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00:00 Je suis Catherine Cézarski, je suis une astrophysicienne qui a eu une carrière très internationale,
00:11 mais je suis essentiellement, surtout en France, depuis 1974.
00:19 Je n'ai pas fait que de l'astronomie, j'ai fait d'autres choses dans mon parcours.
00:24 J'ai fait de la théorie au départ et par la suite des instruments spatiaux.
00:32 Par la suite, j'ai beaucoup donné et je continue pour la construction d'infrastructures de recherche.
00:38 Très bien. Quel a été votre parcours d'étudiante ?
00:42 Mes parents étaient français, mais après la guerre, mon père s'est vu offrir un poste de diplomate à Buenos Aires
00:52 dans une période où les choses étaient très difficiles en France économiquement.
00:56 J'étais la troisième, ils avaient trois petites filles.
01:00 Moi j'étais un petit bébé, en fait j'avais deux ans et demi à l'époque.
01:03 Ils sont allés en Argentine et quand il a fini son poste de diplomate,
01:10 c'était juste une chose passagère parce que ce n'est pas du tout la carrière qu'il suivait
01:14 et il n'avait rien qu'il attendait du point de vue économique en France.
01:19 Et finalement, il est resté en Argentine où il a ouvert une librairie franco-argentine
01:23 et c'est ça qu'il a fait sa carrière comme ça.
01:26 Donc moi j'ai été élue en Argentine.
01:28 J'ai vécu en Argentine de deux ans et demi à 23 ans.
01:32 Donc même si je n'ai jamais eu de passeport argentin, je me considère franco-argentine.
01:36 Et mes études étaient donc forcément en Argentine.
01:40 Donc j'ai étudié, j'ai fait le lycée français de Buenos Aires, j'ai un baccalauréat français.
01:45 Et ensuite, j'étais à l'université de Buenos Aires pour faire des études de physique pendant cinq ans.
01:54 Niveau master, disons, j'ai fini niveau master.
01:57 C'était une très très bonne université.
01:59 J'ai reçu une formation excellente, certainement aussi bien ou mieux que n'importe où ailleurs dans le monde.
02:06 Et puis, pendant un an et demi, j'ai travaillé avec un groupe
02:13 qui construisait un radiotélescope en Argentine.
02:17 Je m'étais déjà spécialisée dans l'astronomie vers la quatrième année de mes études.
02:23 Et suite à la construction de ce radiotélescope,
02:26 elle nous a permis de rencontrer des astronomes importants de divers pays
02:31 qui sont venus quand on l'a inauguré, dont quelqu'un qui travaillait à Harvard
02:37 et qui a trouvé que moi-même et le garçon avec qui je sortais à l'époque,
02:44 il nous a trouvé intéressants et il nous a fait demander des bourses à Harvard.
02:49 Alors, entre-temps, c'est marié, mon mari, donc c'est lui qui s'appelle Cezarski,
02:54 Diego Cezarski, il s'appelait, malheureusement il est décédé.
02:58 Et nous avons obtenu tous les deux des bourses pour aller étudier à Harvard.
03:03 Donc, on a fait tous les deux un doctorat à l'université de Harvard,
03:08 c'était évidemment une chose inouïe.
03:10 Et puis ensuite, on a obtenu tous les deux des post-docs à Caltech,
03:16 California Institute of Technology,
03:18 donc vraiment dans les meilleurs, absolument meilleurs endroits,
03:21 non seulement des États-Unis mais du monde, il est bien inouï.
03:25 Et après nos deux-trois ans à Caltech, de toute façon, nos visas expiraient complètement,
03:32 on avait poussé la limite de ce qu'on pouvait faire,
03:35 parce qu'on était venu avec des visas d'étudiants.
03:38 Et on voulait rentrer en Argentine,
03:40 mais la situation politique en Argentine a fait que nous nous sommes désistés.
03:45 Et tristement, nous sommes rentrés en Californie en nous demandant ce qu'on allait faire.
