• il y a 8 mois
Avec Cinzia Pasquali, restauratrice d'art.
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😹
Amusant
Transcription
00:00 Qu'est-ce que tu fais là ?
00:07 Je restaure tiens !
00:09 Tu restaures quoi ?
00:10 Je restaure le radeau de la méduse !
00:12 Mais sur le tableau de Géricault, il n'y a jamais eu une méduse !
00:15 Peut-être, mais maintenant il porte bien son nom au moins !
00:17 Et puis il y a de la couleur maintenant, c'est plus gai que ce qu'il y avait tout à l'heure !
00:21 Alors là, disons que je suis médusé !
00:23 Bonjour Cyndia Pasquali, vous êtes restauratrice d'art italienne au sein de l'atelier Arcane que vous avez créé.
00:31 Vous êtes une grande pointure de votre milieu, vous êtes intervenue au hasard dans la galerie des glaces à Versailles.
00:36 Le quotidien de l'art vous a surnommé restauratrice aux Dois d'Or et Caravage, Léonard de Vinci, Bellini, Picasso, Poussin et bien d'autres ont éprouvé ces Dois d'Or.
00:46 Je crois que vous venez d'achever la restauration d'un Delacroix au Louvre et que vous travaillez actuellement sur les pèlerins d'Emmaüs de Rembrandt.
00:54 Quelle émotion est-ce que vous ressentez, Cyndia, quand vous vous attaquez comme ça à un chef-d'œuvre ?
00:59 Alors c'est un travail très technique.
01:02 L'émotion je dirais, on la ressent quand on regarde une œuvre mais pas quand on travaille dessus.
01:09 Au fait, j'ai fait un travail qui est vraiment factuel.
01:13 J'interviens sur la matière, une matière que j'ai mes vertus à nettoyer, conserver pour que la postérité puisse se voir à l'œuvre d'art.
01:23 Et sans cette matière, l'œuvre d'art n'existerait pas.
01:26 Mais il n'y a pas des noms comme Rembrandt ou Léonard de Vinci ? Vous avez une petite appréhension avant ?
01:31 Alors pas d'appréhension, non, pas du tout.
01:33 Après, je suis consciente, on a une responsabilité bien entendu mais sur tout le patrimoine français, je ne dirais pas un auteur connu plus que d'autres.
01:42 Cynthia, votre travail c'est d'être invisible, c'est quoi une restauration ratée ?
01:46 Eh bien, c'est la restauration visible justement.
01:49 Parce que si vous voyez la restauration, plus que vous regardez l'œuvre, il y a un problème des présentations esthétiques.
01:55 Et donc on peut dire que c'est raté, oui.
01:57 Vous avez choisi ce corps de métier pour la proximité avec l'art, avec les œuvres d'art.
02:01 Mais aujourd'hui, vous venez de le dire, vous êtes plus… enfin c'est de la technique ce que vous faites, vous êtes garagiste.
02:06 Vous dites, vous avez des machines d'ingénieurs, caméras de réflectographie infrarouge, néon ultraviolet de grande dimension, microscope binoculaire, c'est très technique tout ça.
02:16 Vous êtes garagiste de Formule 1 en fait.
02:18 Ah, dit comme ça, ça fait peur effectivement.
02:20 Mais on est très technique et très scientifique.
02:22 Donc Restaurators, c'est un bac +5 où on fait beaucoup de chimie, microbiologie, etc.
02:27 Autant que du dessin et de l'histoire de l'art.
02:30 Et donc je dirais que c'est un double profil.
02:32 Et c'est très important pour nous, toute l'approche scientifique, parce qu'on va intervenir sur des choses physiques.
02:39 Et donc il faut bien l'appréhender.
02:41 Il y a un côté innovation aussi ?
02:43 Oui, sans doute.
02:44 C'est un progrès qui s'est accéléré dans les dernières 10 ans, 20 ans, sous la diagnostic avant de toucher l'œuvre.
02:51 C'est-à-dire que quand vous allez, avant de vous faire opérer par un chirurgien, vous faites une série d'analyses.
02:56 Et donc nous on fait pareil pour les œuvres en fait.
02:59 Et vous disiez même que…
03:00 Les analyses médicales.
03:01 Vous n'hésitez pas à investir quoi.
03:02 S'il faut pour une œuvre, vous investissez.
03:04 Absolument.
03:05 Claquer de la thune quoi.
03:07 On s'investit.
03:09 Exactement.
03:10 Je pense que c'est ce qu'ils font aussi les médecins avec les patients.
03:14 Heureusement.
