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00:00 Bonjour, je suis Clémence Cambourian, j'ai 24 ans et je travaille aujourd'hui en tant
00:11 que directrice des opérations chez Astréos.
00:14 Alors, quel a été votre parcours d'étudiante ?
00:17 Alors, mon parcours étudiante, j'ai commencé à faire une près-scientifique après mon
00:24 bac.
00:25 Donc, j'ai été en Touraine pour faire une prépa maths-physique qu'on appelait à l'époque
00:30 MPSIMP, je crois que ça a changé depuis.
00:32 Et après le concours des grandes écoles, j'ai intégré l'ESSACA, qui est une école
00:37 spécialisée dans les transports.
00:38 Dans cette école, que j'ai fait dans les Yvelines, j'ai pris la spécialité espace,
00:44 la filière espace, dans laquelle j'ai plutôt eu une formation mécanique sur les aspects
00:49 lanceurs et satellites.
00:50 Une fois ce stage, cette formation établie, j'ai eu l'occasion de faire plusieurs stages.
00:57 Donc, j'en ai fait quelques-uns dans des boîtes de conseil et notamment un stage très
01:02 important pour moi qui a été le stage de fin d'études chez Ariane Group, où j'étais
01:07 dans le bureau des futurs lanceurs.
01:09 Et donc, j'ai travaillé sur des prédimensionnements à la fois pour Ariane 6 et pour les fusées
01:14 qui viendraient après Ariane 6.
01:17 Quel a été votre parcours professionnel ?
01:21 À l'issue de ce stage de fin d'études, c'est tombé en même temps que le Covid,
01:27 donc ce n'était pas forcément un contexte idéal pour trouver un emploi.
01:31 Donc, je suis allée quand même me réfugier dans l'aéronautique.
01:33 J'ai trouvé un travail en bureau d'études en tant qu'ingénieur calcul.
01:37 Et en gros, je faisais des simulations de la CAO, de l'assistance par ordinateur pour
01:44 faire de l'aménagement cabine sur des aéronefs.
01:46 Et juste après cet emploi dans l'aéronautique, j'ai eu l'opportunité de contribuer à
01:54 la création d'Astréos.
01:55 Et donc, ça, c'était début 2021.
01:58 Alors, qu'est-ce que représente Astréos en fait ?
02:01 Donc, Astréos, alors pour ceux qui connaissent, c'est la filiale de Latitude qui s'appelait
02:07 il y a encore peu de temps Venture Orbital Systems.
02:09 Donc, Latitude, c'est une voie qui a été créée en 2019 et il fabrique un micro lanceur
02:13 qui a pour but d'être lancé pour la première fois fin 2024.
02:19 Nous, nous sommes la filiale et nous proposons des services autour du lancement pour n'importe
02:24 quel type d'opérateur.
02:25 Donc, ce que je vais dire par là, c'est qu'on accompagne n'importe quel type de
02:29 projet depuis leur idée de conception d'un satellite jusqu'à leur mise en orbite.
02:34 Donc, ce service, il s'adresse à vraiment tout type de clients.
02:38 On peut avoir des gens qui veulent faire de l'observation de la Terre.
02:40 On a des gens qui font de la connectivité, donc plutôt tout ce qui est Internet of Things,
02:46 le Wi-Fi, éventuellement la localisation.
02:48 On a des gens aussi qui s'intéressent à la biologie, le médical pour les applications
02:51 spatiales mais également terrestres.
02:53 Et on a également des acteurs militaires qui peuvent être intéressés par les CubeSats.
02:57 Et donc, l'idée, c'est qu'on aide toutes ces personnes à récupérer de la donnée
03:01 spatiale.
03:02 Alors, parfois, c'est simplement en leur trouvant un lancement parce qu'ils ont déjà
03:05 toute la chaîne pour faire ça chez eux en interne.
03:07 Et parfois, c'est vraiment pour les aider depuis l'idée et la conception du projet.
03:12 Donc, en passant par la fabrication de la charge utile du satellite, on les accompagne
03:16 sur toutes les démarches légales, administratives jusqu'à la mise en orbite.
03:20 Très bien.
