Category
📚
ÉducationTranscription
00:00 Lorsque Busquin parle d'espace européen de recherche, de European Research Area,
00:09 il ne nous oublie pas. Et en fait il a fait le contraire, il a dit que nous étions la preuve
00:18 de la réussite européenne et nous a beaucoup mis en avant. Et nous de notre côté, pour ne pas être…
00:24 Si on avait continué à discuter chacun indépendamment avec la Commission européenne,
00:31 on était vraiment un peu en minorité. Donc pour pouvoir vraiment discuter d'égal à égal,
00:38 presque avec la Commission européenne, il valait mieux qu'on se mette ensemble. C'est
00:42 comme ça que j'ai créé Reforum. Et donc il continue à exister, il y a quelques activités
00:46 communes et certainement en tout cas ça reste un moyen pour toutes ces grandes organisations
00:54 internationales de collaborer et de discuter avec la Commission. De 2006 à 2009, vous avez été la
01:03 présidente de l'Union Astronomique Internationale. Qu'est-ce que l'UAI ? Alors Union Astronomique
01:11 Internationale, comme son nom l'indique, c'est un grand nombre d'astronomes du monde, disons,
01:22 qui se mettent ensemble pour collaborer, pour suivre les évolutions de la science et pour
01:29 en fait pousser les collaborations et l'internationalisation de cette science. Alors
01:36 il y a des unions dans beaucoup de disciplines. L'Union Astronomique Internationale est l'une
01:42 des plus anciennes et elle a fêté ses 100 ans il y a quelques années, pas beaucoup, 400, 500 ans.
01:53 Et peut-être l'une des plus grandes et des plus puissantes en réalité, parce qu'elle a des
02:05 activités beaucoup plus diversifiées que la plupart des unions. Donc évidemment le rôle,
02:12 c'est en particulier d'organiser des symposiums sur des sujets importants. Alors il y a évidemment
02:23 une grosse compétition, puis il y a eu aide à ce symposium à se faire, c'est-à-dire donne une
02:28 petite partie seulement de l'argent, mais donne par contre la bénédiction, les conseils, qui
02:33 se font dans divers endroits du monde. Et puis tous les trois ans il y a une assemblée générale,
02:40 et là en principe tous les astronomes du monde sont invités. Et c'est les plus grandes réunions
02:49 d'astronomie qu'il y a au monde. Et depuis quelques années on a organisé des activités annexes,
02:57 comme en particulier tourner vers l'astronomie pour le développement. Donc en disant que
03:03 l'astronomie elle n'est pas seulement intéressante en soi, mais c'est une façon d'entraîner les
03:08 jeunes vers les sciences. Et de les former, et que parfois de former un jeune pour l'astronomie,
03:14 ça va les pousser aussi à être de bons ingénieurs, à être... ils peuvent aussi aller dans l'industrie.
03:20 Donc c'est une excellente porte d'entrée pour stimuler en fait les recherches scientifiques
03:30 et techniques, et le développement dans les pays. En particulier justement dans les pays
03:34 en mode développement. On la qualifie souvent, l'astronomie, on la qualifie souvent de la mère
03:40 des sciences. Parce que dans l'astronomie on peut y voir, on utilise la physique, la chimie,
03:48 dans le domaine de l'exobiologie qui s'est développée aujourd'hui, les mathématiques,
03:53 et plein d'autres disciplines scientifiques. Donc c'est vrai que c'est extrêmement novateur en fait.
04:02 Et c'est aussi à la pointe de la technique. Du point de vue technique et technologie,
04:07 on est... les astronomes sont toujours à la pointe de la technique, et donc les industriels qui
04:13 participent à un développement pour l'astronomie de pointe, ils gagnent, ils apprennent des choses
04:19 qu'ils vont ensuite utiliser dans plein d'autres... Domaines.