03:49 Et comme on avait rencontré des Français,
03:50 on a très rapidement eu des offres pour venir travailler en France,
03:53 sans qu'on n'ait rien demandé, elles sont tombées du ciel par le biais de nos rencontres.
03:58 Et voilà, en 1974, nous sommes venus en France,
04:04 moi j'ai eu un poste au commissariat à l'énergie atomique,
04:08 et mon mari a eu un poste au CNRS.
04:12 Nous avons donc fait la suite de nos carrières essentiellement en France.
04:16 Mais donc au CEA, je n'attendais pas,
04:22 mais je me suis retrouvée gravir beaucoup d'échelons de direction,
04:27 jusqu'à franchement les plus hauts de la maison.
04:33 Et au milieu de ça, pendant 8 ans,
04:36 je suis partie diriger l'Observatoire européen austral, ce qu'on appelle ESO.
04:43 J'ai été directrice générale de 1999 à 2007.
04:49 Et puis quand je suis rentrée, j'étais au commissariat à l'énergie atomique.
04:54 Et puis après, j'ai fait des activités diverses,
04:58 et en ce moment je m'occupe de la construction du plus grand radiotélescope mondial,
05:03 qui s'appelle SKA, Square Kilometer Array.
05:08 Alors, que représente le CEA ?
05:11 Pouvez-vous nous rappeler un petit peu ce que représente le CEA,
05:14 sa fondation, sa création sous la direction notamment du général de Gaulle,
05:20 il y a plusieurs décennies bien entendu ?
05:23 C'est un très très grand organisme de recherche.
05:26 Quand il a été créé, il y avait Joliot, évidemment,
05:31 qui était la grande personnalité en France pour l'énergie nucléaire.
05:35 Donc on peut dire qu'il a inventé l'énergie nucléaire.
05:39 Beaucoup de gens l'ont inventé en même temps,
05:41 mais disons lui l'a inventé aussi, il aurait pu être l'inventeur de l'énergie nucléaire.
05:47 Et le général de Gaulle voulait avoir la possibilité d'avoir de l'énergie nucléaire en France,
05:55 et puis comme vous le savez évidemment, la bombe.
05:58 Donc nécessité de créer un CEA militaire, et puis un CEA civil pour l'énergie nucléaire.
06:07 Et avec quelqu'un comme Joliot jouant un rôle important au début,
06:13 tout le monde était conscient que ça ne pouvait pas se faire simplement en mettant quelques techniciens,
06:17 qu'il fallait de la science et de la recherche fondamentale et des avancées scientifiques.
06:21 Et donc on a créé d'emblée un organisme qui avait aussi de la recherche fondamentale,
06:27 et qui donc n'a fait que croître, on va dire depuis, je ne sais plus,
06:31 il y avait 17 000 personnes, peut-être qu'il y en a plus, maintenant il y en a plus de 20 000 au total,
06:38 et qui est divisé dans des activités.
06:43 Maintenant ça a changé de nom, quand j'étais au commissaire,
06:47 je dois dire que moi-même j'ai beaucoup poussé à ce que le CEA s'intéresse aussi aux énergies alternatives,
06:52 et le CEA a changé de nom, il s'appelle le commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives.
06:58 Donc du point de vue énergie, on étudie aussi le solaire, les batteries,
07:04 on est très en pointe dans ce genre de travaux en France.
07:08 Et il y a toujours eu un groupe qui fait de la recherche fondamentale en physique et chimie,
07:17 et puis il y a un groupe qui fait de la recherche fondamentale en sciences du vivant,
07:22 et ça aussi il y avait depuis le début, puisque déjà Marie Curie s'était intéressée
07:27 à l'utilisation des rayons pour la santé, et donc Joliot dès le début,
07:35 son mari et la fille de Marie Curie s'est assuré que le CEA aurait tous ces aspects-là,
07:41 et a planté dans un hôpital et fait des recherches tout à fait de pointe
07:47 sur tout ce qui est IRM et utilisation du savoir nucléaire pour la santé.