03:22 Alors, avez-vous une rencontre particulière durant votre parcours d'étudiante ou professionnelle,
03:29 même s'il est court, qui vous a influencé pour vous orienter sur une carrière liée
03:34 au spatial ?
03:35 Alors, en effet, j'en ai une que je vais pouvoir mentionner.
03:39 Alors déjà, pour vous placer le contexte, depuis mon adolescence, je participe aux
03:43 rencontres ciel et espace parce que je suis passionnée par l'astrophysique.
03:46 Et donc, ces rencontres ciel et espace, pour ceux qui ne connaissent pas, elles ont lieu
03:49 tous les deux ans à Paris, à la Cité des sciences.
03:52 Et c'est vraiment l'opportunité d'y rencontrer des grands noms, un peu comme Hubert Reeves
03:59 et André Braik quand il y était à l'époque.
04:02 Et donc, ces gens-là font des conférences et à l'issue des conférences, on peut aller
04:06 au stand pour acheter un bouquin, avoir une dédicace.
04:09 Et donc, j'ai eu l'occasion là-bas de rencontrer Aurélien Barraud, qui est donc astrophysicien
04:13 lui-même spécialisé dans les trous noirs.
04:14 Et à l'époque, je voulais vraiment faire un métier très proche du sien.
04:18 Et il a été vraiment très accueillant.
04:21 On a même finalement eu une amitié pendant plusieurs mois à la suite de ça, sur laquelle
04:28 il m'a vraiment parlé de son travail.
04:30 Il me montrait un peu quel était son quotidien.
04:32 Et grâce à ça, je me suis rendu compte que j'adorais vraiment l'astrophysique.
04:37 Je suis même allée jusqu'à faire un semestre d'études à l'étranger pendant mon cursus
04:40 à l'Estaca pour faire six mois d'astrophysique à Liège en Belgique.
04:43 Mais finalement, c'est quand même l'ingénierie spatiale qui a repris le dessus.
04:47 Alors à l'époque, je ne connaissais pas ce métier d'ingénierie spatiale.
04:49 On parlait vraiment plus d'astrophysique.
04:50 Et pour plein de raisons, que ce soit la longueur des études, la reconnaissance du travail,
04:55 la facilité peut-être aussi d'avoir un emploi, je me suis dirigée vers l'ingénierie
04:59 spatiale.
05:00 En effet, parce que le domaine de l'astrophysique, c'est l'équivalent de 10 à 15 % des doctorants,
05:10 une fois le doctorat acquis, qui ont un poste véritablement.
05:13 Et les autres vont faire un post-doc en attendant de trouver un emploi plus sûr.
05:19 C'est vrai que ça peut être compliqué.
05:20 Et aussi en discutant avec ces chercheurs, j'avais vu que la plupart du temps, en fait,
05:24 on fait de la paperasse, de la recherche de financement.
05:27 Et on doit mettre sa passion de côté de temps en temps.
05:30 Donc, ce n'est pas un métier qui est facile.
05:31 Et je suis vraiment reconnaissante, par contre, qu'il y en ait qui aillent vers cette voie.
05:34 Parce qu'il nous faut des gens qui fassent de la recherche.
05:36 Alors, l'apparition des nouveaux lanceurs nous insère inévitablement dans un nouveau
05:47 marché.
05:48 Pouvez-vous nous en dire un peu plus ?
05:50 Oui.
05:51 Alors, déjà, sur le monde des lanceurs, je dirais qu'il y a eu une énorme évolution
05:57 sur les dernières années.
05:58 Et ça va être encore pire, je dirais, aux alentours de 2024-2025.
06:03 Donc, peut-être, je dirais qu'on peut distinguer deux catégories, deux types de lanceurs.
06:08 Donc, il y a les lanceurs qu'on va appeler lourds ou moyens, qui sont vraiment des mastodontes.
06:12 Là, je parle par exemple d'Ariane 6, de Végacé, qui est un petit peu plus petit,
06:17 mais qui est quand même assez balèze.
06:18 On peut parler de Falcon 9 aussi, SpaceX, côté américain.
06:22 Et donc, ce sont des lanceurs qui ont une capacité d'emport vraiment impressionnante.
06:27 On parle de plusieurs tonnes.