04:22 Dans plein d'autres directions. Donc c'est très porteur, voilà. Et quand j'étais présidente de
04:31 l'Union Astronomique Internationale, c'était en particulier pendant l'année 2009, et or nous
04:40 avions décidé quelque temps avant, j'étais vice-présidente à l'époque, de rendre 2009
04:46 l'année internationale de l'astronomie, pour fêter les 400 ans depuis que Galilée avait mis l'œil
04:54 à un télescope. Le télescope existait déjà, mais Galilée, c'est lui qui a eu l'idée de,
05:00 au lieu de l'utiliser pour regarder ce que fait le voisin, plutôt pour regarder ce que fait le
05:04 sien. Et comme vous le savez, il a découvert les tâches de la Lune, et surtout très très
05:10 important, les satellites de Jupiter. Et en voyant que Jupiter avait des satellites qui tournent
05:16 autour, c'était comme un petit modèle de l'idée copernicienne du système solaire, avec le soleil
05:21 au milieu du planète, donc évidemment extrêmement important pour la compréhension future de
05:27 l'humanité sur le système solaire, et plus tard l'univers. Donc un anniversaire à fêter absolument,
05:35 et donc je me suis énormément occupée de ça, parce que ça tombait pendant que j'étais présidente,
05:44 et nous avons réussi, on a mis en place, du coup j'avoue que l'ESO a beaucoup aidé,
05:53 donc j'étais directrice de l'ESO à l'époque, et donc j'ai pu installer à l'ESO un petit
05:59 groupe de gens qui se sont occupés d'organiser à niveau mondial cette année internationale,
06:05 chaque pays avait nommé un responsable qui était en contact direct avec notre équipe à l'ESO,
06:12 et on a pu coordonner tout ça de façon exceptionnelle, parce que j'ai eu la chance
06:18 d'avoir cette petite équipe que j'avais, qui était absolument extraordinaire. Donc in fine,
06:26 c'est vraiment des millions de gens. Le but n'était pas cette fois-ci que les
06:31 astronomes se parlent entre eux, c'était de faire connaître l'univers aux autres personnes,
06:39 que les personnes retrouvent leur place dans l'univers, apprennent des choses sur l'univers
06:44 où nous sommes, si possible regardent dans un télescope, s'intéressent à l'astronomie,
06:48 stimuler évidemment aussi les jeunes vers les sciences en général, pas uniquement l'astronomie.
06:54 Il y avait énormément de buts divers, chacun très bien agencé, et par exemple on a fait des
07:03 activités, on a choisi une nuit dans laquelle dans le monde entier tous les groupes professionnels et
07:12 amateurs devaient inviter des gens à regarder dans des télescopes et regarder le ciel. Et ça a eu
07:17 tellement de succès qu'on a été obligé de le refaire plusieurs fois, et que ça a été refait
07:21 depuis par l'Université Astronomique Internationale. Et c'était merveilleux parce que c'était la fête
07:28 partout, la fête astronomique partout, à la Maison Blanche, dans tous les plus hauts centres,
07:40 mais surtout aussi, et surtout ce qui nous a intéressé, c'était bien pas d'être à la
07:44 Maison Blanche, mais d'être justement dans les campagnes, de partout. On a travaillé la main
07:51 dans la main avec les astronomes amateurs, ce que les astronomes ne faisaient pas d'habitude.
07:55 Et que maintenant, j'ai beaucoup, beaucoup, beaucoup poussé dans cette direction,
08:01 et petit à petit c'est devenu institutionnalisé. Parce que pour faire connaître l'astronomie,
08:10 au plus grand nombre de gens possible, c'est très utile de le faire avec les astronomes amateurs.
08:17 En France, sur cette période, on vous a surtout connu médiatiquement du fait de la déclassification
08:26 de la planète Pluton en planète naine, en août 2006 plus spécifiquement. Pouvez-vous nous
08:33 recontextualiser un petit peu cette période, ce fameux déclassement de la planète Pluton ?