07:54 Donc il y a aussi un grand groupe de recherche fondamentale en sciences du vivant,
08:01 et puis il y a aussi un très grand groupe qui fait de la recherche technologique,
08:09 et qui en France a réussi à ce que soit créer des industries de très très haut niveau
08:18 pour les composants électroniques, qui font que la France aujourd'hui,
08:22 comme vous le savez tout ceci est plutôt trusté par des pays comme les Américains ou Taïwan,
08:28 la France tire son épingle du jeu grâce à ces industries qui ont bénéficié,
08:35 qui continuent à bénéficier, qui sont très proches du CEA, tout ça se passe à Grenoble.
08:40 Donc selon moi c'est un organisme de recherche extrêmement riche, extrêmement performant,
08:47 avec beaucoup de possibilités, on dit le CEA de la recherche à l'industrie,
08:56 et c'est exactement ce qu'il fait, et de la recherche la plus fondamentale à l'industrie la plus poussée,
09:02 avec beaucoup de possibilités quand on est au CEA de changer de sujet, de changer de lieu,
09:08 de changer de travail, je trouve ça très très très bien.
09:12 Et puis donc un CEA militaire c'est pareil, qui est celui qui suit le développement de la dissuasion pour la France.
09:19 Alors avez-vous une rencontre particulière durant votre parcours d'étudiante ou professionnelle
09:29 qui vous a influencé pour vous orienter sur une carrière liée à l'astrophysique,
09:35 à la recherche fondamentale et par la suite bien entendu au spatial,
09:39 puisque vous avez une partie de votre carrière non négligeable en relation liée au spatial, au satellite ?
09:47 Je dirais que ma principale rencontre c'était uniquement pour l'astronomie au sol,
09:53 mais celle qui a vraiment été capitale et sans laquelle d'ailleurs je ne serais sûrement pas devenue une astrophysicienne,
09:59 c'était encore très très tôt, c'était quand j'étais étudiante à l'université de Buenos Aires.
10:03 Donc j'étais étudiante de physique et quand je suis entrée il n'y avait pas du tout d'astrophysique,
10:09 ce n'était pas une des disciplines présentées.
10:11 Et puis quand j'étais en troisième année, il fallait déjà commencer à choisir dans quelle élection on allait pour le mémoire de master.
10:22 Et j'étais en train de voir les divers sujets, mais je n'étais pas terriblement convaincue par les sujets qui étaient proposés.
10:29 Et j'ai eu la chance que cette année-là, il y a un très jeune professeur, il avait une trentaine d'années,
10:36 qui est arrivé, qui était un astrophysicien, il s'appelait Carlos Varsavsky.
10:41 Et donc lui-même avait fait ses études à l'étranger, il avait lui-même un doctorat de l'université de Harvard.
10:50 Et ensuite il avait été post-doc à Cambridge en Angleterre, c'était vraiment aussi parmi les meilleurs laboratoires du monde.
10:58 Mais lui, il voulait beaucoup revenir en Argentine et faire avancer l'argentique, un peu comme nous quand on est parti, c'était notre intention aussi.
11:08 Et puis il n'en a pas pu.
11:10 Donc il est allé aux États-Unis et il a négocié avec la fondation Carnegie.
11:18 Il s'est fait offrir un radiotélescope qui avait été utilisé plutôt pour la communication,
11:25 qui était donc une antenne de 30 mètres de diamètre en pièces détachées,
11:30 et pour monter le premier radiotélescope en Argentine.
11:35 Alors pourquoi en Argentine ?
11:37 Vous savez que les deux hémisphères de la Terre, on ne voit pas les mêmes parties du ciel.
11:43 Et il y avait beaucoup de radioastronomie dans l'hémisphère Nord, et donc à l'époque on faisait beaucoup d'études sur l'hémisphère Nord.
11:49 Dans l'hémisphère Sud, il n'y avait que les Australiens qui faisaient de la radioastronomie,
11:54 ils étaient d'ailleurs très bons, mais c'était...
11:56 Donc il y avait vraiment la place pour un deuxième acteur dans l'hémisphère Sud,
12:00 et c'est pour ça qu'il a choisi la radioastronomie.
