Nadia Maaref est Directrice de la Surveillance Maritime de CLS depuis 2018. Après l’obtention d’un diplôme d’ingénieur à TélécomSud Paris, Nadia se spécialise en obtenant un Master sur les systèmes de télécommunication haute fréquence, puis un doctorat sur les radars. Ensuite à l’ONERA (l’Office National d’Etudes et de Recherches Aérospatiales), au sein du Département électromagnétisme et radar, en tant que chercheure, Nadia va poursuit son parcours sur le traitement du signal radar en milieu urbain.
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00:08 Je m'appelle Nadia Maref, je suis directrice de la sécurité maritime
00:19 dans un groupe spatial international qui s'appelle CLS Collect Localisation Satellite.
00:26 Alors quel a été votre parcours d'étudiante ?
00:31 Alors mon parcours d'étudiante est assez classique pour un ingénieur.
00:35 J'ai fait les classes préparatoires Mathub-Matspé au lycée Pierre de Fermat à Toulouse,
00:42 juste après mon bac, et ensuite j'ai fait une école d'ingénieur en télécommunications,
00:47 Télécom Sud Paris, en région parisienne, pendant trois années.
00:52 À la fin de mon école d'ingénieur, j'ai fait un double diplôme avec un master de recherche
00:57 à l'université de Paris-Est, parce que je voulais me diriger vers la recherche,
01:02 et c'est ce que j'ai fait, puisque après j'ai fait un doctorat en électronique,
01:06 sur les radars plus précisément.
01:10 Très bien. Alors quel a été votre parcours professionnel ?
01:15 Alors mon parcours professionnel, il s'est divisé je dirais en deux étapes, pour le moment,
01:20 puisqu'il n'est pas fini. Donc mes trois premières années, après la thèse,
01:24 j'ai fait de la recherche, ce qui était logique pour un docteur.
01:28 Donc j'ai fait de la recherche dans le privé et dans le public, j'ai travaillé pour une boîte
01:32 qui est un constructeur aéronautique qui s'appelle Rockwell Collins à Toulouse,
01:35 mais c'était sur les radars maritimes, donc c'était une activité un peu à part pour Rockwell Collins.
01:40 Et j'ai aussi travaillé deux années en tant que chercheur à l'ONERA,
01:43 qui est l'Office National d'études et de recherche aéronat spatiales,
01:46 qui est l'endroit où j'avais fait ma thèse initialement, et dans lequel je suis retournée
01:51 faire de la recherche en tant qu'ingénieure de recherche pendant deux années
01:54 sur la thématique des radars urbains.
01:57 En quoi ça consiste les radars urbains ?
02:00 Alors les radars urbains, ça consiste à pouvoir détecter des personnes, des objets,
02:06 dans un milieu urbain. Donc on met plein de capteurs partout dans la ville
02:10 pour pouvoir détecter tout ce qui s'y passe à distance.
02:14 C'était la thématique aussi de ma thèse, qui était plus focalisée sur les radars
02:19 pour voir les personnes à travers les murs. C'était assez passionnant.
02:24 Alors avez-vous une rencontre particulière durant votre parcours d'étudiante ou professionnelle
02:31 qui vous a influencées pour devenir, pour vous orienter sur une carrière liée au spatial ?
02:38 Oui, alors je ne dirais pas que j'ai eu une seule rencontre,
02:42 parce que finalement je pense que nos carrières professionnelles,
02:46 c'est le fruit d'aspirations profondes qu'on amène tous en nous, notre bagage,
02:50 et ensuite des hasards de la vie et de ce qu'on en fait.
02:54 Je dirais juste que mon arrivée dans le spatial se résume à trois événements, je dirais.
03:01 Le premier, c'est mon attrait pour l'high tech.
03:04 C'est quelque chose qui m'a toujours passionnée depuis toute petite.
03:08 Et ça, je pense que je l'ai de mon éducation, parce que mon papa était chercheur
03:12 et que du coup j'ai toujours été bercée dans l'ambiance scientifique, je dirais,
03:16 même si finalement je ne fais pas de la science fondamentale.
03:20 Ensuite, Toulouse, qui est le berceau du spatial, c'est aussi une ville qui m'a beaucoup...
03:25 finalement ce n'est pas une rencontre, mais c'est une ville qui a beaucoup influencé
03:29 ma carrière professionnelle, vu que j'y suis passée pour la prépa,
03:32 j'y suis retournée pour ma thèse, et donc finalement, quelque part,
03:36 on est obligé de finir son environnemental dans le spatial,
03:40 quand on aime l'high tech en tout cas à Toulouse.
03:43 Et ensuite, je pense que le dernier élément, c'est finalement le maritime.