06:28 Et donc, ces lanceurs-là, en fait, ils proposent des services en ride-share.
06:32 Pour la plupart des gens qui ont des petits satellites, en fait, c'est l'équivalent
06:35 de faire du covoiturage, un peu comme le BlaBlaCar pour nous.
06:37 Et de l'autre côté du ride-share, on a des gens qui se mettent à développer des
06:43 plus petits lanceurs, qu'on appelle des micro-lanceurs, donc en général inférieurs à une tonne.
06:48 Et donc, ces gens-là, par exemple, Latitude, la fusée Zephyr, elle fait une centaine de
06:53 kilos.
06:54 Le but, c'est de proposer des lancements dédiés.
06:57 Donc, des gens qui sont des satellites qui sont tout petits, en fait, pourraient avoir
07:02 une place principale dans le lanceur, choisir leur orbite.
07:05 Et c'est vraiment peut-être la comparaison entre le train et le taxi, finalement.
07:08 Et ce qui est intéressant avec ces lanceurs, alors la plupart d'entre eux vont avoir
07:15 leur premier vol d'essai d'ici un ou deux ans.
07:18 Il y en a déjà qui l'ont eu et bon, ce n'est pas toujours soldé par un succès dès le
07:23 premier vol, mais ce n'est pas grave, il faut continuer à essayer.
07:25 Et ce qui est intéressant, c'est qu'on va sûrement aller vers un marché assez disruptif
07:29 côté lanceurs, notamment avec SpaceX qui commence à proposer un Starship.
07:34 Donc là, on est vraiment sur un autre type de lanceur.
07:37 Et on peut même imaginer que dans quelques années, on ne sait pas encore ce qui va nous
07:40 tomber dessus, mais il y aura des nouveaux types de lanceurs qui vont remettre à plat
07:44 complètement notre façon d'appréhender le marché aujourd'hui.
07:46 Et le nombre de lancements, est-ce que vous vous mettez sur une prédiction, une organisation
07:55 annuelle sur un nombre de lancements avec Zephyr, par exemple ?
07:58 Oui, alors je n'ai pas les données exactes, mais ce que je sais...
08:04 Il n'y a pas qu'un lancement, en fait, c'est ça ?
08:06 Non, en fait, tout à fait.
08:08 Il y a le premier lancement qui est pour fin 2024 et après, l'idée, c'est de proposer
08:13 jusqu'à une cinquantaine de lancements quand on sera vraiment rodé et qu'il y aura suffisamment
08:18 de stocks et d'industrialisation parce qu'on prévoit qu'il y a énormément de satellites
08:24 qui vont être créés, qui auront besoin d'un lancement et d'un lancement plutôt dédié.
08:28 Donc là, c'est intéressant parce qu'il y a vraiment une complémentarité finalement
08:32 entre ce qui est proposé par des rideshares et les missions transporteurs de SpaceX, notamment.
08:36 On envoie tout le monde à une même orbite et puis après, ils se débrouillent.
08:40 Et on aura des gens qui auront des applications spécifiques qui devront être emmenés à
08:45 d'autres altitudes, d'autres inclinaisons.
08:47 Et là, les micro lanceurs auront vraiment toute leur place.
08:50 Donc, on prévoit une grosse augmentation du nombre de lancements par an, en effet, sur
08:53 ces petits lanceurs.
08:54 D'accord.
08:55 Alors, selon vous, quels sont les avantages de participer au développement du New Space
09:03 en France et plus généralement dans les pays européens en tenant compte, bien entendu,
09:09 de l'existence des grandes groupes et de leur histoire comme Ariane Group, Ariane
09:14 Espace, Safran, Lecnes, Thales, Lesa et Airbus pour n'en citer que quelques-uns ?
09:21 Alors déjà, peut-être pour commencer, je trouve qu'on a une chance extraordinaire
09:27 d'avoir en France un écosystème qui est très divers et très complet.
09:30 Typiquement, alors que ce soit des startups, des PME ou des plus grands groupes, on a des
09:36 entreprises de composants, donc des gens vraiment au niveau composant, on a des fabricants
09:40 de plateformes, on a des gens qui font du courtage en lancement en service, on a des
09:44 lanceurs, plus qu'un, donc ça, c'est super.