08:40 Oui. La discussion avait lieu depuis au moins deux ans entre les spécialistes. La raison en était que
08:52 la planète Pluton, on savait déjà qu'elle était très différente des autres, elle était beaucoup,
08:56 beaucoup plus petite, en plus d'être plus lointaine, et surtout elle avait une orbite
09:03 complètement différente alors que les autres planètes sont dans le plan de l'écliptique,
09:07 l'orbite de Pluton est oblique. Donc déjà, ça sentait quelque chose de différent. Mais enfin,
09:16 tant pis, pourquoi pas, on a appris que c'est ça les planètes. Jusqu'au moment où des astronomes,
09:22 en scrutant le ciel, ont commencé à trouver des objets comme Pluton, c'est-à-dire des objets qui
09:32 étaient aussi ronds, qui étaient aussi lointains, qui étaient aussi dans des orbites qui n'étaient
09:36 pas dans le plan de l'écliptique. Et si Pluton était une planète, ces autres objets étaient des
09:43 planètes aussi. Et donc la question se posait, parce que c'est lié à eu qu'il y a la nomenclature
09:48 de tous les corps célestes, c'est une loi si j'ose dire, et donc l'IAU ne savait pas s'il fallait
09:57 mettre ces nouveaux corps dans les tableaux des astéroïdes ou s'il fallait dire que c'était
10:03 des planètes. Et les spécialistes n'arrivaient pas à se mettre d'accord, c'était très très
10:07 compliqué. Après, l'Union Astronomique Internationale a décidé de mettre en place un petit
10:14 groupe de spécialistes, y compris une journaliste très connue, etc., qui connaît aussi l'avis du
10:21 public et pas uniquement des astronomes, pour savoir ce qu'on allait faire. Et moi à l'époque,
10:28 j'étais la future présidente. J'étais pas encore présidente, c'était juste avant que je commence
10:32 ma présidence. J'ai fait partie de ce groupe, mais j'étais en principe juste pour les observer,
10:41 disons, je ne devais pas voter. Ce groupe a conclu que oui, il fallait décider que Pluton était une
10:48 planète et que tous les autres aussi, et donc il fallait annoncer que le système solaire, ce n'était
10:52 plus neuf planètes, mais dix, onze, douze, enfin parce qu'il y avait un objet à peu près sûr,
11:00 peut-être deux, peut-être trois douteux, enfin disons le nombre de planètes du système solaire
11:04 n'allait cesser de croître. Moi j'avoue que je n'aimais pas cette solution, je préférais l'autre
11:12 solution, parce que la première c'est pour dire on a une tradition et il faut la garder. Et moi
11:19 je considère que les sciences ce n'est pas une tradition. Les sciences c'est, on décrit le mieux
11:25 que l'on peut ce que l'on voit et puis ensuite on a une observation supplémentaire qui nous fait
11:29 jeter tout ce qu'on avait dit avant et partir vers une autre direction. Et pour moi là, cette
11:34 découverte d'autres objets comme Pluton, c'était justement ce genre de choses, donc qui nous faisait
11:39 nous interroger sur pourquoi on avait dit que Pluton était une planète, maintenant on voit que...
11:44 Donc, mais enfin, je vous dis, je n'avais pas le droit au vote et ce groupe il est venu en disant ça.
11:50 Et puis quand il y a eu la réunion de l'Union Astronomique Internationale, c'était à Prague,
11:56 et pendant cette réunion je n'étais pas la présidente, j'étais la future présidente et
12:01 je suis devenue présidente juste à la fin. Et le journal du lieu a annoncé, voilà on a décidé
12:11 Pluton est une planète et que donc le nombre de planètes ne cesse de croître. Et ça a fait un
12:17 bruit terrible dans l'Assemblée et en fait beaucoup de gens dans l'Assemblée étaient très opposés à
12:22 ce qu'on dise ça et ont dit que c'était pas en fait pas scientifique du tout et qu'il valait mieux
12:28 reconnaître que Pluton était différent et puis voilà. Et alors ils ont débattu pareil dans les
12:35 groupes des spécialistes, ils ne se sont pas mis d'accord, on a ouvert à des spécialistes et
12:40 finalement le président, du moment ne sachant plus quoi faire, a décidé de laisser que ce soit
12:48 discuté dans les couloirs jusqu'au bout et puis à la fin de faire un vote et de décider avec un vote.
12:52 Puisque de toute façon il y a certainement, à la dernière réunion que tient le président,
13:00 il y a toujours une série de décisions qui sont prises et qui sont votées. Et le vote se fait
13:06 toujours à main levée avec tous les gens qui sont présents. Ça se faisait, puisque maintenant on ne
13:12 fait plus ça du coup. Maintenant on fait un vote électronique pour tout le monde. Mais à l'époque
13:16 c'était comme ça. Et donc on a eu cette séance historique qui est apparue dans tous les journaux.