03:48 Ce qui est très bizarre quand on parle de spatial, mais c'est vrai que mon attrait pour la mer
03:53 et pour l'envie de l'observer finalement, m'a obligée à prendre de la hauteur
03:59 via les satellites pour pouvoir l'observer, puisque c'est des étendues tellement gigantesques
04:05 que finalement, seul le satellite peut permettre d'atteindre cet objectif de surveiller les océans.
04:11 - Alors pouvez-vous nous présenter CLS ?
04:17 - Oui, alors CLS, on aime bien dire à CLS qu'on est la vigie de la planète.
04:22 Plus concrètement, CLS est spécialiste dans les services à base de données satellitaires
04:28 pour coupler à du logiciel et de la data science,
04:32 pour gérer durablement les ressources de la planète et surveiller l'état de la planète.
04:37 Donc c'est ce qu'on fait au quotidien dans les différentes branches d'activité de CLS,
04:43 c'est utiliser le spatial pour le bien de la planète.
04:46 - En quoi consiste le métier de directrice de la sécurité maritime ?
04:52 - Alors, à CLS, on a cinq centres d'activité, je dirais.
04:58 La sécurité maritime en fait partie, ensuite il y a aussi environnement et climat,
05:02 gestion de la pêche, énergie et mines, suivi des mobiles terrestres.
05:08 Et donc à la sécurité maritime, on traite avec les différentes autorités maritimes
05:15 pour surveiller les activités illégales en mer, avec des données satellites ou des drones d'ailleurs.
05:20 Et donc en tant que directrice, mon travail c'est de gérer ce centre de profit pour la boîte
05:25 qui correspond à peu près à une quarantaine de personnes.
05:28 Et finalement, c'est une activité qui est assez diversifiée et coûte aux Suisses
05:34 parce que finalement on gère autant les aspects financiers, les aspects humains bien sûr,
05:38 l'innovation liée à ce marché en concret, le business development, les opérations.
05:45 Donc finalement, on touche à peu près à toute la chaîne de valeur de ce qui fait une entreprise privée.
05:50 Donc on est comme des sous-entreprises qu'on doit gérer au quotidien.
05:54 C'est une petite startup de 40 personnes je dirais.
05:57 Au sein de CLS, la filiale du Centre National d'Études Spatiales et de la Compagnie Nationale à Portefeuille,
06:05 pouvez-vous nous citer deux à trois projets que vous développez actuellement ?
06:10 Oui, alors je ne parlerai pas de projet, je parlerai plutôt de service,
06:14 puisque on est fournisseur de service.
06:17 Et donc si je peux vous donner des exemples pour que ça parle à tout le monde,
06:22 c'est ce qu'on fait finalement dans la business unit sécurité maritime.
06:26 À l'échelle française, depuis un an, on fournit un service à la Marine Nationale
06:32 pour la surveillance des activités en mer.
06:36 Donc c'est un support à la Marine Nationale pour son rôle d'action de l'État en mer,
06:40 donc tout ce qui est surveiller les activités en mer diverses et variées,
06:44 tout ce qui se passe dans la Z2 française, en métropole et en outre-mer.
06:48 Donc au jour le jour, on analyse des images satellites et on fusionne ça
06:52 avec d'autres données d'origine spatiale et d'origine non spatiale,
06:55 des bases de données de bateaux, des photos de navires, etc.
06:59 pour donner une idée de ce qui se passe à la surface de la mer.
07:02 Et ça on le fait jour après jour, on a une équipe d'analystes
07:06 qui fait ce travail en support à la Marine Nationale,
07:09 donc on est en contact avec eux tous les jours.
07:11 Ensuite, à l'échelle européenne, on a d'autres types de projets ou de services.
07:16 Par exemple, on est le premier service provider de l'Europe
07:20 pour la surveillance des pollutions par hydrocarbures sur l'eau.
07:24 Vous savez, les bateaux, de temps en temps, c'est illégal,
07:27 mais ils déchargent des pollutions au niveau des océans.
07:33 Et donc ça, l'Europe a mis en place un service opérationnel H24
07:38 qui permet avec des images satellites de surveiller la surface des eaux européennes
07:44 pour détecter les navires qui font ce type de décharge illégale hydrocarbure
07:47 et ensuite aller en mettre une amende si jamais le fait est avéré.
07:54 Et donc ça, c'est quelque chose qu'on fait aussi de manière H24
07:57 avec notre équipe opérationnelle qui analyse des images.
08:00 Tous les jours, on analyse 9000 par an des images satellites
08:04 qui font plus de plusieurs centaines de kilomètres de côté,
08:08 c'est un carré, qui couvrent la surface de la mer.
08:11 Et on détecte avec ça des pollutions avec une très grande précision.
08:16 Alors, quels sont les enjeux de CLS en France et en Europe ?
