ce qui est le bricolage, la rentrée est extrêmement difficile.
24:07 Castorama, ENCO, on voit que dans le vêtement...
24:10 Oui, c'est le patron de Castorama, je crois, dans une interview, il n'y a pas trop longtemps, que j'ai lu.
24:13 Il y a un vrai trou d'air.
24:14 Éclatement de la bulle. La bulle bricolage a éclaté.
24:17 Il y a un trou d'air dans le vêtement.
24:19 On voit qu'il y a même beaucoup de sociétés qui sont en faillite. C'est difficile.
24:21 Dans FNAC et compagnie, il y a quand même une vraie baisse.
24:24 Donc le consommateur fait des arbitrages.
24:27 L'hôtellerie-tourisme, pour l'instant, ça tient.
24:30 Ça tient en volume et les prix sont incroyables.
24:35 Il faut bien comprendre aussi que tous ont des bilans extrêmement tordus par le Covid.
24:40 Parce que même s'ils ont retrouvé les...
24:42 En gros, en volumétrie, en nombre de lits vendus, on est quasiment au niveau d'avant le Covid.
24:48 En valeur, on est plutôt 20% au-dessus parce que les prix ont beaucoup monté.
24:52 Mais tous, ils ont des bilans qui sont passés en moyenne de 2 fois les bid'as à 4 ou 5.
24:57 Parce que même si on les a aidés, ils ont une montagne de dettes à rembourser.
25:00 Donc pour l'instant, il y a une discipline de prix qui est forte.
25:04 Parce qu'ils n'ont pas le choix.
25:06 Le risque, c'est si la croissance commence à plafonner,
25:09 est-ce qu'ils ne vont pas devoir commencer à faire des baisses de prix pour remplir les chambres ?
25:14 Et avec des niveaux de levier comme cela, ça peut faire mal.
25:16 C'est le danger. C'est le danger.
25:17 Pour l'instant, ça tient. Mais on a eu un effet rattrapage.
25:19 Et donc les prochains semestres seront quand même à...
25:22 Moi, je serai un peu prudent sur ce secteur en tout cas.
25:24 Maintenant, disons que la conso, c'est quand même la vraie question.
25:27 Puisqu'on voit que du côté de l'investissement, il y a pas mal d'aides.
25:30 La transition énergétique, qu'on le veut ou non, elle va bien devoir continuer d'une certaine façon.
25:35 Donc le risque, il est plutôt du côté de la consommation.
25:38 Parce que même si les prix baissent, on sent aujourd'hui que les consommateurs sont obligés de faire des arbitrages.
25:43 Et ça, on voit bien que c'est un secteur qui souffre.
25:46 Effectivement, il y a le cas de Pernod aujourd'hui qui avait beaucoup, beaucoup baissé.
25:49 Oui, Rémi Cointreau, Pernod, ça avait beaucoup baissé.
25:51 On avait vu que dans les annonces de l'IMH, notamment, ce qui baissait le plus, c'était la partie Wine and Spirit.
25:56 Donc on sait que, etc.
25:57 Et puis là, en fait, il y a quand même un début de...
26:00 C'est aussi des secteurs où il y a beaucoup de stockage, déstockage.
26:03 Donc là, on sent qu'il y a un petit début de restockage en Chine.
26:06 Donc il y a un petit rattrapage.
26:07 Mais je pense qu'il faut rester prudent.
26:08 Et puis s'il y a un secteur aussi où je suis assez circonspect, on va dire c'est l'automobile.
26:13 Parce qu'on sort de très bonnes marges suite au rattrapage de la production qui était en retard.
26:19 Mais on voit que les véhicules électriques, il y a des chiffres un petit peu décevants.
26:22 Parce que ça reste cher, en fait, pour les consommateurs.
26:25 Et puis, j'ai quelques sources anecdotiques.
26:27 On a de dire que les stocks s'accumulent sur les parkings des urbines.
26:31 Et ça veut dire peut-être que...
26:33 C'est ce que le risque que souligne Elon Musk pour revenir au taux.
26:37 Il dit "attention", parce qu'à un moment, les taux, ça va empêcher les gens d'acheter des voitures.
26:41 Disons "attention au stock, attention au solde" dans un certain nombre de secteurs
26:45 où finalement les marges pourraient être sous pression.
26:47 Je pense que c'est ça qui préoccupe le marché aujourd'hui.
26:49 Qu'est-ce qu'on peut dire sur le plan macro de l'état des lieux de la consommation et du consommateur ?