03:15 Vous passez des jours et des nuits avec un tableau qui n'est même pas de vous.
03:19 Vous n'avez pas peur en vrai ?
03:20 Du fantôme, du peintre, de celui de l'œuvre, des gens qui le représentent ?
03:23 Parce qu'il y a travailler dessus, avoir une émotion c'est une chose.
03:26 Mais franchement, moi je serais terrifiée d'avoir ça devant moi tout le temps.
03:31 Ah non, pas du tout.
03:32 Au contraire, moi j'aimerais bien rencontrer tous ces gens qui sont peints pour lui demander
03:36 comment ils ont fait leurs œuvres.
03:38 Mais ça ne m'est jamais arrivé malheureusement de voir un fantôme d'un peintre.
03:42 Mais je ne passe pas les nuits comme un monsieur balangé dans la musée.
03:46 Quelle journée en fait !
03:48 Cynthia, vous avez déjà restauré une œuvre de Nicolas Poussin.
03:50 C'était laquelle ?
03:51 J'ai restauré un carton des abysseries.
03:54 C'est une œuvre peinte mais qui a servi à faire des abysseries.
03:59 C'est la récolte de la manne.
04:01 C'est une partie d'un ensemble d'œuvres que Poussin a partagé avec Charles Hébrun
04:05 sur l'histoire des Moïses.
04:07 D'accord, donc il faisait une peinture pour servir de modèle.
04:10 Exactement.
04:11 Après c'est une œuvre complète.
04:13 C'est une toile, c'est un peinture sur toile.
04:16 Mais ça servait à ça en fait, à tisser une abysserie.
04:20 Vous reconnaissez Aurélien Bélanger ?
04:23 Il n'est pas exposé donc je ne l'ai pas vue.
04:26 C'est plutôt une œuvre de jeunesse non ?
04:28 J'avais dit qu'il n'avait pas d'œuvre de jeunesse.
04:30 En fait, ce n'est pas tout à fait une œuvre de jeunesse.
04:34 Vous êtes terrifié depuis tout à l'heure Aurélien Bélanger.
04:38 Vous vous êtes dit que mon livre entier repose là-dessus.
04:41 Il y a eu une exposition suite à la restauration en 2012 je crois.
04:44 Mais effectivement le mobile national, c'est des énormes cartons en fait.
04:49 C'est des énormes toiles. Les cartons d'abysserie, il n'a pas la possibilité d'exposer tout le temps.
04:53 Aurélien Bélanger, vous avez une question pour Cyndia Pasquali.
04:55 Vous qui vous interrogez beaucoup sur ce qu'on doit faire des œuvres d'art.
04:58 Est-ce que vous pensez qu'on devrait même les restaurer ?
05:00 Je me pose la question parce que ça m'avait frappé notamment à Berlin
05:03 où les tableaux sont très lumineux et je trouve que dans les musées français,
05:06 les œuvres sont plus sombres. Est-ce qu'on restaure assez en France ?
05:08 Non, pas du tout. Je suis d'accord avec vous, moi personnellement.
05:12 Parce qu'effectivement, il y a une…
05:15 Je dirais, déjà Berlin, peut-être que ce n'est pas un exemple à suivre forcément pour la France.
05:25 La France est une politique très réservée sur les restaurations.
05:28 Au Louvre spécialement, parce que, disons,
05:32 toutes les précautions sont prises et puis on intervient sur des œuvres seulement
05:35 quand ils sont dans un état de constitution préjudiciable.
05:38 Il y a un risque pour les restaurateurs, on les laisse noircir pendant ces deux jours.
05:40 C'est vraiment la politique des musées français.
05:42 Il y a des assemblées effectivement qui sont un peu à la traîne sur les restaurations,
05:47 mais c'est une politique, je dirais, qui est structurée comme ça et qui a un sens.
05:52 Et on ne peut pas restaurer tous les tableaux du monde. Il y a des choix à faire.
05:56 Vous vous intervenez un petit peu dans ces choix, Cyndia Pasquali,
05:58 puisque vous avez créé votre propre structure.
06:00 Alors, pas du tout dans les choix de restaurer une œuvre.
06:03 Ça, c'est vraiment le conservateur qui est en charge de cette responsabilité.
06:08 Nous, on lui suggère comment la restaurer et quel est le résultat espéré qu'on peut avoir sur une œuvre.
06:14 Et vous ne vous dites jamais, il faudrait voir comment elle évolue,
06:17 le passage du temps a aussi de la valeur ?