08:23 Alors, en France, notre grand enjeu, je dirais, qui est un enjeu RH, c'est de recruter.
08:30 Alors ça, peut-être qu'il y a des gens qui vont nous écouter,
08:32 ce rencontrant content de l'apprendre.
08:34 On est dans une phase très, très forte de recrutement pour accompagner notre croissance.
08:40 On recrute beaucoup de profils tech, finalement, avec des ingénieurs logiciels,
08:46 des spécialistes en machine learning, des systèmes de calcul, du cloud,
08:50 la gestion de bases de données, du développement informatique en tout genre,
08:53 front, bac, etc.
08:55 Et aujourd'hui, on a une dizaine de postes ouverts sur le site de CLS
08:59 pour recruter des hommes et des femmes qui sont prêts à rejoindre l'aventure CLS.
09:05 Et pourquoi je le mets dans les challenges ?
09:07 Parce qu'aujourd'hui, je pense que le recrutement pour toutes les entreprises de la tech,
09:11 c'est un vrai enjeu afin de réussir à attirer les bons profils pour accompagner la croissance,
09:19 parce que finalement, une entreprise, c'est surtout fait d'hommes et de femmes qui la développent.
09:24 Et donc, aujourd'hui, le recrutement est un enjeu à l'échelle surtout française,
09:27 puisque c'est là qu'on a le plus de recrutement.
09:29 Ensuite, à l'échelle internationale plus qu'européenne, je dirais,
09:32 vu qu'on est un groupe international, on est présent sur plus de 25 pays dans le monde,
09:37 c'est l'export.
09:39 Donc aujourd'hui, on génère 80% de notre chiffre d'affaires en dehors de la France,
09:44 ce qui est quand même impressionnant pour un groupe français.
09:47 Mais on veut toujours faire plus, parce que comme on s'intéresse beaucoup à la mer,
09:52 finalement, on s'intéresse à tous les pays qui ont une ZEE maritime.
09:58 Essentiellement, on fait aussi du terrestre.
10:00 Mais donc, notre but, c'est de beaucoup développer les activités à l'export
10:04 via nos différentes filiales et aussi dans les pays où on n'a pas de présence géographique.
10:08 Donc, je dirais l'export et le recrutement.
10:10 Aujourd'hui, nous vivons incontestablement un âge d'or du spatial et des nouvelles technologies,
10:17 avec notamment des récoltes de données par satellite de plus en plus précises,
10:23 mais aussi de plus en plus importantes du point de vue de la quantité.
10:28 Alors, en parallèle, nous vivons incontestablement de grandes crises liées à l'environnement.
10:36 Comment agir avant fin de préserver la terre, les océans, l'environnement,
10:41 sans qu'il ne soit trop tard ?
10:43 Dit autrement, les services satellitaires que propose CLS et l'ensemble des données récoltées
10:50 nous permettent-elles d'agir, d'avoir un pouvoir d'action sur les crises environnementales ?
10:58 Oui, alors en fait, c'est notre quotidien, j'ai envie de dire.
11:01 C'est ce qu'on fait tous les jours.
11:03 On agit pour le bien de la planète.
11:05 Je vais vous citer quelques exemples, mais aujourd'hui, pour vous donner un ordre de grandeur,
11:09 on dispose de plus de 3 pétaoctets de données qu'on appelle le carnet de santé de la planète,
11:15 qui sont des données historiques et des données en temps réel,
11:18 voire même des données modélisées pour le futur,
11:20 qui concernent l'état de la planète de manière générale.
11:23 À CLS, on travaille sur différentes choses concrètes qui impactent directement
11:28 notre connaissance de l'environnement, le réchauffement climatique,
11:31 et comment est-ce qu'on peut agir.
11:32 Par exemple, tous les jours, on mesure le niveau de la mer.
11:37 Ce sont des ingénieurs de CLS qui font ce travail-là.
11:40 Vous voyez, quand vous avez la courbe qu'on montre à la télé avec le niveau des océans,
11:44 ce sont des ingénieurs de CLS qui calculent tous les jours cette courbe.
11:47 On permet de suivre cette problématique de montée des eaux de manière très concrète.
11:53 Ensuite, on équipe différents animaux, différentes espèces animales de capteurs
12:00 qui nous permettent de les suivre par satellite partout où ils vont.
12:03 Cela permet aux scientifiques d'apprendre leurs flux migratoires,
12:07 la façon dont ils interagissent avec leur écosystème,
12:11 et cela permet d'anticiper les effets du réchauffement climatique sur les espèces animales.
12:16 Ensuite, dans la BU Sécurité Maritime, vu qu'on en a parlé,
12:19 on lutte tous les jours contre la pêche illégale,
12:21 puisqu'on essaie de détecter les navires qui sont en infraction dans les différentes zones du globe
12:27 pour la pêche illégale ou pour toute autre activité illégale en mer.