26:54 Qui va retrouver, quoi qu'on en dise quand même, sur le plan macro-économique ?
26:57 - Poids d'achat. - Ben oui.
26:59 Ben non mais enfin, c'est des progressions de poids d'achat de 1% par trimestre, là peut-être devant nous, en France et en Europe.
27:06 - Il en a quand même perdu pas mal aussi. - Il en a perdu pas mal depuis 2-3 ans, certes.
27:09 Donc il y a cette perte, effectivement, on va voir si elle sera compensée par le surplus de pouvoir d'achat
27:14 que la baisse d'inflation et les tensions sur les salaires permettront.
27:18 Ce que ça m'inspire, effectivement, c'est que là on voit clairement, les biens de consommation durable, ça baisse.
27:24 Les biens de consommation tout court, ça baisse, effectivement.
27:26 Les services, ça tient. On parlait de Netflix tout à l'heure, l'hôtellerie, ça tient.
27:30 Donc tout ceci, ça reste encore la galaxie des services.
27:33 Et on le voit dans les chiffres macro, il suffit de regarder, donc, dépenses de consommation dans les services
27:37 et dans les biens de consommation durable, c'est maintenant le grand écart.
27:40 Donc du coup, la macro et la micro, elles sont assez cohérentes.
27:45 On a deux pans de l'économie qui se comportent radicalement différents.
27:49 Le consommateur arbitre. Aujourd'hui, il a saturé sa consommation sans doute de biens durables.
27:53 De services, pas trop, et donc du coup ça continue.
27:56 Après, finalement, ce qu'on peut dire sur l'aspect conso, pouvoir d'achat, oui.
28:06 Alors, il y a aussi la question de l'épargne qui est le corollaire, finalement.
28:10 Alors, en fonction de la métrique que l'on utilise, etc., ou de la méthode qu'on utilise aux Etats-Unis,
28:15 l'excess saving dont on a beaucoup parlé, etc., il est disparu, c'est fini.
28:20 Donc, il n'y en a plus. Et donc là, on se dit, ça y est, patatras, ça va effectivement mal se passer.
28:25 En fait, en réalité, il y a quand même un argument qui est quand même assez fort.
28:28 C'est combien ça représente ça sur, finalement, le montant de consommation des ménages ?
28:32 Assez peu, au fond. Et donc, ce petit boost marginal qui était là,
28:36 qui a bien aidé les consommateurs à passer le cap à l'inflationniste, il n'est plus là.
28:39 Les salaires montent. Bon, au fond, on se dit, pourquoi est-ce que la croissance américaine baisserait,
28:43 sachant que le principal moteur, lui, finalement, n'est pas sujet, finalement, à trop de turbulences.
28:48 L'inflation se calme, si elle se calme, bien sûr, et les salaires, finalement, continuent d'être sous pression.
28:52 Bon, au fond, la conso, tout va bien. Et donc, quand on est dans ces situations,
28:58 on va continuer, effectivement, à privilégier les secteurs qui sont, là aussi, exposés sur cette thématique
29:05 services, principalement, puisque c'est là où on voit qu'effectivement, il y a encore des arbitrages qui se font
29:09 d'un point de vue "comment j'alloue, effectivement, mon marché, mon budget, exactement".
29:13 Et il ne faut pas négliger, par ailleurs, alors là, l'effet richesse aux États-Unis, il est très négatif,
29:19 donc ça aussi, il faudra le surveiller, mais il y a quand même un effet richesse aussi qui,
29:22 on a parlé des prix des immobiliers, du secteur immobilier, les prix des immobiliers repartent aux États-Unis à la hausse.
29:27 Et donc ça, aussi, ça contribue à l'effet richesse.
29:30 - Un mot rapide, Alain ?
29:32 - Oui, sur l'inflation aux USA, il faut rappeler aussi qu'elle n'est pas forcément calculée comme chez nous
29:36 et qu'elle inclut notamment les loyers. - Oui, et des faux loyers, quoi.
29:39 - Les loyers fictifs que les gens ne se payent pas, donc ceux qui...
29:42 - Avec des loyers fictifs, c'est...
29:44 - Si on prend l'inflation hors loyer que les gens ne se payent pas, quelque part, pour la classe moyenne, en fait,
29:49 l'inflation réelle, par rapport à leur pouvoir d'achat, est plus faible.
29:53 Donc ils sont moins pénalisés que les chiffres d'inflation officielle le suggèrent.
29:56 - Non, mais expliquez... - En tout cas, pour les gens qui sont milieux...