12:04 L'idée étant, ça faisait finalement pas tellement d'années à l'époque,
12:11 qu'il avait été découvert que le gaz hydrogène, l'hydrogène atomique, émet une raye,
12:19 pas dans un spectre continu, mais une fréquence de nez qui a une longueur de 21 centimètres.
12:26 Et grâce à cette émission de l'hydrogène, il est possible de faire la cartographie de l'hydrogène atomique,
12:35 déjà dans notre galaxie, la Voie lactée, plus tard dans d'autres galaxies,
12:39 enfin maintenant on fait énormément de choses, évidemment grâce à cette raye de 21 centimètres,
12:43 qui a été découverte quelques années auparavant par un Hollandais, Hank van der Hoelst.
12:49 Donc les Américains faisaient une carte de tout le ciel du Nord,
12:57 et les Australiens avaient commencé à faire une carte de tout le ciel du Sud,
13:01 et nous on a dit, depuis l'Argentine, on va compléter la carte de l'hémisphère Sud
13:05 pour avoir tout l'hydrogène atomique visible depuis la Terre, provenant de diverses régions de la galaxie.
13:12 Et évidemment il est arrivé, on lui a donné un poste de professeur,
13:17 au départ il était le professeur en mécanique des fluides,
13:21 mais ensuite il a donné même un cours d'astrophysique,
13:23 et en tout cas, moi ça m'a enthousiasmée beaucoup plus que tout ce que je voyais faire par ailleurs,
13:30 et donc j'étais la première à aller le voir et à lui dire,
13:33 vous aurez sûrement besoin d'étudier, est-ce que je peux travailler avec vous ?
13:36 Et puis très rapidement, plusieurs de mes amis les plus proches,
13:40 dont, je vous dis, Diego, qui n'était encore que mon petit copain,
13:45 se sont rapprochés de lui aussi, et tout un groupe d'entre nous l'a rejoint et est entré en astrophysique.
13:53 Donc ces premières années, il a fallu construire le radiotélescope,
13:58 c'était vraiment presque du travail manuel, franchement,
14:01 et puis aussi faire la partie électronique, et ça mon mari était très très fort,
14:05 et a joué un rôle très important pour toute la partie électronique,
14:08 tandis que moi qui étais une théoricienne, je faisais vraiment les basses manœuvres.
14:13 Mais bon, et on a pu prendre un peu de cours, il y avait quand même des cours d'astronomie à La Plata,
14:19 qui était pas loin de l'endroit où était le radiotélescope, à peu près une heure de Buenos Aires.
14:24 Donc on a quand même pris des cours,
14:27 et je lui avais dit "je vais vous aider de toutes mes forces pour construire ce radiotélescope,
14:35 mais après j'aimerais bien aller faire un doctorat aux États-Unis".
14:38 A l'époque en Argentine il n'y avait pas encore de doctorat.
14:41 Donc entre-temps, un doctorat est arrivé en Argentine,
14:44 et puis entre-temps je suis venue avec Diego, donc il n'y avait plus une fois seulement.
14:49 Mais quand il a donc inauguré le radiotélescope, il a fait venir,
14:53 comme je vous le disais, ce professeur de Harvard qui s'appelait David Laser,
14:56 aussi Han van der Hoelst, le découvreur de l'arrêt à 21 cm et d'autres personnes.
15:01 Et eux ils sont restés, ils nous ont fait quelques cours, ils ont réussi à nous connaître.
15:05 Et comme je vous l'ai dit, j'ai eu l'amour de Harvard.
15:08 Donc vous voyez, s'il n'y avait pas eu Karl Warsawski, je ne serais sûrement pas une astrophysicienne.
15:15 Et ça aurait été vraiment dommage, parce que j'adore l'astrophysique,
15:19 j'ai eu beaucoup de chance, vraiment pour ma génération,
15:22 l'astrophysique a été une continuelle boîte de merveilles qui s'ouvrait, qui s'ouvrait, qui s'ouvrait, qui s'ouvrait.