13:23 Il se trouve qu'à cette réunion, parmi les gens qui travaillaient dans le système solaire,
13:34 il y avait surtout des dynamiciens, des gens qui s'occupaient surtout de la dynamique et des
13:39 trajectoires et des formations. Donc ils ont donné beaucoup d'importance à ça en disant que pour
13:44 qu'un corps soit une planète, il faut qu'il ait balayé sa trajectoire. Parce que quand une
13:50 planète se forme, elle ramasse toute la poussière qu'elle a et ça fait un peu un trou, disons
13:55 par exemple dans le plan de l'écliptique où nous sommes. Et ça c'était une chose qu'effectivement
14:00 Pluton n'avait pas fait. Mais c'est vrai que c'était un peu tangent comme définition, même si ça
14:07 allait rester. Mais j'admets que c'était compliqué. Et donc on a fini par ce vote. Et le vote a donné
14:15 qu'il y avait une majorité de gens qui ont préféré dire que Pluton n'est plus une planète,
14:19 mais une planète naine. Et du coup il y a d'autres planètes naines, celles qu'on découvre maintenant,
14:23 et puis aussi finalement ceux qu'on appelait avant les plus gros astéroïdes, comme Cérès,
14:33 c'est aussi une planète naine. Voilà. Donc on a décidé ça. Alors ça fait un binge terrible,
14:40 pas seulement évidemment là, mais dans le monde entier. Et c'est juste là, à la fin de cette
14:44 réunion, je faisais mon discours d'inauguration et je devenais présidente. Donc après quand on a eu,
14:50 évidemment, la presse qui est venue et une réunion avec la presse, c'était plus l'ancien président,
14:59 c'était moi qui répondais. Et moi je vous dis, j'étais à fond pour ça. Je crois que l'ancien
15:07 était plus… il n'a pas décidé lui-même, il attendait de voir ce qu'il allait sortir. Moi
15:12 vraiment je soutenais complètement ça, donc je n'ai pas eu au moins à l'intérieur de moi-même une
15:17 difficulté à soutenir qu'on avait pris la bonne décision. Effectivement c'est à moi qu'il a
15:22 échoué de dire qu'on avait pris la bonne décision. Mais en intervention, je dois dire, en préparation
15:26 et tout ça aussi, avec tous les gens que j'avais parlé, aller dans le sens de dire « décidons que
15:30 Pluton n'est plus une planète ». J'avais pris une position et j'ai soutenu cette position. Et
15:36 pendant des journées, j'ai été appelée du monde entier, des journalistes du monde entier pour
15:44 expliquer ça. Alors j'avais distribué finalement tout ce qui voulait parler français, je l'ai
15:48 passé à André Braik, qui était un grand divulgateur et un grand amie à moi. Et puis par
15:56 contre en anglais et en espagnol, je répondais moi-même. Le 13 octobre 2017, vous avez été
16:11 nommée présidente du conseil d'administration du SKA. Que représente le SKA en fait ?
16:18 Oui, alors à l'époque, ce n'était pas la même chose que ce que nous avons maintenant. Donc d'abord
16:26 le SKA. Je vous ai parlé tout à l'heure de l'ELT, l'Extreme Large Telescope, donc le grand
16:33 télescope au sol dans l'Optique. Je vous ai parlé d'ALMA, donc ce qu'on fait dans le millimétrique,
16:38 un enceau millimétrique. Bon, il est temps aussi d'avoir un très grand radiotélescope,
16:44 pouvoir aller observer effectivement aussi les débuts de l'univers et tout, en radioastronomie,
16:50 à des longueurs d'ondes plus longues que celles d'ALMA. ALMA, je vous ai dit, c'est des longueurs
16:54 d'ondes de millimètres et de submillimètres. Mais dans les ondes centimétriques et dans les
17:01 ondes métriques, il y a aussi énormément de choses intéressantes à faire. En fait,
17:07 pratiquement tous les astres émettent quelque chose dans ces longueurs d'ondes-là. Et je
17:13 dirais même que le nombre de sujets à étudier, c'est à ces longueurs d'ondes-là qu'il est le
17:17 plus grand. Et il y a un certain nombre de sujets qui ne peuvent être faits qu'à ces longueurs
17:22 d'ondes-là, comme par exemple, j'ai vous parlé de l'observation de l'hydrogène atomique, du gaz
17:27 hydrogène à 21 centimètres. On ne peut le faire que dans les ondes radio, mais il y a beaucoup
17:32 d'autres choses. L'étude des pulsars en particulier, des études très importantes sur les trous noirs,
17:39 etc. Il y a un domaine, les études justement sur l'aube de l'univers. Comment était l'univers
17:46 quand il n'y avait pas encore ni étoiles ni galaxies, mais il y avait déjà du gaz hydrogène.