29:58 - Il y a deux mondes, mais si on prend le cas d'un Américain qui n'a pas eu besoin d'acheter de voiture d'occasion, par exemple,
30:03 et qui est propriétaire de son logement, c'est sûr qu'il n'a pas du tout vécu, et qui a un salaire et un travail,
30:09 il n'a pas du tout vécu la même inflation que quelqu'un qui doit payer un loyer,
30:13 qui a dû, en urgence, acheter une ou deux voitures d'occasion parce qu'il fallait aller travailler un peu plus loin, etc., etc., quoi.
30:20 - Non, non, mais... - C'est...
30:22 - ...dichotomie, effectivement, de situation.
30:25 - Si on en vient au marché, à l'allocation d'actifs, Paul,
30:29 la question étant comment battre le cash, hein, donc un an aux États-Unis, c'est 5,5%, je crois, de rendement aujourd'hui.
30:37 Est-ce qu'il y a d'autres idées autour du cash, quand même ?
30:42 J'imagine que le cash, tout le monde est content d'en avoir un peu, ou plus ou moins, aujourd'hui.
30:47 Mais qu'est-ce qu'on peut faire d'autre dans une allocation d'actifs ?
30:49 Et partant d'une poche de cash, est-ce qu'on a envie, quand même, de regarder un peu de la duration, par exemple ?
30:55 - D'abord, je suis au maximum dans le cash. - Max cash.
30:59 - Oui. - C'est combien à peu près sur un...
31:01 - Le max que je me permets, moi-même. - Oui, voilà.
31:04 - Donc ça, c'est quelque chose avec une duration assez courte.
31:08 Aussi, bank loans, donc les prêts à effet lévié, je suis aussi surpondéré
31:15 parce que le taux sur ces prêts ou sur ces produits sont plus ou moins au plus haut depuis le début des années 90.
31:31 En fait, les indices n'existaient pas avant ça.
31:33 Mais ils sont assez élevés et je trouve qu'il y a une protection contre les défauts qui sont en train de remonter.
31:42 Donc, bizarrement, dans une période où on commence à imaginer que les banques centrales peuvent descendre les taux,
31:50 peut-être dans 12 mois, normalement, on préfère la high yield que les bank loans.
31:56 Mais aujourd'hui, je trouve que je préfère les bank loans.
32:02 Le credit investment grade, je préfère ça au high yield et aussi à la dette souveraine.
32:10 Mais je dois dire, avec les taux longs qui grimpent côté dette souveraine, ça devient de plus en plus intéressant.
32:20 Si on veut regarder quelque chose de plus risqué, j'ai une légère surpondération dans l'immobilier.
32:29 - Ah ! Lequel ? Parce que « immobilier », ça veut dire beaucoup de choses.
32:33 - Mais je veux dire, d'abord, il y a beaucoup de problèmes. On voit bien, avant la pandémie, il y avait le problème côté retail.
32:42 Pendant la pandémie, il y a maintenant les problèmes pour l'allocation des bureaux.
32:49 Donc, il y a pas mal de problèmes. Mais je trouve que ça, quelque part, c'est dans le prix.
32:54 Parce que la différence entre le rendement sur les RIT et le marché actions dans l'ensemble, c'est assez large.
33:03 Donc, quelque part, les problèmes sont déjà dans le prix.
33:08 Et je dirais, c'est un peu partout. En termes régional, mes choix sont probablement les US et, bizarrement, le Royaume-Uni.
33:24 Tout le monde parle des problèmes de financement dans le real estate. Mais on parle de ça depuis des années.
33:34 Donc, si ce problème n'est pas dans le prix, on est tous des fous.
33:38 - C'est que le marché a mal fait son travail. Je comprends.
33:40 - Oui, on parle de ça depuis toujours. Ailleurs, j'aime bien les actions chinoises.
33:49 - Ah !
33:50 - Mais je le dis toujours.
33:52 - Ah bon ?
33:53 - Non mais...
33:54 - Ça fait longtemps que je n'ai pas eu quelqu'un qui m'a dit ça autour de cette table, Paul. Allons-y sur les actions chinoises.
33:59 - C'est une classe d'actifs qui est détestée. Mais c'est pour ceux raisons-là que les prix sont aussi bas.
34:06 Les actions américaines, indiennes, tout le monde les aime, les adore. C'est pour ça qu'elles sont très chères.
34:15 Et, historiquement, on voit toujours que si on achète quelque chose qui est très cher,
34:21 le retour sur investissement sera négligeable, probablement négatif sur le moyen et long terme.