15:31 Alors, concernant les parties, concernant les projets en astronomie,
15:40 vous êtes connue et reconnue incontestablement à l'international
15:44 pour vos activités de recherche dans plusieurs domaines centraux de l'astrophysique moderne,
15:50 notamment sur la première partie de votre carrière,
15:54 touchant principalement le domaine des hautes énergies.
15:58 Vous avez occupé le poste de directrice de l'Observatoire européen austral, l'ESO, de 1999 à 2007.
16:09 Pouvez-vous nous présenter l'ESO, ce que représente en fait l'ESO ?
16:14 L'ESO est un très grand, enfin c'est plus qu'un observatoire, c'est une organisation internationale.
16:23 Et c'est une organisation où c'est les États-mêmes qui signent.
16:28 Donc, une fois qu'un pays est rentré à l'ESO, il faut vraiment que tous les ans, il paye sa quote-part,
16:37 ce qu'on appelle une organisation par traité, il y a un traité de création.
16:43 Et il a été créé, j'ai un trou, quelle année ? 1962, je crois.
16:59 1962. Et au départ, l'ESO a été créé déjà avec aussi l'idée d'aller travailler dans l'hémisphère sud,
17:12 pour des raisons un petit peu similaires à ce que je vous ai dit pour le radiotélescope.
17:15 Il y avait à l'époque, surtout les Américains avaient de très bons télescopes,
17:20 et les Européens n'en avaient pas beaucoup, mais tout ceci couvrait l'hémisphère nord.
17:25 Et donc, les Européens ont décidé que pour pouvoir tenir la compétition contre les Américains,
17:33 il fallait faire des télescopes aussi importants que ceux des Américains,
17:37 mais qu'il valait mieux les établir dans l'hémisphère sud.
17:39 Donc pour ça, depuis le début, il y avait l'hémisphère sud dans le titre de l'ESO.
17:44 Et à l'époque, quand ça a été créé en 1962, ils pensaient aller en Afrique, en fait, en Afrique du Sud,
17:51 parce que les Allemands avaient des installations en Afrique du Sud et invitaient les autres pays à y venir.
17:56 Mais à peu près à l'année de création, l'année suivante, en 1963,
18:02 les Américains, eux, avaient commencé à prospecter le Chili comme lieu pour faire des télescopes.
18:08 Et à l'époque, les Européens discutaient avec les Américains de faire quelque chose en commun.
18:13 Donc les Européens sont allés voir, les meilleurs astronomes européens du moment,
18:20 dont un Français, et ils ont été absolument éblouis par la clarté des cieux, le beau temps.
18:28 Ils se sont rendu compte qu'effectivement, le Chili offrait dans les montagnes des Andes des lieux idéaux pour mettre des télescopes.
18:36 Et très, très rapidement, il a été décidé d'abandonner l'Afrique et de s'installer au Chili.
18:44 Pour la petite histoire, les Français avaient déjà installé quelque chose en Afrique du Sud,
18:49 et ils avaient fonctionné quelque part en Afrique du Sud, et ils ont ensuite transféré au Chili.
18:53 Les Français sont les seuls à l'avoir fait, finalement.
18:56 Et voilà. Donc l'ESO est parti comme ça. Au départ, il n'y avait que cinq pays, dont la France.
19:04 La France était donc l'un des pays fondateurs.
19:07 Puis, assez rapidement, ils sont assez rapidement montés à six. Le sixième, c'était le Danemark.
19:17 Et puis, à notre début, il y avait donc la France, l'Allemagne, la Suède, la Belgique et l'Italie.
19:24 Non, pardon, c'est pas l'Italie.
19:27 Qui était le cinquième ? La Suède, l'Allemagne, la France, les Pays-Bas.
19:40 Et puis, le Danemark les a rejoints assez rapidement.
19:46 Et pas mal d'années après, l'Italie et la Suisse ont négocié de rentrer à l'ESO.
19:51 On y a apporté un télescope de plus.
19:53 Pendant pas mal d'années, ça a un peu stagné, parce qu'ils n'avaient pas l'expérience de construire ces grands télescopes.