17:50 Et puis petit à petit, les premières étoiles se sont formées. Elles ont ionisé l'hydrogène qui
17:55 était autour, donc du gaz hydrogène. Et donc, il n'y a qu'en radioastronomie que l'on peut voir
18:01 peut-être au départ un univers relativement uniforme, puis ensuite il se forme des trous
18:05 aux endroits où les premières étoiles, puis les premières galaxies se forment. Cet aspect-là de
18:11 l'aube de l'univers ne peut être fait qu'en radioastronomie. Nous, la grande envie d'avoir
18:15 un grand radiotélescope, et les radioastronomes y ont pensé depuis très longtemps, ça faisait
18:22 au moins 20 ans. Et en fait, justement à une réunion de l'IAEU, ils avaient dit on va construire
18:28 un radiotélescope avec une surface de 1 km², donc 2 square kilomètres. Ce qui était très ambitieux
18:37 parce qu'au final, on fera quand même moins de kilomètres carrés, mais ce sera quand même déjà
18:41 le plus grand du monde. Et pendant des années, des années, des années, tous les radioastronomes du
18:49 monde ont étudié diverses idées, diverses façons de le faire, et se sont sous-divisés par thème. Et
19:01 puis finalement, vers 2011-2012, il était temps d'essayer de vraiment converger vers un projet,
19:09 et ils ont décidé de mettre en place un groupe qui a finalement été installé en Angleterre,
19:18 qui allait centraliser les études de SKA et essayer d'avancer vers un concept. Parce que jusque là,
19:27 il y avait 35 concepts différents. Donc à partir de là, le travail a été organisé,
19:33 toujours par sous-groupe, et moi j'avais été en 2017, ils m'ont demandé de venir présider le
19:42 conseil d'administration de cette entité, qui n'était pas encore une organisation internationale,
19:47 qui était juste une organisation sous loi anglaise qui préparait SKA, donc en octobre 2017. Et moi,
19:58 j'ai toujours eu un grand intérêt pour la radioastronomie, je vous ai dit, j'ai vu ça tout
20:01 à fait au début de ma carrière en Argentine, et puis en général, je suis très ouverte à tous les
20:08 sujets d'astronomie, et je voyais très très bien le grand intérêt scientifique de ce projet,
20:12 donc j'ai accepté volontiers. Et de 2017 à 2021, d'une part, on a réussi à ce que tout le monde
20:24 puisse converger vers un concept, avec pas un radio-télescope, enfin c'est pas des radio-télescopes,
20:31 c'est des, des arrêts, comment on dit, c'est des nombreux radio-télescopes, comme dans le cas d'ALMA,
20:41 avec lesquels on fait de la radioastronomie. On a décidé de séparer en deux rangs de longueurs
20:46 d'onde, les plus grandes longueurs d'onde, les faire en Australie, et les plus courtes longueurs,
20:54 là aussi, ils avaient décidé qu'ils devaient aller dans l'hémisphère sud, simplement parce que le
20:57 ciel de l'hémisphère sud est plus riche, et donc de faire en Australie les plus grandes longueurs
21:06 d'onde, et de faire en Afrique du Sud les plus courtes longueurs d'onde, avec des méthodes de
21:09 détection complètement différentes. Et évidemment, si on veut étudier un objet à la fois aux courtes
21:17 ou aux longues, on peut le faire aussi, c'est pas un problème, de deux endroits différents, on regarde
21:21 dans la même direction, donc ça n'a pas besoin d'être tout ensemble. C'est un petit peu pour des
21:25 raisons politiques que ça a été plus simple de, c'est pas non plus, sinon ça devenait tellement
21:31 grand pour un pays de porter ce projet, tandis que comme ça, il y a deux pays qui le portent,
21:35 parce qu'être pays hôte, ça amène des tas de devoirs supplémentaires. Et on a réussi à converger,
21:49 comme je disais au début de la décennie actuelle, sur la création d'un organisme aussi, traité,
22:02 comme nous disions pour l'ESO, donc les pays s'engagent à niveau du pays, pour construire
22:10 ESCA. Donc c'est devenu ESCA Observatory, qui maintenant est une organisation internationale
22:16 sur le modèle de l'ESO, par exemple. Mais avec des pays complètement différents, et donc là,
22:25 il y a trois pays hôtes, parce que le centre d'opération est en Angleterre, donc il y a
22:30 l'Angleterre, l'Afrique du Sud et l'Australie qui sont les trois pays hôtes. Et puis, on avait
22:39 dit une fois qu'on a cinq pays, on peut dire que l'organisation internationale commence,
22:43 et donc le quatrième, ça a été les Pays-Bas, et puis le cinquième Italie. Donc, il faut dire
22:51 qu'on a eu cinq, ça a été créé. Et puis depuis, maintenant, en ce moment, on a huit qui ont
22:56 rempli, parce que du coup, il y a des étapes vraiment compliquées politiquement à faire,
23:02 et il faut passer devant les parlements du pays correspondant, etc. Donc, nous avons trois autres
23:11 pays qui ont fait tout ce qu'il fallait, qui sont la Chine, le Portugal et la Suisse. Et on a quatre
23:25 pays qui ont tout fait pour rentrer, mais qui sont vraiment dans les dernières étapes, mais qui