12:30 Je vous ai donné l'exemple de la pollution maritime.
12:35 On détecte les pollutions par hydrocarbures,
12:37 mais on a aussi des projets qui permettent le monitoring des plastiques en mer,
12:43 pareil, par des données satellites.
12:45 Donc, tous ces services-là, toutes ces activités-là,
12:48 c'est ce qui permet demain à tout un chacun de savoir tout ce qu'on a à savoir sur l'état de la planète,
12:55 de faire des activités de prévention pour éviter des catastrophes naturelles, par exemple,
13:01 mais aussi d'agir en cas de catastrophe ou en cas de dégazage ou d'activité illégale
13:06 qui impactent tous les jours l'état de notre planète et sa santé.
13:10 Alors, que conseillez-vous aux jeunes filles et garçons intéressés par les métiers liés à la sécurité maritime ?
13:20 Je leur conseille d'y aller s'ils sont intéressés.
13:24 De manière plus générale, je pense que dans la vie, il faut...
13:28 Excusez-moi de vous couper, parce que c'est vrai que là,
13:31 on voit concrètement des applications du spatial sur un domaine qui concerne véritablement notre époque
13:41 et qui met en évidence pleinement notre pouvoir d'action.
13:45 Et les postes qui sont liés à ça, à ces domaines-là, ne sont pas forcément connus du grand public.
13:54 Ils ne sont pas populaires, au sens...
13:56 Et c'est pour ça que je me permettais de vous couper, mais...
13:59 Vous avez raison, vous avez raison.
14:01 Je pense que les postes comme travailler à CLS, c'est des postes passion.
14:07 C'est-à-dire que quand on se réveille le matin, on est forcément passionné
14:11 par ce qu'on va faire pendant la journée de travail.
14:13 C'est très prenant, c'est un contexte international.
14:16 Je ne l'ai pas dit peut-être assez, mais pour tous ceux qui aiment aussi se tourner vers l'international,
14:21 c'est ce genre de métier qu'il faut faire.
14:23 Et de toutes les façons, je pense que le spatial est beaucoup tourné vers l'international
14:27 vu que c'est une problématique globale.
14:29 Il n'y a pas de frontières dans le spatial, comme il y a très peu de frontières en mer d'ailleurs.
14:33 Du coup, c'est des métiers très passionnants parce qu'on est vraiment tourné vers l'extérieur.
14:38 Et moi, je trouve ça très enrichissant d'un point de vue personnel.
14:41 Et ensuite, le spatial, ça allie la tech, et j'ai envie de dire la tech for good en ce qui nous concerne,
14:47 puisqu'en fait, on essaie de faire de la technologie spatiale
14:51 et tous les services logiciels qu'on y plug, des solutions pour améliorer notre futur à tous.
15:01 Donc finalement, moi aujourd'hui, je suis maman de deux enfants,
15:04 et quand je leur explique mon métier et ce que je fais,
15:07 ils ont des étoiles dans les yeux, et je pense que ça, ça n'a pas de prix.
15:10 Donc j'encourage vivement toutes les personnes intéressées par le spatial à s'y intéresser,
15:16 à faire les études qui vont bien, et puis même s'ils ne les ont pas faites,
15:19 s'autoriser à rêver et suivre leurs rêves,
15:23 et essayer de postuler à tous les postes qui les intéressent.
15:25 Moi, j'ai fait de la recherche, finalement, aujourd'hui, je suis directrice de Business Unit.
15:29 Ce n'était peut-être pas forcément la trajectoire la plus rectiligne,
15:33 mais ça marche très bien aussi.
15:35 Pour finir, les associations scientifiques et techniques sont-elles pour vous une nécessité au sein de notre société, et pourquoi ?
15:44 On en a l'exemple aujourd'hui par notre discussion.
15:48 Je pense que la vulgarisation du monde technique est quelque chose de très important,
15:54 surtout vers les plus petits, puisque c'est là que nos cerveaux se forment et que nos envies prennent vie, en fait, finalement.
16:01 Donc on a besoin d'acteurs associatifs,
16:03 d'autant que les acteurs de l'éducation, dès la petite enfance et jusqu'à l'université,
16:10 qui sont là, finalement, pour ouvrir l'éventail des choix que l'on va avoir plus tard.
16:16 Personne ne sait finalement très clairement ce qu'ils veulent faire.
16:19 Les enfants leur demandent « tu veux faire quel métier ? »
16:21 Bon, ça dépend aussi de qui ils ont croisé dans leur vie, pour leur donner des exemples.
16:25 Et donc, en ce sens, je pense que les associations ont toute leur place.
16:28 Et merci beaucoup pour ce type d'échange qui permet aussi d'exposer ce qu'on fait.
16:33 Merci.
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