20:00 Ils ont essayé de construire un télescope de 3,60 mètres, et ils ont mis très très longtemps à le construire.
20:06 Il a duré au moins 20 ans après.
20:08 Entre temps, ils en avaient fait quand même des plus petits, mais ils avaient appris.
20:12 Sous la houlette du CERN.
20:14 Ils ont été carrément installer leur laboratoire au CERN, et le CERN leur a appris la construction de grands instruments.
20:22 Par contre, quand ils avaient fini ça, quand ils ont réussi à la finir le 3,60 mètres, et même avant,
20:29 ils avaient déjà des opticiens de très haut niveau qui commençaient à développer des concepts complètement nouveaux,
20:35 en particulier ce qu'on appelle l'optique active, qui est d'avoir un télescope qui, au lieu d'avoir un miroir,
20:43 vous savez ces télescopes, ils utilisent des miroirs, et ensuite on projette l'allure étoile sur miroir,
20:47 puis sur un miroir secondaire, puis sur le foyer des instruments qui vont faire les images ou les spectres.
20:54 Et ces miroirs étaient assez épais et très rigides.
21:01 Donc pour l'optique active, on a utilisé des miroirs beaucoup plus minces, qu'on pourrait même déformer un petit peu,
21:08 et en mettant des vérins derrière, on pouvait en changer la forme, de façon que quand ils étaient déformés par le vent
21:17 ou parce que simplement dans diverses positions, ils prenaient différentes formes,
21:21 on pouvait les remettre dans la bonne position en regardant une étoile témoin et en s'assurant qu'on la voyait le mieux possible.
21:28 Donc c'est ce qu'on appelle l'optique active, c'était un concept extrêmement important et qui a fait une grande force de l'ESO.
21:33 Et quand la Suisse et l'Italie sont rentrées,
21:37 il leur a apporté de ne pas construire de nouveau un télescope de cette même classe, le 3,5 m,
21:41 qu'on a appelé le New Technology Telescope, NTT, et le premier avec optique active.
21:47 Et comme on a tout de suite vu que c'était un grand succès et que l'NTT avait des images supérieures à tous les autres télescopes du monde,
21:54 en parallèle, le directeur de l'ESO de l'époque, Low Vulture, a décidé d'avoir une idée vraiment ambitieuse pour l'Europe
22:01 et d'avoir un télescope beaucoup plus grand.
22:04 Au départ, ça allait être un télescope classe 16 m ou l'équivalent d'un télescope classe 16 m,
22:12 et donc ils ont fini par construire quatre télescopes de 8 m de diamètre chacun,
22:17 c'est ce qu'on appelle le VLD, Very Large Telescope.
22:21 Ils l'ont installé pas au même endroit que les télescopes antérieurs,
22:24 mais dans un endroit où les cieux étaient encore meilleurs et plus transparents, sur le cerf au Paranal.
22:30 Et donc cet observatoire au Paranal, qui a été inauguré en 1999,
22:37 demeure aujourd'hui le meilleur observatoire du monde, reconnu par tout le monde,
22:42 là il n'y a aucun problème.
22:44 Et s'il est tellement bon, ce n'est pas seulement parce que les télescopes sont exceptionnels,
22:51 mais parce qu'un énorme travail a été fait sur l'instrumentation en Europe,
22:55 et il y a beaucoup de bons instrumentalistes dans plusieurs pays européens, et en particulier en France.
23:00 La France étant le pays qui finalement a participé le plus à toute cette instrumentation, suivie par l'Allemagne.
23:07 Avec cette grande variété d'instruments, ça a permis des observations de tous types,
23:14 énormément de découvertes, dont une qui a donné le prix Nobel il n'y a pas longtemps, en 2019.
23:25 Il y a eu un prix Nobel pour l'observation des toiles tournant autour du centre de notre galaxie,
23:33 et leurs trajectoires ont démontré qu'au centre de notre galaxie, il y avait un gros trou noir,
23:38 une masse de à peu près 4 milliards de fois la masse du Soleil.