23:32 paient déjà comme s'ils y étaient et qui vont rentrer bientôt, parmi eux la France, la France,
23:38 le Spagne, le Canada, qui vient de déclarer officiellement qu'ils vont rentrer, l'Allemagne
23:45 qui est tout près, donc ces quatre-là sont très très près. Ensuite, on a deux pays très
23:51 très appliqués, mais qui n'en finissent pas de remplir ces étapes compliquées, qui sont l'Inde,
23:57 la Suède. Et après, on a des pays comme la Corée ou le Japon, qui sont appliqués de plus loin et
24:06 qui ont l'intention de rentrer un peu plus tard. D'autres pays aussi qui parlent avec nous. Donc,
24:11 vous voyez, c'est pas le groupe de pays habituel. Parce que pour les eaux, je vous ai dit, en fait,
24:18 si je reviens à les eaux maintenant, je vous ai dit qu'ils étaient huit. Ils étaient huit quand
24:22 je suis rentrée. Quand je suis rentrée à les eaux, j'ai fait un grand effort pour faire rentrer
24:26 d'autres pays et j'ai fait rentrer cinq pays supplémentaires. Donc, quand j'arrivais, il y en
24:30 avait huit. Quand je suis partie, il y en avait treize. En particulier, ce qui était très important,
24:36 le Royaume-Uni et l'Espagne, deux grands pays qu'il n'y avait pas encore. Et puis, bon,
24:41 la République... Bref. Et depuis que je suis partie, il y a eu un quatorzième qui est la Pologne
24:46 et un quinzième qui est l'Irlande. Il y en a quinze à les eaux. Et donc, vous voyez que ce
24:56 n'est pas les mêmes pays. Parce que nous avons dans ces cas. Voilà. Alors, concernant les projets
25:06 dans le spatial, vous avez été responsable du développement de la caméra infrarouge spatiale
25:13 ISOCAM du satellite ISO de l'agence spatiale européenne, l'ESA, qui a volé de 1995 à 1998.
25:22 Pouvez-vous nous présenter cette caméra, les objectifs, le projet d'une manière générale,
25:28 ainsi que les récoltes de données ? Oui, alors, pendant très longtemps,
25:39 l'astronomie infrarouge était en retard par rapport aux autres astronomies, tout simplement
25:45 parce qu'on ne savait pas bien comment détecter la lumière infrarouge. Et on a mis beaucoup plus
25:51 longtemps à développer des détecteurs. Finalement, on utilise des détecteurs électroniques,
25:55 un petit peu comme les caméras CCD, mais spécifiques pour l'infrarouge, qui sont
26:01 arrivées plus tard. Et vers les années… je ne me rappelle pas l'année exacte maintenant. Donc,
26:11 un peu avant, il y a eu quand même un premier satellite infrarouge qui s'appelait IRAS,
26:15 un premier satellite d'astronomie infrarouge, qui s'appelait IRAS, qui n'avait pas une caméra,
26:22 mais qui, en fait, balayait tout le ciel à quatre longueurs d'onde, et avec un télescope de 60
26:30 centimètres, et qui a fait la carte du ciel à quatre longueurs d'onde, mais avec pas une très
26:40 bonne sensibilité. Enfin, il a écumé, évidemment, il a été la première à faire ça, et donc il y a
26:44 eu plein de découvertes importantes qui sont venues, et ça a confirmé le grand aller-relais de
26:49 l'astronomie infrarouge. Alors l'astronomie infrarouge, pourquoi ? Parce que vous savez que
26:56 tous les objets émettent de la lumière. Vous, vous émettez de la lumière, la table, elle émet de la
27:02 lumière, etc. Et la lumière qu'on émet dépend de la température à laquelle on est. Donc le soleil,
27:08 il est à 6 000 degrés, il nous envoie de la lumière visible, un petit peu ultra-lève, c'est
27:12 surtout du visible. C'est pour ça aussi que nos yeux sont faits pour voir la lumière du soleil,
27:16 et nous on voit le visible. Et si vous allez dans des corps plus froids comme nous, sur la terre,
27:24 aux températures où nous on est, nous on émet de l'infrarouge. C'est pour ça que maintenant,
27:29 tout le monde est habitué à l'idée que si on veut voir dans la nuit, on met des lunettes
27:32 infrarouges et on voit. Donc je ne vous apprends rien de nouveau. À l'époque, les gens ne le
27:37 savaient pas, mais maintenant tout le monde le sait. Bon. Et si on va à des corps encore plus
27:43 froids, alors on va voir un infrarouge de plus en plus lointain qui se rapproche de ce sublimétrique
27:47 dont je parlais. Et quand Eras a découvert, par exemple, qu'il y avait des galaxies... Eras ne
27:59 pouvait pas voir très loin justement, comme il n'était pas très sensible, ce que nous disions
28:02 tout à l'heure, il ne voyait que l'univers relativement proche. Mais pas seulement notre
28:07 galaxie évidemment, mais quand même des galaxies autour de nous. Il a découvert qu'il y avait des
28:12 galaxies qui étaient beaucoup plus lumineuses dans l'infrarouge qu'elles ne l'étaient dans le
28:15 visible. Et ça, on l'ignorait complètement. Et qui étaient finalement, si on prenait toute la
28:22 lumière intégrée, peut-être parmi les objets émettant le plus de lumière dans l'univers.