09:47 On a aussi des opérateurs de satellites.
09:49 Donc finalement, si on le souhaitait, on pourrait avoir toute cette chaîne de valeur
09:53 totalement indépendante et française.
09:54 Et ces entreprises, pour la plupart du temps, ce sont des startups, elles sont complémentaires
10:00 finalement avec les grands groupes.
10:02 Donc, ces grands groupes, ils sont déjà historiquement présents.
10:04 Il n'est pas question pour les startups d'arriver, de dire c'est fini, c'était une autre ère.
10:09 Non.
10:10 En fait, l'idée, c'est qu'on va être complémentaires parce qu'on ne va pas répondre du tout aux
10:13 mêmes besoins, on ne va pas s'adresser aux mêmes clients.
10:15 Typiquement, si je reprends mon exemple tout à l'heure sur les lanceurs, des gens qui
10:21 vont s'adresser à Arianespace pour avoir un lancement sur Vegas et sur Ariane 6, ce
10:26 n'est pas du tout les mêmes catégories de personnes qui vont s'adresser pour des micro-lanceurs.
10:29 Parce qu'encore une fois, il y a cette histoire de besoins dédiés ou de besoins plus standards
10:35 sur lesquels éventuellement Ariane 6 ou Vegas 6 sera capable de mettre des petites charges
10:39 utiles, sachant que le gros de leur métier, c'est plutôt d'être intéressé par les
10:44 grosses charges utiles que nous ne pourrons pas envoyer.
10:46 Il y a énormément de satellites d'observation.
10:48 Côté ESA, il y a aussi beaucoup de missions où les satellites font la taille d'une voiture,
10:54 d'un bus.
10:55 Ça, aujourd'hui, ce n'est pas du tout envisageable de les envoyer avec des micro-lanceurs.
10:58 En tant que jeune Française à la tête d'Astréos, consciente de l'intérêt du développement
11:07 d'une startup qui vit quotidiennement les difficultés liées au développement économique
11:12 de la startup, mais aussi de la concurrence très rude présente dans le milieu européen,
11:18 comparée aux États-Unis, quel regard expérimenté portez-vous sur plusieurs éléments, dont
11:25 le premier, c'est la création d'emplois ?
11:27 Sur la création d'emplois, je ne peux pas vraiment comparer comme si j'avais vécu longtemps
11:36 de l'autre côté de l'Atlantique.
11:38 Ce que je peux dire, c'est qu'on a énormément d'opportunités de création d'emplois, que
11:42 ce soit aux États-Unis, en France, ou même plus largement en Europe.
11:45 Et notamment depuis le Covid, il y a eu énormément de startups qui ont été créées, ce qui
11:51 veut dire diversification de l'emploi, nouvelle création, nouveau type d'emplois aussi qu'on
11:56 peut proposer aux gens.
11:57 Je me souviens quand j'étais à l'école, et ce n'était pas si longtemps que ça, le
12:01 but principal de tout le monde dans la promo, c'était « il faut intégrer un groupe ou
12:05 il faut intégrer le CNES, sinon on est foutu, il n'y a rien pour nous ». Je caricature,
12:09 mais c'était un peu l'idée qui était derrière.
12:11 Et aujourd'hui, pour ces étudiants, j'ai eu l'opportunité d'aller leur donner cours
12:15 il n'y a pas longtemps, et je leur disais « mais regardez, vous avez une soixantaine
12:19 aujourd'hui d'acteurs en France qui sont prêts à vous accueillir ». Et donc, l'intérêt
12:23 aussi de cette création d'emploi, c'est qu'on peut démarrer avec un emploi en tant
12:26 que je ne sais pas, ingénieur en bureau d'études, et puis on peut finir à gérer une équipe
12:31 où on peut avoir un changement, devenir expert dans une filière technique.
12:35 Et finalement, on observe qu'il y a quand même pas mal de roulements, c'est-à-dire
12:38 que les gens en général, ils restent en poste peut-être deux, trois ans, et puis
12:41 après, soit ils restent dans la même entreprise, mais ils évoluent sur leur poste, ce qui
12:45 est beaucoup plus rapide que si on compare historiquement d'ailleurs avec d'autres
12:48 groupes qui ont fait le même métier pendant longtemps, ou alors ils décident de changer
12:53 d'entreprise au bout de quelques années.