23:43 Alors, ça ne suffisait pas évidemment, il faut continuer à avoir de l'ambition,
23:49 donc pour ce qui est du visible, on a décidé, moi j'ai été directrice de 1999 à 2007,
24:00 et pendant que j'étais directrice, on a décidé de faire un télescope encore plus grand.
24:05 Finalement, on a pris un diamètre de 39 mètres, là aussi avec un concept complètement nouveau,
24:11 pas seulement, là je vous ai décrit les trois miroirs habituels, le primaire, le secondaire,
24:16 mais pas seulement trois miroirs, mais cinq miroirs,
24:19 et qui permet déjà de corriger en partie des fluctuations de l'atmosphère qui gênent les observations.
24:27 Donc c'est ce qu'on appelle l'Extremely Large Telescope, c'était le Very Large,
24:31 maintenant c'est l'Extremely Large, et il est en construction aujourd'hui,
24:35 tout près de Paranal, donc on va en utiliser aussi le centre de Paranal.
24:40 Et moi disons, j'ai fait des études, on a décidé ce qu'on allait construire,
24:47 et j'ai trouvé aussi l'argent pour faire les premières études,
24:50 et puis mes successeurs ont pu finir les études et entamer la construction.
24:54 Et puis l'autre chose qu'on a fait, c'est un grand projet mondial qui s'appelle ALMA,
24:59 Atacama Large Millimeter Array, alors là c'est à d'autres longueurs d'onde,
25:04 c'est à la limite entre l'infrarouge lointain, disons, et la radioastronomie,
25:11 mais en fait ça utilise des techniques de radioastronomie,
25:14 mais à des longueurs d'onde relativement plus courtes,
25:17 des ondes de longueur d'onde de millimètre et même de submillimètre.
25:22 Alors les longueurs d'onde submillimétriques, c'est difficile de les observer depuis la Terre,
25:27 parce que c'est absorbé par l'humidité, et donc ça se fait en général depuis l'espace,
25:34 mais évidemment dans l'espace on ne peut pas faire des télescopes aussi grands.
25:37 Et si les télescopes ne sont pas très grands, on n'a pas non plus une très grande sensibilité,
25:41 parce que la sensibilité dépend de la surface de détection qu'on a.
25:45 Donc on a décidé de travailler quand même dans ce millimétrique,
25:50 dans certaines fenêtres de longueur d'onde où il y avait moins d'absorption,
25:54 et en plus en allant à 5000 mètres de hauteur dans un grand plateau dans les Andes,
26:02 qui s'appelle Charnantor, et là on a construit donc ALMA avec 66 antennes,
26:09 qui travaillent en interférométrie, de façon interférométrique,
26:15 et qui ont permis des travaux, et qui permettent en ce moment,
26:20 enfin c'est l'instrument au sol en ce moment le plus porteur au monde.
26:25 Donc on a construit en collaboration avec les Américains, les Canadiens, les Japonais,
26:31 et d'autres pays associaux japonais.
26:34 Ce qui a permis, soit dit en passant, les différents instruments,
26:37 les infrastructures que vous avez mises en place,
26:42 ont permis bien entendu une cartographie du ciel et de l'univers en général
26:48 à une longueur d'onde non négligeable.
26:52 Avant on observait le ciel à quelques années-lumière,
26:58 quelques dizaines d'années-lumière,
27:00 ou quelques échantillons, on voyait des éléments un peu plus lointains.
27:03 Mais ces différentes infrastructures nous permettent d'aller quasiment peu de temps
27:08 après la naissance de l'univers, du fameux Bing Bang,
27:12 et donc avoir un balayage de connaissances absolument pas négligeable
27:18 de l'univers dans son ensemble.
27:21 Surtout à étudier l'histoire de l'univers, puisque lorsqu'on regarde des objets qui sont lointains,
27:28 comme ils sont lointains, nous on les voit faibles,
27:30 c'est pourquoi il faut cette grande sensibilité pour les voir,
27:33 mais ensuite nous les voyons comme ils étaient au moment où ils ont envoyé de la lumière,
27:37 et donc on les voit à des temps de plus en plus tôt.