28:26 On pourrait comparer à ce qu'on appelle les quasars, qu'on considérait à l'époque les
28:31 objets les plus lumineux tout seuls. Et on s'est rendu compte en fait que, s'agissait en général,
28:39 d'endroits où il y avait eu deux galaxies qui étaient entrées en collision. Et de l'effet de
28:48 la collision des galaxies, les gaz de chacune de ces galaxies étaient entrés l'un dans l'autre,
28:53 ils avaient créé de gigantesques flamvées de formations d'étoiles. Et toutes ces étoiles
29:01 se créaient à l'intérieur de ce gaz. Et comme ce gaz contenait aussi des petites poussières,
29:06 les petites poussières absorbaient la lumière de ces nouvelles étoiles, qui en fait étaient
29:10 ultraviolettes, et le recrachaient à la température des petites poussières, qui étaient beaucoup plus
29:15 froides, et donc dans l'infrarouge. Et donc toute cette énergie qui était émise par la formation
29:20 des étoiles, elle ne sortait qu'en infrarouge. Donc l'infrarouge, c'est ce qui permet de plonger
29:27 au coeur des nuages dans lesquels se forment les étoiles, y compris...
29:33 Les différentes nébuleuses solaires en fait.
29:37 C'est ça, des nébuleuses qui ressemblent à la nébuleuse dans laquelle le Soleil s'est formé.
29:44 Et aussi, c'est aussi intéressant, donc à la fois pour voir la formation d'étoiles proches,
29:53 même dans un nuage, les étoiles qui se forment au sein d'un nuage, on ne les voit que dans l'infrarouge,
29:58 jusqu'à, dans une galaxie lointaine, toute cette lumière infrarouge qui était mise à cause de la
30:05 formation d'étoiles. Et c'est cette formation d'étoiles qui joue le rôle le plus important,
30:10 qui détermine l'évolution des galaxies. La révolution, c'est surtout de former des étoiles
30:15 plus ou moins dans certains endroits ou dans d'autres. Donc, grand intérêt du sujet,
30:21 donc les Américains et les Européens ont immédiatement décidé que la chose la plus
30:25 intéressante à faire, c'était de faire un vrai observatoire à la rouge, c'est-à-dire avec des
30:30 instruments qui puissent s'arrêter cette fois-ci. IRAS, on vous dit balayer le ciel, tandis que
30:34 quand vous avez un télescope, vous dites je vais regarder ça, puis si je veux avoir beaucoup de
30:39 lumière, je reste une heure dessus, même dix heures dessus si nécessaire, tandis que IRAS ne
30:46 pouvait pas faire ça. Donc là, on voulait un vrai observatoire qu'on puisse mettre sur un objet,
30:50 il restait aussi longtemps qu'on veut. Donc on a décidé de faire, les Européens ont proposé de
30:57 faire ISO avec de nouveau un télescope de 60 cm, c'est-à-dire à peu près la taille de celui
31:01 d'IRAS, la même taille que celui d'IRAS justement, et avec quatre instruments, des vrais instruments
31:08 cette fois-ci, donc un photomètre, une caméra et deux spectromètres. Et moi, j'étais très
31:16 intéressée par les buts scientifiques, je me suis trouvée impliquée plutôt parce que d'abord,
31:21 je voulais que l'Europe sélectionne ce satellite-là parmi d'autres propositions,
31:27 et j'étais dans les comités qui sélectionnaient, donc j'ai poussé dans ce sens et l'ai obtenu.