34:27 - Donc plutôt envie d'être contrariant, quand même, ici et là. Immobilier, actions chinoises,
34:32 même si, effectivement, il n'y a pas encore de signal très fort, c'est quand même plutôt là,
34:37 sur des visions moyen-long terme, que vous avez envie de vous positionner.
34:40 - Les actions, dans l'ensemble, je suis sous-pendéré.
34:43 - Oui, je comprends.
34:45 - Mais si j'avais un choix à faire, ce serait...
34:48 - Oui, action chinoise.
34:49 - ...en machine, parce que là, je trouve que ce n'est pas du tout cher.
34:52 - Ah, Brook ?
34:54 - Ça va être très surprenant. Nous aussi, on a augmenté de manière très substantielle notre poche de cash.
35:00 Donc, ça, ce n'est pas non plus une surprise. Et ça, c'est la conséquence de la réduction de la duration.
35:04 Alors, c'est plutôt un réaménagement. En gros, on a vendu une partie de nos expositions sur le long.
35:11 Ça n'a pas été du tout un mauvais choix, bien au contraire. Et on a privilégié le cours.
35:17 On va devoir faire attention, là aussi, au cours, parce que, comme on l'a dit tout à l'heure,
35:20 ce dernier commence aussi à montrer quelques signes...
35:22 - Ça rebouge.
35:23 - Exactement, ça rebouge. Donc, bon, ça rebouge beaucoup moins.
35:26 Et en duration, effectivement, on n'est pas non plus... On arrive quand même à limiter les pertes.
35:30 Non, alors nous, sans surprise, encore une fois, ce qui a bien résisté,
35:35 et ça, c'est un effet technique aussi de rareté du papier, notamment dans la partie high yield,
35:40 fait qu'il y a assez peu d'émissions, il y a une demande qui est là, une recherche de rendement, en quelque sorte.
35:45 Et donc, finalement, on a, sur ce segment de marché, alors nous, on est plutôt européens,
35:51 une classe active qui s'est plutôt bien comportée, qui, comparativement à l'investment grade,
35:56 finalement, a assez bien résisté. Donc, finalement, on a continué à être exposés là-dessus.
36:00 Et puis, bien évidemment, le sample éternel, action américaine, puisque là, de toutes les façons,
36:04 ce n'est pas une surprise, on a réduit nos expositions partout, Europe, Asie, Chine...
36:10 - Sauf aux États-Unis.
36:11 - Sauf aux États-Unis, puisque de toutes les façons, qu'est-ce qui va se passer ?
36:14 Si jamais, effectivement, la croissance va mal, bon, on va avoir des anticipations de baisse de taux,
36:17 ça va profiter, effectivement, au segment de croissance.
36:19 Et si, finalement, la croissance va bien, ça profite au segment de croissance,
36:22 puisque la croissance ira bien.
36:23 Donc, non, mais le pire, c'est qu'aujourd'hui, à un moment donné,
36:26 quand on regardait, même début septembre, comment étaient orientés les indices d'action,
36:29 en fait, ils sont pro-croissance.
36:31 Même avec des taux réels qui sont à 2,5, où tout le monde prophétisait une catastrophe...
36:34 - Alors, c'est très... Moi, c'est vrai que ça se vérifie.
36:38 Aux États-Unis, le "steed growth" surperforme, Nasdaq est à +30,
36:42 avec des taux réels... - On vient de décrire des taux réels.
36:46 - En Europe, c'est plutôt la value qui surperforme.
36:49 - Alors, il y a un bien value aussi.
36:50 - Oui, mais de part et d'autre de l'Atlantique, il y a quand même des...
36:53 - Chaque dynamique. - ...des performances de style très différentes.
36:57 - Radicalement différentes, en effet.
36:58 Donc, du coup, on se dit, l'Europe, bon, il y a quelques soucis à gérer, d'abord.
37:03 On n'en y voit pas trop clair.
37:04 Et puis, il y a un effet aussi dollar.
37:06 Enfin, c'est-à-dire qu'en gros, le dollar aussi pousse, en quelque sorte.
37:10 On pense que le dollar va rester à ces niveaux-là.
37:12 Il y a assez peu de chances, pour les raisons que vous avez évoquées, par ailleurs.
37:15 Il y a peu de facteurs de croissance, enfin de soutien à la croissance européenne
37:18 qui vont pousser la devise européenne.
37:19 Donc, globalement...