27:40 Donc chaque fois qu'on fait un grand gain de sensibilité,
27:43 on peut voir des objets plus vieux, ils se rapprochent,
27:45 et étudier mieux l'histoire de l'univers.
27:49 Et donc effectivement, avec le VLT,
27:54 il y avait évidemment le VLT Hubble, le fameux télescope spatial Hubble,
27:59 travailler un peu ensemble, Hubble pouvant faire des images meilleures
28:04 parce qu'il ne fait pas le problème de l'atmosphère,
28:06 mais le VLT, les télescopes au sol, pouvant faire les spectrométries
28:10 qui permettent de savoir ce que sont ces objets,
28:13 donc il fallait vraiment les deux.
28:16 Et donc au longueur d'onde submillimétrique,
28:22 il y avait des observations faites, comme j'ai dit, depuis l'espace,
28:26 et auquel mon laboratoire a beaucoup participé,
28:28 et auquel je me suis beaucoup intéressée,
28:30 mais avec un miroir de 6,50 m,
28:33 tandis que nous on avait,
28:35 venir sur Alma, on a 66 télescopes,
28:37 donc même s'il y a un recouvrement à longueur d'onde,
28:40 comme vous dites, on a beaucoup plus de sensibilité,
28:42 du coup on voit des objets plus faibles, et donc beaucoup plus lointains,
28:45 et on peut remonter beaucoup plus tôt dans l'évolution des galaxies.
28:48 Vous avez eu l'idée géniale de fonder l'Aeroforum,
28:53 qui regroupe sept grandes organisations scientifiques européennes,
28:57 le CERN, le JET, l'ESO, l'ESA, l'ILE, l'ESF et l'EMPL,
29:04 afin de pousser le potentiel scientifique européen au maximum.
29:09 Qu'en est-il aujourd'hui ?
29:12 Il s'est agrandi, parce que depuis,
29:15 il y a eu d'autres grandes infrastructures européennes qui ont pris place,
29:21 et je pense qu'à nous rejoindre, il y aura encore.
29:24 Je vous avoue que je ne suis pas trop,
29:27 donc vous me demandez qu'en est-il aujourd'hui,
29:29 je sais que ça existe toujours, c'est plus grand.
29:31 Il y a FAIR, probablement, il y a EXFEL,
29:39 le premier qui a rejoint, ça a été EXFEL,
29:41 c'est venu vite avec EXFEL,
29:43 et puis peut-être que FAIR, peut-être que l'OSS,
29:47 l'ISSAN, je ne sais pas, donc ça existe toujours.
29:51 Alors à l'époque, nous avions fait ça,
29:54 parce que c'était l'époque où le commissaire européen pour la science,
30:00 qui s'appelait Busquin, a inventé ce qu'il appelait l'ère européenne de recherche,
30:08 l'European Research Area,
30:10 et dont on continue à parler,
30:15 ça a été né à ce moment-là.
30:18 Les organisations de recherche dont nous parlons ne dépendent pas de la Commission européenne.
30:23 Comme je vous l'ai dit, ce sont des organisations qui en général dépendent directement des pays,
30:28 le plus souvent par des traités,
30:30 en tout cas pour le CERN, pour l'ESO, pour l'EMBL, il y a des traités.
30:34 Donc, moi je ne voulais pas,
30:40 et Busquin faisait le tour des gens pour voir un peu quoi mettre,
30:43 donc on lui avait conseillé de me voir et il m'avait convoqué à Bruxelles.
30:48 Et je lui ai dit, en plus de ce que vous essayez de faire,
30:52 il y a une autre chose qui existe déjà mais qui ne dépend pas de la Commission,
30:55 mais il ne faudrait pas que du coup, comme ça ne dépend pas de la Commission,
30:58 vous n'en parliez pas, parce que c'est absurde.
31:00 Nous, on va parler de la Commission et vous, vous n'allez pas.
31:02 [SILENCE]