31:32 Et puis je voulais que la France ait joué un rôle important, et donc j'ai un peu animé la...
31:36 Parce que les Français qui savaient faire de l'infrarouge à l'époque, et il y en avait,
31:40 ils travaillaient dans des objectifs planétaires. Et ils avaient des manips à l'époque, il y avait
31:50 des missions qui allaient dans les planètes, ils étaient très occupés à construire des
31:53 instruments pour les missions planétaires, et du coup, ils n'avaient pas envie de venir
31:56 travailler sur ISO. Donc on se retrouvait avec des compétences en France, mais qui n'étaient
32:01 pas disponibles. Donc c'est comme ça que je me suis trouvée, à force de vouloir animer et pousser
32:11 les gens à le faire et de réunir des gens pour le faire et tout, qu'à la fin ils m'ont tous
32:14 demandé de rester et de prendre la tête de ce projet, alors que moi jusque-là, je faisais de la
32:18 théorie. Ce n'est pas du tout la sorte de chose que je savais faire, mais je suis une bonne
32:25 organisatrice, disons, et en tant qu'organisatrice, ça a bien fonctionné, donc on l'a construit.
32:30 Donc comme le télescope n'était pas très grand, les instruments non plus, vous voyez,
32:33 ils avaient chacun, c'est comme une part de gâteau, comme ça, et les OCAV, ils étaient
32:37 grands comme ça. Voilà, c'est tout. Par rapport aux choses énormes qu'on construit,
32:45 par exemple, pour le VLT ou encore pour l'OLT. Et aussi, on voulait des matrices de détecteurs,
32:55 encore une fois, un petit peu comme les CCD, les Américains savaient déjà en faire,
33:00 mais refusaient d'en exporter. Mais le CEA avait des connaissances parce qu'il avait
33:07 développé des choses de ce type pour les militaires, et donc c'est au CEA, toujours ce
33:13 fameux CEA, qu'on a trouvé un groupe capable de fabriquer des matrices de détecteurs qui ont
33:22 permis d'avoir une caméra. Voilà, donc on a fait ISOCAM et ISOCAM avait donc des buts scientifiques
33:29 dans beaucoup de directions différentes. Comme nous étions les constructeurs, nous avions du
33:35 temps garanti, et on a préparé ce qu'on appelait un programme central, et on a pu avoir trusté un
33:43 peu parmi les résultats principaux dans beaucoup de sujets différents. Moi, celui qui m'intéressait
33:48 le plus, c'était l'évolution des galaxies, donc c'est dont j'ai pris la tête. Donc là encore,
33:55 on ne voyait pas terriblement loin, mais disons qu'on pouvait remonter jusqu'à peu près la moitié
33:58 de l'âge de l'univers actuel. Et en fait, on s'est aperçu que si on regardait l'ensemble
34:08 de la formation d'étoiles dans l'univers, enfin dans cet univers qu'on voyait, ce taux de formation
34:17 d'étoiles avait augmenté énormément quand on allait dans le passé, entre par exemple maintenant
34:26 et la moitié de l'âge de l'univers. Donc, chose que vraiment on ne savait pas avant, puisque cette
34:33 grande formation d'étoiles, encore une fois, il fallait la regarder dans l'œuvre rouge. Et ça a
34:42 été un résultat capital. Après ça, on a pu faire évidemment des instruments. Les Américains sont
34:50 finalement arrivés après nous, mais évidemment avec un satellite beaucoup plus performant,
34:54 un peu plus grand, mais surtout des meilleurs instruments. Ils avaient cette grande avance
34:59 sur les détecteurs. Et plus tard, les Européens ont suivi avec un autre instrument qui s'appelait
35:11 Herschel, un autre satellite qui était aussi dans l'œuvre rouge, mais cette fois-ci pour l'œuvre
35:16 rouge plus lointaine, donc avec un télescope de 6,5 mètres, donc beaucoup plus grand, et qui a
35:22 vraiment, au jour d'aujourd'hui, obtenu les meilleurs résultats dans l'œuvre rouge lointaine,
35:28 très complémentaire de ce qu'on fait avec Alma. Parce que Alma est très loin de pouvoir faire une
35:33 cartographie du ciel. Alma a un tout petit champ, donc il sert pour étudier ça, ça ou ça. Tandis
35:39 que Herschel a pu recenser et apporter des résultats statistiquement valables, justement,
35:45 sur l'évolution des galaxies et la formation des étoiles sur une grande partie de l'univers.
35:52 [SILENCE]
36:02 [SILENCE]