12:54 Donc, c'est beaucoup plus flexible, je dirais, comme approche aujourd'hui.
12:59 Et l'accès, deuxièmement, l'accès à l'emploi, mais aussi la présence concrète
13:06 des femmes dans les startups, ainsi que la diversité ethnique, hommes et femmes, parce
13:12 que c'est aussi des réalités qui sont présentes au sein de notre société.
13:18 Je parle au sein de notre société, en France plus particulièrement.
13:21 Oui.
13:22 Alors, c'est vrai que ce n'est pas une question facile.
13:26 Par rapport à la position des femmes dans ma promo, pour reprendre cet exemple, on était
13:31 4 filles sur 50 personnes, donc ça ne faisait pas beaucoup en termes de ratio.
13:37 Mais aujourd'hui, ou en tout cas, je ne sais pas si c'est juste un constat de ma part
13:42 ou si c'est le cas partout, je côtoie quand même pas mal de femmes dans le spatial au
13:46 quotidien.
13:47 Alors certes, moins, il y a plus d'hommes, surtout sur des niveaux de management ou
13:52 de direction, c'est vrai.
13:54 Mais je trouve qu'on va dans le bon sens, c'est-à-dire que déjà dans les écoles,
13:58 il y a déjà plus de femmes qui s'engagent ou qui arrivent dans les promos, ce qui veut
14:03 dire que plus tard, si elle continue dans le spatial, on aura plus d'employés dans
14:07 ce cas-là.
14:08 Et sur des postes aussi en startup, nous typiquement, je sais qu'il y a…
14:14 Et puis heureusement d'ailleurs, il n'y a aucune différence de fait sur le recrutement,
14:19 sur l'éthique aussi, parce qu'on peut parler des femmes et on peut parler aussi
14:22 des profils internationaux.
14:23 Moi, par exemple, chez Astréo, on est 7 aujourd'hui.
14:27 Sur mes 7 personnes, j'en ai 2 qui sont indiennes et une qui est britannique.
14:31 Donc, ce qui fait qu'aujourd'hui, notre bureau est complètement international et
14:36 tous les échanges, que ce soit à l'écrit ou à l'oral, se font en anglais.
14:40 Donc, je n'ai pas trop ce problème-là dans mon milieu proche, mais en effet, ce
14:44 n'est pas forcément le cas dans toutes les entreprises.
14:47 Il y a encore sûrement des efforts à faire.
14:49 Très bien.
14:52 Alors, concernant, troisièmement, l'accès au financement et les levées de fonds, en
14:59 fait.
15:00 Oui.
15:01 Ce qui est le nerf de la guerre, si je puis dire.
15:04 Complètement.
15:05 Alors ça, je vais pouvoir faire une comparaison pour le coup avec les États-Unis.
15:09 Déjà, le constat, c'est que le spatial français, il est en retard sur le spatial
15:13 américain.
15:14 Mais bon, après, est-ce qu'on peut vraiment comparer ça ? Ils ont commencé plus tôt,
15:17 ils ont plus de moyens, ils sont plus nombreux.
15:18 Cependant, je tiens quand même à préciser que le gouvernement français a mis en place
15:23 pas mal d'initiatives, que ce soit des appels à projets, le plan France Relance, France
15:27 2030, on en parle beaucoup, qui permet d'accélérer nos compétences spatiales et de développer
15:31 des nouveaux projets, que ce soit à l'échelle française ou même à l'échelle européenne.
15:35 Donc là-dessus, je trouve que le gouvernement a su mettre l'accent là où il fallait.
15:42 Alors, il faut maintenir les efforts, ce n'est pas forcément assez, mais c'est déjà un
15:44 très bon point.
15:45 Et la grosse différence qu'il va y avoir avec les États-Unis, c'est sur la prise de
15:49 risque.
15:50 Parce que les investisseurs américains, ils ont cette faculté à pouvoir débloquer des
15:55 fonds assez rapidement et des fonds assez importants pour aider des entreprises, même
16:00 à leur tout début.