06:21 Alors sûrement. Je veux dire que souvent, on n'enlève pas des choses qui sont liées à son histoire
06:27 ou on ne peut pas rendre réversibles des vieillissements.
06:32 Ça, c'est toujours le cas et c'est pris en compte dans la restauration.
06:36 Vous avez des restaurations de jeunesse ?
06:40 Moi, j'ai commencé à 23 ans. Donc, j'ai des restaurations de jeunesse.
06:45 Parce que là, j'ai un grand espace entre mon âge maintenant et les 23 ans que j'avais autrefois.
06:51 Mais j'ai commencé, je suis rentrée à l'école de restauration à 19 ans.
06:56 C'est une spécialité italienne la restauration d'art ?
07:00 Alors, ce n'est pas une spécialité italienne, mais en Italie, on a créé la première école de restauration des années 1930
07:08 et en France, c'est les années 1970.
07:11 Donc, vous voyez, on a beaucoup plus de patrimoine aussi archéologique
07:15 et donc, on s'est intéressé un peu plus tôt des façons sous-tourées.
07:19 Quelle œuvre a été pour vous la plus difficile à restaurer, Cyndia Pasquali ?
07:22 Celle qui vous a posé le plus de défis ?
07:25 Alors, du défi technique, chaque œuvre a les siennes.
07:29 Je dirais le contexte le plus particulier, c'est sûrement la Sainte-Anne de Léonard d'Evincy.
07:35 Du fait de la tension des publics et de la médiatisation, plus que de la chose technique.
07:41 Les difficultés techniques, je pense qu'elles sont tellement toutes différentes
07:45 que c'est difficile de faire un livre pareil, vous voyez, de la difficulté.
07:49 Mais disons, du contexte, c'est sans doute celle qui a été la plus compliquée à gérer.
07:54 Parce que les gens jugent, parce que les gens commentent, parce que les gens ont des avis ?
07:57 Alors ça, c'est plutôt un bien. Je pense que c'est normal que les gens s'intéressent au patrimoine.
08:02 C'est même souhaitable qu'ils donnent leur avis.
08:04 Maintenant, c'est un avis qui n'est pas un avis, je dirais, d'un initié.
08:09 On ne peut pas donner tout le temps des avis sur des domaines,
08:13 comme par exemple sur l'opération qui est Urgien, on peut avoir un avis.
08:16 Mais c'est un avis qui n'est pas vraiment un avis pertinent, parfois.
08:21 Mais pour l'intérêt que portent les gens à ces œuvres-là, je trouve ça très souhaitable de la part du public.
08:30 Vous dites d'ailleurs que c'est assez particulier en France et en Italie,
08:32 cet attachement des gens aux œuvres d'or qu'on ne trouve pas forcément ailleurs.
08:36 Une dernière question, Aurélien Bélanger, pour Cinzia Pasquali ou non ?
08:41 Vous resterez sur place ou vous les emmenez chez vous ?
08:43 Alors, les œuvres de Louvre ne sortent pas de l'enceinte de Louvre.
08:47 On a un service de restauration qui s'appelle l'Estudio Remef,
08:50 qui est le centre de recherche et de restauration de l'Université de France,
08:53 qui est rattaché au Louvre, dans le palais de Louvre.
08:57 Les œuvres de Louvre sont restaurées là-dedans.
08:59 Et le public peut y assister ?
09:01 Non, pas du tout.
09:03 Pas du tout, mais ça arrive de faire des choses en public.
09:06 On a fait des restaurations en public.
09:09 Les publics trouvent ça très intéressant.
09:11 Les noces de cana, c'était en public ?
09:13 Non, je ne crois pas.
09:15 Moi, j'ai fait par exemple un fresque à Zédié Boulod, Jacques Marrondré, en public.
09:20 Et tous les jeudis, les gens pouvaient poser des questions.
09:24 Parce que s'ils posent des questions tout le temps, vous ne travaillez plus.
09:27 C'est le problème avec le public.
09:29 Et donc ce jour-là, vous vous maquillez spécialement ?
09:31 Vous avez un peu de restauration sur vous-même à faire ?
09:34 Les femmes, ça se restaure très bien.
09:37 Au revoir, Cinzia Pasquali.
09:39 Merci beaucoup.
09:40 Je rappelle que vous êtes restauratrice d'art, spécialisée dans les peintures de la Renaissance,
09:43 au sein de l'atelier Arcanes que vous avez créé.
09:46 C'est à Paris.
09:47 En ce moment, vous travaillez sur un Rembrandt,
09:49 "Les pèlerins d'Emmaus" au musée Jacques Marrondré.
09:52 (Générique)

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