37:20 - Donc, Nasdaq, cash et pétrole, peut-être, voilà.
37:23 Puis, ça fait un portefeuille.
37:25 - Non, alors, pétrole, non.
37:26 - Non, mais bon, l'idée, l'Amérique latine, effectivement, on aime bien.
37:30 On a juste un peu réduit nos expositions.
37:32 Mais comparativement aux autres marchés, actions, on est plutôt exposé là-dessus.
37:36 - Alors, complément à ce qui a été dit.
37:37 Alors, nous, historiquement, on était très, très, très peu dans le fixed income.
37:41 Donc, on y revient progressivement.
37:43 C'est un peu pénible, mais on pense qu'il y a du rendement et qu'il faut continuer.
37:46 Donc, on évite quand même le high yield parce qu'on est plutôt partisan d'un ralentissement économique.
37:51 Donc, on pense qu'il y aura des risques.
37:53 - Les spreads sont trop serrés, du point de vue là ?
37:55 - Justement, pour l'instant, le high yield a trop bien tenu, je trouve.
37:58 Et donc, si le ralentissement, qu'on redoute un peu, mais qui va arriver, se confirme,
38:04 le high yield va se comporter comme les marchés actions.
38:06 Et donc, on préfère de l'investment grade qui offre aujourd'hui un très bon rendement.
38:10 - Maintenant, sur les actions, on a une approche, je dirais, effectivement,
38:14 la croissance type technologique, disruptives, ça, on reste assez convaincu,
38:19 notamment aux États-Unis.
38:21 Ensuite, côté Europe, on est un peu plus prudent,
38:25 mais effectivement, sur des points comme les foncières, notamment les foncières cotées,
38:30 et pas les SCPI.
38:31 - Non, non, non, non, non. - Les foncières cotées, non, non, non, bien sûr.
38:34 On parle presque encore de face value.
38:35 - L'immobilier en bourse.
38:36 - L'immobilier en bourse qui, lui, déjà, a des décodes de 40 ou 50%.
38:39 Rappelons quand même que dans cet environnement où les gens ont moins envie d'acheter, ils louent.
38:43 Donc, les loyers rentrent.
38:44 En tout cas, dans le résidentiel, clairement, ils rentrent.
38:46 Et ça, il n'y a pas de problème de ce côté-là.
38:48 Dans le bureau, c'est moins clair, en effet.
38:50 Donc, il faut être plus segmenté, plutôt centre-ville que périphérie.
38:54 Et dans le commerce, effectivement, ça fait déjà 10 ans que le commerce souffre.
38:59 Il a encore plus souffert avec le Covid.
39:02 Et maintenant, on peut dire que ce n'est pas extraordinaire,
39:04 mais la situation se stabilise un petit peu.
39:06 Et puis, les valorisations le reflètent également.
39:09 Donc, aujourd'hui, on a des foncières cotées qui sont à -40, -50.
39:12 On n'a pas d'inquiétude sur les comptes de résultats.
39:15 Les bilans en photo, ça va.
39:18 En dynamique, c'est moins clair parce qu'il va falloir quand même que le marché se fluidifie
39:22 pour qu'il puisse faire tourner les portefeuilles et ne pas avoir des refinancements trop coûteux.
39:26 Ça nécessitera, je pense, une baisse des prix, probablement, selon les segments, entre 5 et 25%.
39:32 Mais à la limite, compte tenu des niveaux de valorisation aujourd'hui,
39:35 je préférais avoir des prix qui baissent de 20% et qu'il y ait une liquidité retrouvée
39:39 qu'attendre définitivement.
39:41 Mais toujours est-il qu'on est sur des points où déjà, je pense, lorsque les taux vont commencer à baisser,
39:47 c'est un secteur qui se regarde.
39:49 Il ne va pas forcément avoir des très bien-vives dans les 2-3 prochains mois,
39:53 mais on est sur des niveaux d'entrée, effectivement.
39:54 Oui, bien sûr. Et puis, tout le monde a en tête, c'était le début de la discussion,
39:59 au-delà de 5%, on verra combien de temps les taux longs peuvent rester au-delà des 5% aux États-Unis.
40:04 Ce sera toute la question.
40:06 Higher for longer, ça ne veut pas dire higher forever.
40:08 C'est ce qu'on m'a dit cette semaine.
40:11 Merci à vous trois. Merci d'avoir été les invités de Planète Marché ce soir.
40:14 Alain Dubreuil, Claresco, Paul Jackson, Invesco, Emma Bruchetouan, Natixi CM.
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