16:01 Récemment, typiquement, on a pu observer qu'il y a eu plusieurs échecs de lancements
16:05 aux États-Unis.
16:06 Ce sont des entreprises qui avaient été longuement bâquées par la NASA, par le gouvernement.
16:10 Il y a eu plusieurs contrats qui leur ont permis justement d'aller jusqu'à ce premier
16:13 lancement.
16:14 Et pourtant, ces entreprises, même s'il y a des échecs, elles existent toujours.
16:17 Parce qu'on sait très bien que ce n'est pas parce qu'il y a un premier échec que ça
16:20 ne va pas fonctionner.
16:21 Donc, il y a une appétence au risque qui est beaucoup plus importante aux États-Unis,
16:27 alors qu'en France ou en Europe, si on voulait à niveau égal faire la même chose, il faudrait
16:32 avancer beaucoup plus de démonstrations technologiques pour débloquer le même niveau de privilèges.
16:36 Maintenant, concernant les assurances, puisque dans chaque startup, on a la deuxième chose
16:52 qui vient après la création de la startup, c'est la problématique de l'assurance.
16:57 Comment vous gérez ça et quel regard portez-vous ?
17:02 En ce qui concerne Astréos, il n'y a pas trop de problèmes par rapport à l'assurance
17:09 parce qu'on va être considéré comme un bureau d'études finalement ou un peu comme
17:14 une boîte de conseil.
17:15 Quand il s'agit d'assurer par contre un lancement, c'est là où ça devient intéressant.
17:21 Parce que déjà sur les assureurs, tout le monde ne fait pas de l'assurance spatiale,
17:25 donc ça va être des clauses particulières, étant donné les montants qui sont en jeu.
17:29 Il y a même des entreprises, des assurances qui se réassurent derrière pour être plusieurs
17:33 à assurer le même risque.
17:34 Et si on reste sur cette comparaison avec les États-Unis, je pense qu'en effet, c'est
17:39 pareil.
17:40 Les assureurs ont une appétence au risque qui est plus importante aux États-Unis, donc
17:43 c'est sûrement plus facile d'obtenir de l'assurance pour des premiers lancements
17:47 aux États-Unis qu'en France ou en Europe.
17:49 Et par contre, de façon plus générale, un commentaire sur l'assurance sur la partie
17:53 lancement.
17:54 En ce moment, l'assurance, ce n'est pas terrible, dans le sens où il y a eu beaucoup
18:01 de premiers lancements qui ont été soldés par un échec.
18:03 Et typiquement, en fait, quand on est opérateur français, quand on a un satellite, on est
18:08 obligé d'assurer son satellite en responsabilité civile, donc pour les dégâts que notre satellite
18:13 pourrait causer à d'autres satellites.
18:15 Et cette assurance, il y a un prix qui est fixe, mais c'est un prix qui peut être modifié,
18:22 je dirais, en fonction du contexte politique, en fonction du contexte de chaque pays et
18:27 des lanceurs.
18:28 Et il y a une autre assurance en dommages, donc celle-ci, c'est par rapport à la valeur
18:32 de son satellite, si on veut assurer la valeur de son satellite.
18:35 Celle-ci, elle est clairement dépendante du lanceur que vous allez utiliser.
18:39 Et donc, plus le lanceur est jeune, ou moins il a d'expérience en vol, plus vous allez
18:43 payer cher.
18:44 Et en ce moment, les assureurs, comme ils voient qu'il y a beaucoup d'échecs, ils
18:48 ont clairement augmenté leurs prix et les primes d'assurance que les clients vont payer.
18:53 Donc ça, c'est problématique parce que ça ajoute énormément au coût du projet.
18:57 En fait, c'est un facteur de réussite.
19:00 Oui.
19:01 Le développement, quoi.
19:04 Oui, non mais complètement.
19:06 C'est une chose vitale pour le développement d'une startup, quoi.
19:11 C'est essentiel.
19:12 Et puis de toute façon, c'est cadré par la loi, c'est obligatoire, mais oui, normalement,
19:17 c'est gage aussi de qualité.
19:18 Alors, pour vous, quel est le profil idéal d'une ou d'un dirigeant d'une startup ?
19:31 Je ne pense pas qu'il y ait de profil idéal, déjà, puisqu'on est vraiment…
19:40 Quand je regarde autour de moi, on est tous très, très différents.
19:43 Il y a notamment des dirigeants qui viennent d'une formation ingénieure, il y en a d'autres
19:47 qui viennent d'une formation commerciale.
19:48 On n'a pas du tout le même background.
19:51 Par contre, ce qu'il faut, et ça, je pense que c'est vraiment indispensable pour n'importe
19:55 qui qui voudrait se lancer dans une startup, il faut être polyvalent, il faut être multitâche,
19:58 il ne faut pas hésiter à mettre les mains dedans parce qu'il va y avoir plein de choses
20:02 à faire.
20:03 Il va y avoir de la compta, il va y avoir des finances, il va y avoir le côté opérationnel.
20:08 Il faut savoir un peu tout gérer ou en tout cas apprendre sur le tas à s'auto-former.
20:12 Et il ne faut pas avoir peur de prendre des initiatives aussi.
20:15 Même si ces initiatives, peut-être qu'au début, elles ne seront pas forcément concluantes,
20:20 mais il ne faut vraiment pas hésiter à avoir de l'ambition et ne rien lâcher.
20:24 Très bien.
20:27 Alors, aujourd'hui, quels sont les challenges d'Astréos ?
20:34 Je dirais qu'aujourd'hui, on a trois challenges chez Astréos, en tout cas pour cette année.
20:40 Le premier serait d'emmener nos clients vers leur premier lancement.
20:43 Le deuxième, ce serait de continuer bien sûr à se développer, alors que ce soit
20:48 d'un point de vue financier, apporter des contrats, avoir des subventions éventuellement
20:52 et se développer en ressources humaines, donc augmenter notre capacité à avoir plus
20:57 d'ingénieurs, plus de commerciaux dans le bureau.
20:59 Et puis globalement, le troisième gros objectif, c'est quand même d'être reconnu comme
21:03 une entreprise incontournable du spatial français.
21:06 Ça, c'est notre objectif court-moyen terme.
21:09 Très bien.
21:11 Que conseillez-vous aux jeunes filles intéressées par les sciences en général et le spatial,
21:19 l'aéronautique et l'électronique en particulier ? Pourquoi l'électronique et l'aéronautique
21:26 ? Parce que c'est incontestablement lié au domaine du spatial.
21:31 L'électronique, on en a dans tous les satellites et on a des connaissances qui sont en lien
21:36 incontestablement avec l'aéronautique.
21:38 Là-dessus, je pense que je ne vais pas trop faire de différence du domaine, que ce soit
21:45 dans l'auto, dans l'aéro, dans le spatial, que ce soit dans la médecine et d'ailleurs
21:50 qu'on soit homme ou femme là-dessus.
21:52 Je pense que vraiment la chose clé, c'est de ne pas hésiter à poser des questions.
21:56 Il faut être curieux, il faut se rendre sur des forums, il faut aller à la rencontre
21:59 des professionnels.
22:00 Il y a plein d'événements, plein d'associations, plein de choses qui sont mises en place autour
22:05 de nous un peu partout en France pour justement rencontrer ces nouveaux métiers.
22:09 Il faut maintenir son idée, son cap, il faut aller poser des questions, se renseigner.
22:15 C'est le meilleur moyen d'arriver à ses objectifs.
22:17 Pour finir, les associations sont-elles pour vous une nécessité au sein de notre société
22:26 et pourquoi ?
22:27 Oui, je pense que c'est une nécessité.
22:31 En tout cas, c'est vraiment bienvenu, c'est très utile de vulgariser les sciences, que
22:36 ce soit pour les gens curieux justement, pour faire le lien avec la question précédente,
22:40 ou pour les gens plus expérimentés.
22:41 Il faut mettre à disposition de la société, de tous les milieux, des activités pour pouvoir
22:46 partager sa passion et se renseigner.
22:48 L'accès à la culture, c'est quelque chose de très très important.
22:51 Merci.
22:52 Au revoir.
22:52 [SILENCE]

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